13 mai 2020

 

Abstract

Cet exposé général s’intéresse à la contribution des médecins et des infirmiers migrants aux systèmes de santé de l’OCDE et à la manière dont les pays de l’OCDE ont adapté leurs approches de la reconnaissance des diplômes étrangers afin de faire appel à des médecins et des infirmiers supplémentaires formés à l’étranger face à l’épidémie de COVID-19. Il met également en évidence les éventuelles répercussions sur les pays d’origine de ces travailleurs, qui rencontraient déjà, pour certains, de graves pénuries de professionnels de santé qualifiés avant la pandémie de COVID-19, et souligne la nécessité d’une réponse globale à la pénurie mondiale de personnels de santé.

 Les médecins et infirmiers étrangers représentent un atout majeur pour les systèmes de santé de nombreux pays de l’OCDE

La disponibilité d’un nombre suffisant de professionnels de santé qualifiés et motivés est essentielle au fonctionnement de tout système de santé, et la pandémie actuelle de COVID-19 en est une nouvelle illustration. En plus d’attirer l’attention sur l’importance du rôle et du dévouement des professionnels de santé sur le terrain, la crise du COVID-19 met également en évidence le problème profondément ancré des pénuries de personnels ainsi que la contribution indéniable des médecins et infirmiers migrants aux personnels de santé dans de nombreux pays de l’OCDE.

Pendant la pandémie de #COVID‑19, de nombreux pays de l’OCDE ont reconnu l’importance du rôle des #personnels de santé migrants et adopté des mesures afin de faciliter leur arrivée et la reconnaissance de leurs qualifications

Alors que le nombre de diplômés des écoles de médecine et d’infirmier a largement augmenté dans la majorité des pays de l’OCDE au cours des vingt dernières années, les pourcentages de médecins et d’infirmiers formés à l’étranger ou nés à l’étranger ont également poursuivi leur augmentation (OCDE, 2019[1]). Par conséquent, sur l’ensemble des pays de l’OCDE, près d’un quart de tous les médecins sont nés à l’étranger et près d’un sur cinq est formé à l’étranger. Parmi les infirmiers, près de 16 % sont nés à l’étranger et plus de 7 % sont formés à l’étranger (Tableau 1).

La part des médecins formés à l’étranger va de moins de 3 % dans certains pays de l’OCDE, à près de 40 % en Irlande, en Norvège ou en Nouvelle-Zélande, et atteint près de 60 % en Israël. Toutefois, ces médecins formés à l’étranger ne sont pas tous étrangers. Dans certains des principaux pays de destination (par ex. Israël et la Norvège), un grand nombre d’entre eux (plus de la moitié dans le cas de la Norvège) sont des individus nés dans le pays et partis étudier à l’étranger avant de rentrer dans leur pays (OCDE, 2019[2]). Dans la majeure partie des pays de l’OCDE, la part des infirmiers formés à l’étranger est inférieure à 5 % mais, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Suisse, cette proportion atteint entre 20 et 25 %.

En ce qui concerne les médecins nés à l’étranger, leur proportion varie de moins de 2 % en République slovaque à plus de 50 % en Australie et au Luxembourg. Quant à la proportion d’infirmiers nés à l’étranger, elle est non significative statistiquement en République tchèque et en République slovaque, mais supérieure à 30 % en Australie, en Israël et en Suisse. Dans presque tous les pays de l’OCDE, le nombre de médecins et d’infirmiers nés à l’étranger est supérieur au nombre de ceux qui ont été formés à l’étranger, ce qui indique que les pays de destination offrent une formation aux migrants qui sont arrivés jeunes ou dans le but de poursuivre leurs études. De plus, la migration des médecins et des infirmiers s’inscrit dans un contexte de tendances migratoires plus importantes, notamment sur fond d’une hausse de la migration générale des personnels qualifiés. En effet, la proportion de migrants au sein de la population globale de l’OCDE diplômée de l’enseignement supérieur (15+) avoisine les 20 %, en moyenne, une donnée comparable aux 24 % de médecins nés à l’étranger (d’Aiglepierre et al., 2020[3]).

