L’économie européenne est en expansion soutenue par des politiques macroéconomiques accommodantes
Des politiques pour une croissance plus forte et plus inclusive sont nécessaires
Études économiques de l'OCDE : Union européenne 2018
Résumé
Abstract
La situation économique s’améliore…
L’économie de l’UE connaît enfin une croissance robuste. Après plusieurs années de crise, l’économie européenne a enregistré une solide expansion en 2017 (graphique A), à la faveur d'une politique monétaire très accommodante, d'une politique budgétaire modérément expansionniste et du redressement de l’économie mondiale. La croissance du PIB devrait rester forte en 2018 et 2019 à l’aune de ce que l’on a observé ces dernières années.
…mais d’importantes difficultés subsistent
Le mouvement d’expansion étant amorcé, il faut maintenant faire porter l’attention sur les enjeux à long terme auxquels l’Europe doit faire face. Les disparités de bien-être, le vote britannique en faveur d’une sortie de l’UE, la faiblesse de la croissance potentielle, le vieillissement de la population et la poursuite des évolutions technologiques constituent tous des défis de taille. Pour affermir encore la confiance de ses citoyens (graphique B), l’Union européenne doit mettre l’accent sur des politiques publiques à même de déboucher sur une croissance plus forte et plus inclusive.
Mobiliser toutes les forces vives pour insuffler une nouvelle dynamique au projet européen. Dans les pays de l’UE, les inégalités de revenu sont en moyenne inférieures à ce qu’elles sont dans les autres pays de l’OCDE. Dans le même temps, les crises ont laissé un héritage fait de problèmes sociaux et d’insatisfaction. Le chômage reste supérieur à son niveau d’avant la crise dans de nombreux pays, et les salaires réels ont fortement chuté dans certains pays durement touchés par la crise, et ils ont stagné ou à peine progressé dans d’autres. Le chômage des jeunes, qui ressort à quelque 16 % en moyenne, reste élevé, et les jeunes sont encore trop nombreux à être laissés en chemin.
Il est indispensable de renforcer la croissance à long terme pour la rendre plus inclusive
La croissance potentielle a considérablement diminué depuis la crise financière (graphique C). La faiblesse de la productivité et de l’investissement dans de nombreux pays empêche toute amélioration soutenue des niveaux de vie. L’UE pourrait accroître son faible potentiel de croissance en mettant en place des conditions et incitations appropriées à l’appui des réformes nationales. Dans toute l’Europe, il existe une bonne marge pour engager des réformes propres à stimuler la concurrence, encourager l’innovation, favoriser la dynamique des entreprises et rendre la croissance plus inclusive. C’est en effet dans les moments favorables que les pays sont le mieux à même de supporter les coûts d’ajustement qu’entraînent des réformes de ce type.
L’approfondissement du marché unique est l’un des principaux leviers à la disposition de l’UE pour améliorer la prospérité. Un marché unique vaste et dynamique, propre à stimuler la concurrence et l’efficience, est le principal atout de l’UE pour relancer la concurrence, l’investissement et la croissance économique. Cependant, le marché unique reste fragmenté et des obstacles subsistent dans des domaines clés comme les services, le transport, la finance, l’énergie et les marchés numériques. Supprimer les éléments qui font inutilement obstacle à la concurrence et alléger la bureaucratie pourraient contribuer à redonner du dynamisme à l’économie et à faciliter les entrées et sorties d’entreprises, la réaffectation de ressources entre les entreprises et la diffusion de la technologie. Déployer de nouveaux efforts pour parachever le marché unique en ouvrant de nouvelles perspectives commerciales permettrait aussi de stimuler l’investissement des entreprises, qui est en progression mais reste inférieur à ses niveaux d’avant la crise.
Faire des technologies numériques un vecteur plus efficace de l’adaptation aux évolutions technologiques rapides. La capacité des économies de l’UE à recueillir les fruits de la transformation numérique sera un facteur important de la croissance future. Plusieurs pays sont à la traîne en matière de qualité des infrastructures numériques. Le recours à des outils numérique de pointe laisse à désirer dans de nombreux pays (graphique D). Un cadre réglementaire européen mieux conçu pourrait encourager l’investissement dans des infrastructures de réseau de haute qualité. Cette amélioration devrait s’accompagner d’efforts vigoureux, au niveau national, pour doter les citoyens de tous âges des compétences numériques appropriées et relever les niveaux d’instruction. L’UE pourrait appuyer le développement des compétences numériques en arrêtant une définition commune des qualifications requises et en aidant les pays à élaborer des outils de données pour suivre les écarts de compétences.
Créer des marchés du travail inclusifs pour relever les niveaux de vie et la croissance potentielle. Avec l’arrivée à maturité de la reprise, certains pays du centre de l’Europe sont déjà confrontés à des pénuries de main-d’œuvre. Le moment est venu de s’appuyer sur les réformes nationales pour garantir l’intégration des femmes, des jeunes, des travailleurs âgés et des migrants sur le marché du travail. Il pourrait aussi être utile de faciliter largement l’embauche de travailleurs qualifiés originaires de pays non membres de l’UE en simplifiant les obligations à remplir et les procédures permettant d’obtenir la Carte bleue européenne. Intégrer rapidement les réfugiés permettrait à la fois d’améliorer leur bien-être et d’étoffer la main-d’œuvre ainsi que de répondre aux préoccupations des citoyens de l’UE. La mobilité de la main-d’œuvre entre les pays de l’UE a augmenté ces dernières années, mais reste relativement faible. Dans une large mesure, cette situation est le reflet de la diversité culturelle et linguistique et l’Europe, qui est un atout. L’UE s’est dotée de règles de coordination des systèmes de protection sociale pour garantir la portabilité des droits de sécurité sociale, mais certains obstacles relevant de l’action publique freinent aussi la mobilité, notamment les difficultés pour faire reconnaître des qualifications professionnelle et la diversité des systèmes de sécurité sociale.
