Cette nouvelle édition du Panorama des pensions, publiée alors que la pandémie sévit depuis presque deux ans, livre de nouveaux éclairages sur les conséquences de la crise pour les retraités et les régimes de retraite. Dans la majorité des pays de l’OCDE, les retraités ont été épargnés par les répercussions économiques de la crise du fait que les pensions servies ont été généralement préservées. Ce qui n’est pas le cas pour les régimes de retraite, mis quant à eux à rude épreuve par la diminution des cotisations perçues.
Les prestations de retraite ont été protégées, mais les régimes de retraite ont subi de nouvelles tensions financières en raison des exemptions de cotisations dont ont bénéficié entreprises et particuliers pendant la crise, même si ces pertes de cotisations ont été au moins en partie compenséese par des transferts de l’assurance chômage et des fonds publics dans de nombreux cas. Par ailleurs, malgré une forte mortalité des personnes âgées, les économies sur les dépenses de retraite ont été modestes dans l’ensemble.
L’impact de la crise sur les régimes de retraite pourrait néanmoins être de courte durée si la relance économique observée depuis quelques mois dans la plupart des pays se poursuit. Outre des signes encourageants dans de nombreux cas, les nouvelles embauches et le retour aux heures de travail normales aideront à renflouer les régimes de retraite publics. Si, toutefois, les tensions sur finances publiques s’intensifient – par exemple avec l’augmentation du coût de la dette – et nécessitent de trouver des sources d’économies, les dépenses de retraite risquent elles aussi d’être touchées. Il est encore trop tôt pour évaluer la situation.
Les futures retraites, en revanche, pourraient être sérieusement compromises par la crise. Les jeunes, qui ont subi de plein fouet l’impact économique et social de la crise, risquent de voir abaisser leurs prestations futures, et ce surtout si les plaies laissées par la crise mettent longtemps à cicatriser et ralentissent leur progression professionnelle. Les retraits précoces de l’épargne‑retraite pour soulager les difficultés matérielles, autorisés dans des pays comme le Chili, pourraient eux aussi entraîner des problèmes à long terme : à moins qu’une plus forte épargne future vienne compenser ces retraits, le niveau des prestations futures sera inévitablement faible.
Autant de problèmes dérisoires lorsqu’ils sont comparés à l’effet du vieillissement démographique sur les régimes de retraite, qui n’a lui rien de nouveau. S’il est tout à fait naturel que la pandémie de COVID‑19 ait accaparé l’attention des citoyens et des responsables de l’action publique, l’enjeu primordial à long terme pour les retraites continue d’être la viabilité financière et sociale des pensions. De précédentes éditions du Panorama des pensions et des Perspectives de l’OCDE sur les pensions l’ont régulièrement souligné, les bases des régimes de retraite ne pourront être consolidées pour l’avenir sans prendre des décisions difficiles : augmenter les cotisations, relever l’âge de la retraite ou diminuer les pensions. Des décisions d’autant plus difficilse que les réformes des retraites sont parmi les plus controversées, les moins appréciées et potentiellement les plus périlleuses.
Les pays n’ont pas perdu de vue les défis à long terme posés par les retraites, même pendant la crise. Ces deux dernières années, le Brésil et la Suède ont durci les conditions d’accès aux pensions contributives en relevant l’âge de la retraite. Les réformes menées en Allemagne, au Chili, en Lettonie, au Mexique, en République slovaque et en Slovénie accordent toutes une attention particulière à la viabilité sociale en protégeant les petites retraites. On observe parallèlement des compromis politiques dans quelques-uns des programmes de réforme récents. Par exemple, le relèvement de l’âge de la retraite est souvent accompagné d’un assouplissement des conditions de départ à la retraite anticipée. D’autres pays on fait marche arrière, revenant sur des réformes ambitieuses et optant pour des changements plus graduels.
Selon les prévisions de la Commission européenne, le ratio entre la pension moyenne et le salaire moyen diminuera d’un quart à l’horizon 2070, ce qui stabiliserait les dépenses de retraite en proportion du PIB dans de nombreux pays malgré le vieillissement. Il reste cependant à voir si ces réductions se concrétiseront. L’analyse des deux dernières décennies, marquées par une activité réformatrice intense dans le domaine des retraites, révèle que ce ratio est demeuré généralement stable dans les pays de l’OCDE; constat qui suggère que de nombreux compromis sont à l’origine du détricotage partiel des réformes prévues.
Pour éviter de s’embourber dans de longs débats politiques à chaque modification du régime de retraite, beaucoup de pays ont introduit des mécanismes d’ajustement automatique : un ensemble de règles qui ajustent automatiquement les paramètres du régime de retraite (âge de la retraite, montant des prestations ou des cotisations) en fonction des variations des indicateurs démographiques, économiques ou financiers.
Environ deux tiers des pays de l’OCDE utilisent une forme ou une autre de mécanisme d’ajustement automatique dans leur régime de retraite. Six d’entre eux sont dotés de régimes notionnels à cotisations définies, sept ajustent les conditions d’accès à la retraite en fonction de l’espérance de vie, et six ajustent les niveaux de pension en fonction des variations de l’espérance de vie, des ratios démographiques ou de la masse salariale. Enfin, sept pays utilisent un mécanisme d’équilibrage financier.
Cependant, comme le montre cette édition du Panorama des pensions, ces mécanismes n’apportent de solution qu’à une partie seulement des problèmes des régimes de retraite face au vieillissement démographique. Ils peuvent certes réduire le besoin d’interventions ad hoc et de longues négociations des règles du côté du gouvernement, mais ils ne peuvent pas isoler les régimes de retraite des décisions politiques et ne leur permettent pas de s’autopiloter. Ce qui est bienvenu puisque les gouvernements doivent rester libres de modifier les règles face à des situations exceptionnelles et libres d’adapter leur politique des retraites à l’évolution du marché du travail et des conditions sanitaires et sociales.
Les mécanismes d’ajustement automatique présentent l’avantage de définir la direction que doivent prendre les régimes, sachant qu’un changement d’orientation exigera au moins des explications et des discussions, et qu’il mettra les compromis en évidence. L’analyse par l’OCDE des expériences des pays montre qu’effectivement, au fil des ans, les mécanismes d’ajustement automatique ont parfois été suspendus, voire éliminés, pour éviter la réduction des pensions et le relèvement de l’âge de la retraite fixés par les mécanismes d’ajustement automatique. Il peut être nécessaire de suspendre les ajustements automatiques pour apaiser les craintes de corrections trop dures au bas de l’échelle de répartition des revenus, mais les gouvernements devraient alors avoir en place un plan B concret pour le financement à long terme des dépenses de retraite.
Dans l’ensemble, parallèlement à l’abandon progressif des mesures de gestion de la crise du COVID‑19, les gouvernements devraient s’attaquer aux problèmes structurels les plus pressants qui se posent pour les régimes de pension dans le cadre de leurs plans de relance. Les mécanismes d’ajustement automatique sont un outil essentiel pour des régimes de retraite solides. Cette édition du Panorama des pensions présente plusieurs principes de conception des mécanismes d’ajustement automatique visant l’amélioration de la viabilité financière et sociale des régimes de retraite. Elle fournit aussi des orientations pour l’élaboration et la mise en œuvre de ces mécanismes.
Stefano Scarpetta
Directeur, Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE
Mathilde Mesnard,
Directrice par intérim, Direction des affaires financières et des entreprises de l’OCDE