Ce chapitre porte sur la contribution des politiques d’investissement nationales et infranationales au Maroc en faveur de l’attractivité territoriale et du développement, un domaine prioritaire du Nouveau Modèle de Développement du Maroc. Le chapitre fait le point sur le processus de régionalisation avancée et son impact sur l’amélioration du climat des affaires au niveau infranational, en se concentrant sur Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et la région de l’Oriental. Ces régions diffèrent dans leurs niveaux de développement et d’attractivité aux IDE. L’Oriental est une région moyenne qui présente un grand potentiel de développement alors que Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma sont déjà des pôles d’attractivité importants, mais qui diffèrent dans le profil des investisseurs qui s’y implantent. Le chapitre analyse de quelle manière les réformes récentes ont modifié les mandats des organismes nationaux et infranationaux (et les mécanismes de coordination connexes) en matière d’élaboration de stratégies et de réglementation, de promotion et de facilitation des investissements. Le chapitre fournit des orientations de politiques publiques pour promouvoir la contribution des IDE en faveur de l’attractivité territorial.
Examen de l’OCDE des politiques de l’investissement : Maroc 2024
6. L’investissement en faveur du développement territorial
Copier le lien de 6. L’investissement en faveur du développement territorialAbstract
6.1. Introduction et orientations générales
Copier le lien de 6.1. Introduction et orientations généralesLes progrès du Maroc vers une régionalisation avancée, débutée il y a plus d’une décennie, ont été marqués par des réformes majeures visant à stimuler la productivité et l’investissement privé en soutien au développement territorial. Si l’impact sous-jacent de ces réformes, à commencer par la Charte de l’investissement de 2022, continue de se concrétiser, elles ont déjà permis une meilleure cohérence des politiques, des stratégies nationales plus intégrées en matière d’investissement et de développement territorial, et un cadre de gouvernance national et infranational plus inclusif en matière d’investissement. La poursuite de la mise en œuvre de la Charte de l’investissement et des réformes de régionalisation avancée devrait permettre d’améliorer le climat des affaires locales et, par la suite, de renforcer l’attractivité territoriale pour les investissements étrangers et nationaux et de mieux tirer profit de ces investissements pour le développement durable.
La répartition territoriale des investissements directs étrangers (IDE) au Maroc reflète les fortes disparités sociales et économiques existantes entre les territoires. Bien qu’essentiels pour réduire les déficits de financement et soutenir le développement durable, les IDE sont inégalement répartis et se concentrent dans les zones côtières et métropolitaines. Si le Maroc ne fait pas exception (en effet, les investissements sont inégalement répartis dans la plupart des pays de l’OCDE), des disparités territoriales fortes et persistantes dans les IDE peuvent entraver une croissance économique régionale équilibrée. Les disparités régionales des IDE sont supérieures à celles observées en matière de PIB dans les régions de Casablanca-Settat (CS), Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (TTA) et de l’Oriental. Cela suggère que la concentration infranationale des IDE et les motivations des investisseurs ne peuvent s’expliquer uniquement par des facteurs tels que la taille du marché local. La concentration régionale d’IDE « greenfield » est toutefois en baisse, avec plus de 70 % des projets depuis 2018 attribués à d’autres régions que celles de Casablanca-Settat et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma.
Les stratégies d’investissement et les réformes entreprises depuis le début de la régionalisation avancée montrent que la mobilisation de l’investissement privé en faveur du développement régional est devenue une priorité nationale. Cette approche intégrée vise à faire avancer des objectifs stratégiques correspondant au Nouveau modèle de développement (NMD) du Maroc, notamment en tirant parti des caractéristiques territoriales distinctes et des facteurs d’attractivité. Les priorités stratégiques visant à encourager l’investissement sont de plus en plus définies par diverses entités gouvernementales aux niveaux national et infranational, comme c’est également le cas dans les pays de l’OCDE. La nouvelle Charte de l’investissement considère la réduction des disparités territoriales comme une priorité absolue (un facteur moins souvent mentionné dans les lois d’investissement d’autres pays), fournit des mesures d’incitation plus élevées, basées sur les dépenses, aux régions moins développées et établit, avec d’autres lois, un cadre reliant l’investissement au développement territorial.
Les politiques d’investissement sont définies par l’État, conformément à la nouvelle Charte de l’investissement, et mises en œuvre au niveau territorial par les Centres Régionaux d’Investissement (CRI) et les Commissions Régionales Unifiées de l’Investissement (CRUI). Elles englobent un éventail de politiques visant à façonner l’attractivité territoriale, y compris des mesures d’incitation, des liens commerciaux et des zones économiques spéciales. Concernant les IDE, l’accent est traditionnellement mis sur l’attraction de nouvelles activités. Toutefois, pouvoir compter sur les CRI pour soutenir l’expansion des projets étrangers existants, en particulier dans les régions moins développées, peut être efficace et avoir de grandes retombées sur l’emploi local. Une réorientation de la politique d’investissement est en cours afin qu’elle ne repose plus sur des incitations fiscales, mais sur l’amélioration de l’environnement des affaires au niveau local. Chaque région est confrontée à des défis particuliers, que ce soit entre les zones urbaines et rurales du Maroc ou les régions côtières et de l’arrière-pays, allant des infrastructures de connectivité dans l’Oriental à la disponibilité de travailleurs suffisamment qualifiés dans la région TTA.
La révision de la Charte de l’investissement a été un signal fort en faveur d’une gouvernance unifiée, renforcée et déconcentrée de la politique d’investissement, à la suite d’autres lois importantes, telles que la loi organique relative aux régions, la Charte Nationale de la Déconcentration Administrative et les réformes redéfinissant le mandat et la gouvernance des CRI et la création des CRUI. Bien que cela ait permis d’améliorer le cadre institutionnel à plusieurs niveaux en matière d’investissement, des difficultés persistent, requérant une approche plus globale de l’élaboration des politiques d’investissement et de la mise en œuvre des lois et règlements existants, y compris la Charte de l’investissement, et d’allouer des ressources humaines et financières correspondant aux mandats réformés des Conseils Régionaux et des CRI sur l’attractivité des investissements et l’amélioration du climat des affaires locales. Depuis 2023, les CRI sont rattachés au Chef du Gouvernement, qui a délégué certaines de ses prérogatives au ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques Publiques (MICEPP) créé récemment. Néanmoins, la délimitation des mandats n’est pas toujours claire et les complémentarités entre l’Agence Marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE) et les CRI sont moins importantes que celles au sein des pays de l’OCDE. Un projet de loi en cours vise à repenser le positionnement des CRI afin d’en faire une référence pour l’investissement, devrait renforcer le rôle stratégique des CRI en tant que facilitateurs et catalyseurs de l'investissement au niveau territorial.
Recommandations d’action
Copier le lien de Recommandations d’actionContinuer d’améliorer la cohérence des stratégies nationales et infranationales en matière d’investissement, de développement territorial et de plans sectoriels. Une plus grande cohérence des stratégies dans ces domaines permet de promouvoir des territoires compétitifs et prospères en mettant les objectifs nationaux en adéquation avec les objectifs de développement local. La participation d’entités infranationales telles que les CRI à la formulation de ces stratégies nationales contribuera à mettre en évidence les priorités et les capacités infranationales. Les organismes infranationaux devraient intégrer davantage les priorités nationales d’attractivité des IDE dans les Programmes de Développement Régional (PDR) et les stratégies de promotion de l’investissement des CRI lorsqu’elles existent.
Poursuivre les efforts visant à intégrer un pilier « territorial » dans la stratégie nationale de l’investissement afin de renforcer la cohérence, la clarté des mandats et les mécanismes de coordination existants. Le pilier doit considérer la promotion de l’investissement au niveau infranational comme une responsabilité mutuelle du MICEPP, de l’AMDIE, des CRI, des Conseils Régionaux et d’autres acteurs pertinents, y compris des représentants du secteur privé. Le pilier fixe des objectifs d’investissement en fonction des priorités et des atouts territoriaux, identifie les efforts de promotion de l’investissement et clarifie les mandats des entités nationales et infranationales et les mécanismes de coordination connexes pour assurer la complémentarité des actions de l’AMDIE et des CRI. Ce pilier doit être en adéquation avec les PDR.
Veiller à ce que les ressources humaines et financières allouées aux CRI et Conseils Régionaux correspondent à leurs mandats en matière d’investissement. La réussite de la régionalisation avancée au Maroc nécessite un niveau plus élevé d’autonomie financière (ou de ressources financières de la part du gouvernement central) pour les organismes infranationaux impliqués dans la politique d’investissement et qui corresponde à leurs responsabilités, en particulier les mandats révisés des CRI de 2019. Les institutions infranationales possèdent une compréhension plus approfondie des forces et des défis locaux, faisant des CRI des contributeurs précieux, tels des « plombiers institutionnels », pour soutenir les investisseurs et résoudre les problèmes inhérents à leurs opérations.
Développer des politiques visant à améliorer le climat des affaires et attirer les IDE qui prennent en compte la dimension territoriale. Cela comprend notamment la mise en place de meilleures infrastructures de connectivité dans les régions de l’arrière-pays et l’anticipation des besoins en compétences dans les régions en évolution rapide et orientées vers l’exportation telles que celle de TTA. Donner la priorité à l’expansion des projets d’IDE existants peut s’avérer être une approche rentable et efficace pour le développement local. Le pôle Impulsion économique et offre territoriale du CRI, en coopération avec le pôle Maison de l’investisseur, pourrait se concentrer davantage sur la promotion de l’expansion des projets existants vers des activités à plus forte valeur ajoutée telles que la R&D dans les régions avancées et l’expansion créatrice d’emplois dans les régions à fort taux de chômage.
Améliorer la collecte, la disponibilité et la diffusion de données sur les investissements privés étrangers et nationaux au niveau infranational, y compris sur l’impact de l’investissement sur le développement durable. Cela implique une coordination étroite entre les différents ministères et organismes, y compris le HCP, l’Office des Changes, le MICEPP, l’AMDIE et les CRI.
6.2. L’investissement dans le contexte de la régionalisation au Maroc
Copier le lien de 6.2. L’investissement dans le contexte de la régionalisation au Maroc6.2.1. Régionalisation avancée au Maroc : panorama
Les disparités de développement entre les régions sont fortes au Maroc. Ce défi se caractérise par des inégalités sociales et régionales prononcées, une faible productivité, une compétitivité réduite et une dépendance économique à l’égard des prix des hydrocarbures et du secteur agricole (Banque mondiale, 2019[1] ; IMF, 2023[2]). Les rapports régionaux 2015 du Haut-Commissariat au Plan (HCP) soulignent des inégalités régionales persistantes, avec des écarts de PIB entre les régions de plus en plus importants (Benkada et al., 2018[3]). Ces défis entravent les progrès dans des domaines tels que la croissance, la création d’emplois, la compétitivité territoriale et la préservation de l’environnement.
La régionalisation avancée au Maroc a débuté en 2015 avec pour objectif de remédier aux disparités territoriales et sociales et de renforcer la contribution des régions à la richesse nationale. Le Maroc n’est pas le seul État à se tourner vers la régionalisation ; la tendance mondiale est à la décentralisation et à la déconcentration des pouvoirs, encouragées par la quête de démocratie, d’une efficacité accrue et de la responsabilisation. Les tendances de fond telles que la transformation digitale et la mondialisation soulignent encore davantage le rôle essentiel joué par les gouvernements infranationaux. Les autorités marocaines ont mis en place une organisation territoriale prête à relever ces nouveaux défis de développement tout en répondant à l’évolution des demandes des citoyens (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[4]).
Des progrès considérables ont été accomplis en matière de décentralisation et de modernisation des structures étatiques. Par exemple, une gouvernance décentralisée accrue a renforcé le fonctionnement démocratique des conseils régionaux en instaurant un système de représentation proportionnelle (Benkada et al., 2018[3]). Les régions doivent développer leurs PDR, la feuille de route pour les politiques et les projets régionaux du conseil régional, qui reflètent les compétences confiées à la région (OCDE, 2018[5]). Ce cadre constitutionnel et juridique définit le rôle central des régions dans la structure de gouvernance du pays et dans la participation au développement des infrastructures publiques et à l’amélioration des services publics essentiels (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[4]).
Près d’une décennie après le lancement d’une régionalisation avancée, les progrès restent entravés par diverses contraintes. Les effets de la régionalisation avancée ne sont pas encore exhaustifs ; certaines mesures sont encore récentes et leurs retombées mettront du temps à se concrétiser, même si elles sont mises en œuvre avec succès. Pour parvenir à une régionalisation efficace, il est nécessaire de renforcer la cohérence des différentes stratégies (section 6.3). Les stratégies sectorielles, élaborées au niveau central, ne sont pas toujours appliquées efficacement au niveau infranational, ce qui entrave le développement de régions compétitives et prospères. Il est essentiel d’impliquer les entités infranationales dans l’élaboration des plans pour remédier à ces lacunes. Au niveau infranational, les versions initiales des PDR manquaient de coordination, de hiérarchisation et de budgétisation adéquate, ce qui a limité leur crédibilité et l’efficacité de leur mise en œuvre.
Il existe des possibilités de clarifier davantage la gouvernance territoriale, bien que des améliorations importantes aient été apportées et que d’autres sont en cours (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[4]). Des réformes visaient à clarifier la chaîne complexe et parfois floue des responsabilités entre le Wali (le gouverneur), les Présidents Régionaux et les représentants des services extérieurs. L’article 30 de la nouvelle Charte de l’investissement prévoit la création d’une Commission Régionale sous la présidence et la supervision du Wali. Cette commission vise à renforcer l’homogénéité, la convergence et la complémentarité des actions entre les services décentralisés et déconcentrés au niveau régional. Elle nomme un secrétaire général chargé des affaires régionales, qui supervise les missions attribuées et coordonne le travail de suivi nécessaire pour soutenir le Wali régional. La mise en œuvre des règlements et des lois en vigueur demeure indispensable pour clarifier les mandats et les responsabilités.
Encadré 6.1. Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial : recommandations principales
Copier le lien de Encadré 6.1. Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial : recommandations principalesRenforcer l’efficacité des réformes en améliorant le dialogue entre les parties prenantes à travers un mécanisme institutionnel de coordination de l’action publique pour partager l’information et les objectifs, afin de soutenir l’action concertée et son suivi.
Définir des politiques publiques à la bonne échelle. Le Maroc pourrait adopter les définitions et classifications de l’OCDE appliquées aux territoires ruraux et la méthode OCDE-Union européenne de mesure des zones urbaines fonctionnelles pour cibler les interventions prioritaires de politique publique en fonction des spécificités des territoires, clarifier l’allocation des compétences et des ressources sur la base de données objectives, et assurer la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques en impliquant toutes les parties prenantes.
Instaurer un dialogue territorial multi-niveaux, avec la participation de la société civile et du secteur privé, pour mieux prendre en compte l’émergence des métropoles et améliorer leur gouvernance. Les zones métropolitaines ne sont pas représentées institutionnellement dans les mécanismes de la réforme de régionalisation de 2015. Une plateforme de dialogue, basée sur des indicateurs métropolitains, permettrait de renforcer l’action publique à la bonne échelle et de s’appuyer sur la comparabilité internationale. Il est essentiel d’assurer une meilleure intégration des politiques à l’échelle métropolitaine et de clarifier leur articulation avec les responsabilités des régions.
Soutenir la mise en place de centres ruraux émergents pour fournir des services publics adaptés aux besoins et aux possibilités des zones rurales en mobilisant les autorités régionales et locales. La mise en œuvre de ce système contribuerait à réduire les déséquilibres entre les villes et les campagnes et à renforcer la compétitivité des zones rurales en s’appuyant sur les synergies entre les interventions publiques, notamment celles du Programme de réduction des disparités en milieu rural.
