Ce chapitre commence par présenter un aperçu du contexte socio-économique et de la trajectoire de développement du Maroc. Les principales conclusions et recommandations de l’Examen des politiques de l’investissement sont ensuite récapitulées.
Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement : Maroc 2024
1. Aperçu général et recommandations
Copier le lien de 1. Aperçu général et recommandationsAbstract
1.1. Introduction
Copier le lien de 1.1. IntroductionLe Maroc est l’une des destinations les plus propices aux investissements dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). S’appuyant sur les grandes réformes structurelles entreprises au début du siècle, le Maroc a depuis avancé à grands pas afin de diversifier et moderniser son économie et de réformer ses institutions publiques, entraînant des effets positifs sur le niveau de vie. Des améliorations importantes apportées au climat des affaires et aux infrastructures, conjuguées à la stabilité macroéconomique et politique, ont stimulé les investissements et la croissance dans les secteurs à forte productivité des chaînes de valeur mondiales.
Jusqu’à présent, les retombées de l’investissement ont été essentiellement concentrées dans certains centres ou certaines zones économiques, ainsi que dans des secteurs particuliers. Au cours des dix dernières années, la croissance économique a été marqué par une volatilité notamment due à différents facteurs exogènes. Ainsi, le rythme de croissance de l’économie marocaine est passé de 4.6 %, en moyenne annuelle, sur la période 2003-2012 à 2.5 % sur la période 2013-2022. L’économie pourrait créer davantage d’emplois pour une population marocaine en pleine expansion et est caractérisée par un secteur informel encore important. Des inégalités considérables subsistent entre les régions et entre les catégories sociales et de revenus. Les entreprises font état de difficultés liées à l’entrepreneuriat et de lacunes en matière de compétences locales (CSMD, 2021[1]). Bien que l’investissement global soit élevé par rapport au produit intérieur brut (PIB) et que les tendances en matière d’investissement étranger soient favorables, le secteur public continue d’être le moteur de la croissance liée à l’investissement. L’augmentation de la formation de capitaux privés étrangers et nationaux sera essentielle pour atteindre des niveaux de croissance plus élevés et plus durables.
Reconnaissant certaines limites de sa trajectoire de développement, le Maroc a mis en place une nouvelle dynamique de réforme afin de favoriser un développement économique et social plus durable et plus étendu (CSMD, 2021[2]). Nombre de ces réformes découlent des recommandations politiques énoncées dans une proposition globale pour un Nouveau modèle de développement, élaborée par une commission spéciale en 2021 (CSMD, 2021[2]). Le gouvernement estime qu’il est essentiel de stimuler l’investissement privé pour atteindre ces objectifs. L’investissement privé peut contribuer à l’augmentation de la productivité, au développement des compétences, à la création d’emplois, à l’innovation, à la numérisation, au développement territorial et à la transition verte, autant d’objectifs de développement essentiels.
Une nouvelle dynamique de réforme visant à instaurer un climat plus propice aux investissements est donc en route. Le gouvernement a mis en place une nouvelle Charte de l’Investissement, qui instaure les différents dispositifs de soutien à l’investissement couvrant toutes les catégories de projets et d’acteurs, définit les principes de leur gouvernance et encadre les chantiers de réforme à déployer pour faciliter l’acte d’investir au Maroc, visant à simplifier les procédures administratives. La Charte de l’investissement définit également les principes de gouvernance des investissements et les réformes nécessaires pour faciliter l’acte d’investir au Maroc. Ainsi, la création d’un ministère dédié à l’Investissement, la Convergence et l’Évaluation des Politiques Publique (MICEPP), qui définit la politique de l’État en matière d’investissement, s’inscrit dans le cadre des hautes orientations royales visant à donner une importance stratégique et horizontale à la politique de l’investissement, en la plaçant au cœur de la relance économique du pays. Cette nouvelle Charte entérine aussi les recommandations du Nouveau Modèle de Développement et du Programme Gouvernemental, qui font de l’investissement le moteur de la relance économique du Royaume.
Cette loi-cadre a pour ambition de donner un nouveau souffle au climat de l’investissement au Maroc. En tant que loi-cadre, cette charte vise à maximiser les impacts de l’investissement, en particulier en termes de création d’emplois stables, de développement équitable des territoires, de priorisation des secteurs porteurs pour l’économie nationale et de développement durable. Elle fixe ainsi les objectifs fondamentaux de l’État, instaure les différents dispositifs de soutien à l’investissement, définit les principes de leur gouvernance et encadre les chantiers de réforme à déployer pour faciliter l’acte d’investir. Afin d’offrir un cadre transparent et lisible à l’investisseur, le MICEPP, en coordination avec les administrations publiques concernées, s’est engagé à accélérer les chantiers du climat des affaires inscrits dans la feuille de route 2023-2026.
Des mesures ont renforcé le rôle des régions dans la promotion et la facilitation des investissements, notamment par l’intermédiaire des Centres Régionaux d’Investissement (CRI). L’adoption de la loi n° 22.24 modifiant et complétant la loi n° 47-18 portant réforme des Centres régionaux d'investissement et création des commissions régionales unifiées d’investissement est une avancée importante en ce sens. L’objectif est de renforcer leur rôle stratégique en tant que facilitateurs et catalyseurs de l'investissement au niveau territorial. Ces réformes, ainsi que d’autres plus récentes ou annoncées, constituent des mesures concrètes visant à améliorer l’environnement des affaires et le cadre des politiques de l’investissement. Elles envoient également un signal fort aux investisseurs, en soulignant le fait que le Maroc s’engage à effectuer des réformes, non seulement pour conserver un environnement d’investissement stable et attractif, mais également pour optimiser les effets des investissements sur le développement durable.
Cependant, des freins structurels continuent d’entraver la mise en œuvre complète de ces réformes. Bien qu’un engagement solide de la part des plus hautes instances gouvernementales soit présent, concrétiser cet engagement au sein des institutions publiques au niveau national et régional est moins évident. Par exemple, plusieurs axes prioritaires étroitement liés sont au cœur de l’action gouvernementale pour améliorer le climat des affaires, notamment la simplification des procédures et des processus administratifs, la déconcentration des décisions administratives et du soutien aux investisseurs, ainsi que la numérisation et la dématérialisation des services publics. La mise en pratique de ces mesures nécessitera un renforcement considérable des capacités des agents publics à tous les niveaux. De leur côté, les entreprises auront besoin de conseils pour s’adapter à ces changements. Dans cette optique, la réussite de la mise en œuvre du projet de régionalisation avancée du Maroc, qui est d’accroître le pouvoir et les responsabilités au niveau régional comme le prévoit la Constitution de 2011, sera essentielle pour améliorer les procédures opérationnelles et attirer les investissements sur l’ensemble du territoire, et ainsi accompagner le développement durable des régions.
Plus généralement, pour que l’investissement contribue de manière positive aux objectifs économiques et sociaux du Maroc, le gouvernement devra continuer à mener des réformes sur plusieurs fronts afin de permettre aux fournisseurs et aux travailleurs nationaux de répondre aux exigences des investisseurs dans des secteurs plus diversifiés, plus productifs et plus qualifiés. Le Maroc a été en mesure de constater la réussite d’une stratégie coordonnée visant à stimuler la compétitivité et les exportations dans des secteurs ciblés, notamment en ce qui concerne l’industrie automobile et aéronautique et les exportations de services aux entreprises, bien que la corrélation créée avec l’économie locale soit insuffisante. Dans le cadre de sa nouvelle trajectoire de développement, inspirée du Nouveau modèle de développement, le gouvernement entend entreprendre des réformes ambitieuses visant à améliorer les compétences, l’innovation, la numérisation et la compétitivité de l’économie. Les avancées dans ces domaines seront essentielles pour renforcer les liens avec les investisseurs, en particulier avec les entreprises étrangères, qui peuvent à leur tour favoriser des retombées positives.
Le gouvernement a la possibilité d’intensifier encore davantage ses initiatives en matière de réforme afin de soutenir un environnement d’investissement solide et transparent pour une croissance durable et inclusive. Ce deuxième Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement au Maroc identifie plusieurs domaines de réforme et fournit des recommandations de politiques à l’intention du gouvernement (Encadré 1.1). L’Examen comporte un volet thématique spécial sur la manière dont l’investissement peut accompagner deux leviers potentiels de développement : la régionalisation et la numérisation. Après une présentation générale de la trajectoire de développement du Maroc et un résumé des principales conclusions et recommandations (Chapitre 1), l’Examen analyse les tendances et impacts de l’investissement direct étranger (IDE) au Maroc (Chapitre 2), le cadre juridique relatif aux investissements (Chapitre 3), l’approche marocaine en matière de conventions bilatérales et régionales d’investissement (Chapitre 4), la promotion et la facilitation de l’investissement (Chapitre 5), l’investissement en faveur du développement territorial (Chapitre 6), les politiques visant à promouvoir une conduite responsable des entreprises (Chapitre 7) et l’investissement en faveur de la transformation numérique (Chapitre 8).
Encadré 1.1. Le Cadre d’action pour l’investissement
Copier le lien de Encadré 1.1. Le Cadre d’action pour l’investissementLe Cadre d’action pour l’investissement aide les gouvernements à mobiliser l’investissement privé en faveur du développement durable, contribuant ainsi à la prospérité des pays et de leurs citoyens et à la lutte contre la pauvreté. Il propose une liste de questions fondamentales devant être examinées par tout gouvernement soucieux de créer un climat favorable à l’investissement. Le Cadre d’action pour l’investissement a été élaboré en 2006 par les représentants de 60 gouvernements membres et non membres de l’OCDE, en association avec des entreprises, des syndicats, la société civile et d’autres organisations internationales, et a été approuvé par les ministres de l’OCDE. Conçu par les gouvernements pour favoriser le dialogue, la coopération et la réforme des politiques d’investissement au niveau international, il a été largement utilisé par plus de 30 pays ainsi que par des organismes régionaux pour évaluer et réformer le climat d’investissement. Le Cadre d’action pour l’investissement a été mis à jour en 2015 pour tenir compte de cette expérience et des changements intervenus dans le paysage économique mondial.
Le Cadre d’action pour l’investissement est un instrument flexible permettant aux pays d’évaluer leurs progrès et d’identifier les priorités d’action dans 12 domaines d’action : les politiques , la promotion et la facilitation de l’investissement, les échanges commerciaux, la concurrence, la fiscalité, la gouvernance d’entreprise, la promotion d’une conduite responsable des entreprises, le développement des ressources humaines, les infrastructures, le financement des investissements, la gouvernance publique et l’investissement en faveur de la croissance verte. Trois principes s’appliquent à l’ensemble du Cadre d’action pour l’investissement : la cohérence des politiques, la transparence dans la formulation et la mise en œuvre des politiques et l’évaluation régulière de l’effet des politiques existantes et proposées.
La valeur ajoutée du Cadre d’action pour l’investissement consiste à rassembler les différents volets politiques et à mettre l’accent sur la question primordiale de la gouvernance. L’objectif n’est pas d’innover dans les différents domaines d’action, mais de les interconnecter afin d’assurer la cohérence des politiques. Il ne fournit pas de programmes de réforme prêts à l’emploi, mais contribue plutôt à améliorer l’efficacité des réformes qui sont finalement entreprises. En favorisant un processus structuré de formulation et de mise en œuvre des politiques à tous les niveaux de gouvernement, le Cadre d’action pour l’investissement peut être utilisé de diverses manières et à diverses fins par différentes parties prenantes, notamment pour l’autoévaluation et la conception de réformes par les gouvernements et pour les examens par des pairs dans le cadre de discussions régionales ou multilatérales.
Le Cadre d’action pour l’investissement envisage le climat d’investissement dans une perspective globale. Augmenter les investissements n’est pas l’unique objectif. Il est également question d’optimiser les retombées économiques et sociales. En matière d’investissement, la qualité compte autant que la quantité. Il reconnaît également qu’un climat propice à l’investissement doit être favorable à toutes les entreprises, qu’elles soient étrangères ou nationales, grandes ou petites. L’objectif d’un climat propice à l’investissement est également d’améliorer la flexibilité de l’économie en vue de répondre à des occasions nouvelles à mesure qu’elles se présentent, en offrant la possibilité aux entreprises productives de se développer et à celles qui ne sont pas compétitives (y compris les entreprises publiques) de fermer. Le gouvernement doit être agile : il doit apporter une réponse adaptée aux besoins des entreprises et des autres parties prenantes par une consultation publique systématique et être capable de changer rapidement de cap lorsqu’une politique donnée n’atteint pas ses objectifs. Il doit également créer un département dédié aux réformes au sein du gouvernement lui-même. Plus important encore, il doit veiller à ce que le climat d’investissement favorise un développement durable et inclusif.
Le Cadre d’action pour l’investissement a été créé en réponse à ces objectifs complexes, favorisant une approche gouvernementale globale et flexible qui reconnaît que l’amélioration du climat d’investissement nécessite non seulement une réforme des politiques, mais également des changements dans la manière dont les gouvernements mènent leurs activités.
Pour en savoir plus sur le Cadre d’action pour l’investissement, consultez le site suivant : https://www.oecd.org/en/publications/policy-framework-for-investment-2015-edition_9789264208667-en.html.
1.2. Vue d’ensemble de la trajectoire de développement du Maroc
Copier le lien de 1.2. Vue d’ensemble de la trajectoire de développement du Maroc1.2.1. Les réformes structurelles ont été à l’origine d’améliorations économiques et sociales majeures
Stimulé par un engagement fort en faveur des réformes, le Maroc a accompli des progrès impressionnants sur les plans économique et social au cours des trois dernières décennies. Les réformes structurelles entreprises depuis les années 1990 visant à ouvrir l’économie et à promouvoir la stabilité macroéconomique et politique, ainsi que d’importants investissements publics dans les infrastructures et l’amélioration du climat des affaires, ont contribué à stabiliser une croissance économique auparavant volatile. Le PIB a enregistré une croissance moyenne d’un peu moins de 5 % au cours des années 2000-2010, soit un taux supérieur à celui de la région MENA (progression moyenne de la région MENA de 4.4 %) (Graphique 1.1) (Banque mondiale, 2023[3]). Des politiques industrielles efficaces mises en place à compter de 2005 ont contribué à accroître les échanges commerciaux, avec des avancées notables en matière d’intégration de secteurs essentiels dans les chaînes de valeur mondiales. Le niveau de vie s’est amélioré de façon continue. Le PIB réel par habitant (PPA) a été multiplié par deux depuis 1990 et a augmenté de près de 50 % au cours des 20 dernières années (Graphique 1.1). La majorité des foyers a désormais accès aux infrastructures essentielles (électricité et eau), ainsi qu’à Internet (Chapitre 8). Le taux de pauvreté est aujourd’hui égal à un tiers de son niveau de 2000 et l’accès à l’éducation et aux soins de santé s’est considérablement amélioré (Banque mondiale, 2023[3]). Depuis 2021, le Maroc s’est également engagé dans un chantier de réforme important visant à généraliser la protection sociale à l’ensemble de la population.