Au cours de la pandémie de COVID-19, de nombreux pays de l’OCDE qui s’appuyaient déjà sur des professionnels de santé migrants ont reconnu une fois de plus l’importance de leur rôle et ont adopté des mesures afin de faciliter leur entrée sur le territoire et la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles.

Des migrants prennent soin de nous – 16 % des infirmiers de l’OCDE sont nés à l’étranger

 
Tableau 1. Nombre et proportion de médecins et infirmiers migrants exerçant dans les pays de l’OCDE

 

Médecins migrants

Infirmiers migrants

Formés à l’étranger

(dont des natifs)1

Nés à l’étranger

Formés à l’étranger

(dont des natifs)1

Nés à l’étranger

 

nombre

% du total

nombre

% du total

nombre

% du total

nombre

% du total

Australie

29 000 (333)

32.1 (0.4)

47 154

53.9

52 860 (815)

18.4 (0.3)

104 272

35.3

Autriche

2282 (399)

6.0 (1.0)

5 2 251

14.2

..

..

18 779

19.6

Belgique

8061

12.1

6 174

15.7

7889

3.7

15 281

11.2

Canada

24 587

24.6

38 780

38.5

32 346

8.1

92 530

24.4

Chili

11 038 (2030)

22.7 (4.2)

..

..

1135 (196)

2.0 (0.4)

9532

7.9

République tchèque

3232

7.4

4 110

9.7

..

..

2600

2.7

Danemark

2111

9.2

3 904

21

1034

1.8

4 1732

6.7

Estonie

262

3.9

742

14

20

0.1

1304

14.3

Finlande

..

..

1917

9.5

..

..

2722

3.6

France

26 048 (715)

11.5 (0.3)

31 2271

15.7

20 757

2.9

40 329

6.6

Allemagne

419 343

11.9

78 907

20.2

71 000

7.9

217 998

16.2

Grèce

836742 (7 832)

12.8 (12.0)

2 103

4.2

451 (416)

2.5 (2.3)

3221

6.1

Hongrie

2614 (400)

8.0 (1.2)

3 761

11.2

953 (17)

1.5 (0.0)

2238

4

Irlande

9583

41.6

5 565

41.1

..

..

13 778

26.1

Israël

17 133 (6 963)

57.9 (23.5)

13 753

48.7

5078 (2 125)

9.3 (3.9)

19 946

48

Italie

3378 (1 443)

0.8 (0.4)

10 163

4.3

21 561 (458)

4.8 (0.1)

41 935

10.7

Lettonie

477

6

1 197

17.4

274

3.2

1334

16.6

Lituanie

72

0.5

..

..

113

0.4

..

..

Luxembourg

..

..

1 103

55

..

..

900

29.1

Pays-Bas

1336 (483)

2.2 (0.8)

11 247

17.1

978 (249)

0.5 (0.1)

11 643

6.2

Nouvelle Zélande

7228

42.5

..

..

13 115

26.2

..

..

Norvège

10 248 (5 492)

40.3 (21.6)

5 082

22.7

6065 (1 121)

8.7 (1.2)

12 418

12.1

Pologne

2549

1.9

..

..

162

0.1

..

..

Portugal

6229 (2 865)

12.2 (5.6)

3 508

9.9

1212

1.8

6637

10.8

République slovaque

..

..

153

1.2

..

..

186

0.4

Slovénie

1085 (147)

16.9 (2.3)

..

..

27

0.4

..

..

Espagne

..

..

25 8 751

13.7

..

..

10 302

4

Suède

14 195 (2 117)

34.8 (5.2)

15 372

30.5

3269

3

14 455

13.1

Suisse

12 570

34.1

23 438

47.1

18 403 (1 387)

25.9 (2.0)

32 264

31.6

Turquie

262 (223)

0.2 (0.2)

..

..

456 (397)

0.3 (0.3)

..

..