Renforcer la production et l’utilisation d’indicateurs territoriaux pour éclairer l’action publique territoriale grâce à la mise en place d’une Charte qui encadre les conditions de production et d’utilisation des indicateurs, visant à la transversalité de l’action. Cette Charte doit inclure un cadre méthodologique clair et flexible, inspiré des pratiques internationales, pour s’adapter aux spécificités territoriales. Utile aux acteurs publics, cette approche permettrait également aux acteurs du monde économique et de la société civile de disposer d’informations précieuses en matière de choix d’investissement ainsi que d’outils d’évaluation des politiques publiques.
Améliorer la gouvernance des investissements publics pour en renforcer l’efficacité. Les défis sont principalement liés à la planification, au dialogue à plusieurs niveaux et au suivi du rendement des investissements. Le Maroc a adhéré à la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’investissement public efficace entre niveaux de gouvernement pour se rapprocher des normes de l’OCDE dans ce domaine. Il s’agit maintenant d’assurer sa mise en œuvre.
Mieux coordonner l’action publique en clarifiant les compétences et les ressources de chacun ainsi que les interactions nécessaires. La réforme de la régionalisation représente une occasion de mieux définir l’action des différents niveaux de gouvernement et de mettre en place les instruments de coordination nécessaires entre le niveau central et les autorités locales. En basant l’action publique sur les possibilités et les enjeux locaux, cette réforme pourrait contribuer à remédier aux inégalités sociales en soutenant un développement économique plus équitable.
Source : OCDE (2018), « Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial : Enjeux et Recommandations pour une action publique coordonnée », Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264302884-fr.
Malgré des progrès encourageants, les pouvoirs étendus accordés aux conseils régionaux ne sont souvent pas accompagnés de ressources suffisantes (García et Collado, 2015[6] ; Bird & Bird, 2017[7] ; Oxford Business Group, 2020[8] ; Benkada et al., 2018[3]). L’insuffisance des ressources financières et humaines entrave la capacité d’exécution des régions. Les autorités locales manquent d’indépendance financière et dépendent fortement de l’aide de l’État. La répartition de la masse salariale de l’administration publique reflète cette situation. En 2018, la masse salariale attribuée au secteur de l’administration publique s’élevait à 90 % pour l’administration centrale et 10 % pour les pouvoirs locaux. Les mandats non financés des acteurs infranationaux constituent un obstacle aux retombées économiques positives de la régionalisation avancée, ce qui souligne la nécessité d’aligner le financement sur la fonction. De manière générale, les mandats non financés ont un effet négatif sur la croissance économique régionale. Pour que les avantages de la décentralisation se concrétisent, il est préférable de ne pas poursuivre la décentralisation tant que le financement ne correspond pas pleinement à la fonction (Rodriguez-Pose et Vidal-Bover, 2022[9]).
Pour tirer parti des effets positifs de la déconcentration, il convient d’adopter une approche proactive pour relever ces défis. L’atténuation des inégalités régionales est un facteur essentiel pour que les régions s’engagent activement dans la mondialisation et affrontent les impacts des crises. Cela permettra également de développer certains secteurs qui pourraient être de nouveaux moteurs de croissance de ces régions. La réalisation de cet objectif nécessite la mise en œuvre de politiques structurelles durables (Benkada et al., 2018[3]). Des efforts coordonnés, une autonomie financière accrue et des structures de gouvernance améliorées ouvriront la voie à une régionalisation avancée réussie au Maroc.
6.2.2. La régionalisation avancée a conduit à d’importantes réformes visant à améliorer le climat des affaires
Dans un contexte de régionalisation avancée, et pour construire un environnement économique dynamique et plus favorable, le Maroc a mis en œuvre plusieurs stratégies et réformes afin d’améliorer le climat des affaires. Parmi les exemples de domaines de réforme la restructuration des CRI (les API infranationales au Maroc) pour faciliter les procédures d’investissement, la création des CRUI pour accroître l’efficacité de l’approbation des projets d’investissement, le renforcement de la déconcentration administrative, et un meilleur partage avec les régions des mandats liés au développement économique, y compris la promotion de l’investissement (CSMD, 2021[10]). La Charte Nationale de Déconcentration Administrative de 2018 place la région au premier rang de la mise en œuvre de la politique de déconcentration administrative. Elle établit des principes et des règles clairs qui régissent les services décentralisés de l’État, favorisant la collaboration avec les autorités locales et les établissements publics.
Les réformes de régionalisation ont eu, et continueront d’avoir au fur et à mesure de leur mise en œuvre, un impact considérable sur l’amélioration du climat des affaires au Maroc (voir également le Chapitre 3). Le gouvernement, en coordination avec les CRI, a harmonisé 22 processus administratifs et réduit de 45 % les documents requis afin de simplifier les procédures pour les investisseurs (Ministry of Youth, 2023[11]). Certains défis persistent néanmoins et diffèrent selon les secteurs et les régions, soulignant la nécessité d’une approche locale des réformes du climat des affaires, ou de prendre davantage en compte le climat des affaires dans les réformes de régionalisation (Oxford Business Group, 2020[8]).
En 2019, le secteur privé a identifié la corruption, la fiscalité et le secteur informel comme principaux obstacles au climat des affaires au niveau national. Bien que les régions CS et TTA soient les deux moteurs de la croissance, les défis auxquels elles font face diffèrent fortement (Graphique 6.1). Malgré le processus de régionalisation, certaines politiques sont nationales par essence et peuvent ne pas affecter toutes les régions de la même manière. Les différences de niveaux de développement et de spécificités territoriales de l’écosystème local, y compris la taille, le statut des exportations et les secteurs d’activité des entreprises, contribuent aux variations des contraintes liées au climat des affaires d’une région à l’autre.
Certains défis liés au climat des affaires sont uniques ou, au contraire, n’affectent pas certaines régions marocaines. La fiscalité est rarement un sujet de préoccupation pour les entreprises situées dans la région TTA, peut-être en raison de la présence de zones franches telles que Tanger Med (Graphique 6.1). La pénurie de main-d’œuvre qualifiée constitue toutefois un facteur limitant pour un quart des entreprises, contre moins de 5 % au niveau national. Dans les provinces de Chefchaouen, Fahs-Anjra, Al Hoceïma ou Ouazzane situées dans la région TTA, plus des deux tiers de la population sont analphabètes, ce qui limite la création d’emploi offerte par les nouveaux investissements, bien que le taux d’alphabétisation soit en hausse (Ministère de l'Interieur, 2021[12]). Les transports, l’instabilité et, dans une moindre mesure, le foncier constituent également des contraintes importantes dans la région TTA. Ces contraintes spécifiques s’expliquent par l’évolution rapide de la dynamique dans la région, notamment l’émergence de nouveaux secteurs nécessitant des compétences spécifiques, l’importance accrue des exportations et l’exposition aux fluctuations du commerce mondial. En revanche, la fiscalité et la corruption sont les deux facteurs limitants les plus importants dans la région CS. Ce constat reste toutefois moins négatif que dans la région de l’Oriental, une région avec un grand potentiel de développement, où environ un tiers des entreprises sont confrontées à un manque d’efficacité dans l’administration fiscale (Encadré 6.2). Dans cette dernière, la réglementation du marché du travail représente une autre contrainte majeure. Le taux de chômage y est parmi les plus élevés du pays.
Les enjeux liés au climat des affaires ne sont pas nécessairement identiques pour les régions côtières et de l’arrière-pays du Maroc et peuvent également varier fortement au sein d’une même région, en particulier entre les zones urbaines et rurales. Les régions de l’arrière-pays accueillent davantage de petites et moyennes entreprises (PME) et sont confrontées à des défis plus importants en matière de fiscalité, d’accès au financement et de coûts de production élevés, en partie dus à une connectivité limitée des infrastructures. À titre d’exemple, le réseau routier du nord de la région TTA est de très bonne qualité, contrairement à celui des zones rurales du sud de cette même région (Ministère de l'Interieur, 2021[12]). Les défis liés au système fiscal devraient diminuer grâce à la mise en œuvre de la Loi de Finances 2020, qui comporte des mesures visant à assurer la sécurité fiscale et à rétablir la confiance des contribuables destinées à stimuler les investissements et à circonscrire le secteur informel, et aux réformes du régime fiscal des collectivités locales de 2021 (CSMD, 2021[10]). Cependant, le système fiscal des régions reste moins adapté à leurs spécificités (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[4]).
Encadré 6.2. L’Oriental : une région avec un grand potentiel de développement à travers les IDE
Copier le lien de Encadré 6.2. L’Oriental : une région avec un grand potentiel de développement à travers les IDEDésenclavement de la Région de l’Oriental et intégration dans le tissue économique national
Située dans le nord-est du pays, la région de l’Oriental au Maroc bénéficie d’une position géographique stratégique entre la Méditerranée au nord et les régions présahariennes au sud. Cet emplacement joue un rôle crucial dans son évolution en tant que carrefour reliant l'Europe, l’Afrique de l’Ouest et le bassin méditerranéen, offrant un potentiel significatif pour son développement économique (Ministère de l'Equipement, du Transport, de la Logistique et de l'Eau, 2019[14]). Cependant, pendant longtemps, le développement de la région a été entravé par plusieurs facteurs, notamment une frontière fermée avec l'Algérie depuis 1994 et des infrastructures de transport limitées. Au cours des dernières décennies, les autorités marocaines ont entrepris d'importants efforts concertés pour désenclaver la région, l'intégrer pleinement dans le tissu économique national et en faciliter l'accès (UNCTAD, 2011[15]).
Le développement de la région de l’Oriental a été animé par l'Initiative Royale pour le Développement de la région de l’Oriental, lancée en 2003. L'initiative, structurée autour de quatre axes, avait pour but de stimuler l'investissement et d'encourager la création de petites et moyennes entreprises. Elle visait également à doter la région des équipements de base essentiels et à privilégier les grands projets économiques (Royaume du Maroc, 2003[16]). En conséquence, d'importants investissements publics ont été mobilisés pour moderniser les infrastructures, dynamiser l'emploi, encourager les investissements privés et promouvoir un développement économique durable (Agence de l'Orientale, 2014[17]). Des efforts considérables ont été concentrés sur le développement d'infrastructures stratégiques telles que des ports (p.ex. : port maritime de Nador Béni Nsar), des aéroports (p. ex : aéroport d’Oujda-Angad) et des autoroutes (p.ex. : Autoroute Fès-Oujda), cruciales pour soutenir sa croissance économique continue. L’initiative a ainsi marqué une étape décisive dans l'amélioration du potentiel économique de la région et la création d'un environnement favorable à l'investissement (Haute-Commissariat au Plan, 2021[18]).
Création d'un environnement propice à l'attraction des IDE
La position stratégique de la région et l'amélioration de son infrastructure la placent favorablement pour attirer des IDE à forte valeur ajoutée. Des projets récents tels que AEOLON, spécialisé dans la fabrication de pales éoliennes nouvelle génération et appartenant à un groupe industriel chinois, APTIV, un équipementier automobile multinational, ainsi que Tessi, une entreprise européenne offrant des services innovants de traitement des affaires, illustrent la diversité et des investissements affluant vers la région de l'Oriental. Ces investissements contribuent non seulement à la diversification économique, mais aussi à la création d'emplois et au développement durable. Un exemple est le projet d'AEOLON, avec un investissement de 220 millions d'euros, permettant la création de 3 300 emplois dans la région (AEOLON, 2023[19]), renforçant ainsi le développement économique de la ville de Nador et de l'écosystème industriel énergétique national.
Aujourd'hui, la Région de l'Oriental se profile comme un exemple de progrès dans la stratégie de régionalisation du Maroc, illustrant l'impact transformateur du développement territorial sur l'attractivité des investissements. Néanmoins, la région fait encore face à plusieurs défis persistants, notamment une administration fiscale et une réglementation du marché du travail contraignantes. De plus, des déficits en matière d’éducation contribuent à la pauvreté multidimensionnelle, tandis que la pression démographique urbaine, les conditions climatiques peu favorables pour l’agriculture, la rareté des ressources en eau, et une compétitivité industrielle limitée posent également des obstacles significatifs au développement économique et social de la région (Haute-Commissariat au Plan, 2021[18]).
Une approche systématique et unifiée du suivi des améliorations du climat des affaires au niveau infranational aidera à mettre en évidence les avantages de la régionalisation et à identifier de nouvelles possibilités de réforme. Bien que certains mécanismes semblent être en place, les informations ne sont pas toujours disponibles de manière transparente ni régulièrement mise à jour. Différents modèles pourraient être développés et étendus à d’autres régions. L’Observatoire de l’Investissement de la Région de l’Oriental, lancé par le CRI en 2020, souligne le rôle croissant des CRI dans le développement régional et la facilitation des investissements. L’Observatoire fournit aux investisseurs des données et des visualisations détaillées sur les aspects démographiques, économiques, sociaux et sectoriels. Il est également doté d’un baromètre précisant le type de permis demandés, le délai de traitement et les permis délivrés par le CRUI (Graphique 6.2). L’analyse des données par nationalité des investisseurs peut mettre en évidence les tendances et les écarts en matière de délais et de secteurs. Préciser les catégories d’action permettra de mieux comprendre le champ d’application de l’Observatoire.
L’adoption généralisée et la normalisation de ces baromètres permettraient d’identifier les obstacles liés au climat des affaires propres à chaque territoire. Le MICEPP et ses partenaires infranationaux pourraient jouer un rôle proactif dans ce processus, permettant de monitorer la Politique Nationale d’Investissements. À cet égard, l’Observatoire de l’investissement, dont les travaux de mise en œuvre ont été lancés, sera doté d’un dispositif de collecte de données fiables, exhaustives et exploitables, permettant de reconstituer des indicateurs de suivi et d’évaluation de la Politique Nationale d’Investissements, en plus d’un dispositif de veille pour :
Accompagner la mise en œuvre de la politique d’investissement ;
Mesurer l’évolution de l’investissement et sa répartition ;
Améliorer la connaissance de l’écosystème de l’investissement ;
Produire de l’intelligence économique.
Les décideurs pourraient tirer parti de cet inventaire comme d’un outil fondé sur des données factuelles pour des actions locales visant à améliorer le climat des affaires, telles que l’harmonisation des processus d’enregistrement des activités et le suivi systématique des progrès. D’autres pays qui ont opté pour la déconcentration ont également développé des outils permettant d’évaluer les progrès réalisés en matière de climat des affaires au niveau infranational. Au Vietnam, l’Indice de compétitivité provinciale a permis d’évaluer l’impact de la décentralisation sur le climat des affaires. Cela a facilité l’apprentissage par les pairs dans toutes les régions et encouragé les réformes du climat des affaires au niveau local (Encadré 6.3).
Encadré 6.3. Suivi de l’amélioration du climat des affaires en Indonésie et au Vietnam
Copier le lien de Encadré 6.3. Suivi de l’amélioration du climat des affaires en Indonésie et au VietnamDepuis 1998, l’Indonésie a entrepris des réformes ambitieuses en matière de décentralisation qui ont façonné le développement régional et la géographie de l’investissement dans tout le pays. Les gouvernements régionaux ont le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre leurs propres réglementations en matière d’investissement. Chaque gouvernement régional dispose d’un guichet unique offrant des services intégrés. Depuis 2017, UKM Indonesia, un portail web développé par l’université UKM, suit toutes les réglementations d’autorisation au niveau infranational. Dans le cadre d’un projet pilote couvrant huit villes, l’initiative a rassemblé, analysé et publié les réglementations nationales et régionales afin que les utilisateurs puissent accéder à des informations pertinentes pour leur contexte commercial. Le projet détermine si le guichet unique au niveau régional ou une agence technique spécifique délivre les autorisations. Les résultats ont montré que le nombre d’autorisations est globalement similaire d’une ville à l’autre, mais que la capacité des guichets uniques en tant qu’autorités responsables de leur délivrance varie considérablement. Dans la plupart des villes, les guichets uniques délivrent jusqu’à deux tiers des licences. L’initiative UKM Indonesia permet de proposer un inventaire en ligne de toutes les réglementations existantes en matière de délivrance de permis au niveau infranational. Cependant, des données complètes, comparables et à jour sur la qualité du climat des affaires dans les régions indonésiennes font encore défaut. Les gouvernements central et régional pourraient s’associer à UKM Indonesia afin de propager l’inventaire sur les réglementations à d’autres villes, en particulier celles où les informations sur le climat des affaires sont moins disponibles.
