Dzana Topalovic
Michele Tuccio
Dzana Topalovic
Michele Tuccio
L’analyse des compétences dans le contexte de la transition vers la neutralité carbone revêt un caractère crucial dans la mesure où elle permet de mieux appréhender les disparités entre les compétences actuelles de la population active et celles qu’exigent les nouvelles activités vertes. La correction de ces disparités par la formation et l’enseignement fluidifie cette mutation, mais les politiques publiques mises en œuvre à cet effet doivent être soigneusement conçues. À cette fin, le présent chapitre examine les compétences nécessaires pour exercer les professions qui jouent un rôle déterminant dans la transition vers la neutralité carbone et les compare à celles requises par des métiers à forte intensité d’émission. Il analyse par ailleurs les écarts de compétences entre différentes catégories de professions afin de définir les possibilités de reconversion et les besoins en matière de formation. Il examine pour finir les bonnes pratiques à suivre pour concevoir et mettre en œuvre des mesures ciblées visant à promouvoir le développement des compétences au service de la transition vers la neutralité carbone.
L’avènement d’une économie neutre en carbone offre de nombreuses perspectives de création d’emplois et de développement économique. Toutefois, si l’on néglige les compétences, certains travailleurs, comme ceux de secteurs en perte de vitesse ou ceux qui n’ont guère accès à l’enseignement et à la formation, risquent de se voir marginalisés. Il est indispensable de placer les compétences au cœur du débat pour éclairer les mesures destinées à remédier aux pénuries de main‑d’œuvre et à favoriser son perfectionnement, à stimuler l’innovation et à promouvoir l’équité sociale dans le contexte de la nouvelle économie verte. Il est également essentiel de veiller à ce que la main-d’œuvre possède les qualifications adéquates pour éviter un ralentissement de la transition vers la neutralité carbone car les nouvelles technologies requièrent des compétences nouvelles et renforcées. L’investissement dans des programmes de développement des compétences complets et inclusifs donnera aux travailleurs les moyens de s’insérer harmonieusement sur un marché du travail en pleine évolution et favorisera par ailleurs une transition vers une économie neutre en carbone équitable et durable au bénéfice de tous.
Le présent chapitre apporte un éclairage nouveau sur les besoins en compétences liés à la transition écologique. Il est essentiel de recenser les qualifications recherchées dans une économie plus durable pour permettre aux individus de développer un ensemble de compétences adéquat et de s’adapter à l’évolution des pratiques professionnelles. Les compétences sont par ailleurs indispensables pour promouvoir une réelle mobilité sur le marché du travail et faciliter le passage de secteurs à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à des activités plus écologiques, tout en veillant à ce que les entreprises disposent du personnel qualifié dont elles ont besoin pour adopter des technologies vertes. Les responsables de la formulation des politiques vont devoir prendre des dispositions pour favoriser le développement des compétences nécessaires à la transition écologique. Le présent chapitre offre un tour d’horizon des dispositifs et bonnes pratiques auxquels les pouvoirs publics et les parties prenantes peuvent recourir pour faciliter le perfectionnement de la main-d’œuvre et les transitions professionnelles, l’accent étant mis sur les groupes défavorisés, notamment les personnes peu qualifiées dont la mobilité sur le marché du travail est limitée.
Les principales conclusions de cette analyse sont les suivantes :
Il n’existe pas de compétences intrinsèquement « vertes » ; c’est la façon dont elles sont utilisées qui compte. Le concept de « compétences au service de la transition écologique » met en évidence le rôle des capacités humaines dans la mise en œuvre de pratiques écologiquement durables. Il souligne la nécessité d’appliquer les compétences existantes aux emplois et aux tâches répondant aux objectifs environnementaux et de favoriser la formation de la main-d’œuvre et l’acquisition de ces compétences. L’objectif est de donner à la population active les moyens de participer à la construction d’un avenir plus durable.
Les compétences que les travailleurs des professions portées par la transition écologique doivent maîtriser sont celles qui sont liées à l’économie de la connaissance. Les compétences liées aux processus (esprit critique, capacité de suivi et apprentissage actif par exemple) et les compétences transversales (résolution de problèmes complexes, prise de décision, etc.) sont indispensables pour leur permettre de s’adapter rapidement à une transition écologique portée par l’innovation. A contrario, le niveau des compétences techniques (comme la maintenance et l’installation de matériel) qu’exigent ces professions est nettement moindre, ce qui laisse présager une évolution vers des emplois analytiques très qualifiés dans l’économie verte. De surcroît, en comparaison aux professions portées par la transition verte qui existent déjà, les nouveaux métiers résultant de cette transition exigent une maîtrise encore plus pointue de l’ensemble des compétences, ce qui porte à prévoir une hausse de la demande de travailleurs qualifiés sur le marché du travail.
À travers la comparaison des compétences requises par les professions portées par la transition écologique et par les professions à forte intensité d’émissions de GES ou neutres, l’analyse montre que, parmi les professions relevant de la première catégorie, celles qui sont peu exigeantes au regard du niveau d’instruction et de l’expérience demandent, en règle générale, une maîtrise des compétences plus élevée que celles de la deuxième catégorie exigeant un niveau d’études et une expérience équivalents. À l’inverse, les compétences requises pour les professions qui profitent de la transition écologique et celles à forte intensité de GES dont les exigences en matière de formation et d’expérience sont élevées sont très similaires. Ce constat donne à penser que, sur la seule base des profils de compétences, la transition, des secondes vers les premières, risque d’être nettement plus difficile pour les travailleurs peu qualifiés que pour ceux qui occupent des postes très qualifiés. Il faudra impérativement assurer aux travailleurs peu qualifiés une formation suffisante et adaptée pour répondre à leurs besoins d’apprentissage et remédier aux pénuries de compétences dans les industries vertes.
L’observation des écarts de compétences entre paires de professions corrobore ces constats. En effet, la majorité des professions à forte intensité d’émissions de GES présente sur ce plan des exigences analogues à celles d’au moins une profession faiblement émettrice, ce qui permet de penser qu’il est possible de quitter un secteur polluant moyennant une reconversion professionnelle bien ciblée.
L’examen des transitions de carrière possibles pour chaque profession à forte intensité de GES à l’aune des écarts de compétences peut fournir des informations supplémentaires quant au type et à l’ampleur de la reconversion nécessaire pour faciliter la transition professionnelle nécessaire. Le cas des ingénieurs pétroliers en offre un bon exemple. En effet, cette profession fortement émettrice présente un profil de compétences très comparable à celui de diverses professions portées par la transition écologique, dont celles d’ingénieur en environnement et d’analyste des politiques relatives au changement climatique. Une reconversion axée sur l’acquisition de certaines compétences permettrait aux ingénieurs pétroliers d’embrasser l’une ou l’autre de ces professions : il leur suffirait d’approfondir leurs connaissances en biologie et en chimie pour devenir ingénieurs en environnement, et de développer leurs compétences en communication et en sensibilisation pour occuper un poste d’analyste du changement climatique.
La formation est indispensable pour s’adapter à l’évolution du monde du travail dans le contexte de la transition écologique. Les travailleurs des métiers portés par la transition verte et à forte intensité d’émissions de GES suivent moins de formations que les autres, et les pénuries de compétences dans les principaux secteurs écologiques freinent la transition vers la neutralité carbone. Des programmes d’apprentissage souples et de courte durée, assortis de congés de formation et d’une aide financière, sont un moyen essentiel de remédier à certains des obstacles auxquels les adultes sont confrontés lorsqu’ils suivent une formation. Il est également possible de favoriser l’accès à la formation si celle‑ci a lieu sur site et en cours d’emploi, et permet ainsi d’acquérir une expérience pratique et rémunérée. En Australie et au Canada, des programmes de formation ciblés permettent aux adultes d’accéder à des secteurs verts en demande, comme ceux des énergies renouvelables et de la construction durable. Les adultes ont parfois besoin d’un appui complémentaire pour suivre une formation en vue de la transition écologique : certains pays, comme les États-Unis et la Suède, ont mis en place des programmes qui offrent un éventail complet d’aides et de services (formation en milieu professionnel, soutien financier, orientation professionnelle, etc.) à ceux qui se réorientent vers un emploi vert en demande.
Les disparités de compétences entre les différentes catégories de travailleurs font craindre de possibles inégalités dans le cadre de la transition écologique. Les déséquilibres d’emploi et de compétences entre les genres, les femmes étant sous-représentées dans l’économie verte, sont particulièrement préoccupants. Des pays comme l’Espagne, l’Autriche et la Suède ont pris des mesures visant à rendre la transition écologique équitable et inclusive et à corriger les disparités moyennant des programmes de formation et un soutien financier ciblés.
La participation des syndicats, des organisations patronales et des associations professionnelles tout au long du cycle d’élaboration des politiques en matière de compétences est indispensable pour assurer la diversité et l’inclusivité de leur conception et de leur mise en œuvre. La négociation collective aussi facilite considérablement l’accès aux programmes de formation. Or, seules quelques mesures encouragent la collaboration entre le secteur privé et le secteur public dans le cadre de la transition verte.
Les politiques en faveur de la croissance verte suscitent des changements sur le marché du travail : elles créent des emplois dans les secteurs respectueux du climat (chapitre 2) et en détruisent dans ceux qui produisent de fortes émissions (chapitre 3). Ces changements modifient profondément la demande de compétences dans la mesure où les exigences des professions nouvelles et naissantes diffèrent de celles des secteurs en perte de vitesse. Qui plus est, même les emplois de secteurs qui ne sont pas directement touchés par la transition écologique devront intégrer des compétences transversales pertinentes, comme la sensibilisation à l’environnement ou la durabilité. Les responsables publics doivent encourager le passage à une économie plus propre et en limiter le coût individuel pour les travailleurs contraints de se reconvertir à de nouveaux métiers ou d’acquérir de nouvelles compétences pour conserver leur poste. Le chapitre examine en quoi la transition écologique agit sur les besoins en compétences des professions auxquelles elle profite et des professions à forte intensité d’émissions de GES1, comment les travailleurs peuvent évoluer des unes aux autres, et quelles politiques de formation et d’activation doivent être mises en place pour assurer la réussite de ces transitions.
Une part importante des analyses consacrées à l’incidence des mesures favorisant la transition vers la neutralité carbone sur le marché du travail évaluent le nombre d’emplois créés et détruits et non les besoins en compétences (OCDE, 2023[1]). Or, le manque de compétences adaptées constitue un obstacle majeur à l’avènement de cette transition (Söderholm, 2020[2]). Par ailleurs, pour réduire le coût de cette dernière pour les travailleurs, les responsables politiques soucieux d’accélérer leur transfert des industries en déclin vers les professions en lien avec l’environnement doivent déterminer les besoins en compétences des unes et des autres et renforcer en conséquence les mécanismes d’accompagnement. À défaut, de graves déséquilibres pourraient surgir qui mettront au chômage les travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions de GES (comme indiqué au chapitre 3) et se traduiront par des pénuries et des inadéquations de compétences dans les entreprises des secteurs en expansion.
Comme analysé au chapitre 2, la transition écologique a des retombées sur d’autres professions que le noyau dur des « métiers verts » du secteur de l’énergie (techniciens en énergie solaire, installateurs d’isolant, techniciens en énergie éolienne par exemple). Pour cerner tous les effets de cette évolution mondiale vers une économie neutre en carbone, il convient de ne pas limiter l’analyse aux compétences techniques nécessaires à cette transition, mais de l’étendre à la panoplie des compétences requises pour exercer des métiers nouveaux et recherchés. Il sera ainsi possible de mieux appréhender les différences fondamentales entre les exigences des professions fortement émettrices et celles des professions profitant de la transition verte, et de définir les formations et les reconversions professionnelles nécessaires pour que les pays réussissent le passage à une économie neutre en carbone.
Le chapitre examine les compétences requises pour différentes catégories de métiers dans le contexte de la transition verte. Il fait appel à une méthode innovante pour estimer les écarts de compétences entre des milliers de paires de professions de manière à déterminer quels travailleurs pourraient quitter des métiers fortement émetteurs moyennant des programmes de remise à niveau et de reconversion relativement restreints et ceux qui auront sans doute besoin d’un accompagnement plus poussé2. Il est structuré comme suit : la section 4.1 présente les concepts et définitions sur lesquels repose l’analyse. La section 4.2 analyse le profil de compétences des professions portées par la transition écologique, des professions à forte intensité d’émissions de GES et des professions neutres, ainsi que les écarts entre les compétences requises par chacune d’elles. La section 4.3 examine ensuite comment utiliser la formation et d’autres mécanismes de l’action publique pour combler les déficits de compétences et assurer le succès de la transition vers la neutralité carbone. La section 4.4 expose les conclusions du chapitre.
Il n’est pas facile de définir ce qu’est une compétence verte. Malgré l’importance qu’elles revêtent sur le marché du travail, les ouvrages spécialisés ne s’accordent guère sur ce que sont les « compétences » et sur la manière de les définir. Ils se fondent généralement sur les capacités cognitives, les types de connaissances, le niveau d’instruction et le nombre d’années de scolarité pour évaluer le niveau de compétences des travailleurs (voir OCDE (2017[3]) pour une analyse détaillée). Lorsque l’on analyse une mutation économique et sociétale d’ampleur, comme la transition vers la neutralité carbone, il importe de ne pas utiliser ces termes de manière interchangeable et de choisir soigneusement l’unité de mesure car chaque unité a ses propres implications pour l’élaboration des politiques. Par exemple, l’évaluation des compétences en nombre d’années de scolarité peut aider les responsables politiques à décider du nombre de places disponibles dans les établissements d’enseignement et de formation mais elle ne permet pas d’analyser les compétences et les connaissances qui devront y être enseignées.
Dans ce chapitre, nous entendons par compétence l’aptitude et la capacité à exécuter des processus et à utiliser des connaissances de manière responsable pour mener à bien une tâche (OCDE, 2018[4]). Il existe un nombre fini de compétences qui peuvent être combinées de multiples manières pour accomplir un nombre infini de tâches. La notion de compétence est liée aux tâches, aux connaissances et l aptitudes, mais elle est indépendante (Encadré 4.1). Les termes de « compétences », « connaissances » et « aptitudes » seront traités ici comme des notions distinctes, sauf indication contraire.
Une tâche est une activité ou une mission spécifique qui doit être accomplie. Il s’agit d’une action ou d’un ensemble d’actions visant à atteindre un but ou un objectif particulier. Un économiste de l’environnement, par exemple, devra recueillir et analyser des données pour comparer les conséquences de la politique économique sur l’environnement.
Les aptitudes sont des qualités innées ou acquises qui permettent à un individu d’exécuter des tâches mentales ou physiques précises. Ainsi, pour effectuer la tâche consistant à recueillir et à analyser des données afin de comparer les conséquences environnementales de la politique économique, un économiste de l’environnement devra posséder l’aptitude au raisonnement déductif, à savoir appliquer des règles générales à des problèmes particuliers pour y apporter des réponses.
On entend par « connaissances » la compréhension, les informations et la conscience acquises grâce à l’apprentissage, à l’étude ou à l’expérience. Elles englobent la compréhension théorique ou factuelle de concepts, de principes ou d’idées. Dans la mesure où ils travaillent dans le domaine de la politique économique, les économistes de l’environnement devront avoir une solide maîtrise des mathématiques.
Les compétences se rapportent à l’application pratique des connaissances et des aptitudes afin d’exécuter avec efficacité une tâche ou une activité donnée. Elles s’acquièrent par la pratique, l’expérience et la formation. Ce sont elles qui nous permettent d’utiliser nos aptitudes et nos connaissances pour accomplir une tâche. Pour analyser les données et comparer les conséquences environnementales de la politique économique, les économistes de l’environnement doivent faire montre de compétences rédactionnelles et d’un esprit critique.
Source : OCDE (2017[3]), Getting Skills Right: Skills for Jobs Indicators, https://doi.org/10.1787/9789264277878-en.