Royaume-Uni

51 115

29.2

86 866

33.1

104 365 (294)

15.1 (0.0)

151 815

21.9

États-Unis

215 630

25

289106

30.2

196 2303

6.7

691 134

16.4

TOTAL OCDE

587 933

18.2

716 432

24.2

558 343

7.4

1523 726

15.8

27 pays

26 pays

22 pays

27 pays

Note : Les données les plus récentes datent de 2017/18 (ou l’année la plus récente) pour les médecins et infirmiers formés à l’étranger et de 2015/16 pour ceux nés à l’étranger. Les médecins et infirmiers dont le lieu de naissance est inconnu sont exclus du calcul. Les médecins formés à l’étranger correspondent à ceux qui ont obtenu au minimum leur premier diplôme de médecine à l’étranger. 1. À ce jour, seuls 14 et 11 pays de l’OCDE ont communiqué des données sur le nombre de médecins et infirmiers, respectivement, formés à l’étranger mais nés dans le pays. 2. Portée des données limitée. 3. Données fondées sur des estimations qui n’intègrent que les infirmiers déclarés.

Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019 ; DIOC 2015/16; LFS 2015/16.

 
Mobiliser des médecins et des infirmiers qualifiés étrangers afin de lutter contre le COVID-19

Face au COVID-19, plusieurs pays de l’OCDE (ou États et provinces des États-Unis et du Canada) ont pris des mesures afin de permettre aux professionnels de santé migrants de répondre à la hausse massive de la demande en matière de soins de santé. Ces mesures visent notamment à permettre le renouvellement des autorisations d’exercice ou le recrutement, la délivrance d’autorisations d’exercice temporaires et/ou limitées, l’accélération de la procédure de reconnaissance des qualifications étrangères ou l’accès à certains emplois dans le secteur de la santé.

  • Mobilité internationale et recrutement de professionnels de santé étrangers

    • En avril 2020, la Commission européenne a demandé aux « États membres de faciliter le passage des frontières aux professionnels de santé et de leur permettre d’accéder librement à un emploi dans un établissement de soins de santé dans un autre État membre » C(2020) 2153.

    • La plupart des pays de l’OCDE ont exempté les professionnels de la santé disposant d’une offre d’emploi des restrictions de déplacement et certains continuent de traiter les demandes de visa (notamment les États-Unis).

    • Au Royaume-Uni, les médecins, infirmiers et auxiliaires de santé dont le visa expire avant le 1er octobre 2020 verront leur visa automatiquement prolongé d’une année.

  • Autorisations d’exercice

    • Au Chili, dans les cas d’urgence sanitaire, les services de santé publique peuvent embaucher des professionnels de santé étrangers même si leurs qualifications ne sont pas officiellement reconnues.

    • En Australie, les étudiants internationaux des écoles d’infirmier peuvent désormais travailler plus de 40 heures par quinzaine afin de soulager les personnels de santé.

    • En France, les professionnels de santé formés à l’étranger qui ne sont pas autorisés à exercer peuvent intervenir en renfort en exerçant des fonctions non médicales.

    • En Espagne, les ministères ont mis en œuvre une action coordonnée d’urgence pour le recrutement immédiat de travailleurs étrangers dans le domaine de la santé souhaitant travailler en Espagne. Fin avril 2020, près de 400 personnes avaient été recrutées.

  • Faciliter la reconnaissance des qualifications étrangères

    • Plusieurs pays de l’OCDE ont décidé d’accélérer les demandes en cours pour la reconnaissance des qualifications étrangères des professionnels de santé (par ex. en Allemagne, en Belgique, en Irlande, au Luxembourg), ou de simplifier les procédures (par ex. avec des tests de langue réduits en Allemagne, la suppression des entretiens en personne en Lituanie, l’adoption d’une dispense de frais en Irlande).

    • Au Canada, dans la province de l’Ontario, les diplômés en médecine internationaux qui ont réussi leurs examens leur permettant d’exercer au Canada ou qui ont obtenu leur diplôme de médecine au cours des deux dernières années, peuvent faire la demande d’une autorisation d’exercice supervisé dans le domaine de la santé valable 30 jours (Supervised Short Duration Certificate) afin d’aider à combattre le coronavirus. En Colombie-Britannique, les diplômés en médecine internationaux qui ont fait au moins deux années de stage post-diplôme et qui ont réussi leurs examens et obtenu le statut de Licentiate of the Medical Council of Canada peuvent exercer en tant que médecins associés sous la supervision d’un médecin dûment autorisé.

