Le présent chapitre s’intéresse à l’évolution des pensions depuis deux ans, y compris aux effets à la fois de la crise du COVID‑19 et des réformes des retraites introduites dans les pays de l’OCDE et du G20 entre septembre 2019 et septembre 2021. Face à la crise du COVID‑19, des mesures ont été introduites pour protéger les revenus des travailleurs et des retraités, mais aussi pour limiter les pertes d’emploi, sans grandes conséquences pour les droits à retraite accumulés. D’autre part, les récentes réformes des retraites ont principalement consisté à ajuster l’âge de la retraite, à étendre l’accès à la retraite anticipée, à augmenter les pensions du premier tiers et à ajuster les prestations et les cotisations dans les régimes contributifs, notamment pour encourager le cumul emploi-retraite. Ce chapitre livre également une synthèse des effets du vieillissement sur les dépenses de retraite depuis 2000 et analyse l’éventuel ralentissement des gains de longévité avant la crise du COVID‑19.
Panorama des pensions 2021 (version abrégée)
Chapitre 1. Réformes récentes des retraites
Abstract
Introduction
Dans le monde entier, la crise du COVID‑19 a laissé des traces profondes. Depuis la précédente édition du Panorama des pensions en 2019, le virus a causé des ravages, et ce en particulier parmi la population âgée. Les pays de l’OCDE ont pris des mesures inédites et immédiates pour faire face aux problèmes sanitaires, limiter les effets de la pandémie sur les marchés du travail, soutenir les revenus et ajuster les politiques macroéconomiques.
Les revenus des retraités actuels sont généralement bien protégés pendant les périodes de ralentissement économique car ces personnes ne dépendent généralement pas du marché du travail et continuent de percevoir leurs pensions, sauf coupes ponctuelles pour des raisons budgétaires. Tel est le cas depuis deux ans et les personnes âgées ont même bénéficié de mesures de soutien supplémentaires ciblées dans de nombreux pays. Par ailleurs, le recours élargi aux dispositifs de maintien dans l’emploi et l’extension des mesures de protection contre le chômage ont considérablement limité les effets de la crise du COVID‑19 sur les pensions futures. L’entrée sur le marché du travail est cependant devenue beaucoup plus difficile et les perspectives professionnelles des plus jeunes générations se sont assombries. Les effets des perturbations du marché du travail liées à la pandémie sur les pensions futures de la jeunesse actuelle devraient être modestes, mais ils seront visibles dans 40 ans, lorsque cette jeunesse sera retraitée. Les changements de politiques auront eux aussi des répercussions. Quelques pays, dont le Chili en particulier, ont par exemple autorisé les retraits exceptionnels d’épargne‑retraite individuelle pendant la pandémie, ce qui affaiblit les perspectives de pension future.
Face à la pandémie, les pays de l’OCDE ont mis leurs préoccupations sur les finances publiques – et sur la viabilité financière des pensions – entre parenthèses. Si la surmortalité due au COVID‑19 a engendré de petites économies pour les prestataires de pensions en réduisant le nombre de versements, le plus gros de l’impact de la crise est dû au déficit de cotisations qui a toutefois été en grande partie compensé au moyen de transferts des budgets de l’État. L’effet à moyen terme sur le financement des pensions devrait être relativement modeste en général, même si la crise a peut-être aggravé les déséquilibres déjà présents dans certains pays. Des taux d’intérêt constamment bas soulagent certainement la pression sur les finances publiques à court terme, y compris sur le financement des pensions. Les problèmes de viabilité financière ne s’évanouiront cependant pas. Ils reprendront peut-être le devant de la scène avec le retour à la normale des politiques macroéconomiques.
Le vieillissement démographique s’est accéléré depuis dix ans et devrait être rapide dans les 20 prochaines années, accompagné d’importantes variations du changement des structures démographiques d’un pays de l’OCDE à l’autre. Les régimes de retraite en Grèce, au Japon, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne seront confrontés à des défis de taille du fait de la contraction prévue de la population d’âge actif d’au moins un tiers à l’horizon 2060. La Corée, l’Espagne, l’Estonie, le Portugal, la République slovaque et la Slovénie devront eux aussi faire face à de sérieux problèmes démographiques qui se répercuteront sur l’adéquation des pensions de retraite, sur leur viabilité financière ou sur les deux.
