Abstract

La présente synthèse contient une analyse des effets à long terme de la pandémie de COVID-19 et des mesures publiques de relance économique adoptées pour y faire face sur l’environnement. Elle fait le lien entre des chocs sectoriels et régionaux sur l’économie jusqu’en 2040 et une série de pressions sur l’environnement, dont les émissions de gaz à effet de serre ou de polluants atmosphériques, l’utilisation de matières premières et les changements d’affectation des terres.

La réduction à court terme de ces pressions est notable. Il ressort des projections qu’au fil du rétablissement progressif de l’économie, les émissions augmentent de nouveau, leur progression retrouvant le rythme indiqué par les projections de référence antérieures au COVID. Cependant, on constate un effet à la baisse (potentiellement permanent) sur les niveaux de pressions environnementales de 1 à 3 %, avec des effets plus larges sur les pressions liées aux activités économiques à forte intensité de capital.

 
Résultats clefs
  • La pandémie de COVID19 et les mesures de relance ont des effets notables, à court et long termes, sur l’activité macroéconomique et sur la structure de l’économie. Cette dernière détermine en grande partie la variation des pressions environnementales découlant des effets économiques.

  • La diminution à court terme des pressions sur l’environnement est importante : les émissions liées à l’énergie ont baissé de 7 %, les pressions en rapport avec l’agriculture moins sensiblement (environ 2 %). Le recul de l'utilisation de minerais non métalliques, dont les matériaux de construction, est à deux chiffres.

  • L’évolution à long terme des pressions sur l’environnement sera extrêmement tributaire des facteurs économiques qui les déterminent et des impacts régionaux. Certains secteurs, comme l’industrie manufacturière et la construction, sont plus touchés que d’autres, tel que l’agriculture. Les écarts régionaux sont importants également, les répercussions à long terme étant sensibles par exemple en Inde.

  • À long terme, les projections font état d’un effet à la baisse - potentiellement permanent - sur le niveau des pressions environnementales, chiffré entre 1 et 3 % selon l’indicateur. Une reprise lente peut doubler ces impacts.

La présente synthèse porte sur les effets de la pandémie de COVID-19 et des mesures de relance économique sur les pressions environnementales. Les conséquences à moyen et long termes sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), celles de polluants atmosphériques, l’utilisation de matières et les changements d’utilisation des terres ont été projetées à l’aide du modèle à grande échelle ENV-Linkages, qui met en relation l’activité économique et les pressions exercées sur l’environnement. Les chocs liés au COVID sont fondés sur une évaluation, en date du mois d’avril 2021, des chocs subis par le PIB, le chômage, la productivité du travail, les obstacles aux échanges, les programmes d’aide destinés aux entreprises et aux ménages, et la‑ demande finale, à partir de données et de prévisions de l’OCDE (2020[1] ; 2021[2]), du FMI (2021[3]), de l’AIE (2020[4]) et d’Arriola et Van Tongeren (à paraître[5]). Dellink et al. (2021[6]) donnent plus de précisions sur la méthode et les résultats.

 Le COVID-19 a des effets durables sur la structure de l’économie

La structure de l’économie détermine en grande partie la variation des pressions environnementales découlant des effets économiques de la pandémie. Généralement, les activités de services, qui figurent parmi les plus gravement touchées par la pandémie (Graphique 1), engendrent moins d’émissions et consomment moins de matières premières que la plupart des activités industrielles. Ceci suggère que la diminution globale des pressions environnementales observée à court terme est plus faible que la baisse du PIB. Les incidences sur la demande d’énergie fossile, qui joue sur les émissions de GES et de polluants atmosphériques, sont considérables, notamment à cause des effets des mesures de confinement sur les transports. La demande d’électricité diminue également, en particulier dans les processus de production, du fait de la fermeture temporaire des entreprises, mais dans une moindre mesure que la consommation de carburant. Les activités de construction sont parmi les plus touchées à court terme, tandis que la transformation des métaux se ressent surtout du recul de la demande, par exemple dans la construction et dans la production de véhicules automobiles. Le secteur pharmaceutique est le seul à avoir accru sa production, la demande ayant grimpé en flèche. Toutefois, à moyen terme, l’effondrement généralisé de la croissance économique le tire vers le bas lui aussi, mais il continuera probablement de mieux se porter que les autres branches du secteur manufacturier.

À plus long terme, les secteurs agricoles et des services devraient connaître un redressement plus rapide et plus complet que les industries manufacturières. Cela tient à l’intensité capitalistique de ces secteurs (et au fait que les aliments soient des produits de base) : à court terme, les effets négatifs les plus importants sont observés dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre (étant donné que la productivité du travail est directement touchée), tandis qu’à longue échéance la situation s’inverse (en raison des répercussions sur l’accroissement du capital).

 
Graphique 1. La pandémie et les mesures de riposte modifient la structure de l’économie mondiale
Écarts par rapport aux projections de référence pré-COVID

Source : modèle ENV-Linkages.