    • L’Italie a adopté un décret qui permet de délivrer des autorisations d’exercice temporaires aux professionnels de santé formés à l’étranger.

    • En Allemagne, en Bavière, les médecins étrangers peuvent obtenir une permission d’exercice en tant qu’assistants pendant un an. En Saxe, il a été demandé aux étrangers du secteur médical de se faire connaître mais ils n’ont pas encore été mobilisés.

    • Aux États-Unis, l’État de New York permet aux diplômés en médecine internationaux d’obtenir une autorisation d’exercice limitée lorsqu’ils ont réalisé une année de stage post-diplôme au lieu de trois (EO 202.10). Les médecins autorisés à exercer dans d’autres États et au Canada peuvent travailler (EO 202.18). Des mesures similaires ont été adoptées par l’État du Massachusetts (avec 2 années de stage de formation post-diplôme au lieu de 3) alors que le New Jersey a créé une passerelle pour que les médecins étrangers autorisés à exercer dans leur pays puissent obtenir une autorisation d’exercice d’urgence temporaire leur permettant de pratiquer la médecine. Dans l’Utah, les diplômés de médecine étrangers n’ont pas besoin de refaire leur stage post-diplôme s’ils ont exercé en Australie, au Royaume-Uni, en Suisse, en Afrique du Sud, à Hong-Kong, en Chine ou à Singapour. Dans d’autres États, comme la Californie, le Colorado ou le Nevada, les responsables des services de santé se sont vu octroyer le droit de dispenser les professionnels de santé d’autorisation d’exercer sans mention spécifique des diplômés en médecine internationaux (https://web.csg.org/covid19/executive-orders/).

 
Plateforme internationale OCDE-OMS-OIT sur la mobilité des professionnels de santé

Bien avant la pandémie de COVID-19, la Commission des Nations Unies sur l’emploi en santé et la croissance économique (ComHEEG)1 a alerté sur la pénurie mondiale annoncée de 18 millions de professionnels de la santé, principalement dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, d’ici 2030. Leur rapport précise que l’investissement dans les personnels de santé fait partie de la réalisation d’un objectif plus vaste pour le renforcement des systèmes de santé et de la protection sociale et constitue essentiellement la première ligne de défense contre les crises sanitaires internationales. En encourageant la création de nouveaux emplois dans le secteur de la santé au niveau global, le rapport fait état d’une chance unique à saisir à la fois pour répondre à la demande mondiale croissante en personnels de santé et pour pallier les pénuries annoncées.

La « Plateforme internationale sur la mobilité des professionnels de santé » de l’OCDE-OMS-OIT, une des premières actions recommandées par le rapport de la ComHEEG, a pour objectif de maximiser les bénéfices de la mobilité des professionnels de santé internationaux grâce à une meilleure compréhension de la mobilité et au renforcement du dialogue international sur les mesures existantes et innovantes qui permettent une gestion des migrations des agents de santé plus efficace et plus éthique. Seul un enrichissement des données et un dialogue éclairé entre les multiples acteurs permettront d’optimiser les bénéfices, de limiter les éventuels effets indésirables de la mobilité des professionnels de santé et d’apporter des éléments d’information pour étayer la conception des plans nationaux de développement du personnel de santé visant à doter les pays d’une main d’œuvre de santé pérenne, un point essentiel lorsqu’il s’agira de renforcer les systèmes de santé afin d’éviter de futures crises.

 Les principaux pays d’origine des médecins et des infirmiers migrants qui travaillent dans les pays de l’OCDE varient considérablement

En ce qui concerne les pays d’origine, près d’un tiers des médecins et des infirmiers nés à l’étranger ou formés à l’étranger qui travaillent dans les pays de l’OCDE est originaire de la zone OCDE et un autre tiers est issu de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure qui n’appartiennent pas à l’OCDE. 30 % des médecins et infirmiers migrants viennent de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et entre 3 % et 6 %, de pays à faible revenu. Les 20 premiers pays d’origine rassemblent des pays non membres de l’OCDE ainsi que des pays de l’OCDE et de l’UE, et tous les niveaux de revenu sont représentés (Graphique 1).

