L’Enquête TALIS Petite enfance de l’OCDE interroge le personnel et les responsables des structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) de neuf pays (à savoir l’Allemagne, le Chili, la Corée, le Danemark, l’Islande, Israël, le Japon, la Norvège et la Turquie) à propos de leur profil, des pratiques auxquelles ils ont recours avec les enfants, de leur manière de concevoir le développement infantile et du regard qu’ils portent sur leur profession ainsi que sur le secteur de l’EAJE. La présente publication, intitulée Garantir la qualité des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants, premier volume où sont consignées les conclusions tirées de cette enquête, se penche sur les différents facteurs connus pour exercer une influence déterminante sur la qualité des services et, par conséquent, sur l’apprentissage, le développement et le bien-être des enfants.
Providing Quality Early Childhood Education and Care
Résumé
Ce que nous apprennent les résultats de l’enquête
Interactions entre enfants, personnel et parents/tuteurs dans les centres d’éducation et d’accueil des jeunes enfants
Environ 70 % du personnel d’EAJE déclare avoir régulièrement recours à des pratiques qui stimulent le développement socioémotionnel (consistant, par exemple, à encourager l’entraide chez les enfants) ou celui du langage (notamment par des chansons ou des comptines). Il est aussi fait appel aux pratiques destinées à favoriser l’acquisition de compétences de base à l’écrit et en calcul (jeux avec des lettres ou avec des chiffres, par exemple) mais dans une moindre mesure.
En lien avec ce qui précède, l’esprit de coopération arrive en tête des compétences et aptitudes que le personnel d’EAJE juge important pour un enfant d’acquérir.
Il est courant d’échanger avec les parents au sujet des activités du jour et du développement de leur enfant. Un plus faible pourcentage du personnel d’EAJE les encourage à jouer avec l’enfant et à s’adonner à la maison à des activités instructives.
Dans les établissements d’enseignement préprimaire, la taille moyenne du groupe cible (défini comme le premier groupe d’enfants dont les membres du personnel ont eu à s’occuper le dernier jour qu’ils ont travaillé avant l’enquête) va de 15 enfants à plus de 20. Ceux qui s’occupent des groupes les plus nombreux déclarent faire une plus large place, dans leur pratique, à la gestion du comportement (par exemple, pour demander aux enfants de se calmer).
Enseignants, assistants et responsables d’EAJE
Le personnel d’EAJE a généralement poursuivi ses études au-delà du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, les plus forts pourcentages à cet égard étant relevés en Corée, au Japon et en Turquie. Tous n’ont pas eu une formation spécialisée pour travailler avec des enfants, mais ils sont entre 64 % en Islande et 97 % en Allemagne à l’avoir fait. Ceux qui ont suivi des études ou une formation plus poussées et qui ont un certain niveau de responsabilité indiquent adapter leurs pratiques en salle de classe ou de jeux en fonction du développement et des centres d’intérêt des enfants.
Dans tous les pays, et particulièrement en Corée et en Norvège, une majorité de membres du personnel (plus de 75 %) déclare avoir pris part à des activités de développement professionnel au cours des 12 mois qui ont précédé l’enquête. Cependant, ceux qui ont un niveau d’éducation plus bas sont aussi les moins enclins à suivre de telles activités.
Quel que soit le pays, le personnel d’EAJE s’estime mieux considéré par les enfants dont il s’occupe et par leurs parents ou tuteurs que par le reste de la société. Il juge aussi que sa rémunération est peu gratifiante. Ceci n’empêche pas la plupart de ses membres de déclarer avoir un travail épanouissant dans l’ensemble. Dans plusieurs pays, les membres du personnel d’EAJE les plus positifs sur la manière dont la société considère leur profession sont aussi ceux qui rapportent utiliser, dans la salle de classe ou de jeux, le plus de pratiques adaptées au développement et aux centres d’intérêt des enfants.
Le manque de moyens et la présence d’enfants en surnombre dans la classe ou la salle de jeux sont deux des principales causes de stress professionnel pour le personnel d’EAJE. Du côté des responsables de structure, ce stress tiendra avant tout à la quantité trop importante de formalités administratives qui leur incombent. Ces responsables soulignent aussi que l’absence de moyens adéquats pour leur centre et le manque de personnel constituent les deux plus grands obstacles à leur efficacité.
Centres d’éducation et d’accueil des jeunes enfants et caractéristiques structurelles des environnements de qualité
Les structures d’EAJE disposent généralement de leurs propres bâtiments. Dans plusieurs pays, le partage de locaux avec une école primaire va de pair avec des rencontres et des échanges plus fréquents entre le personnel des deux établissements et avec davantage d’activités à l’intention des parents et tuteurs destinées à préparer l’entrée des enfants à l’école.