Entre 2000 et 2017, les dépenses de retraite totales (publiques et privées) ont augmenté de 1.5 % du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE. Selon les estimations, l’évolution démographique aurait à elle seule contribué à une augmentation des dépenses de retraite de 2.5 % du PIB ; hausse en partie compensée par une forte performance du marché du travail dans de nombreux pays, en particulier parmi les travailleurs âgés. Aucune tendance commune de l’évolution du ratio de la pension moyenne rapportée au salaire moyen n’est observée entre les pays. Le vieillissement devrait augmenter les dépenses de retraite dans la zone OCDE d’encore 3.5 % du PIB en moyenne d’ici à 2035. En l’absence de nouvelles sources de financement des pensions, il faut impérativement continuer de multiplier les perspectives d’emploi des travailleurs âgés, y compris à travers les politiques des retraites, afin de protéger le niveau de prestations de vieillesse tout en évitant d’augmenter les dépenses.
Outre celles provoquées par la crise du COVID‑19, de nombreux pays avaient déjà pris d’importantes mesures en matière de retraites ces deux dernières années. Le Mexique a mis en œuvre la réforme la plus profonde de tous les pays de l’OCDE en augmentant à la fois les cotisations liées à la rémunération et les prestations actuelles et futures du premier tiers. Ces augmentations des prestations du premier tiers engendreront la hausse des dépenses publiques et affaibliront considérablement le rapport entre prestations et cotisations. Parmi les pays du G20 non membres de l’OCDE, le Brésil a pris des mesures importantes pour améliorer le financement des pensions, dont l’introduction d’âges minimums de la retraite. L’Estonie a rendu les pensions privées volontaires et autorisé les retraits d’épargne‑retraite, ce qui affaiblira probablement les pensions futures ; un quart de l’épargne‑retraite a été retirée à ce jour. La Grèce a créé un nouveau régime par capitalisation à cotisations définies pour remplacer progressivement les retraites complémentaires notionnelles à cotisations définies obligatoires. D’importantes mesures de renforcement des prestations de retraite contributives ont également été prises en Hongrie, en Slovénie et en Pologne, qui déséquilibreront encore davantage les finances des régimes de retraite des deux premiers pays. La Belgique a aussi renforcé les droits à retraite futurs des travailleurs indépendants sans augmenter leurs cotisations. Les Pays-Bas sont en train d’achever la transition des pensions professionnelles quasi obligatoires de régimes à prestations définies vers des régimes collectifs à cotisations définies : il s’agit de régimes par capitalisation à cotisations définies dans lesquels les choix individuels sont plus limités en termes à la fois d’investissement et de retraits étant donné que l’épargne accumulée est versée exclusivement sous forme de rentes.
Une tendance des deux dernières années se dégage clairement, à savoir l’augmentation de la protection des revenus des personnes ayant droit à une petite pension ou sans droit à pension. L’Allemagne, le Chili, la Lettonie et le Mexique en particulier, mais aussi la République slovaque et la Slovénie, ont augmenté les prestations des personnes faiblement rémunérées tout au long de leur vie professionnelle.
En revanche, peu de mesures ont été prises relativement à l’âge de la retraite. La Suède a commencé à relever l’âge de la retraite et prévoit de l’indexer sur l’espérance de vie à partir de 2026. L’Irlande et les Pays-Bas, pour leur part, ont fait marche arrière sur les augmentations prévues. Par ailleurs, le rythme d’indexation de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie a été réduit aux Pays-Bas : à partir de 2025, deux tiers des gains de longévité seront ajoutés à l’âge de la retraite. Il était prévu, initialement, de relever l’âge de la retraite de l’intégralité de l’augmentation de l’espérance de vie. Les options de retraite anticipée ont été élargies au Danemark, en Irlande, en Italie et en Lituanie. Les mesures adoptées laissent prévoir que l’âge normal de la retraite augmentera en moyenne d’environ deux ans dans la zone OCDE dans les 40 prochaines années, pendant lesquelles l’espérance de vie des personnes âgées devrait augmenter d’environ quatre ans. La Colombie, le Luxembourg, la République slovaque et la Slovénie seront les seuls pays de l’OCDE à avoir l’âge normal de la retraite à 64 ans ou moins. La Suisse tente à nouveau d’égaliser les âges de la retraite des hommes et des femmes à 65 ans.