 
Graphique 1. 20 premiers pays d’origine des médecins et des infirmiers formés à l’étranger ou nés à l’étranger qui travaillent dans la zone OCDE

Note : Les données les plus récentes datent de 2017/18 (ou l’année la plus proche) pour les médecins et les infirmiers formés à l’étranger et de 2015/16 pour ceux qui sont nés à l’étranger. Pour certains pays d’origine, le nombre d’infirmiers formés dans leur pays qui exercent dans la zone OCDE peut être sous-estimé à cause d’un manque de données dans les grands pays de destination tels que les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Les médecins et infirmiers dont le lieu de naissance est inconnu sont exclus des calculs. Les médecins formés à l’étranger correspondent à ceux qui ont obtenu au minimum leur premier diplôme de médecine à l’étranger.

Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019, DIOC 2015/16 et LFS 2015/16.

 Répercussion sur les pays d’origine

La hausse de la mobilité internationale et l’émergence de pénuries de personnels de santé dans de nombreux pays de l’OCDE et à travers le monde ont suscité des inquiétudes au sujet de l’interdépendance des pays dans la gestion des ressources humaines de la santé. Alors que les pays de l’OCDE s’efforcent de répondre à leurs propres besoins, des pénuries risquent en effet d’être exportées à d’autres pays de la zone OCDE et au-delà, exerçant une forte pression sur les pays les plus pauvres de la planète (OCDE, 2007[4] ; OCDE, 2008[5] ; OCDE, 2015[6] ; OCDE, 2016[7]).

Le taux d’émigration, qui correspond au nombre de médecins et d’infirmiers nés ou formés dans un pays donné mais travaillant à l’étranger par rapport au nombre total de médecins et d’infirmiers originaires dudit pays, donne une idée de l’étendue du phénomène. Généralement, dans les pays d’origine les plus grands, la migration vers des pays (autres) de l’OCDE reste modérée mais, dans certains pays plus petits, dont le système de santé est parfois relativement faible, l’émigration peut être élevée (Graphique 2 et Graphique 3).

Parmi les trois principaux pays d’origine des médecins migrants exerçant dans les pays de l’OCDE, les taux d’émigration des médecins formés dans le pays ou natifs sont bas (Inde) ou très bas (Chine), mais pas en Roumanie où le taux d’émigration avoisine un tiers de l’ensemble des médecins natifs et formés dans le pays. Les taux d’émigration compris entre un tiers et un demi, pour les médecins nés ou formés dans le pays, concernent 20 pays sur les 188 pays d’origine, essentiellement en Afrique et en Amérique latine, mais aussi en Europe (par ex. à Malte et en Albanie), au Moyen-Orient et dans le Pacifique occidental. Des taux d’émigration inférieurs et néanmoins importants compris entre 20 % et 30 % pour les médecins formés dans le pays concernent plusieurs pays d’Europe tels que l’Irlande, l’Islande, la République slovaque et l’Estonie (Graphique 2).

Pour 10 autres pays d’origine – encore une fois en Afrique et en Amérique latine – le taux d’émigration des médecins natifs dépasse 50 %, ce qui signifie que les médecins nés dans ces pays sont plus nombreux à exercer dans la zone OCDE que dans leur pays d’origine. Pour un certain nombre de pays des Caraïbes (Antigua et Barbuda, Dominique, Grenade, Sainte-Lucie, ainsi que Saint-Kitts-et-Nevis, tous exclus du graphique 2), le taux d’émigration des médecins formés dans le pays atteint entre 80 et 99 %. Mais ces quatre pays représentent des pôles de formation médicale internationaux reconnus qui forment essentiellement des étudiants étrangers venus des États-Unis et du Canada qui paient des frais de scolarité. Malgré la faible population de ces pays, la taille de leurs écoles de médecine rivalise avec celle des plus grandes écoles de médecine des États-Unis et va parfois jusqu’à la dépasser.