Ces résultats obtenus sont étayés par d’importantes réformes visant à renforcer la gouvernance publique, qui sont essentielles pour créer un climat favorable aux investissements et promouvoir le développement durable. La Constitution de 2011 consacre les principes d’une gouvernance inclusive, de l’État de droit et de la démocratie participative, notamment par le biais d’une régionalisation avancée visant à déléguer des pouvoirs aux régions. Le gouvernement a mis en œuvre de nombreuses réformes pour appliquer ces principes et favoriser l’efficacité et la transparence en son sein. Ces mesures ont, par exemple, permis de moderniser l’administration publique et d’en améliorer l’efficacité, notamment en modifiant les cadres réglementaires et budgétaires, la gestion publique et les mécanismes de coordination intergouvernementaux (OCDE, 2023[4]).
Plusieurs de ces réformes méritent d’être mentionnées en raison de leur contribution à la croissance économique. L’amélioration du climat des affaires, une priorité majeure, a rendu le Maroc plus attrayant pour les investisseurs étrangers. En 2009, la création du Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA) a permis de renforcer la coordination interministérielle et le dialogue public-privé, grâce à une instance directement rattachée au Chef de l’Exécutif. Ces progrès se traduisent dans le classement du Maroc dans les indices internationaux. Avant que la Banque mondiale ne cesse la publication de son rapport Doing Business (en 2020), le Maroc se classait au 53e rang sur 190 pays, soit 75 rangs de plus qu’en 2010. L’une des réformes notables consiste en un processus d’enregistrement des entreprises plus efficace et moins coûteux. En 2020, l’enregistrement d’une entreprise prenait neuf jours, un chiffre bien inférieur à la moyenne de la région MENA, qui est de 20 jours (Banque mondiale, 2020[6]). Fin mars 2023, le gouvernement a adopté le décret fixant les modalités et procédures de création et d’accompagnement des entreprises par voie électronique réduisant, d’après les autorités, l’enregistrement d’une entreprise entre 3 à 6 jours. Au cours des dernières années, le Maroc n’a cessé de prendre des mesures pour rationaliser et numériser les procédures administratives (Chapitre 5). Ces réformes, parallèlement à d’autres, ont contribué à susciter l’intérêt des entreprises étrangères ; le stock d’investissements étrangers a augmenté de 113 % entre 2000 et 2010 (Chapitre 2). Ces investissements ont atteint des niveaux records en 2024. Ainsi, à fin mai 2024, les recettes des IDE se sont élevés à MAD 16.2 milliards, en hausse de 20 % par rapport à 2023, et devenant le deuxième meilleur montant d’IDE pour les cinq premiers mois d’une année de l’histoire économique du Royaume.
L’importance des investissements publics dans les infrastructures a également contribué à améliorer le climat des affaires et à placer le Maroc en tant que pôle régional de logistique et d’exportation entre l’Europe et l’Afrique. La qualité du transport aérien, du réseau routier et des ports dans les centres économiques est comparable à celle des économies avancées et nettement supérieure à celle des autres pays de la région (Forum économique mondial, 2019[7]). Suite à son expansion en 2019, le pôle industriel Tanger Med s’agrandit. Il est ainsi devenu le plus grand port de commerce maritime en Afrique et en Méditerranée (Département d'État des États-Unis, 2023[8]). En 2023, il a été classé 19ème port au niveau mondial en termes d’activité et le 4ème port le plus efficace de la planète selon l’indice de performance des ports à conteneurs publié par la Banque mondiale. Parallèlement, les investissements réalisés dans les infrastructures relatives à l’énergie propre ont créé de nouvelles perspectives économiques tout en faisant progresser la transition verte du pays. La centrale solaire Noor Ouarzazate est une des plus grandes centrales solaires thermodynamiques du monde.
L’une des principales avancées économiques du Maroc a été le succès de sa politique industrielle visant à diversifier les exportations vers des activités à plus forte valeur ajoutée. Le Pacte Nationale pour l’Émergence Industrielle (2005-2013), revu en 2009 afin de mettre en place de nouvelles orientations, et le Plan d’Accélération Industrielle (2014-2020), mis en place en 2014 afin de définir de nouveaux choix stratégiques, ont établi des stratégies ciblées pour développer des secteurs d’exportation clés, notamment l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile et l’agro-industrie, ainsi que l’offshoring. Ces stratégies impliquent des investissements publics considérables dans les infrastructures et la connectivité, la création de zones économiques spéciales (dont celles développées et gérées par Tanger Med), des mesures d’incitation fiscale et financière et des programmes de formation professionnelle. Avec 12 accords de libre-échange, le Maroc offre un accès au marché vers une centaine de pays à travers le monde, soit près de 2.5 milliards de consommateurs. Le Maroc met en œuvre des accords commerciaux avec les partenaires suivants : l’Union européenne, les États-Unis, la Türkiye, le Royaume-Uni, l’Association européenne de libre-échange, la Zone de libre-échange continentale africaine, la Grande zone arabe de libre-échange, l’Accord d'Agadir (Égypte, Jordanie, Tunisie) et les Émirats arabes unis. Ces politiques ont favorisé une forte croissance des investissements et des exportations. Les IDE dans le secteur automobile ont été plus que multipliés par deux entre 2013 et 2022 par rapport à la décennie précédente et par trois dans la fabrication de produits électroniques (fDi Markets, 2023[9]). En 2013, l’automobile est devenue le premier secteur d’exportation du Maroc, représentant plus d’un quart des exportations totales (Office des Changes, 2022[10]) et en 2018, le Maroc est devenu le plus grand constructeur automobile d’Afrique. La construction automobile a également contribué à créer plus d’un quart de tous les emplois dans le secteur industriel (entre 2014 et 2018) (DEPF, 2020[11]).
La croissance dans des secteurs plus avancés sur le plan technologique a contribué à stimuler la productivité du travail dans l’industrie manufacturière. En 2019, la production par travailleur industriel était près de deux fois supérieure à la moyenne nationale et plus de trois fois supérieure à la production des travailleurs agricoles (Lopez-Acevedo et al., 2021[12]). La croissance de la productivité au sein de l’industrie manufacturière, et entre les sous-secteurs de ce domaine, est en grande partie responsable de la croissance de la productivité totale depuis le début des années 2000 (OCDE, 2018[13]). Les stratégies sectorielles ont également permis d’augmenter les exportations nettes de services. Le tourisme, qui a longtemps représenté la principale exportation de services, a continué à croître au cours de cette période, tout comme les services aux entreprises à plus forte valeur ajoutée, notamment l’externalisation des technologies de l’information, des processus de connaissances et de la gestion administrative (ibid.).
Ces évolutions, conjuguées aux réformes budgétaires et monétaires, ont amélioré la stabilité macroéconomique avant la crise du COVID-19 (voir ci-dessous). En 2019, le déficit courant a chuté à 3.4 % du PIB (contre 9.5 % en 2012), en partie grâce au succès des plans industriels visant à diversifier les exportations. Les réserves officielles ont augmenté de plus de 50 % entre 2012 et 2019, améliorant ainsi la position extérieure du Maroc. La suppression de la plupart des subventions aux carburants et aux produits alimentaires et les réformes visant à réduire la masse salariale du secteur public ont contribué à réduire le déficit budgétaire à 3.8 % en 2019 (contre 6.6 % en 2012). D’autres réformes plus structurelles, notamment la décentralisation budgétaire en 2015, ont quelque peu contribué à réduire et stabiliser la dette publique à environ 60 % du PIB. La politique monétaire a également permis de maintenir l’inflation à un niveau faible et stable (1 % en 2019) (Cardarelli et Koranchelian, 2023[14]).
1.2.2. Mais la croissance s’est essoufflée au cours de la dernière décennie
Malgré ces évolutions positives, la croissance et les gains de productivité ont ralenti depuis 2010. Le PIB a augmenté de 2.5 % en moyenne au cours de la dernière décennie (2013-2022), contre 4.6 % au cours des dix années précédentes (Graphique 1.1). Cela s’explique en partie en raison des crises extérieures importantes : la récession qui a frappé les principaux partenaires commerciaux en Europe après 2008 et, plus récemment, la pandémie mondiale, qui a considérablement réduit la demande et l’activité dans des secteurs clés en 2020, notamment le tourisme. Des épisodes de sécheresse plus fréquents ont également entraîné des conséquences non négligeables sur la production globale, le secteur agricole jouant un rôle majeur.
Le ralentissement de la croissance témoigne également de la lenteur de la transformation structurelle de l’économie. La valeur ajoutée de l’agriculture a progressivement diminué, passant de 12 à 18 % du PIB dans les années 1980 et 1990 à environ 10 % en 2000, remplacée principalement par des gains dans le domaine des services (Banque mondiale, 2023[3] ; HCP, 2023[15]). Mais la structure économique du Maroc n’a pas subi de modifications au cours des deux dernières décennies (Graphique 1.2). Malgré les gains obtenus dans certains secteurs tels que décrits ci-dessus, l’industrie manufacturière contribue encore à hauteur d’environ 15 % du PIB (le secteur secondaire, y compris les industries extractives et la construction, représente environ un quart de l’économie). Si ce pourcentage est similaire à celui des autres pays de la région MENA, à titre de comparaison, dans les pays asiatiques à forte croissance industrielle, l’industrie manufacturière représente entre 25 et 30 % du PIB (Viet Nam, Malaisie et Thaïlande). La part de l’emploi dans les services au sein de l’ensemble de la population active a quelque peu augmenté au cours de la dernière décennie (atteignant 43 % en 2021), alors que la part des travailleurs dans l’agriculture a diminué, cette dernière représentant encore 30 à 35 % de l’emploi. L’emploi dans l’industrie (l’industrie manufacturière et construction) est resté stable, avec un taux d’environ 20 % (Banque mondiale, 2023[3]).
De nombreux pays en développement et émergents ont observé une stagnation ou une diminution de la valeur ajoutée et de l’emploi dans l’industrie manufacturière au cours de la dernière décennie, l’économie se tournant vers les services. Cette tendance (parfois appelée « désindustrialisation prématurée ») est attribuable en partie à la mondialisation des échanges et à l’évolution technologique, qui ont exercé une pression sur les prix et la compétitivité internationale du secteur de l’industrie manufacturière, entravant la transformation structurelle de l’économie vers l’industrie (Rodrik, 2015[16]). L’industrie manufacturière tend à être plus axée sur l’exportation (plutôt que dépendante de la consommation intérieure) et technologiquement avancée, avec une productivité du travail et des offres d’emploi pour les travailleurs peu qualifiés plus élevées que dans la plupart des services (McMillan, Rodrik et Verduzco-Gallo, 2014[17] ; Rodrik, 2013[18]). Toutefois, la croissance alimentée par l’industrie manufacturière comporte des défis, notamment celui de rester compétitif au sein de l’économie mondiale et de réduire les incidences environnementales négatives de l’industrie lourde (Aiginger et Rodrik, 2020[19] ; Dadush, 2015[20]). Le Maroc a développé certains services à plus forte valeur ajoutée et commercialisables (notamment dans le secteur de la finance et de l’offshoring), mais les services comportent dans une grande mesure des emplois peu qualifiés, avec une forte incidence du travail informel (Lopez-Acevedo et al., 2021[12]).Comme le souligne le rapport à venir de l’OCDE « OECD Economic Surveys: Morocco 2024 », cette informalité, couplée avec la petite taille des entreprises marocaines, empêchent ces dernières d'être plus performantes (OCDE, 2024[21]).
Le déplacement modéré de l’emploi et du capital entre les secteurs a limité la productivité et la croissance économique. D’importantes améliorations sont toutefois observées dans des secteurs spécifiques, étant à l’origine de la plupart des gains de productivité de l’économie (OCDE, 2018[13]). Les données nationales occultent également certaines évolutions économiques importantes au niveau régional, certaines régions ayant connu une réorientation de leur économie vers des secteurs plus productifs. Par exemple, dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière (% du PIB) a augmenté de huit points de pourcentage entre 2012 et 2019 (HCP, 2023[15]). L’industrie manufacturière est le principal créateur d’emplois dans la région, représentant 40 % de l’emploi en 2022 (Observatoire Marocain de la TPME, 2023[22]). Le développement des services à forte valeur ajoutée, notamment les services de technologies de l’information et de la communication (TIC) et financiers, a contribué à une croissance du secteur des services à Rabat et à Casablanca. Entre 2010 et 2018, la productivité dans les services a augmenté d’environ 50 % à Rabat, s’expliquant par la présence de ces secteurs et des gains d’efficacité dans le secteur public (Lopez-Acevedo et al., 2021[12]). Si ces régions peuvent fournir des exemples de modèles de croissance, elles mettent également en évidence la disparité du développement économique dans le pays, les grands centres économiques profitant principalement de la croissance (voir ci-dessous).
L’importance du secteur des services au Maroc illustre également le constat suivant : la croissance du PIB, mesurée sur la base des dépenses, a été largement entraînée par la consommation. La dépendance à l’égard de la demande intérieure restreint le potentiel de croissance à la taille modérée du marché intérieur et rend la croissance plus vulnérable aux chocs extérieurs. Le rôle de l’investissement dans la croissance a diminué depuis la crise financière mondiale de 2008 et, comme indiqué plus loin dans ce chapitre, l’investissement public a été majoritaire. Il existe une marge de manœuvre considérable pour accroître l’investissement privé visant à soutenir les emplois, les exportations ainsi que de nouvelles industries, et finalement, une croissance plus durable (Graphique 1.3).
1.2.3. L’économie n’a pas créé suffisamment d’emplois pour une population active en pleine croissance
Cette dynamique de croissance n’a pas permis de créer suffisamment d’emplois de qualité pour une population toujours plus nombreuse. Le taux de chômage (10 %) est resté stable au cours des 20 dernières années et est comparable à celui observé dans les autres pays de la région. Toutefois, le taux d’activité a considérablement diminué (Graphique 1.4). En 2022, il s’élevait à 45 %, soulignant que plus de la moitié de la population en âge de travailler ne faisait pas partie de la population active. Si ce taux est comparable à celui d’autres économies de la région MENA, il est nettement inférieur à celui de pays en dehors de la région (le taux d’activité s’élève à 60 % dans les pays de l’OCDE et à 66 % en Malaisie).
