Malgré d’importants progrès, les inégalités liées au genre persistent dans tous les domaines de la vie sociale et économique. Les discriminations ancrées dans les institutions sociales, à savoir les lois, normes et pratiques sociales, sont l’un des principaux facteurs d’inégalité entre les genres, car elles perpétuent les disparités en matière d’éducation, d’emploi et de santé, et entravent les progrès vers une transformation sociale fondée sur l’égalité des droits. L’indice « Institutions sociales et égalité des genres » (SIGI selon son acrynonyme anglais - Social Institutions and Gender Index) de l’OCDE mesure ce type de discriminations dans 179 pays.
Ces formes particulières de discriminations sont souvent invisibles. Cependant, l’insuffisance des efforts déployés pour faire face au problème des lois, attitudes et stéréotypes discriminatoires limite la capacité des femmes et des filles à contribuer à la société et à l’économie : en 2019, l’OCDE estimait que le coût mondial des discriminations liées au genre dans les institutions sociales s’élevait à 6 000 milliards USD, soit 7.5 % du PIB mondial.
Les institutions sociales discriminatoires sont le réseau complexe de lois, normes sociales et pratiques formelles et informelles qui restreignent l’accès des femmes et des filles à leurs droits, à la justice, aux possibilités d’autonomisation et aux ressources, ce qui affecte leur capacité d’agir et leur pouvoir de décision.
Les normes sociales discriminatoires et les stéréotypes liés au genre limitent la capacité d'action des femmes sur le plan professionnel. Selon la 5e édition de l’indice SIGI, la moitié de la population mondiale (à savoir 56 %) estime que lorsqu’une mère effectue un travail rémunéré, ses enfants en pâtissent. Il est souvent attendu des femmes qu’elles effectuent la majorité des soins et des travaux domestiques non rémunérés, ce qui limite leur temps disponible pour étudier, se former ou travailler afin de recevoir un salaire. Ce phénomène est devenu nettement plus visible pendant la pandémie de COVID-19, lorsque les mesures d’atténuation ont alourdi la charge pesant sur les femmes en termes de soins et de travaux domestiques non rémunérés.
Note : Ce graphique reprend les données exploitées dans le cadre de l’indice SIGI 2023. Il prend en compte le poids de la population et concerne les 90 pays pour lesquels des données sont disponibles. Ce chiffre est plus élevé que celui des seuls pays de l’OCDE, car la répartition des soins et des travaux domestiques non rémunérés est plus déséquilibrée dans les pays en développement.
Les femmes n’occupent que 25 % des postes de cadres moyens et supérieurs dans le monde, selon l’indice SIGI 2023.
Examiner les discriminations sous l’angle des normes sociales nous aide également à comprendre les différences observées dans les matières que les jeunes femmes et les jeunes hommes étudient à l’école, ou dans leur choix de carrière professionnelle.
Dans les pays de l’OCDE, par exemple, les jeunes femmes sont moins susceptibles que les jeunes hommes d’obtenir un diplôme ou une qualification professionnelle dans le domaine des STIM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques), bien que leurs résultats en sciences soient légèrement supérieurs à ceux de leurs homologues masculins. Les jeunes hommes sont aussi plus susceptibles que les jeunes femmes d’acquérir les compétences numériques nécessaires dans l’économie d’aujourd’hui.
Mesurer les discriminations liées au genre dans les normes sociales est une affaire complexe : cela nécessite des données ventilées par sexe sur les attitudes et comportements sociaux, ainsi que sur les lois formelles et informelles existantes.
Il est essentiel de disposer de données comparatives complètes sur les discriminations institutionnelles envers les femmes pour comprendre l’ampleur du problème et aider les pouvoirs publics à élaborer des solutions fondées sur des données probantes.
L’indice SIGI du Centre de développement de l’OCDE fournit ce type de données. Il est utilisé pour évaluer si des cadres juridiques sont en place pour promouvoir et mettre en œuvre les principes d’égalité des genres et d’autonomisation des femmes, et suivre leur application, comme prévu par l’Objectif de développement durable (ODD) 5.1.1 établi par l’ONU.
L’indice SIGI est un indicateur unique qui évalue les institutions sociales discriminatoires tout au long de la vie des filles et des femmes dans quatre domaines principaux : les discriminations au sein de la famille, les atteintes à l’intégrité physique, l’accès restreint aux ressources productives et financières et les atteintes aux libertés civiles. Il vise également à rendre compte de l’intersectionnalité, car les femmes ne constituent pas un groupe homogène.
Ces données sous-tendent les travaux menés par l’OCDE avec les principaux pays et partenaires en vue de produire des rapports mondiaux et régionaux, des études par pays et des recommandations d’action concrètes.
Les discriminations dans les institutions sociales ont un impact sur l’ensemble de la population, et les concepts liés à la masculinité devraient donc être au cœur des débats sur les politiques publiques.
C’est pourquoi de récents travaux de recherche de l’OCDE ont examiné la masculinité, qui englobe les idées communes sur les comportements et l’identité des hommes, ainsi que sur ce qu’ils devraient faire et être. Ces travaux de recherche visaient à identifier des normes en matière de masculinités « restrictives », c’est-à-dire qui limitent les droits des femmes et leur autonomisation. Ces études expliquaient en outre comment ces normes pourraient être transformées de façon à devenir plus équitables et favoriser l'autonomisation des femmes.
Cependant, des débats sont en cours sur la meilleure façon de faire participer les hommes et les garçons, avec les femmes et les filles, à des programmes visant à transformer les normes sociales, et sur les politiques publiques les plus à même de soutenir ces efforts.
Par exemple, une approche pourrait viser à permettre à la fois aux femmes et aux hommes de prendre un congé parental, en partant du principe qu’inclure les hommes et les garçons dans une répartition plus équitable des soins et travaux domestiques non rémunérés pourrait contribuer à faire évoluer les mentalités et les pratiques.
En moyenne selon l’indice SIGI 2023, 62 % de la population africaine estime que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes. Un vif débat subsiste concernant l’utilisation des quotas dans le but de faire évoluer l’équilibre en matière de représentation des genres dans les secteurs public et privé. Les quotas peuvent cependant contribuer à faire changer le statu quo dans les situations où des normes de genre rigides limitent la capacité des femmes à devenir des dirigeantes politiques.
En Afrique, la représentation des femmes au parlement dans les pays dotés de quotas de quelque nature que ce soit est supérieure de 10 points de pourcentage en moyenne à celle des pays qui n’en utilisent pas.
Parmi les pays africains ayant adopté des quotas en termes de représentation des femmes, on peut citer les exemples suivants :
Le Tchad a instauré un quota progressif de 30 % pour la représentation des femmes aux fonctions électives.
La Guinée-Bissau requiert un minimum de 36 % de candidates sur les listes des partis pour les élections nationales et municipales.
Djibouti a porté le quota de 10 % minimum à 25 % minimum de femmes à des postes d’élus et au sein de l’administration publique.
Le Soudan du Sud a adopté des quotas en matière de représentation des femmes dans les branches exécutive et législative, ainsi que dans les commissions et les postes ministériels.
Le Rwanda accorde à des femmes 30 % des postes dans les organes décisionnels.
Cette discrimination systémique a pour conséquence d’aggraver les disparités entre les genres en termes de présence et de situation sur le marché du travail. Par exemple, les femmes ont tendance à être surreprésentées dans les secteurs à bas salaires, dans l’économie informelle ou parmi les travailleurs à temps partiel, et sous-représentées dans les postes de direction et d’encadrement.