 
Graphique 2. Pays d’origine – 25 premiers taux d’émigration des médecins formés dans le pays ou natifs

Note : Données pour 188 pays d’origine. Les données sur les médecins nés dans le pays datent de 2015/16. Les données sur les médecins formés dans le pays datent de 2017/18 (ou l’année la plus proche). Les taux d’émigration sont calculés de la façon suivante : Xi = nombre de médecins nés à l’étranger ou formés à l’étranger exerçant dans la zone OCDE, nés dans le pays i ; Yi = nombre de médecins exerçant dans le pays i ; taux d’émigration = Xi / (Xi + Yi).

Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019, DIOC 2015/16 et LFS 2015/16 pour le nombre de médecins formés à l’étranger et nés à l’étranger ; Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019 et l’Observatoire mondial de la santé 2019 de l’OMS pour le nombre de médecins qui exercent dans leur pays d’origine.

Pour la plupart des pays d’origine, le taux d’émigration des infirmiers formés dans le pays ou natifs est généralement bien inférieur à celui des médecins (Graphique 3). Parmi les trois principaux pays d’origine, le taux d’émigration est très faible en Inde mais plus important en Pologne et aux Philippines, en particulier pour les personnels infirmiers natifs. Pour certains pays d’origine, en revanche, le taux d’émigration des infirmiers formés à l’étranger peut être sous-estimé à cause d’un manque de données dans les grands pays de destination tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Parmi les autres principaux pays d’origine des infirmiers migrants, la Jamaïque présente le taux d’émigration le plus important pour les infirmiers natifs et le deuxième plus important pour les infirmiers formés dans le pays.

 
Graphique 3. Pays d’origine – 25 premiers taux d’émigration des infirmiers formés dans le pays ou natifs

Note : Données pour 188 pays d’origine. Les données sur les infirmiers nés dans le pays datent de 2015/16. Les données sur les infirmiers formés dans le pays datent de 2017/18 (ou l’année la plus proche). Les taux d’émigration sont calculés de la façon suivante : Xi = nombre d’infirmiers nés à l’étranger ou formés à l’étranger exerçant dans la zone OCDE, nés dans le pays i ; Yi = nombre d’infirmiers exerçant dans le pays i ; taux d’émigration = Xi / (Xi + Yi). Pour certains pays d’origine, le taux d’émigration des infirmiers formés à l’étranger peut être sous-estimé à cause d’un manque de données dans les grands pays de destination tels que les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Allemagne.

Source : Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019, DIOC 2015/16 et LFS 2015/16 pour le nombre d’infirmiers formés à l’étranger et nés à l’étranger ; Statistiques de l’OCDE sur la santé 2019 et l’Observatoire mondial de la santé 2019 de l’OMS pour le nombre d’infirmiers qui exercent dans leur pays d’origine.

Pour 20 pays sur 188 – principalement en Afrique et en Amérique latine, le taux d’émigration des infirmiers natifs dépasse les 50 %. Parmi ces pays, la Guyane se démarque puisqu’elle affiche également le taux d’émigration le plus élevé (28 %) pour les infirmiers formés dans le pays. Dix autres pays d’origine présentent des taux d’émigration des infirmiers natifs qui varient entre un tiers et un demi, en Afrique, en Amérique latine, dans le Pacifique occidental et en Europe (Albanie).

Toutefois, la faible densité de médecins et d’infirmiers dans de nombreux pays à faible revenu indique que la crise mondiale qui touche les personnels de santé s’étend bien au-delà de la question migratoire. Les migrations internationales n’en sont pas la raison principale et leur diminution ne permettrait pas de résoudre la crise mondiale des ressources humaines de la santé, cependant, elles accentuent les problèmes dans certains pays.

Même si le recrutement international de personnels de santé étrangers a permis de répondre rapidement aux pénuries de compétences dans certains pays au cours de la crise du COVID-19, il ne peut s’agir d’une solution efficace et équitable. Tout d’abord, cela ne résout pas les déséquilibres plus structurels entre l’offre et la demande de personnels de santé. De plus, compte tenu de l’étendue mondiale de la pandémie, cela prive les pays qui envoient leurs personnels, souvent caractérisés par des systèmes de santé fragiles, de professionnels de santé indispensables en situation d’épidémie majeure. Il est nécessaire de proposer une réponse collective afin de répondre durablement à la pénurie mondiale de personnels de santé à nouveau mise à jour par la pandémie de COVID-19.