Ce faible taux témoigne en partie de l’ampleur du secteur informel, bien que la dynamique sociale soit également un facteur important. Le taux d’activité national des femmes ne s’élève qu’à 20 %, alors qu’il était de 25 % il y a vingt ans et est inférieur de moitié comparé aux taux enregistrés dans les autres économies émergentes (Graphique 1.4). Seul un quart des jeunes Marocains (15-24 ans) est actif sur le marché du travail et un quart de cette population s’inscrit dans la catégorie NEET (ni en emploi, ni en études, ni en formation). Dans les villes, le taux de chômage des jeunes atteint 47 % (HCP, 2023[23]).
Le taux élevé d’inactivité traduit à la fois l’évolution de la démographie et les limites de la croissance économique du Maroc. La croissance économique a été plus soutenue dans les secteurs à forte intensité capitalistique que dans ceux à forte intensité de main-d’œuvre. Certains de ces secteurs ont contribué à accroître la productivité, mais pas les emplois (expansion de l’industrie manufacturière de haute technologie par rapport à l’industrie textile à plus forte intensité de main-d’œuvre). D’autres secteurs, comme la construction et les travaux publics, ont créé peu d’emplois par rapport aux investissements (OCDE, 2018[13]). Dans l’ensemble, comme indiqué ci-dessus, la croissance n’a pas favorisé l’émergence d’un secteur privé plus dynamique. En moyenne, l’économie marocaine a généré deux fois moins d’emplois par an entre 2010 et 2019 par rapport à la décennie précédente (72 000 contre 144 000) (Bank Al-Maghrib, 2022[24]). Cette cadence n’est pas suffisante pour faire face à la croissance de la population en âge de travailler (en moyenne 89 000 nouvelles personnes par an) (ibid.).
Le marché du travail ne fournit pas non plus suffisamment d’emplois de qualité, en particulier pour les travailleurs peu qualifiés. Environ la moitié de la population active n’a pas de diplôme. Parmi les travailleurs peu qualifiés, moins de la moitié ont un emploi salarié et 45 % travaillent dans l’agriculture (HCP, 2023[25] ; HCP, 2023[23]). Alors que certaines régions ont connu une augmentation de l’emploi dans les secteurs de l’industrie et des services à forte productivité, la plupart des travailleurs qui ont quitté l’agriculture se sont tournés vers des emplois peu qualifiés, souvent informels, dans le secteur des services (Lopez-Acevedo et al., 2021[12]). Parmi ces services figurent le commerce et l’immobilier, deux secteurs à faible valeur ajoutée. Le marché du travail n’a pas encore créé suffisamment d’emplois dotés de perspectives de renforcement des compétences ou d’emplois salariés stables pour les travailleurs peu qualifiés. Selon certaines estimations, le secteur informel compte jusqu’à 80 % du nombre total d’emplois et représente un tiers de la production (Cardarelli et al., 2022[26] ; Roche Rodriguez et al., 2023[27]). Les emplois informels sont dépourvus de protection sociale et de sécurité de l’emploi (éléments essentiels d’un emploi de qualité), tout en privant l’État de recettes publiques et d’une certaine productivité. Toutefois, la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire a permis d’offrir une couverture médicale obligatoire de base, garantissant l’accès universel aux soins de santé. Mais la formation en cours d’emploi est rare, seul 1.4 % des salariés déclarent avoir bénéficié d’une formation payée par leur employeur au cours de l’année écoulée (HCP, 2023[25]).
Comme le souligne le rapport à venir de l’OCDE « OECD Economic Surveys: Morocco 2024 », des réformes majeures sont en cours afin d’étendre la couverture de l’assurance sociale et d’attaquer le problème d’informalité, et ce, afin d’améliorer le marché du travail au Maroc. Le rapport souligne également le besoin d’intensifier les efforts visant à renforcer l’intégration des femmes sur le marché du travail (OCDE, 2024[21]).
En ce qui concerne les travailleurs hautement qualifiés, le secteur privé n’offre pas suffisamment de postes pour répondre à la demande. Environ un tiers des salariés hautement qualifiés (titulaires du baccalauréat et de diplômes de l’enseignement supérieur) travaillent dans le secteur public (HCP, 2023[25]). Environ 40 % des travailleurs sans emploi sont titulaires d’un diplôme d’études supérieures. Bien que le taux d’activité des travailleurs titulaires d’un diplôme d’études supérieures soit plus élevé que la moyenne nationale (56 %), il est inférieur aux taux d’activité globaux d’autres pays (Graphique 1.4) (HCP, 2023[23]).
1.2.4. La persistance des inégalités compromet les perspectives de croissance
Il est essentiel de noter que l’essor économique n’a que modestement contribué à réduire les inégalités entre les régions, les revenus et les catégories de population. L’activité économique est fortement concentrée géographiquement. Près de 70 % de la croissance du PIB (en moyenne) au cours des sept dernières années relèvent de quatre régions (Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Fès-Meknès et Rabat-Salé-Kénitra) (HCP, 2023[28]). Ces régions regroupent également près de 60 % de la population (HCP, 2023[23]). Le nord du pays (en particulier Casablanca et Tanger) reçoit la plupart des investissements étrangers, notamment dans les secteurs à plus forte valeur ajoutée (Chapitre 6). Comme il a été mentionné, certaines régions ont développé des avantages concurrentiels dans des secteurs dotés d’un fort potentiel de croissance et d’un rendement plus élevé des entreprises, mais de nombreuses régions accusent encore un retard. Deux tiers des régions ont un PIB nominal par habitant inférieur à la moyenne nationale (CSMD, 2021[2]). Ce développement inégal entrave considérablement une croissance économique plus généralisée.
Comme pour la production économique, les perspectives d’emploi varient considérablement d’une région à l’autre du Maroc. Les cinq principales régions (celles mentionnées ci-dessus, ainsi que Marrakech-Safi, qui disposent toutes de grands centres urbains) concentrent plus de 70 % de l’ensemble des emplois (HCP, 2023[25]). En outre, toutes les créations nettes d’emplois entre 2010 et 2019 ont eu lieu dans ces cinq régions (où le nombre d’emplois a augmenté d’environ 430 000, contre une baisse de 22 000 dans le reste du pays) (Lopez-Acevedo et al., 2021[12]). L’agriculture représente toujours les deux tiers de l’emploi rural (HCP, 2023[25]). Cette situation témoigne de la faiblesse des revenus, des compétences et du niveau d’éducation dans les régions rurales, et y contribue (Graphique 1.5). Plus de 70 % des travailleurs actifs des zones rurales ne sont pas diplômés, soit deux fois plus que les travailleurs des zones urbaines. Seuls 4 % des travailleurs ruraux sont titulaires d’un diplôme d’études supérieures (contre 28 % des travailleurs urbains) et, malgré une certaine amélioration, le taux d’alphabétisation de la population rurale adulte (15 ans et plus) n’est que de 50 %. Les emplois ruraux semblent également plus instables et moins bien protégés sur le plan social : les trois quarts des salariés des zones rurales ne disposent pas d’un contrat de travail, contre la moitié des employés salariés en ville. Moins d’un quart des travailleurs ruraux bénéficient d’une couverture médicale de la part de leur employeur (HCP, 2023[25]).
La réduction des inégalités entre les territoires est l’une des priorités du gouvernement. La régionalisation avancée, définie dans la Constitution de 2011, vise à décentraliser et à déléguer le pouvoir aux régions afin de promouvoir un développement régional plus adapté. Malgré d’importantes réformes en faveur de la régionalisation, le processus demeure incomplet et se heurte à plusieurs obstacles (Chapitre 6). Comme mentionné dans le Chapitre 5, l’amélioration de la gouvernance territoriale, la garantie que les régions disposent de ressources financières suffisantes et la promotion de la cohérence et de la mise en œuvre efficace des plans de développement sont essentielles pour faire progresser le développement des régions et réduire les inégalités.
La croissance économique des dernières décennies n’a pas contribué à réduire les inégalités entre les catégories sociales et les catégories de revenus. Les inégalités en matière de revenus restent élevées. Un coefficient de Gini moyen aux alentours de 40 a été enregistré au cours des deux dernières décennies, ce qui est supérieur aux autres pays de la région (Égypte 30, Tunisie 36, Jordanie 34). La répartition des revenus et des richesses n’a également subi aucune modification et reste concentrée ; les 10 % de personnes les plus riches de la population détiennent environ 50 % du revenu national (avant impôts) et près des deux tiers des richesses personnelles nettes. Ces chiffres sont similaires à ceux des autres pays de la région (bien qu’ils restent inférieurs à la concentration de la richesse dans d’autres pays du monde, notamment en Amérique latine) (WID, 2023[29]).
La faible mobilité sociale se traduit également par la persistance des inégalités entre les catégories sociales en matière de revenus, d’insertion professionnelle, de perspectives d’emploi et de développement des compétences. L’écart est particulièrement frappant pour les femmes et les jeunes. Comme indiqué plus haut, le taux d’activité des femmes est faible (environ 19 % en 2023). Parmi les jeunes femmes (15-24 ans), près de 37.3 % appartiennent à la catégorie NEET (ni en emploi, ni en étude, ni en formation) malgré des améliorations apportées à l’éducation (HCP, 2023[25]). Selon le gouvernement, les femmes gagnent en moyenne 11.2 % de moins que les hommes. Cette tendance renforcée en milieu urbain où, au sein de la population salariée âgée de 18 à 60 ans, le salaire moyen des hommes est de 23 % supérieur au salaire moyen des femmes. La part des femmes dans le revenu total du travail a connu une légère augmentation depuis 1990, mais avec seulement 14 %, elle est inférieure à celle des autres pays, au sein de la région et en dehors (Graphique 1.6) (WID, 2023[29]). En outre, seul un petit nombre de femmes accèdent à des postes de direction, comme en témoigne le faible pourcentage d’entreprises dont les cadres supérieurs sont des femmes (5 % contre 7 % dans la région MENA et 17 % dans les pays de l’OCDE) (Chapitre 2).
La réduction des écarts entre les hommes et les femmes contribuerait considérablement à la croissance économique et figure parmi les priorités du gouvernement. Selon une estimation du FMI relative à l’effet des réformes structurelles prévues par le gouvernement dans divers domaines (notamment en ce qui concerne la santé, l’éducation, le marché de produits et les réformes de gouvernance), stimuler l’emploi féminin générerait environ trois quarts des gains de production potentiels à long terme (Balima, Bizimana et Dua, 2023[30]).
1.2.5. Les crises récentes accentuent les pressions économiques et sociales
La pandémie de COVID-19 et ses conséquences, ainsi que d’autres crises récentes, notamment celles liées au changement climatique, s’ajoutent aux défis d’une croissance économique plus inclusive. En réponse à ces pressions, le Maroc a su faire preuve de résilience et mis en place des mesures solides, l’aidant à faire face aux conséquences les plus immédiates et à amorcer une reprise de l’économie. Toutefois, stimuler l’investissement privé demeure une nécessité pour favoriser la croissance, atteindre les objectifs en matière de développement et maintenir la stabilité macroéconomique.
La pandémie mondiale a eu de graves répercussions sur l’économie marocaine. Des mesures de confinement strictes et une réduction globale de la demande ont entraîné une chute brutale de la consommation intérieure, des exportations et des importations. Le PIB a enregistré un recul général de 7.2 % en 2020, soit la plus forte baisse enregistrée sur une année de l’histoire moderne du Maroc. Des secteurs économiques clés comme le tourisme, la construction et l’agriculture ont été particulièrement touchés. L’agriculture a également souffert de la sécheresse pour la troisième année consécutive, soulignant sa vulnérabilité face au changement climatique. Selon les autorités, près de 40 % des entreprises ont procédé à des licenciements en 2020 et 2021, et un quart des chefs d’entreprise s’attendaient un risque élevé d’insolvabilité. En 2021, environ 40 % des entreprises ont déclaré que leur activité était toujours réduite de moitié par rapport à la situation antérieure à la pandémie (HCP, 2021[31] ; HCP, 2022[32]). Une étude publique réalisée en 2022 a révélé que la crise avait réduit à néant près de sept années de progrès en matière d’atténuation de la pauvreté et de la vulnérabilité (HCP, 2022[33]).
En réaction aux conséquences économiques et sociales de la pandémie, le gouvernement a mis en œuvre une série de mesures, notamment la mise en place du cadre réglementaire pour l’assurance maladie obligatoire, des aides financières importantes pour couvrir les coûts relatifs à la santé, des subventions salariales, des garanties publiques couvrant les crédits spécifiques à la période de crise octroyés en faveur des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), et des reports du paiement des impôts. Cette réponse, conjuguée à la reprise de la demande mondiale, a contribué à un rebond initial en 2021, le PIB augmentant de près de 8 %. Toutefois, plus de temps sera nécessaire pour remédier à un grand nombre des répercussions sociales et économiques. Face à l’impact économique et social de la pandémie, Bank Al-Maghrib, à l‘instar des autres banques centrales, a mis en œuvre une réponse articulée autour de plusieurs axes, notamment l’actionnement des instruments de politique monétaire, l’assouplissement des exigences prudentielles applicables aux banques et l’accélération de la digitalisation des services bancaires.
À plus long terme, des périodes de sécheresse plus fréquentes et plus graves soulignent l’importance des mesures d’atténuation pour faire face aux effets du changement climatique. Le secteur agricole joue un rôle majeur au sein de l’économie. Les sécheresses représentent donc une menace non négligeable pour la stabilité économique globale et la sécurité alimentaire nationale. En outre, le Maroc est l’un des pays les plus touchés par la pénurie d’eau dans le monde. Selon les estimations, la raréfaction des ressources en eau et la diminution des rendements des cultures dus au changement climatique pourraient faire chuter le PIB de 6.5 % (Banque mondiale, 2022[34]).
L’économie a été confrontée à de nouveaux chocs en 2022. La guerre offensive déclarée par la Russie à l’Ukraine, qui a entraîné une hausse mondiale des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi qu’un nouvel épisode de sécheresse, ont contribué à une décélération du PIB (1.5 %) et à une forte progression de l’inflation. En 2023, le rythme de croissance de l’économie marocaine a connu une amélioration pour atteindre 3.4 % en moyenne trimestrielle.
Les dépenses publiques restent néanmoins élevées. Les mesures de dépenses collectives prises depuis 2020 (notamment l’augmentation des subventions sur l’énergie et le blé) ont été essentielles pour faire face aux conséquences de ces différentes crises et la situation macroéconomique stable du Maroc avant 2020 lui a octroyé la marge de manœuvre nécessaire pour réagir efficacement (Cardarelli et Koranchelian, 2023[14]). Cependant, les dépenses élevées ont exercé une pression sur le déficit budgétaire et la dette publique. En 2020 et 2021, avec la succession de crises, les trois principales agences de notation des dettes souveraines (Moody’s, S&P et Fitch) ont rétrogradé le Maroc à un niveau légèrement inférieur à la catégorie Investissement, traduisant les contractions économiques mondiales et nationales, la diminution des financements extérieurs et des dépenses publiques élevées. En 2024, la notation du Maroc par ces agences a été réhaussée en passant de perspectives stables à positives, reflétant ainsi la résilience de l’économie marocaine. Cette amélioration des perspectives économiques du Royaume, selon ces agences, a été une exception dans la région et sur le continent cette année. Le maintien de la stabilité macroéconomique est donc primordial pour résister aux chocs futurs et pour donner confiance aux investisseurs. De même, l’investissement privé joue un rôle essentiel pour contrebalancer les pressions qui pèsent sur les finances publiques.
