Études économiques de l’OCDE : Union européenne 2021

2. Renforcer la convergence régionale dans l’Union européenne

Abstract

La convergence régionale a progressé de manière inégale dans l’UE ces deux dernières décennies. Si l'Europe centrale et orientale a rattrapé son retard, l'Europe du Sud a souvent perdu du terrain, surtout après la crise financière mondiale. En outre, dans la plupart des pays, les écarts entre les grandes villes et les zones rurales se sont creusés. Parmi les obstacles à la convergence figurent des facteurs mondiaux - tels que la mondialisation, la numérisation, le réchauffement climatique et, plus récemment, la pandémie de COVID-19 - mais d'autres sont propres à l'Europe, comme le progrès insuffisant de l’intégration financière, la moindre efficacité de la gouvernance budgétaire et des résultats en matière d’innovation laissant à désirer.

Le présent chapitre passe en revue les actions à engager pour réduire la divergence entre les régions en aidant celles-ci à améliorer leur spécialisation productive. En faisant fond sur de nouvelles approches des politiques régionales et industrielles, l'Europe doit exploiter pleinement les possibilités de coopération entre les pays dans le domaine de l’innovation ainsi que les économies d'agglomération urbaine. Les politiques de la concurrence et les politiques commerciales doivent contribuer à l’harmonisation des règles du jeu pour permettre de mieux tirer parti de marchés ouverts et concurrentiels tout en répondant aux nouveaux enjeux, tels que la numérisation ou les subventions étrangères. Enfin, l’efficacité de la politique de cohésion et de la politique agricole commune, les deux principaux instruments budgétaires de l'UE, doit être améliorée pour favoriser la valorisation de la production.

Des disparités régionales importantes et persistantes compromettent la cohésion de l’Union européenne

Alors que la convergence régionale est un objectif consacré dans les traités de l'UE, les disparités entre les régions restent très fortes (graphique 2.1). Même en tenant compte du fait que le coût de la vie a tendance à être moindre dans les régions les plus pauvres, le PIB moyen par habitant dans les régions les plus prospères (qui représentent 20 % de la population de l'UE) était en 2018 près de 3 fois supérieur à celui des régions abritant les 20 % les plus pauvres.

Graphique 2.1. Le PIB par habitant varie largement entre les régions de l’UE

Note : 1.Le niveau territorial 2 (TL2) désigne les grandes régions, telles que définies dans la classification des unités géographiques de l'OCDE. Cette catégorie correspond au niveau NUTS 2 de la nomenclature NUTS d'Eurostat, sauf pour l'Allemange et la Belgique, où elle correspond au niveau NUTS 1. 2. Les groupes de PIB par habitant représentent environ un cinquième des pays de l'UE27.

Source : OCDE (2020), OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

Les divergences régionales peuvent conduire à un plus grand sentiment d’insatisfaction dans des zones géographiques spécifiques, menaçant la cohésion sociale (OCDE, 2019a). Dans plusieurs pays, les régions à la traîne ou en déclin ont voté massivement ces dernières années pour des partis ou des candidats perçus comme extrêmes (Rodríguez-Pose, 2018). Lors de ces scrutins, l'inégalité entre les régions a été un facteur déterminant plus important du mécontentement que l'inégalité entre les individus, portant beaucoup plus marquée (ibidem). Dans le même ordre d'idées, la contraction de l’emploi manufacturier dans les régions en proie aux difficultés associées à la transition industrielle ou à une faiblesse prolongée de la croissance du PIB, même à partir d’un niveau de départ élevé, a eu tendance à attiser l'opposition à l'intégration européenne (Becker et al., 2017, Dijkstra et al., 2019). Outre le déclin économique, la fermeture d'équipements locaux, qui abritent souvent des services publics ou des lieux de socialisation, alimente également le mécontentement social et politique (Algan et al., 2020).

La pandémie de COVID-19 pourrait bien aggraver les tendances à la divergence. Comme le suggère l'évolution de la production en 2020, les pays du sud de l'UE ont été les plus touchés, perdant encore du terrain par rapport à leurs voisins du nord (voir chapitre 1). Ces pays ont tendance à dépendre davantage du tourisme et des très petites entreprises, qui sont souvent plus vulnérables (OCDE, 2020a) ; Doerr et Gambacorta, 2020), et ont généralement dû imposer un confinement plus strict au printemps 2020. En revanche, les pays d'Europe centrale et orientale ont, dans l'ensemble, subi des pertes de production inférieures à la moyenne de l'UE, du moins jusqu'à présent, malgré leur forte spécialisation dans la construction automobile, un secteur très exposé aux perturbations des chaînes d'approvisionnement internationales.

La pandémie pourrait également accentuer les inégalités régionales dans les pays, bien que les données sur les incidences au niveau des régions soient encore rares. Par exemple, malgré une situation sanitaire plus dégradée dans le nord du pays, les régions du sud de l’Italie ont enregistré des pertes d'emploi plus importantes lors de la première vague de contaminations par le COVID-19 (Arbolino et Di Caro, 2020). Les régions plus pauvres comptent généralement relativement moins de travailleurs à même de télétravailler (FMI, 2020). Surtout, en raison de facteurs tels que la moindre diversification économique et la plus grande faiblesse des capacités institutionnelles, le redéploiement des ressources après la pandémie pourrait se heurter à des obstacles plus importants dans ces régions, les exposant davantage à des effets d’hystérèse.

Cette première section du chapitre commence par donner un aperçu des tendances de la convergence régionale ces deux dernières décennies. Elle passe ensuite en revue les facteurs mondiaux de renforcement de la divergence avant de mettre en évidence les caractéristiques européennes spécifiques qui ont entravé davantage la convergence. Les sections suivantes du chapitre présentent des recommandations d’action pour relancer le processus de convergence.

Le progrès de la convergence a été inégal et s’est ralenti

Depuis le début du siècle, les avancées en matière de convergence régionale ont été disparates. Au niveau global, les écarts de PIB par habitant entre les régions ont diminué de manière sensible jusqu'à la crise financière mondiale, mais beaucoup plus lentement par la suite (graphique 2.2).

La réduction des écarts de PIB par habitant au cours de la première décennie de ce siècle a résulté d’un recul des inégalités entre les pays (graphique 2.2, zone verte), plutôt qu'entre les régions d'un même pays. Ce recul a été principalement le fruit de la forte croissance et de la convergence des pays d'Europe centrale et orientale ayant rejoint récemment l’UE (graphique 2.3). En revanche, parmi les membres plus anciens, c'est-à-dire les pays qui étaient membres avant l'élargissement à l'Europe centrale et orientale en 2004, pratiquement aucun progrès n'a été enregistré jusqu'à la crise financière mondiale et, dans la période qui a suivi, une nouvelle accentuation de la divergence a été observée (graphiques 2.3 et 2.4). La dynamique de convergence concernant la productivité totale des facteurs a été également différente entre l’Europe centrale et orientale, d'une part, et l’Europe du sud, d'autre part (Commission européenne, 2019a).

Graphique 2.2. La convergence entre les pays s'est ralentie et les divergences intra-pays se sont accentuées

Indices de Theil¹ établis à partir de la distribution régionale du PIB par habitant (en USD constants de 2015 à PPA)

Note : 1. L’indice de Theil (pondéré par la population) est calculé à partir d’un échantillon de 194 régions TL2 (niveau territorial 2) (partie A) et d’un autre échantillon de 1 158 régions TL3 (niveau territorial 3) (partie B), qui couvrent 25 pays de l’UE pour lesquels on dispose de données sur le PIB par habitant au niveau régional pour l’ensemble de la période considérée, à savoir 2000 à 2018 (à 2016 pour la partie B). Les pays considérés sont les suivants : Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, République slovaque, Slovénie, Espagne et Suède. Les pays ne comptant qu’une seule région TL2 ne sont pas pris en compte dans la partie A (Estonie, Lettonie et Luxembourg) et ceux ne comptant qu’une seule région de niveau TL3 ne le sont pas non plus dans la partie B (Luxembourg). 2. Les régions de niveau territorial 2 et 3 (TL2 et TL3) désignent respectivement des grandes et des petites régions, telles que définies dans la classification des unités géographiques de l’OCDE. Ces catégories correspondent aux unités territoriales NUTS 2 et NUTS 3 de la nomenclature d’Eurostat, à l’exception de la Belgique et de l’Allemagne où le niveau NUTS 1 correspond au niveau TL2 de la classification de l’OCDE.

Source : OCDE (2020) ; et calculs de l’OCDE à partir des Statistiques régionales de l'OCDE (base de données).

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Graphique 2.3. Dans les pays d’Europe du Sud et de l’Est, les résultats de croissance ont été contrastés

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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Graphique 2.4. La divergence s’est accentuée entre les États membres de l’UE plus anciens

Indices de Theil¹ établis à partir de la distribution régionale du PIB par habitant (en USD constants de 2015 à PPA)

Note : 1. L'indice de Theil (pondéré par la population) est calculé sur la base d'échantillons de 134 régions TL2 (partie A) et de 910 régions TL3 (partie B) dans les 13 pays qui étaient membres de l'UE avant l'élargissement de 2004 et pour lesquels des données sur le PIB régional par habitant sont disponibles sur l'ensemble de la période de référence, soit entre 2000 et 2018 (2016 pour la partie B). Les pays concernés sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède. 2. Les niveaux territoriaux 2 et 3 (TL2 et TL3, respectivement) font référence aux grandes et petites régions, telles que définies dans la classification des unités géographiques de l'OCDE. Ces catégories correspondent aux niveaux NUTS 2 et NUTS 3 de la nomenclature d'Eurostat, sauf pour l'Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni, où le niveau NUTS 1 correspond à la région TL2 de l'OCDE.

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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À l'inverse, les inégalités régionales dans les pays sont restées globalement stables, voire se sont légèrement accentuées (graphique 2.4, zone bleue). Les divergences de résultats entre les zones rurales, les petites villes et les métropoles contribuent à expliquer la persistance des disparités. En effet, dans l'ensemble de l'UE, il y a beaucoup plus de zones métropolitaines que de zones non métropolitaines ou reculées dans les régions qui font partie des 25 % les plus riches (graphique 2.5, en orange). Parmi les zones métropolitaines, les régions capitales ont en général été particulièrement performantes (Bisciari et al. 2020). Les zones non métropolitaines ayant un accès commode (60 minutes par la route ou moins) à une grande ville (d’au moins 250 000 habitants) se situent le plus souvent dans la moitié supérieure de la distribution interrégionale du PIB par habitant et ont réussi à maintenir leur position relative. En revanche, les zones non métropolitaines reculées ou proches seulement d'une petite ville souffrent d’une pauvreté disproportionnée et ont encore perdu du terrain ces deux dernières décennies. Dans certaines de ces régions, l'agriculture continue de revêtir un poids économique important.

Graphique 2.5. L’écart entre les régions métropolitaines et les régions reculées est très important

Répartition des petites régions (TL3) par quartile du PIB par habitant¹, 2016, %

Note : Les calculs sont fondés sur un panel équilibré de 1 059 régions TL3 dans les pays de l'UE qui sont également membres de l'OCDE (UE22). Le PIB régional par habitant est mesuré en PPA en dollars constants de 2015. Les petites régions (TL3) sont classées en fonction du niveau d'accès aux zones métropolitaines. La classification proposée s'appuie sur une définition uniforme des zones métropolitaines, qui consistent en des zones urbaines fonctionnelles (ZUF) comptant au moins 250 000 habitants et des groupes de juridictions locales contiguës - principalement des municipalités - qui sont agrégées sur la base de critères fonctionnels. Une région TL3 peut être classée comme suit : grande zone métropolitaine, si plus de 50 % de sa population vit dans une ZUF comptant au moins 1,5 million d'habitants ; zone métropolitaine, si plus de 50 % de sa population vit dans une ZUF comptant au moins 250 000 habitants (mais moins de 1,5 million) ; zone non-métropolitaine avec accès à une région TL3 métropolitaine, si plus de 50 % de sa population vit à moins de 60 minutes par la route d'une région métropolitaine, ou si la région TL3 couvre plus de 80 % de la superficie de la ZUF d'au moins 250 000 habitants ; zone non-métropolitaine, avec accès à une ville de petite taille ou de taille moyenne, si la région TL3 n'a pas accès à une région métropolitaine et que 50 % de sa population a accès à une ville de petite taille ou de taille moyenne (entre 50 000 et 250 000 habitants) dans un rayon de 60 minutes par la route, ou si la région TL3 couvre plus de 80 % de la superficie d'une ville de petite taille ou de taille moyenne ; zone non-métropolitaine reculée, si 50 % de sa population n'a pas accès à une ZUF à moins de 60 minutes par la route. On trouvera plus de précisions sur la méthode qui sous-tend la classification des régions TL3 en fonction de leur caractère métropolitain/non métropolitain dans Fadic, M., et al. (2019), « Classifying small (TL3) regions based on metropolitan population, low density and remoteness », document de travail de l’OCDE sur le développement régional n° 2019/06, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b902cc00-en.

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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Les tendances mondiales ont fait obstacle à la convergence régionale

Le progrès technologique et la mondialisation se sont globalement traduits par d'importantes retombées positives, mais ont également rendu la convergence régionale plus difficile (OCDE, 2019a). En Europe et ailleurs, la concentration au niveau régional des services à haute valeur ajoutée s’est accentuée (graphique 2.6, partie A). Cette évolution a surtout profité aux grandes villes, car la productivité dans les secteurs à forte intensité de connaissances s'est révélée particulièrement sensible aux économies d'agglomération. Cette concentration présente des avantages macroéconomiques, mais soulève également des problèmes d'équité (Moretti, 2020).

Graphique 2.6. La spécialisation sectorielle n’a pas été la même partout dans les grandes régions

Coefficients de variation de la valeur ajoutée brute, UE27

Note : 1. Les services faisant l’objet d’échanges sont définis comme les services d'information et de communication (J) et les services financiers et d'assurance (K). 2. Les graphiques sont fondés sur un échantillon de 192 régions TL2 de 25 pays de l'UE. Le niveau territorial 2 (TL2) désigne les grandes régions, telles que définies dans la classification des unités géographiques de l'OCDE. Cette catégorie correspond au niveau NUTS 2 de la nomenclature d'Eurostat, sauf pour l'Allemagne et la Belgique, où le niveau NUTS 1 correspond à la région TL2 de l'OCDE. Pour les régions TL2 en France, les données de la valeur ajoutée brute de 2016 ont été utilisées pour 2017.

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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Incapables d'attirer des services de pointe pouvant faire l’objet d’échanges, les zones non métropolitaines ont aussi souvent vu leur base manufacturière s'étioler et leur chômage augmenter, notamment sous l’effet de la concurrence plus forte des importations en provenance des économies émergentes (Autor et al., 2013). La plus grande dépendance qui en découle à l'égard des secteurs non exportateurs tend à être préjudiciable à long terme à la croissance et à l'emploi (OCDE, 2018a), notamment parce qu'il y a souvent moins d'innovation et de gains de productivité dans ces secteurs. Cette situation a accentué la divergence territoriale. Par exemple, depuis les années 1980, la convergence des revenus observée jusque-là entre les régions des États-Unis a été remplacée par un creusement des inégalités (Austin et al. 2018 ; Krugman 2019).

Sans politiques publiques correctives, les tendances actuelles de la numérisation et de l’automatisation, qui sont appelées à s’accélérer au cours de la présente décennie, aggraveront probablement la divergence régionale. Dans les pays européens, la part des emplois fortement menacés par l’automatisation varie de 4 à 39 % (OCDE, 2019a) et tend à être corrélée aux niveaux de revenu (graphique 2.7). Les régions spécialisées dans les activités manufacturières de base seront les plus touchées, alors que les régions prospères avec une population active très qualifiée sont les moins menacées et devraient tirer largement parti de l’automatisation. La concentration territoriale de la création d’emplois en Europe pourrait donc s’intensifier au cours de la prochaine décennie (McKinsey Global Institute, 2020).