 
Mesures en réponse à la pénurie mondiale de personnels de santé
  • Mettre pleinement en œuvre le Code de pratique mondial de l’OMS pour le recrutement international des personnels de santé. https://www.who.int/hrh/migration/code/WHO_global_code_of_practice_EN.pdf

  • Renforcer la coopération internationale afin de répondre à la pénurie mondiale de personnels de santé.

  • Augmenter la capacité de formation des pays de destination et accroître leur rétention des personnels de santé afin de limiter les pénuries internes et les mauvaises répartitions par zones géographiques ou par spécialités, et pour leur éviter de devenir dépendants des recrutements internationaux.

  • S’assurer que les personnels de santé migrants bénéficient des mêmes conditions de travail que les autres professionnels de santé et reconnaître leur contribution au fonctionnement des systèmes de santé nationaux, y compris dans le cadre de la pandémie de COVID-19.

  • S’attaquer au risque de « gaspillage des cerveaux » en rationalisant les procédures de reconnaissance des qualifications étrangères et en étoffant l’offre de programmes passerelle, le cas échéant.

  • Reconnaître les opportunités que représente l’internationalisation de la formation médicale mais harmoniser le nombre de places dans les internats et en stage de spécialisation afin de permettre aux étudiants internationaux d’aller au bout de leur formation.

  • Renforcer la coopération internationale, notamment l’aide publique au développement et l’assistance technique, afin d’aider les pays moins avancés à se doter d’effectifs de personnels de santé suffisants et à renforcer leurs systèmes de santé, limitant ainsi les facteurs qui incitent les professionnels de santé à partir.

Références

[3] d’Aiglepierre, R. et al. (2020), « A global profile of emigrants to OECD countries: Younger and more skilled migrants from more diverse countries », Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n° 239, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/0cb305d3-en.

[10] OCDE (2020), « Beyond containment: Health systems responses to COVID-19 in the OECD », OECD Policy Responses to Coronavirus (Covid-19), Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/beyond-containment-health-systems-responses-to-covid-19-in-the-oecd-6ab740c0/.

[9] OCDE (2020), « Flattening the COVID-19 peak: Containment and mitigation policies », OECD Policy Responses to Coronavirus (Covid-19), Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/flattening-the-covid-19-peak-containment-and-mitigation-policies-e96a4226/.

[8] OCDE (2020), « Testing for COVID-19: A way to lift confinement restrictions », OECD Policy Responses to Coronavirus (Covid-19), Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/testing-for-covid-19-a-way-to-lift-confinement-restrictions-89756248/.

[1] OCDE (2019), « Recent trends in international mobility of doctors and nurses », dans Recent Trends in International Migration of Doctors, Nurses and Medical Students, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5ee49d97-en.

[2] OCDE (2019), « Recent trends in internationalisation of medical education », dans Recent Trends in International Migration of Doctors, Nurses and Medical Students, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b74c678d-en.

[7] OCDE (2016), « Trends and policies affecting the international migration of doctors and nurses to OECD countries », dans Health Workforce Policies in OECD Countries : Right Jobs, Right Skills, Right Places, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264239517-7-en.

[6] OCDE (2015), « Nouvelles tendances des migrations internationales de médecins et d’infirmiers vers les pays de l’OCDE », dans Perspectives des migrations internationales 2015, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2015-6-fr.

[5] OCDE (2008), Les personnels de santé dans les pays de l’OCDE : Comment répondre à la crise imminente ?, Études de l’OCDE sur les politiques de santé, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264050792-fr.

[4] OCDE (2007), Perspectives des migrations internationales 2007, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2007-fr.

Contacts

Stefano SCARPETTA (✉ stefano.scarpetta@oecd.org)

Jean-Christophe DUMONT (✉ jean-christophe.dumont@oecd.org)

Karolina SOCHA-DIETRICH (✉ karolina.socha-dietrich@oecd.org)

Note

1.

S’engager pour la santé et la croissance : Investir dans les personnels de santé. Rapport de la Commission de haut niveau sur l’emploi en santé et la croissance économique. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/250047/9789241511308-eng.pdf?sequence=1

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