 Les effets à long terme sur l’environnement sont plus amples que les répercussions macroéconomiques

Les pressions sur l’environnement qui sont principalement liées à la consommation d’énergie ont connu un brusque recul en 2020 (7-8 %), suivi d’une remontée graduelle à 2-3 % en dessous de la projection de référence pré-COVID. Elles comprennent les émissions de GES (Graphique 2, en haut à gauche), celles d’oxyde d’azote (NOx) et de dioxyde de soufre (SO2) (Graphique 2, en haut à droite) et la consommation de matières fossiles (Graphique 2, en bas à gauche).

Les conséquences sont moindres sur les émissions de polluants atmosphériques, l' de matières et les changements d’affectation des terres en rapport avec l’agriculture, tant à court qu’à long terme : parmi les polluants atmosphériques, c’est l'ammoniac (NH3) dont les émissions varient le moins ; dans le cas de la consommation de matières, les ressources biotiques sont moins concernées ; et s’agissant des changements d’affectation des terres, l’évolution des superficies cultivées est très limitée (Graphique 2, en bas à droite). À court terme, les surfaces consacrées aux cultures (superficie cultivée) sont plus ou moins fixes, et du fait du rebond relativement rapide de la demande alimentaire, les changements d’affectation des terres restent très proches des niveaux de référence. Les effets sur la foresterie étant modestes également, cela implique que la biodiversité et les services écosystémiques ne bénéficieront probablement pas beaucoup de la réduction de l’activité économique.

 
Graphique 2. L’évolution des pressions environnementales dans le monde est extrêmement tributaire des facteurs économiques qui les déterminent
Écarts par rapport aux projections de référence pré-COVID

Source : modèle ENV-Linkages.

Les autres pressions sur l’environnement n’obéissent pas aux mêmes facteurs économiques et les incidences qui s’exercent sur elles ont un profil différent. Les émissions de particules (PM2.5), qui comprennent le carbone noir et le carbone organique, sont liées aux transports (très touchés) et aux activités résidentielles (moins touchées), entre autres. L'utilisation de métaux est en rapport avec les activités industrielles, qui subissent des répercussions moins lourdes à court terme, mais qui commencent peu à peu à se porter moins bien que d’autres secteurs (le recul est très modique dans l’immédiat, mais s’amplifie au fil du temps). Dans le cas des minéraux non métalliques, les effets sont liés au fort recul des activités de construction en 2020.

 Les effets sur les pressions environnementales varient considérablement d’une région à l’autre

L’évolution des pressions environnementales à l’échelle régionale obéit à la conjoncture macroéconomique à cette même échelle et aux modifications structurelles de l’économie (Graphique 3). En ce qui concerne le changement climatique, les différences régionales sont sans incidences, puisque les GES émis se mélangent uniformément dans l’atmosphère. En revanche, du point de vue de la pollution atmosphérique, les différences régionales ont des effets notables sur la qualité de l’air à l’échelle locale. À court terme (2025, comme indiqué dans la partie A), la pandémie et les mesures de reprises économique entraînent une réduction des pressions sur l’environnement à l’échelle régionale, ou au moins des émissions de GES et de l’utilisation de matières, plus franche que le recul de l’activité économique dans presque tous les pays. En grande partie due aux effets sur le système énergétique national, la forte diminution des émissions de GES et de l’utilisation de matières en Inde est frappante. En 2040 (partie B), les pertes économiques et la réduction des pressions environnementales sont partiellement effacées partout, mais certains bénéfices environnementaux importants persistent, en particulier dans les pays non membres de l’OCDE. Dans la zone de l’OCDE, la baisse des émissions de GES et de l'utilisation de matières reste plus forte que les impacts sur le PIB, ce qui implique que les économies concernées se spécialisent un peu plus dans les secteurs relativement propres suite à la pandémie de COVID-19 et des mesures de relance.

 
Graphique 3. Les effets sur les pressions environnementales varient beaucoup d’une région à l’autre
Écarts par rapport aux projections de référence pré-COVID

Note : pour une explication de l’agrégation régionale, voir l’Annex A.

Source : modèle ENV-Linkages.

 Une reprise plus lente accroît les effets à long terme sur l’économie et l’environnement

La vitesse à laquelle les différentes économies se remettront de la pandémie est très incertaine, tout comme les effets à moyen terme. Si le rebond du PIB est plus lent (des précisions sur les hypothèses retenues dans le scénario sont fournies dans Dellink et al. (2021[6])), les répercussions économiques dureront beaucoup plus longtemps dans tous les pays. De plus, en 2025, les écarts sont particulièrement importants dans les pays où les projections font état d’un rétablissement plus rapide (Graphique 4, à gauche). En valeur absolue, une reprise lente suppose que la diminution du PIB de l’Inde reste très élevée, car le préjudice plus important subi par l’économie mondiale est dommageable surtout pour les grands exportateurs comme ce pays ou la Chine. En outre, elle touche tous les secteurs, quoiqu’inégalement.

 
Graphique 4. Une reprise lente cause plus de torts à certaines économies et certains secteurs qu’aux autres
Écarts par rapport aux projections de référence pré-COVID

Note : pour une explication de l’agrégation régionale, voir l’Annex A.