Au Vietnam, la loi sur l’investissement stipule que les provinces du pays sont habilitées à délivrer des certificats d’investissement et d’enregistrement des entreprises. Les autorités provinciales ont également été habilitées à renforcer leur propre climat d’investissement. Des équipes ont été mises en place dans chaque province et de nombreuses provinces ont été en mesure d’apporter des changements importants aux règlements régissant les activités d’investissement. L’apprentissage par les pairs et l’analyse comparative dans l’ensemble des provinces ont contribué à stimuler les réformes du climat des affaires au niveau local. L’Indice de compétitivité provinciale, qui évalue et classe la qualité de la gouvernance économique des autorités provinciales, en est l’illustration. Cet indice est fondé sur des enquêtes annuelles sur l’environnement local des entreprises et sur des données issues de source officielle concernant les conditions locales. Les données de ces enquêtes auprès des entreprises peuvent être ventilées selon l’âge des entreprises, la forme juridique et le secteur d’activité. L’Indice de compétitivité provinciale est divisé en dix sous-indices : i) les frais initiaux pour la création d’une entreprise ; ii) l’accès au foncier et la sécurité des locaux professionnels ; iii) la transparence de l’environnement des entreprises et l’équité en matière d’informations commerciales ; iv) l’existence de redevances informelles ; v) le temps nécessaire aux procédures bureaucratiques et aux inspections ; vi) l’exclusion de l’activité privée à caractère politique à l’égard de l’État, de l’étranger ou d’entreprises apparentées ; vii) la proactivité et la créativité des dirigeants provinciaux dans la résolution des difficultés auxquels se heurtent les entreprises ; viii) l’existence et la qualité des services d’appui aux entreprises ; ix) l’existence et la qualité des politiques de formation ; et (x) l’équité et l’efficacité des procédures juridiques de règlement des différends.
Source : OCDE (2020[20]), « Examens de la politique d’investissement de l’OCDE : Indonésie 2020 », Examens de la politique d’investissement de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b56512da-en.
6.2.3. Les disparités en matière d’investissement et d’attractivité territoriale sont importantes mais tendent à diminuer
L’investissement étranger est essentiel pour soutenir le développement territorial et durable au Maroc, mais il est inégalement réparti. Bien que les déséquilibres territoriaux en matière d’IDE soient un problème prédominant dans presque tous les pays, l’ampleur de ces disparités et leurs causes peuvent varier, allant d’inégalités territoriales plus larges à des spécificités géographiques (OCDE, 2022[21]). Les IDE « greenfield » cumulés de 2014 à 2022, un indicateur pour mesurer les investissements directs étrangers, mettent en évidence des variations considérables entre les régions de CS, de TTA et de l’Oriental. La région CS a attiré 21 % des IDE, un chiffre 1.3 fois supérieur à celui de la région TTA (18 %) et 16 fois supérieur à celui de l’Oriental (1 %) (Graphique 6.3, panel A).
Les différences régionales sont plus faibles, bien qu’elles restent importantes lorsque l’on prend en compte les différences entre les populations. TTA obtient des résultats remarquables avec des IDE par habitant 1.6 fois plus élevés que dans la région CS (et 8.7 fois plus élevés que dans l’Oriental) (Graphique 6.3, panel B). Les disparités en matière d’IDE sont également très répandues à l’intérieur même des régions, les IDE se concentrant dans les grandes villes. Les centres urbains de Casablanca et de Tanger apparaissent comme les principaux pôles d’attraction des projets d’investissement, éclipsant les villes moyennes et les zones rurales où la densité de population est particulièrement faible.
L’investissement étranger risque d’exacerber les inégalités territoriales si sa concentration est considérablement plus élevée que l’activité économique (OCDE, 2022[21]). En particulier, les disparités régionales en matière d’IDE sont plus importantes que celles observées au niveau du PIB dans les trois régions sélectionnées. En moyenne, le PIB dans la région CS était 6 fois plus élevé que dans celle de l’Oriental de 2014 à 2020 (Graphique 6.4, panel A). Au cours de la même période, l’IDE « greenfield » était en moyenne 110 fois plus élevé dans la région de CS et 96 fois plus élevé dans la région TTA que dans celle de l’Oriental (Graphique 6.4, panel B). Ces données indiquent une forte concentration de l’investissement dans des régions spécifiques, expliquée par des facteurs tels que la taille du marché au sein du paysage économique marocain, mais pas uniquement.
Le processus de régionalisation avancée au Maroc a coïncidé avec un déclin de la concentration des IDE régionaux au cours de la dernière décennie. Cela pourrait mettre en évidence l’impact positif de la décentralisation sur l’amélioration de l’attractivité d’un plus grand nombre de territoires et, par là même, sur l’atténuation des disparités régionales en matière d’IDE. À partir de 2013, la concentration de projets d’IDE « greenfield » dans les régions TTA et CS a progressivement diminué. Cette évolution s’est intensifiée depuis 2018, avec plus de 70 % des projets allant à d’autres régions que celles de TTA et de CS (Graphique 6.5). La région de l’Oriental n’en a toutefois pas bénéficié de cette réallocation et une partie de ces investissements étrangers en dehors des trois régions sont des mégaprojets dans l’industrie de l’extraction. Une analyse plus approfondie est nécessaire pour évaluer l’impact de la régionalisation avancée sur la répartition régionale de l’IDE.
Le Maroc attire des IDE dans des secteurs très divers, mais la répartition varie considérablement d’un territoire à l’autre, reflétant des avantages comparatifs distincts et conduisant à des effets différents des IDE sur le développement. Les IDE « greenfield » dans la région CS sont largement plus diversifiés que dans les régions TTA et de l’Oriental (Graphique 6.6, panel A). Positionné en tant que pôle industriel et financier de premier plan, CS compte 53 zones et parcs industriels ainsi que Casablanca Finance City, le principal centre financier en Afrique (China Development Institute et Z/Yen, 2023[23]). L’industrie manufacturière et le secteur de la construction ont attiré la plupart des projets d’IDE dans la région TTA, contribuant au développement de pôles automobiles et aéronautiques. La diversification des IDE « greenfield » est la plus faible dans la région de l’Oriental avec 75 % d’entre eux se concentrant dans le secteur de l’énergie. Chaque territoire dispose d’une proposition de valeur unique qui, avec les interventions de politiques publiques adéquates, peut être mise à profit pour attirer les IDE et faire progresser le développement régional. À titre d’exemple, le potentiel de développement de l’énergie solaire dans la région de l’Oriental, associé à une stratégie nationale axée sur le développement du secteur des énergies renouvelables, place la région au premier plan de l’innovation dans l’énergie solaire (UNCTAD et International Chamber of Commerce, 2012[24]).
Le Maroc reçoit des investissements de la part de différents pays, notamment européens, mais, comme pour les secteurs, les disparités régionales sont importantes (Graphique 6.6, panel B). Les régions CS et TTA attirent des investisseurs provenant d’un large éventail de pays, tandis que la région de l’Oriental, qui compte moins d’investisseurs, dépend des investissements provenant de France et d’Espagne (bien qu’elle ait récemment accueilli des IDE en provenance d’Inde, des États-Unis et de Chine, notamment). Avec Tanger comme pôle majeur en matière de transbordement, la région TTA est la plus diversifiée des trois et attire de nombreux investisseurs de pays asiatiques comme la Chine et le Japon, tandis que CS attire un grand nombre d’IDE des Émirats arabes unis. Si la concurrence en matière d’IDE entre les régions peut s’avérer intense, les différences constatées entre les régions CS, TTA et de l’Oriental illustrent le fait qu’elles ne briguent pas les mêmes investisseurs dans les mêmes secteurs ou maillons de la chaîne d’approvisionnement. Ces spécificités régionales soulignent le rôle que les CRI pourraient jouer pour cibler les investisseurs. Ils peuvent également participer à la diversification des sources d’IDE afin de réduire les risques de dépendance excessive et de renforcer la résilience des régions, en particulier lorsque l’incertitude mondiale est élevée.
Les facteurs d’attractivité territoriale perçus ne peuvent que réduire partiellement les disparités régionales en matière d’IDE
Divers facteurs au niveau national expliquent le succès du Maroc à attirer les IDE, notamment un coût compétitif de la main-d’œuvre, une croissance macroéconomique stable, une stabilité politique et un positionnement stratégique entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne. Les facteurs infranationaux influencent également les décisions des investisseurs. Ils diffèrent de manière significative au Maroc par rapport aux pays de l’OCDE (Tableau 6.1). Selon l’AMDIE, les incitations à l’investissement, les zones franches et les ressources naturelles sont les principaux facteurs d’attractivité en matière d’IDE dans les régions moins développées. Dans les pays de l’OCDE, au-delà d’une main-d’œuvre hautement qualifiée ou d’activités de R&D, d’autres facteurs d’attractivité comprennent les faibles coûts pour les entreprises et la connectivité des infrastructures. Ces facteurs sont de moindre importance au Maroc, indiquant les défis structurels à relever pour améliorer les écosystèmes locaux grâce à une éducation, des infrastructures et d’autres réformes du climat des affaires de meilleure qualité. Les zones franches et les incitations fiscales sont des solutions plus immédiates, quoique partielles et temporaires, pour surmonter les défis structurels. Le faible dynamisme des entreprises est dû à des coûts élevés, tandis que les gains en capital sont plus élevés que les gains de productivité, ce qui explique pourquoi la présence de ressources naturelles est un facteur important.
Tableau 6.1. Principaux facteurs d’attractivité territoriale des IDE au Maroc et dans les pays de l’OCDE
Copier le lien de Tableau 6.1. Principaux facteurs d’attractivité territoriale des IDE au Maroc et dans les pays de l’OCDEClassement des facteurs du plus important (1) au moins important (8)
Maroc |
Moyenne OCDE |
|
---|---|---|
Aides apportées par l’État (par exemple, incitations, zones économiques, etc.) |
1 |
4.0 |
Présence de ressources naturelles |
2 |
5.0 |
Nombre élevé de clients et de fournisseurs |
3 |
4.5 |
Niveau élevé de main-d’œuvre instruite/activité de R&D |
4 |
2.7 |
Faibles coûts d’exploitation (main-d’œuvre, opérations, etc.) |
5 |
3.3 |
Infrastructures ou connectivité de qualité |
6 |
3.4 |
Faible rotation des employés |
7 |
5.2 |
Source : Enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional (2022[21]).
Tous les facteurs d’attractivité régionale au Maroc n’influencent pas de la même manière les décisions des investisseurs. Les politiques visant à améliorer certains facteurs peuvent entraîner une augmentation des IDE dans une région, mais n’avoir qu’un impact limité dans une autre. À titre d’exemple, les motivations des investisseurs pour s’implanter dans les régions TTA ou CS présentent des similitudes, mais également des différences notables qui soulignent le rôle unique de TTA en tant que pôle mondial en matière de transit commercial et celui de CS en tant que zone métropolitaine mondiale dotée d’un vaste marché dans les secteurs de l’immobilier, des services financiers et commerciaux, et de l’automobile. Un quart des investisseurs étrangers choisissent la région TTA pour sa situation géographique contre 11 % dans la région CS (Graphique 6.7). La disponibilité des infrastructures et des moyens logistiques est également plus importante dans la région TTA. Dans celle de CS, après la croissance du marché, c’est la disponibilité de main-d’œuvre qualifiée qui importe le plus, reflétant les projets dans les services à forte valeur ajoutée. Les coûts de production ne sont une motivation principale dans aucune des deux régions, tandis que la disponibilité de fournisseurs et de consommateurs locaux se classe au troisième rang dans les deux régions, ce qui indique que les IDE pourraient engendrer une diffusion des connaissances. Le foncier est également un facteur essentiel pour les IDE dans le choix de leur implantation au Maroc (Ait Soussane et El Halaissi, 2020[25]).
L’impact des IDE sur le développement durable et inclusif présente des différences géographiques
L’investissement privé contribue au développement territorial au Maroc en stimulant la création d’emplois, la productivité, les compétences et l’innovation, mais cette contribution est inégale d’une région à l’autre. L’impact de l’IDE sur la création d’emplois au Maroc est indéniable : le nombre d’emplois créés par million investi dépasse la moyenne de l’OCDE (Chapitre 2). Toutefois, cet impact est géographiquement inégal et n’est pas seulement dû aux différences de montants investis, mais également au type d’activités attirant les IDE. Pour un même montant d’IDE « greenfield », le nombre d’emplois directs créés est nettement plus élevé dans la région TTA que celui reflété dans la moyenne nationale et dans les régions sélectionnées, grâce à des investissements dans des industries manufacturières à forte intensité de main-d’œuvre et orientées vers l’exportation (Graphique 6.8). Inversement, la région de l’Oriental attire les investissements dans les secteurs à forte intensité de capital. Les disparités intrarégionales sont également importantes, car la plupart des emplois générés par les IDE « greenfield » sont concentrés dans les grandes villes.
Au-delà de la création directe d’emplois, l’impact des IDE diffère d’une région à l’autre du Maroc dans d’autres domaines du développement durable. En outre, la productivité et la diffusion des connaissances se voient impactées par les IDE qui dépendent des caractéristiques des entreprises locales. Le commerce est un élément important qui influence à la fois l’impact de l’IDE et le développement économique en général. L’analyse de l’OCDE fondée sur l’enquête de la Banque mondiale sur les entreprises du Maroc de 2019 indique que TTA et, dans une moindre mesure, CS sont nettement plus intégrées dans les chaines de valeur mondiales (CVM) que la région de l’Oriental (Graphique 6.9, panel A). La forte dépendance des entreprises situées dans les régions TTA et CS à l’égard des intrants intermédiaires importés signale toutefois qu’il est possible de renforcer plus en amont les liens entre les entreprises étrangères et les producteurs locaux, en particulier dans les zones rurales les moins développées. Améliorer les capacités des entreprises locales est une condition préalable. Les autorités nationales ou locales pourraient aider davantage les PME à s’aligner sur les normes internationales de production et à innover, notamment par des investissements dans la R&D (Graphique 6.9, panels A et B).
Le renforcement des capacités des entreprises locales à coopérer avec les entreprises étrangères implique également une amélioration des compétences et d’autres considérations relatives au marché du travail local. La part des entreprises dans la région TTA offrant des possibilités de formation à leurs employés est plus faible que celle de la région CS, bien que le manque de travailleurs qualifiés soit un facteur limitant plus important dans cette région (Graphique 6.9, panel C). Dans la région TTA, les IDE concernent principalement des activités manufacturières à forte intensité de main-d’œuvre et peu qualifiées et, par conséquent, le pourcentage de travailleurs qualifiés dans le secteur manufacturier est plus faible que dans les régions CS et de l’Oriental. Les politiques et programmes de développement des compétences devraient correspondre aux besoins spécifiques des entreprises locales dans ce domaine. Cela favorisera également la création d’emplois de qualité, directement ou indirectement, grâce à l’IDE.
Il est plus fréquent que les entreprises soient détenues en partie par des femmes dans les régions CS et TTA que dans celle de l’Oriental, mais la gestion par des femmes est inférieure à 5 % dans les trois régions (Graphique 6.9, panel D). La région TTA affiche un pourcentage plus élevé de travailleurs temporaires, en raison d’une plus grande exposition aux fluctuations du commerce mondial, et de travailleuses : les femmes ont tendance à être plus nombreuses dans les activités manufacturières peu qualifiées au Maroc. Les zones côtières, y compris la région TTA, sont plus favorables à l’emploi des femmes, en raison de l’importance des secteurs de services, en particulier le tourisme (AFD, 2017[26]). En revanche, les zones intérieures, comme la région de l’Oriental, sont caractérisées par des activités plus masculines, telles que l’exploitation minière.