Les compétences sont les capacités dont les individus sont dotés (esprit critique, capacité de persuasion et compétences en réparation, par exemple) et qu’ils utilisent pour effectuer des tâches3. À mesure de la transition écologique des économies, nous voyons apparaître de nouvelles tâches « vertes », c’est-à-dire des tâches qui contribuent réellement à atténuer les retombées négatives de l’activité humaine sur l’environnement. Des études récentes se sont appuyées sur les informations relatives à ces nouvelles tâches pour estimer les besoins en compétences à l’appui de la transition écologique - une méthode souvent dénommée « approche fondée sur les tâches ». Celle‑ci définit plus précisément les métiers verts comme étant ceux qui comportent une grande part de tâches vertes. Par ailleurs, les compétences auxquelles ces métiers font davantage appel, et à un niveau plus élevé, sont considérées comme fondamentales sur un marché du travail en pleine transition écologique (Biagi, Vona and Bitat, 2021[5]). S’appuyant sur les travaux fondateurs de Consoli et al. (2016[6]), plusieurs autres études s’efforcent de mieux saisir le lien entre les tâches, les compétences et la transition verte (Bowen, Kuralbayeva and Tipoe, 2018[7]) et de l’appliquer à l’analyse du niveau des pays (Rutzer, Niggli and Weder, 2020[8]; Lobsiger and Rutzer, 2021[9]).
Bien que les compétences associées aux métiers verts et mesurées au moyen d’approches fondées sur les tâches aient souvent été qualifiées de « compétences écologiques » (Vona et al., 2018[10]; Tyros, Andrews and de Serres, 2023[11]), celles que requièrent ces métiers sont les mêmes que celles demandées dans les métiers polluants, même si elles le sont dans des proportions et à des degrés différents. Les compétences importantes pour les professions portées par la transition verte seront dénommées ici « compétences pour la transition écologique ». En effet, les compétences nécessaires à la transition vers la neutralité carbone demeurent les mêmes ; les travailleurs doivent cependant les utiliser de manière innovante pour effectuer de nouvelles tâches vertes4. « L’installation de systèmes photovoltaïques », par exemple, est une tâche verte. Pour l’accomplir efficacement, un travailleur doit posséder diverses compétences (« discernement et capacité de décision » et « résolution de problèmes » par exemple), ainsi que des aptitudes (« dextérité digitale » et « vigilance »). De même, le cuisinier d’un restaurant peut décider de lutter contre le gaspillage et d’intégrer les restes alimentaires dans la préparation des repas (une nouvelle tâche) ; il devra donc travailler en plus étroite collaboration avec les autres cuisiniers pour utiliser l’ensemble des ingrédients (ce qui fait davantage appel à des compétences de coordination). Dans ce contexte, il est plus fondé de parler de « compétences pour la transition écologique » que de « compétences écologiques ». Cette distinction permet de mieux comprendre en quoi la transition verte influe sur la demande de compétences, dans la mesure où elle ne concerne pas seulement les compétences techniques, par exemple pour les emplois d’ingénieurs en énergies propres.
Pour les responsables publics, le volet « compétences » de la transition vers la neutralité carbone est l’élément déterminant qui permet d’établir un lien entre les emplois et les travailleurs. Les compétences peuvent être acquises dans le cadre d’un apprentissage formel, informel et non formel, et constituent souvent un meilleur indicateur de l’appariement emploi-travailleur que l’âge, l’expérience ou les qualifications formelles (bien que ces concepts soient positivement corrélés)5. Une analyse de l’évolution des besoins en compétences permet de combler les lacunes et d’établir un lien entre les emplois (tâches) et les qualifications (compétences).
L’examen du profil de compétences des emplois liés à la transition verte nécessite des données détaillées sur les qualifications exigées dans chaque profession. On peut notamment utiliser les informations relatives aux niveaux de qualification requis dans chacune d’elle pour cerner les différences entre ces profils. Or, étant donné les difficultés que pose la collecte de renseignements précis sur l’utilisation des compétences dans des centaines de professions, les taxonomies des qualifications demandées sont relativement rares. Les bases de données les plus souvent utilisées à cet égard sont O*NET (Occupational Information Network Programme) et ESCO (Classification européenne des aptitudes, compétences, certifications et professions). O*NET est une base de données et de documentation en ligne financée par le ministère du Travail des États-Unis ; elle fournit des informations détaillées susceptibles de renseigner sur l’évolution rapide de la nature du travail. Elle contient de nombreux descriptifs de postes (notamment les qualifications requises pour 120 domaines de compétences, d’aptitudes et de connaissances) pour près de 1 000 professions couvrant l’économie américaine. Dans la même veine, la base de données ESCO est un projet financé par la Commission européenne qui propose une terminologie commune relative aux professions et aux compétences afin de favoriser une meilleure intégration des marchés du travail en Europe. Elle décrit plus de 3 000 professions et près de 13 900 compétences.
Si les deux bases de données ont leurs propres avantages et inconvénients, le choix d’O*NET dans le cadre de cette analyse a été motivé par plusieurs raisons : 1) c’est celle qu’utilisent la plupart des publications portant sur les métiers en lien avec l’environnement ainsi que d’autres études de l’OCDE, ce qui facilite la comparaison des résultats et le suivi de l’évolution des besoins en compétences ; 2) chaque profession répertoriée contient des informations chiffrées sur le niveau de compétences nécessaire pour mener à bien les tâches, élément essentiel nécessaire pour calculer les écarts entre les compétences requises pour les différents emplois (l’ESCO, pour sa part, ne qualifie d’« essentielles » ou de « facultatives » qu’un sous-ensemble de compétences pour chaque profession). On trouvera une description plus détaillée de la taxonomie des compétences O*NET à l’Encadré 4.2.
La base de données O*NET contient des informations détaillées sur les qualifications exigées des travailleurs classées selon 52 aptitudes, 33 domaines de connaissances et 35 compétences. Les aptitudes sont les caractéristiques permanentes de l’individu qui influent sur son efficacité ; elles peuvent être cognitives (mémorisation), physiques (endurance), psychomotrices (dextérité digitale) ou sensorielles (vision de loin). Les connaissances, quant à elles, sont des ensembles structurés de principes et de faits qui s’appliquent à des domaines généraux ; elles peuvent être réparties en dix catégories : arts et sciences humaines, commerce et gestion, communications, éducation et formation, ingénierie et technologie, services de santé, droit et sécurité publiques, fabrication et production, mathématiques et sciences et transports.
Les 35 compétences figurant dans O*NET sont regroupées en deux catégories distinctes : les compétences de base (les aptitudes développées qui facilitent l’apprentissage ou accélèrent l’acquisition de connaissances) et les compétences transversales (les aptitudes développées qui facilitent l’exécution d’opérations qui se retrouvent dans plusieurs occupations). Sous ces deux grandes rubriques, les compétences sont subdivisées en catégories plus détaillées. La taxonomie complète des compétences est présentée au Tableau 4.1.
Compétences de base |
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Compétences liées au contenu Structures de base nécessaires pour travailler et acquérir des compétences plus spécialisées dans différents domaines. |
Compréhension de l’écrit : comprendre des phrases et des paragraphes dans des documents professionnels. Écoute active : prêter pleinement attention à ce que disent les autres, prendre le temps de comprendre les arguments avancés, poser des questions le cas échéant et ne pas interrompre l’interlocuteur intempestivement. Rédaction : communiquer efficacement par écrit en fonction des besoins des destinataires. Expression orale : transmettre efficacement des informations par la parole. Mathématiques : utiliser les mathématiques pour résoudre les problèmes. Sciences : utiliser des règles et des méthodes scientifiques pour résoudre les problèmes. |
Compétences liées aux processus Procédures qui accélèrent l’acquisition de connaissances et de compétences dans divers domaines. |
Esprit critique : faire appel à la logique et au raisonnement pour identifier les points forts et les points faibles de différentes solutions, constatations ou approches à des problèmes. Apprentissage actif : comprendre ce que de nouvelles informations impliquent pour la résolution de problèmes et la prise de décisions actuelles et futures. Stratégies d’apprentissage : choisir et utiliser des méthodes et des procédures de formation/d’instruction adaptées à la situation dans le cadre de l’apprentissage ou de l’enseignement de nouveaux thèmes. Suivi : suivi/évaluation de ses propres performances, de celles d’autres personnes ou d’organisations afin d’apporter des améliorations ou de prendre des mesures correctives. |
Compétences transversales |
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Compétences sociales Capacités acquises utilisées pour travailler en collaboration avec d’autres personnes à la réalisation d’objectifs. |
Capacité de perception sociale : avoir conscience des réactions des autres et en comprendre les raisons. Coordination : moduler ses actions en fonction de celles des autres. Capacité de persuasion : amener les autres à changer d’avis ou de comportement. Négociation : réunir les différentes parties et tenter d’aplanir les divergences Pédagogie : enseigner aux autres comment faire les choses. Souci du service : rechercher sérieusement les moyens d’aider les gens. |
Compétences en matière de résolution de problèmes complexes Capacités acquises utilisées pour résoudre des problèmes nouveaux et mal définis dans des contextes concrets et complexes. |
Résolution de problèmes complexes : identifier les problèmes complexes et examiner les informations les concernant afin d’élaborer et d’évaluer des solutions et de les mettre en œuvre. |
Compétences techniques Capacités acquises utilisées pour concevoir, installer, exploiter des équipements et des systèmes technologiques et remédier à leurs dysfonctionnements. |
Analyse des opérations : analyser les besoins et les produits nécessaires à la création d’un modèle. Conception technologique : produire ou adapter des équipements et des technologies pour répondre aux besoins de l’utilisateur. Choix du matériel : déterminer le type de matériel et d’outils nécessaires à l’exécution d’un travail. Installation : installer le matériel, les machines, le câblage ou les programmes conformément aux spécifications. Programmation : écrire des programmes informatiques à des fins diverses. Surveillance des opérations : surveiller les jauges, les cadrans ou d’autres indicateurs pour s’assurer qu’une machine fonctionne correctement. Exploitation et contrôle : contrôler le fonctionnement d’un équipement ou d’un système. Maintenance du matériel : effectuer la maintenance courante du matériel et déterminer quand et quel type de maintenance est nécessaire. Résolution des problèmes : déterminer les causes des erreurs de fonctionnement et décider des mesures à prendre. Réparation : réparer des machines ou des systèmes à l’aide des outils nécessaires. Analyse du contrôle de la qualité : procéder à des tests et à des inspections des produits, des services ou des processus afin d’en évaluer la qualité ou le fonctionnement. |
Compétences en matière de systèmes Capacités acquises utilisées pour comprendre, contrôler et améliorer les systèmes sociotechniques |
Discernement et prise de décision : examiner les coûts et les avantages relatifs de mesures envisageables afin de choisir la plus appropriée. Analyse des systèmes : déterminer la manière dont un système doit fonctionner et en quoi les variations des conditions, des opérations et de l’environnement influeront sur les résultats. Évaluation des systèmes : définir les mesures ou les indicateurs de performance du système et les interventions nécessaires pour améliorer ou corriger cette dernière en fonction des objectifs visés. |
Compétences en gestion des ressources Capacités acquises utilisées pour affecter les ressources avec efficience |
Gestion du temps : gérer son propre temps et celui des autres. Gestion des ressources financières : déterminer les dépenses nécessaires à l’exécution du travail et en rendre compte. Gestion des ressources matérielles : obtenir les équipements, les installations et le matériel nécessaires à l’accomplissement de certaines tâches et veiller à ce qu’ils soient utilisés correctement. Gestion des ressources en personnel : motiver, former et orienter les salariés dans le cadre de leur travail, et identifier les personnes les plus compétentes pour un poste. |
Source : base de données O*NET.
Dans O*NET, le niveau des 35 compétences référencées (c’est-à-dire le degré, ou le point sur un continuum, auquel une compétence est requise ou nécessaire pour exercer une profession) est indiqué sur une échelle allant de 1 à 7. Toutefois, pour comparer les compétences requises dans les différents métiers et obtenir des résultats plus intuitifs, nous avons normalisé les niveaux moyens sur une échelle comprise entre 0 et 100 à l’aide de l’équation suivante :
où est la note normalisée d’un niveau de compétence, est la note initiale de la compétence sur l’échelle allant de 1 à 7, est la note la plus basse possible pour cette compétence, et est la note la plus élevée possible (voir Adserà et Bhowmick (2022[12]) pour une méthode similaire).
En 2009, le programme O*NET a lancé le projet Greening of the World of Work : Implications for O*NET-SOC and New and Emerging Occupations, dont l’objectif est de déterminer l’incidence des activités et des technologies de l’économie verte sur les compétences professionnelles requises. Avec l’aide d’analystes et d’experts du travail, le programme O*NET a recensé trois catégories de professions liées à la transition écologique (Dierdorff et al., 2009[13])6 :
Professions recherchées dans le cadre de la transition verte : professions figurant déjà dans la base de données O*NET et pour lesquelles la demande sur le marché du travail augmente en raison de la transition verte, mais sans modification notable des tâches et compétences requises. Autrement dit, il s’agit de professions dont le contexte peut évoluer, mais dont les tâches elles-mêmes ne changent pas.
Professions dont le niveau de compétences est relevé par la transition écologique : professions figurant déjà dans la base de données O*NET et dont les tâches connaissent une évolution notable due aux activités liées à l’économie verte. Bien que leur objectif fondamental reste le même, les tâches, les compétences et les connaissances tendent à évoluer sous l’effet de la transition écologique.
Professions vertes nouvelles et naissantes : professions qui ne figuraient pas dans la base de données O*NET et dont la création récente est due aux activités de l’économie verte.
La catégorie des « professions vertes nouvelles et naissantes » est clairement définie car elle ne comprend que les intitulés de professions qui sont apparues du fait de la transition verte, mais qui n’existaient pas dans la taxonomie d’O*NET avant 2009. Y figurent essentiellement des métiers liés à l’environnement : ingénieur en énergie éolienne ou écologiste industriel par exemple. La définition des « professions recherchées dans le cadre de la transition verte » et des « professions dont le niveau de compétences est relevé par la transition écologique », en revanche, est moins nette. Les deux catégories couvrent des professions qui figuraient déjà dans la base de données O*NET, et la distinction entre les deux est liée à l’évolution (ou à l’absence d’évolution) des tâches. Toutes deux comprennent des professions en rapport avec l’environnement (comme les hydrologues pour la première et les ingénieurs en environnement pour la seconde), ainsi que des professions qui ne sont pas en soi associées à des résultats ou des processus écologiques (machinistes, chimistes, charpentiers, etc.). C’est pourquoi nous les réunissons ici en un seul groupe, ce qui nous donne deux définitions des professions portées par la transition écologique : les professions nouvelles et les professions existantes7.
Nous nous fondons sur ces deux catégories pour donner un aperçu des compétences et des connaissances nécessaires pour la transition écologique. Nous les utilisons également pour examiner les différences entre les compétences requises pour les professions portées par celle‑ci, les professions à forte intensité de GES8 et les professions neutres en carbone, ces dernières correspondant à des professions qui ne relèvent ni des premières, ni des deuxièmes, et ne sont donc pas directement liées à la transition écologique.
À l’instar de ce qui est généralement observé dans la plupart des professions dans les pays de l’OCDE (Handel, 2012[14]), les compétences requises au plus haut niveau dans les professions portées par la transition écologique, nouvelles et existantes, sont des compétences liées aux processus, à savoir des procédures qui accélèrent l’acquisition de connaissances dans des domaines divers (Graphique 4.1)9. Il s’agit notamment de l’esprit critique, du suivi et de l’apprentissage actif. Ces compétences sont indispensables à l’acquisition de nouvelles connaissances, et leur importance dans les professions qui profitent de la transition écologique indique que l’on attend des travailleurs qu’ils soient constamment en mesure de se former à de nouvelles techniques et de s’adapter à de nouveaux modes de travail. Ce constat n’est pas surprenant compte tenu de la rapidité des progrès technologiques dans ce domaine et de l’adaptation des entreprises aux nouvelles exigences environnementales. Ces professions exigent également la maîtrise de diverses compétences transversales généralement associées aux économies de la connaissance (économies dans lesquelles la production, la distribution et l’application de connaissances et d’informations jouent un rôle important), comme la résolution de problèmes complexes, le discernement et la prise de décision. C’est pourquoi il est essentiel que les travailleurs fassent preuve d’adaptabilité et d’esprit d’anticipation dans des environnements professionnels en évolution rapide10.