Il y a peu indication que les structures d’EAJE où la proportion d’enfants issus de familles défavorisées est relativement importante bénéficient d’aménagements particuliers au niveau de leur organisation ou de leur fonctionnement (personnel plus qualifié, taux encadrement adapté, par exemple).
Plus d’un tiers des centres d’EAJE en Allemagne, en Islande et en Norvège accueillent au moins 11 % d’enfants dont la langue maternelle n’est pas une langue en usage au sein de la structure, alors que ce cas de même figure se présentera très rarement en Corée et au Japon. En Allemagne, au Chili et en Islande, le personnel des établissements d’enseignement préprimaire où ces enfants sont les plus nombreux déclare mener davantage d’activités où il est question de la diversité des origines au sein du groupe.
Gouvernance, financement et qualité des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants
Dans les pays ayant participé à l’enquête, plus de 90 % des structures d’EAJE bénéficient de fonds publics. Les parents eux aussi participent au financement puisque plus de 60 % des centres reçoivent une contribution de leur part dans tous les pays étudiés à l’exception du Chili et de l’Islande.
Quels que soient le pays et le niveau d’enseignement, le personnel considère la diminution de la taille des groupes, la revalorisation des salaires et la mise en place d’un accompagnement adapté pour les enfants ayant des besoins particuliers comme des priorités importantes en matière de dépenses. Bénéficier d’activités de développement professionnel de qualité est aussi une priorité importante aux yeux des membres du personnel, en particulier chez ceux qui interviennent auprès d’enfants de moins de 3 ans.
La proportion de structures d’EAJE gérées par le secteur privé est comprise entre 10 % en Israël et 70 % en Allemagne. Ces établissements disposent d’une plus grande autonomie dans la gestion de leurs ressources financières et humaines. Leur implantation en zone rurale est moins fréquente que celle des centres gérés par le secteur public dans la quasi-totalité des pays couverts par l’enquête.
Les activités de suivi portent sur l’évaluation des équipements et de la situation financière des structures bien plus que sur la qualité des interactions entre le personnel et les enfants (autrement dit, la qualité des processus). Plus de 20 % des responsables indiquent que leur centre d’EAJE n’a jamais fait l’objet d’une évaluation quant à la qualité des processus.
Ce que l’Enquête TALIS Petite enfance implique pour les politiques publiques
Les résultats communiqués dans le présent rapport laissent entrevoir quatre grands objectifs à poursuivre pour une EAJE de qualité :
1. Promouvoir des pratiques qui favorisent l’apprentissage, le développement et le bien-être des enfants : cet objectif implique des programmes de formation initiale et de formation continue à même d’aider le personnel à avoir des pratiques pertinentes et adaptées, des programmes d’enseignement bien conçus et une organisation souple des activités permettant au personnel d’interagir avec des petits groupes d’enfants.
2. Attirer et conserver du personnel de qualité : cet objectif recouvre les mesures propres à promouvoir la profession par une rémunération adaptée, moins d’instabilité et de stress et une proposition de développement professionnel plus adaptée et offrant davantage de souplesse.
3. Aider tous les enfants à prendre un bon départ dans la vie : cet objectif renvoie aux mesures consistant à donner accès à des services d’EAJE de qualité aux enfants les plus défavorisés, préparer le personnel à ajuster ses pratiques aux besoins des enfants qui ont des profils différents des autres, et réserver des ressources pour offrir des moyens supplémentaires là où ils sont nécessaires.
4. Veiller à orienter intelligemment les dépenses compte tenu de la complexité de la gouvernance et de l’offre de services : il s’agit de prendre des mesures pour identifier et se mettre d’accord sur les priorités en matière de dépenses, de bâtir des cadres d’évaluation et de suivi favorisant les progrès de la qualité et de donner une plus grande autonomie aux responsables des structures d’EAJE.
La mise en œuvre de mesures destinées à accroître la qualité de l’EAJE suppose de faire un certain nombre d’arbitrages entre les domaines dans lesquels investir davantage et ceux dans lesquels il faut dépenser moins. L’Enquête TALIS Petite enfance met en lumière ce que chaque pays pourrait considérer comme des priorités. Le présent rapport esquisse d’autre part des approches souples et coordonnées qui se révèleront peut-être plus faciles et moins coûteuses à mettre en œuvre que ne le seront des changements radicaux.