1.3. Stimuler l’investissement privé pour favoriser une croissance plus durable et plus inclusive
Copier le lien de 1.3. Stimuler l’investissement privé pour favoriser une croissance plus durable et plus inclusive1.3.1. Un nouveau programme de réformes : passer d’une croissance axée sur l’investissement public à celle axée sur l’investissement privé
Conscient des défis à relever pour parvenir à une croissance économique plus généralisée et plus inclusive, le gouvernement a donné un nouvel élan aux réformes. L’un des principaux objectifs de ces politiques et propositions est de bâtir une économie productive et diversifiée qui crée des emplois de qualité et réduit les inégalités. Un grand nombre de ces objectifs sont exposés dans le Nouveau Modèle de Développement (NMD), un ensemble complet de recommandations politiques élaborées entre 2019 et 2021 par une commission spéciale nommée par Sa Majesté le Roi. Le NMD identifie les contraintes qui pèsent sur le développement social et économique et propose des objectifs stratégiques et concrets pour 2035. Nombre de ces réformes sont en cours d’examen ou déjà adoptées par le gouvernement, dans différents domaines d’action. Le NMD définit quatre domaines prioritaires de réforme et cinq leviers de transformation pour lancer ce nouveau processus de développement (Tableau 1.1).
Tableau 1.1. Priorités en matière de réforme et leviers de transformation du NMD
Copier le lien de Tableau 1.1. Priorités en matière de réforme et leviers de transformation du NMD
Priorités en matière de réforme |
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Transformer l’économie pour qu’elle soit diversifiée, productive et compétitive, afin de générer davantage de croissance, de créer des emplois de qualité et d’intégrer les femmes et les jeunes |
Renforcer le capital humain par des réformes dans les domaines de la santé et de l’éducation afin de favoriser le développement des compétences |
Promouvoir l’inclusion, y compris l’égalité d’accès aux débouchés économiques dans tout le Royaume |
Faire progresser la territorialisation, afin de donner aux régions les moyens de concevoir et de mettre en œuvre les politiques les mieux adaptées à leurs besoins |
Leviers de transformation |
Tirer parti de la technologie numérique |
Renforcer l’efficacité administrative |
Sécuriser les ressources financières |
Mobiliser les contributions des Marocains du monde |
Favoriser les liens de coopération avec des partenaires extérieurs |
Source : Selon (CSMD, 2021[2]).
Le NMD place le dynamisme du secteur privé au cœur du dispositif et estime que l’investissement, en particulier l’investissement privé, est essentiel à la réalisation de la transformation économique. Il préconise de créer des conditions plus favorables à l’augmentation des investissements privés nationaux et étrangers et de mieux répartir les investissements vers des secteurs plus productifs qui peuvent à leur tour favoriser la diversification et le développement des industries, ainsi que la création d’emplois et le développement des compétences. L’investissement privé sera également essentiel pour financer les différents objectifs politiques du NMD (CSMD, 2021[2]).
L’un des principaux objectifs du gouvernement (également décrit dans le NMD) est d’inverser le ratio des investissements publics par rapport aux investissements privés. L’investissement global en pourcentage du PIB au Maroc a été solide, atteignant en moyenne un peu moins de 30 % au cours de la dernière décennie (Graphique 1.7). Ce taux est comparable à celui des pays qui ont connu une forte croissance stimulée par l’investissement et, contrairement aux autres pays de la région, il n’a pas diminué en raison des divers chocs économiques survenus au cours des deux dernières décennies. Mais le rendement de cet investissement, en matière de croissance économique, a été inférieur à celui des autres pays de la région (Ali et al., 2023[35]).
Cela s’explique en partie par le rôle prépondérant de l’investissement public, qui représente jusqu’à deux tiers de la formation brute de capital fixe (Graphique 1.8). L’investissement public a contribué au développement d’infrastructures clés, essentielles à l’amélioration de l’environnement opérationnel des entreprises et de l’attractivité du Maroc en tant que destination d’investissement. La majeure partie de la formation brute de capital fixe au cours de la dernière décennie a été consacrée à la construction et aux projets publics permettant ainsi au Maroc de disposer aujourd’hui d’infrastructures de qualité. Toutefois, l’investissement public est moins performant pour favoriser la croissance des secteurs productifs et innovants, et une dépendance excessive à l’égard du financement public est susceptible de décourager l’investissement privé. Le montant que le secteur public peut financer tout en maintenant la stabilité macroéconomique est également limité, en particulier si l’on considère les chocs récents qui ont réduit la marge de manœuvre en matière de politique budgétaire (ibid.). L’investissement peut potentiellement jouer un rôle beaucoup plus important dans la croissance économique (Graphique 1.3), mais uniquement grâce à des niveaux plus élevés d’investissement privé.
1.3.2. Les investissements étrangers offrent surtout des avantages supplémentaires
L’investissement privé est la clé d’une croissance économique plus dynamique et durable. En tant que complément fondamental de l’investissement national, l’IDE est en mesure d’offrir des avantages supplémentaires en faveur des objectifs de développement durable. Les entreprises étrangères sont susceptibles d’apporter des avantages directs tels que des nouvelles technologies, de meilleures pratiques en matière d’égalité des genres ou la création d’emplois de qualité. Elles peuvent également avoir des retombées indirectes sur l’économie, grâce aux chaînes de valeur entretenues avec les entreprises nationales, aux interactions de marché et à la mobilité des travailleurs entre les entreprises nationales et étrangères. Plusieurs conséquences peuvent en découler, telles que faciliter les transferts de connaissances, contribuer au développement du capital humain et à la diffusion de technologies plus propres, et ainsi augmenter la productivité et le niveau de vie. Ces avantages ne se concrétisent toutefois pas toujours, car les politiques et les institutions jouent un rôle essentiel dans la concrétisation des avantages potentiels de l’IDE et l’atténuation des effets négatifs et des compromis (OCDE, 2022[37]).
En partie grâce aux retombées positives des réformes sur l’amélioration du climat d’investissement au Maroc, les flux d’IDE ont régulièrement augmenté au cours des deux dernières décennies, faisant de ce pays l’une des principales destinations d’investissement dans la région MENA (Chapitre 2). Malgré la volatilité des flux entrants pendant les périodes de turbulences économiques mondiales (notamment en 2008 et 2020), la tendance générale est restée positive (Graphique 1.9). En 2018, les flux d’IDE ont atteint un niveau record de 3.6 milliards USD, suivis d’une chute brutale les années suivantes pour atteindre 1.4 milliards USD en 2020 lors de la crise de COVID‑19. Les flux d’IDE ont ensuite atteint 2.3 milliards USD en 2022. Cependant, la croissance du stock d’IDE a nettement ralenti au cours des dix dernières années par rapport à la décennie précédente (augmentation de 31 % entre 2011 et 2020, contre 113 % au cours de la décennie précédente) (ibid.).
L’IDE a contribué au développement du secteur privé au cours des dernières décennies. L’analyse de l’OCDE (détaillée dans le Chapitre 2 et résumée ci-dessous) révèle que l’IDE au Maroc est positivement associé à la productivité, à l’innovation, à la création d’emplois et à l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. L’IDE se concentre dans les secteurs les plus productifs et les plus porteurs d’emplois. Les entreprises étrangères sont plus susceptibles d’investir dans la recherche et le développement (R&D) et d’avoir davantage recours aux technologies étrangères que les entreprises nationales. Elles disposent également d’une proportion plus élevée de travailleurs permanents, ce qui laisse supposer qu’elles offrent des perspectives d’emploi plus stables que les entreprises nationales (Graphique 1.10).
Toutefois, à l’instar du développement économique en général, ces avantages semblent être fortement concentrés dans les centres ou zones économiques principaux et dans des secteurs en particulier. Par exemple, les entreprises locales ont rencontré des difficultés à s’intégrer dans la chaîne de valeur de l’industrie automobile. La plupart des équipementiers de rang 1 et 2 sont des multinationales ; les PME locales ne sont souvent employées que comme sous-traitants de rang 3 ou 4 (Amachraa, 2023[38]). Pour que l’investissement contribue positivement aux objectifs économiques et sociaux du Maroc, le gouvernement devra également promouvoir des réformes en parallèle afin de permettre aux fournisseurs et travailleurs nationaux de répondre aux exigences des investisseurs dans des secteurs plus diversifiés, plus productifs et plus qualifiés. Comme le souligne le rapport à venir de l’OCDE « OECD Economic Surveys: Morocco 2024 », il est nécessaire d’élargir l'éventail des activités et la sophistication des exportations (OCDE, 2024[21]).
Les administrations nationales et locales ont déployé des efforts conjugués pour diffuser l’IDE de manière plus large dans les différentes régions, avec pour objectif de favoriser les retombées positives de l’investissement au-delà des principaux centres économiques. Entre 2008 et 2017, deux régions, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (TTA) et Casablanca-Settat (CS), ont retenu 60 à 70 % de l’ensemble des nouveaux IDE (Chapitre 6). D’autres régions (dont celle de Rabat-Salé-Kénitra) ont attiré une part croissante de nouveaux projets au cours des cinq dernières années, mais les investissements étrangers restent concentrés dans les pôles économiques. L’impact de l’IDE varie également d’une région à l’autre. La création d’emplois découlant de nouveaux projets est 30 % plus élevée dans la région TTA que dans la région CS, en raison de sa concentration d’industries à forte intensité de main-d’œuvre (Chapitre 6). Dans la région CS, le secteur des services de haute technologie est largement représenté, impliquant que les entreprises étrangères établies dans la région sont plus susceptibles d’avoir recours aux technologies étrangères et d’ajouter de nouveaux produits ou services que les entreprises étrangères établies dans la région TTA (ibid.). Ce constat souligne l’importance des stratégies territoriales pour attirer les investissements et en récolter les bénéfices au niveau infranational, en tirant parti de la proposition de valeur unique de chaque région.
1.3.3. Une nouvelle dynamique pour améliorer le climat des investissements et des affaires
Constatant l’importance d’accroître l’investissement privé et les retombées positives potentielles de l’investissement sur les objectifs de développement, le gouvernement a apporté une série de modifications juridiques et institutionnelles au cadre des politiques de l’investissement, conformément aux orientations royales et aux axes définis dans le NMD. Parmi ces modifications figurent la création du MICEPP, rattaché au Chef du gouvernement, ainsi que la poursuite des réformes visant à renforcer les CRI. Une nouvelle Charte de l’investissement guide les réformes. La loi-cadre, adoptée en 2022, vise à établir un cadre transparent et structuré pour les investisseurs, en décrivant de nouveaux dispositifs d’aide à l’investissement, des plans d’action pour améliorer le climat des affaires ainsi que des mesures pour promouvoir une gouvernance unifiée et décentralisée de l’investissement. Les objectifs stratégiques comprennent notamment d’atteindre 50 milliards d’euros d’investissements privés d’ici 2026 et de créer 500 000 emplois (AMDIE, 2023[40]).
La Charte s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et entérine les recommandations du NMD et du Programme Gouvernemental, qui font de l’investissement le moteur de la relance économique du Royaume. Elle fixe les objectifs fondamentaux de l’État, instaure les différents dispositifs de soutien à l’investissement, définit les principes de leur gouvernance et encadre les chantiers de réforme à déployer pour faciliter l’acte d’investir. La Charte a pour ambition de donner un nouveau souffle au climat de l’investissement au Maroc et vise à renforcer l’impact de l’investissement, en particulier créer des emplois, favoriser un développement équitable entre les régions, inciter l’investissement dans des secteurs à fort potentiel de croissance et promouvoir plus largement le développement durable. Pour ce faire, elle s’appuie principalement sur un nouvel ensemble d’incitations financières, mises à la disposition des entreprises qui poursuivent ces objectifs. Des avantages plus généreux sont disponibles dans les régions moins développées. D’après les autorités, depuis la mise en application de la nouvelle Charte, cinq commissions nationales des investissements ont été tenues, au cours desquelles 115 projets d’investissement ont été approuvés pour un montant de MAD 173 milliards permettant la création prévisionnelle de 96 000 emplois directs et indirects. Une majorité de ces investissements sont à capitaux marocains.
La Charte présente également des réformes visant à améliorer le climat des affaires, notamment la rationalisation des procédures et la déconcentration de l’administration. Au cœur de l’action gouvernementale pour y parvenir figurent plusieurs axes connexes : la simplification des procédures et des processus administratifs, la déconcentration et le transfert aux régions des décisions administratives et du soutien aux investisseurs, l’amélioration de la mobilisation et de la visibilité du foncier dédié à l’investissement productif, l’amélioration de la compétitivité logistique, les mécanismes de coordination territoriaux pour l’amélioration du climat des affaires, ainsi que la numérisation et la dématérialisation des services publics. Ces objectifs s’inscrivent dans les objectifs plus larges du développement numérique et de la réforme administrative, qui figurent tous deux parmi les cinq leviers de changement du NMD (Tableau 1.1) (CSMD, 2021[2]).
Les objectifs d’amélioration du climat des affaires, levier stratégique pour stimuler l’investissement et l’entreprenariat, ont été déclinés en chantiers et mesures précis. Ceux-ci s’inscrivent dans une feuille de route pluriannuelle 2023-2026 élaborée en étroite collaboration avec l’ensemble des partenaires et acteurs du monde des affaires (secteur public, secteur privé, secteur bancaire, territoires). Cette feuille de route a ainsi tenu compte des recommandations du NMD, du Programme Gouvernemental, de la nouvelle Charte de l’investissement ainsi que des mesures émanant du dialogue continu public-privé et des territoires.
L’engagement du gouvernement en faveur de la réforme est clair, mais des lacunes subsistent dans la réalisation de ces objectifs. L’amélioration de la qualité des services publics et la simplification des procédures pour les investisseurs, notamment grâce à la numérisation, nécessiteront davantage de temps et d’investissements. Deux autres points seront également indispensables : renforcer les capacités des fonctionnaires à tous les niveaux et accompagner les entreprises dans ces changements. D’importants défis plus vastes subsistent en ce qui concerne le climat d’investissement, notamment la corruption, la fiscalité et l’informalité. Le gouvernement a emprunté une trajectoire de réforme positive. Le présent Examen met en évidence les progrès considérables accomplis et propose des domaines dans lesquels il convient de poursuivre les réformes, tout en soulignant l’importance d’une mise en œuvre réussie des mesures récentes.