Graphique 2.7. Les emplois menacés par l’automatisation sont plus nombreux dans les régions pauvres

2015

Note : Les données communiquées concernent 2015 et correspondent aux régions TL2 au Danemark, en Espagne, en Estonie, en Finlande, en Grèce, en Irlande, en Italie, en Pologne, en République tchèque, en République slovaque, en Slovénie et en Suède. Le niveau territorial TL2 correspondant aux grandes régions, telles que définies dans la classification des unités géographiques de l’OCDE.

Source : OCDE (2018), Job Creation and Local Economic Development 2018: Preparing for the Future of Work, https://dx.doi.org/10.1787/9789264305342-en ; OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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L’évolution vers une économie plus verte, si elle ne s'accompagne pas de mesures complémentaires adéquates, pourrait aussi accentuer la divergence régionale. Les industries d’extraction du charbon et certaines industries utilisant du charbon (par exemple, la sidérurgie) tendent à être concentrées géographiquement (Botta, 2019), souvent dans des régions moins prospères et avec une production peu diversifiée. Dans l’UE, on peut citer comme exemples certaines régions de l’Allemagne, de la Pologne et de la Tchéquie (Alves Dias et al., 2018). L’arrêt ou la restructuration des activités liées au charbon pour atteindre les objectifs d’atténuation des perturbations climatiques pourrait donc appauvrir davantage ces régions. En outre, une forte réduction des émissions de CO2 issues des transports, indispensable aussi à la neutralité climatique d’ici à 2050, pourrait peser de façon disproportionnée sur les revenus dans les zones rurales, qui dépendent fortement de l’automobile pour leurs déplacements.

Les caractéristiques propres à l’Europe ont exacerbé ces tendances

L’insuffisance de l’intégration a aggravé les obstacles à la convergence

L’insuffisance de l’intégration financière et le caractère procyclique des politiques budgétaires ont constitué des obstacles majeurs à la convergence dans certaines parties de l'Europe, tandis que dans d'autres, les échanges et les investissements transfrontaliers ont efficacement favorisé le rattrapage. Dans les deux cas, les évolutions de la spécialisation productive ont été des déterminants majeurs de la convergence ou de la divergence (Mongelli et al., 2016). La spécialisation dans le secteur manufacturier, qui est devenue plus asymétrique entre les pays et les régions, en est un exemple (graphique 2.6, partie B). L'intégration des pays d'Europe centrale et orientale dans les chaînes d'approvisionnement centrées sur l'Allemagne, rendue possible par des investissements directs étrangers à grande échelle en provenance de ce pays, a été essentielle pour préserver, voire accroître, la part de l'industrie manufacturière dans le PIB des pays et régions concernés et a joué un rôle moteur majeur dans la convergence des nouveaux États membres de l'UE (Dauth et al., 2017) ; Franks et al, 2018). En revanche, une grande partie du reste de l'UE a connu une désindustrialisation marquée. Les régions où l'industrie manufacturière a perdu du poids sont devenues relativement plus pauvres, glissant vers les quartiles inférieurs de la distribution interrégionale du PIB par habitant (graphique 2.8). En outre, les pays confrontés à la désindustrialisation connaissent en général une accentuation des inégalités de revenus entre leurs régions (OCDE, 2017a).

Graphique 2.8. Le déclin du secteur manufacturier a été associé à une baisse de la prospérité

Répartition des régions TL3 par quartile de PIB par habitant, UE27

Note : Le PIB régional par habitant est mesuré en PPA en dollars constants de 2015. Les niveaux territoriaux 3 (TL3) font référence aux petites régions telles que définies dans la classification des unités géographiques de l'OCDE ; ils correspondent au niveau NUTS 3 de la nomenclature d'Eurostat. Les calculs sont fondés sur un panel équilibré de 1 060 régions TL3 dans 25 pays de l'UE. Pour la Croatie et certaines régions TL3 en Italie, les données du PIB par habitant de 2001 ont été utilisées pour 2000.

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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Dans les pays du Sud, des flux de capitaux exerçant un effet de déstabilisation et une gouvernance budgétaire moins efficace, notamment une austérité excessive pendant la crise de la dette souveraine, ont contribué à une évolution défavorable de la spécialisation productive. Au cours de la période qui a précédé la crise financière mondiale, les importants flux de capitaux entre pays de la zone euro ont principalement financé des investissements dans des secteurs à faible productivité, non exportateurs, tels que la construction (Franks et al., 2018). Les politiques budgétaires procycliques ont également favorisé l'expansion des secteurs non exportateurs. Les pressions sur les coûts de main-d'œuvre qui en ont résulté ont encore miné la compétitivité du secteur manufacturier, aggravant l'impact de la concurrence des économies émergentes dans des secteurs tels que le textile (Mongelli et al., 2016). Lorsque la crise de la dette souveraine a éclaté, l'inversion des flux de capitaux et l'absence d'outils budgétaires européens ont entraîné un ajustement brutal et une accentuation de la divergence économique.

La mobilité de la main-d'œuvre dans l'UE n’a joué qu’un faible rôle dans l'ajustement aux chocs économiques. Une certaine mobilité a été observée, principalement vers les zones métropolitaines (graphique 2.9). Toutefois, comme cela est évoqué de manière plus précise dans l’Étude économique de l’OCDE consacrée à la zone euro, la mobilité globale entre les pays de l’UE, bien qu'elle ait progressé au cours de la dernière décennie, reste tout de même limitée. En outre, dans les pays de l'UE, la mobilité interrégionale en réponse aux différentes conditions du marché du travail a également été insuffisante, notamment dans les pays du Sud comme l'Espagne et l’Italie (OCDE, 2017a).

Si une plus grande mobilité est souhaitable, il y a néanmoins des limites à ce qui peut être accompli en termes de réduction des disparités régionales. Ainsi, les travailleurs n’ayant que des qualifications faibles ou moyennes ont généralement moins de possibilités et moins d’incitations à se déplacer, notamment parce que les avantages de salaires en recul dans les villes (Autor, 2019) pourraient être totalement éliminés par le coût plus élevé de la vie dans les zones urbaines. En outre, la proportion considérable de personnes très qualifiées parmi les travailleurs qui se déplacent pourrait aussi avoir pour conséquence négative un important exode de compétences à partir des régions les plus pauvres, compromettant leurs possibilités de montrée en gamme de la production, comme cela est évoqué de manière plus précise dans l'Étude économique de l'OCDE consacrée à la zone euro.

Graphique 2.9. La population s’est déplacée vers les zones métropolitaines

Accroissement de la population dans les différents types de régions, 2000-2018

Note : 1. Calculs fondés sur un échantillon de 1 068 régions TL3 dans les pays de l'UE qui sont également membres de l'OCDE (UE22) et pour lesquels des données sont disponibles pour les deux années. Voir la note de bas de page 1 du graphique 2.5 pour plus de précisions sur les régions TL3. 2. Les taux minimum et maximum d’accroissement démographique, pour la période comprise entre 2000 et 2018, sont calculés pour chaque type de zone métropolitaine en excluant les variations en pourcentage inférieures et supérieures aux 5e et 95e percentiles, respectivement.

Source : OCDE (2020), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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La faible croissance et les effets d’entraînement peu marqués ont posé des difficultés supplémentaires

La croissance généralement peu soutenue enregistrée dans les régions européennes riches a pesé sur l’aptitude de ces régions à générer des effets d’entraînement favorables aux autres territoires ainsi qu’aux résultats économiques globaux. La croissance du PIB par habitant dans les régions européennes les plus prospères a souvent été inférieure à celle des régions similaires aux États-Unis (graphique 2.10). Les faiblesses en matière d'innovation contribuent à expliquer le manque de dynamisme de la croissance, les dépenses de R-D n'augmentant que lentement et les possibilités d’expansion des projets transfrontaliers conjoints de recherche et d'innovation n’étant guère exploitées. Les progrès sur ces fronts, en particulier la coopération aux fins du développement de chaînes de valeur technologiquement innovantes, devraient reposer dans une large mesure sur les régions les plus avancées, compte tenu de leurs ressources et de leurs capacités plus importantes. Toutefois, ces initiatives fourniraient également un cadre permettant d'impliquer les pays et régions moins avancés, en les aidant à améliorer leur spécialisation productive (Forum stratégique sur les projets importants d’intérêt européen commun ou PIIEC, 2019).

Il est également possible de renforcer les effets d’entraînement exercés par les grandes villes européennes sur d'autres régions. Les effets d’entraînement associés à la productivité des métropoles peuvent bénéficier aux villes plus petites et aux régions environnantes jusqu'à 200 à 300 kilomètres de distance (OCDE, 2015a). Ils ont vraisemblablement largement contribué à la robuste croissance des banlieues tentaculaires des grandes villes des États-Unis (McKinsey Global Institute, 2019). En Europe, cependant, il n'est pas rare de trouver des régions peu performantes dans un rayon plus proche des centres urbains prospères (Bisciari et al., 2020 ; McKinsey Global Institute, 2020). En outre, dans plusieurs pays européens, les villes de niveau intermédiaire n'ont souvent pas réussi à générer des économies d'agglomération substantielles et donc à assurer une croissance rapide de la productivité (OCDE, 2020b ; OCDE, 2011).

Graphique 2.10. La croissance des régions européennes les plus riches n’a souvent pas suivi le rythme de celle enregistrée par les régions similaires aux États-Unis

Croissance cumulée du PIB régional par habitant, 2000-2018 (PPA en dollars constants de 2015)

Note : Le graphique représente la croissance dans les régions de niveau territorial 2 (TL2) dont le niveau de PIB par habitant en 2018 est supérieur à la moyenne nationale respective. Les régions de niveau territorial 2 sont considérées comme comptant (ne comptant pas) une grande zone métropolitaine si elles contiennent (ne contiennent pas) une région de niveau territorial 3 (TL3) classée comme grande zone métropolitaine. Les régions économiquement peu importantes (définies comme celles qui représentent moins de 1/N du PIB national en 2018, où N est le nombre de régions TL2 dans le pays respectif) ne sont pas prises en compte.

Source: : OCDE (2019), calculs réalisés par l’OCDE à partir de ses statistiques régionales (base de données).

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Remobiliser en faveur de la convergence au moyen d’un ensemble plus large d’actions

Les politiques publiques doivent faire davantage pour renforcer la croissance et du bien-être en tirant parti des possibilités offertes par le progrès technologique, la mondialisation et l'environnement, en évitant que ces tendances, si elles ne sont pas encadrées par des interventions de la puissance publique, n'aggravent encore les divergences régionales. Le présent chapitre expose deux grands axes d'action pour favoriser la croissance et le bien-être dans toutes les régions et faire en sorte que certaines d’entre elles ne restent pas à la traîne ou ne déclinent.

Premièrement, en s'appuyant sur des approches novatrices du développement régional et de la politique industrielle, il y a lieu de mettre en œuvre des politiques adaptées aux caractéristiques locales afin d’aider toutes les régions à susciter une amélioration de leur spécialisation productive, essentielle pour relever les défis évoqués ci-dessus. Dans l’optique de la valorisation de la production et de l’accélération de la croissance, la section suivante passe d’abord en revue les politiques visant à favoriser le développement de chaînes de valeur innovantes dans l'UE, en utilisant des outils allant du soutien à la R-D aux marchés publics et en veillant à ce que les avantages se propagent aux régions moins prospères. Ces politiques doivent être étroitement liées à celles qui encouragent les économies d'agglomération et les effets externes des villes, telles que les politiques du logement et des transports. La section présentera ensuite une évaluation de la façon dont les politiques de la concurrence et les politiques commerciales peuvent permettre de mieux tirer parti de marchés ouverts et concurrentiels dans l’intérêt d’une plus grande spécialisation productive. Ces politiques doivent répondre aux nouveaux enjeux en matière de concurrence, qui découlent notamment de la numérisation et des subventions étrangères. Enfin, la section abordera la question de la valorisation de la production en tant que réponse aux défis du changement climatique.

Deuxièmement, le budget de l'UE reste d’une taille limitée, mais il devrait être utilisé plus efficacement pour soutenir la convergence régionale, notamment grâce à ses deux plus grands postes de dépenses, la politique de cohésion et la politique agricole commune. Ces politiques doivent viser plus étroitement l'amélioration de la spécialisation productive régionale tout en évitant les mesures allant à l’encontre du but recherché, telles que le soutien aux entreprises ou aux activités inefficaces. Dans le cas de la politique de cohésion, un outil de longue date de l'UE pour lutter contre les disparités régionales, une plus grande efficacité exige des améliorations de la qualité des interventions institutionnelles, de la sélection des projets et des marchés publics. Ces réformes sont également essentielles pour maximiser l'impact du plan de relance européen, Next Generation EU, approuvé en réponse à la pandémie. Pour faciliter la convergence des régions rurales pauvres, la politique agricole commune devrait être plus ciblée et plus propice aux gains de productivité dans les zones rurales, notamment grâce à une réforme des paiements aux producteurs qui faussent la concurrence, à une augmentation des investissements dans l'innovation et à une amélioration de la coordination avec la politique de cohésion.

Politiques d’aide à l’amélioration de la spécialisation des régions dans un monde en mutation rapide

La restructuration ou la disparition progressive des secteurs en déclin ainsi que le passage à de nouvelles activités à forte valeur ajoutée constituent un défi pour toutes les régions. Il est probablement plus grand dans les régions défavorisées qui dépendent encore d’activités à forte intensité de carbone vouées à se réduire. Cependant, la montée en gamme de la production est un défi même pour les régions européennes les plus prospères, qui sont confrontées à une concurrence mondiale de plus en plus forte et qui doivent innover pour rester à la frontière technologique. Il est possible de mieux exploiter les complémentarités des stratégies régionales et leurs retombées réciproques par la collaboration et le développement de chaînes de valeur innovantes.

S'inspirer de la nouvelle conception des politiques régionales et industrielles : encourager l’innovation et les économies d'agglomération

Stratégies à l’échelle locale pour améliorer la production

Depuis la fin des années 1980, la politique régionale ne met plus l’accent sur la construction d'infrastructures ou sur le versement de subventions en vue d’influer sur les décisions d'implantation des entreprises en faveur des régions défavorisées ou connaissant un chômage élevé. Le fait de reconnaître que des paramètres structurels sains à l’échelle nationale ne sont souvent pas suffisants pour assurer la convergence régionale a favorisé l’apparition d’une approche locale du développement régional, qui a pour finalité de renforcer la compétitivité régionale (OCDE, 2019a). Les politiques publiques à base locale privilégient la coordination des différentes interventions sectorielles qui peuvent être nécessaires, en concertation avec les acteurs privés, pour soutenir le développement de certains secteurs en s’appuyant sur les atouts des régions. Au lieu de « choisir les gagnants », elles cherchent à favoriser l’émergence d’entreprises et d’activités compétitives. Les interventions sectorielles peuvent porter sur des domaines aussi divers que la formation, le transport, la recherche-développement ou l’aménagement du territoire. Les différents leviers de l’action publique sont souvent répartis entre plusieurs échelons administratifs, d'où la nécessité d’une meilleure coordination entre eux. En outre, la diffusion des innovations est considérée comme essentielle pour renforcer la spécialisation productive à l’échelle régionale (OCDE, 2019b), tandis que dans les grandes villes, les économies d’agglomération favorisent l'innovation et sa transmission (Puga, 2009).

Les approches modernes de la politique industrielle tendent à privilégier les stratégies à base locale. Elles mettent l’accent sur l’importance de l’aide de l'État, en partenariat avec le secteur privé, pour déterminer ce qu'un pays ou une région peut produire avec succès. Promouvoir l’entrée dans de nouvelles activités génère de précieuses informations sur le succès ou l’échec ultérieur et, dans le premier cas, ouvre la voie à la reproduction de l’expérience et à sa diffusion (Hausmann et Rodrik, 2003). Le développement régional axé sur les activités locales et la politique industrielle moderne montrent l'importance des conditions locales pour l'innovation et sa diffusion, de l’expérimentation de l’action publique et de partenariats avec le secteur privé dans le respect de la concurrence (voir ci-dessous). Les deux mettent également en évidence que les secteurs exposés sont indispensables au développement économique. Les technoparcs coréens illustrent bien cette approche de l’action publique (encadré 4). Un autre exemple réside dans les alliances industrielles créées par la Commission européenne (par exemple concernant les batteries, l'économie circulaire des matières plastiques ou l'hydrogène), dans le cadre desquelles les États membres et le secteur privé définissent ensemble les besoins et des stratégies à long terme. Ces alliances constituent une composante importante de la stratégie industrielle de l'UE (Commission européenne, 2021a). Dans la politique de cohésion, le concept de spécialisation intelligente intègre aussi largement ces constats. Il consiste à donner la priorité à certains secteurs, choisis en concertation avec le secteur privé, susceptibles de générer des économies d’agglomération.