Source : modèle ENV-Linkages.

Ce redressement plus lent creuse par ailleurs l’écart entre les secteurs s’agissant des effets sur les niveaux de production (Graphique 4, à droite). Les conséquences sur les pressions environnementales liées aux secteurs à forte intensité capitalistique, à savoir l’énergie et les industries manufacturières, persistent plus longtemps que celles qui sont associées par exemple à l’agriculture (Graphique 5). Néanmoins, le principal effet d’une reprise plus lente est une réduction de l’activité macroéconomique à moyen terme et, parallèlement, une diminution des pressions sur l’environnement.

 
Graphique 5. À l’échelle mondiale, les effets à long terme sur l’environnement sont deux fois plus sensibles si la reprise est lente
Écarts par rapport aux projections de référence pré-COVID

Source : modèle ENV-Linkages.

 Pour terminer

Les résultats présentés dans ce rapport sont empreints de grandes incertitudes. Les impacts de la pandémie sur l’activité économique dans les différents secteurs ne sont pas encore clairement établis. Par ailleurs, de nombreux pays n’ont pas encore défini leurs programmes de relance. De surcroît, bien que le lancement des campagnes de vaccination diminue le risque de prolongation de la pandémie, on ignore encore à quelle vitesse se produira le « retour à la vie normale ».

Si de nombreux pays ont annoncé que leurs plans de relance seraient "verts", le modèle ne prévoit pas de soutien spécifique aux biens et services environnementaux. De fait, il conviendrait d’étudier plus en profondeur dans quelle mesure les programmes de relance orientent l'aide publique vers certains secteurs importants pour l’environnement.

Enfin, cette synthèse porte sur les conséquences des chocs dus au COVID-19 pour les pressions environnementales. L’évaluation des conséquences sur la qualité de l’environnement à l’aide d’indicateurs allant des concentrations de GES et de particules à la montée du niveau des mers, en passant par la mortalité liée à la pollution atmosphérique, la biodiversité et les services écosystémiques, dépasse le cadre du présent document.

Références

[4] AIE (2020), World Energy Outlook 2020, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/557a761b-en.

[5] Arriola, C., P. Kowalski et F. Van Tongeren (à paraître), Assessment of the Covid-19 pandemic: insights from the METRO model.

[6] Dellink, R. et al. (2021), « The long-term implications of the Covid-19 pandemic and recovery measures on environmental pressures: A quantitative exploration », OECD Environment Working Papers, n° 176, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/123dfd4f-en.

[3] FMI (2021), Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale, janvier 2021, Fonds monétaire international, Washington, D.C., https://www.imf.org/fr/Publications/WEO/Issues/2021/01/26/2021-world-economic-outlook-update.

[2] OCDE (2021), Perspectives économiques de l’OCDE, Rapport intermédiaire, mars 2021, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/01954fa3-fr.

[1] OCDE (2020), Perspectives économiques de l’OCDE, Volume 2020 Numéro 2, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/8dd1f965-fr.

[8] OECD (2018), Good Jobs for All in a Changing World of Work: The OECD Jobs Strategy, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264308817-en.

[9] OECD (2014), « The crisis and its aftermath: A stress test for societies and for social policies », dans Society at a Glance 2014 : OECD Social Indicators, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/soc_glance-2014-5-en.

[7] OECD (2010), OECD Employment Outlook 2010: Moving beyond the Jobs Crisis, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/empl_outlook-2010-en.

Annexe A. Régions du modèle ENV-Linkages

 

Macrorégions

Pays et régions du modèle ENV-Linkages

Principaux pays et territoires inclus

OCDE

OCDE Amérique

Canada

Canada

États-Unis

États-Unis

Autres OCDE Amérique

Chili, Colombie, Costa Rica, Mexique

OCDE Europe

OCDE UE22

Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie, Suède

Autres OCDE Europe

Islande, Israël1, Norvège, Royaume-Uni, Suisse, Turquie

OCDE Pacifique

Australie et Nouvelle-Zélande

Australie, Nouvelle-Zélande

OCDE Pacifique

Corée, Japon

Non OCDE

Autres Amérique

Autres Amérique latine

Pays d’Amérique latine et des Caraïbes non membres de l’OCDE

Eurasie

Autres UE

Bulgarie, Chypre2, Croatie, Malte, Roumanie

Autres Europe et région caspienne

Pays européens et de la région caspienne non membres de l’OCDE, y compris la Fédération de Russie

Moyen-Orient et Afrique

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Iraq, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Oman, Qatar, République arabe syrienne, République islamique d’Iran, Sahara occidental, Tunisie, Yémen

Autres Afrique

Afrique subsaharienne

Autres Asie

Chine

République populaire de Chine, Hong Kong (Chine)

Inde

Inde

Autres pays d’Asie non membres de l’OCDE

Autres pays d’Asie et du Pacifique non membres de l’OCDE

Note :

1 Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

2 Note de la Turquie : Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Île. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».

Note : La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.

Personne à contacter

Rob DELLINK (✉ rob.dellink@oecd.org)

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