À l’inverse, dans le droit fil de l’évolution générale du marché du travail, le niveau de compétences techniques (les capacités acquises pour concevoir, installer, exploiter des machines ou des systèmes technologiques et corriger leurs dysfonctionnements) requis dans les professions portées par la transition écologique est en moyenne faible. Cela vaut par exemple pour le choix et l’entretien des équipements, leur réparation et leur installation, ainsi que pour certaines compétences en gestion des ressources (matérielles ou financières par exemple). Cette situation témoigne de deux tendances importantes. D’une part, les professions profitant de cette transition sont des métiers analytiques, qui comportent moins de tâches physiques et font donc moins appel aux compétences manuelles (comme l’installation). De l’autre, les moyennes masquent d’importantes différences entre les métiers. En effet, bien que la plupart des travailleurs ne les utilisent que rarement, les compétences techniques demeurent essentielles pour certains postes, y compris dans certaines professions portées par la transition verte. Par exemple, la réparation et l’entretien des équipements sont les compétences les plus demandées chez les techniciens de maintenance des installations éoliennes. De même, les compétences en gestion des ressources sont indispensables pour certaines de ces professions, comme la gestion de la production géothermique ou de centrales électriques à biomasse.
Le Graphique 4.1 met en évidence un autre élément essentiel. Même si les tendances observées pour les différentes compétences demeurent similaires dans les deux groupes, le niveau de maîtrise qu’exigent pour la plupart d’entre elles les métiers issus de la transition vers une économie moins polluante est en moyenne plus élevé que celui demandé dans les professions portées par la transition verte existantes. Autrement dit, les métiers naissants en forte progression exigent généralement une meilleure maîtrise des compétences nécessaires à l’exercice d’une profession donnée11, ce qui semble indiquer que les nouveaux secteurs d’activité ont besoin de travailleurs encore plus qualifiés12. C’est là un point fondamental car il implique que l’apparition de nouveaux métiers résultant de la transition écologique va de pair avec une hausse progressive de la demande de compétences dans tous les domaines sur le marché du travail, ce qui aura des conséquences évidentes sur le monde du travail et les politiques en matière de compétences à l’avenir.
Le Graphique 4.2 compare, à un niveau de précision moindre, l’ensemble des compétences requises dans les professions portées par la transition verte à celles demandées dans les professions à forte intensité de GES, ainsi que dans les professions neutres. Un biais pourrait apparaître dans l’analyse si les professions liées aux transitions écologiques étaient extrêmement différentes de celles du reste de l’économie, notamment sur le plan des compétences requises. Pour le neutraliser, nous comparons les métiers qui se situent dans la même « catégorie de professions », définie dans O*NET comme un ensemble de professions présentant des exigences similaires du point de vue du niveau d’instruction, d’expérience et de formation en cours d’emploi. La catégorie de professions 1 d’O*NET (« professions nécessitant peu ou pas de formation ») comprend par exemple les métiers de plongeurs, maçons et opérateurs de nettoyage à sec. À l’autre extrémité, la catégorie 5, la plus exigeante (« professions nécessitant une formation approfondie »), comprend les anesthésistes, les biologistes et les hydrologues.
Pour faciliter l’interprétation des résultats et obtenir des échantillons de taille suffisante, nous avons regroupé les cinq catégories professionnelles originales d’O*NET en deux catégories : les professions exigeant une formation « faible à modérée » et les professions exigeant une préparation « au minimum avancée »13. Les secondes requièrent normalement une licence, deux à quatre ans d’expérience professionnelle et une formation pratique ou professionnelle pertinente au minimum. C’est par exemple le cas des comptables, des chimistes et des ingénieurs.
Parmi les métiers peu qualifiés (ne nécessitant qu’une formation faible à modérée), les nouvelles professions portées par la transition écologique (installateurs de panneaux solaires photovoltaïques ou techniciens en géothermie par exemple) demandent des niveaux de compétences beaucoup plus élevés que les autres (panneau A du Graphique 4.2). Cette observation confirme la plus grande complexité des professions émergentes, même parmi les moins qualifiées. Les professions bénéficiant de la transition écologique existantes (forestiers et agents de la conservation des forêts par exemple) exigent également davantage de compétences que les métiers à forte intensité de GES et neutres, mais à des niveaux nettement plus proches de ceux d’autres professions. Dans l’ensemble, les professions très polluantes (mineurs ou pompistes de tête de puits par exemple) sont celles qui requièrent le moins de compétences dans toutes les catégories, à l’exception des compétences techniques, ce qui laisse supposer que ce type d’emploi fait davantage appel au travail manuel et à la mécanique.
En revanche, les estimations pour les professions très qualifiées (nécessitant au moins une formation approfondie) font apparaître un schéma plus surprenant : les écarts entre les compétences requises dans les différentes catégories sont beaucoup plus faibles (panneau B du Graphique 4.2). Dans le cas extrême des compétences liées aux processus (esprit critique ou apprentissage actif par exemple), aucun écart n’est observé. Les professions à forte intensité de GES et celles portées par la transition verte, nouvelles ou existantes, ont des exigences remarquablement similaires pour toutes les compétences de base (processus et contenu). Dans certains cas, les professions fortement productrices de GES (ingénieurs miniers et géologues par exemple) demandent des compétences encore plus étendues, à savoir des compétences sociales, techniques, et en gestion des ressources.
Globalement, il ressort de ces constats que les transitions entre les professions fortement émettrices et les professions profitant de la transition verte les plus innovantes pourraient s’avérer plus faciles pour les personnes occupant des postes très qualifiés que pour les travailleurs peu qualifiés, qui auraient préalablement besoin d’une mise à niveau et d’une reconversion professionnelles d’envergure14. Pour ces derniers, le passage d’une profession très polluante à une profession neutre serait plus réaliste, car les compétences requises dans les deux cas sont beaucoup plus semblables. Il n’en demeure pas moins que les travailleurs peu qualifiés devront acquérir davantage de compétences que leurs homologues qualifiés pour accéder à un emploi plus vert. Si tous les travailleurs, y compris les plus défavorisés, n’ont pas accès à une formation, il sera sans doute très difficile de pourvoir les postes vacants dans ces métiers verts moins qualifiés. Les travailleurs peu qualifiés contraints de quitter les secteurs producteurs de GES pourraient en outre éprouver plus de difficultés à s’insérer dans les segments du marché du travail en forte croissance (voir également le chapitre 3) et risqueraient d’être tenus à l’écart de la transition écologique.
Pour accomplir efficacement une tâche, les travailleurs doivent maîtriser diverses compétences, mais aussi posséder de solides connaissances dans certains domaines15. Les professions portées par la transition écologique nouvelles et naissantes, notamment, exigent des connaissances scientifiques plus élevées. Les principaux domaines de connaissance nécessaires à l’exercice de ces professions (aussi bien celles qui demandent une formation faible à modérée, comme les techniciens d’entretien d’éoliennes, que celles qui requièrent au minimum une formation approfondie, comme les ingénieurs en énergie éolienne) sont l’ingénierie et la technologie, les mathématiques, l’informatique et l’électronique (Graphique 4.3). La connaissance de la mécanique (c’est-à-dire la connaissance des machines et des outils, y compris leur conception, leur utilisation, leur réparation et leur entretien) et de la langue anglaise (celle‑ci étant un indicateur de la maîtrise de la langue du pays de résidence, à savoir les États-Unis pour les données d’O*NET) est également requise pour les premières (partie A) comme pour les secondes (partie B). Il convient de noter que les mêmes connaissances peuvent être utilisées pour différentes tâches (plus spécifiques à une profession) et que les connaissances en mécanique sont applicables à de nombreux types de machines et d’outils.
Les professions très qualifiées fortement émettrices de GES font en grande partie appel aux mêmes domaines de connaissances que les professions portées par la transition verte, à savoir les mathématiques, l’ingénierie et la technologie, ainsi que la langue anglaise. En revanche, les professions émettrices peu qualifiées ont besoin de connaissances extrêmement différentes, les domaines les plus demandés étant l’enseignement et la formation, la production et la transformation, et la sûreté et la sécurité publiques (outre la mécanique, domaine qu’elles ont en commun avec les professions portées par la transition verte). Là encore, ces observations confirment qu’en ce qui concerne les métiers demandant une formation faible à modérée, il existe un décalage entre les connaissances que les travailleurs acquièrent dans les professions à forte intensité de GES et celles qui sont nécessaires dans les professions profitant de la transition écologique. Ce constat est moins vrai pour les métiers très qualifiés, qui requièrent des domaines de connaissances similaires indépendamment de leur lien avec cette transition.
Pour mieux cerner les transitions professionnelles que les salariés de métiers très polluants peuvent envisager, nous calculons les écarts de compétences entre paires de professions (voir l’Encadré 4.3 pour une description de la méthodologie utilisée). En évaluant leur proximité à l’aune des compétences requises, nous obtenons des informations utiles sur les perspectives professionnelles des travailleurs des secteurs en déclin. Chaque ligne du Tableau 4.2 représente les cinq professions - qu’elles soient portées par la transition écologique (en vert) ou neutres (en gris) - les plus proches d’une profession fortement émettrice sur le plan des compétences. Ce classement est fondé sur les écarts de compétences entre paires de professions, et il est limité aux professions d’une même catégorie pour assurer que les transitions envisageables prennent en compte leurs exigences en matière d’éducation, d’expérience et de formation. Les résultats sont présentés par secteur, mais le calcul des écarts porte sur l’ensemble des professions, y compris celles d’autres secteurs d’activité.
La méthode adoptée pour calculer les écarts de compétences entre paires de professions s’appuie sur des travaux antérieurs de l’OCDE, comme OCDE (2020[15]), OCDE (2022[16]) et Tuccio et al. (2023[17]). Dans un premier temps, nous calculons pour chaque élément (qui correspond à l’une des 35 compétences, 52 aptitudes ou 33 domaines de connaissances répertoriés dans la base de données O*NET) l’écart entre le niveau de la compétence, de l’aptitude et du domaine de connaissances considérés d’une profession donnée, , et celui d’une autre profession, , toutes deux de la même catégorie d’O*NET. Nous élevons ensuite chacun de ces écarts au carré et les additionnons. L’écart euclidien est la racine carrée de la valeur obtenue1.
Une fois les écarts euclidiens calculés pour toutes les professions de la nomenclature américaine des professions (SOC) au niveau le plus détaillé (8 chiffres), nous normalisons les valeurs sur une échelle comprise entre 0 et 100 au moyen d’une méthode minimum-maximum similaire à celle décrite à l’Encadré 4.2, où la valeur minimale est 0 (lorsque la profession et la profession coïncident) et la valeur maximale est l’écart le plus important observé entre toutes les paires de professions du jeu de données. Les paires sont ensuite classées par écart. Un faible écart entre deux professions correspond à un degré de similarité élevé des compétences requises, ce qui laisse supposer qu’un travailleur qui choisit de quitter la profession pour la profession aura besoin d’une reconversion moins approfondie. Des écarts plus importants correspondent à des profils de compétences très différents entre paires de professions, et donc à de faibles chances de transition sans reconversion professionnelle d’envergure.
1. Comme le chapitre s’intéresse aux similarités des profils de compétences des différentes professions, l’analyse ne fixe pas les termes négatifs de à zéro. Bien que cette méthode ait été utilisée par le passé pour introduire une asymétrie dans la reconversion professionnelle (comme dans (2022[16])), l’analyse présentée ici a pour objectif de mesurer l’écart absolu entre deux professions et non le sens de la transition d’une profession à l’autre. Qui plus est, l’introduction de valeurs nulles pour les écarts négatifs crée le risque que l’on se fonde sur des ensembles restreints de compétences pour mesurer les écarts globaux entre les professions. De même, le chapitre n’utilise pas les degrés d’importance d’O*NET pour pondérer le calcul de l’écart et attribuer une plus grande valeur aux compétences particulièrement importantes pour la profession j. L’utilisation de coefficients de pondération entraînerait une dépendance excessive à l’égard d’un ensemble de compétences plus étroit, ce qui altérerait les résultats. Étant donné la pertinence d’une réorientation des travailleurs exerçant des métiers très polluants, l’attribution d’un degré d’importance égal à tous les domaines de connaissances, compétences et aptitudes dresse un panorama plus complet des profils de compétences.
Le Tableau 4.2 montre principalement que, dans l’ensemble, la majorité des professions à forte intensité de GES exigent des compétences semblables à celles d’au moins une profession portée par la transition écologique ou neutre. Autrement dit, l’écart de compétences normalisé entre la plupart des métiers très polluants et la profession non polluante la plus proche se situe en deçà de 25 % de l’écart maximal, c’est-à-dire qu’il est inférieur à 25 sur une échelle allant de 0 à 100. Par exemple, les compétences requises des verseurs et mouleurs dans l’industrie manufacturière (professions à forte intensité de GES) sont semblables à celles des polisseurs (une profession neutre) (écart de compétences = 13). Dans le même ordre d’idées, les mineurs ont un profil de compétences comparable à celui des poseurs de voies ferrées, une profession existante profitant de la transition verte (écart de compétences = 15). Aucune profession fortement émettrice de GES n’exige exactement les mêmes compétences qu’une profession portée par la transition écologique ou neutre, ce qui semble indiquer que même dans le cas de professions présentant des similarités à cet égard, une reconversion sera nécessaire.
Les professions à forte intensité de GES liées au transport aérien constituent des exceptions notables. L’éventail de compétences qu’elles réclament se distingue nettement de celui des autres, le cas extrême étant celui des pilotes de ligne, dont le profil est si particulier que l’écart de compétences par rapport à la profession la plus proche atteint 48. Si le secteur du transport aérien devait connaître un déclin sous l’effet de la transition vers la neutralité carbone, ses salariés auraient besoin d’une reconversion professionnelle majeure pour se réorienter vers d’autres secteurs. En revanche, si, grâce aux nouvelles technologies vertes, le secteur parvenait à produire moins d’émissions, une remise à niveau leur suffirait pour s’adapter aux nouvelles tâches.
Point intéressant, les résultats du Tableau 4.2 indiquent, outre le fait qu’une réorientation professionnelle est possible pour la plupart des travailleurs exerçant un métier très polluant, que bon nombre des personnes exerçant ces fonctions peuvent évoluer vers des professions portées par la transition écologique si elles bénéficient d’une reconversion adaptée. En particulier, le profil de compétences des métiers producteurs de GES des secteurs minier, pétrolier et gazier est notablement similaire à celui d’au moins une profession favorisée par la transition verte (voir l’exemple illustré au Graphique 4.4). En revanche, la réorientation directe des travailleurs de la plupart des professions émettrices de GES de l’industrie manufacturière et de plusieurs de celles des secteurs de l’agriculture et des transports vers une profession bénéficiant de la transition écologique pourrait s’avérer difficile sans d’importants efforts de reconversion, les compétences exigées étant relativement différentes. Dans ce cas, une transition vers une profession neutre serait sans doute plus réalisable. Par exemple, si l’on se fonde uniquement sur leur profil de compétences, les opérateurs de fours pourraient plus facilement se reconvertir dans la profession neutre de chargeur de machines (écart de compétences = 16) que de technicien d’usine de biomasse, la nouvelle profession portée par la transition écologique la plus proche (écart de compétences = 29).
À l’évidence, cette analyse des réorientations professionnelles théoriques fondée sur la similarité des profils de compétences ne prend pas en considération d’autres facteurs importants comme les écarts salariaux ou les postes disponibles, qui dépendent en définitive des marchés du travail locaux et varient d’un pays à l’autre, voire d’une localité à l’autre. Comme indiqué par Borgonovi et al. (2023[18]), si les secteurs en déclin sont concentrés dans certaines régions et ceux en croissance dans d’autres, les politiques en matière de compétences devront être complétées par des mesures favorisant la mobilité afin de véritablement permettre aux travailleurs de changer de secteur d’activité (voir également le chapitre 2). Par ailleurs, les transitions suggérées au Tableau 4.2 ne tiennent pas compte de la concurrence substantielle à laquelle les travailleurs des secteurs producteurs d’émissions risquent d’être confrontés de la part de ceux qui possèdent une expérience spécifique des secteurs respectueux de l’environnement ou des qualifications plus pertinentes.