Encadré 2.1. Soutien à l'innovation et au développement régional : l’exemple des technoparcs coréens

Les technoparcs ont été créés en 1998 en réponse à la concentration croissante de l'activité économique autour de Séoul. Outre la mise à disposition d'infrastructures de base et le rôle de pépinière d’entreprises, leur objectif est de favoriser l’innovation et le développement de nouvelles industries en encourageant la coopération entre les PME, les universités, les instituts de recherche, le gouvernement central et les collectivités locales.

On en compte actuellement 19, contre six à l'origine, qui couvrent toutes les provinces et les zones métropolitaines de la Corée (Rhee, 2020). Les technoparcs ont contribué au développement de plusieurs secteurs en fonction des atouts des régions. Leur présence dans l’ensemble du pays montre aussi que la politique régionale cible toutes les régions et pas seulement les moins prospères.

Conjugués aux autres programmes de développement régional, les technoparcs ont contribué à la forte croissance économique en dehors du grand Séoul (Rhee, 2020) et donc à maintenir les écarts régionaux de PIB par habitant à un niveau relativement bas dans une optique de comparaison internationale.

Il faut veiller à ce que ce type de politique industrielle n’aille pas à l’encontre de la politique de concurrence. Les mécanismes de discipline, comme la limitation dans le temps de l'aide aux nouvelles activités, sont essentiels pour éviter de finir par soutenir les entreprises en place inefficientes et à la recherche de rentes (OCDE, 2018b; Rodrik, 2004; Hausmann et Rodrik, 2003). La politique de concurrence et la politique industrielle peuvent être complémentaires : lorsque l’aide de l'État cible des secteurs compétitifs ou, au sein d'un secteur, est allouée de manière à favoriser la concurrence, elle tend à être plus efficace pour accélérer la hausse de la productivité. S’agissant des régions en transition industrielle, les stratégies à base locale donnent la priorité à l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs et à l’ouverture aux connaissances extérieures à la région pour éviter un effet de verrouillage, c’est à dire la persistance de la spécialisation dans des industries traditionnelles dominées par des entreprises locales en place (OCDE, 2019b).

Les politiques régionales et industrielles conviennent à toutes les régions, mais elles sont sans conteste plus difficiles à mettre en œuvre dans les régions défavorisées et périphériques. Ainsi, les structures productives peu diversifiées et sophistiquées peuvent réduire la probabilité de la diffusion des connaissances dans les secteurs en rapport avec la technologie, puis de l’émergence de nouvelles activités (Asheim et al., 2011). En outre, il est plus difficile d’empêcher la confiscation de l’action publique par des intérêts particuliers dans les régions périphériques, où opèrent peu d’acteurs importants et dont les capacités institutionnelles sont faibles (Boschma, 2013).

Les prochaines sections examineront comment renforcer la coopération européenne en matière de politiques d'innovation et amplifier les retombées de l’activité des grandes villes

Améliorer la coopération européenne en matière de politiques d’innovation

Le retard pris par l’Europe dans l’innovation menace sérieusement sa prospérité à long terme. Son investissement en recherche-développement progresse lentement et reste bien inférieur à l’objectif de 3 % du PIB fixé pour 2020 (graphique 2.11). La faiblesse relative de l’Europe est imputable à la R-D des entreprises européennes dont la croissance au cours des vingt dernières années n’a pas suffi à combler l’écart avec les États-Unis ou le Japon et a été largement dépassée par celle de la Chine. Cette faiblesse est à la fois une cause et une conséquence du poids inférieur des secteurs de haute technologie (comme les TIC) dans l’économie de l’UE (Commission européenne, 2017a; OCDE, 2017b). L’Europe a en particulier connu des difficultés pour faire grandir les nouvelles entreprises : aucune société européenne créée depuis 30 ans ne figure parmi les 100 premières mondiales classées selon la capitalisation boursière (McKinsey & Company, 2019).

Graphique 2.11. Les entreprises de l’UE accusent un retard en matière de recherche-développement

En % du PIB

Note : 1. Les autres secteurs incluent la R-D réalisée par l’Etat, les établissements d’enseignement supérieurs et le secteur privé à but non lucratif.

Source : OCDE (2020), base de données des Principaux indicateurs de la science et de la technologie de l’OCDE - MSTI (base de données).

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L'intégration incomplète des marchés de produits (qui freine le développement des jeunes pousses) et le morcellement des marchés de capitaux (qui contribue à l’insuffisance de leur financement) sont en partie responsables de la faiblesse relative de l’Europe quand il s’agit de transformer les avancées scientifiques en innovation et en croissance. Les secteurs des services sont particulièrement pénalisés par le morcellement, qui est l’une des causes de la hausse très lente de leur productivité depuis le tournant du siècle, comme l’indiquait l’Étude économique 2018 de l’OCDE sur l’UE.

Outre la fragmentation du marché, l’exploitation limitée des synergies entre les différentes actions nationales et régionales pèse aussi sur la performance de l’Europe dans le domaine de l’innovation. Sur le plan de l’innovation, la collaboration à l’échelle de l’Europe concourt à créer une masse critique, tout en bénéficiant de la diversité du continent (McKinsey & Company, 2019) qui peut être une source de diffusion. Pour encourager les synergies, « Horizon 2020 », le principal programme de recherche et d'innovation de l’UE de 2014 à 2020, a favorisé la création de réseaux transfrontaliers et une coopération durable entre les agences nationales de financement. Toutefois, son incidence sur l'orientation des stratégies et des politiques nationales de recherche a souvent été modeste (Commission européenne, 2017b). Au sein d’« Horizon 2020 », le grand nombre d'instruments différents en a réduit la lisibilité pour les éventuels bénéficiaires. L’aide financière à la mise au point d'un vaccin contre la COVID-19 illustre ces limites : la prolifération de mécanismes nationaux et européens donne à l’aide un caractère plus complexe et moins transparent, sans empêcher en fin de compte que le montant total disponible reste bien inférieur à celui observé dans d’autres pays, comme les États-Unis (Aghion et al., 2020).

« Horizon Europe », qui succède à « Horizon 2020 » pour 2021-27, prévoit, pour relever des défis mondiaux (l’adaptation aux changements climatiques, le cancer, les océans, les villes et les sols), cinq grands domaines de mission interdisciplinaires de nature à susciter la coopération entre pays. Les domaines de mission pourraient aussi représenter des possibilités prometteuses pour l'investissement privé, notamment parce que le plus fort potentiel d'innovation se trouve souvent au croisement de différentes technologies. À cette fin, « Horizon Europe » suit une approche améliorée et simplifiée du partenariat faisant intervenir des participants publics ou privés de façon à mutualiser les efforts dans des domaines prometteurs, tels que les innovations en matière de santé, l’intelligence artificielle et les technologies utilisant l’hydrogène. Quarante-neuf partenariats européens ont été identifiés : 11 ont déjà été lancés et tous les autres sont sur le point de l’être. Le Nouveau Conseil européen de l’innovation (CEI), qui a certains points communs avec la célèbre agence DARPA des États-Unis (encadré 2.2), a le potentiel de stimuler davantage la collaboration transfrontalière en matière de R-D.

Encadré 2.2. Favoriser un écosystème novateur d'innovation et de collaboration : DARPA et CEI

La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) est une agence du département de la défense des États-Unis qui gère et finance les programmes de R-D axés sur la sécurité nationale. Créée en 1958 en riposte au lancement du Spoutnik soviétique l’année précédente, DARPA privilégie les projets à risque et à rendement élevés, tout en cherchant à ce que les résultats de la recherche fondamentale aboutissent à des innovations technologiques à caractère pratique. Les avancées technologiques qui s’ensuivent ont souvent des utilisations et des applications bien au-delà de la sphère militaire. On peut citer comme exemples l’Internet, le système de positionnement mondial (GPS) ainsi que l’automatisation de la reconnaissance vocale et de la traduction.

DARPA bénéfice d'une organisation légère et souple sur le plan administratif et de la passation des contrats, qui lui permet d’exploiter promptement les opportunités qui se présentent. Une centaine de gestionnaires de programmes, recrutés dans des universités, des entreprises ou dans d’autres agences publiques pour des périodes limitées (en général de 3 à 5 ans) supervisent environ 250 programmes de R-D. Ils disposent d'une grande autonomie pour recruter des chercheurs et nouer des collaborations avec des universités, des jeunes pousses ou des grandes entreprises. Des mécanismes de suivi et de communication réguliers garantissent que les programmes qui ne donnent pas de résultats (ce qui est le cas de certains compte tenu de leur caractère très risqué) puissent être interrompus.

De l’ordre de 3 milliards de dollars par an, le budget de DARPA est relativement modeste puisqu'il représente seulement 2 % des dépenses fédérales pour la R-D (Congressional Research Service, 2020). Toutefois, en assurant la coordination de la recherche, il permet de mobiliser directement un montant supérieur d'investissement. De plus, il est probable que les activités de DARPA suscitent des investissements privés en R-D (Moretti et al., 2020).

Établi dans le cadre du programme Horizon Europe, le Conseil européen de l’innovation (CEI), officiellement créé en mars 2021 à l’issue d'une phase-pilote s’étalant entre 2018 et 2020, est une initiative ambitieuse pour l’innovation dotée d'un budget de 10 milliards EUR pour la période 2021-27. Inspiré dans une certaine mesure de la DARPA, le CEI a pour but d’identifier, de développer et de porter à plus grande échelle des technologies à haut risque et impact élevé et des innovations de rupture.

Le CEI se décline en deux volets, l'éclaireur (Pathfinder) et l’accélérateur (Accelerator), des activités de transition permettant de combler les éventuelles lacunes entre les deux. Pathfinder est un instrument qui accorde des subventions et soutient des projets de recherche susceptibles de transformer des avancées scientifiques en nouvelles technologies. Comme c’est le cas avec la DARPA, des gestionnaires de programme (dont quatre avaient déjà été nommés fin 2020) aideront à constituer les portefeuilles de projets et à réunir les parties prenantes pour favoriser la collaboration et permettre d'atteindre une masse critique. Le volet Accelerator aide les entreprises, en particulier les start-ups, les PME et, exceptionnellement, les entreprises à moyenne capitalisation à mettre au point des innovations et à les transposer à grande échelle, notamment en leur accordant des financements mixtes (qui combinent subventions et investissements en fonds propres). Cela montre bien la nécessité d’intensifier fortement le soutien à des innovations prometteuses et susceptibles d’ouvrir de nouveaux marchés, parce que les entreprises innovantes et en forte croissance sont peu nombreuses à avoir participé à Horizon 2020 (Commission européenne, 2017b).

L’accélérateur est un instrument bienvenu et innovant, qui n'a pas d'équivalent à la DARPA, laquelle peut, il est vrai, s’appuyer sur un acheteur public très important (le Département américain de la Défense) pour promouvoir la mise au point d'innovations.

Le financement d’Horizon Europe reste encore insuffisamment ambitieux, mais la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR, volet le plus important du plan de relance de l’UE, voir encadré 1.5) pourra être mobilisée pour stimuler l’investissement dans la recherche et l’innovation. Avec 84.9 milliards d’euros (aux prix de 2018, en tenant compte des suppléments provenant de « Next Generation EU » et des amendes pour infraction aux règles de concurrence), l’enveloppe consacrée à « Horizon Europe » ne dépasse que de 8 % le budget initial d’« Horizon 2020 », bien que la hausse apparaisse plus substantielle (+ 14 %) si l'on tient compte des réductions ultérieures des ressources d’« Horizon 2020 » et encore plus si l'on soustrait les dépenses de ce programme allouées au Royaume-Uni (+ 30 %). En ancrant solidement la recherche et l’innovation dans les plans nationaux pour la relance et la reprise et la résilience (comme on l’a vu au chapitre 1), les financements de la FRR pourront être utilisés pour aider les États membres à tenir les engagements récents pris dans le contexte de l’Espace européen de la recherche nouvelle formule (Commission européenne, 2020a), comme celui de consacrer 1.25 % du PIB à des efforts publics de R-D d’ici 2030.

La coopération entre les pays de l’UE et l’aide publique sont également importantes pour les étapes de l’innovation plus proches du marché (par exemple le premier déploiement industriel), mais comportent des risques significatifs. À cet égard, l’aide de l'État joue un rôle essentiel dans le cadre du dispositif Projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC), qui appuie des projets très innovants concernant plusieurs États membres. Depuis 2014, trois projets PIIEC dans les domaines de la recherche et de l’innovation ont été soumis à la Commission et approuvés par elle, un sur la micro-électronique (2018) et deux sur les batteries (2019 et 2021). Il faudrait lancer davantage de projets de cette nature, ce qu’une forte implication de la Commission pourrait faciliter, car une coordination poussée entre les États et les entreprises est nécessaire. D'ailleurs, des préparatifs sont en cours en vue d’un PIIEC éventuel dans le domaine du développement d’infrastructures basées sur l’hydrogène. Il faudrait exploiter les synergies des partenariats d'« Horizon Europe », tout en simplifiant le processus de notification et de contrôle des aides d'État (Commission européenne, 2019b).

Dans le même temps, il est essentiel de continuer à minimiser les distorsions de la concurrence et à amplifier les retombées sur le reste de l’économie. À cette fin, il est notamment nécessaire que : (i) pour chaque projet, l’aide bénéficie à de nombreuses entreprises, y compris des concurrentes directes ; (ii) que le projet ne puisse être réalisé en l’absence d’aide et (iii) que les résultats des recherches soient largement diffusés. En outre, afin d’éviter des répercussions négatives sur la convergence régionale, il est très important que les PIIEC soient ouverts à la participation de tous les États membres : les trois projets PIIEC approuvés jusqu'à présent ne concernent qu'un nombre de pays limité, bien que croissant (12 États membres de l'UE et le Royaume-Uni), composé surtout des plus grands et des plus riches. Pour obtenir une plus grande participation, il faut aussi faire intervenir davantage d’entreprises d’autres pays, dont des PME, soit en les faisant bénéficier directement des aides, soit en les intégrant dans les chaînes de valeur concernées. La récente proposition de révision du cadre PIIEC comporte des dispositions permettant d’élargir la participation des pays et des PME, ce qui est bienvenu pour rendre le processus plus inclusif et transparent.

Il existe aussi une latitude pour approfondir l'intégration et la coopération dans la passation de marchés publics, ce qui pourrait favoriser l’innovation en créant des marchés pour les nouveaux produits et services. Le morcellement actuel en ce domaine constitue un obstacle à l’innovation, car l’attraction exercée par la demande n’atteint sans doute pas la masse critique (Commission européenne, 2014). Bien que le droit des soumissionnaires étrangers de participer aux procédures de passation des marchés publics soit consacré par la loi, dans les pays de l’UE, quelque 3 % seulement de la valeur totale des marchés publics avaient été attribués entre 2009 et 2015 à un candidat situé dans un pays différent de celui de l’acheteur, même si la part des marchés publics transfrontières passés de manière indirecte par le biais de filiales locales était supérieure (20 %) (Commission européenne, 2017c). Une plus grande ouverture de fait des acheteurs en direction des soumissionnaires d'autres pays inciterait des derniers à participer davantage aux appels d’offres (ce que la législation actuelle permet déjà amplement) et augmenterait les chances qu’un fournisseur innovant puisse vendre à l’étranger. De même, il faudrait développer la passation conjointe de marchés publics par plusieurs pays, qui reste très limitée malgré l’existence de mécanismes de soutien dédiés dans les programmes de recherche et d’innovation de l’UE. Au même titre que le financement de la R-D et que les aides d'État, les marchés publics constituent assurément un domaine dans lequel la coopération entre pays est essentielle au développement de chaînes de valeur stratégiques dans l’UE.