6.3. Stratégies et politiques de promotion des investissements en faveur de l’attractivité territoriale
Copier le lien de 6.3. Stratégies et politiques de promotion des investissements en faveur de l’attractivité territorialeL’efficacité de l’investissement comme vecteur du développement régional au Maroc dépend de la pertinence et de la cohérence des stratégies de promotion de l’investissement et des cadres institutionnels (OCDE, 2022[21]). Cette section analyse l’éventail existant de stratégies et de politiques de promotion des investissements au Maroc qui accompagnent le processus de régionalisation et les objectifs de développement territorial, y compris l’amélioration de l’attractivité régionale. Elle complète l’analyse du cadre national de promotion et de facilitation de l’investissement du Chapitre 4. Cette section s’appuie sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional complétée par l’AMDIE en 2023 et s’inspire des bonnes pratiques des pays de l’OCDE (Encadré 6.4).
Encadré 6.4. Enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional
Copier le lien de Encadré 6.4. Enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régionalLe réseau API de l’OCDE étudie comment les gouvernements peuvent promouvoir, faciliter et retenir l’IDE à l’appui du développement régional et quel est le rôle des API. L’OCDE a conçu une enquête pour recueillir des informations sur la promotion de l’investissement et le développement régional. Elle met l’accent sur le rôle des API nationales, leurs relations avec les organismes infranationaux et leurs objectifs et priorités en ce qui concerne l’attraction de l’IDE en faveur du développement régional. L’enquête a été communiquée à l’API des pays de l’OCDE sous la forme d’un questionnaire en ligne qui a été rempli en 2022 par 36 pays de l’OCDE. L’enquête a été complétée par l’AMDIE en 2023 dans le cadre des Examens de la politique d’investissement du Maroc par l’OCDE.
L’enquête définit les organismes infranationaux de promotion et de facilitation de l’investissement comme suit :
Les API infranationales sont des organisations entièrement ou principalement vouées à la promotion et à la facilitation de l’IDE dans leur région, état, province, municipalité ou ville, indépendantes de l’API nationale ou du gouvernement central, et rendent généralement compte aux autorités infranationales.
Les organisations infranationales de développement économique (EDO), qui sont également des entités indépendantes de l’API centrale et du gouvernement, rendent compte aux gouvernements infranationaux, mais disposent d’un portefeuille plus large qui inclut souvent la promotion et la facilitation de l’investissement.
Les autorités infranationales, dont bon nombre sont directement impliquées dans les questions de développement économique qui comportent parfois un volet de promotion ou de facilitation de l’investissement.
Les bureaux infranationaux des API nationales qui sont établis dans certaines régions ou dans l’ensemble des régions de leur juridiction.
Note : pour en savoir plus, consultez www.oecd.org/investment/investment-promotion-and-facilitation.html.
Source : OCDE (2022[21]), « La géographie de l’investissement étranger dans les pays membres de l’OCDE : Comment les agences de promotion de l’investissement soutiennent le développement régional », documents de politique économique et financière de l’OCDE, N° 20, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1f293a25-en.
6.3.1. Renforcer le cadre stratégique pour la promotion des investissements en faveur de l’attractivité territoriale
Stratégies nationales et infranationales de promotion des investissements
Le gouvernement marocain a clairement démontré, à travers de récentes réformes stratégiques, que la mobilisation des investissements privés pour le développement régional était une priorité nationale. Les priorités stratégiques visant à encourager l’investissement sont de plus en plus souvent définies par diverses entités gouvernementales aux niveaux national et infranational, notamment grâce aux CRI, comme c’est également le cas dans la zone de l’OCDE. La Charte de l’investissement récemment présentée considère la réduction des disparités territoriales comme une priorité absolue. Cette décision est moins souvent mentionnée dans les lois d’investissement d’autres pays et établit, avec d’autres lois, un cadre formel reliant l’investissement au développement régional. Cette approche intégrée vise à faire avancer des objectifs stratégiques correspondant au NMD du Maroc, tout en tirant parti des caractéristiques territoriales distinctes et des facteurs d’attractivité.
Doter la stratégie nationale de promotion de l’investissement d’un pilier territorial pourrait contribuer à rendre opérationnelles les priorités stratégiques du Maroc en matière d’investissement et de développement régional. Le développement d’un pilier territorial au sein d’une stratégie nationale offre l’occasion de clarifier les spécificités infranationales au Maroc tout en conservant une vision nationale globale. Un pilier infranational traduirait les priorités stratégiques en objectifs réalisables et clarifierait les responsabilités des différentes institutions, notamment le MICEPP, l’AMDIE et les CRI, dans la réalisation de ces objectifs, ainsi que les mécanismes de coordination impliqués. Ce pilier pourrait apporter des précisions sur les sous-secteurs, les activités ou les chaînes de valeur à rendre prioritaires au niveau infranational.
Le pilier régional serait conforme aux PDR et engloberait le rôle de l’investissement dans la facilitation de la transformation productive des régions, en mettant l’accent sur la modernisation de l’environnement économique, la diversification des industries, la modernisation des technologies et la promotion de l’internationalisation. Pour les pôles urbains, l’objectif principal est de libérer la productivité et les retombées de l’IDE en matière d’innovation sur les zones adjacentes et les PME. Le MICEPP, l’AMDIE et chaque pôle « Impulsion économique et offre territoriale » au sein des CRI pourraient superviser ensemble le développement de ce pilier. Cette approche collaborative permettrait aux CRI de mieux développer leurs offres territoriales intégrées pour les investisseurs, comme indiqué dans leurs mandats.
Dans les pays de l’OCDE, 94 % des stratégies de promotion de l’investissement intègrent une dimension régionale, certains plaçant le développement régional au cœur de leur stratégie (OCDE, 2022[21]). En outre, plus des deux tiers des API infranationales contribuent activement à l’élaboration de la stratégie nationale de promotion de l’investissement (OCDE, 2022[21]). En Irlande par exemple, la dimension régionale est un pilier fondamental de la stratégie nationale 2021-2024 de promotion des investissements. Le pilier est conforme à la stratégie nationale de développement régional, aux plans de développement régional et aux stratégies sectorielles. Il comprend des sections pour chaque région, avec des indicateurs basés sur des facteurs tels que la densité de population, la disponibilité des talents, la qualité de vie, les écosystèmes propres à chaque secteur, la disponibilité foncière et l’infrastructure et la connectivité locales.
L’intégration d’un pilier territorial dans une stratégie nationale de promotion des investissements est essentielle, mais insuffisante. L’efficacité de l’État central pour attirer les IDE dépend des mesures régionales visant à renforcer leur attractivité, par exemple par l’aménagement stratégique du territoire et le développement économique. Une approche possible consisterait à élaborer des stratégies régionales de promotion de l’investissement qui soient conformes à un pilier territorial de la stratégie nationale de promotion de l’investissement et le complètent. Cela impliquerait la participation active de diverses parties prenantes locales, notamment les CRI, les autorités locales, le secteur privé et la société civile, pour façonner la stratégie et optimiser l’attractivité de chaque région.
Une autre approche, non mutuellement exclusive, adoptée par le Maroc consiste à intégrer les considérations relatives à l’investissement dans les PDR. Cela permet d’avoir une approche intégrée qui tient compte des améliorations locales dans des domaines tels que le foncier, les infrastructures et les compétences qui sont nécessaires pour attirer les IDE, parallèlement à des réformes plus larges du climat des affaires au niveau national. Le guide 2022 pour l’élaboration des PDR fait référence au mandat de l’attractivité des investissements dans les régions et fournit des étapes détaillées pour la création de programmes. Les CRI sont fortement impliqués dans les discussions sur l’élaboration du PDR, le diagnostic des défis et des possibilités, et dans le suivi de la mise en œuvre (Ministère de l'interieur, 2022[27]). Le CRI de l’Oriental, dans le cadre de son travail de co-construction, a mis en place un Fonds Régional d’Appui à l’Investissement dont les principes ont été intégrés dans le PDR 2015 - 2021, puis 2022 - 2026. Il s’agit de la première expérience d’un fonds régional dédié à la promotion de l’investissement à l’échelle territoriale. D’autres actions ont été concrétisées à partir de la planification d’actions dans le cadre du PDR comme l’accompagnement des porteurs de projets, le développement des écosystèmes de formation - insertion ou encore le marketing territorial.
Dans les pays de l’OCDE, 74 % d’entre eux disposent de stratégies régionales de promotion de l’investissement et 67 % de ces stratégies sont intégrées dans des plans de développement régionaux (OCDE, 2022[21]). La Nouvelle-Galles du Sud en Australie illustre cette approche, où la stratégie met l’accent sur les facilitateurs locaux de l’IDE, en se concentrant particulièrement sur les compétences. Un autre exemple est celui de la région de Poméranie, en Pologne. La stratégie régionale de promotion des investissements de l’API y a eu des effets considérables en matière d’attraction des IDE (Encadré 6.5). Les deux stratégies sont influencées par les cadres institutionnels distincts de chaque pays, différents de celui du Maroc, mais elles constituent des exemples de ce que les stratégies régionales de promotion des investissements pourraient couvrir.
Encadré 6.5. La stratégie régionale de promotion des investissements de la Nouvelle-Galles du Sud en Australie
Copier le lien de Encadré 6.5. La stratégie régionale de promotion des investissements de la Nouvelle-Galles du Sud en AustralieLe gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud (NSW) en Australie a défini les priorités et les plans visant à assurer la réussite sociale, économique et environnementale à long terme des communautés régionales de l’État. Pour appuyer ce vaste plan économique, le Bureau du développement économique régional a conçu la « Regional NSW Investment Attraction Strategy 2022-2027 » (Stratégie régionale d’attraction des investissements de la Nouvelle-Galles du Sud). Elle définit la vision, les objectifs et les priorités clés pour attirer les investissements du secteur privé, soutenir les talents et favoriser un environnement propice à l’établissement et la prospérité des futures industries.
La stratégie identifie les tendances de fond qui influencent l’investissement international et décrit comment la région peut les exploiter pour obtenir des opportunités d’investissement dans un environnement postpandémique. Ce faisant, elle fait correspondre les forces et les avantages comparatifs de chaque localité (qui varient grandement d’un lieu à l’autre) aux opportunités d’investissement afin de créer des emplois de qualité et un développement durable. Les actions sont axées sur le soutien des principaux catalyseurs du développement économique (voir tableau ci-dessous).
Tableau 6.2. Facilitateurs régionaux de la stratégie d’attraction des investissements de la Nouvelle-Galles du Sud
Copier le lien de Tableau 6.2. Facilitateurs régionaux de la stratégie d’attraction des investissements de la Nouvelle-Galles du Sud
Catalyseurs |
Priorités |
---|---|
Renforcement d’une main-d’œuvre qualifiée |
|
Promotion de la recherche, du développement et de l’innovation à l’initiative de l’industrie |
|
Soutenir les communautés locales pour qu’elles trouvent et fidélisent les investisseurs |
|
Source : Gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud (2022[28]), « Regional NSW Investment attraction Strategy 2022-2027 », https://www.nsw.gov.au/sites/default/files/2022-10/20221024 Investment attraction book accessible.pdf.
Stratégies nationales liées à l’attraction des investissements et au développement régional
Au-delà d’une stratégie de promotion des investissements, d’autres plans peuvent contribuer à rendre opérationnelles les priorités de haut niveau du Maroc sur l’investissement en faveur d’un développement régional équilibré. Le Maroc compte de nombreuses stratégies qui mentionnent l’attraction des investissements, la promotion du développement régional ou les deux. À des fins de convergence des politiques, le MICEPP pourrait continuer à veiller à ce que les objectifs, les secteurs ciblés, le cas échéant, et les résultats escomptés de ces plans soient alignés sur les objectifs d’investissement et de développement régional (Tableau 6.3).
Tableau 6.3. Stratégies récentes et en cours liés à l’investissement et au développement régional
Copier le lien de Tableau 6.3. Stratégies récentes et en cours liés à l’investissement et au développement régional
Stratégie |
Description |
Secteurs cibles |
Objectifs |
Impact |
|
---|---|---|---|---|---|
Le Plan d’émergence 2005 et le Pacte National pour l’émergence Industrielle 2009-2015 |
Stratégie industrielle ciblée, axée sur les professions mondiales, la valorisation des PME et l’amélioration du climat des affaires. |
Accent mis sur les moteurs de croissance orientés vers l’exportation :
|
|
Impact positif sur l’attractivité du Maroc pour les IDE mais impact territorial différencié à travers le pays. |
|
|
Attraction des investissements
Développement régional
|
||||
Pouvoir de supervision Le PM préside le comité directeur avec des représentants du secteur privé. |
|
||||
Plan d’Accélération Industrielle 2014-2020 |
En adéquation avec le plan Émergence, privilégie l’industrie comme moteur de croissance. Ouvert aux IDE, avec un accent particulier mis sur la consolidation de la base industrielle et de la position extérieure. |
|
|
Création de 54 systèmes industriels en partenariat avec 32 associations professionnelles et universités dans différents secteurs. |
|
|
Attraction des investissements
Développement régional
|
||||
Objectif géographique National |
|
||||
Pouvoir de supervision Comité interministériel |
|
||||
|
|||||
|
|||||
Génération Green 2020-2030 |
Cette stratégie pour le secteur agricole est basée sur les réalisations du 'Plan Maroc Vert' lancé en 2008, qui visait à augmenter la production agricole et les revenus des exploitations, et de garantir le développement durable des territoires ruraux. |
Secteur agricole |
|
Attraction des investissements
Développement régional
|
|
Objectif géographique National, priorité régionale |
|
||||
Pouvoir de supervision Ministère de l'agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts |
|
||||
|
|||||
|
|||||
Plan de Relance Industrielle 2021-2023 |
Réponse du gouvernement aux effets de la pandémie de Covid-19, en particulier les petites entreprises dans les régions les moins développées du pays. |
Secteur industriel, en mettant l’accent sur les efforts visant à favoriser la transition vers une économie plus verte. |
|
Pas encore mesurable. |
|
Objectif géographique National, priorité régionale |
|
||||
Pouvoir de supervision Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’économie verte et numérique |
|
||||
Transformation numérique des pouvoirs locaux 2021-2023 |
Création d’une plateforme digitale pour chaque région avec une politique de données ouvertes pour catalyser l’émergence de services urbains innovants. |
Aucun. |
|
Attraction des investissements
Développement régional
|
|
Objectif géographique Autorités locales |
|
||||
Pouvoir de supervision DGCT, ANRT, ADD |
|
||||
|
|||||
Note : Les cases colorées en vert sont liées à l’investissement, les cases colorées en bleu sont liées au développement régional et les cases colorées en gris ne sont liées à aucun.
Source : Banque africaine de développement (2006) ; Royaume du Maroc 2007-2011 document de stratégie par pays ; 2007-2011-Maroc-document de stratégie par pays (afdb.org) ; MCINET (2020). Plan d’accélération industrielle 2014-2020. Plan d’accélération industrielle 2014-2020, ministère de l’Industrie et du Commerce (mcinet.gov.ma) ; CCISRMS. Chambre de Commerce, d’Industrie et des Services de Marrakech. Plan de Relance Industrielle 2021-2023 M. Elalamy annonce 3 projets – CCIS (ccisrms.ma) ; autorités locales : Voici la première évaluation de la stratégie de numérisation - Le Matin.ma ; (Amraoui et al., 2019[29]). Ministère de l’investissement :L’industrie automobile est désormais « un moteur » de l’économie marocaine (moroccoworldnews.com).