Différentes stratégies sont également mises en place pour encourager à travailler plus longtemps. Le Canada, la Grèce, le Japon et la Slovénie ont facilité le cumul emploi-retraite. Dans le but d’encourager à travailler plus longtemps, la Hongrie a exempté les travailleurs bénéficiaires de la pension de vieillesse de cotisations de retraite, tandis que l’Espagne envisage la possibilité de verser le bonus lié au report du départ en retraite sous forme de somme forfaitaire. En Suède, un nouvel « âge de la retraite cible » (67 ans en 2027) sera introduit pour encourager les décisions de départ en retraite dans son régime flexible en suggérant clairement l’âge adéquat.
Principaux constats
Principaux constats concernant les répercussions de la crise du COVID‑19 sur les pensions :
Les prestations des retraités actuels ont été protégées et de nombreux pays ont introduit des mesures temporaires et ciblées de soutien des revenus.
L’impact de la crise sur les pensions futures a été limité grâce à l’élargissement des dispositifs de maintien dans l’emploi – pendant lesquels les droits à retraite s’accumulent en général –, aux cotisations subventionnées, à l’élargissement de la protection contre le chômage, aux mesures spéciales en faveur des travailleurs indépendants et à une forte performance des marchés financiers.
Les retraits exceptionnels d’épargne‑retraite individuelle ont été autorisés dans quelques pays pour atténuer les effets du COVID‑19 ; c’est parmi eux au Chili que les répercussions sur les pensions futures risquent d’être les plus lourdes.
Le financement des pensions a pâti du déficit de cotisations, qui a été principalement comblé par des transferts des budgets de l’État. Au lendemain de la crise du COVID‑19, le vieillissement démographique pourrait reprendre le devant de la scène.
En raison de la surmortalité, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans a diminué d’environ 0.8 % en moyenne dans la zone OCDE, donnant lieu à une légère baisse des dépenses de retraite.
Principales mesures récemment adoptées en matière de retraites dans les pays de l’OCDE :
Le Mexique a sensiblement augmenté les cotisations obligatoires au régime par capitalisation à cotisations définies, ce qui renforcera les pensions futures. La Grèce a créé un nouveau régime par capitalisation à cotisations définies pour remplacer progressivement les retraites complémentaires notionnelles à cotisations définies. L’Estonie est allée dans l’autre sens en rendant volontaires les cotisations obligatoires à un régime privé et en autorisant les retraits d’épargne‑retraite.
Le Brésil a introduit des âges minimums de la retraite, modifié les taux de cotisation et ajusté le calcul des prestations, autant de mesures qui devraient améliorer considérablement le financement des pensions.
La Hongrie et la Slovénie ont augmenté les pensions liées à la rémunération, ce qui déséquilibrera encore davantage le financement des pensions futures. La Pologne a elle aussi augmenté les prestations servies aux retraités actuels.
L’Allemagne, le Chili, la Lettonie, le Mexique, la République slovaque et la Slovénie ont sensiblement amélioré les filets de sécurité vieillesse ou augmenté les petites retraites.
Peu de mesures ont été prises relativement à l’âge de la retraite : la Suède l’a relevé pour les pensions publiques contributives et prévoit de l’indexer sur l’espérance de vie à partir de 2026 et de relever l’âge du droit à la pension de base de 65 à 67 ans ; les Pays-Bas ont reporté le relèvement prévu tout en assouplissant l’indexation future sur l’espérance de vie ; et l’Irlande a fait marche arrière sur le relèvement prévu de 66 à 68 ans.
Le Danemark, l’Irlande, l’Italie et la Lituanie ont élargi les options de retraite anticipée.
La Belgique a sensiblement augmenté les pensions futures des travailleurs indépendants sans ajuster leurs cotisations, tandis que les cotisations de retraite des travailleurs indépendants en Grèce sont devenues forfaitaires.
Le Canada, la Grèce, le Japon et la Slovénie ont facilité le cumul emploi-retraite, et la Hongrie a exempté de cotisations de retraite les travailleurs bénéficiaires de la pension de vieillesse.
Revenus actuels des retraités :
En moyenne, dans l’OCDE, les personnes âgées de 65 ans ou plus perçoivent 88 % des revenus de la population totale. Les personnes âgées de plus de 65 ans perçoivent actuellement environ 70 % ou moins du revenu disponible moyen à l’échelle nationale en Corée, en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, mais environ 100 % ou plus au Costa Rica, en France, en Israël, en Italie, au Luxembourg et au Portugal.