Renforcer la capacité d'innovation des régions moins prospères

Il existe de grandes différences entre les pays et les régions de l’Union européenne sur le plan de l'intensité de leur effort de R-D (graphique 2.12), qui est souvent insuffisant. Pour une part, c’est peut-être simplement le résultat d'un choix de spécialisation efficient. En effet, il arrive que l’avantage comparatif de certaines régions se trouve dans les industries et les services traditionnels où l'intérêt de l'investissement en R-D est plus limité que dans les branches industrielles à forte intensité de connaissances. Pourtant, les entreprises des secteurs à faible intensité technologique peuvent aussi bénéficier des subventions à la recherche industrielle collaborative, parfois davantage que celles situées dans les secteurs de technologie de pointe (Crescenzi et al., 2018). Augmenter l’investissement en R-D dans l’industrie manufacturière à faible intensité technologique ou dans les régions en retard peut générer des gains de productivité substantiels, notamment en encourageant l’adoption de technologies par des entreprises qui opèrent en deçà de la frontière nationale de la productivité (Kierzenkowski et al., 2017; OCDE, 2018c, 2019a). Le faible investissement en R-D observé dans nombre de régions constitue donc un obstacle à l'innovation et à sa diffusion.

Graphique 2.12. Dans de nombreux pays et régions de l’UE, l'investissement en R-D est faible

En pourcentage du PIB, 2018 ou dernière année pour laquelle des chiffres sont disponibles

Note : 2013 pour la France ; 2015 pour l’Irlande ; 2017 pour l'Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Pologne, le Portugal, la République slovaque, le Slovénie et la Suède.

Source :OCDE (2020), calculs de L’OCDE fondés sur des données tirées des Statistiques régionales de l’OCDE (base de données).

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Une meilleure intégration de la politique de recherche et d'innovation avec la politique de cohésion conditionne la hausse de l’aide à l’innovation dans les régions moins prospères où l’investissement en R-D est modique (graphique 2.13, graphique A). Les régions les plus favorisées ont absorbé la plus grande part des financements d’« Horizon 2020 », parce que leurs systèmes de recherche et d'innovation sont plus avancés et que le programme privilégie l’excellence comme critère d’évaluation (graphique 2.13, partie B). Outre les initiatives d’« Horizon 2020 » pour faire participer davantage les pays en retard, des mesures ont été prises récemment dans le but de conjuguer les moyens financiers de la politique de cohésion aux mécanismes d’évaluation fondés sur le mérite des programmes de R-D.

Graphique 2.13. Les régions les plus riches investissent davantage en recherche-développement et ont reçu plus de fonds d’Horizon 2020

Note : 1. Les catégories par niveau de revenu des régions TL2 sont fondées sur le PIB par habitant en 2018 à la PPA en USD constants. Le niveau territorial 2 (TL2) se rapporte aux grandes régions, telles qu’elles sont définies dans la classification de l’OCDE des unités géographiques. Cette catégorie correspond aux classifications NUTS 2 d’Eurostat, à l’exception de la Belgique et d l’Allemagne où le niveau NUTS 1 correspond au TL2 de l’OCDE. La partie A est basée sur les données de 189 régions TL 2 de 24 pays de l’UE. La partie B est basée sur les données de 191 régions TL 2 de 25 pays de l’UE. 2. Financement cumulé de 2014 jusqu’à 2019.

Source : OCDE (2020), calculs de l’OCDE fondés sur des données tirées des Statistiques régionales de l’OCDE (base de données) et des comptes régionaux d’Eurostat (base de données).

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Le « label d’excellence » est une distinction qui a vocation à élargir les sources de financement des projets de recherche et d'innovation. Il est décerné aux propositions de haute qualité non financées par Horizon 2020 méritant une aide financière d'origine différente. Toutefois, les informations dont on dispose laissent penser que les autres financements publics de ces propositions restent inférieurs à 1 % du montant sollicité d’« Horizon 2020 », notamment du fait des difficultés liées aux règles qui régissent les aides d’État (Commission européenne, 2017b).

La Commission a récemment révisé ces règles afin de faciliter le soutien apporté par les États membres aux PME pour des projets ayant reçu le « label d’excellence », grâce à une simplification des procédures et à la possibilité de rehausser les plafonds. Cette même révision facilite aussi le cumul des financements nationaux et de ceux d’« Horizon Europe » pour les activités de recherche et d'innovation. L'octroi de labels d'excellence se poursuivra dans le cadre du programme Horizon Europe (201-27).

Également dans le but de faciliter l’utilisation des fonds de cohésion pour appuyer la recherche et l’innovation, les règles de la politique de cohésion pour la période 2021-27 permettent aux pays de transférer à « Horizon Europe » un montant allant jusqu'à 5 % de leur allocation de cohésion, réservé à des projets nationaux sélectionnés de façon compétitive. Ces nouvelles possibilités devraient être exploitées pour financer les politiques nationales et régionales d'innovation.

La coopération interrégionale favorise l’innovation et, de manière plus générale, tend à amplifier les bénéfices de la politique de cohésion. Certaines données récentes laissent penser qu'une plus grande participation à des projets de politique de cohésion établis en commun avec d’autres régions s’accompagne d'une plus forte croissance économique régionale (Darvas et al., 2019). Ces projets rassemblent souvent des régions voisines de différents pays, notamment pour développer des infrastructures transfrontalières de transport ou de service public. Il arrive que certains projets soient indispensables pour améliorer l’accès à des marchés transfrontaliers, mais non prioritaires dans une logique purement nationale. En revanche, d’autres domaines de coopération n’exigent pas une contiguïté géographique. Par exemple, la coopération entre régions présente un intérêt dans la conception et l’application de stratégies intelligentes de spécialisation, en particulier pour optimiser le positionnement dans les chaînes de valeur européennes, bien qu'il reste une grande marge pour des investissements conjoints plus importants (Commission européenne, 2019b ; Cohen, 2019). L'un des avantages de la coopération est la possibilité d’importer des connaissances de l'extérieur de la région, ce qui réduit le recours aux acteurs locaux en place et encourage l'innovation (OCDE, 2019b). La coopération avec des partenaires plus avancés contribue aussi au renforcement des capacités dans les régions plus défavorisées (Darvas et al., 2019).

Pour promouvoir la coopération interrégionale, les règles de la politique de cohésion pour la période 2021-27 généralisent la possibilité, jusqu’ici limitée à des programmes spécifiques, donnée à une région d’affecter une partie de son allocation de cohésion à des projets conjoints partout en Europe. En outre, les nouvelles dispositions simplifieront la mise en œuvre des projets transfrontaliers, par exemple la possibilité d’appliquer quelquefois les règles d'un pays à un projet réalisé au-delà de la frontière. Les pays devraient se servir activement de ces nouvelles possibilités pour participer davantage à des projets interrégionaux.

Tirer le meilleur parti des retombées urbaines

Les grandes villes jouent un rôle essentiel dans la modernisation de l’appareil productif. Les économies d’agglomération urbaine entraînent une hausse de la productivité en raison du grand nombre de travailleurs compétents, de la meilleure adéquation du marché du travail et des chaines de valeur, de la promotion de la diffusion de l’innovation et du savoir (Puga, 2009). Pour des niveaux de compétence similaires, la productivité des travailleurs est susceptible d’augmenter de 0,2-0,5 % lorsque la population d’une ville est supérieure de 10 % (Ahrend et al., 2017). En outre, les retombées de la productivité des métropoles peuvent bénéficier aux petites villes et aux régions limitrophes dans un périmètre de 200 à 300 kilomètres (OCDE, 2015a), Toutefois, un cadre de gouvernance médiocre risque d’annuler les avantages d’agglomération d'une grande ville. Dans les zones urbaines fonctionnelles (définies en tenant compte du degré de mobilité pendulaire), le morcellement administratif (c’est-à-dire l’existence d'un grand nombre de communes) va de pair avec une moindre productivité, surtout en l’absence de dispositifs de gouvernance métropolitaine, signe d’une coordination déficiente dans des domaines comme l’aménagement du territoire ou les transports (Ahrend et al., 2017). Ainsi, l'inadéquation des transports publics rend plus difficiles les déplacements quotidiens, d'où une moindre profondeur du marché de l’emploi, ce qui est particulièrement préjudiciable aux travailleurs à faible revenu (OCDE, 2015a).

Il est essentiel que l’offre de logements soit flexible et réactive pour renforcer les économies d’agglomération en permettant la croissance des villes, y compris de celles qui sont petites ou de taille moyenne. Si elle est rigide, les prix des logements s’envolent lorsque la demande augmente, freinant la création d’emplois à forte productivité en empêchant les candidats appropriés de s'installer, ce qui a un coût macroéconomique élevé (Hsieh et Moretti, 2019). Dans plusieurs pays de l’UE, y compris les plus grands, les estimations à l’échelle nationale mettent en évidence une certaine rigidité de l’offre de logements (Cavalleri et al., 2019), confirmée dans les grandes villes et leurs zones environnantes de mobilité pendulaire (Bétin et Ziemann, 2019). Les résidents actuels de ces zones ne seront probablement pas en nombre suffisant pour répondre aux besoins d’emploi dans la prochaine décennie (McKinsey Global Institute, 2020).

L’assouplissement des règles d’utilisation du foncier est un levier important de l’action publique pour rendre l’offre de logements plus réactive. Déléguer l’aménagement spatial aux collectivités locales, ou leur accorder un droit de veto en la matière, est associé à une moindre élasticité de l’offre (Cavalleri et al., 2019), sans doute parce que les comportements des propriétaires, qui consistent à s’opposer à tout projet exogène considéré comme une nuisance, ont alors une influence grandissante sur les politiques locales. Il est donc judicieux de confier la réglementation de l’usage des sols à un échelon métropolitain supérieur, ce qui serait peut-être plus facile s’il s’agit d’élus qui disposeraient ainsi d'une plus grande légitimité démocratique. Le contrôle strict des loyers et les allégements fiscaux généreux en faveur des propriétaires constituent d’autres facteurs politiques de la rigidité de l’offre de logements. Par conséquent, il conviendrait aussi de réformer dans ces domaines. L’investissement, depuis longtemps attendu, pour rendre les logements plus efficients sur le plan énergétique devrait exercer une pression à la hausse sur les prix (Cournède et al., 2020), d'où l’urgence d’améliorer la réactivité de l’offre.

Faire en sorte que davantage de territoires tirent parti des économies d'agglomération devrait également être une priorité. La réduction de la durée des déplacements pendulaires entre les petites villes et les grandes pourrait permettre aux premières de bénéficier des retombées des économies d’agglomération et d’augmenter ainsi leur productivité (OCDE, 2019b). Par ailleurs, une connexion internet de très bonne qualité proposée à des prix compétitifs favoriserait l'approfondissement des marchés du travail locaux, notamment par un usage plus répandu du télétravail. Les grandes villes (en dehors de la capitale) peuvent atteindre une masse critique et générer des économies d’agglomération plus fortes en s’intégrant davantage aux régions et aux petites villes de leur périphérie, par exemple en prévoyant des infrastructures communes ou un renforcement de la collaboration entre les universités et les entreprises (OCDE, 2020b). Pour y parvenir, une coordination effective est souvent nécessaire entre les différents échelons administratifs (par exemple central, régional, métropolitain et local) ainsi qu’entre échelons de même niveau (par exemple les communes. En Hongrie, la ville de Gyor, qui compte environ 130 000 habitants, illustre l'importance de la collaboration avec le secteur des entreprises locales (où l’IDE joue un rôle majeur) et les établissements d’enseignement pour générer des effets d’agglomération (Lux, 2015), comme l'indique l’Étude économique de l’OCDE de 2019 sur la Hongrie.

Des politiques des échanges et la concurrence qui garantissent des conditions de concurrence équitables

Une vive concurrence sur les marchés de produits revêt une importance cruciale dans la mise en œuvre des stratégies territorialisées, car elle renforce les incitations à innover et favorise la diffusion des innovations (Andrews et al., 2015). Par conséquent, l’application rigoureuse du droit de la concurrence sur le marché européen et l’ouverture aux échanges et aux investissements internationaux devraient rester des priorités de l’action publique.

Dans le même temps, si les pouvoirs publics souhaitent préserver des conditions équitables et éviter des distorsions de la concurrence, ils doivent adapter les instruments des politiques de la concurrence, des échanges et de l’investissement de façon à répondre aux nouveaux défis que posent la mondialisation et les changements technologiques. La Commission européenne a pris acte de ces enjeux dans ses récents travaux sur la concurrence ainsi que dans le réexamen de sa politique commerciale. Par exemple, certaines caractéristiques de marché favorisées par la transformation numérique, telles que les économies d’échelle et les effets de réseau, peuvent dans certains cas entraver la concurrence. Il en va de même des distorsions résultant de subventions accordées par des États ou des organismes publics hors UE (ci-après, subventions étrangères) qui ne relèvent pas du champ d’application du contrôle des aides d’État par l’UE.

Limiter les distorsions de la concurrence à l’aide des politiques de la concurrence et de l’investissement

Les conséquences des subventions sur le commerce international sont prévues par l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais ce dispositif est de plus en plus mis à mal. D’après les règles actuelles, quelques catégories de subventions seulement sont prohibées (c’est notamment le cas des subventions subordonnées aux résultats à l’exportation), d’autres sont autorisées à condition qu’elles ne faussent pas les échanges internationaux. Toutefois, si les règles de l’OMC encadrent efficacement les contributions financières octroyées par des administrations publiques et les chaînes d’approvisionnement simples et nationales, elles sont moins adaptées dans les autres cas. La charge de la preuve est devenue plus lourde et les règles, plus difficiles à appliquer dans le contexte actuel : les chaînes de valeur sont complexes et internationales et les aides publiques sont protéiformes, elles dépassent le cadre des subventions directes et font parfois intervenir des entreprises publiques ou le système financier (Jean et al., 2019 ; OCDE, 2019c). En outre, il arrive souvent que les membres de l’OMC ne respectent pas les obligations de notification des subventions.

Un pays qui s’estime lésé par une subvention étrangère qui fausserait la concurrence peut ouvrir une enquête et appliquer des droits compensateurs, dans les conditions et limites fixées par l’OMC. Il peut également saisir le mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Dans ce cas, si la subvention est jugée illégale et n’a pas été abandonnée, la partie lésée ne peut adopter des contre-mesures de rétorsion (comme une hausse des droits de douane) qu’à la fin de la procédure de règlement du différend, appel compris.

Pour mieux lutter contre les subventions qui génèrent des distorsions, l’UE a renforcé ses instruments de défense commerciale en 2018. Notamment, cette réforme a permis à la Commission d'imposer des droits compensateurs pour neutraliser intégralement les subventions, et elle a aussi permis de rationaliser le cadre de procédure dans le sens d'une protection plus efficace contre les subventions étrangères opaques. De plus, la Commission a continué de s'attaquer à de nouvelles formes de subventions dans des pays tiers, notamment celles qui résultent des chaînes de valeur internationales. Ces mesures peuvent aider à freiner les pratiques entraînant des distorsions, mais elles présentent des limites. Ainsi, ces instruments de défense commerciale améliorés ne peuvent pas couvrir tous les effets préjudiciables des subventions à l’industrie, comme les distorsions de concurrence sur les marchés tiers.

Il est important de souligner que le réexamen de la politique commerciale de l’UE (Commission européenne, 2021b) ne se limite pas aux mesures autonomes (prises individuellement par l’UE), comme celles relatives à la défense commerciale et à l'application des règles relatives aux échanges. Conformément à un modèle d'autonomie stratégique ouverte, l'accent est mis sur la coopération bilatérale et multilatérale pour faire progresser l’équité des règles du jeu, de façon, entre autres, à renforcer les règles internationales sur les subventions à l’industrie. Dans ce contexte, l’UE plaide pour une réforme de l’OMC dans ses trois fonctions principales (négociation, suivi et règlement des différends). La politique commerciale est également considérée comme un instrument de soutien des transitions numérique et écologique.