1.4. Principales conclusions et recommandations visant à améliorer le climat de l’investissement au Maroc
Copier le lien de 1.4. Principales conclusions et recommandations visant à améliorer le climat de l’investissement au MarocSe basant sur une version actualisée du Cadre d’action pour l’investissement, ce deuxième Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement du Maroc détermine plusieurs domaines potentiels de réforme afin de mettre en place un environnement d’investissement solide et transparent pour soutenir une croissance économique plus durable et inclusive. La section qui suit résume les conclusions et les évaluations de chacun des chapitres suivants du présent Examen. Les nombreuses alternatives en matière de politiques allient des mesures concrètes qui peuvent être mises en œuvre relativement rapidement et des recommandations plus ambitieuses, qui nécessiteront des changements plus profonds dans la manière dont le gouvernement mène ses activités. Certaines mesures ne peuvent être mises en œuvre qu’à long terme, tandis que d’autres sont déjà envisagées par le gouvernement. L’objectif est de fournir une liste de mesures à prendre en compte par le gouvernement dans le cadre de la poursuite des réformes de son climat d’investissement.
1.4.1. Tendances et impacts des IDE au Maroc
Depuis quelques décennies, le Maroc attire de plus en plus d’IDE, à la faveur de grandes réformes économiques structurelles et d’une bonne performance économique, mais aussi d’une situation géographique stratégique faisant de lui la porte d’entrée du marché africain, notamment pour les investisseurs européens. En 2018, les flux d’IDE ont atteint un niveau record de 3.6 milliards USD, suivis d’une chute brutale les années suivantes pour atteindre 1.4 milliards USD en 2020 lors de la crise de COVID‑19. Les flux d’IDE se sont ensuite établis à 2.3 milliards USD en 2022. L’IDE a également gagné en intérêt pour l’économie marocaine au fil du temps, comme en témoigne la part grandissante du PIB du pays que représente le stock d’IDE.
Ce stock d’IDE se concentre dans les services, en particulier les télécommunications, la finance et le tourisme ; autant de secteurs qui ont attiré des flux croissants d’IDE à la suite de grands programmes de privatisation et de libéralisation. Au sein de l’industrie manufacturière, ce sont l’automobile, l’aérospatiale et le textile qui bénéficient d’une part significative du stock d’IDE. Le secteur de la construction est une autre cible importante, comme en attestent de grands projets d’investissement étranger destinés au développement de la santé urbaine, du tourisme et des installations industrielles. Les projets d’IDE « greenfield » sont majoritaires dans l’industrie manufacturière, en particulier les véhicules à moteur, les produits minéraux non métalliques, les métaux et l’électronique. Une part importante de l’IDE « greenfield » est également orientée vers l’exploitation minière et l’énergie, dont 40 % à destination de projets d’énergie renouvelable (solaire, éolienne et hydraulique).
Les principaux investisseurs au Maroc sont les entreprises européennes, à raison de près de 55 % du stock total d’IDE en 2022. Les entreprises de la région MENA représentent pour leur part 25 % des investisseurs en 2022 (27 % en 2021). La France est le premier investisseur étranger au Maroc, traditionnellement dans les industries automobile, aéronautique et ferroviaire, et plus récemment dans le secteur des énergies renouvelables. Les Émirats arabes unis et l’Espagne lui emboîtent le pas, en deuxième et troisième places respectivement, notamment dans des secteurs de la construction, du tourisme et de l’automobile. D’autres pays européens, comme la Suisse, le Royaume Uni ou la Belgique, commencent à être d’importants investisseurs au Maroc. Les Etats-Unis ont beaucoup investi au Maroc dans les années 2010, notamment dans les secteurs de l’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire. Depuis quelques années, malgré la prédominance des investissements français, le Maroc connaît une certaine diversification des origines des investissements, avec de plus en plus d’investisseurs originaires d’Asie, d’autres pays du Moyen Orient et d’autres pays européens.
Le premier Examen des politiques de l’investissement du Maroc, conduit en 2010, constatait le rôle important que l’IDE a joué dans le développement économique du pays, avec des retombées positives sur l’emploi, la productivité, les compétences et l’internationalisation de l’économie. Cette deuxième édition intervient à l’heure où le Maroc fait face à de nouveaux défis, dont celui de se doter d’une économie plus inclusive et plus durable. Conjugué avec l’investissement domestique, l’IDE peut jouer un rôle majeur dans la réalisation de certains des objectifs de développement durable pressants du Maroc : la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité, la réduction des inégalités et des disparités sociales et territoriales, et la durabilité environnementale de l’économie, par exemple.
En favorisant la productivité, l’innovation, la création d’emploi et l’intégration dans les chaines de valeur mondiales (CVM), l’IDE a fortement stimulé le développement du secteur privé marocain au cours des dernières décennies. Il est concentré dans les secteurs des services et de l’industrie manufacturière, lesquels sont plus productifs et contribuent dans une large mesure à la valeur ajoutée cumulée et à l’emploi. Ces secteurs sont en outre plus porteurs d’emplois : au Maroc, l’IDE « greenfield » génère presque quatre emplois par million de dollars investis, soit plus que les pays de l’OCDE et de la région MENA en moyenne.
Les entreprises étrangères sont en moyenne plus productives, ont davantage tendance à mener des activités de R&D et utilisent plus de technologies étrangères que les entreprises marocaines1. Plus orientées vers les échanges du fait qu’une plus forte proportion de leurs ventes se fait à l’exportation et qu’elles importent une plus grande partie de leurs intrants, elles s’imposent en acteurs majeurs de l’intégration du Maroc dans les CVM dans leur rôle de point d’accès important aux marchés internationaux.
L’IDE apporte une contribution positive aux grands objectifs sociaux et environnementaux du Maroc. Aucune différence significative n’est observée entre les entreprises marocaines et les entreprises étrangères sur le plan des salaires et de la part de travailleurs qualifiés, mais les entreprises étrangères affichent en moyenne une plus forte proportion de travailleurs permanents, ce qui donne à penser qu’elles offrent des perspectives d’emplois plus stables. Les entreprises étrangères ont par ailleurs fait montre d’une plus grande résilience face à la crise du COVID‑19 et se sont rétablies plus rapidement que les entreprises locales.
Les entreprises étrangères ne sont pas plus performantes que les entreprises marocaines en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes. On note en particulier l’absence de différence significative entre entreprises étrangères et locales s’agissant de l’emploi féminin et des postes de cadre supérieur occupés par des femmes. Cela étant dit, l’actionnariat féminin est plus important dans les entreprises étrangères. L’IDE semble encourager la décarbonation de l’économie marocaine. Il est répandu dans les secteurs moins polluants et la part consacrée aux énergies renouvelables (9 %) est supérieure à la moyenne observée dans la région MENA (5 %) et proche de la moyenne de la zone OCDE (9.6 %). D’autre part, les entreprises étrangères sont plus sobres en énergie que les entreprises locales, ce qui tend à indiquer qu’elles ont un rôle important à jouer dans la diffusion de technologies plus propres.
Orientations générales
Copier le lien de Orientations généralesDiversifié par secteurs, le stock d’IDE est néanmoins très concentré par pays d’origine : ensemble, la France, les Émirats arabes unis et l’Espagne représentaient 57 % du stock total en 2022. Cette dépendance d’un petit groupe d’investisseurs rend le Maroc plus vulnérable à la conjoncture économique et politique de ces pays. Aussi importe-t-il, pour réduire l’exposition du pays aux chocs externes, de chercher à attirer des IDE d’autres pays et plus particulièrement de la région MENA.
Les entreprises étrangères opérant au Maroc sont plus performantes que les entreprises locales en matière d'innovation et de commerce, alors que leur contribution est mitigée en ce qui concerne la productivité et les salaires. Des meilleures capacités des entreprises marocaines peuvent permettre d'établir des relations plus fortes au sein des chaînes de valeur (par exemple, des relations avec les fournisseurs) avec les entreprises étrangères et de bénéficier de leur présence. Le développement des capacités locales nécessite des efforts dans plusieurs domaines, tels que les compétences, l'innovation et l'environnement commercial local. De meilleures données au niveau des entreprises permettraient de mieux mesurer l'impact de l'IDE sur la productivité et d'autres facteurs et de formuler des recommandations plus spécifiques au cas marocain.
La contribution des entreprises étrangères à la réduction des disparités entre les sexes pourrait être plus importante. Une étude plus approfondie du rôle des facteurs propres au pays d’implantation et au pays d’origine s’impose, mais des mesures levant les obstacles à l’activité féminine peuvent aider les femmes à tirer parti des perspectives d’emplois (plus stables) offertes par les entreprises étrangères, surtout dans les secteurs des services susceptibles d’employer un grand nombre de femmes. Ces mesures pourraient prendre la forme d’un cadre réglementaire et juridique sensible aux disparités entre les sexes, de programmes pour aider les femmes à acquérir les compétences recherchées par les entreprises étrangères, et de services sociaux (ex. accueil des enfants). Afin de consolider la place de la femme marocaine dans le tissu économique, la nouvelle Charte de l’investissement prévoit une prime ratio genre.
L’IDE est concentré dans les secteurs moins polluants et affecté en grande proportion aux énergies renouvelables. Parallèlement, la plus grande sobriété énergétique des entreprises étrangères est révélatrice du potentiel d’amélioration de la performance environnementale des entreprises marocaines. Par exemple, en encourageant la diffusion et l’adoption de technologies plus propres introduites par les entreprises étrangères.
1.4.2. Le cadre juridique relatif aux investissements
Une politique d’investissement efficace s’ancre dans des institutions solides et une gouvernance publique de qualité. Une réglementation de qualité, la transparence, l’ouverture et l’intégrité sont les conditions requises pour mener à bien une politique d’investissement. La manière dont cette dernière est élaborée et modifiée influe sur les décisions d’investissement (OCDE, 2015[41]). L’étude des composantes de la politique d’investissement, notamment l’ouverture, la qualité de la réglementation en place et les mécanismes d’exécutions des contrats et de règlements des différends, est donc clé dans l’évaluation de l’environnement propice à l’investissement.
Au Maroc, la libéralisation progressive de l’économie au cours des années 1990 et son ouverture subséquente aux investissements directs étrangers (IDE) a généré des opportunités considérables, faisant du pays l’une des principales destinations d’investissement dans la région du Moyen Orient et d’Afrique du Nord (OCDE, 2021[42]). Visant ainsi à encourager davantage la croissance du secteur privé et la promotion des investissements, le Maroc a promulgué sa première législation majeure sur l’investissement en 1995 (Charte de l’investissement de 1995), qui est restée en vigueur jusqu’à son remplacement en 2022 par la promulgation de la loi cadre n° 03-22 formant charte de l’investissement (Charte de l’investissement ou Charte). Par ailleurs, à la suite de la restructuration ministérielle d’octobre 2021, un nouveau ministère chargé de l’investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques voit le jour.
La nouvelle Charte de l'investissement du pays reconnait le principe de non-discrimination en matière d'investissement, en garantissant l'égalité de traitement des investisseurs, quelle que soit leur nationalité. Elle s'applique aux investissements étrangers et nationaux dans tous les secteurs économiques, à l'exception du secteur agricole, qui reste soumis à une réglementation spécifique. La Charte assure le droit à la libre convertibilité et au rapatriement des capitaux investis et des bénéfices après le respect des obligations fiscales, ainsi que la protection des droits de propriété intellectuelle. Elle mentionne également l’inclusion dans les conventions d’investissement de clauses relatives au recours judiciaire ou arbitral ainsi qu’au règlement à l’amiable.
Le corpus juridique régissant les investissements au Maroc comprend, au-delà de la nouvelle Charte de l’investissement, les lois afférentes au droit des affaires, dont le rythme soutenu des réformes a fortement contribué à faire du Maroc une destination attractive et sécurisante pour les investissements étrangers. Ces textes offrent aux investisseurs un cadre moderne et propice à l’investissement. Certaines lois spécifiques, notamment celles relatives à l’expropriation ou encore au régime foncier, pourraient bénéficier d’un nouveau souffle afin de moderniser les régimes juridiques en place.
Le système judiciaire marocain a également un rôle fondamental à jouer dans le renforcement de la compétitivité et de la croissance économique du Maroc et son fonctionnement est essentiel pour créer les conditions d'un climat d'affaires sain et compétitif. Au Maroc, le système judiciaire est doté de tribunaux commerciaux spécialisés, chargés des litiges économiques et commerciaux. Au cours des dernières années, le Maroc a mis en place de nombreuses initiatives afin d’améliorer l’accès à la justice, notamment au système judiciaire. En parallèle, le Maroc fournit de manière graduelle aux investisseurs, des mécanismes alternatifs de résolution des conflits pour régler les litiges commerciaux et les différends en matière d’investissement, notamment en consacrant une loi à part entière à l’arbitrage et à la médiation conventionnelle ou encore par la mise en place d’institutions comme le Médiateur du Royaume. À ce titre, le Maroc est encouragé à suivre la recommandation édictée dans le NMD relative à la mise en place d’un défenseur de l’entreprise, qui permettrait non seulement une meilleure détection des litiges en amont mais aussi de prévenir les litiges en devenir et de désengorger le système judiciaire.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionÉvaluer les coûts et les avantages du maintien des restrictions à l'investissement étranger dans certains secteurs qui n'ont pas d'incidence sur la défense et la sécurité nationale et qui restent partiellement restrictifs pour les investisseurs étrangers, tels que dans certains secteurs de services. En effet, les restrictions à l'IDE dans les secteurs de services sont susceptibles de freiner les gains de productivité potentiels à l'échelle de l'économie, dans la mesure où une baisse de concurrence dans ces secteurs serait susceptible de nuire indirectement les activités en aval.
Continuer à évaluer et à mettre à jour les priorités en matière de cadre réglementaire. Le régime juridique régissant les investissements, notamment la Charte de l’investissement et le droit des affaires marocain, offrent aux investisseurs un cadre moderne et propice à l’investissement. Dans un souci de clarté et de prévisibilité, et afin d’éviter un vide juridique, les décrets d’application pourraient suivre plus rapidement la promulgation de la Charte de l’investissement. Pour une meilleure transparence et prévisibilité du cadre juridique des investissement, le Maroc pourrait renforcer le processus de consultations publiques et d’engagement avec les parties prenantes lors de l’élaboration de nouvelles lois, afin d’accroitre davantage la confiance des investisseurs dans l’environnement juridique et réglementaire du pays.