Âge de la retraite :
Pour les hommes en 2020, l’âge normal de la retraite était le plus bas en Turquie, à 52 ans. Il était de 62 ans en Colombie, en Corée, au Costa Rica, en Grèce, en Italie, au Luxembourg et en Slovénie, mais de 67 ans en Islande et en Norvège, en supposant une entrée dans la vie active à 22 ans. Dans un peu moins de la moitié des pays de l’OCDE, l’âge normal de la retraite ne sera pas relevé si l’on se base sur la législation actuelle.
La différence entre l’âge normal de la retraite des hommes et celui des femmes est en train d’être éliminée en Autriche, au Costa Rica, en Lituanie et en Turquie, mais elle demeurera en Colombie, en Hongrie, en Israël, en Pologne et en Suisse.
Les mesures actuellement adoptées laissent prévoir que l’âge normal de la retraite augmentera d’environ deux ans en moyenne dans les pays de l’OCDE, de 64.2 ans en 2020 à 66.1 ans au milieu des années 2060 pour les hommes. Le futur âge normal de la retraite est de 69 ans ou plus au Danemark, en Estonie, en Italie et aux Pays-Bas, qui l’ont tous indexé sur l’espérance de vie. Il est de 62 ans en Colombie, au Luxembourg et en Slovénie.
Taux de remplacement :
Les taux de remplacement nets futurs des régimes obligatoires pour les moyens salaires ayant accompli une carrière complète s’établissent à 62 % en moyenne dans la zone OCDE ; ils sont compris entre moins de 40 % au Chili, en Corée, en Estonie, en Irlande, au Japon, en Lituanie et en Pologne et 90 % ou plus en Hongrie, au Portugal et en Turquie à l’âge normal de la retraite.
Dans les pays où la couverture des régimes facultatifs est importante (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, Irlande, Japon et Nouvelle‑Zélande), l’affiliation à un régime facultatif accroît le taux de remplacement futur des moyens salaires ayant cotisé durant toute leur carrière de 26 points en moyenne, et de 11 points environ pour ceux qui n’ont cotisé qu’à partir de 45 ans, d’après les hypothèses de modélisation de l’OCDE.
Globalement, dans l’OCDE, les travailleurs rémunérés au salaire moyen qui connaissent une période de chômage de cinq ans au cours de leur carrière verront leur pension diminuée de 6.4 % en moyenne par rapport à une carrière complète. Cette réduction dépasse 10 % en Australie, au Chili, en Corée, en Hongrie, en Islande, en Lettonie, au Mexique, en Pologne, en République slovaque et en Turquie.
Dans le cas des bas salaires (la moitié du salaire moyen), le taux de remplacement net des régimes obligatoires s’établit à 74 % en moyenne après une carrière complète, soit 12 points de pourcentage de plus que dans le cas du salaire moyen, en raison principalement des mécanismes redistributifs prévus dans les règles des systèmes de retraite. La République tchèque et le Danemark affichent la plus grande différence de taux de remplacement entre les bas et les moyens salaires.
Autres constats :
Entre 2008 et 2018, le nombre de retraités a augmenté de 20 % en moyenne dans la zone OCDE, soit beaucoup moins que le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus (27 %), d’où la hausse de l’âge effectif de liquidation des droits à pension.
Entre 2000 et 2017, les dépenses de retraite totales (publiques et privées) ont augmenté de 1.5 % du PIB en moyenne dans les pays de l’OCDE. Le vieillissement démographique aurait à lui seul déclenché une hausse des dépenses de retraite de 2.5 % du PIB en moyenne. La progression du taux d’emploi a toutefois diminué les dépenses de retraite de 1.1 % du PIB en moyenne.
Même avant le COVID‑19, l’espérance de vie des personnes âgées progressait plus lentement qu’entre le milieu des années 1990 et environ 2010. Tout semble indiquer un ralentissement des gains d’espérance de vie dans de nombreux pays à partir de 2010 environ. Pour les femmes, ce ralentissement ramène la progression de l’espérance de vie aux nivaux observés entre 1970 et le milieu des années 1990, tandis que le rythme demeure relativement rapide pour les hommes.