Lorsque le mécanisme de règlement des différends de l’OMC est saisi et qu’une partie fait appel, la procédure ne peut actuellement pas aboutir faute du quorum requis pour examiner de nouveaux appels (depuis décembre 2019). Dans cas, des modifications législatives récentes permettront à l’UE d’appliquer des contre-mesures si le Groupe spécial de l’OMC établit un rapport favorable (étape précédant un éventuel appel) si l’appel ne peut pas prendre une autre forme. En outre, l’UE a conclu avec plus de 20 autres membres de l’OMC un arrangement d’arbitrage d’appel provisoire qui permettrait de mener à bien une procédure d'appel concernant une affaire concrète, à la condition que l'autre membre de l’OMC partie au différend soit d'accord.

L’IDE peut servir de puissant catalyseur de la concurrence et de l’innovation, mais dans certains cas, il peut également soulever des préoccupations en matière de sécurité ou permettre un comportement anticoncurrentiel. Les changements technologiques et les évolutions géopolitiques ont avivé les préoccupations en matière de sécurité au cours des dernières années. En réponse, de nombreux pays bénéficiaires se sont dotés de politiques d’investissement qui protègent leurs intérêts essentiels de sécurité ou ont modifié les politiques existantes en ce sens (OCDE, 2020c). En 2019, l’UE a adopté un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers en provenance de pays tiers pour des motifs de sécurité ou d’ordre public, qui est entré en vigueur en octobre 2020. Il appartient au pays de l’UE où est réalisé l’investissement d’autoriser ou non l’IDE et d’imposer d’éventuelles conditions, mais le pays doit demander des informations aux autres États membres et à la Commission et prendre en compte leurs commentaires. L’adoption de ce cadre constitue une mesure bienvenue, compte tenu de la liberté d’établissement et de la libre circulation des capitaux au sein de l’UE, qui accroissent les interdépendances. Jusque récemment, les échanges de renseignements sur l’IDE entre pays de l’UE ont été limités (Cour des comptes européenne, 2020). Dans le même temps, il est primordial de préserver la sécurité juridique et l’ouverture à l’IDE, qui peuvent s’avérer déterminantes pour éviter une hausse de la concentration dans certains marchés provoquée par des faillites résultant de la pandémie.

La Commission a récemment présenté un projet de règlement visant à lutter contre les effets de distorsion provoqués par les subventions étrangères sur le marché unique (Commission européenne, 2021c), s'appuyant sur un précédent livre blanc (Commission européenne, 2020b). S’agissant des subventions étrangères qui facilitent la concentration d’entreprises exerçant des activités dans l’UE (qui ne sont pas expressément couvertes par le cadre décrit plus haut), la proposition de règlement prévoit une notification préalable obligatoire lorsque certains seuils sont atteints, donnant lieu à la réalisation d'un examen par la Commission. Si elle considère qu'une opération de concentration (c'est-à-dire une acquisition, une fusion ou la création d'une entreprise commune) facilitée par des subventions étrangères a un effet de distorsion sur le marché intérieur (sans s’accompagner d’effets positifs compensateurs suffisants), elle pourrait imposer des mesures réparatrices ou, en dernier ressort, interdire l’opération. Des distorsions pourraient, par exemple, apparaître lorsque les acquéreurs non subventionnés ne peuvent pas accéder à certaines technologies (Commission européenne, 2020b) au détriment d’une modernisation des moyens de production fondée sur l’innovation. Des mesures réparatrices pourraient aussi être imposées dans le cas d'opérations de concentration restant en deçà des seuils définis, sur lesquelles la Commission pourrait enquêter de sa propre initiative.

Renforcer les outils d’application du droit de la concurrence

La politique de la concurrence joue un rôle essentiel dans l’efficience de l’allocation des ressources, la promotion de l’innovation et de l’investissement et la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs. Dans l’UE, il incombe à la Commission européenne, conjointement aux autorités nationales de la concurrence, de faire respecter le droit européen de la concurrence. Ce dernier revêt une importance déterminante dans l’approfondissement et le maintien de l’intégrité du marché intérieur et génère des retombées positives considérables en Europe. Dans la plupart des secteurs, les marges bénéficiaires et le degré de concentration ont moins augmenté en Europe qu’aux États-Unis depuis le début du siècle (Philippon, 2019). Par conséquent, il convient d’appliquer rigoureusement le droit de la concurrence dans le marché intérieur.

L’une des préoccupations immédiates est d’octroyer des aides d’État pour soutenir l’économie dans un contexte marqué par la pandémie et ses conséquences tout en limitant autant que possible les risques de distorsions sur les marchés. En mars 2020, la Commission a adopté un encadrement temporaire des aides d’État afin de permettre aux États membres d’exploiter pleinement la flexibilité prévue par les règles en matière d’aides d’État. Cet encadrement a été élargi et prolongé depuis et devrait rester en vigueur jusqu’à fin 2021. Les mesures d’aides approuvées varient fortement d’un pays de l’UE à l’autre. Ainsi, l’Allemagne a accordé plus de la moitié du montant alloué par l’ensemble des pays de l’UE (Hermet et de Franclieu, 2020), ce qui a initialement avivé les craintes que les États membres disposant d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire versent des aides plus généreuses à leurs entreprises. Une telle situation aurait un effet de distorsion sur la concurrence (Motta et Peitz, 2020) et exacerberait les risques de divergence économique dans l’UE, puisque les pays pauvres ont des ressources budgétaires plus faibles.

Les données disponibles sur le décaissement de l’aide jusqu’à la fin de 2020 vont plutôt dans le sens d'un apaisement de ces craintes, dans la mesure où ce sont les pays les plus endettés (Espagne, France, Italie et Grèce) qui ont accordé le plus d'aide en pourcentage de leur PIB d’avant la crise (Mathieu Collin et al., 2021). En réduisant les asymétries entre États membres en matière de volant budgétaire, le plan de relance de l’UE contribue dans une certaine mesure à diminuer ces risques. Cela étant, les pays ayant les marges de manœuvre budgétaires le plus réduites sont souvent ceux qui ont fait le plus appel à des formes de remboursables, par exemple des garanties de prêt (Mathieu Collin et al., 2021 ; graphique 1.13 du chapitre 1), ce qui constitue une source de vulnérabilités futures. Il convient de continuer à respecter de façon stricte les garde-fous qui permettent d’éviter les effets distorsifs des aides, comme le ciblage des entreprises solvables avant la crise. En outre, l’encadrement temporaire des aides d’État devrait être abrogé lorsque la reprise aura atteint un rythme soutenu.

Cependant, de nombreuses entreprises viables sortiront de la crise très endettées et pourraient avoir besoin d’un soutien en fonds propres pour éviter la faillite. La recapitalisation, qui figure déjà dans l’encadrement temporaire, devra peut-être survivre au dispositif moyennant certains aménagements, comme l’autorisation de convertir certains prêts en fonds propres. Lorsqu’ils accordent des aides d’État, les pouvoirs publics devraient s’appuyer sur l’expertise du secteur privé et tirer parti des possibilités de co-investissement avec des investisseurs privés (OCDE, 2020d). Quant aux mesures globales d’assainissement des bilans, comme la suppression des incitations en faveur du retrait de capitaux propres au moyen d’une réduction ou d’une élimination de la fiscalité des PME sur les bénéfices non distribués, elles peuvent présenter un autre avantage : celui de ne pas faire peser de risque sur la concurrence.

L’émergence de géants européens d’envergure mondiale dans les secteurs de haute technologie serait un résultat positif des politiques industrielles proconcurrentielles présentées dans la section précédente consacrée à l’innovation. En revanche, promouvoir l’apparition de « champions européens » par une application laxiste du droit de la concurrence, en particulier dans le domaine des fusions, présente de nombreux inconvénients, tout comme les politiques industrielles traditionnelles visant à créer ou à soutenir des champions nationaux. En effet, il est très difficile, voire impossible, de repérer un champion sur la base de critères économiques objectifs et l’exercice pourrait permettre à des intérêts particuliers d’orienter le choix des entreprises à soutenir (Heim et Midões, 2019). Protéger les entreprises en place soulève des risques de laxisme et de captation réglementaires et pourrait aggraver la corruption (OCDE, 2018b). En outre, la promotion de champions serait de nature à exacerber les disparités régionales en Europe : il s’agirait probablement d’entreprises provenant d’États membres à la fois grands et prospères et plus précisément des régions riches de ces États, qui se développeraient au détriment des consommateurs du reste de l’Union (Jenny et Neven, 2019).

En tout état de cause, la politique européenne de la concurrence a rarement empêché les entreprises de gagner en taille et en efficience par le biais de fusions. La plupart des projets de fusions ont été acceptés et certains ont donné naissance à des champions européens. Dans moins de 3 % des opérations de fusion notifiées à la Commission entre 2010 et 2018, la fusion a été interdite ou la notification a été retirée (Jean et al., 2019). Cette écrasante majorité d’autorisations vaut également pour les notifications déposées par de grandes entreprises européennes, bien que dans ces cas, la Commission impose plus souvent des mesures correctives (Helm et Midões, 2019).

Dans certains domaines, il est sans doute approprié de durcir, et non d’assouplir, l’application du droit de la concurrence, comme dans le cas des « acquisitions prédatrices ». Ces dernières désignent improprement les opérations par lesquelles de grandes entreprises achètent des entreprises rivales plus petites de façon à étouffer la concurrence dans l’œuf. De cette façon, l’entreprise acquéreuse peut par exemple mettre fin à un projet innovant à l’état embryonnaire, qui aurait pu supplanter certains de ses produits, stratégie préventive que l’on retrouve notamment dans le secteur des produits pharmaceutiques (Cunningham et al., 2018 ; OCDE, 2020e). Dans le secteur du numérique, l’innovation produite par l’entreprise cible est rarement éliminée, mais une acquisition prédatrice est toujours susceptible d’entraîner d’effets anticoncurrentiels. Ainsi, l’intégration de l’entreprise cible dans la plateforme ou l’écosystème de l’entreprise acquéreuse peut accroître les obstacles à l’entrée, en facilitant la fidélisation des utilisateurs (Crémer et al., 2019). Ces acquisitions échappent souvent au contrôle des concentrations par la Commission en raison du faible chiffre d’affaires des start-ups achetées, bien inférieur au seuil de notification.

Plusieurs solutions permettraient de faire entrer davantage d’acquisitions prédatrices dans le périmètre d’examen des autorités de la concurrence, mais elles présentent toutes des inconvénients. Étant donné que les entreprises historiques déboursent parfois des sommes considérables pour acheter des start-ups prometteuses, il serait possible de compléter les seuils de chiffre d’affaires par des seuils de valeur de transaction, comme l’Allemagne et l’Autriche l’ont fait récemment. Cependant, il n’est pas facile de déterminer le niveau du seuil : s’il est trop haut, nombre d’acquisitions prédatrices risquent de ne pas être examinées (comme avancé par Cunningham et al., 2018, dans le cas du secteur pharmaceutique), s’il est trop faible, le nombre de cas à examiner devient trop élevé. Par ailleurs, les entreprises peuvent fausser la valeur des transactions (Jean et al., 2019). Il serait également possible de prévoir un contrôle ex post des fusions, comme c’est le cas dans plusieurs pays de l’OCDE, dont les États‑Unis (OCDE, 2016), mais cette solution entraînerait une incertitude juridique et poserait de sérieux problèmes pratiques s’il fallait annuler une fusion achevée ou appliquer des mesures correctives structurelles en particulier après un certain laps de temps. Pour identifier les transactions inférieures aux seuils nationaux, déjà établis par la Commission, une autre possibilité consiste à recourir plus largement aux signalements en amont à la Commission.

L’essor du numérique soulève également des défis pour la politique de la concurrence, car il va souvent de pair avec des caractéristiques de marché qui favorisent structurellement une concurrence faible ou qui compromettent la concurrence. Certaines caractéristiques, telles que des effets de réseau et d’échelle importants, un phénomène de captivité des consommateurs ou des difficultés d’accès aux données, qui sont particulièrement présentes sur les marchés numériques, peuvent conduire à des problèmes de concurrence structurels que les instruments actuels de la politique de la concurrence peuvent difficilement combattre, dans la mesure où ces situations ne mettent pas nécessairement en jeu des fusions, des accords anticoncurrentiels ou des abus de position dominante. La Commission a donc réfléchi à la nécessité de créer un nouvel instrument de concurrence, qui permettrait d’appliquer des mesures correctives comportementales ou structurelles pour remédier à ces problèmes de concurrence structurels, dans le secteur numérique, entre autres (Commission européenne, 2020c). Dans certaines juridictions, des sanctions peuvent être appliquées sans fusion ou pratique litigieuse préalable ; c’est notamment le cas au Royaume-Uni à l’issue d’enquêtes de marché (OCDE, 2015b), mais aussi en Grèce et en Roumanie.

L’adoption d’une réglementation ex ante des plateformes numériques peut venir compléter la création du nouvel instrument de concurrence. En décembre 2020, la Commission a présenté un projet de législation sur les marchés numériques (Digital Markets Act) conçu dans cette optique. Ce projet allie les éléments de la consultation lancée par la Commission sur la réglementation ex ante des grandes plateformes numériques et les travaux sur un nouvel instrument de concurrence. La Commission a estimé qu'il était nécessaire de réglementer davantage le secteur numérique, où elle considère que les problèmes de contestabilité et d'équité revêtent un caractère urgent et pressant du point de vue du marché intérieur. Le projet de législation sur les marchés numériques vise à empêcher des plateformes numériques agissant en qualité de contrôleur d'accès de se livrer, vis-à-vis des utilisateurs finaux ou des entreprises, à des pratiques qui sont contraires à l'équité ou qui limitent la contestabilité du marché, ainsi qu’à faciliter la montée en puissance de plateformes plus petites. Par exemple, selon ce projet, les entreprises qui utilisent de grandes plateformes doivent être autorisées à faire de la publicité pour leurs produits et à vendre ces derniers ailleurs. Les contrôleurs d'accès qui ne se conformeraient pas à ces règles risquent de lourdes amendes et, en cas de violation systématique, pourraient aussi devoir prendre d'autres mesures correctives. Une réglementation en ce sens accroîtrait l’intensité de la concurrence sur les marchés numériques et plus généralement les incitations des entreprises à investir dans des outils et des activités numériques.

Le récent projet de règlement de la Commission sur les subventions étrangères ne se limite pas aux opérations de concentration susmentionnées, mais vise à lutter contre les effets de distorsion causés au sein du marché unique par ce type de subventions dans toutes les situations de marché. Il est donc proposé que la Commission soit habilitée à ouvrir des enquêtes sur le marché. D’après le dispositif, l’entreprise qui reçoit une subvention serait soumise à des mesures réparatrices ou pourrait offrir des engagements si l'autorité compétente juge que la subvention entraîne une distorsion sans s’accompagner d’effets positifs compensateurs suffisants. Ces mesures et engagements prendraient la forme de mesures correctives structurelles ou comportementales (respectivement, cession de certains actifs ou interdiction d’un comportement spécifique, par exemple). S'agissant des opérations de concentration, l'obligation de notification ex ante s'appliquerait aussi aux offres soumises dans le cadre de marchés publics atteignant certains seuils. Il est important d’éviter que des entreprises qui reçoivent un soutien public bénéficient d’avantages indus par rapport à leurs concurrents (OCDE, 2012). Dans le même temps, il convient de veiller à ne pas utiliser ce cadre comme un outil protectionniste qui atténuerait la concurrence sur le marché intérieur.

L’atténuation du changement climatique implique une reconversion de la production dans certaines régions

La réalisation de l’objectif de neutralité carbone en 2050 va accentuer les défis qui se posent en termes de transition industrielle, notamment pour les régions qui dépendent tout particulièrement des secteurs à forte teneur en carbone. Au niveau national ou à l’échelle de l’UE, les effets nets d’un relèvement du prix du carbone sur l’emploi pourraient être relativement limités (Chateau et al., 2018), les emplois créés dans des entreprises plus vertes, y compris dans la construction et les services, pouvant alors compenser les pertes d’emplois dans l’industrie minière et les secteurs à forte intensité de carbone (Commission européenne, 2019a). Toutefois, ces derniers étant généralement concentrés sur le plan géographique (OCDE, 2012), leur démantèlement progressif pourrait ouvrir la voie à des licenciements massifs dans certaines régions (graphique 2.14).

