Le Québec a connu un chômage structurel élevé pendant des décennies, mais connaît depuis 2017 le chômage le plus faible du Canada. Certaines régions du Québec sont désormais presque en situation de plein emploi, notamment en dehors de l’agglomération de Montréal. De nombreux secteurs d’activité font désormais appel à l’immigration à cause d’une rareté de main d’œuvre, que ce soit via des immigrants permanents ou des travailleurs temporaires recrutés de l’étranger. Les employeurs souhaitent que le gouvernement du Québec facilite cette procédure de recrutement, mais ils ne sont pas encore prêts à participer aux dispositifs d’intégration des immigrants qu’ils engagent. Or les besoins de main d’œuvre du Québec ne peuvent pas être déconnectés de l’intégration des immigrants dans la société et cette intégration passe en premier lieu par les employeurs.
L’immigration au Québec est une des plus sélectionnées et qualifiées des pays de l’OCDE et du Canada. Les deux tiers des immigrants ont un niveau d’éducation élevée, soit deux fois plus que dans la plupart des pays d’Europe occidentale ou des états des États-Unis. Ce haut niveau de diplôme n’est pas suffisant pour bien s’insérer sur le marché du travail. Le taux d’emploi des immigrants ayant un haut niveau d’éducation est ainsi inférieur à celui de leurs homologues natifs et près d’un immigrant sur deux est surqualifié au Québec, un des niveaux les plus élevés de l’OCDE. Si les difficultés d’insertion professionnelle et de salaires sont moindres que dans le reste de l’OCDE, elles touchent toutes les catégories d’immigration, quel que soit leurs diplôme et région du Québec. Les immigrants familiaux ou réfugiés ont un taux de chômage supérieur à ceux des natifs du Québec en 2016 (autour de 11 % contre 6.6 %), et c’est même le cas des immigrants économiques (9.6 %). Le système de sélection semble ne pas répondre correctement aux besoins locaux du marché du travail.
Le système de sélection ARRIMA, récemment mis en place par le Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), devrait permettre aux employeurs d'avoir accès aux caractéristiques socioprofessionnelles des personnes ayant déposées une déclaration d'intérêt pour immigrer au Québec. Toutefois, les éléments de fonctionnement du système de sélection ne sont pas encore suffisamment clarifiés. S’il devait bien donner la priorité aux immigrants ayant une offre d’emploi validé en région, il faudrait aussi trouver des moyens de les inciter à rester.
Une sélection plus adaptée pourrait aider à améliorer l’intégration des immigrants au Québec, mais les barrières à l’intégration sont le vrai défi à relever. La maîtrise du français est fondamentale, mais les immigrants n’ont pas facilement accès à des cours de français adaptés à leurs besoins individuels précis, notamment en régions. De plus, maîtriser la langue française ne suffit pas. Savoir parler les deux langues officielles du Canada donne ainsi un avantage en taux d’emploi de 12 points de pourcentage pour les immigrants récents. Les difficultés à faire reconnaître ses diplômes étrangers sont un autre obstacle. La procédure est peu connue et les professions réglementées ont toutes leur propre système complexe, validé seulement partiellement dans la moitié des cas. Enfin, les habitudes professionnelles des immigrants peuvent entraîner une incompréhension sur le lieu de travail et la formation à la compréhension interculturelle et à la lutte contre la discrimination est insuffisamment financée.
Les formations d’aide à l’intégration restent globalement peu adaptées, insuffisantes ou rigides. Seul un tiers environ des acteurs locaux consultés connaissent l’existence d’initiatives d’aide à l’entrepreneuriat ouvertes aux immigrants. Les cours de francisation ne sont financés par le Québec que quand une « masse critique » d’élèves est atteinte, ce qui limite leur accessibilité. Les acteurs associatifs locaux, qui gèrent les programmes d’intégration, proposent une offre abondante de services, mais ils sont contraints par le cadre prévu par les financements gouvernementaux, alors que souplesse, flexibilité et innovation sont nécessaires pour mieux s’adapter aux besoins locaux. Par ailleurs, les programmes d’intégration sont rarement coordonnés, car les acteurs locaux sont en même temps en coopération et en compétition tandis que les ministères définissent leurs objectifs de manière séparée.
Pour attirer et retenir les immigrants dans tout le Québec, améliorer l’intégration dans l’emploi n’est pas suffisant. Les communautés locales doivent également proposer des infrastructures d’intégration sociale (santé, logement, petite enfance, transport…), pour le nouvel arrivant et sa famille. Le manque d’infrastructure est un problème notable et plusieurs régions du Québec perdent de la population immigrante active. Pour une meilleure répartition, les programmes de régionalisation de l’immigration doivent être renforcés. Surtout, il faut réussir à diminuer les départs du Québec vers le reste du Canada, qui représentaient une perte d’au moins 4 % de la population immigrante d’âge actif dans près de la moitié des régions entre 2011 et 2016.
Le Québec n’est pas suffisamment compétitif pour les talents et les entreprises à forte valeur ajoutée. La demande en compétence des entreprises et la productivité sont plus basses que dans la plupart du Canada et des États-Unis. La part de diplômés du supérieur reste faible en comparaison internationale. De plus, le niveau des compétences de base des Québécois et leur utilisation au travail sont un des plus faibles au Canada et dans les pays de l’OCDE. Il est également urgent d’agir face aux changements technologiques qui s’annoncent, 45 % des emplois risquant d’être automatisés.
Afin de remédier véritablement au problème d’intégration et de maintien des immigrants, il est recommandé de mettre en œuvre une stratégie pour rendre le Québec globalement plus compétitif. Cette stratégie doit pouvoir agir à la fois sur la demande de compétences, et favoriser l’innovation dans les entreprises de toutes tailles. Utiliser l’immigration comme levier de l’innovation pourrait bien être nécessaire pour résoudre le défi de l’attractivité du Québec.