Écart par rapport à la profession la plus proche |
#1 |
#2 |
#3 |
#4 |
#5 |
|
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Professions fortement émettrices liées à l’agriculture |
||||||
Entrepreneurs de travaux agricoles |
27 |
|||||
Opérateurs de calibrage et trieurs, produits agricoles |
22 |
|||||
Sélectionneurs d’animaux |
25 |
|||||
Opérateurs de matériel agricole |
20 |
|||||
Abatteurs |
24 |
|||||
Ouvriers agricoles, animaux d’élevage et d’aquaculture |
19 |
|||||
Opérateurs de matériel d’exploitation forestière |
19 |
|||||
Superviseurs de première ligne des travailleurs de l’agriculture, de la pêche et de la forêt |
20 |
|||||
Ouvriers agricoles et manœuvres, cultures, pépinières et serres |
24 |
|||||
Travailleurs de la pêche et de la chasse |
19 |
|||||
Agriculteurs, éleveurs et autres exploitants agricoles |
22 |
|||||
Professions fortement émettrices liées au pétrole et au gaz |
||||||
Pompistes de tête de puits |
21 |
|||||
Opérateur de derrick, pétrole et gaz |
19 |
|||||
Opérateurs de foreuse rotative, pétrole et gaz |
21 |
|||||
Ingénieurs pétroliers |
23 |
|||||
Opérateurs de compresseurs de gaz et de stations de pompage de gaz |
19 |
|||||
Opérateurs d’usines de gaz |
13 |
|||||
Contremaîtres de production, pétrole et gaz |
17 |
|||||
Opérateurs de systèmes de pompes à pétrole, opérateurs de raffinerie et jaugeurs |
17 |
|||||
Opérateurs de pompes, hormis les pompistes de tête de puits |
15 |
|||||
Professions fortement émettrices liées à l’exploitation minière |
||||||
Boulonneur de toit, exploitation minière |
17 |
|||||
Fendeurs de roche, carrière |
19 |
|||||
Aides – Ouvriers d’extraction |
15 |
|||||
Opérateurs de machines de chargement et de déplacement, exploitation minière souterraine |
20 |
|||||
Opérateurs de machines d’excavation et de chargement et de draglines, exploitation minière de surface |
17 |
|||||
Ingénieurs des mines et géologues, y compris les ingénieurs de sécurité minière |
21 |
|||||
Professions fortement émettrices liées à l’industrie manufacturière |
||||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines d’extrusion, de pressage et de compactage |
13 |
|||||
Opérateurs et surveillants de fourneaux, tourailles, fours, séchoirs et bouilloires |
16 |
|||||
Opérateurs et surveillants de machines de production de chaussures |
18 |
|||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines d’extrusion et de formage, fibres synthétiques et de verre |
13 |
|||||
Réparateurs de matériaux réfractaires, sauf les maçons de briques |
16 |
|||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines de broyage, de meulage et de polissage |
15 |
|||||
Verseurs et mouleurs, métal |
13 |
|||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines à tourner, métal et plastique |
17 |
|||||
Opérateurs et surveillants de fours de raffinage de métaux |
16 |
|||||
Souffleurs de verre, mouleurs, plieurs et finisseurs |
14 |
|||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines à couper et à trancher |
12 |
|||||
Fondeurs de moules et noyaux de fonderie |
14 |
|||||
Régleurs, opérateurs et surveillants de machines à produits en papier |
14 |
|||||
Fabricants de modèles, métal et plastique |
17 |
|||||
Installateurs et réparateurs de contrôles et de vannes, sauf porte mécanique |
17 |
|||||
Professions fortement émettrices liées aux transports |
||||||
Spécialistes des opérations aéroportuaires |
23 |
|||||
Agents de bord |
23 |
|||||
Agents de réservation et de billetterie de transport et commis de voyage |
24 |
|||||
Installateurs et réparateurs d’équipements électriques et électroniques, équipements de transport |
21 |
|||||
Opérateurs de drague |
19 |
|||||
Opérateurs de freins, de signaux et d’aiguillages de chemin de fer et chauffeurs de locomotive |
18 |
|||||
Pilotes de ligne, copilotes et ingénieurs de vol |
48 |
|||||
Capitaines, seconds et pilotes de navires aquatiques |
24 |
|||||
Mécaniciens et techniciens de service d’aéronefs |
19 |
|||||
Superviseurs de la manutention du fret aérien |
24 |
|||||
Ingénieurs de cour de triage, opérateurs de locomotives dinkey et garde‑freins |
17 |
|||||
Pilotes commerciaux |
30 |
|||||
Marins et ouvriers pétroliers marins |
20 |
|||||
Réparateurs de wagons de chemin de fer |
18 |
|||||
Réparateurs de signaux et d’aiguillages de voies |
22 |
|||||
Ingénieurs de navire |
21 |
Note : le tableau présente l’écart normalisé (sur une échelle de 0 à 100) entre chaque profession à forte intensité de GES et la profession portée par la transition écologique ou neutre la plus proche (colonne « Écart par rapport à la profession la plus proche »). Il indique également, en fonction de l’écart de compétences, les cinq professions les plus proches (colonnes #1 à #5), les carrés verts représentant les professions profession portées par la transition écologique et les carrés gris les professions neutres. Le carré le plus à gauche (#1) correspond à la profession la plus semblable à la profession à forte intensité de GES, le carré de droite (#5) à la cinquième profession la plus semblable.
Lecture : pour la profession fortement émettrice de GES de boulonneur de toit dans l’industrie minière, la profession la plus similaire du point de vue des compétences requises est une profession portée par la transition verte, les deuxième, troisième et quatrième professions les plus proches sont neutres, et la cinquième est également profession portée par la transition écologique. L’écart entre le métier de boulonneur de toit et la profession la plus proche est de 17 (sur 100).
Source : établi par l’OCDE à partir des données d’O*NET.
Les écarts de compétences moyens masquent des variations substantielles. Pour en dégager des informations utiles sur les transitions professionnelles, il convient donc d’adopter une approche décomposée permettant de tenir compte des interactions complexes des multiples parcours envisageables. Pour les besoins de ce chapitre, nous examinerons les possibilités de reconversion des personnes exerçant deux professions très polluantes – l’une nécessitant au minimum une formation approfondie, l’autre une formation modérée.
Le cas des ingénieurs pétroliers (une profession fortement émettrice de GES qui requiert un niveau d’instruction, de formation et d’expérience élevé) donne une bonne illustration des possibilités de reconversion pour quitter les secteurs polluants. En effet, lorsque l’on calcule, sur la base de leurs compétences respectives, l’écart entre ce métier et tous ceux qui requièrent au minimum une formation approfondie, de nombreuses professions portées par la transition écologique semblent présenter un profil analogue (Graphique 4.4). En particulier, les ingénieurs en environnement (une profession existante portée par la transition écologique) et les analystes des politiques en matière de changement climatique (une nouvelle profession profitant de la transition écologique) figurent parmi les cinq professions les plus proches sur ce plan.
Au final, les ingénieurs pétroliers n’auraient que quelques compétences à acquérir pour exercer au moins l’une de ces fonctions (Graphique 4.5). Pour devenir ingénieurs en environnement, par exemple, ils devraient renforcer leurs compétences en matière de contrôle et d’analyse des opérations (la capacité à analyser les besoins et les caractéristiques des produits pour créer un modèle) et approfondir leurs connaissances en chimie et en biologie. De même, ils possèdent déjà la plupart des compétences requises pour devenir analyste des politiques relatives au changement climatique, à l’exception des compétences en matière de communication et de défense des intérêts. Il apparaît ainsi que, si l’industrie pétrolière devait progressivement cesser ses activités, ses ingénieurs pourraient se reconvertir dans un emploi contribuant activement à une économie neutre en carbone moyennant l’acquisition d’un nombre restreint de compétences (une formation plus longue pouvant toutefois s’avérer nécessaire pour certaines d’entre elles, dans des domaines comme la chimie notamment).
Comme analysé à la section précédente, la similarité des compétences ne suffit pas à expliquer les transitions entre professions : l’absence de pertes de salaire substantielles et la disponibilité des emplois sont d’autres facteurs déterminants de la mobilité professionnelle. Aux États-Unis, par exemple, le salaire médian d’un ingénieur pétrolier en 2023 était de 135 690 USD par an et 20 400 personnes environ exerçaient cette profession. Le salaire moyen d’un ingénieur en environnement y est certes inférieur (100 090 USD par an), mais les possibilités d’emploi dans ce domaine sont plus nombreuses : en 2023, 39 900 personnes exerçaient ce métier, et le taux de croissance projeté entre 2022 et 2032 s’établit à 6 %, contre un taux de croissance moyen de 3 % pour l’ensemble des professions (U.S. Bureau of Labor Statistics, 2024[19]). Quoi qu’il en soit, il ressort de l’Encadré 4.4, qui présente des données provenant du secteur pétrolier américain, que ces réorientations professionnelles théoriques se produisent déjà.
En 2020, à la suite de l’effondrement des prix du pétrole intervenu pendant la pandémie de COVID‑19, les compagnies pétrolières et gazières ont licencié près de 160 000 personnes aux États-Unis. À l’opposé, de nombreuses entreprises du secteur des énergies renouvelables ont connu une expansion rapide depuis le choc initial de la pandémie, essentiellement parce qu’elles ont pu bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée recrutée parmi les anciens salariés de l’industrie pétrolière et gazière. Dans les centres énergétiques de Houston et de Dallas, au Texas, les travailleurs abandonnent le secteur des combustibles fossiles pour celui des énergies renouvelables. Une étude récente estime que la région de Houston aurait perdu 125 000 emplois dans les domaines de la prospection et de la production pétrolières et du transport par oléoduc entre 2014 et 2020 (soit une baisse de 26 %), et que de nombreux autres emplois du secteur de l’énergie traditionnelle pourraient disparaître au cours des trois prochaines décennies (Greater Houston Partnership, 2021[20]). En comparaison, l’emploi dans le secteur éolien a progressé de près de 20 % entre 2016 et 2021, les effectifs se chiffrant aujourd’hui à plus de 113 000 salariés. Les entreprises du secteur des énergies renouvelables déclarent recruter une grande partie de leur main-d’œuvre dans les secteurs pétrolier et gazier étant donné la facilité du transfert de connaissances et de compétences entre les deux industries. Les salariés aussi jugent cette transition relativement aisée, et font valoir que, du point de vue des tâches et des compétences, « les bases sont les mêmes ». Au Texas, ils estiment en outre que les secteurs émergents, du fait de leur expansion rapide, offrent une plus grande stabilité et de meilleures perspectives professionnelles. Cet exemple étaye la théorie économique qui postule que les coûts de redéploiement des travailleurs sont fonction de la similarité des compétences entre professions et que ces derniers s’orientent vers des métiers dont les tâches sont comparables (Gathmann and Schönberg, 2010[21]).
Source : Krauss, C (2023) As Oil Companies Stay Lean, Workers Move to Renewable Energy dans The New York Times: www.nytimes.com/2023/02/27/business/energy-environment/oil-gas-renewable-energy-jobs.html.
Un autre exemple représentatif est celui des régleurs, opérateurs et surveillants de machines à tourner - des travailleurs qui règlent, opèrent ou entretiennent des machines servant à rouler l’acier ou le plastique afin de former des courbes, des perles, des molettes, des rouleaux ou des plaques, ou d’aplatir le matériau, de le durcir ou d’en réduire le calibre. Il s’agit d’une activité à forte intensité de GES qui demande une formation faible à modérée et qui comptait quelque 24 750 salariés aux États-Unis en 2023, avec un salaire annuel médian de 47 040 USD (U.S. Bureau of Labor Statistics, 2024[19]). Parmi les dix premières professions avec des compétences relativement similaires, seules figurent deux professions existantes bénéficiant de la transition verte, à savoir les régleurs, opérateurs et surveillants de machines de séparation, de filtration, de clarification, de précipitation et de distillation (en 3e position) et les assembleurs de moteurs et d’autres machines (en 6e position). En revanche, il n’existe pour ainsi dire aucune nouvelle profession portée par la transition écologique présentant un profil de compétences très proche, la première (techniciens d’usine de biomasse) se classant au 33e rang (Graphique 4.6).
Il n’est pas surprenant que les compétences requises pour le métier très polluant de régleur, opérateur et surveillant de machines à tourner soient très similaires à celles demandées des régleurs, opérateurs et surveillants de machines de distillation travaillant à l’extraction, au tri ou à la séparation de liquides, de gaz ou de solides d’autres matériaux pour obtenir un produit raffiné (Graphique 4.7). De fait, la principale différence entre les deux réside dans les produits qu’ils fabriquent et la technologie utilisée. Ainsi, les opérateurs de machines à tourner qui souhaitent s’orienter vers cette profession portée par la transition verte devront approfondir leurs connaissances en mathématiques, en physique et en chimie, nécessaires à la compréhension de certains processus comme la précipitation, la fermentation ou l’évaporation. Là encore, il s’agit d’un parcours professionnel théorique qui ne tient pas compte des postes réellement disponibles ou des conditions de travail qui pourraient influer différemment sur la décision d’un travailleur. Sur le plan de la rémunération, les données recueillies en 2023 aux États-Unis indiquent que les salaires médians des deux professions sont proches (U.S. Bureau of Labor Statistics, 2024[19]).
A contrario, la nouvelle profession portée par la transition verte la plus semblable (technicien d’usine de biomasse) présente un profil de compétences très différent. Les opérateurs de machines à tourner devraient approfondir leurs connaissances en mathématiques, en physique et en chimie, mais aussi acquérir des notions dans les domaines de l’informatique et de l’électronique, de l’ingénierie et de la technologie, ainsi que dans ceux de la sûreté et la sécurité publiques, du bâtiment et de la construction, et bien d’autres encore. Il leur faudrait également améliorer de nombreuses compétences, notamment l’orientation vers le service, la capacité de perception sociale, la négociation et la capacité de persuasion, ce qui souligne l’importance des interactions sociales pour les techniciens des usines de biomasse.
Pour prévenir une répartition inégale du fardeau de la transition écologique et veiller à ce que chacun puisse profiter des débouchés qu’offrira l’économie verte, il faudra mettre en œuvre des politiques ciblées visant à faciliter la sortie des travailleurs des professions à forte intensité de GES et leur accès à des professions en plein essor sous l’effet de la transition verte, le tout en cherchant à éviter d’importants coûts sociaux pour les citoyens et les collectivités. Les retombées de la transition vers une économie neutre en carbone et des mesures d’atténuation du changement climatique ne sont pas les mêmes pour toutes les catégories socioéconomiques ; elles pénalisent les personnes dont le niveau d’instruction et de compétences est faible (voir les chapitres 2 et 3), qui seront également les plus lésées en tant que consommateurs (chapitre 5). Dans le cadre des efforts déployés pour assurer une transition équitable, il conviendra de prêter une attention particulière aux travailleurs peu qualifiés, qui sont confrontés à des déficits de compétences plus importants lorsqu’ils doivent changer de profession, et qui suivent généralement moins de formations.
Les responsables publics ont un large éventail de mesures à leur disposition pour encourager l’acquisition des compétences nécessaires à la transition écologique, et devront sans doute panacher différents instruments d’action. Nous passons ici en revue les interventions envisageables pour amplifier et améliorer les programmes de formation et faciliter le passage de métiers en déclin dans les secteurs à forte intensité de GES à des métiers portés par la transition verte. Nous présentons également des exemples de bonnes pratiques afin de contextualiser les différents instruments et leurs atouts. L’OCDE a élaboré deux questionnaires pour recueillir des informations sur les bonnes pratiques des pays membres en matière de transition écologique : les questionnaires de 2023 « Formation des adultes en vue de la transition verte » et « Politiques sociales et de l’emploi au service la transition vers la neutralité carbone ».
Il faut impérativement mettre en place des programmes de formation et des services d’accompagnement de qualité, correspondant aux exigences professionnelles, et les dirigeants doivent veiller à ce que les mesures adoptées répondent effectivement aux besoins du marché de l’emploi. Les données relatives aux besoins en compétences leur fournissent des informations indispensables à l’élaboration d’un large éventail de mesures visant à remédier aux pénuries dans ce domaine. On sait déjà que les déficits et pénuries de compétences constituent des goulets d’étranglement dans les secteurs verts, qu’ils brident l’innovation et l’adaptation technologique et freinent l’adoption de méthodes et de tâches respectueuses de l’environnement (Keese and Marcolin, 2023[22]).
Les exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins en compétences sont des études qui produisent des informations sur les besoins actuels et futurs du marché du travail à cet égard (la demande) et sur l’offre existante (OCDE, 2016[23]). Ils s’appuient sur de nombreuses sources de données et d’informations pour estimer les déficits de compétences (données provenant d’offices statistiques centralisés, de ministères, de services publics de l’emploi, d’employeurs, de salariés, de prestataires d’enseignement et de formation, etc.), et font de plus en plus appel aux données massives pour évaluer les besoins en la matière. Leurs conclusions peuvent être utilisées pour influencer diverses politiques, notamment dans les domaines de l’enseignement scolaire, de l’apprentissage des adultes, de l’orientation professionnelle, ainsi que les politiques industrielles et migratoires.