Les stratégies industrielles nationales mises en œuvre dans les années 2000 ont joué un rôle central dans la mobilisation des IDE en tant que catalyseur de la croissance économique à l’échelle nationale, mais leur impact n’a pas été le même d’une région à l’autre. Les stratégies ont contribué à transformer le Maroc en un pôle industriel mondial compétitif. Le plan Émergence a eu un impact considérable sur l’attractivité des IDE dans les secteurs promus par le plan, à savoir l’automobile, l’aéronautique, l’offshoring, l’électronique et le textile (Farouk, 2023[30]). Bon nombre de ces investissements ont été réalisés dans la région TTA et dans d’autres grands pôles, contrairement au reste du pays où les IDE étaient principalement axés sur l’agroalimentaire, secteur promu par le plan mais qui a enregistré une croissance plus faible des IDE. Par conséquent, la structure économique de la région TTA a évolué beaucoup plus rapidement qu’ailleurs, soulignant la nécessité d’intégrer une perspective locale dans les stratégies nationales afin de garantir un développement territorial équilibré. Les retombées de l’IDE dans la région TTA, mais aussi dans d’autres régions, ont néanmoins été limitées. Le Plan d’Accélération Industrielle 2014-2020 visait à remédier à cette limitation en améliorant les capacités des PME et en les aidant à devenir des fournisseurs d’entreprises étrangères et à s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales.
Au cours des dernières années, de nouvelles stratégies et de nouveaux plans nationaux ont intégré progressivement l’investissement durable et le développement territorial. Les stratégies précédentes positionnaient le Maroc comme un contributeur clé aux chaînes de valeur mondiales, en donnant la priorité aux secteurs mondiaux à croissance rapide. Cette approche a récemment évolué afin de prendre en compte l’innovation, la durabilité et un développement territorial équilibré. La deuxième phase du Plan d’Accélération Industrielle, couvrant la période 2021-2025, comprend une dimension de développement régional tandis que le Plan de Relance Industrielle 2021-2023 souligne l’engagement du pays en faveur de pratiques à faible émission de carbone et de l’intégration des principes de l’économie circulaire dans la production. La stratégie de transformation numérique des collectivités locales 2021-2023 visait à mieux connecter les collectivités locales et à améliorer la connectivité numérique.
Aligner les objectifs stratégiques des derniers plans nationaux avec la mission de l’AMDIE visant à promouvoir les IDE à l’appui du développement territorial est essentiel pour assurer une mise en œuvre réussie. Les principaux objectifs de l’AMDIE en matière de promotion des IDE au niveau infranational sont de soutenir les transitions numérique et verte (Graphique 6.10). Favoriser l’innovation, la productivité, les exportations et la création d’emplois de qualité sont des objectifs moins cruciaux, contrairement à ceux des API nationales de l’OCDE. Si les objectifs de l’AMDIE sont conformes aux ambitions du Maroc en matière de climat et de transformation numérique, d’autres pistes sont moins explicitement abordées, comme le soutien à l’intégration économique des femmes. Le renforcement de la productivité (un défi structurel pour le développement territorial) et la création d’emplois de qualité restent des objectifs de développement clés dans les régions moins développées.
6.3.2. Politiques et institutions visant à renforcer l’attractivité territoriale
Le Maroc a progressivement intégré des considérations régionales dans l’élaboration de politiques nationales d’investissement. Si le caractère non différencié des politiques nationales, y compris des politiques d’investissement, est souvent inévitable et même souhaitable, il peut s’avérer difficile de les utiliser pour relever les défis dans des régions spécifiques (OCDE, 2019[31]). Les régions ne sont pas affectées de la même manière par les politiques nationales telles que les accords internationaux d’investissement, la libéralisation du commerce et de l’investissement ou les incitations fiscales sectorielles. La mise en œuvre des récentes stratégies marocaines en matière d’investissement et de développement régional a conduit à l’élaboration de nouvelles politiques adaptées au lieu et à la mise en place, ou à la transformation d’organismes chargés de mettre en œuvre ces politiques, comme le prévoit la Charte de l’investissement (Encadré 6.6). Le suivi et l’évaluation des politiques et de la capacité des institutions à les mettre en œuvre efficacement sont essentiels.
Encadré 6.6. La Charte de l’investissement : renforcer l’attractivité régionale
Copier le lien de Encadré 6.6. La Charte de l’investissement : renforcer l’attractivité régionaleLa Charte de l’investissement récemment promulguée, connue sous le nom de cadre juridique n° 03-22, vise à renforcer les initiatives d’investissement ciblées, à atténuer les disparités régionales en matière d’attraction des investissements et à donner la priorité aux secteurs clés pour le développement (AMDIE, 2022[32]). Son objectif est d’optimiser l’impact des investissements, tant étrangers que nationaux. Dans ce cadre, les investisseurs bénéficient de directives claires, d’un climat des affaires amélioré, d’un processus d’investissement harmonisé et d’une gouvernance unifiée de l’investissement.
Le cadre établit également des mécanismes de soutien, y compris des subventions ou autres aides, pour les projets d’investissement entrepris dans diverses régions ou secteurs prioritaires. Il étend des incitations spéciales aux projets stratégiquement importants, ainsi qu’aux très petites entreprises et aux PME, dans le but d’inciter les entreprises marocaines à se lancer dans des projets internationaux.
Les effets escomptés sur les IDE comprennent notamment le positionnement du Maroc en tant que pôle privilégié pour les investissements étrangers, la réduction des écarts régionaux en matière d’investissement, l’acheminement des investissements vers des secteurs stratégiques, la promotion des exportations et de l’internationalisation des entreprises marocaines et la promotion de la substitution des importations (UNCTAD, 2022[33]).
Politique |
Description |
Secteurs cibles |
Objectifs |
Impact |
---|---|---|---|---|
Charte de l’investissement |
Objectif géographique National, priorité régionale |
Projets qui :
|
|
Attraction des investissements
Développement régional
|
Pouvoir de supervision AMDIE, CRI et Commission Nationale des Investissements |
Source : AMDIE (2022[32]), « La charte de l’investissement en bref », https://www.morocconow.com/ ; Royaume du Maroc (2022[34]), « Loi-cadre n° 03-22 établissant la Charte de l’investissement », http://www.sgg.gov.ma/BO/FR/2873/2022/BO_7152_Fr.pdf ; CNUCED (2022[33]), « Charte de l’investissement dans le Recueil des lois de l’investissement de la CNUCED », Investment Policy Monitor,
https://investmentpolicy.unctad.org/investment-policy-monitor.
Les politiques adaptées au lieu qui peuvent influencer directement le choix de l’emplacement des entreprises comprennent des incitations fiscales et non fiscales, la création de parcs industriels ou de zones économiques spéciales et la création d’organismes infranationaux spécialisés pour promouvoir et faciliter les investissements. D’autres politiques englobent des mesures régionales plus larges relatives au climat des affaires, telles que l’investissement public dans les compétences et les infrastructures, ainsi que le soutien aux entreprises locales, y compris des conseils sur la façon d’entrer sur les marchés étrangers, le financement des activités de R&D et la facilitation de la mobilité de la main-d’œuvre. En améliorant l’écosystème local, une région devient non seulement plus attrayante, mais bénéficie également davantage des IDE, notamment grâce à une meilleure création d’emplois, à une productivité accrue et à une diffusion des connaissances (OCDE, 2022[21]).
Le Maroc utilise des politiques similaires à celles des pays de l’OCDE pour promouvoir l’IDE en faveur du développement régional, mais leur importance perçue par les professionnels de l’investissement varie (Tableau 6.4). Les services fournis par l’API nationale constituent l’outil le plus important dans les pays de l’OCDE, tandis qu’au Maroc, il s’agit de l’octroi d’incitations fiscales. Cette différence illustre le défi que de nombreux pays émergents ont à relever pour attirer les IDE vers les régions moins développées où le climat des affaires locales pâtit encore de faiblesses structurelles. Les incitations fiscales adaptées au lieu, en particulier les exonérations fiscales, peuvent orienter le type d’investissement vers des projets à forte intensité de capital et peu contraignants, dont les retombées sur l’économie locale sont limitées. Les incitations non fiscales telles que les subventions et les prêts peuvent avoir moins d’effets de distorsion sur l’économie et mieux répondre aux défaillances spécifiques du marché. Elles sont également perçues comme un outil important par l’AMDIE marocaine et les pays de l’OCDE.
Tableau 6.4. Outils et mesures de promotion de l’IDE dans les régions moins développées au Maroc et dans l’OCDE
Copier le lien de Tableau 6.4. Outils et mesures de promotion de l’IDE dans les régions moins développées au Maroc et dans l’OCDEClassement des mesures de la plus importante (1) à la moins importante (8)
|
Maroc |
Moyenne OCDE |
---|---|---|
Incitations fiscales |
1 |
3 |
Incitations non fiscales (dons, subventions, garanties de prêt, etc.) |
2 |
2 |
Parcs industriels |
3 |
4 |
Services nationaux de l’API |
4 |
1 |
Amélioration de l’environnement commercial local/régional |
5 |
6 |
Zones économiques spéciales/zones franches |
6 |
7 |
Infrastructures mises à disposition |
7 |
5 |
Foires locales/régionales |
8 |
8 |
Source : enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional (2022[21]).
Les activités de promotion et de facilitation de l’investissement sont très répandues mais pourraient être mieux ciblées
Parmi les différents services nationaux de l’API, l’AMDIE accorde la plus haute importance à toutes les fonctions de promotion et de facilitation de l’investissement visant à attirer l’IDE dans les régions moins développées (Graphique 6.11, panel A). Cette situation diffère de celle de l’OCDE, de l’UE et d’un groupe sélectionné de pays similaires où la création d’investissements et leur facilitation et suivi sont davantage utilisés que le renforcement de l’image et la promotion des politiques pour inciter les IDE en faveur du développement régional. Les pays accordent souvent la priorité à des fonctions spécifiques selon leur situation particulière et des ressources disponibles, et il peut être utile que l’AMDIE envisage également d’orienter ses activités vers les fonctions les plus pertinentes. Au-delà de la promotion et de la facilitation des investissements essentiels, l’AMDIE fournit aux investisseurs et aux partenaires infranationaux une gamme plus large de services que de nombreux organismes de l’OCDE. Ces services englobent des activités telles que les services de jumelage avec les fournisseurs locaux et une aide pour trouver des travailleurs locaux (Graphique 6.11, panel B). L’AMDIE fournit également des renseignements sur l’IDE aux organismes infranationaux, soulignant la collaboration nationale-infranationale pour identifier les marchés pertinents de l’IDE qui sont spécifiques aux régions. Le Chapitre 4 fournit une évaluation détaillée des fonctions et des outils utilisés par l’AMDIE pour promouvoir et faciliter l’investissement.
Des politiques ont été mises en œuvre au niveau infranational pour assurer la prestation efficace de ces services. La loi n° 47-18 de 2019, relative à la réforme des CRI et à la création des CRUI, vise à soutenir de façon continue les investisseurs et les entreprises afin de faciliter le processus d’investissement et d’améliorer l’offre d’investissement territoriale. Depuis mai 2023, les CRI sont rattachés au Chef du Gouvernement, qui a délégué certaines de ses prérogatives au MICEPP. Ces centres sont organisés en deux branches : la Maison de l’investisseur et l’Impulsion économique et offre territoriale. Leurs missions sont regroupées en services pour faciliter l’investissement, améliorer l’offre territoriale d’investissement et régler les litiges.
Encadré 6.7. Loi n° 47-18 portant réforme des centres régionaux d'investissement et création des commissions régionales unifiées d'investissement
Copier le lien de Encadré 6.7. Loi n° 47-18 portant réforme des centres régionaux d'investissement et création des commissions régionales unifiées d'investissementLes CRI jouent un rôle central dans l'approche décentralisée de la facilitation des investissements dans les douze régions du Maroc. Leur création en 2002 s'inscrivait dans le cadre des efforts de décentralisation plus larges du pays visant à améliorer de manière significative l'efficacité de la facilitation des investissements et le développement économique et social du pays. Les CRI ont eu des performances inégales et parfois inefficaces à travers le pays, entravant l'efficacité globale de la stratégie de facilitation des investissements à l'échelle nationale. Le décret 1-19-18 du 13 février 2019 promulguant la loi 47-18 a été adopté, entre autres, dans le but d'harmoniser les mandats des CRI à travers les régions, et donc d'améliorer leur efficacité.
Diagnostic initial |
Objectifs de la réforme |
Les 3 principaux apports de la réforme |
---|---|---|
|
|
|
Les CRI aident et guident les investisseurs dans les formalités d'établissement et d'exploitation liées à l'investissement. Ces procédures sont facilitées par les CRI eux-mêmes et par l'intermédiaire de la plateforme CRI-Invest, la plateforme exclusive partagée par les CRI pour rationaliser les formalités et les demandes liées à l'investissement, par laquelle la plupart des services des CRI sont fournis.
La loi 47-18 a également créé une nouvelle entité, les CRUI, qui sont chargées d'aider les investisseurs à obtenir un certain nombre d'autorisations d'établissement et d'exploitation et de formalités requises pour la mise en œuvre de projets d'investissement. Ces exigences et formalités sont explicitement énoncées dans la loi 47-18.
Elles remplacent les anciennes commissions régionales qui traitaient des procédures et formalités administratives liées à l'investissement en parallèle mais sans coordination. Leur composition et leur organisation sont conçues pour centraliser et améliorer l'efficacité de ces processus, et leurs décisions sont contraignantes pour les membres de la CRUI et les administrations qu'ils représentent.
Contrairement aux CRI, dont le rôle vise à assister, guider et soutenir les investisseurs, les CRUI sont dotés de pouvoirs réglementaires et décident directement ou donnent leur avis formel ou leur assentiment sur les actes administratifs liés à l'investissement, en ce qui concerne les exigences et les formalités d'établissement et d'exploitation. Les mandats clairement définis et harmonisés des CRUI et le cadre de traitement et de prise de décision pour les questions liées à l'investissement établi par la loi 47-18 contribuent à améliorer la prévisibilité du cadre juridique et réglementaire pour les investisseurs.
Source : MICEPP.
En tant que facilitateurs, les CRI fonctionnent comme un guichet unique aidant les investisseurs à comprendre les procédures et les exigences administratives pour la création d’entreprise et à obtenir les autorisations nécessaires. Les CRI ont élaboré des manuels standardisés décrivant les procédures et formalités, ainsi que des guides énumérant les programmes d’incitation à l’investissement disponibles. Ces documents sont uniformes d’une région à l’autre afin de garantir une qualité constante à tous les investisseurs. Les CRI fournissent des renseignements sur l’IDE aux investisseurs pour les aider à prendre des décisions. Des centres de renseignement dotés de plateformes électroniques ont été mis en place au sein des CRI pour permettre aux investisseurs d’accéder aux données relatives aux environnements régionaux d’investissement, aux opportunités, aux activités potentielles, aux cadres juridiques, aux ressources humaines, aux options de financement et aux possibilités de partenariat. Ils tiennent à jour des cartes des terrains publics, des zones industrielles et des activités économiques pour aider à identifier les emplacements appropriés correspondant aux exigences spécifiques du projet. Ce processus de recherche est guidé par des critères précis et facilité par des outils à la disposition de chaque directeur de CRI. En outre, les CRI organisent des réunions, des séances d’information et des ateliers à destination des investisseurs.
Visant à améliorer les possibilités d’investissement au niveau territorial, les centres contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de promotion et d’incitation des investissements au niveau régional, ainsi qu’à la réalisation d’études préliminaires pour le développement de zones industrielles. Ces centres offrent des informations précieuses sur les caractéristiques spécifiques de chaque région, ce qui permet d’élaborer des stratégies de promotion des investissements adaptées. Ils recueillent également des données macroéconomiques régionales, fournissent une base de données sur les possibilités d’investissement et agissent en tant que mécanisme de règlement des différends entre les entités gouvernementales et les entreprises.