Graphique 2.14. Dans l’UE, l’industrie houillère est concentrée sur le plan géographique

Production annuelle des mines de charbon, agrégée au niveau NUTS-2 (2015)

Source : Alves Dias, P., Kanellopoulos, K., Medarac, H., et al. (2018), EU coal regions: opportunities and challenges ahead, EUR 29292 EN, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, http://dx.doi.org/10.2760/064809

Il est apparu que des stratégies de transition plus résilientes s’accompagnaient d’un plus large consensus, parmi les parties prenantes, sur la nécessité de démanteler progressivement certains secteurs (Campbell et Coenen, 2017). De plus, les plans de transition à long terme pourraient faciliter la gestion des actifs échoués grâce à une intervention précoce des pouvoirs publics. Les politiques régionales de décarbonation devraient donc reposer sur des plans détaillés de transition à long terme, conformes à des stratégies de développement plus générales. Ces plans exigent une coordination entre les différents niveaux de l’administration et les partenaires sociaux devraient y être associés.

Il est essentiel d’adopter des politiques régionales en faveur de l’innovation et de la participation du secteur privé pour pouvoir redéployer avec succès le capital vers des actifs et des infrastructures neutres en carbone. Les données empiriques mettent en évidence les effets positifs des aides financières directes destinées à la R-D, au niveau national et régional, sur les extrants de l’innovation des entreprises (Howell, 2017 ; Busom et al., 2014 ; Westmore, 2013). Le soutien à l’innovation peut jouer un rôle majeur dans l’amélioration de la spécialisation des régions (encadré 2.3).

Encadré 2.3. Amélioration de la production dans les anciennes régions houillères : le cas du Limbourg

Le Limbourg, région du sud des Pays-Bas ayant une frontière commune avec l’Allemagne et la Belgique, était un important bassin houiller en Europe. La fermeture des mines de charbon au début des années 1970 a conduit à un chômage élevé et déclenché un long processus de restructuration économique qui a fini par être couronné de succès.

À la fin des années 1970, le Limbourg enregistrait le plus fort taux de chômage des Pays-Bas (OCDE, 1980). Grâce aux aides publiques octroyées à la région, les pouvoirs publics y ont relocalisé une partie de leurs services, et, plus important encore, ils se sont employés à stimuler le développement de nouvelles industries. Aujourd’hui, la spécialisation régionale repose largement sur les soins de santé, le commerce et la logistique, les secteurs manufacturiers à haute technologie et l’agriculture. Le Limbourg représente environ 6.5 % de la population néerlandaise et 5.7 % du PIB du pays (données de 2018) ; en termes de PIB par habitant, il se classe sixième sur les 12 régions néerlandaises de niveau TL2, et enregistre le deuxième taux de croissance le plus élevé depuis 2000.

La promotion de l’innovation a longtemps constitué un pilier de la politique de développement régional du Limbourg. Depuis les années 1990, le Limbourg favorise le transfert de connaissances et la collaboration entre les PME et les instituts de recherche, et a notamment fait œuvre de pionnier en utilisant les chèques innovation dès 1997 (OCDE, 2019b). En s’appuyant sur son histoire minière, la région est aussi devenue une plaque tournante de la recherche sur les nouvelles énergies. Elle accueille aujourd’hui l’un des plus importants systèmes de chauffage urbain géothermique utilisant les eaux des mines dans le monde (Alves Dias et al., 2018).

Outre une coopération transfrontalière de longue date avec les régions belges et allemandes voisines, le Limbourg participe aussi activement à des projets interrégionaux avec ses homologues européens dans une optique de partage des connaissances et d’innovation. Certains de ces projets se sont concentrés sur les grands secteurs économiques du Limbourg, comme l’agro-alimentaire et les technologies médicales.

La décarbonation nécessitera une réaffectation majeure de la main-d'œuvre entre les secteurs (Commission européenne, 2019a) et influe sur les palettes de compétences requises sur les marchés locaux du travail. Pour la grande majorité des emplois verts, l’expérience montre qu’une amélioration relativement limitée des compétences existantes s’impose (Eurofound, 2014) : les travailleurs des secteurs à forte intensité carbone en déclin possèdent déjà, selon toute probabilité, des compétences intéressantes pour des activités plus modernes, qui devraient être identifiées et validées de manière appropriée. Toutefois, ces travailleurs sont souvent mal préparés pour repérer d’autres perspectives de carrière, et pourront donc bénéficier d’une aide à la recherche d’emploi et de formations adaptées aux besoins en compétences des employeurs de la région (OCDE, 2015c ; OCDE, 2015d ; OCDE, 2017c). Parallèlement, des profils d’emploi complètement nouveaux liés à des produits et services inédits et à des méthodes de production ou modèles économiques nouveaux feront leur apparition dans certains domaines, nécessitant souvent un degré élevé d'actualisation ou de recyclage des compétences (Commission européenne, 2019a ; Bowen et Hancké, 2019).

Certaines catégories de travailleurs ayant perdu leur emploi devront bénéficier d’un soutien ciblé de la part des pouvoirs publics, notamment dans les régions moins diversifiées, où il sera plus difficile de créer des emplois verts. En particulier, les hommes âgés sont surreprésentés dans les industries à forte intensité de carbone et extractives (graphique 2.15). Ces travailleurs connaissent de sérieuses difficultés sur le plan du retour à l’emploi en raison des systèmes de rémunération à l’ancienneté, de l’alourdissement du coût de l’assurance maladie et, souvent, d’une formation scolaire sommaire et de compétences numériques insuffisantes.

Différents instruments d'action publique peuvent être utilisée pour soutenir les travailleurs âgés ayant perdu leur emploi. Les subventions salariales en fonction de l’âge ou les réductions de l’impôt frappant l’emploi, mises en place dans plusieurs pays, contribuent à réduire les coûts de main-d'œuvre. De plus, les dispositifs de formation devraient comporter d’importants volets en cours d’emploi, car on a observé que les taux de réussite des programmes de reconversion autonomes étaient moins élevés (Sartor, 2018). Des campagnes de sensibilisation ciblées pourraient venir compléter ces mesures en contribuant à effacer l’image négative des travailleurs vieillissants (Cedefop, 2015). Certains travailleurs ayant perdu leur emploi qui sont moins formés et qui approchent de l’âge de la retraite peuvent, en outre, avoir besoin de filets de protection sociale spécifiques, et notamment de passerelles vers la retraite anticipée ou d’autres versements au titre de l’aide sociale (Banque mondiale, 2018).

Graphique 2.15. Les hommes sont surreprésentés dans les secteurs à forte intensité de carbone, notamment à un âge avancé

2019, UE27

Note : 1. À l’exclusion de l’extraction d’hydrocarbure. 2. Extraction d’hydrocarbure. 3. Production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné.

Source : Eurostat (2021), « Emploi par sexe, âge et activité économique détaillée », Base de données Eurostat.

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La politique de cohésion constitue un instrument utile pour relever ces défis. En particulier, le nouveau Fonds pour une transition juste (doté de 17.5 milliards EUR, dont 10 proviennent du plan de relance de l’UE) a spécifiquement vocation à atténuer les conséquences socio-économiques de la décarbonation dans les régions les plus affectées. Les pays doivent préparer, pour les régions qui remplissent les conditions requises, des plans présentant une stratégie de transition à long terme, des mécanismes de gouvernance et les priorités envisagées pour le financement, en prévoyant notamment des possibilités de reconversion ou de réhabilitation de l’environnement et des investissements en faveur de nouvelles activités. L'accent mis sur les plans régionaux ad hoc à long terme est le bienvenu.

Faire un usage plus efficient du budget de l’UE pour favoriser la convergence régionale

Le budget de l’UE est un moyen d’action essentiel pour favoriser la croissance et la convergence des régions. Ses deux principaux postes de dépenses, la politique de cohésion et la Politique agricole commune (PAC), visent explicitement à assurer un développement territorial équilibré. Cette année et les suivantes, le budget de l’UE 2021-27 sera complété par des subventions provenant de Next Generation EU, dont les objectifs et les enveloppes globales sont dans l’ensemble similaires à ceux de la politique de cohésion (graphique 2.16).

Graphique 2.16. Les politiques revêtant une dimension territoriale représentent l’essentiel du budget de l’UE

Budget de l'UE 2021-27, prix de 2018, UE27, pour cent

Note : Les subventions accordées dans le cadre de Next Generation EU (NGEU) couvrent les fonds alloués à Horizon Europe, au fonds InvestEU, au titre de REACT EU et de la facilité pour la reprise et la résilience, à rescEU, au FEADR et au Fonds pour une transition juste et excluent les prêts octroyés dans le cadre de NGEU.

Source : Commission européenne : CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2021-27.

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Les politiques en faveur d’un développement territorial équilibré revêtent en général une dimension redistributive, en concentrant les dépenses sur les pays et les régions les moins favorisés. C’est le cas de la politique de cohésion, dont les trois quarts des ressources sont alloués à des régions dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne de l’UE (encadré 2.4), même si une concentration encore plus marquée serait la bienvenue, comme indiqué dans l’Étude économique de l’UE publiée par l’OCDE en 2018. On observe également une forte redistribution dans l’allocation des subventions accordées dans le cadre de NGEU, dans lequel le taux de chômage et les répercussions de la pandémie jouent un rôle important aux côtés du PIB par habitant. En revanche, la répartition des dépenses au titre de la PAC repose encore dans une large mesure sur des droits historiques, ce qui explique une grande inertie et une redistribution bien moindre entre les pays. La plupart des dépenses continuent de se matérialiser par des paiements aux producteurs dans des zones relativement prospères où bien souvent, comme on le verra plus loin, ces paiements ne sont plus nécessaires. Réduire progressivement ces dépenses tout en préservant le soutien de la PAC pour accroître la productivité dans les régions rurales les plus pauvres permettrait de libérer des ressources budgétaires en faveur d’autres domaines, comme l’innovation.

S’il est utile et nécessaire de concentrer les dépenses dans les zones les moins prospères, les politiques destinées à réduire les déséquilibres territoriaux devraient être intensifiées pour aller au-delà de la redistribution et promouvoir activement la transformation structurelle. Cela implique d’éviter de soutenir les entreprises ou les activités inefficientes, ce qui risquerait d’enraciner les divergences structurelles. Ainsi, si elle favorise les entreprises historiques locales en octroyant des subventions ou des marchés publics, la politique de cohésion pourrait finir par brider l’innovation et la réaffectation des ressources de nature à améliorer la productivité. De même, les subventions de la PAC destinées à certaines cultures pourraient empêcher toute réorientation vers celles dont la productivité est plus élevée. La présente section analyse les moyens permettant d’accroître l’efficience de la politique de cohésion et de la PAC afin de soutenir les stratégies régionales d’amélioration de la production. Le débat sur la politique de cohésion s’applique aussi largement au plan de relance de l’UE, qui dans certains cas, vient directement compléter les financements relevant de cette politique.

Encadré 2.4. Les outils budgétaires de l’UE destinés à favoriser un développement territorial équilibré et leur répartition

La politique de cohésion est la principale politique d’investissement de l’UE, qui vise à réduire les disparités régionales en soutenant la transformation structurelle et le développement durable dans les régions les moins favorisées. Représenta environ 30 % du budget de l’UE, la politique de cohésion finance un large éventail d’investissements, notamment dans les secteurs du transport, de l’énergie et des infrastructures numériques, de l’innovation, de la décarbonation, de la compétitivité des PME, de l’éducation et de l’inclusion sociale. La prospérité relative des pays et des régions, principalement mesurée par le PIB par habitant, est le principal critère de répartition des financements, ce qui confère à cette politique une forte dimension redistributive (graphique 2.17).

Les objectifs de la Politique agricole commune (PAC) consistent notamment à garantir la sécurité alimentaire et à assurer un niveau de vie décent aux agriculteurs, en renforçant la protection de l’environnement et l’action climatique et en densifiant le tissu socio-économique des zones rurales (Commission européenne, 2018). La PAC repose sur deux piliers. Le premier (qui représente environ les trois quarts du financement total) finance les paiements directs aux agriculteurs et, dans une bien moindre proportion, les mesures d’intervention sur les marchés (comme l’aide au stockage privé) dans le cadre de l'organisation commune des marchés. Le second finance les plans de développement rural, qui peuvent soutenir de multiples domaines de l’action publique, comme l’innovation, la compétitivité de l’agriculture, la protection de l’environnement, la réduction de la pauvreté et le développement économique des zones rurales. Les critères de répartition des financements sont complexes et témoignent encore d’un effet d’héritage, comme le fait qu’une partie des paiements actuels étaient à l’origine destinés à compenser les réductions du soutien des prix pour certaines productions (soutien qui avait tendance à bénéficier principalement aux pays prospères). En conséquence, les pays affichant un PIB par habitant supérieur à la moyenne reçoivent une part considérable des financements (graphique 2.17), même si ceux qui sont alloués aux États membres les plus pauvres sont généralement plus élevés en pourcentage du PIB.

Next Generation EU (NGEU) est un programme de relance destiné à soutenir la reprise postérieure à la pandémie grâce à l’investissement et aux réformes (on trouvera de plus amples informations à l’encadré 1.5 du chapitre 1). Comparativement à la politique de cohésion, les critères de répartition des subventions NGEU donnent plus de poids au taux de chômage relatif et aux effets à court terme de la pandémie sur le PIB, ce qui a tendance à avantager les pays du Sud de l’UE comme l’Espagne et l’Italie (graphique 2.17).

Graphique 2.17. Les outils budgétaires de l’UE diffèrent par leur niveau de redistribution

Part des financements 2021-27 alloués aux pays affichant différents niveaux de PIB par habitant

Note : Les niveaux nationaux de prospérité sont fondés sur le PIB par habitant de 2018 (en USD constants de 2015 constant USD PPPs) rapporté à la moyenne de l’UE. 1. Les subventions Next Generation EU comprennent les financements alloués au titre de la facilité pour la reprise et la résilience, de REACT EU pour 2021 et du Fonds pour la transition juste.

Source : OCDE (2020), calculs de l’OCDE basés sur des données extraites des Statistiques régionales de l'OCDE (base de données).

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Vers une politique de cohésion plus efficace

Les données empiriques relatives aux effets de la politique de cohésion sur la croissance du PIB ne sont que légèrement encourageantes, et donnent à penser qu’il est tout à fait possible d’accroître l’efficacité de cette politique. La plupart des études économétriques ont révélé des effets positifs, bien que modérés, mais certaines analyses ont mis en évidence des effets négligeables voire négatifs (Pienkowski et Berkowitz, 2015). Outre des différences d’échantillons, de sources de données ou de méthodologies d’estimation, ces résultats empiriques contradictoires sont également dus à la forte hétérogénéité de la politique de cohésion, en termes de types d’interventions (soutien aux infrastructures, à la formation ou aux investissements des entreprises, par exemple) et du contexte de la mise en œuvre (Bachtrogler et al., 2020). Ce contexte correspond aux caractéristiques territoriales des régions bénéficiaires, qui diffèrent par leur prospérité, leur structure sectorielle, leur capital humain ou leur qualité institutionnelle.

Ces dernières années, la qualité institutionnelle a été de plus en plus reconnue comme un important déterminant de l’efficacité de la politique de cohésion. En Europe, les aspects institutionnels comme l’état de droit, le niveau de corruption et la qualité de l’administration varient sensiblement entre les pays, mais aussi entre les régions d’un même pays (Charron et al., 2019). Plusieurs études ont montré que la qualité de l’administration et la capacité administrative jouent un rôle essentiel dans l’utilisation efficiente des fonds de cohésion de l’UE, dans des domaines d’intervention spécifiques, comme les infrastructures de transport (Crescenzi et al., 2016), ou d’une manière générale (OCDE, 2019d ; Darvas et al., 2019). En effet, au-delà d’un certain seuil de financement reçu par habitant au titre de la cohésion, l’amélioration de la qualité de l’administration constitue un levier de développement nettement plus efficace qu’un surcroît d’investissements publics (Rodriguez-Pose et Garcilazo, 2015). La présente section propose des réformes concernant plusieurs aspects de la mise en œuvre de la politique de cohésion pour lesquels la capacité administrative est particulièrement importante.