Les pays de l’OCDE procèdent couramment à des évaluations des besoins en compétences existants et nouveaux dans l’ensemble de l’économie. Des exercices plus ciblés de planification de la main-d’œuvre sont également menés dans des secteurs confrontés à d’importantes pénuries ou à des évolutions concrètes des besoins en compétences, comme la santé ou la technologie (OCDE, 2016[23]; OCDE/OIT, 2022[24]). Ils ne sont en revanche guère utilisés dans le cadre de la planification des politiques en faveur de la transition verte (OCDE, 2023[1]). Leur utilisation aux fins de prévision des besoins en compétences vertes se heurte à plusieurs difficultés, qui tiennent à des problèmes inhérents à la transition écologique elle‑même, comme celles liées à la définition des objectifs de durabilité et des professions des secteurs respectueux de l’environnement et à l’identification des compétences essentielles pour les métiers verts (OCDE, 2023[1]). La constitution d’une base de connaissances sur ces compétences est toutefois indispensable si l’on veut concevoir et mettre en œuvre des politiques ciblées qui répondent aux besoins de la transition écologique.
Les prévisions d’emploi sont un outil essentiel pour informer les responsables politiques des domaines dans lesquels des emplois sont créés et détruits et orienter leur attention sur les secteurs et les industries qui ont le plus besoin d’aide. Néanmoins, sans une évaluation des compétences, l’utilité de ces analyses aux fins de l’élaboration de politiques à l’appui de la reconversion des travailleurs et du renforcement des systèmes de formation est moindre. La conduite d’exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins en compétences et la prise en compte de leurs résultats dans le cadre de la formulation des politiques permettraient d’établir un lien étroit entre la politique de l’emploi et celle de la formation.
En Grèce, le ministère du Travail et de la sécurité sociale a mis au point le « mécanisme de diagnostic du marché du travail », un outil qui fait appel aux données massives pour recenser et analyser les compétences de pointe, y compris celles nécessaires à la transition écologique16. L’analyse utilise la nomenclature des compétences ESCO, ainsi que des données sur l’emploi et les revenus, et valide les résultats au moyen d’enquêtes quantitatives menées auprès des entreprises et des comités de prospective qualitatifs. Elle recense les compétences vertes essentielles dans les principaux secteurs, et le ministère utilise ces résultats pour établir ses politiques.
Les résultats de ces exercices peuvent s’avérer particulièrement utiles pour mettre à jour les grilles des professions et des qualifications utilisées pour définir le contenu des programmes de formation pour adultes et veiller ainsi à ce qu’ils préparent les participants aux besoins du marché du travail, contribuant par là à remédier aux pénuries de compétences. De nombreux pays sont conscients qu’une actualisation de leurs normes nationales en matière de qualifications et de professions s’impose afin d’y intégrer les compétences et les tâches requises pour travailler dans une économie neutre en carbone. L’évaluation et l’anticipation des besoins en compétences pour la transition verte revêtent une importance particulière pour la conception et la mise en œuvre de cursus et de programmes de formation pertinents et adaptés.
À titre d’exemple, l’étude sur la production d’énergie propre (un exercice d’évaluation et d’anticipation des besoins en compétences réalisé par Jobs and Skills Australia en 2023) a conclu à la nécessité d’actualiser les normes professionnelles nationales des emplois liés à la transition vers l’énergie verte afin de cerner précisément les nouveaux besoins en compétences (Jobs and Skills Australia, 2023[25]). Elle a estimé que les mécanismes de rétroaction existants ne permettaient pas d’intégrer pleinement les informations relatives aux nouveaux métiers et compétences verts dans la classification type des professions de l’Australie et de la Nouvelle‑Zélande (ANZSCO). Elle a mis en évidence des divergences entre les profils de compétences des professions examinées et ceux de l’ANZSCO, ainsi que l’omission de certaines activités durables de première importance dans les normes professionnelles nationales. En conséquence, de nouveaux projets liés à l’économie verte ont été mis sur pied dans l’objectif d’introduire les compétences recensées dans l’étude dans les programmes de formation, notamment le New Energy Skills Program, qui aide les organismes de formation à organiser des formations actualisées et adaptées à la transition vers les énergies vertes. Les Conseils pour l’emploi et les compétences (Jobs and Skills Councils – JSC) peuvent en outre s’appuyer sur l’analyse et les projections de main-d’œuvre résultant de cet exercice afin d’établir des plans pour leurs secteurs d’activité et de définir des stratégies plus systématiques pour remédier aux déficits de compétences. Un réseau national de dix JSC permet à l’industrie de mieux se faire entendre et de veiller à ce que le secteur de l’EFP en Australie offre des services plus performants aux apprenants et aux employeurs. Le réseau comprend un JSC chargé des secteurs de l’énergie, du gaz et des énergies renouvelables qui jouera un rôle déterminant à l’appui de la transition vers les énergies propres et travaillera en collaboration avec le secteur pour former la main-d’œuvre nécessaire dans ce domaine.
La réalisation d’un exercice d’évaluation et d’anticipation des besoins en compétences pour la transition verte offre l’occasion de faire évoluer la culture de la formation grâce à la collaboration entre les différentes parties prenantes. Le Comité norvégien pour les besoins en compétences a ainsi publié en 2023 les conclusions d’un exercice de cette nature qui estime l’effet de la transition verte sur le nombre d’emplois et les compétences qu’ils exigent en Norvège. Le Comité, constitué d’experts et de partenaires sociaux, y compris les acteurs du secteur de l’enseignement et de la formation, insiste sur la nécessité de mettre à jour les systèmes d’enseignement et de formation pour répondre à l’évolution des besoins en compétences (Kompetansebehovsutvalget, 2023[26]).
Un obstacle de taille pour remédier aux pénuries de compétences tient à ce que la transition verte couvre plusieurs domaines d’action. Pour construire un système de compétences complet et résilient capable de relever les défis de la transition verte, il faut réunir un large éventail de parties prenantes à la conception et à la prestation de formations ainsi qu’à l’élaboration de politiques de l’emploi et d’activation. Les exercices d’évaluation et d’anticipation des besoins en compétences peuvent constituer une base solide pour créer des liens et des canaux de communication entre les différents prestataires de services d’enseignement et de formation, les organismes publics et les employeurs, ceci afin d’adapter et de structurer la culture de la formation pour répondre aux besoins de la transition verte.
La formation joue un rôle essentiel en ce qu’elle permet aux individus et aux entreprises de tirer parti de la transition verte. L’absence de développement et d’entretien des compétences adaptées au marché du travail se traduit par des pénuries de compétences et un décalage entre l’offre et la demande de compétences, ce qui a des retombées négatives sur l’employabilité des individus et sur la productivité et la compétitivité des entreprises.
Or, de nombreux pays n’accordent pas aux systèmes de formation des adultes l’attention et les ressources nécessaires, ce qui compromet leur capacité à satisfaire aux besoins en compétences de demain. De plus, même quand des formations sont proposées, le taux de participation de ceux qui en ont le plus besoin est inférieur à la moyenne (OCDE, 2019[27]). Dans les pays de l’OCDE, par exemple, le taux de participation des salariés exerçant des professions fortement émettrices de GES ou des professions portées par la transition écologique à des programmes de formation formels est inférieur à la moyenne. Si l’on tient compte des caractéristiques démographiques, le pourcentage des professions existantes portées par la transition écologique parmi les travailleurs qui suivent une formation formelle est inférieur de 51 % à celui des travailleurs qui n’en suivent pas, et de 25 % pour ceux qui en exercent de nouvelles (Graphique 4.8)17. De même, la proportion de travailleurs exerçant des métiers fortement émetteurs de GES est inférieure de 31 % pour la formation formelle, et de 12 % pour la formation non formelle. L’analyse de Causa et al. (2024[28]) fait apparaître un schéma similaire : dans plusieurs pays, le taux de participation à la formation des travailleurs qui occupent des emplois très polluants est dans l’ensemble inférieur ; il en va de même du taux de participation à des programmes de formation non formelle de ceux qui exercent des métiers plus écologiques. Le moindre taux de participation des travailleurs exerçant des métiers portés par la transition verte tient sans doute à de multiples raisons. Ils ont peut-être bénéficié d’une formation initiale approfondie couvrant la plupart des compétences nécessaires, et ont donc moins besoin de formation régulière et continue. Il se peut également que les secteurs verts développent de solides compétences en interne, privilégiant la formation informelle ou en cours d’emploi plutôt que des programmes d’apprentissage formels. Cela dit, les disparités observées entre les pays laissent supposer que l’action publique pourrait notablement influer sur la participation des salariés de ces professions à la formation. Il semblerait en effet que les formations dans les domaines liés à l’écologie manquent de visibilité ; les pays devraient mettre en œuvre des mesures visant à en offrir davantage et à mieux informer les travailleurs, notamment ceux qui exercent des professions profitant de la transition verte, de leur existence.
Pour de nombreux gouvernements, la formation à la transition écologique est désormais une priorité. En 2022, le Conseil européen a adopté une recommandation visant à encourager l’apprentissage au service du développement durable qui souligne la nécessité de proposer des formations dans des cadres formels, non formels et informels (Conseil de l'Union européenne, 2022[29]). Le Programme des Nations unies pour l’environnement a récemment publié un cadre de référence pour la formation aux emplois verts - des lignes directrices destinées aux établissements d’enseignement supérieur expliquant comment préparer les étudiants à l’économie verte (Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2021[30]). L’ampleur du défi n’échappe pas aux pays de l’OCDE, puisque 13 d’entre eux (sur 26) déclarent financer de nouveaux programmes de formation et d’apprentissage dans la perspective de la transition écologique (OCDE, 2023[31])18.
Au Canada, le projet EDGE UP (« De l’énergie vers le numérique : un projet de transition et de formation des compétences ») a été élaboré par Calgary Economic Development, en partenariat avec le Conseil des technologies de l’information et de la communication (CTIC), dans le but de requalifier les professionnels de l’industrie pétrolière et gazière ayant perdu leur emploi en milieu de carrière et de les soutenir dans la mise en route d’un nouveau départ dans le secteur des technologies à Calgary. Le programme du projet se définit par des parcours de reconversion à partir d’une cartographie des compétences qui a mis en évidence les compétences transférables des salariés des métiers fortement émetteurs et celles qui leur manquent par rapport aux besoins des professions numériques les plus demandées (Blueprint, 2021[32]). Le programme propose en conséquence une formation préparatoire de courte durée, une formation technique (gestion de projets informatiques, analyse de données et développement de logiciels par exemple), des micro-crédits et un soutien à l’emploi. Un programme similaire au Canada, Workforce 2030, une alliance intersectorielle d’employeurs, de formateurs et de professionnels, a été créée pour favoriser le développement d’emplois liés aux technologies bas carbone dans le secteur de la construction en Ontario. Elle propose plusieurs programmes de formation, notamment le programme Rapid Upskilling for Green Building, qui permet aux travailleurs ayant souffert des conséquences du COVID‑19 de se reconvertir dans des métiers en forte demande du secteur de la construction écologique. Le projet vise spécifiquement les travailleurs appartenant à des groupes marginalisés et sous-représentés dans le secteur de la construction (notamment les femmes et les jeunes issus de minorités raciales) et utilise les canaux de communication des employeurs et des syndicats pour les informer des filières d’accès aux emplois verts (Centre des Compétences futures, 2023[33]).
La formation en milieu professionnel, apprentissage et formation en alternance compris, peut également favoriser la transition écologique. Elle permet aux travailleurs d’acquérir l’expérience recherchée par les employeurs et d’obtenir les compétences et les qualifications spécifiques dont ils ont besoin pour exercer un nouveau métier. Elle présente en outre l’avantage d’établir un lien entre les connaissances théoriques et les pratiques en vigueur dans l’entreprise. Pour l’apprenant, ce type de formation est associé à un salaire ou à une indemnité, ce qui supprime le coût d’opportunité de la formation et la rend ainsi plus accessible. Pour les employeurs, la formation en milieu professionnel est un moyen d’entrer en contact avec des candidats potentiels possédant les compétences et l’expérience spécifiques nécessaires aux postes à pourvoir et d’adapter la formation aux besoins de leur entreprise. Le programme australien New Energy Apprenticeships, par exemple, a pour objectif de financer la formation de 10 000 apprentis dans le secteur des énergies propres et renouvelables19. Il leur offre une aide financière sous la forme de paiements incitatifs à hauteur de 10 000 AUD. Il apporte également un soutien aux employeurs, lesquels peuvent prétendre à des subventions salariales à concurrence de 15 000 AUD. En Autriche, le programme de la Fondation pour l’environnement (Umweltstiftung) donne aux personnes âgées de plus de 50 ans, aux chômeurs de longue durée et aux personnes peu qualifiées ou dont les qualifications ne sont pas adaptées au marché du travail la possibilité de suivre un programme d’enseignement et de formation professionnels ou un programme d’apprentissage avec l’appui financier du service public de l’emploi20. Dans ce cadre, les entreprises assurent la formation théorique et pratique des participants et prennent en charge tous les frais non couverts par la Fondation. Les participants qui mènent à terme un programme de formation et (ou) d’apprentissage sont embauchés par l’entreprise. Pendant la formation, ils perçoivent, outre les indemnités de chômage, une subvention mensuelle de l’entreprise afin de couvrir les frais de formation (allocation). Les formations actuellement proposées dans ce cadre portent par exemple sur l’étanchéité des bâtiments (ouvrier qualifié) et sur l’électrotechnique/technique photovoltaïque (certificat d’apprentissage).
Outre la reconversion nécessaire pour évoluer vers des métiers verts, de nombreux travailleurs devront renforcer leurs compétences en prévision de la transition écologique car l’introduction de nouvelles technologies et de pratiques commerciales respectueuses de l’environnement va sans doute modifier leurs tâches. L’écologisation des pratiques des entreprises et des secteurs contribue grandement à la transition vers la neutralité carbone, et de nombreuses entreprises adoptent des processus et des activités de production décarbonés qui amèneront probablement les salariés en poste à effectuer de nouvelles tâches. La réussite de la transition écologique suppose une adoption rapide mais concrète des technologies (Way et al., 2022[34]), ce qui contraindra les employeurs à doter leurs salariés des compétences nécessaires pour répondre aux exigences opérationnelles des nouvelles technologies. Ces salariés possèdent déjà la plupart des compétences et des connaissances nécessaires à la réalisation de leur travail, mais auront besoin d’un complément de formation pour s’adapter aux nouveaux modes de travail respectueux de l’environnement. Leur formation, qui représente sans doute la majeure partie des besoins de formation pour la transition verte, devrait être dispensée sous forme de programmes de courte durée et cumulables afin de répondre aux besoins spécifiques de l’apprenant. Les programmes modulables de cette nature peuvent lever bon nombre des obstacles qui empêchent les salariés de suivre des formations, que ce soit le manque de temps (en raison de responsabilités professionnelles ou familiales), l’inadéquation du lieu et du mode d’apprentissage, et l’absence de formations intéressantes ou appropriées (OCDE, 2023[35]).
Les incitations financières à la formation, si elles sont soigneusement conçues, peuvent relever le taux de participation et renforcer l’inclusivité de la formation des adultes en éliminant les facteurs qui les empêchent de suivre un tel programme et en améliorant l’offre de formations. Il est essentiel de veiller à ce que personne ne soit exclu de la transition verte, que ce soit par souci d’équité ou parce que la non prise en compte des préoccupations sociales peut aboutir à des blocages et à la remise en cause des mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques. Les incitations financières (chèques-formation pour les travailleurs et les employeurs, subventions pour les prestataires par exemple) peuvent améliorer la formation au service de la transition écologique pour deux raisons : 1) elles réduisent les obstacles individuels à la formation ; 2) elles favorisent la mise en place des programmes de formation ciblés qui sont nécessaires pour promouvoir les pratiques commerciales respectueuses de l’environnement. Comme les professions portées par la transition verte sont généralement mieux rémunérées que les autres (voir le chapitre 2), les incitations financières doivent trouver un juste équilibre entre, d’une part, la prise en compte des rendements privés de l’éducation sous la forme d’une participation des salariés et des employeurs au coût de la formation et, d’autre part, la promotion de l’inclusivité par des subventions à la formation des personnes peu qualifiées et des entreprises confrontées à des contraintes financières.