La plupart des efforts de promotion des investissements se concentrent sur l’attraction de nouveaux investissements, mais le soutien des investissements existants peut être aussi, voire plus, rentable et efficace pour le développement territorial du Maroc. Les pôles Impulsion économique et offre territoriale des CRI, par leur connaissance des opportunités et des institutions locales et leurs liens avec les investisseurs établis, sont bien placés pour superviser les activités visant à promouvoir l’expansion des projets existants vers des activités à plus forte valeur ajoutée telles que la R&D dans les régions avancées et les expansions créatrices d’emplois dans les régions à fort taux de chômage. Dans la région CS, les expansions n’ont représenté que 10 % de tous les projets d’IDE « greenfield » de 2003 à 2022, contribuant à 16 % du montant total des investissements, tout en constituant un quart des emplois créés (Graphique 6.12, panel A). Dans le même temps, les expansions dans la région TTA ont entraîné relativement moins d’investissements et de possibilités d’emploi. À CS, les expansions requièrent souvent plus de capital et de main-d’œuvre en moyenne que les projets initiaux d’IDE, alors qu’à TTA, elles présentent des caractéristiques similaires (Graphique 6.12, panels B et C). Ces différences peuvent s’expliquer par des caractéristiques sectorielles spécifiques ou par la maturité des investissements initiaux, mais aussi par des politiques de rétention des investissements. L’utilisation des expansions comme stratégie promotionnelle nécessite une perspective à long terme de la part des CRI, ce qui implique d’identifier à la fois les défis et les opportunités associés à l’expansion.
Un nouveau système d’incitation à l’investissement basé sur le lieu dans la Charte de l’investissement
Le Maroc, comme la plupart des pays, y compris ceux de l’OCDE, accorde des incitations à l’investissement local pour promouvoir l’investissement privé dans les régions moins développées et, par conséquent, réduire les déséquilibres territoriaux (OCDE, 2022[21]). Au Maroc, les incitations basées sur le lieu comprennent, conformément à la Charte, des subventions financières allant jusqu’à 15 % du montant investi, selon la province ou la ville. Les incitations les plus élevées sont accordées dans les régions du sud ou éloignées de la côte (Tableau 6.5). Les zones côtières de l’axe Casablanca-Rabat-Tanger ne sont pas couvertes par le programme. Les projets doivent satisfaire aux critères généraux de la Charte, à savoir soit la création de 150 emplois, soit des investissements à hauteur de 50 millions de MAD et générant 50 emplois stables.
La Charte comprend également d’autres mesures incitatives visant à accroître l’impact de l’investissement sur la création d’emplois, à encourager l’investissement dans les secteurs à fort potentiel de croissance et à promouvoir le développement durable de manière plus générale. L’une d’entre elles concerne l’intégration locale : les investisseurs obtiennent une prime de 3 % si le niveau de participation des fournisseurs basés au Maroc dans leur production atteint 20 % pour l’agroalimentaire, les produits pharmaceutiques ou les dispositifs médicaux, et 40 % pour les autres activités manufacturières. L’objectif est de stimuler la substitution des importations par la production locale, réduisant ainsi la dépendance à l’égard des importations en soutenant la production nationale. L’impact de ces mesures incitatives sur la stimulation de l’investissement dans les différentes régions peut varier en fonction des spécificités locales.
Tableau 6.5. Incitations financières prévues par la Charte de l’investissement 2022
Copier le lien de Tableau 6.5. Incitations financières prévues par la Charte de l’investissement 2022
Définition |
Critères |
Contributions aux coûts |
|
---|---|---|---|
Montant du programme d’investissement |
Le coût total, hors taxes, de toute opération de création ou d’extension d’activité, y compris les frais d’études, de recherche et développement, de transfert de technologie et de mise au point des procédés, le prix du foncier privé et/ou le prix du foncier public, le coût d’acquisition, de location ou de location avec option d’achat des bâtiments, le coût des infrastructures internes et externes, le génie civil, le coût des travaux d’aménagement, les biens d’équipement, le matériel et outillage et, le cas échéant, toute opération d’acquisition ou de renouvellement de biens d’équipement nécessaires à la réalisation du projet d’investissement |
|
|
Stabilité de l’emploi |
18 mois minimum et nationalité marocaine |
||
Conditions |
Les mesures incitatives sont octroyées aux projets qui donnent la priorité à l’investissement durable, s’implantent dans les régions les moins développées, renforcent l’intégration locale dans les chaînes de valeur, créent un grand nombre d’emplois stables, s’inscrivent dans les secteurs prioritaires, etc. |
Remarque : les avantages prévus peuvent être cumulés jusqu’à 30 %.
Source : Décret n° 2-23-1 du 25 rejeb 1444 (16 février 2023) relatif à la mise en œuvre du système principal de soutien à l’investissement et du système de soutien spécifique applicable aux projets d’investissement à caractère stratégique. Décret n° 1-22-76 du 14 joumada I 1444 (9 décembre 2022) promulguant la loi-cadre n° 03-22 formant la Charte de l’investissement. Décret n° 1-95-213 du 14 joumada II 1416 (8 novembre 1995) promulguant la loi-cadre n° 18-95 formant la Charte de l’investissement.
La Charte précédente prévoyait également des incitations financières basées sur la localisation, qui étaient accordées exclusivement à des régions sélectionnées selon des critères similaires (Tableau 6.7). Toutefois, un changement notable de priorité est constaté : il n’est plus question de favoriser le transfert de connaissances, mais d’intégrer la production locale dans les CVM. En outre, des changements importants ont été apportés au montant minimum des investissements et au nombre d’emplois créés requis, tandis que l’accent mis sur la protection de l’environnement s’est élargi pour englober des objectifs de développement durable plus larges. Des entretiens d’enquête ont révélé que ces incitations étaient rarement utilisées par les investisseurs. Par conséquent, il est impératif de suivre et d’évaluer de près l’impact de ce nouveau régime et de procéder aux ajustements nécessaires le cas échéant.
Tableau 6.6. Incitations financières prévues par la précédente Charte de l’investissement et ses textes d’application
Copier le lien de Tableau 6.6. Incitations financières prévues par la précédente Charte de l’investissement et ses textes d’application
Définition |
Critères |
Contributions aux coûts |
|
---|---|---|---|
Montant du programme d’investissement |
Coût total de toute opération de création ou d’expansion d’une activité (coût du terrain et des infrastructures externes et internes, frais d’études et de recherche, biens d’équipement, etc.) |
|
|
Emploi stable |
2 ans minimum |
||
Transfert de technologie |
Toute opération d’acquisition ou de location de brevets d’invention, de licences ou de procédés techniques récemment établis permettant de participer au renforcement de la compétitivité et de la recherche scientifique et technique |
||
Protection de l’environnement |
Toute opération visant à améliorer les conditions de protection de l’environnement indépendamment des actions visant à éliminer ou à réduire les nuisances liées à la nature de l’activité |
||
Infrastructure externe |
Tous les équipements, hors site, du terrain supportant le projet en matière de voirie, d’assainissement, d’approvisionnement en eau, de réseaux électriques ou téléphoniques, de stations d’épuration et de travaux de terrassement |
||
Formation professionnelle |
Toute opération de formation du personnel aux fins de la mise en œuvre de son programme d’investissement |
Note : les avantages prévus peuvent être cumulés sans que la participation totale de l’État ne dépasse 5 % du montant total du programme d’investissement. Dans le cas où le projet est planifié dans une zone suburbaine ou rurale, cette participation peut atteindre 10 %. * Le critère du montant d’investissement fixé initialement en 2001 à 200 millions MAD a connu une baisse graduelle : 150 millions MAD en 2007 et 100 millions MAD en 2015.
Source : Décret n° 2-00-895 du 6kaada1421 (31 janvier 2001) nécessaire pour l’application des articles 17 et 19 de la loi-cadre n° 18-95 formant la Charte de l’investissement, tel que complété et modifié par le décret n° 2-04-847 du 8 ramadan 1425 (22 octobre 2004) et le décret n° 2.15.625 du2 moharem1437 (16 octobre 2015).
La régionalisation avancée a permis à certaines régions de mettre en place leurs propres instruments pour promouvoir l’investissement. À titre d’exemple, en 2022, la région TTA a créé un fonds pour accompagner les entreprises, attirer les investisseurs et intégrer les citoyens sur le marché du travail, en partenariat avec le CRI et l’Agence pour la Promotion et le Développement du Nord (APDN). Cet instrument tient compte des recommandations du NMD et d’autres plans nationaux et régionaux. Le fonds a pour objectif d’apporter le soutien nécessaire, par le biais d’une aide financière ou institutionnelle, aux porteurs de projets visant à créer ou à développer des activités économiques, et à promouvoir les possibilités d’emploi dans la région. Deux mécanismes d’aide à l’investissement et à la gestion sont créés au profit de projets et d’activités générateurs de revenus et d’emplois. Les entreprises bénéficiaires ne doivent pas avoir bénéficié ou encore bénéficier du soutien offert par d’autres établissements publics, et leurs activités doivent être implantées sur le territoire de la région et générer au moins entre 3 et 100 emplois directs (selon la taille de l’entreprise) au cours de leur première année d’activité, tout en assurant la pérennité de ces emplois pendant deux ans. Les grandes entreprises doivent investir au moins 10 millions de MAD et la contribution de toute entreprise doit être d’au moins 70 %.
Zones économiques spéciales, zones industrielles, parcs industriels
Les zones économiques spéciales, les zones industrielles et les parcs industriels au Maroc jouent un rôle central dans la promotion des investissements et la création d’emplois durables. Le gouvernement marocain s’efforce de créer un réseau de terrains industriels dans les différentes régions du pays. Selon le ministère de l’Industrie et du Commerce, il existe 149 zones industrielles, 10 zones d’accélération industrielle et 7 zones économiques spéciales.
Le gouvernement a su innover en matière de zones industrielles, offrant des propositions sur mesure aux investisseurs. En général, ces zones se concentrent sur des secteurs spécifiques stratégiquement positionnés dans le pays afin de générer des avantages en matière de développement. Par exemple, les parcs industriels « P2I » offrent aux investisseurs un ensemble d’éléments d’intégration, notamment des prix immobiliers compétitifs, des services complets, une administration simplifiée et un centre de formation public. En outre, sur le plan logistique, ils offrent une connectivité optimale aux réseaux de transport nationaux (Amraoui et al., 2019[29]). La Technopole d’Oujda, premier projet P2I, a été planifiée initialement pour abriter l'industrie liée aux énergies renouvelables, mais a été élargie par la suite à toute activité industrielle d'exportation. Aujourd'hui, elle accueille des projets dans l'industrie automobile et textile, contribuant ainsi à l’expertise du Maroc en matière d’efficacité solaire, éolienne et énergétique. MEDZ, leader national de l’administration des parcs industriels et partenaire privé pour le développement territorial, collabore avec différents acteurs pour réaliser cette initiative. De même, Atlantic Free Zone, P2I sectoriel destiné à l’industrie automobile, est stratégiquement positionnée entre Casablanca et Tanger sur un site de 345 hectares jouissant d’une excellente connectivité.
Politiques visant à favoriser les relations interentreprises
Les politiques de clusters pourraient améliorer la densité des entreprises et la productivité locale dans les régions moins développées en favorisant la spécialisation, en impliquant les fournisseurs et en tirant parti de la proximité pour la diffusion des connaissances (OCDE, 2022[21]). La nouvelle Charte de l’investissement met l’accent sur l’octroi d’incitations pour les projets qui contribuent fortement au développement et à l’adoption de technologies de pointe, ainsi que pour ceux qui renforcent la participation des fournisseurs établis au Maroc aux activités des investisseurs. En outre, le Maroc se concentre sur la création d’écosystèmes industriels dans lesquels les PME sont intégrées. À l’avenir, le Maroc pourra exploiter les opportunités existantes pour favoriser les liens entre les entreprises. Par exemple, les ports de la région de l’Oriental sont principalement axés sur la pêche et le transport de passagers. La mise en service du port de Nador West Med en 2025 pourrait contribuer de manière importante à la croissance économique de la région, du moins des territoires voisins. Situé à 30 km de la ville de Nador, il occupera une position privilégiée sur les routes maritimes. La réduction des coûts de transport pourrait stimuler les exportations des PME. Pour que les provinces et les territoires ruraux en bénéficient, il est important de tenir compte de la multimodalité du réseau de transport dans toute la région.
6.4. Le cadre institutionnel à plusieurs niveaux pour l’investissement et l’attractivité territoriale
Copier le lien de 6.4. Le cadre institutionnel à plusieurs niveaux pour l’investissement et l’attractivité territorialeLa régionalisation a considérablement remanié le cadre institutionnel à plusieurs niveaux du Maroc pour la promotion et la facilitation des investissements. L’organisation de ce cadre, tant au Maroc qu’à l’échelle mondiale, reflète les priorités stratégiques et les objectifs politiques des gouvernements. Ces choix ont un impact significatif sur le succès de l’attraction des IDE au niveau infranational et sur la réalisation d’un développement régional équilibré. L’analyse s’appuie sur les conclusions de l’enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional. Le degré croissant de décentralisation et le rôle grandissant que jouent les autorités infranationales dans le développement économique ont remodelé le cadre dans lequel les agences nationales et infranationales opèrent et interagissent en matière de promotion des investissements. Les organisations infranationales qui se disputent activement les investissements étrangers sont nombreuses dans les pays de l’OCDE, les API (mandatées pour promouvoir et faciliter l’IDE) et les EDO (avec un portefeuille de responsabilités plus large) opérant respectivement dans 55 % et 92 % d’entre elles (OCDE, 2023[35]).
6.4.1. Gouvernance et mandats en matière d’investissement et de développement régional
La nouvelle Charte de l’investissement met l’accent sur une gouvernance unifiée, renforcée et déconcentrée afin d’améliorer les mesures de la politique d’investissement. La charte reconnaît la nécessité absolue d’impliquer et de responsabiliser l’ensemble des parties prenantes (secteurs public et privé, autorités locales et régionales et institutions financières) pour atteindre l’objectif d’augmenter l’investissement privé à 65 % d’ici 2035 (Encadré 6.6). En outre, dans la perspective de la décentralisation, le processus de préparation et d’approbation des accords a été décentralisé, les décisions étant prises au niveau central pour les investissements dépassant 250 millions de MAD et au niveau régional pour ceux en dessous de ce seuil.
Plusieurs organismes nationaux et infranationaux partagent le mandat de promouvoir l’investissement
Le cadre institutionnel à plusieurs niveaux sur la promotion et la facilitation de l’investissement prévoit une meilleure séparation des responsabilités afin de favoriser l’attraction des investissements. Cette nouvelle classification suit la Charte Nationale de la Déconcentration Administrative, conformément au décret n° 2-17-618 de 2018, qui définit la répartition des responsabilités entre l’administration centrale et les gouverneurs, ainsi que les règles et principes des services décentralisés de l’État. La tendance au partage des responsabilités s’est accrue au cours des dernières décennies dans d’autres pays également (OCDE, 2019[36]). La nécessité de partager les responsabilités s’explique par des raisons pratiques, comme cela est courant entre les différents niveaux de gouvernement en ce qui concerne les questions de transport, d’infrastructure et d’environnement. D’autre part, la promotion décentralisée de l’investissement exige que les priorités d’investissement définies au niveau infranational soient véritablement en adéquation avec les stratégies et politiques nationales.
Au niveau national, un ministère dédié à l’investissement (MICEPP) a été créé en 2022, rattaché au Chef du Gouvernement. En outre, une Commission Nationale des Investissements, présidée par le Chef du Gouvernement, approuve les accords d’investissement pour les projets supérieurs à 250 millions de MAD. Cet organe est composé de ministres des secteurs clés. Assurer la représentation des organismes régionaux dans le processus décisionnel permet une meilleure adhésion au niveau local. À ce titre, d’après les autorités, cinq Commissions Nationales des Investissements (CNI) ont été tenues depuis la mise en application de la nouvelle charte de l'investissement, au cours desquelles 115 projets d'investissement ont été approuvés pour un montant de 173 milliards MAD, permettant la création prévisionnelle de 96 000 emplois directs et indirects. En moyenne, près de 70 % de ces investissements sont à capitaux marocains.
L’AMDIE a pour mission de promouvoir les investissements nationaux et internationaux, ainsi que de faciliter l’exportation de biens et de services. Opérant tel un outil de soutien pour l’ensemble des secteurs économiques, l’AMDIE s’engage à être un organe opérationnel efficace de promotion des investissements. Elle dispose de plusieurs leviers pour orienter l’IDE en faveur du développement régional qui sont comparables à ceux dont disposent les API nationales des pays de l’OCDE (Tableau 6.7).