Améliorer la répartition des financements grâce à une amélioration de la sélection des projets et de la passation des marchés publics

Même si on ne dispose pas de données complètes sur les procédures de sélection des projets, certains éléments portent à croire qu’il serait possible de rendre ces procédures plus concurrentielles. Les projets sont souvent sélectionnés selon le principe « premier arrivé, premier servi » et une attention accrue pourrait être portée aux indicateurs mesurant leur contribution ultime à la réalisation des objectifs du développement régional (Cour des comptes européennes, 2018a) – comme les indicateurs de l’employabilité des stagiaires, plutôt que les heures de formation. Les États membres, qui sont pleinement responsables de la sélection des projets, devraient évoluer vers des procédures de sélection prévoyant une comparaison des propositions de projets axée sur les résultats (Cour des comptes européenne, 2018a). Les données sur les programmes destinés à favoriser l’innovation donnent à penser que seules les subventions accordées via une procédure de mise en concurrence génèrent des effets positifs (Crescenzi et al., 2018).

L’amélioration de la sélection des projets passe par un renforcement des capacités des organismes chargés de gérer les programmes de la politique de cohésion. L’aversion au risque, qui incite ces organismes à gérer les financements en fonction de l’expérience passée, ou le fait de privilégier l’absorption des financements en temps voulu par rapport à la qualité de leur répartition, peut constituer un obstacle à la sélection de projets innovants (OCDE, 2020f). Au lieu de quoi, conformément aux réglementations en matière de cohésion, les organismes doivent élaborer une approche plus stratégique de la mise en œuvre des programmes, en fixant des priorités d’investissement parfaitement adaptées aux besoins du développement régional (OCDE, 2014 ; OCDE, 2020f) et en sélectionnant les projets en conséquence. De plus, il est possible d’allonger la liste des demandeurs en dialoguant avec les bénéficiaires potentiels, en les aidant à remédier aux lacunes dans les capacités et en s’assurant que les appels à projets correspondent à leur capacité de réaction. Les propositions de projets émanent souvent d’entreprises plus importantes et plus productives (Benkovskis et al., 2018), qui sont généralement peu nombreuses dans les régions plus pauvres et peuvent donc être confrontées à une concurrence limitée dans l’accès aux financements relevant de la politique de cohésion.

Dans l’UE, la passation des marchés publics est, dans la pratique, souvent compromise par une mise en concurrence et une transparence médiocres (Fazekas, 2017), ce qui peut grandement nuire à l’efficience de la politique de cohésion, près de la moitié de ses financements étant accordée par ce biais (Fazekas, 2019). Les éléments disponibles laissent apparaître une forte prévalence des procédures d'appel d'offres avec un seul soumissionnaire dans les projets cofinancés par la politique de cohérence : au sein d’un échantillon de dix pays réunissant la plupart des principaux bénéficiaires des fonds de cohésion (Fazekas, 2019), la part des marchés comptant un seul soumissionnaire était souvent élevée (graphique 2.18, partie A). De plus, des appels d’offres restreints (par exemple les procédures négociées sans appel à soumissions) sont souvent utilisés (graphique 2.18, partie B), ce qui peut se justifier dans certains cas (généralement peu nombreux), mais peut aussi être un moyen de limiter la concurrence. Les indicateurs se rapportant aux marchés publics en général, concernant ou non des financements relevant de la cohésion, témoignent d’une situation globalement similaire, sans signes d’amélioration cohérents dans le temps (Commission européenne, 2019c).

Sans surprise, une faible concurrence est souvent associée à l’attribution de marchés à des fournisseurs exerçant dans le même pays, voire la même région. Bien que la segmentation soit plus prononcée le long des frontières nationales, les effets des frontières régionales sont également marqués à l’intérieur des pays (Herz et Varela-Irimia, 2017). Cette situation pourrait s’expliquer par les spécificités locales de certains projets, mais aussi par un comportement routinier de la part d’autorités contractantes peu enclines à prendre des risques, voire, pire encore, par une volonté de favoriser les fournisseurs locaux, souvent considérée comme une forme de politique industrielle préjudiciable (OCDE, 2018b). Dans certains cas, la passation de marchés publics sans mise en concurrence s’accompagne aussi souvent de fraude et de corruption (Cour européenne des comptes, 2015).

Graphique 2.18. Dans le cadre de la politique de cohésion, la passation des marchés publics pourrait être plus concurrentielle et plus transparente

Note : 1. Marchés attribués à l’issue de procédures dans le cadre desquelles une seule offre a été soumise. 2. Les appels d’offres fermés comprennent les procédures restreintes, négociées et concurrentielles, dans lesquelles le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de communiquer le dossier d’appel d’offres à toutes les personnes intéressées.

Source : Fazekas, M. (2019), « Single bidding and non-competitive tendering procedures in EU co-funded projects », Rapport à la Commission européenne, Bruxelles.

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Le renforcement de la centralisation de la passation des marchés publics, au niveau national, régional ou sectoriel, constitue un moyen prometteur de résoudre les problèmes ci-dessus. En recourant davantage à des centrales d’achat, ainsi qu’à des outils comme des accords-cadres garantissant l’homogénéité des biens, les pays et les régions peuvent rendre la passation des marchés publics plus concurrentielle et réaliser des économies substantielles (OCDE, 2015e ; Fazekas, 2017). En Italie, avant la réforme de la centralisation mise en œuvre dans le sillage de la crise de la zone euro, on observait une forte variation du prix de biens et de services identiques ; la réforme a permis de réduire cette variation tout en faisant baisser le prix moyen. Il convient également de développer les achats groupés pour les acheteurs de taille restreinte, comme les municipalités. En outre, aller au-delà du prix comme critère principal d'attribution des marchés et donner plus de poids à la qualité et à l’innovation sont deux axes de réforme qui pourraient rendre les marchés publics plus concurrentiels et améliorer leur contribution au développement régional. Le coup de pouce donné du côté de la demande à l'innovation et à la montée en qualité des fournisseurs par les marchés publics a également toute sa pertinence du point de vue de l’efficacité de la politique de cohésion.

L’amélioration de la mise en concurrence et de la transparence des procédures passe également par une professionnalisation accrue des acheteurs publics. Dans les marchés publics, la capacité administrative reste insuffisante (OCDE, 2019e), et la situation pourrait être plus grave au niveau infranational, ce qui pèse sur l’efficience et peut être source d’inobservation involontaire des règles applicables. Des séances de formation régulières, des normes d’intégrité rigoureuses et des perspectives professionnelles intéressantes s’imposent donc pour les acheteurs publics (OCDE, 2015e). Dans cette veine, la Commission a adopté une recommandation sur la professionnalisation des marchés publics (2017) et conçu un outil, ProcurCompEU, cadre européen de compétences destinés aux acheteurs publics. Parvenir à une concordance de vues sur des règles de passation des marchés publics souvent complexes exige un renforcement des capacités pour les personnes qui ne sont pas responsables des marchés publics, comme celles qui sont chargées de la gestion, du contrôle et de l’audit de la politique de cohésion.

Améliorer la définition et la mise en œuvre des contraintes statistiques relatives aux marchés publics permettrait aussi de renforcer la concurrence, la transparence et le respect des règles relatives aux marchés publics, notamment en maximisant les gains tirés de la passation électronique de ces marchés. En dépit des avancées réalisées dans ce domaine, comme l’obligation de soumettre les offres par voie électronique depuis octobre 2018, des lacunes notables demeurent au regard des normes de saisie et de publication des données. Ainsi, dans la base de données Tenders Electronic Daily (TED), où doivent être publiés tous les avis de marché dépassant un certain seuil, des informations apparemment simples, comme le numéro d’enregistrement des acheteurs et des vendeurs, font souvent défaut (graphique 2.19). Les bases de données nationales sur les marchés publics présentent également des lacunes importantes et qui plus est, se prêtent rarement à des comparaisons (Fazekas, 2017, 2019). Des données complètes et de qualité sont également essentielles pour l’efficacité des outils de détection des fraudes et d’extraction de données comme Arachne (Cour des comptes européenne, 2015). En 2021-27, la réglementation relative à la politique de cohésion va nécessiter une infrastructure robuste de recueil de données sur les marchés publics qui contribuera à améliorer la concurrence et la transparence.

Graphique 2.19. Les données figurant dans les procédures de passation des marchés publics sont souvent incomplètes

2019

Note : Proportion de procédures dans lesquelles le numéro d’enregistrement d’un vendeur (partie A), ou d’un acheteur (partie B) ne figurait pas.

Source : Commission européenne (2020), Single Market Scoreboard: Performance in Public Procurement, https://ec.europa.eu/internal_market/scoreboard/performance_per_policy_area/public_procurement/index_en.htm.

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Réduire la charge administrative

Une simplification de la politique de cohésion s’impose pour réduire la charge administrative à laquelle les PME et les collectivités locales peuvent avoir du mal à faire face. Cette charge dissuade souvent les auteurs des propositions de projet de demander des financements. Sur la période 2021-27, le cadre législatif tented’inverser la tendance à une complexité croissante (graphique 2.20). On note des progrès vers l’élaboration d’un règlement unique applicable à différents fonds, même si les règlements propres à chacun existent toujours. Un allègement des dispositions réglementaires, une rationalisation de la communication, un allègement des obligations déclaratives, une diminution du nombre de cas dans lesquels le même projet peut être audité par des autorités différentes, et un assouplissement des prescriptions en matière d’audit et de vérifications pour les projets considérés comme présentant un faible risque ont également eu lieu.

Graphique 2.20. La politique de cohésion est devenue plus complexe au fil du temps

Documents concernant les règlements de l’UE et les décisions de la Commission

Note : En avril 2018.

Source : Cour européenne des comptes (2018), Simplification de la mise en œuvre de la poliique de cohésion après 2020, document d’information, mai 2018, Bruxelles.

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Les options de coûts simplifiés, selon lesquelles les subventions versées aux bénéficiaires prennent la forme de coûts unitaires ou de montants ou de taux forfaitaires, et non d’un remboursement des factures, contribuent efficacement à la réduction de la charge administrative (Cour européenne des comptes, 2018b). Elles peuvent aussi atténuer les problèmes de fraude et de corruption, les coûts facturés ne pouvant plus être exagérés. En 2014-20, le recours aux options de coûts simplifiés était encore modéré, et couvrait environ un tiers des budgets des programmes du Fonds social européen, mais seulement une part résiduelle dans le cas des autres fonds. De plus, leur utilisation a été plus marquée dans les régions plus développées (Brignani et Santin, 2018). Les dispositions législatives relatives à la politique de cohésion pour la période 2021-27 encouragent plus avant le recours aux options de coûts simplifiés et les rendent obligatoires pour un éventail plus large de projets de faible envergure, ce qui est opportun. Les pays devraient intensifier l’utilisation de ce type d’aide, ce qui impose d’effectuer les préparatifs administratifs nécessaires (par exemple en définissant les méthodes de calcul). Dans le même temps, il est important d’accroître encore la certitude juridique au regard de la compatibilité des options de coûts simplifiés avec les règles relatives aux marchés publics ou aux aides d’État.

Limiter la fraude et la corruption

À l’intérieur du budget de l’UE, la politique de cohésion est fortement marquée par la fraude. De 2013 à 2017, cette politique représentait 72 % des montants concernés par les irrégularités signalées comme frauduleuses dans l’ensemble des domaines d’action de l’UE, une proportion nettement plus élevée que sa part dans le budget de l’UE, soit un tiers (Cour européenne des comptes, 2019). Si l’on prend en compte un laps de temps similaire courant à partir du début de chaque période de programmation, les montants concernés par les irrégularités signalées comme frauduleuses ont progressé en 2014-20 par rapport à 2007-2013 (graphique 2.21), ce qui ne témoigne pas nécessairement d’une amplification de la fraude (la détection pourrait s’être améliorée), mais montre que le problème persiste.

Graphique 2.21. Les montants impliqués dans les irrégularités signalées comme frauduleuses ont augmenté

Par période de programmation, programmes de la politique de cohésion

Note : Par souci de comparabilité, les données relatives à chaque période de programmation portent sur un laps de temps similaire courant à partir du début de la période concernée.

Source : Commission européenne (2019), « Statistical evaluation of irregularities reported for 2019: own resources, agriculture, cohesion and fisheries policies, pre-accession and direct expenditure », Partie 2/3, accompagnant le Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, 31e rapport annuel sur la protection des intérêts financiers de l’Union européenne – Lutte contre la fraude – 2019.

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En dépit du suivi et des contrôles exercés au niveau de l’UE et des pays, les fonds de l’UE pour la politique de cohésion pourraient, au final, se prêter davantage à la corruption et à la fraude que les fonds nationaux, en raison, notamment, d’un lien plus ténu entre la société civile, la fiscalité et les performances de l’action publique à l’échelle du pays (Fazekas et Tóth, 2016). Outre les autres coûts économiques et sociaux, la corruption et la fraude portant sur des financements au titre de la cohésion peuvent entraver le redéploiement des ressources en consolidant le pouvoir de marché d’entreprises historiques ayant des liens avec le monde politique. En effet, la corruption et la fraude pourraient expliquer en partie pourquoi les mêmes entreprises ont tendance à bénéficier tour à tour des financements relevant de la cohésion (Mungiu-Pippidi, 2020).

La lutte contre la fraude devrait être menée à plusieurs niveaux. Le respect de l’état de droit constitue une condition préalable fondamentale, qui appelle à faire appliquer la nouvelle possibilité de suspendre les dotations au titre du budget de l’UE ou de prendre d'autres mesures financières appropriées si les manquements visés à l’État de droit sont avérés (voir le chapitre 1). Sur un plan plus opérationnel, les mesures de prévention et de détection, comme les activités de contrôle en fonction du risque, devraient être renforcées pour dissuader les fraudeurs avant qu’ils n’agissent et éviter la mise en place d’un modèle du « recouvrement des indus » (OCDE, 2019f). Pour ce faire, il est essentiel de collecter et d’analyser systématiquement les données. En 2013, la Commission a mis à la disposition des pays un outil de calcul du risque fondé sur les données, Arachne, pour leur permettre d’identifier les projets relevant de la politique de cohésion qui présentent un risque de fraude. Cet outil potentiellement puissant impose aux autorités nationales de saisir des données sur les opérateurs économiques qui fraudent. Toutefois, plusieurs États membres n’utilisent que peu Arachne, voire pas du tout (Cour européenne des comptes, 2019 ; Bonnemains et al., 2018). Parmi les raisons invoquées par les pays pour expliquer cette situation figurent le caractère incomplet et inexact des données, le nombre élevé de faux positifs et les obstacles législatifs, en particulier le respect de la législation nationale sur la protection des données (Bonnemains et al., 2018). Il conviendrait de développer l’usage de cet outil, qui exige des pays un effort coordonné pour parvenir à une saisie rapide et complète des données. Pour en encourager l’utilisation, la Commission prévoit également de continuer à l'améliorer.

Réformer la Politique agricole commune pour accélérer le développement rural

Si la future politique agricole commune sera fortement arrimée sur les objectifs du Pacte vert pour l’Europe et de la stratégie connexe « De la ferme à la fourchette » visant à instaurer un système alimentaire durable, le soutien apporté aux agriculteurs dans le contexte de la PAC s’inscrit actuellement dans le cadre de différents programmes fondés sur deux piliers. Le premier pilier comprend les paiements directs aux agriculteurs et un certain nombre de mesures d’intervention sur les marchés. La plupart des paiements directs ne sont pas couplés au niveau de la production, c’est-à-dire que le soutien est accordé par hectare et non en fonction du volume de production. En 2014-20, les États membres ont aussi pu allouer jusqu’à 13 % de leur enveloppe de paiements directs à des paiements liés à des produits spécifiques (OCDE, 2020g). Le premier pilier contient également un cadre relatif aux mesures d’intervention sur les marchés comme l'aide au stockage privé ou les achats publics. Le second pilier finance la politique de développement rural, dont les investissements dans l’agriculture et la sylviculture, l’amélioration des conditions de vie dans les zones rurales ou les mesures en faveur du transfert de connaissances et de l’innovation. Il finance également les paiements par hectare ou par unité de gros bétail afin de poursuivre des objectifs environnementaux comme la conservation des sols (paiements agri-environnementaux) ou de soutenir l’agriculture dans des zones soumises à des contraintes naturelles (comme les montagnes), ainsi que d’autres mesures ayant un moindre impact budgétaire (telles les aides aux jeunes agriculteurs et les interventions dans le cadre de l’approche LEADER/du CLLD comme discuté ci-dessous).