En Allemagne, la loi sur l’allocation citoyenne (Bürgergeld-Gesetz) a renforcé les incitations financières au perfectionnement des compétences des bénéficiaires d’indemnités de chômage ou d’une allocation citoyenne. Les personnes éligibles peuvent bénéficier de nouvelles aides (primes de formation pour la réussite aux examens, Weiterbildungsprämie) et d’une allocation mensuelle de formation (Weiterbildungsgeld) pour les formations débouchant sur une qualification professionnelle, notamment celles qui sont recherchées dans le cadre de la transition écologique. Pour remédier aux obstacles non financiers, la loi sur l’allocation citoyenne a également élargi les possibilités d’obtenir un financement pour améliorer les compétences en lecture, en mathématiques ou en informatique des adultes, et pour mener à terme une qualification professionnelle, même si la période de prestation doit pour cela être prolongée (Ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales, 2024[36]). Au Japon, le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales offre des allocations de formation aux travailleurs qui suivent une formation pratique dans le domaine de l’écologie. Ce dispositif couvre 50 % du coût de la formation (à hauteur de 400 000 JPY par an), les prestations étant versées tous les six mois durant la formation. Si les intéressés obtiennent une qualification et un emploi dans un secteur apparenté dans l’année qui suit la fin du programme, ils peuvent bénéficier d’une réduction supplémentaire de 20 % des frais de formation (Ministère japonais de la Santé, du Travail et de la Protection sociale, 2023[37]). Les formations ouvrant droit à cette aide sont répertoriées sur la page web du ministère. Dans le même ordre d’idée, en Croatie, le service public de l’emploi (SPE) a récemment mis en place un système qui permet à tous les salariés et demandeurs d’emploi de bénéficier de chèques-formation couvrant le coût d’un module de formation à l’écologie. Les modules correspondent à des programmes de formation de courte durée (un an maximum) portant sur des thèmes écologiques et sont proposés au niveau de l’enseignement postsecondaire. Les programmes sont approuvés par le SPE et publiés sur une base de données de formations à l ‘écologie21.
Des incitations financières peuvent également être accordées aux employeurs pour qu’ils assurent la formation de leur personnel et le préparent à l’écologisation des activités de l’entreprise. Dans le contexte de la transition verte, nombre d’entre eux ont entrepris d’adapter leurs activités à des pratiques plus respectueuses de l’environnement. Comme ces transformations sont souvent propres à chaque employeur, il revient aux employeurs de déterminer quels programmes de perfectionnement sont nécessaires et comment former au mieux ses salariés aux nouvelles tâches.
Huit pays de l’OCDE sur vingt‑six font état de programmes de subventions ou de déductions fiscales destinés aux employeurs qui proposent des formations au développement durable à leurs salariés (OCDE, 2023[31])22. Le Forem, le service public de l’emploi et de la formation professionnelle de Wallonie (Belgique), par exemple, accorde des chèques-formation aux employeurs pour que leur personnel suive une formation dans le domaine environnemental dans des centres de formation agréés. Les chèques ont une valeur de 30 EUR et correspondent à une heure de formation par employeur. Les entreprises éligibles ont droit à plusieurs chèques par salarié et à un certain nombre de chèques supplémentaires pour des programmes de formation liés à la transition verte qui leur permettent d’offrir des formations complémentaires sur des thèmes liés à la durabilité (Le Forem, 2023[38]). Au Royaume‑Uni, le programme Skills Bootcamp permet aux employeurs de former leur personnel dans différents domaines, y compris les compétences nécessaires à la transition verte. Le ministère de de l’Éducation prend en charge 70 % des coûts de formation des entreprises de 250 salariés ou plus, et 90 % des coûts des entreprises de moins de 250 salariés. Le contenu des formations est adapté aux besoins du marché du travail régional ; leurs modalités sont souples, et elles s’étendent sur 16 semaines au maximum. À l’issue de la formation, le participant se voit souvent proposer un nouveau poste ou une nouvelle responsabilité au sein de son entreprise (GOV.UK, 2022[39]).
Les prestataires de formations peuvent également bénéficier d’incitations financières pour activer la mise en place de formations à la transition écologique. Quatorze pays de l’OCDE sur vingt‑six déclarent leur accorder des financements pour qu’ils élaborent de nouveaux programmes de formation ou d’apprentissage (ou qu’ils actualisent les cursus des programmes existants de manière à y intégrer les aptitudes et compétences nécessaires aux métiers verts) (OCDE, 2023[31])23. En Grèce, par exemple, le SPE exige des prestataires concernés qu’ils proposent des formations consacrées aux compétences nécessaires à la transition écologique. Ces programmes portent sur l’économie verte et s’adressent aussi bien aux salariés qu’aux chômeurs. Pareillement, dans les États baltes (Lettonie, Lituanie et Estonie), un projet transnational vise à promouvoir l’intégration de questions environnementales d’actualité dans la formation des adultes moyennant l’élaboration et l’expérimentation d’un programme d’apprentissage non formel et de matériel pédagogique destiné aux formateurs. Le projet, intitulé « Green Skills for a Greener Life » est financé par le Conseil nordique des ministres au travers de son programme de coopération en matière de formation, Nordplus. Dans ce cadre, des supports de formation complets ont été élaborés à l’intention des établissements d’enseignement pour adultes afin de les aider à mettre en œuvre des programmes de formation à l’écologie, dont une formation de 12 heures destinée aux enseignants et formateurs pour adultes. Ces supports sont disponibles en quatre langues (letton, lituanien, estonien et anglais) (Nordplus, 2023[40]).
Il est difficile pour les travailleurs, en particulier ceux qui sont habituellement sous-représentés dans les programmes de formation, d’appréhender les évolutions du marché du travail et les nombreuses possibilités de reconversion et de perfectionnement. En parallèle, les entreprises disent éprouver des difficultés à attirer des candidats munis des qualifications adéquates (voir également le chapitre 1) alors que bon nombre des compétences nécessaires à l’exercice de métiers verts sont déjà présentes sur le marché du travail. Selon des données de LinkedIn, 81 % des salariés ayant évolué vers un métier vert possédaient déjà des compétences environnementales ou une expérience professionnelle dans ce domaine (LinkedIn Economic Graph, 2023[41]), ce qui indique que les travailleurs doivent acquérir les qualifications nécessaires avant d’entamer cette transition. Compte tenu du développement des professions en lien avec l’écologie, les responsables publics devront déployer davantage d’efforts pour aiguiller les adultes vers les formations adéquates.
L’orientation professionnelle (à savoir les services qui aident les individus à trouver leur voie sur un marché du travail en mutation grâce à des conseils et des renseignements sur les formations et les débouchés) est un outil fondamental pour donner à chacun accès aux métiers verts et aux programmes de formation correspondants. Les conseillers peuvent aider les salariés et les demandeurs d’emploi à s’inscrire aux formations nécessaires pour évoluer vers des professions portées par la transition verte ; pour ce faire, ils décodent les informations relatives au marché du travail et adaptent leurs conseils au profil de compétences, aux besoins et aux aspirations de chacun.
Ces services peuvent être fournis par différents prestataires et par des voies diverses. Le prestataire généralement le plus utilisé est le service public de l’emploi. Néanmoins, les établissements d’enseignement et de formation, les employeurs, les services privés d’orientation professionnelle et les organismes publics spécialisés dans ce domaine peuvent aussi jouer un rôle important. Les collaborations public-privé, par exemple, sont nécessaires pour éclairer à la fois le contenu de l’orientation et son utilisation par les adultes. Quoi qu’il en soit, l’orientation professionnelle est encore mal connue et peu utilisée, et les catégories déjà défavorisées sur le marché du travail y font moins appel que la population de référence (OCDE, 2021[42]). Il est donc absolument nécessaire de renforcer les services d’orientation professionnelle, ce qui suppose d’en améliorer la qualité et la couverture, mais aussi de mieux les faire connaître pour que les travailleurs soient informés des formations et des perspectives professionnelles liées à la transition verte.
L’orientation professionnelle devrait par ailleurs sensibiliser les jeunes aux questions écologiques dès leur scolarité. Elle devrait attirer leur attention sur les conséquences de la filière choisie sur la durabilité et les diriger vers des professions portées par la transition verte nouvelles et en évolution. Dans les pays de l’OCDE, 31 % seulement des élèves de 15 ans ont atteint des niveaux de compétence élémentaires en matière de durabilité environnementale - un indicateur qui mesure la culture scientifique, la sensibilisation au changement climatique et au réchauffement planétaire, le souci de l’environnement, le sentiment d’efficacité personnelle dans l’explication des phénomènes environnementaux et les comportements favorisant la durabilité environnementale (OCDE, 2024[43]). Compte tenu du prolongement de la durée des études et de la formation des jeunes et face à la complexification du marché du travail, il faut faire une plus grande place à l’orientation professionnelle pour aider les étudiants à acquérir les bases nécessaires à une carrière dans le contexte de la transition écologique.
L’orientation professionnelle est également un instrument utile pour assurer l’appariement entre les compétences des travailleurs et les emplois. L’appariement est un processus qui consiste à répertorier minutieusement les compétences d’un individu et à orienter celui-ci vers un emploi correspondant à son profil. L’inadéquation des compétences induit des coûts importants pour les individus, les employeurs et la société et peut engendrer une baisse des revenus et de la satisfaction au travail, un risque plus élevé de perte d’emploi, une perte de compétitivité et un ralentissement de la croissance économique. Si elle persiste, cette inadéquation risque de ralentir la transition vers la neutralité carbone. Le recensement des compétences dont les travailleurs sont déjà pourvus permet, d’une part, de mieux mettre en adéquation l’offre et la demande afin de combler les pénuries de main-d’œuvre, et d’autre part d’assurer des formations continues ciblées.
Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en œuvre des politiques d’orientation pour la transition écologique. Neuf sur vingt‑six signalent avoir mis en place des dispositifs d’orientation professionnelle pour faciliter la transition vers les métiers verts (OCDE, 2023[31])24. Dans certains cas, l’optique environnementale a été intégrée à des programmes d’orientation plus généraux déjà en place. En France, la prestation de conseil en ressources humaines (PCRH) offre aux petites et moyennes entreprises un accompagnement à la gestion des ressources humaines de plus en plus lié à la transition verte. La PCRH, un service du ministère du Travail, collabore avec les opérateurs de compétences pour proposer des programmes de perfectionnement et de formation aux salariés confrontés à de nouvelles tâches, y compris vertes (Ministère du Travail de la Santé et des Solidarités, 2017[44]).
Dans d’autres cas, l’orientation professionnelle devient une composante d’un programme de formation environnementale plus vaste. Aux États-Unis, par exemple, elle intervient tout au long du programme de subvention de l’Agence de protection de l’environnement pour la formation à l’emploi dans les friches industrielles pour veiller à ce que les étudiants acquièrent les compétences nécessaires pour obtenir un emploi dans le domaine environnemental correspondant à la demande du marché du travail local. La subvention est accordée à des organismes à but non lucratif et à d’autres entités éligibles qui mettent en relation des demandeurs d’emploi et des employeurs dans le cadre de projets écologiques et qui dispensent des conseils et une formation pour doter les travailleurs des compétences requises par les employeurs. Le programme s’adresse en particulier aux chômeurs, aux ménages à faible revenu et aux minorités résidant dans des localités exposées aux risques liés aux déchets solides et dangereux (United States Environmental Protection Agency, 2023[45]; 2023[46]; 2015[47]).
Les services publics de l’emploi (SPE) comptent parmi les principaux prestataires de services d’orientation professionnelle au sein de l’OCDE (OCDE, 2021[42]), et plusieurs pays prennent des dispositions pour renforcer l’accompagnement et les conseils liés à la transition écologique qu’ils dispensent. En Croatie, les conseillers d’orientation du service national de l’emploi reçoivent des instructions concernant l’accompagnement des candidats qui participent au système de chèques-service pour les programmes de formation au numérique et à l’écologie. Le service public de l’emploi allemand s’efforce de mettre en avant l’importance des compétences futures pour un monde du travail en pleine mutation et prévoit de créer un nouveau volet, dénommé « compétences vertes – compétences pour le changement écologique », au sein de son système d’information professionnelle. Un marqueur visuel permettra aux utilisateurs de consulter des informations complémentaires sur les compétences et les formations environnementales.
L’orientation professionnelle est à la fois un bien individuel et sociétal : elle aide les individus à progresser dans leur apprentissage et leur emploi, mais elle favorise également le bon fonctionnement du marché du travail, contribuant ainsi à divers objectifs sociétaux, notamment la mobilité sociale et l’équité. C’est ce qui justifie l’investissement public dans ce domaine. Dans le nord de la Suède, le centre du SPE de Skellefteå gère un réseau de conseillers en orientation professionnelle qui couvre l’ensemble du territoire national dans le cadre des projets Relocate et React-UE financés par l’UE. Ce projet, qui s’est achevé en 2023, visait à informer, recruter et accompagner les chômeurs des villes et des régions accusant un fort taux de chômage, pour les orienter vers un emploi dans le nord du pays, qui est confronté à une importante pénurie de main-d’œuvre qualifiée en raison du développement considérable des industries vertes. Le réseau repérait les candidats susceptibles de participer au programme d’emploi et de redéploiement géographique, et les conseillers du centre de Skellefteå leur offraient un programme complet d’orientation professionnelle, portant notamment sur les possibilités de formation correspondant aux besoins du marché du travail dans les secteurs verdissants (Skellefteå Relocate, 2023[48]).
La participation à la formation varie sensiblement selon les catégories de travailleurs. Les personnes peu qualifiées, les chômeurs, les travailleurs indépendants, les intérimaires et les travailleurs à temps partiel, les salariés des PME et, dans certains pays, les femmes, y prennent généralement moins part que les autres (OCDE, 2019[27]). Comme indiqué précédemment, le taux de participation est également plus faible parmi les travailleurs exerçant des professions à forte intensité de GES et des professions portées par la transition écologique. Par conséquent, en l’absence de mesures appropriées, la transition vers la neutralité carbone risque d’accentuer les inégalités déjà existantes sur le marché du travail (Keese and Marcolin, 2023[22]).
L’évolution vers une économie neutre en carbone pourrait aussi pénaliser doublement les femmes si elle ne s’accompagne pas de politiques adaptées. La question du genre se pose en effet avec acuité sur le marché du travail, où seulement 11.5 % des femmes occupent un emploi vert (contre 28.9 % des hommes) (voir le chapitre 2, ainsi que OCDE (2023[49]) et Causa et al. (2024[28]). Selon une étude portant sur sept pays membres de l’UE, la croissance des emplois verts bénéficierait relativement plus aux hommes qu’aux femmes du fait qu’elle est principalement alimentée par la hausse de l’emploi dans les métiers manuels ou les STIM, où les femmes sont traditionnellement sous-représentées (Commission européenne, 2023[50])25. Les écarts entre les genres sont à cet égard substantiels : en Espagne, par exemple, les hommes occupaient 85 % des emplois verts en 2022.
Un examen direct des compétences aboutit à des résultats analogues. Une étude de LinkedIn montre ainsi que l’écart de compétences entre les genres (la proportion d’hommes et de femmes considérés comme qualifiés dans le domaine de l’écologie) a augmenté de 25 % au cours des sept dernières années à l’échelle mondiale (Linkedin Economic Graph, 2023[51]). Des pays comme l’Allemagne et la France affichent des évolutions encore plus préoccupantes, cet écart ayant respectivement augmenté de 44 % et de 93 % entre 2016 et 2023. Dans le même temps, les secteurs fortement émetteurs de GES sont traditionnellement dominés par les hommes, qui y occupent 83 % des emplois (OCDE, 2023[49]). Par conséquent, si les hommes tirent davantage profit de l’expansion des professions portées par la transition verte que les femmes, ils seront aussi beaucoup plus touchés par le déclin des industries polluantes (voir le chapitre 2). Il faut impérativement remédier aux disparités pour que la transition verte soit inclusive et ne crée pas d’inégalités en matière d’emploi, de compétences et de formation ou n’intensifie pas celles qui existent déjà.
Plusieurs pays de l’OCDE voient dans la transition verte une occasion de réduire les disparités dans l’emploi en ciblant les catégories en position précaire sur le marché du travail. Dans l’Union européenne, les plans de relance et de redressement sont censés favoriser et accélérer la transition verte, tout en renforçant la résilience, la cohésion et la durabilité de la croissance. Des pays comme l’Autriche ont ancré leurs politiques de compétences environnementales dans une stratégie plus large de transition équitable qui associe la réussite de la transition écologique aux principes de participation, d’inclusion et de justice sociale (BIT, 2015[52]).