Tableau 6.7. Mandats de promotion de l’investissement liés au développement régional au Maroc et dans l’OCDE
Copier le lien de Tableau 6.7. Mandats de promotion de l’investissement liés au développement régional au Maroc et dans l’OCDE
Mandats |
Maroc (AMDIE) |
OCDE |
---|---|---|
Promouvoir et faciliter l’IDE en faveur du développement régional |
Oui |
92 % |
Promouvoir et faciliter l’IDE dans des régions spécifiques |
Oui |
50 % |
Promouvoir le développement des PME ou l’investissement intérieur |
Oui |
47 % |
Promouvoir le développement régional |
Non |
28 % |
Gérer des zones économiques spéciales ou des parcs industriels |
Oui |
14 % |
Source : enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional (2022[21]).
Au niveau régional, la transformation des CRI en établissements publics a permis de les doter d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière (Tableau 6.8). La juridiction territoriale de chaque centre correspond à celle de chaque région et est soumise au contrôle de l’État. Ces centres sont chargés de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de promotion et d’incitation à l’investissement au niveau régional, ainsi qu’au soutien global des entreprises. Ces CRI, qui agissent en tant que guichets uniques, offrent des services tels que l’assistance dans les procédures administratives de création d’entreprises, le soutien aux PME dans la mise en œuvre des projets, la réception des dossiers d’investissement et l’apport d’informations publiques pertinentes.
Les CRUI, créés en 2019, opèrent au niveau régional et sont chargés d’approuver des projets inférieurs à 250 millions de MAD, en particulier ceux relevant de leur juridiction territoriale. Toutefois, les procédures détaillées et les responsabilités de surveillance de ces commissions ne sont pas précisées. La CRUI regroupe et remplace toutes les commissions territoriales existantes liées à l’investissement, servant de cadre unique pour l’évaluation, l’estimation et le traitement des dossiers d’investissement. Ses fonctions incluent notamment de statuer et de rendre des avis sur les demandes d’actes administratifs, les autorisations nécessaires à la mise en œuvre des projets et les incitations à l’investissement. Présidée par le Wali de la région, la CRUI, également connue sous le nom de Commission Régionale, comprend les gouverneurs provinciaux, les secrétaires généraux des affaires régionales et d’autres dirigeants régionaux.
Tableau 6.8. La réforme des CRI : mandats et gouvernance des principales institutions concernées
Copier le lien de Tableau 6.8. La réforme des CRI : mandats et gouvernance des principales institutions concernées
|
Comité directeur ministériel |
Commission Régionale Unifiée d’Investissement (CRUI) |
Centres Régionaux d’Investissement (CRI) |
---|---|---|---|
Mandats |
|
|
|
Ministère en charge |
Ministère de l’Intérieur |
Ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques Publiques |
|
Chef du Gouvernement |
Wali |
Wali (conseil d’administration du CRI) |
|
Fréquence des réunions |
Au moins une fois par an |
Au moins une fois par semaine |
Au moins trois fois par an (conseil d’administration du CRI) |
Membres |
|
|
|
Source : OCDE, d’après la loi n° 47.18 de 2019 relative aux réformes des CRI et à la création de la CRUI.
Les responsabilités sont partagées entre les conseils, qui représentent les autorités locales élues, et les agences locales. Le Conseil Régional, régi par la loi organique n° 111-14 relative aux régions, possède des compétences de développement régional, notamment concernant le développement économique, l’attraction des investissements, le soutien aux entreprises et la création de zones d’activité économique. Les Agences Régionales d’Exécution des Projets (AREP) mettent en œuvre les projets approuvés, offrant une assistance technique et financière sur demande des Conseils Régionaux au cours des différentes étapes du projet.
La clarté de la répartition des mandats entre les différentes institutions pourrait être encore améliorée
Le Maroc dispose d’un système d’attribution des mandats pour l’investissement et l’attractivité territoriale, en distinguant les mandats nationaux, régionaux et partagés. Le tableau 5.8 classe ces mandats en quatre catégories clés : élaboration et mise en œuvre de stratégies, réglementation du climat des affaires, promotion de l’investissement et facilitation de l’investissement. Malgré la déconcentration de la gouvernance et le partage des responsabilités en matière de développement régional par le biais de l’IDE entre les différents ministères et niveaux de gouvernement, il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne la promotion et la facilitation des investissements.
Tableau 6.9. Attribution des investissements et mandats d’attractivité territoriale
Copier le lien de Tableau 6.9. Attribution des investissements et mandats d’attractivité territoriale
Mandats nationaux spécifiques |
Mandats régionaux spécifiques |
Mandats partagés |
Institutions impliquées |
Mécanismes de coordination |
|
---|---|---|---|---|---|
Élaboration et mise en œuvre de stratégies |
|
|
|
Conseil Régional CRI AMDIE Commission Nationale des Investissements Directions régionales Acteurs locaux Organismes étatiques AREP |
Contrat État – région Programmes Accords |
Réglementations liées au climat des affaires |
|
|
|
CNEA Wali CRI CGEM Directions régionales Acteurs locaux Organismes étatiques |
CNEA |
Promotion des investissements |
|
|
|
AMDIE CRI |
Absence de mécanismes de coordination |
Facilitation des investissements |
|
|
|
CRI CRUI |
Commission interministérielle de pilotage de la réforme des Centres Régionaux d’Investissement présidée par le Premier ministre |
Source : élaboré par l’OCDE d’après un questionnaire partagé dans le cadre de cet examen.
L’élaboration et la mise en œuvre de stratégies et de réglementations sur le climat des affaires montrent une répartition claire des rôles, impliquant de nombreuses parties prenantes dans la prise de décision. Au niveau national, la Commission Nationale des Investissements, le MICEPP et l’AMDIE jouent un rôle central dans la formulation de stratégies et la mise en place de cadres juridiques. Au niveau régional, la participation des Conseils Régionaux et des CRI est essentielle, car ils contribuent à l’élaboration des stratégies et à la mise en œuvre de stratégies sectorielles au niveau régional. De même, dans le domaine de la réglementation du climat des affaires, le Comité National de l’Environnement des Affaires (CNEA) est une plateforme de dialogue public-privé qui informe sur les difficultés potentielles et les réformes dans le cadre juridique au niveau national, tout en tenant compte des contributions des institutions régionales. La collaboration garantit une mise en œuvre adéquate au niveau régional, avec une responsabilité partagée entre les parties prenantes. Les mécanismes de coordination tels que les contrats État-région, les commissions interministérielles et les Commissions Régionales Unifiées d’Investissement facilitent une collaboration efficace entre les entités nationales et régionales en matière d’élaboration de stratégies et de facilitation des investissements.
La répartition des mandats en matière de promotion des investissements se caractérise par un partage minimal des responsabilités, le seul mandat partagé étant la participation à des événements. La structure existante repose principalement sur l’AMDIE en tant qu’entité nationale, et sur les CRI au niveau régional. Des progrès sont encore possibles en matière de renforcement de la collaboration et de partage des responsabilités avec les organismes infranationaux.
6.4.2. Les mécanismes de coordination pourraient contribuer à la mise en œuvre des réformes de l’attractivité territoriale
Le Maroc a défini des mandats spécifiques pour l’investissement aux niveaux national et régional, mais il est possible d’améliorer les mécanismes de coordination. Par exemple, la CRUI joue un rôle essentiel dans la coordination régionale en supervisant les services publics décentralisés et en assurant le bon fonctionnement des établissements publics régionaux. Les CRI collaborent avec les autorités régionales compétentes pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies de promotion des investissements et d’incitation alignées sur les directives gouvernementales par l’intermédiaire du conseil d’administration. Leur coordination est essentielle pour garantir que les investissements potentiels et existants contribuent positivement au développement régional. Un moyen de renforcer cet effet est de disposer d’institutions qui surveillent l’emploi afin de remédier à d’éventuelles pénuries de main-d’œuvre. Il est également indispensable de séparer les fonctions de promotion et de facilitation des CRI des responsabilités décisionnelles des CRUI, même lorsque les deux organismes sont présidés par le Wali. Le non-respect de cette obligation peut semer la confusion et compromettre la capacité des CRI à représenter les préoccupations des investisseurs tout en réglementant leurs activités. Trouver un équilibre entre la prise de décision stratégique centralisée et l’autonomie des agences infranationales est essentiel pour promouvoir efficacement les investissements dans les régions.
Les gouvernements peuvent habiliter les organismes infranationaux à collaborer avec les API nationales. Cette collaboration devient difficile en l’absence de mandats officiels de coordination. Définir des mandats de coordination et faciliter la mise en place de mécanismes à tous les niveaux de gouvernement, tout en impliquant d’autres parties prenantes, pourrait permettre de relever efficacement ce défi. Au Maroc, il existe une gouvernance et des mandats sur la promotion des investissements en faveur du développement régional, mais des mandats de coordination plus clairs avec les CRI et des ressources adéquates pour la coopération constituent un défi (Tableau 6.10). Le fait que le MICEPP joue désormais un rôle de premier plan dans les initiatives de politique d’investissement et de promotion contribuera progressivement à clarifier les mandats et à mettre en œuvre des mécanismes de coordination efficaces entre l’AMDIE et les CRI.
Tableau 6.10. Principaux défis rencontrés par l’AMDIE dans sa relation avec les CRI
Copier le lien de Tableau 6.10. Principaux défis rencontrés par l’AMDIE dans sa relation avec les CRI
Moyenne des API infranationales de l’OCDE |
Maroc |
|
---|---|---|
1 |
Manque de connaissance des stratégies et activités des API infranationales |
Pas de mandat officiel de l’API nationale pour coordonner les initiatives infranationales de promotion et de facilitation de l’investissement |
2 |
Manque de ressources pour coopérer convenablement |
Manque de connaissance des stratégies et activités des API infranationales |
3 |
Manque de communication ou canaux de communication inefficaces |
Manque de ressources pour coopérer convenablement |
4 |
Manque de clarté des mandats |
Manque de clarté des mandats (p. ex. doublons ou similitude des mandats) |
5 |
Pas de mandat officiel de l’API nationale pour coordonner les initiatives infranationales de promotion et de facilitation de l’investissement |
Manque de volonté de coopérer (au niveau politique) |
6 |
Manque de volonté de coopérer (au niveau politique) |
Manque de volonté de coopérer (au niveau technique) |
7 |
Objectifs de développement politique ou économique contradictoires entre les API nationales et infranationales |
Objectifs de développement politique ou économique contradictoires entre les API nationales et infranationales |
8 |
Manque de volonté de coopérer (au niveau technique) |
Manque de communication ou canaux de communication inefficaces |
Source : enquête de l’OCDE sur la promotion de l’investissement et le développement régional (2022[21]).
Selon l’AMDIE, les relations avec les CRI sont solides en matière de complémentarité et de collaboration (Graphique 6.13). Dans les pays de l’OCDE, le niveau de complémentarité des activités est généralement plus élevé que celui de la collaboration, ce qui reflète le rôle plus clair que jouent les API nationales et les organismes infranationaux vis-à-vis des investisseurs (OCDE, 2022[21]). Au Maroc, bien que le niveau de complémentarité soit élevé, il existe encore des doublons ou des similitudes entre les mandats (Conseil Économique, Social et Environnemental, 2023[4]) et c’est l’un des principaux défis auxquels l’AMDIE est confrontée (Tableau 6.10). Les institutions régionales ont souvent une bonne compréhension des dynamiques locales et peuvent contribuer à l’élaboration de mandats adaptés. Tirer parti des rôles distincts de chaque entité infranationale pourrait s’avérer bénéfique pour étendre les responsabilités partagées et améliorer les résultats pour les régions les moins développées du Maroc.
L’AMDIE et les CRI disposent de plusieurs moyens pour renforcer la coordination en matière d’investissement infranational. Le renforcement du partage de l’information et l’intensification des activités conjointes pourraient consolider les liens entre ces entités. Par exemple, la mise en place d’une plateforme numérique interne contenant des informations en temps réel pourrait contribuer à stimuler les efforts de coordination. Les CRI pourraient fournir à l’AMDIE des informations précieuses concernant les offres aux investisseurs et le positionnement régional, tandis que l’AMDIE pourrait rendre la pareille en partageant les manifestations d’intérêt des investisseurs étrangers. S’appuyer sur l’expertise des CRI en matière de développement de plateformes numériques, comme le montre le baromètre des investissements dans la région de l’Oriental, pourrait être une mesure rentable et rapide pour améliorer la compréhension par les autorités des tendances en matière d’investissement et leur capacité à attirer les IDE dans leurs régions. Cette approche à double sens permettrait non seulement d’accroître l’efficacité de l’attraction des IDE, mais aussi d’éviter une concurrence malsaine entre les régions en favorisant une vision nationale qui contribue à la compétitivité régionale (Heilbron et Kronfol, 2020[37]).
La mise en œuvre de mécanismes de coordination tels que le modèle adopté avec succès par Invest in Spain pourrait renforcer davantage la collaboration entre les différents CRI et l’AMDIE (Encadré 6.8). Grâce à ces mécanismes, les parties prenantes peuvent échanger les bonnes pratiques, partager leurs expériences et concevoir des stratégies visant à accroître la visibilité et l’attractivité des investissements au niveau territorial. Cette plateforme de collaboration favoriserait la confiance et la concurrence loyale entre les organismes infranationaux, ce qui, à terme, renforcerait la transparence des propositions de valeur et favoriserait de meilleurs résultats en matière d’investissement.
Encadré 6.8. Outils numériques pour soutenir la promotion des investissements nationaux et infranationaux en France et en Espagne
Copier le lien de Encadré 6.8. Outils numériques pour soutenir la promotion des investissements nationaux et infranationaux en France et en EspagneInteractua, l’outil de coordination des TIC pour la promotion des investissements au niveau infranational
ICEX-Invest in Spain, en collaboration avec les API infranationales des communautés autonomes, a développé la plateforme TIC Interactua, un logiciel innovant de type CRM qui est devenu un outil fondamental pour structurer la relation entre ces entités. L’outil permet la gestion conjointe de nombreuses activités liées aux projets d’investissement, la gestion des activités de promotion des investissements et l’échange d’informations (actualités, documentation, bases de données).
L’un de ses éléments clés est un mécanisme par lequel les manifestations d’intérêt des investisseurs étrangers reçues par ICEX-Invest in Spain sont annoncées et ensuite partagées avec les API infranationales. Ces dernières soumettent ensuite des propositions avec la valeur ajoutée de leur emplacement pour le projet d’investissement. L’outil de coordination permet aux API infranationales de communiquer et de se coordonner directement avec les investisseurs potentiels, rendant l’annonce du projet d’investissement potentiel confidentielle pour le client et transparente pour les API infranationales.
Interactua est un exemple de plateforme réussie pour les investisseurs étrangers, qui ne sont pas toujours conscients des différences entre les lieux. Parallèlement, elle renforce la concurrence loyale entre les API infranationales en veillant à ce qu’elles soient informées de manière égale des possibilités offertes et en leur permettant de présenter des propositions de valeur solides et claires. Cette transparence peut également contribuer à maintenir un niveau élevé de confiance entre les diverses parties prenantes.
Team France Invest, une nouvelle approche de la coopération
Développé par Business France et ses partenaires infranationaux, Team France Invest est un cadre de coordination régionale qui vise à accroître l’efficacité de la collaboration entre les API nationales et infranationales, à aider à identifier des domaines d’action commune et à garantir l’impartialité et la neutralité vis-à-vis de toutes les régions.