Évaluer les possibilités d’amélioration de la protection contre l’expropriation. La loi régissant l’expropriation manque parfois de clarté et est donc susceptible de semer la confusion auprès des investisseurs. Une réforme de la loi relative à l’expropriation permettrait de clarifier davantage le processus d’expropriation, d’aligner le niveau de protection contre l’expropriation aux normes internationales (notamment en incluant une protection contre l’expropriation indirecte). Une simplification du process d’expropriation (ainsi que celui de l’indemnisation) pourrait également la rendre plus accessible aux investisseurs, qui continuent de soulever des difficultés liées à la complexité de la procédure, entrainant ainsi un retard dans l’obtention de l’indemnisation due.
Considérer la mise à jour et la modernisation du régime foncier existant. La complexité du paysage législatif et la dualité du système peuvent constituer un obstacle à la clarté, à la transparence et à l'efficacité du régime foncier. Ceci risque de créer des superpositions ou des lacunes dans la législation, de compliquer la compréhension par les investisseurs et de rendre l’application de la loi plus difficile. De nouvelles lois, voire leur consolidation en une loi unique, pourraient clarifier les catégories existantes de droits fonciers et réduire les conflits entre le droit coutumier et le droit formel. Dans le but d’harmoniser davantage le système foncier, le Maroc devrait également continuer d’encourager et de promouvoir la nécessité de l’immatriculation des propriétés foncières, qui permet l’obtention d’un titre foncier individuel, définitif et inattaquable. Afin de remédier à la spéculation foncière et la hausse des prix des biens fonciers, notamment industriels, une généralisation des baux de longue durée pourrait être également être envisagée par le Maroc.
Continuer à renforcer le régime des droits de propriété intellectuelle (PI). Le régime juridique régissant les droits de PI mis en place par le Maroc est robuste et complet. Néanmoins, certaines lacunes demeurent, notamment en matière d’application des lois et de la protection des usagers. Une meilleure efficacité du régime peut être atteinte en assurant la mise en œuvre des réglementations existantes, en facilitant l’accès aux actions et aux recours en justice des détenteurs de droits et, surtout, en augmentant l’effectif dédié à combattre les violations en la matière. Le gouvernement est bien conscient de ces préoccupations et conçoit des initiatives pour y répondre. L'amélioration de la confiance des investisseurs dans l'application des droits de propriété intellectuelle dans le pays est une condition préalable pour attirer de nouveaux investissements dans la recherche et le développement (R&D), les nouvelles technologies et l'innovation.
Continuer de revoir de façon régulière la cartographie judiciaire, et ce afin de garantir un accès à la justice à travers le territoire marocain et d’améliorer l’efficacité et la célérité de la justice.
Augmenter l’effectif de magistrats, notamment au niveau de la Cour de cassation et revoir les conditions de pourvoi en cassation afin d’alléger la charge d’affaires remontant à la haute juridiction.
Envisager une réforme des conditions préalables à l’accès aux tribunaux nationaux, notamment la mise en place d’un recours obligatoire à la médiation juridictionnelle dans certaines conditions, pour tempérer la congestion du système judiciaire.
Évaluer l’opportunité de rendre la procédure d’exequatur et de reconnaissances des sentences internationales non-contradictoire, afin que l’exécution des sentences arbitrales internationales soit plus efficace.
Créer l’institut de défenseur de l’entreprise. La mise en place de la recommandation édictée dans le NMD relative à la création de l’institut du défenseur de l’entreprise permettrait non seulement une meilleure détection des litiges en amont, mais aussi de prévenir les litiges en devenir et de désengorger le système judiciaire.
1.4.3. Approche marocaine en matière de traités bilatéraux d’investissements
Le droit international de l’investissement, notamment les conventions bilatérales et régionales d’investissement, font partie intégrante du climat de l’investissement et complètent le cadre juridique national de l’investissement en apportant ainsi un niveau supplémentaire de sécurité aux investisseurs étrangers couverts (OCDE, 2015[41]).
Ainsi, à l’instar de nombreux pays dans le monde et dans la région, le Maroc a conclu un grand nombre d’accords internationaux d’investissement (AII) ayant pour objectif d’octroyer aux investisseurs étrangers, en plus des garanties accordées par le droit national relatif au cadre juridique national régissant les investissements, des protections supplémentaires et autonomes, spécifiques à ces derniers. Ces traités, le plus souvent sous forme de traités bilatéraux d’investissement (TBI) ou d’accords régionaux sur l’investissement, sont une composante essentielle du cadre juridique régissant les IDE et jouent un rôle décisif dans la promotion d’un environnement réglementaire propice aux investissements.
Afin de bénéficier des protections procédurales et substantielles édictées par un accord d’investissement, les investisseurs doivent naturellement satisfaire à une série de conditions définies ; à titre d’exemple, les notions d’investisseurs étrangers et d’investissement telles que stipulées par l’AII délimitent le champ d’application de ce dernier, notamment eu égard à la nationalité de l’investisseur ou encore à la forme de l’investissement.
S’agissant des protections substantielles, les AII protègent généralement les investisseurs étrangers contre l’expropriation et les traitements discriminatoires (traitement national et traitement de la nation la plus favorisée) et garantissent aux investisseurs un traitement juste et équitable. Ces protections viennent s’ajouter aux garanties octroyées par les lois nationales de l’État hôte. S’agissant des protections procédurales, les accords offrent fréquemment aux investisseurs un mécanisme de résolution des litiges permettant de garantir les droits de l’investisseur contre toute violation éventuelle par l’État hôte de ses obligations au titre de l’AII.
Historiquement, l’une des principales raisons qui pousse les États à conclure des traités d’investissement est d’attirer les investissements étrangers ; cette logique est néanmoins aujourd’hui remise en cause par un courant croissant de littérature empirique sur les réels catalyseurs de flux des IDE mais aussi de la prolifération des AII (OCDE, s.d.[43]) (UNCTAD, 2023[44]).
La politique marocaine en matière de traités d’investissement mérite une attention soutenue. La présente revue, notamment l’examen de cette politique, démontre que comme beaucoup de pays, le Maroc a conclu un nombre conséquent de traités d’investissements et possède un nombre important de traités dits de « première génération », édictant des protections vagues qui peuvent avoir des conséquences néfastes pour le Maroc. En effet, face à ces traités de première génération, les arbitres chargés de trancher les litiges en matière d’investissements disposent d’une grande latitude pour interpréter ces protections, résultant souvent en des interprétations divergentes ou incohérentes, dommageables pour l’État d’accueil.
Vraisemblablement attentif à ces considérations, les TBI conclus par le Maroc récemment reflètent les bonnes pratiques en la matière et, surtout, le modèle de TBI mis en place par le Maroc en 2019 incorpore pleinement ces considérations afin de limiter les risques qui peuvent en découler. Au demeurant, les TBI de premières générations restent en vigueur dans l’écosystème conventionnel marocain, affectant ainsi la portée des efforts fournis par le Maroc.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionExaminer les possibilités de renégociation, de clarification et de sortie des traités d'investissement. Compte tenu des risques de "treaty shopping", le Maroc devrait examiner son réseau de traités dans son ensemble. En effet, malgré les efforts considérables du Maroc en matière de traités d’investissement ainsi que la mise en place d’un nouveau modèle de TBI en ligne avec les bonnes pratiques les plus récentes, les traités contenant des dispositions vagues et non qualifiées, conclus par le Maroc, peuvent donner lieu à des interprétations indésirables dans le cadre de règlement de différends Investisseurs-Etats (RDIE).
Le Maroc pourrait envisager de mettre à jour ces traités, notamment afin d’aligner ces derniers avec la stratégie du gouvernement, les priorités actuelles du Maroc et les pratiques plus récentes en matière de politique de traités d'investissement.
Le Maroc devrait également s’efforcer de minimiser les incohérences entre les obligations internationales contractées avec les différents pays et explorer la possibilité d’harmoniser les politiques régionales en matière de traités d’investissement, par le biais des cadres régionaux existants.
Dans de nombreux cas, une telle révision peut être réalisée par le biais d'amendements ou d'interprétations conjointes convenues avec les partenaires du traité. La résiliation ou le remplacement d'anciens traités d'investissement par consentement ou action unilatérale peut représenter un dernier recours approprié afin de gérer l'exposition et de sauvegarder le droit du gouvernement à réglementer dans l'intérêt public.
S'engager dans les efforts internationaux visant à équilibrer la protection des investisseurs fondée sur les traités et les mécanismes de gouvernance associés. Le Maroc devrait s'engager activement dans les efforts actuellement déployés au niveau international pour équilibrer la protection des investisseurs et le droit de réglementer. Une spécification plus claire des dispositions clés des TBI de première génération contribuerait probablement à refléter l'intention du gouvernement et à garantir une marge de manœuvre plus large pour la réglementation gouvernementale.
Continuer à s’engager dans des forums multilatéraux en matière de réclamation pour perte par ricochet des actionnaires. Le Maroc devrait continuer à s’engager dans des forums multilatéraux tels que l’OCDE (notamment dans le programme de travail sur le Futur des traités d’investissement, le premier volet étant lié à l'alignement des traités d'investissement sur l'Accord de Paris de 2015 et le net zéro, et le second volet étant lié à l’étude de l'évolution des dispositions matérielles spécifiques des traités de l'ancienne génération vers les modèles actuels) et la CNUDCI (le Groupe de travail III sur la Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) notamment afin de contribuer aux discussions relatives à l’approche adoptée dans les RDIE en matière de réclamation pour perte par ricochet des actionnaires dans la mesure où seule une réforme menée par les gouvernements est susceptible de résoudre les divergences existantes en la matière.
Gérer de manière proactive les risques liés aux traités d'investissement existants. Le ministère de l’Economie et des Finances, qui a la charge de la conception, de l’élaboration et de la négociation des traités internationaux d’investissement, ainsi que de la défense du Maroc dans les différends liés à l’investissement international, l’agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères devraient continuer à développer des outils de prévention des différends et de gestion des dossiers dans le cadre de RDIE. Le ministère de l’Economie et des Finances, en collaboration avec les départements concernés, pourrait également envisager des efforts de sensibilisation aux traités d'investissement du Maroc et à l'importance des obligations internationales du Maroc en vertu de ses traités d'investissement pour les fonctions quotidiennes des différentes agences gouvernementales et des fonctionnaires qui interagissent régulièrement avec les investisseurs étrangers.
1.4.4. Promotion et facilitation des investissements au Maroc
Les politiques de promotion et de facilitation de l’investissement peuvent contribuer à la compétitivité du pays hôte grâce à des mesures d’attraction ciblées et à des services facilitant l’établissement ou l’expansion des investisseurs. De telles initiatives sont essentielles pour favoriser un climat de l’investissement attractif et bénéficier de l’apport des entreprises multinationales sur les objectifs de développement national. Elles sont particulièrement importantes pour répondre à la crise provoquée par la pandémie de COVID-19, en conséquence de laquelle la contraction économique et la baisse des IDE en 2020, ainsi que la pression sur les budgets publics, ne sont pas sans conséquences sur les politiques et les institutions chargées de promouvoir et de faciliter les investissements au Maroc. Il est toutefois important que ces efforts de promotion et de facilitation complètent – et ne remplacent pas – les mesures visant à garantir un cadre de politique d’investissement solide, telles que celles examinées dans les différents chapitres de cette revue (OCDE, 2015[41]).
Le Royaume du Maroc affiche de grandes ambitions pour renforcer l’attractivité et la compétitivité de son économie. Le NMD vise « un renforcement de la capacité d’attraction des IDE » (Royaume du Maroc, 2021[45]). Alors que la contribution de l’investissement privé à l’atteinte des objectifs de développement durable est indispensable dans le contexte de reprise par suite de la crise du COVID-19, les outils de promotion et de facilitation des investissements se doivent d’être pertinents et adaptés pour soutenir les ambitions du NMD.
À la suite des élections législatives de 2021, les autorités marocaines ont révisé leur cadre institutionnel pour la promotion et la facilitation de l’investissement afin de lui donner une nouvelle impulsion. Ainsi, conformément aux hautes orientations de Sa Majesté le Roi, visant à donner une importance stratégique et horizontale à la politique de l’investissement, le MICEPP a été créé. Dans ce même élan et sous l’égide de ce nouveau ministère, la loi-cadre 03-22 formant Charte de l’investissement a été adoptée à la fin de 2022 et une nouvelle feuille de route sur le climat des affaires dévoilée en 2023 avec l’ambition de stimuler et promouvoir les investissements privés internationaux et nationaux au Maroc. Au niveau opérationnel, l’AMDIE, sous la tutelle du nouveau ministère, est au centre du cadre stratégique de la promotion de l’investissement au niveau national. Elle est complétée par l’action des CRI au niveau infranational, qui, depuis mai 2023, sont rattachés au Chef du gouvernement, qui en a délégué une partie des prérogatives au MICEPP. Avec cette nouvelle gouvernance unifiée et territorialisée de l’investissement, le Maroc ambitionne de donner davantage de coordination et de cohérence à sa politique de l’investissement, et de renforcer la convergence et les synergies en matière d’investissement au niveau central et territorial.
L’AMDIE a la responsabilité de mettre en œuvre le régime incitatif prévu dans la Charte de l’investissement et assure le secrétariat de la Commission nationale des investissements présidée par le Chef du gouvernement en charge d’approuver les nouvelles conventions d’investissement. L’AMDIE a vu ses ressources humaines et financières quelque peu affectées par la crise du COVID-19, mais a toutefois su en faire une opportunité pour accélérer sa transition numérique, à l’instar de nombreuses agences de promotion des investissements (API) de l’OCDE. Bien qu’elle soit active dans toutes les fonctions classiques de la promotion et de la facilitation de l’investissement, l’AMDIE a progressivement mis l’emphase sur la création d’image, notamment avec l’initiative Morocco NOW mise en place en 2021. L’AMDIE aligne sa stratégie de promotion de l’investissement sur les orientations générales du gouvernement et les stratégies économiques sectorielles. Durant de nombreuses années, ses actions de ciblage et de priorisation des investisseurs étrangers ont été insuffisamment sélectives, se concentrant sur certains secteurs de l’économie mais priorisant relativement peu de pays ou de projets d’investissement. Toutefois, depuis 2022, davantage d’actions de démarchage ont été tenues dans un groupe de pays prioritaires, ce qui témoigne d’une volonté accrue des autorités de rendre les activités de promotion de l’investissement plus sélectives et donc plus efficaces. Afin d’améliorer l’impact de son action, l’AMDIE a également mis en place des outils de suivi et évaluation, bien que certains indicateurs puissent être davantage développés.
Les activités de ciblage se calquent sur les secteurs porteurs identifiés dans la nouvelle charte de l’investissement, à savoir : l’industrie, l’industrie culturelle, les énergies renouvelables, la logistique et le transport, l’aquaculture, le tourisme et les loisirs, le numérique, la transformation et valorisation des déchets, et l’outsourcing.