En 2020, la Suède a mis en place un programme d’emplois verts qui vise à créer des emplois subventionnés adaptés aux personnes éloignées du marché du travail, en particulier les nouveaux immigrés et les chômeurs de longue durée. Les participants bénéficient d’une formation qui leur permet d’améliorer leur employabilité dans des métiers liés au développement durable. Entre 2021 et 2023, le gouvernement suédois a investi 17 millions EUR par an dans le programme (Commission européenne, 2023[50]).
Le renforcement de la participation des catégories sous-représentées est un élément important de la stratégie australienne de transition vers l’énergie propre. Étant donné la forte pénurie de compétences dans le secteur, plusieurs programmes visent spécifiquement à accroître la participation des femmes et des catégories vulnérables à la formation et à l’emploi dans les métiers en demande liés à la transition vers les énergies vertes et propres. À titre d’exemple, le programme Fee‑Free TAFE proposera gratuitement 180 000 places de formation professionnelle à des groupes prioritaires, notamment les Premières nations, les demandeurs d’emploi, les personnes handicapées et les femmes dans des domaines d’études non traditionnels. Ces programmes d’études gratuits portent sur des métiers très demandés, notamment plusieurs métiers stratégiques de la transition énergétique et (ou) axés sur les technologies renouvelables et durables (Department of Employment and Workplace Relations, 2023[53]). Le New Energy Apprenticeship Program et le projet Women in Male Dominated Trades proposent tous deux des services spécialement conçus pour les femmes souhaitant exercer un métier à dominante masculine (Department of Employment and Workplace Relations, 2023[54]). Ils assurent une orientation professionnelle personnalisée, mettent à disposition des conseillers spécialisés dans les difficultés rencontrées par les femmes dans les métiers à dominante masculine pendant l’apprentissage ou les stages, et proposent une mise en contact avec d’autres apprentis et stagiaires. Ils marquent tous deux une étape importante en vue de faciliter l’évolution des catégories sous-représentées vers des emplois liés à l’environnement.
La participation des parties prenantes est indispensable à l’élaboration et à la mise en œuvre réussies des mesures de renforcement des compétences et de reconversion. Le dialogue social est un instrument essentiel pour élaborer des réformes efficaces qui prévoient des mesures portant sur différentes formes d’apprentissage, s’efforcent de remédier aux nombreux obstacles à la participation et s’adressent à divers groupes cibles (OCDE, 2020[55]), tous les marchés du travail de l’OCDE ne se fondant cependant pas sur ce principe. Les différentes catégories de parties prenantes sont néanmoins invitées à s’exprimer pour que la transition vers la neutralité carbone puisse être appréhendée dans toute sa complexité.
Dans le contexte de la transition verte, le dialogue social est utile à toutes les phases du cycle d’élaboration des politiques relatives aux compétences. Les partenaires sociaux peuvent participer à l’exercice d’anticipation des besoins en compétences, à l’élaboration de stratégies et de mesures en la matière, à la mise en œuvre de politiques de perfectionnement et de reconversion (y compris la prestation et le financement de la formation et la négociation des droits à la formation), et à l’assurance qualité des formations dispensées (Global Deal, 2023[56]; OCDE, 2019[57]). Le caractère inclusif de la formulation et de l’application des politiques garantit la diversité des points de vue et le transfert des connaissances, et appuie la définition de mesures permettant de remédier aux nombreux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs, les employeurs et les pouvoirs publics. Une vaste participation des parties prenantes favorise l’adhésion de la population aux politiques et réglementations et améliore la connaissance et la légitimité de ces dernières. Les processus de décision collaboratifs peuvent également produire des mesures qui répondent à des besoins divers, améliorant ainsi leur efficacité.
La négociation collective est un outil auquel les syndicats peuvent faire appel pour assurer le droit des travailleurs à des congés de formation, au financement de la formation et à une rémunération correspondant aux nouvelles qualifications acquises. S’agissant des salariés des secteurs fortement émetteurs, les syndicats peuvent préconiser et appuyer des programmes de réorientation professionnelle, notamment de reconversion et de renforcement des compétences, pour les aider à s’adapter aux nouvelles exigences professionnelles (voir également les chapitres 2 et 3). Or, malgré l’importance d’une transition verte et équitable, 23 % seulement des conventions collectives traitent des aspects environnementaux de manière explicite. (BIT, 2022[58]). La négociation collective contribue toutefois de manière significative à garantir le droit à la formation, ce qui peut avoir une incidence positive sur la formation au service de la transition vers la neutralité carbone étant donné que les besoins et les débouchés professionnels que celle‑ci crée sont suffisamment connus. En Suède, l’accord sur l’aide à la formation pour la transition conclu par les partenaires sociaux et le gouvernement en 2022 donne aux salariés et aux personnes entre deux emplois le droit de bénéficier d’une aide financière pour une formation à temps plein d’une durée maximale de 44 semaines visant à développer et à renforcer leurs compétences de manière à répondre aux besoins futurs du marché du travail (Government Offices of Sweden, 2022[59]). Au Danemark, l’accord tripartite national de 2017 sur la formation des adultes et la formation continue prévoyait un « fonds de reconversion » d’environ 53 millions EUR pour permettre aux travailleurs de suivre de leur propre initiative une formation complémentaire, y compris de niveau avancé, afin de faire face à la transformation rapide du marché du travail (Gouvernement du Danemark, 2017[60]).
De même, les organisations patronales, ainsi que les associations professionnelles et sectorielles, jouent un rôle important dans l’élaboration de politiques globales, en particulier lorsqu’il s’agit de remédier aux déficits de compétences, car elles servent d’intermédiaires entre les entreprises et les travailleurs. Elles sont bien placées pour déterminer les besoins en compétences dans des secteurs précis et fournissent des informations utiles aux établissements d’enseignement et de formation, ce qui permet d’adapter les programmes de formation aux besoins du marché du travail. Dans le cadre du dialogue social, les organisations patronales peuvent également préconiser des mesures qui favorisent le perfectionnement de la main-d’œuvre et remédient aux déficits de compétences, en particulier dans le domaine de la transition verte, où les employeurs sont confrontés à des difficultés pour recruter des travailleurs possédant les qualifications souhaitées.
Bien que les méthodes collaboratives soient jugées particulièrement efficaces pour régler les problèmes du marché du travail liés à la transition verte, seuls huit pays de l’OCDE sur vingt‑six déclarent avoir mis en place des mesures visant à favoriser la coopération entre les secteurs privé et public sur cette question (OCDE, 2023[31])26. Il s’agit notamment de collaborations entre les employeurs et les organismes de formation pour l’élaboration de programmes de formation, ou de la participation des employeurs à des exercices publics d’anticipation et d’évaluation des compétences. Outre leur appui aux employeurs et aux salariés et la promotion des compétences environnementales sur le lieu de travail, les organisations patronales et les syndicats pourraient plaider en faveur d’un renforcement des systèmes de compétences pour la transition écologique au niveau gouvernemental.
Au Royaume‑Uni, le programme de plans locaux d’amélioration des compétences (Local Skill Improvement Plans – LSIP), établi par le gouvernement et dirigé par les employeurs, vise à réunir les parties prenantes locales afin de définir et de mettre en œuvre des projets qui répondront aux besoins locaux en compétences eu égard aux objectifs de neutralité carbone, à l’adaptation au changement climatique et à d’autres objectifs environnementaux. Des LSIP ont été mis en place dans 38 régions ; ils rassemblent des employeurs, des prestataires de formation, des chercheurs et des représentants des collectivités locales pour planifier, concevoir et mettre en œuvre des réformes de l’enseignement et de la formation techniques dans le but d’accroître la réactivité des systèmes de compétences aux besoins du marché du travail (Department for Education, 2023[61]). Le fonds d’amélioration des compétences locales (Local Skills Improvement Fund), doté de 165 millions GBP, permet d’élaborer et de mettre en application les programmes de formation définis par les LSIP. De la même manière ; depuis 2023, l’Allemagne met en place des groupes de travail réunissant des experts de syndicats, d’organisations patronales et d’associations professionnelles, ainsi que des représentants du secteur public (ministère fédéral du Travail et des Affaires sociales, ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche, Agence fédérale pour l’emploi, conférences des ministres des Länder), pour analyser l’évolution des besoins en compétences due à la double transition. Les résultats de ces consultations devraient être publiés en 2025 et servir de base à l’élaboration de programmes publics de renforcement des compétences et de reconversion (Federal Ministry of Labour and Social and Federal Ministry of Education and Research, 2021[62]; Federal Ministry of Labour and Social Affairs and Federal Ministry of Education and Research, 2022[63]).
Outre leur participation à l’élaboration de programmes de perfectionnement et de reconversion, les partenaires sociaux contribuent largement à la planification de la transition verte et à la promotion de politiques de développement des compétences (OCDE, 2023[1]). Il n’existe pas de définition consensuelle de la transition verte et, dans de nombreux pays, les partenaires sociaux et les groupes de défense des intérêts jouent un rôle de premier plan dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des concepts liés aux métiers et aux compétences verts. En Norvège, le principal organisme patronal, le NHO, et la plus grande confédération syndicale, la LO, collaborent de longue date sur les questions liées aux compétences. Conscients du manque d’informations sur les besoins en la matière pour la transition verte, les deux organismes ont commandé une étude d’évaluation et d’anticipation des compétences afin d’établir et de chiffrer le déficit auquel les employeurs et les travailleurs sont confrontés à cet égard dans huit chaînes de valeur fondamentales pour la transition écologique en Norvège (éolien offshore, hydrogène et secteur de la construction durable par exemple) (Oslo Economics, 2023[64]). Suite aux conclusions du rapport, le NHO et la LO ont publié des déclarations et des recommandations conjointes concernant notamment la nécessité de créer un groupe d’experts tripartite de haut niveau pour examiner les questions stratégiques liées à cette transition. Outre cette collaboration, huit associations patronales et syndicales font partie du Comité national sur les besoins en compétences, dirigé par le gouvernement, dont l’objectif est de réaliser des évaluations factuelles du futur marché du travail norvégien, et qui comprend également des représentants des conseils de comté et des chercheurs (Kompetansebehovsutvalget, 2023[26]).
La sensibilisation reste un outil important que les parties prenantes peuvent utiliser pour promouvoir la transition écologique. Bien que cette transition soit l’une des principales mégatendances mondiales, de nombreuses entreprises ne sont pas conscientes qu’elle aura une incidence sur leurs activités. En Croatie, plus de 60 % des entreprises ne voient pas en elle une source de débouchés, et seules 16 % d’entre elles avaient formulé une stratégie à cet égard en 2021 (Commission européenne, 2023[50]). En Norvège, les climatosceptiques sont nombreux parmi les salariés des secteurs concernés par la transition verte, ce qui pourrait compliquer la mise en œuvre de méthodes de travail durables, en particulier dans les secteurs de la construction, des transports et dans les secteurs industriels (Kompetansebehovsutvalget, 2023[26]).
En France, l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte, créé à l’initiative du gouvernement, a pour mission d’identifier et de mieux cerner les emplois et les compétences de l’économie verte. Il produit des connaissances sur les conséquences de la transition écologique sur l’emploi, les compétences et la formation, et suit les travaux des institutions partenaires sur la modélisation des retombées macroéconomiques et sectorielles de l’économie verte (Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, 2023[65]). Il réunit diverses parties prenantes, notamment des services administratifs de différents ministères et cabinets, l’institut national de la statistique, le service public de l’emploi, des instituts de recherche, des autorités locales, des organismes éducatifs et des groupes de réflexion. L’Observatoire est l’un des principaux conseillers en matière d’élaboration de politiques pour la transition écologique en France et s’appuie sur une mine de données pour réaliser des évaluations de qualité ; il diffuse également des informations et des recommandations à un large éventail de parties prenantes, ce qui permet de formuler des politiques diversifiées et inclusives à l’appui de la transition écologique.
Les compétences jouent un rôle pivot dans la transition vers la neutralité carbone. S’ils ne possèdent pas les compétences adéquates, les salariés ne seront pas en mesure d’accomplir les tâches et les fonctions nécessaires pour réduire les émissions et ouvrir la voie à la transition écologique. La priorité absolue, si l’on veut atteindre les objectifs de durabilité et garantir une transition équitable, consiste à leur donner accès à un enseignement et à une formation de qualité qui leur permettront d’acquérir les qualifications voulues. Cela dit, il n’est pas facile de déterminer quelles seront les principales compétences nécessaires dans le nouveau monde du travail. Compte tenu des définitions et des évaluations contradictoires des compétences, professions et secteurs d’activité susceptibles d’être touchés par la transition verte, de nombreux responsables publics n’ont pas une idée claire des mesures prioritaires à mettre en œuvre pour faciliter cette évolution. Ce chapitre examine plus particulièrement le lien entre les professions portées par la transition verte et les professions fortement émettrices de GES, les besoins de compétences qui augmentent et ceux qui diminuent, ainsi que la manière dont l’action publique peut guider les travailleurs et les orienter vers les débouchés qui s’offrent à eux.
La transition écologique a un lien avec l’innovation technologique et durable, et ce lien se manifeste dans l’évolution des compétences requises dans le champ professionnel. Les professions portées par la transition écologique, en particulier, exigent un haut niveau de compétences liées aux processus (esprit critique, suivi et apprentissage actif) et de compétences polyvalentes (résolution de problèmes complexes et prise de décision par exemple). Parmi elles, ce sont celles que cette transition a fait naître récemment (professions portées par la transition verte nouvelles et naissantes) qui requièrent le niveau de compétences le plus élevé dans quasiment tous les domaines.
Le chapitre montre que les nouvelles professions portées par la transition verte moins exigeantes quant au niveau d’instruction et à l’expérience demandent, en règle générale, des compétences plus élevées que les professions fortement émettrices ou neutres. Pour les exercer, les travailleurs peu qualifiés des métiers à fortes émissions de GES auront besoin d’une reconversion d’envergure. Une reconversion vers une profession neutre serait sans doute davantage à leur portée, mais les responsables publics doivent prêter une attention toute particulière à ces travailleurs pour veiller à ce qu’ils ne soient pas exclus des débouchés qu’offre la transition écologique. En revanche, l’évolution d’une profession fortement émettrice très qualifiée vers une profession portée par la transition verte peut s’effectuer à moindres frais. La reconversion, si elle est nécessaire, portera davantage sur les connaissances que sur les compétences, ceci pour permettre aux travailleurs d’utiliser les qualifications qu’ils possèdent dans des contextes nouveaux.
L’examen des écarts de compétences entre paires de professions confirme ces observations. Indépendamment de l’écart effectif observé, la plupart des professions fortement émettrices de GES ont des liens étroits avec plusieurs professions portées par la transition écologique vers lesquelles les travailleurs pourraient s’orienter plus facilement que vers bon nombre de professions neutres. Il suffirait par exemple aux ingénieurs pétroliers d’approfondir leurs compétences en matière de communication et de défense des intérêts pour devenir analystes du changement climatique. En revanche, les travailleurs de certains secteurs, comme l’industrie manufacturière, l’agriculture et les transports, risquent de se heurter à des difficultés pour évoluer directement vers une profession profitant de la transition verte en raison du vaste écart entre les compétences requises. Dans ce cas, une reconversion vers des professions neutres serait sans doute plus réaliste.
Dans le contexte de la transition écologique, une formation efficace est indispensable pour permettre aux individus d’évoluer sur un marché du travail en mutation. On observe notamment que le taux de formation des salariés des professions portées par la transition verte ou très polluantes est inférieur à ceux des professions neutres, ce qui crée des déséquilibres de compétences dans des secteurs verts stratégiques. Compte tenu de la reconversion et du renforcement des compétences nécessaires, il faut impérativement mettre en œuvre des programmes de formation de courte durée qui éliminent certains obstacles, comme le manque de temps, et répondent aux besoins du marché du travail. La formation en milieu professionnel permet par ailleurs d’acquérir une expérience pratique ; elle est en outre plus accessible du fait qu’elle associe les études à une activité rémunérée.
Les incitations financières peuvent faciliter la transition vers une économie verte en levant les obstacles à la formation. Des dispositifs bien pensés peuvent doper la participation aux programmes de formation des adultes et en garantir le caractère inclusif. La mise au point des instruments financiers doit donner priorité à l’accessibilité de la formation et, partant, tenir compte des obstacles les plus courants, comme le manque de temps et de moyens pécuniaires. Les incitations financières peuvent aussi offrir un moyen de remédier aux problèmes du côté de l’offre, comme le manque de formations adaptées, soit en encourageant les employeurs à en organiser eux-mêmes, soit en aidant des prestataires spécialisés à concevoir et dispenser une formation de pointe aux compétences et connaissances nécessaires à la transition écologique.