Les régions à la traîne ayant tendance à dépendre davantage de l’agriculture (graphique 2.22), le soutien de la PAC portant sur les investissements efficaces et les gains de productivité peut contribuer sensiblement à la convergence régionale et à la transformation structurelle. Tels sont notamment les objectifs de la future PAC, qui prévoient un soutien au renouvellement des générations et des aides à l’emploi et à la croissance dans les régions rurales. Certains paramètres de la PAC ont été définis au début du budget à long terme de l’UE 2021-27 et il est difficile voire impossible de les modifier après coup, mais d’autres pourront être adaptés au cours de ces sept années, ouvrant ainsi la voie à des réformes. Par conséquent, les États membres peuvent, dans certaines limites, transférer des ressources d’un pilier à l’autre, déterminer le montant des paiements basés sur la production ou moduler les paiements non couplés selon la taille des exploitations. La liberté donnée aux pays au titre du premier pilier augmentera de manière considérable à partir de 2023, notamment au regard de l’utilisation des paiements directs afin de renforcer les incitations en faveur de la protection de l’environnement, point examiné plus en détail au chapitre 1. Dans l’attente de la finalisation des nouveaux règlements relatifs à la PAC et des plans stratégiques nationaux, des règles de transition s’appliqueront en 2021-22, prolongeant pour l’essentiel la PAC 2014-20.

Graphique 2.22. Les régions agricoles accusent souvent un retard

Régions TL-2¹, 2017

Note : 1. Le graphique repose sur un échantillon de 192 régions TL2 appartenant à 25 pays de l’UE. Le niveau territorial 2 (TL2) correspond aux régions étendues, conformément à la définition de la classification des unités géographique établie par l’OCDE. Cette catégorie correspond aux classifications NUTS 2 d’Eurostat, à l’exception de l’Allemagne et de la Belgique où le niveau NUTS 1 correspond au niveau TL2 de l’OCDE. Pour les régions TL2 françaises, les données VAB de 2016 ont été utilisées pour 2017. 2. L’agriculture correspond à la section A de la CITI, révision 4.

Source : OCDE (2020), calculs de l’OCDE basés sur des données extraites des Statistiques régionales de l'OCDE (base de données).

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Faire en sorte que le soutien octroyé aux producteurs crée moins de distorsions et améliore encore la productivité

Les paiements basés sur la production constituent une forme de soutien particulièrement inefficient, car ils génèrent une distorsion des choix de production et ne contribuent qu’en partie au relèvement du revenu agricole (OCDE, 2003). En réduisant les incitations dont bénéficient les agriculteurs pour passer à des cultures à plus forte valeur ajoutée, ces paiements ne favorisent pas, et pourraient même entraver, les gains de productivité (Banque mondiale, 2017 ; Commission européenne, 2018). En outre, cette forme de soutien n’est pas propice à l’établissement de conditions de concurrence équitables dans l’UE et tend aussi à être plus dommageable sur le plan environnemental, comme indiqué au chapitre 1. La possibilité offerte aux États membres de fournir des aides couplées à la production de produits spécifiques a été maintenue dans le cadre de la PAC pour 2021-27, toutefois dans un cadre budgétaire et réglementaire strict, mais il est de toute façon recommandé que les pays suppriment progressivement ces paiements.

Dans certaines circonstances, les paiements découplés peuvent jouer un rôle pour favoriser la hausse de la productivité agricole, réduire la pauvreté rurale et contribuer aux biens publics comme la préservation du paysage. Même s’ils ne sont pas ciblés sur la productivité et l’innovation, ces paiements augmentent et aident à stabiliser le revenu agricole dans les zones rurales défavorisées, permettant ainsi aux agriculteurs de réaliser des investissements de nature à améliorer la productivité (Banque mondiale, 2017). En assurant la viabilité de l’agriculture dans ces zones, cette aide au revenu peut éviter la déprise agricole. En général, toutefois, les paiements découplés ont tendance à produire un impact neutre sur la productivité des exploitations de culture, même si on a souvent observé un impact positif pour les exploitations d’élevage (DeBoe, 2020). De plus, la contribution globale des paiements découplés à la réalisation des objectifs environnementaux a été très modeste d’une manière générale (chapitre 1). La PAC pour 2021-27 vise à renforcer le lien entre les paiements directs aux agriculteurs et l’amélioration des résultats environnementaux.

En outre, les paiements découplés sont souvent insuffisamment ciblés du point de vue de l’action publique, et peuvent produire des effets distributifs néfastes. Dans les régions prospères, ils ont souvent perdu leur utilité. En outre, le soutien étant principalement défini en fonction des hectares, l’essentiel de ces paiements reviennent aux grandes exploitations – approximativement 80 % des paiements directs de la PAC vont à 20 % seulement des agriculteurs de l’UE (Banque mondiale, 2017). Les modalités envisagées jusqu’ici pour résoudre ce problème, comme une augmentation des paiements correspondant aux premiers hectares ou une dégressivité au-delà de certains seuils, n’ont guère suscité l’adhésion des États membres (OCDE, 2020g). En vertu du récent accord politique relatif à la PAC pour 2021-27, les États membres sont tenus de réorienter au moins 10 % des paiements directs vers les petites exploitations. Les pays devraient prendre des mesures plus vigoureuses pour plafonner le soutien accordé aux grandes exploitations et pourraient envisager d’octroyer des aides sous conditions de ressources pour mieux atteindre les objectifs d’aide au revenu.

De plus, les paiements découplés ne sont pas ciblés sur l’innovation, et pourraient de fait la brider, car ils freinent le renouvellement des générations dans l’agriculture. Ces paiements conduisent à une hausse des prix des terres, les taux d’actualisation dépassant parfois, selon les estimations, les 70 % (Banque mondiale, 2017). Les prix élevés des terres constituent un obstacle majeur à l’entrée des jeunes agriculteurs (Cour des comptes européenne, 2017), entravant le renouvellement des générations (graphique 2.23). Bien que la PAC pour 2014-20 prévoie des mesures en faveur des jeunes agriculteurs, comme une aide à l’installation (second pilier) ou un paiement direct complémentaire (premier pilier), ces mesures ne sont guère susceptibles de compenser l’impact des paiements découplés sur le prix des terres. L’accord politique sur la PAC de 2021-27 prévoit une augmentation des aides aux jeunes agriculteurs (les États membres étant désormais tenus de leur réserver au minimum 3 % de leur enveloppe d’aide au revenu au titre de la PAC).

Graphique 2.23. Le renouvellement des générations dans l’agriculture reste insuffisant

Âge du chef d'exploitation, pourcentage, UE27

Note : Les données pour 2005 excluent la Croatie.

Source : Base de données Eurostat (2020) – Enquête sur la structure des exploitations agricoles.

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Étudier les synergies entre les outils disponibles pour le développement rural

Une coordination des politiques de développement rural et de cohésion se justifie pleinement. De nombreuses régions à la traîne possèdent encore un vaste secteur agricole, ce qui leur permet de bénéficier d’un soutien conséquent au titre du pilier de la PAC relatif au développement rural et de la politique de cohésion. Exploiter les complémentarités peut permettre d’obtenir des gains d’efficacité : ainsi, les investissements dans les agroéquipements ou la gestion des exploitations peuvent générer des rendements plus élevés lorsqu’ils vont de pair avec des infrastructures de transport ou de télécommunications adéquates, qui peuvent être cofinancées par la politique de cohésion. La possibilité d’un accroissement des synergies avec la politique de cohésion s’étend aussi à la simplification administrative et aux efforts destinés à limiter la fraude. On pourrait ainsi recourir davantage aux options de coûts simplifiés (Cour européenne des comptes, 2018c) et aux outils de calcul du risque afin de prévenir la fraude (OCDE, 2019f) dans les projets de développement rural.

Il est toutefois possible de tirer un meilleur parti des synergies existant entre le second pilier de la PAC et la politique de cohésion (Banque mondiale, 2017 ; Commission européenne, 2018 ; Calegari et al., 2020). L’existence d’ensembles de règles différents au niveau de l’UE ainsi que d’organismes de gestion et d’autorités politiques responsables divers au niveau national ou régional a souvent conduit à une coordination insuffisante entre les programmes de développement rural et ceux de la politique de cohésion (Kah et al., 2020). En 2014-20, un nouvel instrument – le développement local mené par les acteurs locaux (Community-led Local Development, CLLD) s’appuyant sur l’approche LEADER du développement rural – a permis de combiner le financement de la cohésion et celui du développement rural pour soutenir les stratégies de développement local, mais cette possibilité n’a guère été mise à profit et les procédures administratives relatives à chaque source de financement restent différentes.

Sur la période 2021-27, les possibilités d’amélioration de la coordination de l’action publique sont renforcées. Les objectifs de la politique de cohésion donnent davantage de poids à la participation des parties prenantes locales aux stratégies de développement pour les zones rurales, urbaines et côtières, et dans un CLLD associant des fonds multiples, il sera possible de désigner un fonds « chef de file » et d’appliquer uniquement les règles de ce fonds. Il est essentiel de tirer parti de ces nouvelles possibilités pour accroître l’efficacité de l’action publique dans les zones rurales. Parmi les domaines se prêtant à des stratégies d’investissement intégrées figurent le soutien à l’innovation au sein des PME agricoles, l’amélioration de la connectivité numérique des zones rurales et le développement du tourisme.

Tableau 2.1. Recommandations destinées à améliorer la convergence régionale dans l’UE

CONCLUSIONS (principales conclusions en gras)	RECOMMANDATIONS (principales recommandations en gras)
Améliorer la spécialisation des régions
Les dépenses consacrées à la recherche-développement (R-D) dans l’UE restent nettement inférieures à l’objectif fixé à 3 % du PIB, et les stratégies nationales en faveur de l’innovation ne sont pas suffisamment coordonnées.	Favoriser la collaboration entre pays en matière de R-D et de projets industriels innovants.
Dans les régions les plus pauvres, les investissements dans la R-D sont souvent très faibles, ce qui nuit à l’innovation et à sa diffusion.	Dans les régions les plus pauvres, consacrer davantage de fonds de cohésion à des projets de R-D.
Il est possible de mieux diffuser les externalités de productivité inhérentes aux grandes villes auprès des territoires environnants. Par ailleurs, les villes de deuxième rang n’arrivent souvent pas à générer des économies d'agglomération substantielles.	Faire en sorte que les régions soient plus nombreuses à bénéficier d'économies d'agglomération, grâce à une réduction des temps de trajet vers les grandes villes, un développement du télétravail et une meilleure intégration entre les villes de deuxième rang et les territoires environnants.
La politique de la concurrence a permis de maîtriser les phénomènes de concentration et de pouvoir de marché. Toutefois, de nouveaux défis se posent avec la transformation numérique, les subventions accordées par des États n'appartenant pas à l’UE et les « acquisitions prédatrices » (qui voient des entreprises racheter des rivales de plus petite taille pour prévenir toute concurrence future).	Adapter les règles de concurrence et leur mise en œuvre aux nouveaux défis : suivre de près et empêcher les « acquisitions prédatrices » mettre au point de nouveaux instruments pour faire face aux subventions étrangères exerçant un effet de distorsion accroître la concurrence sur les marchés numériques. Faire en sorte que les règles sur le contrôle des fusions ne soient pas appliquées de façon plus souple pour permettre aux entreprises européennes de changer d’échelle.
Dans de nombreux pays de l’UE, la rigidité de l’offre de logements bride la croissance des villes et la création d’emplois à forte productivité.	Pour stimuler la construction de logements dans les villes, rendre la réglementation relative à l’occupation des sol moins restrictive au moyen de leviers d’action nationaux et infranationaux.
Certaines régions sont encore largement dépendantes des secteurs à forte intensité de carbone, qui doivent subir des fermetures ou des restructurations pour que l’UE puisse atteindre la neutralité carbone en 2050.	Élaborer et mettre en œuvre des plans de transition à long terme pour ces régions, assortis d’une aide à la recherche d’emploi, de formations et de filets de protection sociale pour les travailleurs ayant perdu leur emploi.
La passation des marchés publics peut stimuler l’innovation en créant des marchés de nouveaux produits et services. La fragmentation de ce processus le long des frontières nationales freine cet élan.	Les acheteurs publics devraient, dans les faits, faire preuve d'une plus grande ouverture aux soumissionnaires d’autres pays. Recourir davantage aux achats groupés de nouveaux produits et services réalisés par plusieurs pays.
Accroître l’efficience du soutien apporté dans le cadre du budget de l’UE à l’amélioration de la production régionale
Politique de cohésion
La moitié des financements relevant de la cohésion sont accordés dans le cadre de marchés publics, mais bien souvent, les procédures d’appel d’offres ne sont pas assez concurrentielles, ce qui pourrait empêcher la sélection des prestataires les plus efficients ou les plus innovants.	Rendre les marchés publics plus concurrentiels en centralisant davantage les marchés publics et en favorisant le professionnalisme des responsables. Veillez au respect des exigences de transparence visant les procédures de marché.
Les projets sont souvent sélectionnés selon le principe « premier arrivé, premier servi » et une attention accrue pourrait être portée à leur contribution à la réalisation des objectifs de croissance régionale.	Adopter encore davantage de procédures concurrentielles de sélection des projets, en mettant l’accent sur la contribution des projets aux objectifs de croissance régionale. Allonger la liste des demandeurs, adapter les appels à projets à la capacité de réaction des bénéficiaires potentiels et les aider à remédier aux lacunes dans les capacités.
À l’intérieur du budget de l’UE, la politique de cohésion est fortement marquée par la fraude. L’utilisation des outils de calcul du risque à l’échelle de l’Europe, qui facilitent l’identification des projets présentant un risque élevé, reste encore limitée.	Accélérer la prévention et la détection de la fraude et de la corruption portant sur des financements relevant de la cohésion, notamment en utilisant davantage et en mettant à jour des outils communs de calcul du risque.
La charge administrative a eu tendance à s’alourdir, entraînant un gaspillage des ressources et dissuadant parfois les auteurs des propositions de projet de demander des financements.	Pour réduire la charge administrative, octroyer des financements en recourant de plus en plus à des solutions plus simples que le remboursement des factures (grâce à des taux forfaitaires, par exemple).
La coopération interrégionale a tendance à accroître les avantages découlant de la politique de cohésion et favorise la mise en œuvre des stratégies de développement régional.	Développer davantage la coopération interrégionale et les projets conjoints dans les politiques en faveur de la cohésion et de l’innovation, notamment au-delà des frontières nationales et en associant des régions parvenues à différents stades de développement.
CONCLUSIONS (principales conclusions en gras)		RECOMMANDATIONS (principales recommandations en gras)
Politique agricole commune (PAC)
Les régions rurales ont souvent droit à un soutien conséquent au titre des politiques de développement dural et de cohésion, mais leurs interventions ne sont pas suffisamment coordonnées.	Améliorer la coordination entre la politique de développement rural et la politique de cohésion en mettant en œuvre des stratégies intégrées financées par l’une et l’autre.
Bien souvent, les paiements directs aux agriculteurs ne favorisent pas la hausse de la productivité et ne permettent pas de soutenir les revenus. Les paiements couplés à certains produits créent une distorsion des choix de production. Les paiements indépendants de la production vont pour la plupart aux grands exploitants agricoles et font croître le prix des terres. Au cours de la période 2021-27, les États membres seront tenus de réorienter au moins une certaine proportion des paiements directs vers les petites exploitations.	Supprimer progressivement le soutien octroyé aux exploitants agricoles en fonction de la production de produits spécifiques. Faire en sorte que les paiements directs par hectare diminuent en fonction de la taille de l’exploitation et envisager de les assortir de conditions de ressources pour mieux atteindre les objectifs d’aide aux revenus.

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