Dans ce cadre, le processus de sélection d’un lieu d’investissement a été simplifié et est mené conjointement par Business France et les API infranationales. Ce processus commence lorsque Business France identifie un nouveau lead, qui est ensuite téléchargé dans le CRM de l’agence. Les informations relatives au projet sont ensuite transmises à la plateforme en ligne SINPA, à laquelle ont accès tous les prospecteurs Business France et les partenaires régionaux. Pour procéder à la sélection finale de la région, le COSPE, un comité composé de Business France et de représentants de toutes les API régionales, examine d’abord les projets en cours. Sur la base de critères de localisation, le comité présélectionne un certain nombre de régions, qui doivent ensuite envoyer leur offre par l’intermédiaire de la plateforme SINPA. Enfin, Business France assure un suivi auprès de l’investisseur et informe les partenaires régionaux de la décision.
Grâce à cette approche de coordination infranationale, Business France a été en mesure de réduire sa charge administrative, tout en soutenant le développement de compétences locales orientées vers l’attraction et la facilitation des IDE et en améliorant la perception que les partenaires locaux ont de ses travaux.
Source : Fernandez, Blanco & Aranda (2021[38]), Coordination Nationale et Infranationale pour l’Attraction des Investissements : Le cas de l’Espagne, Washington, DC: Banque mondiale, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/35235 ; OCDE (2022[21]), « La géographie de l’investissement étranger dans les pays membres de l’OCDE : Comment les agences de promotion de l’investissement soutiennent le développement régional », documents de politique économique et financière de l’OCDE, N° 20, Éditions OCDE, Paris, https://do’.org/10.1787/1f293a25-en ;OCDE (2023[39]), Examen des qualités de l’IDE de la Croatie : Promotion du cadre stratégique pour la promotion et la facilitation de l’investissement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/79b2345b-en/.
En outre, les API infranationales ont souvent montré une grande capacité à travailler en tant que coordinatrices (Encadré 6.9). Dans le cas de la région de Poméranie en Pologne, l’attribution du rôle de coordinateur a contribué à améliorer la coordination et la coopération entre les différentes institutions publiques et paraétatiques de la région, fonctionnant comme un intégrateur et un maillon central d’un vaste réseau de différentes institutions publiques et paraétatiques.
Encadré 6.9. Invest in Pomerania : une API régionale dont la force réside dans son rôle de coordination
Copier le lien de Encadré 6.9. Invest in Pomerania : une API régionale dont la force réside dans son rôle de coordinationEn 2011, la région de Poméranie en Pologne, en collaboration avec plusieurs institutions locales, a créé « Invest in Pomerania » en tant qu’agence régionale de promotion des investissements. L’objectif était de créer une entité unique qui attirerait et faciliterait efficacement l’IDE dans la région et servirait également d’interface entre les investisseurs, les autorités locales et les autres parties prenantes. L’agence a commencé à petite échelle et a considérablement augmenté en taille et en fonctions. Actuellement, elle coordonne différentes actions, notamment l’attraction des investissements, la mise en relation des services, la création d’innovations, le développement des fournisseurs locaux, la mise en place d’un guichet unique et la promotion de l’investissement intérieur.
L’une des principales réussites de l’agence est l’augmentation du nombre de projets d’IDE et d’investissements. En particulier, les secteurs prioritaires d’Invest in Pomerania ont connu une croissance plus importante dans la région que les secteurs non prioritaires. Entre 2011 et 2018, la valeur ajoutée brute dans les secteurs prioritaires a enregistré un taux de croissance annuel composite de 7.4 %, tandis que les autres secteurs n’ont progressé que de 4.1 %. Les secteurs prioritaires semblent également avoir connu une augmentation plus importante du nombre d’entreprises et de personnes employées depuis la création de l’agence.
Ce succès s’explique en partie par son rôle de coordination entre les différentes parties prenantes de la région et par son souci de ne fournir qu’un certain nombre de services et d’activités essentiels afin d’éviter de disperser les efforts dans un trop grand nombre de tâches différentes. Par exemple, en concentrant ses efforts de promotion sur le cluster IT-BPO, Invest in Pomerania alloue suffisamment de ressources et d’attention pour soutenir sa croissance de manière ciblée. L’une de ces activités ciblées prend la forme de l’initiative « Live More. Pomerania », qui attire de nouveaux talents dans l’industrie en mettant en relation les établissements d’enseignement supérieur avec marché du travail grâce à une plateforme de recrutement numérique.
Source : Steenbergen, Eltgen & Mincu (2023[40]), « Évaluation de l’impact de l’investissement en Poméranie 2011-2020 : Pologne - Évaluation et Stratégie des IDE en Poméranie », http://documents.worldbank.org/curated/en/099300012242224175/P17571007530920f40bb180c6efc40ff408.
Une autre approche complémentaire consiste à créer un réseau interministériel informel pour réunir tous les acteurs concernés par la promotion et la facilitation des investissements au niveau infranational ou d’élaborer un accord conjoint qui clarifie le rôle et les fonctions de chaque organisme. Le Costa Rica, le Portugal et la Türkiye, entre autres pays, ont tous mis en place des réseaux formels ou informels ou des organes de coordination qui rassemblent les acteurs nationaux et infranationaux impliqués dans la promotion et la facilitation des investissements (Encadré 6.10). Ces organismes réunissent souvent des API infranationales ou des organismes de la même subdivision territoriale jugés les plus appropriés. Dans l’ensemble, les mécanismes de coordination sont plus répandus et sophistiqués entre les API nationales et infranationales qu’avec d’autres entités locales (OCDE, 2022[21]).
Encadré 6.10. Mécanismes de coordination nationaux et infranationaux dans certains pays de l’OCDE
Copier le lien de Encadré 6.10. Mécanismes de coordination nationaux et infranationaux dans certains pays de l’OCDEPour améliorer la coopération avec les agences et les autorités locales, certaines API nationales de l’OCDE ont créé des départements ou des réseaux spécifiques. En Türkiye, l’API disposait à l’origine d’un département spécialisé dont le mandat principal était de développer des mécanismes de coopération avec les API infranationales. Le département n’a fait qu’organiser des « réunions de coopération » et n’a pas été en mesure de présenter de résultat concret. Il a donc été dissous et la responsabilité a été confiée à un département opérationnel de l’agence qui est désormais en mesure de mener des activités concrètes en coopération avec les API infranationales. L’ancienne API du Costa Rica a adopté l’approche inverse et a créé une division spécialisée pour la promotion des investissements en dehors de la grande région métropolitaine. Cette unité travaille avec plusieurs groupes de la communauté, y compris les municipalités et les organismes de développement privé-public ainsi que les universités et les établissements de formation. Le Portugal a lancé en 2021 le Programme national d’internationalisation économique, qui vise à renforcer la promotion des territoires et les compétences des agents territoriaux dans leurs processus de promotion et de suivi des investissements. Le programme encourage l’action interinstitutionnelle pour accroître les flux d’IDE et parvenir à une répartition équilibrée des investissements dans l’ensemble du pays. AICEP Portugal Global travaille en étroite collaboration avec les autorités locales pour promouvoir différents sites dans les régions auprès des investisseurs étrangers.
Source : OCDE (2023[39]), « Examen des qualités de l’IDE de la Croatie : Promotion du cadre stratégique pour la promotion et la facilitation de l’investissement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/79b2345b-en.
En conclusion, favoriser une collaboration efficace entre l’AMDIE et les CRI, en particulier dans le domaine de la promotion et de la facilitation des investissements, reste un défi majeur pour le Maroc. Remédier aux disparités dans les niveaux de collaboration avec les CRI, améliorer les mécanismes de coordination et tirer parti des rôles distincts de chaque entité sont des étapes essentielles pour atteindre les objectifs de développement régional. En favorisant la transparence, la confiance et la concurrence loyale entre les parties prenantes, le Maroc peut renforcer son attractivité aux yeux des investisseurs et stimuler une croissance durable dans ses régions. Pour consolider les progrès du Maroc dans ce domaine, il sera essentiel de tirer les enseignements des modèles de coordination réussis dans d’autres pays et d’explorer des approches novatrices, telles que la création d’organes de coordination interinstitutionnels. Enfin, une action concertée visant à renforcer la collaboration et la coordination à tous les niveaux de gouvernance sera essentielle pour exploiter le plein potentiel économique du Maroc et favoriser un développement inclusif.
Références
[19] AEOLON (2023), Aeolon builds the first overseas MW wind turbine blade production base in Morocco, https://aeolon.com.cn/en/article-36635-111250.html.
[26] AFD (2017), L’accès et le maintien des femmes à l’emploi de qualité au Maroc, en Tunisie, et en Turquie, Agence Française de Développement.
[17] Agence de l’Orientale (2014), L’Initiative Royale pour le Développement de la region de l’Orientale, https://www.oriental.ma/_files/ugd/c23816_b3545a541da6454ea3ac99f72259b5ca.pdf.
[25] Ait Soussane, J. et M. El Halaissi (2020), « Le rôle de la disparité régionale dans l’impact de l’aménagement du territoire sur l’attractivité des IDE dans les régions du Maroc », Repères et Perspectives Economiques, vol. Vol. 4, N.1, pp. 65-94, https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=18963.
[32] AMDIE (2022), The Investment Charter, http://www.morocconow.com.
[29] Amraoui, B. et al. (2019), « Performance of clusters in Morocco in the shifting economic and industrial reforms », Insights into Regional Development, vol. 1/3, pp. 227-243, https://hal.science/hal-02188850v1/file/Amraoui_Performance_of_clusters_in_Morocco_in_the_shifting_economic_and_industrial_reforms.pdf.
[1] Banque mondiale (2019), « Morocco: Recent developments », https://thedocs.worldbank.org/en/doc/919381570664049212-0280022019/original/ENMPOOCT19Morocco.pdf (consulté le 29 février 2024).
[13] Banque mondiale (2019), World Bank Enterprise Survey, https://www.enterprisesurveys.org/en/enterprisesurveys.
[3] Benkada, A. et al. (2018), « Regional financial governance: a lever for change for advanced regionalisation in Morocco », International Journal of Scientific & Engineering Research, https://hal.science/hal-01863723.
[7] Bird & Bird (2017), Regionalisation in Morocco: Progress to be consolidated, https://www.twobirds.com/en/insights/2017/global/africa-newsletter-feb/regionalization-in-morocco.
[23] China Development Institute et Z/Yen (2023), The Global Financial Centres Index 34, http://www.zyen.com.
[4] Conseil Économique, Social et Environnemental (2023), Pour un développement harmonieux et inclusif des territoires : les inflexions majeures, https://www.cese.ma/media/2024/01/2avis-les-inflexions-majeures-VF.pdf.
[10] CSMD (2021), Morocco’s New Development Model, https://www.csmd.ma/documents/CSMD_Report_EN.pdf.
[30] Farouk, N. (2023), Three essays in structural change economics, https://pastel.hal.science/tel-03947264.
[38] Fernandez, M., A. Blanco et Y. Aranda Larrey (2021), National-Subnational Coordination for Investment Attraction: The Case of Spain, Banque mondiale, Washington DC, https://hdl.handle.net/10986/35235.
[22] FT fDi Markets (2023), Database of crossborder greenfield investments, https://www.fdimarkets.com/.
[6] García, R. et Á. Collado (2015), « The project of advanced regionalisation in morocco: Analysis of a lampedusian reform », British Journal of Middle Eastern Studies, vol. 42/1, pp. 46-58, https://doi.org/10.1080/13530194.2015.973187.
[28] Government of New South Wales (2022), Regional NSW Investment Attraction Strategy 2022-2027, https://www.nsw.gov.au/sites/default/files/2022-10/20221024%20Investment%20Attraction%20booklet%20accessible.pdf.
[18] Haute-Commissariat au Plan (2021), Monographie de la région de l’Oriental, https://www.hcp.ma/region-oriental/docs/Monographies/Monographie%20de%20la%20region%20-%20Janvier%202021.pdf.
[37] Heilbron, A. et H. Kronfol (2020), « Increasing the Development Impact of Investment Promotion Agencies », dans Global Investment Competitiveness Report 2019/2020 : Rebuilding Investor Confidence in Times of Uncertainty, Banque mondiale, https://doi.org/10.1596/978-1-4648-1536-2_ch5.
[2] IMF (2023), Morocco: Request for an Arrangement Under the Resilience and Sustainability Facility-Press Release; Staff Report; Supplement; Staff Statement; and Statement by the Executive Director for Morocco, https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2023/10/26/Morocco-Request-for-an-Arrangement-Under-the-Resilience-and-Sustainability-Facility-Press-540896 (consulté le 29 février 2024).
[14] Ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau (2019), Données relatives à la Region de l’Oriental, https://www.equipement.gov.ma/Carte-Region/RegionOujda/Presentation-de-la-region/Monographie/Documents/monographie242.pdf.
[12] Ministère de l’Interieur (2021), Schéma regional d’amenagement du territoire de la région Tanger-Tétouan-Al-Hoceima, Conseil de la région Tanger-Tétouan-Al-Hoceima.
[27] Ministère de l’interieur (2022), Programme de développement régional: guide méthodologique, Ministère de l’interieur, https://www.collectivites-territoriales.gov.ma/sites/default/files/pnct/2022-09/Guide%20PDR%20VF%20%281%29.pdf.
[11] Ministry of Youth, C. (2023), « Reducing 45% of Documents Required in Investment Field Will Contribute to Improving Business Climate », https://www.maroc.ma/en/news/reduction-45-documents-required-investors-following-simplification-and-digitization-22.
[39] OCDE (2023), FDI Qualities Review of Croatia: Advancing the Strategic Framework for Investment Promotion and Facilitation, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/79b2345b-en.
[35] OCDE (2023), « Subnational investment promotion and decentralisation in the OECD: Strategies and institutions », OECD Business and Finance Policy Papers, n° 40, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/ffd0927d-en.
[21] OCDE (2022), « The geography of foreign investment in OECD member countries: How investment promotion agencies support regional development », OECD Business and Finance Policy Papers, n° 20, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1f293a25-en.
[20] OCDE (2020), OECD Investment Policy Reviews: Indonesia 2020, OECD Investment Policy Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b56512da-en.
[31] OCDE (2019), OECD Regional Outlook 2019: Leveraging Megatrends for Cities and Rural Areas, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264312838-en.
[36] OCDE (2019), Réussir la décentralisation : Manuel à l’intention des décideurs, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/551847c0-fr.
[5] OCDE (2018), Dialogue Maroc-OCDE sur les politiques de développement territorial: Enjeux et Recommandations pour une action publique coordonnée, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264302884-fr.
[8] Oxford Business Group (2020), The Report Morocco 2020, http://www.theoxfordbusinessgroup.com.
[9] Rodriguez-Pose, A. et M. Vidal-Bover (2022), « Unfunded mandates and the economic impact of decentralisation. When finance does not follow function », Papers in Evolutionary Economic Geography (PEEG), https://ideas.repec.org/p/egu/wpaper/2221.html (consulté le 9 novembre 2022).
[34] Royaume du Maroc (2022), Framework Law No. 03-22 establishing the Investment Charter, http://www.sgg.gov.ma/BO/FR/2873/2022/BO_7152_Fr.pdf.
[16] Royaume du Maroc (2003), discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l’occasion de la visite officielle du Souverain dans la région de l’Oriental, https://www.firo.ma/Discours_Initiative_Royale.pdf.
[40] Steenbergen, V., M. Eltgen et A. Mincu (2023), Impact Evaluation of Invest in Pomerania 2011-2020 : Poland - FDI Evaluation and Strategy for Pomerania (English), Banque mondiale, Washington, D.C., http://documents.worldbank.org/curated/en/099300012242224175/P17571007530920f40bb180c6efc40ff408.
[33] UNCTAD (2022), « Morocco Adopts a new Investment Charter », Investment Policy Monitor, https://investmentpolicy.unctad.org/investment-policy-monitor/measures/4186/morocco-adopts-a-new-investment-charter.
[15] UNCTAD (2011), Guide de l ’investissement dans la région de l’Oriental du Maroc, https://unctad.org/fr/system/files/official-document/diaepcb2010d10_fr.pdf.
[24] UNCTAD et International Chamber of Commerce (2012), « An investment guide to the Oriental Region of Morocco : opportunities and conditions 2012 », http://digitallibrary.un.org/record/740332.