Les responsables publics de nombreux pays s’efforcent de donner aux individus les moyens de prendre en main la réorientation de leur parcours professionnel. Or, les retombées de la transition écologique sur la demande de compétences sont rarement expliquées de manière simple et limpide. En l’absence d’informations à ce propos, les travailleurs risquent de ne pas être motivés à se former ou de ne pas voir l’intérêt que présente la reconversion vers un emploi plus vert. L’orientation professionnelle a un rôle clé à jouer à cet égard en aidant des individus de tous âges à percevoir les risques et les avantages que présente pour eux la transition écologique.
Les disparités de formation et de compétences entre catégories de travailleurs font craindre que la transition écologique ne s’accompagne d’inégalités. Les déséquilibres en matière d’emploi et de compétences observés entre les genres, notamment la sous-représentation des femmes dans les emplois et les domaines de compétences liés à l’environnement, sont particulièrement préoccupants. Le risque existe également de marginaliser les individus dont le lien avec le marché du travail est déjà ténu. Garantir une transition écologique équitable pour tous exige de porter une attention particulière aux groupes sous-représentés dans le cadre des politiques relatives aux compétences et à la formation. Dans cette quête, les responsables publics doivent faire appel au riche corpus de connaissances et à l’influence des partenaires sociaux pour assurer la prise en compte des différents points de vue aux stades d’élaboration et de mise en œuvre des politiques.
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[36] Ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales (2024), Citizens’ Benefit Act, Ministère fédéral allemand du Travail et des Affaires sociales, https://www.bmas.de/DE/Service/Gesetze-und-Gesetzesvorhaben/buergergeld-gesetz.html.
[37] Ministère japonais de la Santé, du Travail et de la Protection sociale (2023), Education and Training Benefit System, https://www.mhlw.go.jp/stf/seisakunitsuite/bunya/koyou_roudou/jinzaikaihatsu/kyouiku.html.
[40] Nordplus (2023), Green Skills for a Greener Life, https://projectgreenskills.wixsite.com/greenskills/copy-of-activities.
[43] OCDE (2024), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2023 : Les compétences au service d’une transition écologique et numérique résiliente, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fe76e556-fr.
[1] OCDE (2023), Assessing and Anticipating Skills for the Green Transition: Unlocking Talent for a Sustainable Future, Getting Skills Right, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/28fa0bb5-en.
[35] OCDE (2023), Flexible adult learning provision: What it is, why it matters, and how to make it work, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/els/emp/skills-and-work/adult-learning/booklet-flexibility-2023.pdf.
[49] OCDE (2023), Job Creation and Local Economic Development 2023: Bridging the Great Green Divide, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/21db61c1-en.
[71] OCDE (2023), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2023 : Intelligence artificielle et marché du travail, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/aae5dba0-fr.
[31] OCDE (2023), Policy Questionnaire: Adult Learning for the Green Transition, OCDE, Paris.
[16] OCDE (2022), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2022 : Reconstruire des marchés du travail plus inclusifs, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/f4bcd6ab-fr.
[42] OCDE (2021), Career Guidance for Adults in a Changing World of Work, Getting Skills Right, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9a94bfad-en.
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[15] OCDE (2020), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2019 : Prospérer dans un monde numérique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/a0e29ca9-fr.
[27] OCDE (2019), Getting Skills Right: Future-Ready Adult Learning Systems, Getting Skills Right, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264311756-en.
[57] OCDE (2019), Negotiating Our Way Up: Collective Bargaining in a Changing World of Work, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1fd2da34-en.
[4] OCDE (2018), Skills for 2030: Conceptual learning framework, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/education/2030-project/teaching-and-learning/learning/skills/Skills_for_2030_concept_note.pdf.
[3] OCDE (2017), Getting Skills Right: Skills for Jobs Indicators, Getting Skills Right, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264277878-en.
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[64] Oslo Economics (2023), Kompetanse- og kunnskapsbehov for det grønne skiftet, https://osloeconomics.no/wp-content/uploads/2022/11/Kompetanse-og-kunnskapsbehov-for-det-gronne-skiftet.pdf.
[30] Programme des Nations Unies pour l’environnement (2021), Global Guidance for Education on Green Jobs, https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/35070/GGEGJ.pdf.
[8] Rutzer, C., M. Niggli and R. Weder (2020), “Estimating the green potential of occupations: A new approach applied to the U.S. labor market”, WWZ Working paper No. 2020/03, https://www.econstor.eu/bitstream/10419/240412/1/2020-03.pdf.
[48] Skellefteå Relocate (2023), Insatser för att locka arbetskraft till Skellefteå, https://skelleftea.se/relocate/startsida/om-projekten.
[2] Söderholm, P. (2020), “The green economy transition: the challenges of technological change for sustainability”, Sustainable Earth 2020 3:1, Vol. 3/1, pp. 1-11, https://doi.org/10.1186/S42055-020-00029-Y.
[17] Tuccio, M. et al. (2023), The OECD Skills Profiling Tool: A new instrument to improve career decisions, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/598ff539-en.
[11] Tyros, S., D. Andrews and A. de Serres (2023), Doing green things: skills, reallocation, and the green transition, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/286a5007-en.
[19] U.S. Bureau of Labor Statistics (2024), Occupational Outlook Handbook, https://www.bls.gov/ooh/home.htm.
[47] United States Environmental Protection (2015), Preparing Unemployed and Underemployed Residents of Waste-Impacted Communities for Full-Time Environmental Careers, https://19january2017snapshot.epa.gov/sites/production/files/2015-10/documents/epa_trifold_v05_release_final.pdf.
[46] United States Environmental Protection Agency (2023), Biden-Harris Administration Announces Availability of $12 Million Through Investing in America Agenda for Brownfields Job Training Grants, https://www.epa.gov/newsreleases/biden-harris-administration-announces-availability-12-million-through-investing.
[45] United States Environmental Protection Agency (2023), Brownfields, https://www.epa.gov/brownfields.
[10] Vona, F. et al. (2018), “Environmental Regulation and Green Skills: An Empirical Exploration”, Journal of the Association of Environmental and Resource Economists, Vol. 5/4, pp. 695-904, https://doi.org/10.1086/698859.
[34] Way, R. et al. (2022), “Empirically grounded technology forecasts and the energy transition”, Joule, Vol. 6/9, pp. 2057-2082, https://doi.org/10.1016/j.joule.2022.08.009.
[66] Werquin, P. (2010), Reconnaître l’apprentissage non formel et informel : résultats, politiques et pratiques, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264063877-fr.
← 1. Voir au chapitre 2 la définition de ces deux catégories de professions.
← 2. En conséquence, le chapitre traite essentiellement des transitions possibles entre professions mais n’analyse pas les besoins de reconversion des travailleurs d’une profession dont les tâches quotidiennes évolueraient sous l’effet de la transition écologique car il n’existe pas de données appropriées pour effectuer cette analyse. Par ailleurs, s’il examine dans quelle mesure les transitions interprofessionnelles sont réalisables en fonction des compétences requises, il n’évalue pas leur accessibilité financière. Autrement dit, l’analyse recense les professions vers lesquelles les travailleurs pourraient éventuellement s’orienter compte tenu de leur profil de compétences, mais elle n’évalue pas si de tels postes existent sur leur marché du travail local ou si les écarts salariaux pourraient entraver des évolutions professionnelles de cette nature. Deux études de cas seront examinées plus loin dans le chapitre pour apporter une réponse partielle à ces questions.
← 3. On trouvera à la section suivante une description détaillée des compétences sur laquelle se fonde l’analyse présentée ici.
← 4. À la différence des compétences et des aptitudes, les domaines de connaissance pourraient être considérés comme écologiques ; leur mesurabilité dépendra toutefois de la classification des connaissances dans une taxonomie. Par exemple, si le domaine « génie et technologie » ne peut être clairement défini comme « écologique », celui de la « science photovoltaïque » peut être considéré comme tel. Quoi qu’il en soit, les bases de données disponibles (comme O*NET) regroupent généralement les domaines de connaissances en des catégories plus larges, qui ne se prêtent pas à une analyse explicite des connaissances écologiques.
← 5. L’apprentissage formel est organisé et structuré selon des objectifs clairs, généralement dans le cadre de la formation initiale ou par un prestataire agréé. L’apprentissage informel, souvent appelé apprentissage par la pratique, n’est pas organisé et ne vise pas des objectifs précis. L’apprentissage non formel est organisé et vise des objectifs spécifiques, mais il intervient à l’initiative de l’individu ou en tant que produit dérivé d’activités plus organisées (qui n’ont pas nécessairement des objectifs d’apprentissage) (Werquin, 2010[66]).
← 6. La dernière version de la base de données O*NET, qui actualise les métiers et les tâches associés aux activités de l’économie verte, a été publiée en 2019 (base de données O*NET version 24.1 ‑ www.onetcenter.org/dictionary/24.1/excel/).
← 7. L’une des difficultés de cette analyse tient au fait que la base de données O*NET fournit des informations sur les métiers associés aux activités de l’économie verte au moyen de sa taxonomie O*NET-Standard Occupational Classification (SOC) de 2009. Les informations sur les compétences requises sont tirées de l’une de ses dernières versions (O*NET 27.2), qui utilise la taxonomie O*NET-SOC 2019. La fusion de ces deux classifications fait que, dans quelques cas, deux ou plusieurs professions de la taxonomie de 2009 sont regroupées en une seule profession dans celle de 2019. Cela pose un problème car certaines professions de la taxonomie de 2019 associent maintenant une (ou plusieurs) profession(s) portée(s) par la transition écologique et une (ou plusieurs) profession(s) qui ne le sont pas. De ce fait, les variables de certaines professions portées par la transition écologique nouvelles et existantes d’O*NET-SOC 2019 ne sont pas binaires mais ont une valeur comprise entre 0 et 1 (c’est-à-dire basée sur la proportion de professions en lien avec l’écologie dans la taxonomie de 2009 agrégées en une seule profession dans celle de 2019). Comme les variables indicatrices sont plus adaptées à l’analyse développée dans ce chapitre, ces quelques cas d’observations ambiguës ont été modélisés de manière à ce que leurs variables « vertes »prennent la valeur 1 si la part des professions portées par la transition écologique de 2009 est supérieure à 50 %, et la valeur 0 si elle est inférieure ou égale à 50 %.
← 8. Les estimations sont calculées sur la base d’une moyenne simple du niveau à huit chiffres de la Classification SOC. Cependant, 18 professions relèvent simultanément des deux catégories - voir l’analyse figurant au chapitre 2. C’est par exemple le cas des contrôleurs de transport ferroviaire ou des techniciens en géologie. Par souci de simplicité, ils seront considérés ici comme exerçant des professions portées par la transition écologique, la définition d’O*NET des emplois verts primant sur la définition sectorielle des professions à forte intensité de GES. En effet, comme la plupart de ces professions sont des professions dont le niveau de compétences augmente sous l’effet de la transition écologique, les informations relatives aux tâches, aux compétences et aux connaissances rendent compte des changements qui interviennent dans ces métiers en raison de la transition écologique.
← 9. Les estimations sont calculées sur la base d’une moyenne simple du niveau à huit chiffres de la Classification SOC.
← 10. Il ressort du Figure 4.1 que les compétences requises pour les professions portées par la transition écologique sont très semblables à celles qui gagnent en importance du fait de l’intelligence artificielle. En effet, le rapport OCDE (2023[71]) montre que, outre des compétences spécialisées en IA et en science des données, les travailleurs doivent posséder des compétences cognitives de haut niveau (esprit critique, résolution de problèmes, discernement et prise de décision par exemple) pour mettre au point des systèmes d’IA et communiquer avec eux. Ainsi, sous l’effet de ces deux transitions, écologique et numérique, les travailleurs de diverses professions auront de plus en plus intérêt à posséder ce large éventail de compétences. Cela risque de poser d’importants problèmes aux responsables publics dans la mesure où certains segments de la société ne maîtrisent déjà pas les compétences cognitives et analytiques ; des mesures ciblées s’imposeront donc pour parer à la marginalisation des personnes peu qualifiées. Plusieurs pays de l’OCDE mettent en place des programmes pour aider les travailleurs à faire face aux défis que pose la double transition. En Grèce, par exemple, le service public de l’emploi gère des « écoles professionnelles d’apprentissage » dont l’enseignement pour la période 2023‑34 est axé sur le numérique et l’écologie.
← 11. Le chapitre 2 montre que les métiers verts nouveaux et naissants sont ceux qui connaissent la croissance la plus rapide parmi les professions induites par la transition écologique.
← 12. Ce constat concorde avec les observations plus générales de Lassebie e Quintini (2022[67]) selon lesquelles les innovations dans les domaines de la technologie et de l’automatisation contraignent les travailleurs à maîtriser un éventail plus large de compétences à un niveau plus élevé pour utiliser les technologies.
← 13. Plus précisément, la catégorie des professions qui ne demandent qu’une formation « faible à modérée » retenue ici (également dénommées « métiers peu qualifiés ») regroupe la catégorie 1 d’O*NET (peu ou pas de formation), la catégorie 2 (faible degré de formation) et la catégorie 3 (degré de formation moyen), tandis que la catégorie des professions qui nécessitent au minimum une formation approfondie (également dénommées « métiers très qualifiés ») regroupe la catégorie 4 (degré de formation très élevé) et la catégorie 5 (degré de formation approfondi).
← 14. Ce constat est conforme aux conclusions de Bechichi et al. (2019[70]), selon lesquelles, à l’échelle de l’économie, les personnes très qualifiées ont généralement davantage de possibilités que les autres d’évoluer vers d’autres professions sans avoir à suivre de formations poussées.
← 15. Outre les compétences et les connaissances, les travailleurs doivent posséder les aptitudes nécessaires à l’exécution de leurs tâches. Toutefois, les aptitudes étant des caractéristiques innées et permanentes, il n’est pas facile de les améliorer par le biais de l’enseignement et de la formation. Comme le présent chapitre vise à définir les besoins en compétences aux fins d’élaboration de politiques, l’évaluation des aptitudes n’y figure pas.
← 16. On trouvera des informations sur le Mécanisme de diagnostic du marché du travail grec à l’adresse suivante : https://mdaae.gr/en/.
← 17. Comme au chapitre 2, les estimations sont obtenues à partir d’une régression linéaire utilisant la fonction sinus hyperbolique réciproque du pourcentage de chaque catégorie de profession comme variable dépendante et comportant une variable indicatrice pour la formation. Les variables dépendantes ont été multipliées par 20 et transformées au moyen d’une fonction réciproque de la fonction sinus hyperbolique. La multiplication préalable par 20 est effectuée de manière à ce que les moyennes de l’échantillon soient supérieures à 10 pour toutes les variables dépendantes, condition nécessaire à la fiabilité de l’estimation (Bellemare and Wichman, 2019[69]). Les effets en pourcentage sont obtenus au moyen d’une approximation logarithmique classique (Halvorsen and Palmquist, 1980[68]).
← 18. Il s’agit des pays suivants : Autriche, Belgique, Canada, Costa Rica, Croatie, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Lettonie, Norvège, Pologne et Suède. En Autriche, par exemple, le service public de l’emploi de la municipalité de Sigmundsherberg est en train de créer un centre de formation à la protection du climat qui formera chaque année quelque 400 personnes aux métiers verts.
← 19. Pour des informations détaillées, voir le site www.apprenticeshipsupport.com.au/New-Energy-Apprenticeships.
← 20. Pour des informations détaillées, voir le site www.aufleb.at/arbeitsstiftung/umweltstiftung/.
← 21. La base de données sur les programmes de formation à l’écologie établie par le Service croate de l’emploi peut être consultée à l’adresse suivante : https://vauceri.hzz.hr/katalog-vjestina/.
← 22. Il s’agit des pays suivants : Belgique, Corée, France, Japon, Pays‑Bas, Pologne, Royaume‑Uni et Tchéquie.
← 23. Il s’agit des pays suivants : Belgique, Canada, Costa Rica, Croatie, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pologne et Suède.
← 24. Il s’agit des pays suivants : Australie, Croatie, Espagne, États‑Unis, France, Lettonie, Pays‑Bas, République slovaque et Suède.
← 25. Les pays analysés par la Commission européenne (2023[50]) sont les suivants : Autriche, Espagne, France, Malte, Pays-Bas, Portugal et Suède.
← 26. Il s’agit des pays suivants : Allemagne, Australie, Belgique, États-Unis, France, Lettonie, Pays-Bas et Royaume‑Uni.