Comme dans de nombreux pays au monde, la facilitation de l’investissement est une tâche pangouvernementale au Maroc. Les autorités ont mis l’accent depuis de nombreuses années sur l’amélioration de l’environnement des affaires, ce qui s’est traduit par des avancées significatives reconnues internationalement. Récemment, la simplification, la dématérialisation et la déconcentration des procédures et démarches administratives pour l’investisseur ont été au centre des réformes du climat des affaires du Maroc. La mise en place du MICEPP a notamment pour objectif de faciliter l’acte d’investir et d’élever les investissements privés à deux tiers des investissements totaux d’ici 2035. Depuis 2022, les pouvoirs publics se sont engagés dans la préparation d’une nouvelle feuille de route pour l’amélioration du climat des affaires avec pour ambition de libérer le plein potentiel des investisseurs et faciliter l’acte d’entreprendre. Cette feuille de route, élaborée en consultation avec l’ensemble des parties prenantes publiques et privées, adresse plusieurs chantiers stratégiques visant l’amélioration des conditions structurelles de l’acte d’investir et d’entreprendre, l’appui à la transformation de l’économie nationale et le renforcement de sa compétitivité, le développement d’un environnement propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation, et le renforcement de l’éthique, de l’intégrité et de la prévention de la corruption.
Le Royaume a également participé aux négociations sur la facilitation de l’investissement pour le développement à l’organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui devrait donner une impulsion à ses réformes nationales lors de la mise en œuvre de l’accord. L’AMDIE et les CRI complètent ces initiatives par des services de facilitation aux nouveaux investisseurs et de suivi aux investisseurs établis, y compris par des services de conciliation au niveau des CRI ainsi que des comités régionaux de l’environnement des affaires œuvrant à la mise en place des chantiers de la feuille de route nationale de l’amélioration de l’environnement des affaires.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionTirer les pleins bénéfices d’un nouveau cadre institutionnel plus cohérent et de la nouvelle Charte de l’investissement pour donner une impulsion à la politique de promotion et de facilitation de l’investissement et un rôle plus central dans la politique du gouvernement, où le ministère, l’AMDIE et les CRI se positionnent en leaders institutionnels avec des rôles distincts et complémentaires. À cet effet, il pourrait être opportun de renforcer le rôle de l’AMDIE en tant que point focal national pour les investisseurs étrangers, y compris pour les secteurs d’activités qui ne sont pas sous sa responsabilité à l’heure actuelle.
Clarifier les mandats de l’AMDIE, dont le nombre est relativement élevé et le champ d’action large, et renforcer les mécanismes de coordination avec les autres entités publiques nationales et infranationales ayant des mandats similaires. Continuer la mise en œuvre d’une politique de gouvernance solide de l’AMDIE articulée autour d’un conseil d’administration fonctionnel et équilibré.
Faire de l’AMDIE une agence plus proactive et centrée sur la promotion de l’IDE, au-delà de l’administration du régime incitatif de la Charte de l’investissement, en renforçant ses fonctions de génération et de facilitation des investissements, qui sont les fonctions essentielles des API. Il serait judicieux d’adopter une stratégie d’attraction de l’investissement plus ciblée et sélective, avec des secteurs prioritaires plus détaillés et une priorisation par pays ainsi que par projet ou par investisseur. Une présence à l’étranger accrue de l’AMDIE pourrait également contribuer à mieux cibler les investisseurs potentiels et à optimiser ses activités de démarchage.
Développer davantage d’indicateurs d’évaluation de performance au sein de l’AMDIE, en particulier des indicateurs de résultats, afin de s’assurer que les activités de l’agence remplissent leurs objectifs et de mieux mesurer l’impact des IDE sur l’économie locale. Dans ce contexte, s’assurer que le CRM de l’AMDIE soit opérationnel le plus rapidement possible et, dans la mesure du possible, lié aux CRM des CRI pour une coordination optimale des activités entre les différents niveaux de gouvernement.
Poursuivre et renforcer les efforts de simplification des procédures administratives pour les entreprises, y compris au travers d’une digitalisation renforcée et élargie, et réduire les démarches redondantes ou inutiles afin de faciliter les nouveaux investissements et d’encourager des réinvestissements et des expansions. Les autorités marocaines pourraient, à cet effet, envisager de passer d’un système d’autorisation à un système de cahier des charges, où les nouveaux investissements sont autorisés de prime abord s’ils respectent un certain nombre de critères.
Poursuivre la participation active du Maroc dans les négociations sur la facilitation de l’investissement pour le développement au sein de l’OMC, préparer la mise en œuvre de l’accord et considérer donner le rôle de point focal à l’AMDIE.
Renforcer les services de facilitation et de suivi aux investisseurs de l’AMDIE, y compris par la mise en place du Centre Aftercare, afin de soutenir davantage les entreprises déjà établies. Dans le même cadre, renforcer les programmes de promotion des liens d’affaires entre multinationales et PME locales et, ce faisant, s’assurer d’une coordination optimale entre les différents acteurs en place.
1.4.5. L’investissement en faveur du développement territorial du Maroc
Les progrès du Maroc vers une régionalisation avancée, débutée il y a plus d’une décennie, ont été marqués par des réformes majeures visant à stimuler la productivité et l’investissement privé en soutien au développement territorial. Si l’impact sous-jacent de ces réformes, à commencer par la Charte de l’investissement de 2022, continue de se concrétiser, elles ont déjà permis une meilleure cohérence des politiques, des stratégies nationales plus intégrées en matière d’investissement et de développement territorial, et un cadre de gouvernance national et infranational plus inclusif en matière d’investissement. La poursuite de la mise en œuvre de la Charte de l’investissement et des réformes de régionalisation avancée devrait permettre d’améliorer le climat des affaires locales et, par la suite, de renforcer l’attractivité territoriale pour les investissements étrangers et nationaux et de mieux tirer profit de ces investissements pour le développement durable.
La répartition territoriale des IDE au Maroc reflète les fortes disparités sociales et économiques existantes entre les territoires. Bien qu’essentiels pour réduire les déficits de financement et soutenir le développement durable, les IDE sont inégalement répartis et se concentrent dans les zones côtières et métropolitaines. Si le Maroc ne fait pas exception (en effet, les investissements sont inégalement répartis dans la plupart des pays de l’OCDE), des disparités territoriales fortes et persistantes dans les IDE peuvent entraver une croissance économique régionale équilibrée. Les disparités régionales des IDE sont supérieures à celles observées en matière de PIB dans les régions de CS, TTA et de l’Oriental. Cela suggère que la concentration infranationale des IDE et les motivations des investisseurs ne peuvent s’expliquer uniquement par des facteurs tels que la taille du marché local. La concentration régionale d’IDE « greenfield » est toutefois en baisse, avec plus de 70 % des projets depuis 2018 attribués à d’autres régions que celles de CS et TTA.
Les stratégies d’investissement et les réformes entreprises depuis le début de la régionalisation avancée montrent que la mobilisation de l’investissement privé en faveur du développement régional est devenue une priorité nationale. Cette approche intégrée vise à faire avancer des objectifs stratégiques correspondant au NMD du Maroc, notamment en tirant parti des caractéristiques territoriales distinctes et des facteurs d’attractivité. Les priorités stratégiques visant à encourager l’investissement sont de plus en plus définies par diverses entités gouvernementales aux niveaux national et infranational, comme c’est également le cas dans les pays de l’OCDE. La nouvelle Charte de l’investissement considère la réduction des disparités territoriales comme une priorité absolue (un facteur moins souvent mentionné dans les lois d’investissement d’autres pays), fournit des mesures d’incitation plus élevées, basées sur les dépenses, aux régions moins développées et établit, avec d’autres lois, un cadre reliant l’investissement au développement territorial.
Les politiques d’investissement sont définies par l’État, conformément à la nouvelle Charte de l’investissement, et mises en œuvre au niveau territorial par les CRI et les Commissions Régionales Unifiées de l’Investissement (CRUI). Elles englobent un éventail de politiques visant à façonner l’attractivité territoriale, y compris des mesures d’incitation, des liens commerciaux et des zones économiques spéciales. Concernant les IDE, l’accent est traditionnellement mis sur l’attraction de nouvelles activités. Toutefois, pouvoir compter sur les CRI pour soutenir l’expansion des projets étrangers existants, en particulier dans les régions moins développées, peut être efficace et avoir de grandes retombées sur l’emploi local. Une réorientation de la politique d’investissement est en cours afin qu’elle ne repose plus sur des incitations fiscales, mais sur l’amélioration de l’environnement des affaires au niveau local. Chaque région est confrontée à des défis particuliers, que ce soit entre les zones urbaines et rurales du Maroc ou les régions côtières et de l’arrière-pays, allant des infrastructures de connectivité dans l’Oriental à la disponibilité de travailleurs suffisamment qualifiés dans la région TTA.
La révision de la Charte de l’investissement a été un signal fort en faveur d’une gouvernance unifiée, renforcée et déconcentrée de la politique d’investissement, à la suite d’autres lois importantes, telles que la loi organique n° 111-14 relative aux régions, la Charte Nationale de la déconcentration administrative et les réformes redéfinissant le mandat et la gouvernance des CRI et la création des CRUI. Bien que cela ait permis d’améliorer le cadre institutionnel à plusieurs niveaux en matière d’investissement, des difficultés persistent, requérant une approche plus globale de l’élaboration des politiques d’investissement et de la mise en œuvre des lois et règlements existants, y compris la Charte de l’investissement, et d’allouer des ressources humaines et financières correspondant aux mandats réformés des Conseils Régionaux et des CRI sur l’attractivité des investissements et l’amélioration du climat des affaires locales. Depuis 2023, les CRI sont rattachés au Chef du Gouvernement, qui a délégué certaines de ses prérogatives au MICEPP. Néanmoins, la délimitation des mandats n’est pas toujours claire et les complémentarités entre l’AMDIE et les CRI sont moins importantes que celles au sein des pays de l’OCDE. Un projet de loi en cours vise à repenser le positionnement des CRI afin d’en faire une référence pour l’investissement, devrait renforcer le rôle stratégique des CRI en tant que facilitateurs et catalyseurs de l'investissement au niveau territorial.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionContinuer d’améliorer la cohérence des stratégies nationales et infranationales en matière d’investissement, de développement territorial et de plans sectoriels. Une plus grande cohérence des stratégies dans ces domaines permet de promouvoir des territoires compétitifs et prospères en mettant les objectifs nationaux en adéquation avec les objectifs de développement local. La participation d’entités infranationales telles que les CRI à la formulation de ces stratégies nationales contribuera à mettre en évidence les priorités et les capacités infranationales. Les organismes infranationaux devraient intégrer davantage les priorités nationales d’attractivité des IDE dans les Programmes de Développement Régional (PDR) et les stratégies de promotion de l’investissement des CRI lorsqu’elles existent.
Poursuivre les efforts visant à intégrer un pilier « territorial » dans la stratégie nationale de l’investissement privé afin de renforcer la cohérence, la clarté des mandats et les mécanismes de coordination existants. Le pilier doit considérer la promotion de l’investissement au niveau infranational comme une responsabilité mutuelle du MICEPP, de l’AMDIE, des CRI, des Conseils Régionaux et d’autres acteurs pertinents, y compris des représentants du secteur privé. Le pilier fixe des objectifs d’investissement en fonction des priorités et des atouts territoriaux, identifie les efforts de promotion de l’investissement et clarifie les mandats des entités nationales et infranationales et les mécanismes de coordination connexes pour assurer la complémentarité des actions de l’AMDIE et des CRI. Ce pilier doit être en adéquation avec les PDR.
Veiller à ce que les ressources humaines et financières allouées aux CRI et Conseils Régionaux correspondent à leurs mandats en matière d’investissement. La réussite de la régionalisation avancée au Maroc nécessite un niveau plus élevé d’autonomie financière (ou de ressources financières de la part du gouvernement central) pour les organismes infranationaux impliqués dans la politique d’investissement et qui corresponde à leurs responsabilités, en particulier les mandats révisés des CRI de 2019. Les institutions infranationales possèdent une compréhension plus approfondie des forces et des défis locaux, faisant des CRI des contributeurs précieux, tels des « plombiers institutionnels », pour soutenir les investisseurs et résoudre les problèmes inhérents à leurs opérations.
Développer des politiques visant à améliorer le climat des affaires et attirer les IDE qui prennent en compte la dimension territoriale. Cela comprend notamment la mise en place de meilleures infrastructures de connectivité dans les régions de l’arrière-pays et l’anticipation des besoins en compétences dans les régions en évolution rapide et orientées vers l’exportation telles que celle de TTA. Donner la priorité à l’expansion des projets d’IDE existants peut s’avérer être une approche rentable et efficace pour le développement local. Le pôle Impulsion économique et offre territoriale du CRI, en coopération avec le pôle Maison de l’investisseur, pourrait se concentrer davantage sur la promotion de l’expansion des projets existants vers des activités à plus forte valeur ajoutée telles que la R&D dans les régions avancées et l’expansion créatrice d’emplois dans les régions à fort taux de chômage.
Améliorer la collecte, la disponibilité et la diffusion de données sur les investissements privés étrangers et nationaux au niveau infranational, y compris sur l’impact de l’investissement sur le développement durable. Cela implique une coordination étroite entre les différents ministères et organismes, y compris le HCP, l’Office des Changes, le MICEPP, l’AMDIE et les CRI.
1.4.6. Politiques de promotion de la conduite responsable des entreprises
La Conduite Responsable des Entreprises (CRE) est un atout considérable pour attirer de nouveaux investissements de qualité ainsi que pour les préserver au sein du territoire. Elle permet également aux entreprises de participer de manière plus large à la chaine de valeur, peu importe leur taille, la forme ou le secteur d’activité de l’entreprise. Les normes en matière de CRE impliquent que toute entreprise applique son devoir de diligence pour atténuer les impacts négatifs, potentiels ou réels, de toutes leurs activités, produits et services, tout en contribuant au développement durable dans les pays où elles opèrent.
Depuis son adhésion à la Déclaration de l’OCDE sur l’investissement international et les entreprises multinationales (Déclaration) en novembre 2009, le Maroc n’a cessé d’œuvrer afin de mettre en place un cadre propice au développement de pratiques relevant de la CRE. Les cadre juridiques, politiques et institutionnels du Maroc démontrent l’engagement ferme du Maroc à promouvoir l’utilisation des instruments de l’OCDE et à faciliter l’intégration des entreprises marocaines dans les chaines d’approvisionnement mondiales. Dans un contexte où les politiques CRE deviennent de plus en plus importantes, la capacité du Maroc à se conformer aux normes internationales sera un facteur déterminant pour sa réputation sur le marché mondial. Les stratégies nationales mises en place dans les domaines couverts par la Déclaration, notamment en matière de protection de l’environnement, des droits humains, du droit du travail ou encore en matière de lutte contre la corruption, en sont une preuve supplémentaire.
La sensibilisation aux principes et normes relevantf de la CRE est elle aussi grandissante, grâce à de nouvelles initiatives du gouvernement, de la société civile et des associations d'entreprises, notamment au profit des petites et moyennes entreprises ou dans les secteurs identifiés comme étant haut risque, telles que, qui représente un secteur important pour le Maroc.
Le gouvernement est par ailleurs de plus en plus attentif au rôle de modèle qu’il peut jouer en tant qu’acteur économique à part entière et prend conscience de l’opportunité que peuvent constituer les marchés et les entreprises publics pour poursuivre des objectifs politiques plus larges tel que la promotion de la CRE.
À cet égard, le Maroc a mis en place à partir de 2010 un point de contact national (PCN), dont l’activité et l’effectivité font figure d’exception dans la région. Depuis le 19 janvier 2023, le PCN marocain a une nouvelle organisation tripartite, qui inclue désormais des représentants de la Confédération Générales des Entreprises au Maroc et des syndicats les plus représentatifs du pays. Son organisation lui permet de traiter d’un large éventail de questions couvertes par les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (les Principes directeurs), notamment en impliquant les différents membres dans les activités de promotion des Principes directeurs du PCN ainsi que dans le cadre du traitement des circonstances spécifiques selon les dispositions de son règlement intérieur. Le PCN a fait également de gros efforts de promotion et multiplie les activités d’information et de promotion. Le PCN marocain contribue également à la résolution des problèmes qui surviennent dans la mise en œuvre des Principes directeurs dans des circonstances spécifiques, comme le démontrent les multiples saisines enregistrées à ce jour.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionVeiller à ce que les lois et politiques adoptées en matière d’environnement et de développement durable soient mises en œuvre et respectées. Les retombées positives de l’adoption de la Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable suivie de la Stratégie nationale de développement durable peuvent être accrue davantage en assurant l’application effective de ces dernières par l’adoption de réglementations complémentaires et de mesures d’application nécessaires, notamment pour clarifier les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations prévues par la Charte Nationale de l’Environnement et du Développement Durable.
Renforcer les garanties en matière de droits humains et accélérer la mise en œuvre des lois et politiques existantes en la matière. Malgré un cadre juridique relativement propice à la protection des droits humains, il convient de renforcer les mesures visant à relever les défis auxquels fait face la population marocaine en la matière, notamment par l’accélération de la mise en œuvre de l’égalité homme-femmes dans tous les domaines. Le plan d’action national pour la démocratie et les droits de l’homme 2018-2021 ne semble pas avoir été renouvelé post 2021 et le Maroc pourrait envisager de concevoir un nouveau plan d’action en la matière.
Renforcer les protections accordées en matière de droit de travail. Ceci est notamment le cas en matière de droit de réunion et de grève, qui sont en pratique parfois restreintes sur le fondement de l’article 288 du Code pénal marocain.
Poursuivre les réformes prometteuses en cours pour lutter contre la corruption dans le secteur public et privé. La corruption reste une problématique préoccupante malgré les réformes entreprises par ce dernier. Il est donc recommandé de poursuivre la restructuration de la stratégie nationale pour la lutte contre la corruption. Il convient également d’aider les entreprises à lutter contre la corruption, notamment en élaborant et en mettant en œuvre des mesures préventives.
Élaborer un plan d’action national (PAN) sur la CRE, conformément aux meilleures pratiques internationales. Le processus d’élaboration d’un PAN serait l’occasion d’obtenir le soutien de plusieurs parties prenantes dans des domaines clés pour la trajectoire de développement du Maroc, tel que le secteur du textile. Un processus de PAN consultatif et inclusif est également l’occasion de renforcer la connaissance sur les liens entre les différents domaines politiques qui touchent à la CRE dans le pays et de contribuer au renforcement des capacités de l’industrie locale à participer aux chaines d’approvisionnement mondiales.
Continuer à communiquer clairement les attentes en matière de CRE, en collaboration avec le secteur privé et à faciliter l'engagement significatif des parties prenantes dans la conception et la mise en œuvre des politiques et processus. Il convient notamment de poursuivre les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités des employeurs et des travailleurs, en particulier dans petites et moyennes entreprises et les secteurs identifiés comme à haut risque, notamment dans le secteur du textile. La mise en œuvre des instruments internationaux en matière de CRE, dont le Guide OCDE sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure, peuvent jouer un rôle important dans l’atteinte d’un tel objectif.
Continuer à encourager et promouvoir la CRE dans ses relations en tant qu’acteur économique à part entière. Le gouvernement pourrait s'appuyer sur les orientations de l'OCDE en matière de diligence raisonnable pour mettre en pratique la CRE lors de la passation des marchés publics ou dans les établissements et entreprises publiques. Le gouvernement devrait continuer de prendre des mesures pour établir des attentes et des exigences claires pour les établissements et entreprises publiques en ce qui concerne la performance et la diligence raisonnable en matière de CRE.
Mettre en œuvre les recommandations formulées dans le Rapport sur la revue par les pairs du point de contact national Maroc et mettre à jour les procédures de traitement des affaires par le PCN Marocain. Le Maroc doit poursuivre la mise en œuvre des recommandations formulées lors de la revue par les pairs du PCN marocain, qui restent d’actualité, notamment eu égard aux ressources humaines et financières allouées à ce dernier. La procédure de traitement des affaires doit par ailleurs être mise à jour afin de se conformer à L’édition 2023 des Principes directeurs. Il convient également d’octroyer au PCN les moyens nécessaires pour soutenir les efforts du gouvernement en matière de promotion de la CRE.
1.4.7. L’investissement au service de la transformation numérique
La transformation numérique n’est plus une affaire de choix stratégique ; la technologie, les infrastructures, les services et les données numériques sont aujourd'hui indispensables à l'économie mondiale, et affectent profondément la manière dont les individus, les entreprises et les pouvoirs publics opèrent et interagissent. La transformation numérique de l'économie et de la société crée de nouvelles opportunités de croissance économique et de bien-être, à commencer par des gains en matière d’innovation, de productivité et d’inclusion économique et sociale. Elle s'accompagne aussi d'importants défis en modifiant, parfois en profondeur, nos méthodes de travail et nos modes de vie. La pandémie de COVID-19 a accéléré ces changements : les emplois, les services publics et les interactions sociales sont aujourd’hui plus que jamais dépendants des technologies numériques. La pandémie a mis en exergue les avantages procurés par les outils numériques, mais aussi les lacunes importantes – sur le plan de l'accès au numérique et des politiques publiques – qui persistent pour soutenir les changements numériques et exploiter les gains positives de la transformation numérique (OCDE, 2020[46]).
La transformation numérique est alimentée, dans une large mesure, par l’investissement – dans de nouvelles entreprises, de nouveaux services, de nouveaux processus et de nouvelles compétences, ainsi que dans les infrastructures qui sous-tendent les technologies numériques. Au-delà des financements, l’investissement privé, et l’IDE en particulier, peut faire progresser la numérisation à la fois par l’activité directe des entreprises, et indirectement dans leurs interactions avec l'économie d'accueil. Les entreprises étrangères ont tendance à être plus productives et plus avancées sur le plan numérique que leurs homologues nationales ; en apportant de nouvelles technologies, pratiques et compétences, elles peuvent rehausser la productivité et la numérisation d'un secteur. Comparativement aux entreprises nationales, les entreprises étrangères présentes au Maroc sont plus productives, mener plus des activités de R&D, et utilisent en moyenne davantage de technologies étrangères. De par leurs interactions avec les entreprises nationales, notamment dans les interactions avec des fournisseurs nationaux, les entreprises étrangères peuvent en outre faciliter les transferts de technologie et de compétences numériques vers d'autres segments de l’économie (OCDE, 2021[47]). Comme pour les autres avantages potentiels de l’IDE, des politiques et des stratégies ciblées sont nécessaires pour encourager ces retombées positives.
Attirer des investissements dans l'économie numérique peut contribuer à de nombreux objectifs de développement du Maroc, notamment la création d'emplois et d’emplois de meilleure qualité, le développement de l'entrepreneuriat, de la compétitivité et des opportunités économiques dans les régions, et l'amélioration des services publics. À cet égard, le Maroc a mis en œuvre plusieurs réformes importantes, mais il est important qu’il continue sur cette voie afin de soutenir la transformation numérique globale du Royaume. De plus, le gouvernement pourrait envisager des nouvelles initiatives, en complément des réformes déjà entreprises, pour améliorer le climat de l'investissement dans les secteurs à forte intensité numérique et encourager les investisseurs à contribuer positivement au développement numérique.
Une large gamme de politiques influencent l'investissement dans l'économie numérique. Celles-ci comprennent des facteurs qui affectent le développement numérique global d'un pays, y compris l'accès, l'utilisation et la confiance dans les technologies et les données numériques. La couverture et l'efficacité des infrastructures numériques, les compétences numériques des salariés et des consommateurs, ainsi que les politiques relatives à la protection des données, à la cybersécurité et à la protection des consommateurs en ligne sont également essentielles au développement du numérique. Tout aussi important est l'écosystème de l'innovation, qui inclut les possibilités offertes aux entrepreneurs et l'état de la recherche et du développement au niveau national, ainsi que le fait que les politiques du marché du travail soient adaptées aux nouvelles méthodes de travail (OCDE, 2020[48]). Ces facteurs, combinés aux éléments qui influent sur le climat général de l’investissement (notamment la politique dans le domaine des échanges, de la fiscalité et de la concurrence), constituent ensemble une économie numérique susceptible d'attirer les investisseurs. Les pouvoirs publics peuvent également adopter des politiques spécifiques visant à améliorer le climat de l'investissement pour les startups de haute technologie et encourager les retombées positives de cet investissement. Le Maroc a engagé de nombreuses réformes importantes pour soutenir la transformation numérique du pays et attirer les investissements dans l'économie numérique. Il s'agit entre autres de développer les infrastructures, d'adapter le cadre juridique et réglementaire, de promouvoir les investissements dans l'industrie manufacturière de haute technologie et les services TIC (offshore), et de dématérialiser les services publics et renforcer les compétences digitales du citoyen marocain.
Ce faisant, l’enjeu est désormais de mettre pleinement en œuvre ces politiques et d’en assurer l’adoption par les entreprises et la société dans son ensemble. La priorité est d’accompagner les investisseurs et les consommateurs et les sensibiliser aux nouvelles politiques et technologies. Malgré la rapidité de ces évolutions et de ces initiatives, d'autres réformes sont à envisager pour lever les dernières contraintes à la croissance de l'économie numérique. Il s’agit notamment d’améliorer l'accès aux infrastructures numériques et leur qualité sur l'ensemble du territoire, de continuer d’adapter le cadre réglementaire et de soutenir l’entrepreneuriat dans les secteurs à forte intensité numérique. Les réformes pourraient également renforcer davantage l’appui aux startups innovantes et des services numériques essentiels (comme le cybercommerce), en plus des initiatives explorées dans le chapitre en question, et encourageant une adoption plus large du numérique par les entreprises et les consommateurs. Enfin, la réalisation des ambitions numériques affichées par le gouvernement nécessitera l’octroi de ressources suffisantes allouées à cet effet, qui soient étayées par une stratégie au plus haut niveau de l'État, et une pleine capacité institutionnelle de mettre en œuvre les réformes. Il est positif que le gouvernement soit en train de développer une telle stratégie, avec un nouveau budget à cet effet.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionContinuer d’adapter le cadre juridique et réglementaire pour mieux servir les investisseurs dans les secteurs à forte intensité numérique, stimuler l’entrepreneuriat et améliorer l'accès aux capitaux. L’amélioration du climat de l’investissement pour les startups de haute technologie peut soutenir une transformation numérique plus large de l'économie, car les startups, généralement pionnières dans le numérique, peuvent promouvoir une culture de l’entrepreneuriat et de l'innovation. Le Maroc pourrait aussi examiner les freins au développement des services numériques tels que le commerce électronique, qui peuvent servir de catalyseurs de la transformation numérique d'autres secteurs. Soutenir leur essor nécessite d’avancer l'inclusion financière.
Considérer des exceptions à la réglementation des changes pour améliorer l'accès national aux services TIC étrangers, y compris les services de cloud et de marketing. Sans pour autant modifier la politique monétaire, le gouvernement pourrait réfléchir à des exceptions spécifiques pour des entreprises nationales afin d’acheter plus de services TIC innovants à l'étranger. L’Office des Changes a pris certaines mesures innovantes dans ce sens et pourrait envisager d’en élargir le champ.
Veiller à ce que les institutions soient dotées d'un mandat et de financements adéquats pour pouvoir atteindre leurs objectifs. Le Maroc est notamment en train d’élaborer une stratégie nationale de haut niveau pour le développement numérique. Les stratégies nationales sont des outils clés pour la coordination des politiques, et une approche à l'échelle de l’ensemble de l'administration est particulièrement pertinente pour avancer la transformation numérique. Cette stratégie pourrait être mieux intégrée dans la stratégie de promotion de l’investissement du Maroc, afin que les investisseurs aient connaissance des opportunités d’investissement dans l’économie numérique et d’encourager la mise à niveau numérique ou l'amélioration des compétences.
Concrétiser les initiatives récentes en faveur du développement de l'économie numérique, et accompagner les entreprises et les citoyens dans la nécessaire adaptation aux changements induits par cette transformation. Grâce à une récente vague de réformes, le Maroc dispose déjà d'un cadre juridique propre à soutenir le développement du numérique ; des réformes supplémentaires pourraient permettre d’adapter davantage la législation en vigueur aux spécificités des secteurs numériques. Des politiques complémentaires sont aujourd’hui en cours de conception afin d’accroître la confiance dans les outils numériques et leur usage, notamment les initiatives en faveur de l'administration électronique. Cela nécessite des ressources adéquates pour former les administrations et pourrait inclure de nouvelles mesures pour encourager les entreprises à adopter les technologies numériques et à développer leurs compétences numériques.
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[45] Royaume du Maroc (2021), Le nouveau modèle de développement : libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité pour tous, https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.
[44] UNCTAD (2023), Trends in the investment treaty regime and a reform toolbox for energy transition, https://unctad.org/system/files/official-document/diaepcbinf2023d4_en.pdf.
[29] WID (2023), World Inequality Database.
← 1. Les entreprises étrangères sont définies par l’OCDE comme les entreprises résidentes d’une économie et dans laquelle un investisseur résident d’une autre économie détient, directement ou indirectement, 10 % ou plus de sa participation et/ou ses droits de vote. La comparaison avec les entreprises locales, qui suit la méthodologie de l’initiative de l’OCDE sur les qualités de l’IDE, est conduite afin de mettre en avant les domaines où les entreprises étrangères peuvent apporter une plus grande contribution au développement durable marocain.