Une réforme du budget de l’UE pourrait stimuler la croissance et la rendre plus inclusive
Les négociations qui vont bientôt porter sur le cadre financier pluriannuel sont une occasion de repenser le budget de l’UE. Le budget de l’UE est déjà tendu et de nouveaux besoins de financement existent. Le Brexit a rendu plus urgente encore une réforme du budget : le départ du Royaume-Uni laissera un « trou » correspondant à environ 7 % du budget annuel après 2020. Si rien n’est fait, ce manque pourrait entraîner des réductions considérables dans certains programmes européens fondamentaux.
Le financement de priorités nouvelles et le comblement du vide budgétaire créé par le départ du Royaume-Uni nécessiteront d’augmenter les contributions des pays membres calculées en fonction de leur part dans le RNB européen, de trouver de nouvelles sources de recettes fiscales, de réaffecter certaines dépenses, ou encore de prévoir une combinaison de ces mesures. Supprimer le système de réductions spéciales accordées à certains des plus gros contributeurs nets permettrait de dégager des financements supplémentaires. Bien que ce soit politiquement difficile, il faudrait concentrer davantage les financements au titre des fonds de cohésion sur les régions à la traîne, ce qui permettrait de s’attaquer plus efficacement aux fractures régionales. Des réformes ont eu pour effet de réduire le poids de l’agriculture dans le budget de l’UE pour le ramener à 37%. Cependant, le soutien aux producteurs reste lié à la production à hauteur d’environ 27 % et devrait être progressivement supprimé. Les dépenses de R-D, qui ne représentent que 13 % du budget de l’Union européenne, devraient être considérablement accrues compte tenu du faible potentiel de croissance de l’UE et des éléments qui montrent qui le soutien à la R-D proposé au niveau européen apporte une valeur ajoutée supérieure à celle des programmes nationaux. L’UE pourrait aider davantage les perdants de la mondialisation et ceux qui perdent leur emploi du fait de l’évolution technologique en réformant le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et en améliorant son financement. Développer le financement des programmes à forte composante d’apprentissage et d’aide au placement, comme le dispositif « Erasmus Pro » permettrait d’aider les travailleurs peu qualifiés, notamment les jeunes.
Réduire les fractures régionales
En matière de réduction des disparités régionales de revenu, les résultats de l’UE sont mitigés. En moyenne, les écarts régionaux de PIB par habitant ont diminué au cours de la dernière décennie, mais les progrès accomplis en matière de convergence régionale ont été interrompus par la crise et n’ont pas repris depuis (graphique E).
Exploiter au mieux la politique en faveur de la cohésion pour réduire les disparités régionales. Pour pouvoir œuvrer davantage en faveur de la convergence des revenus, les dépenses de cohésion devraient viser en priorité les éléments susceptibles d’être favorables à la croissance à long terme et d’avoir des retombées transfrontalières claires, notamment les investissements dans le capital humain, l’innovation et le transport, l’énergie et les réseaux numériques.
L’accent est mis de manière trop importante sur les dépenses et pas suffisamment sur la qualité des investissements. Accroître les taux de co-financement pourrait favoriser une plus grande efficacité des dépenses. Du fait de la lenteur du démarrage de certains projets au début d’une période de programmation (graphique F), les investissements sont ensuite concentrés en fin de programme, ce qui nuit à la qualité des projets. Alléger les formalités administratives est indispensable pour rendre la politique en faveur de la cohésion plus efficace et lutter contre la lenteur des mises en route. Il pourrait être utile de concevoir un manuel unique de règles harmonisées pour les financements de l’UE.
Le changement climatique est un défi mondial qui oblige tous les pays à agir avec détermination
Plus de 90 % des Européens considèrent que le changement climatique est un problème grave. Aux termes de l’Accord de Paris, l’UE et ses États membres se sont engagés à réduire d’ici 2030 leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % par rapport à leurs niveaux de 1990. L’action publique doit devenir plus vigoureuse, d’autant plus qu’il faut atteindre l’objectif d’une hausse des températures « très inférieure à 2° ». Le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) n’a pas joué un rôle aussi important qu’il l’aurait pu pour favoriser les investissements bas carbone. La récession, la promotion très large des énergies renouvelables et d’autres mesures ont abouti à générer un excédent important de droits d’émission et ont fait baisser les prix du carbone. Le SEQE devra être encore durci et il faudra alourdir la fiscalité des combustibles fossiles hors production d’électricité. Inclure dans le système du SEQE toutes les émissions, notamment celles qui sont liées au transport, donnerait la possibilité remplacer progressivement la plupart des autres politiques climatiques. Avoir recours à des incitations tarifaires contribuerait à accroître la cohérence et à abaisser les coûts globaux. Des mesures d’accompagnement resteront nécessaires, qu’il s’agisse de réseaux ou d’autres infrastructures intelligents, d’étiquetage énergétique ou encore de fourniture d’informations.
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
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Réformer le budget de l’UE pour favoriser une croissance plus inclusive |
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De nouvelles priorités fixées pour soutenir une croissance plus inclusive doivent être financées, et le départ du Royaume-Uni entraînera un manque de ressources. La charge du financement du budget de l’UE ne reflète pas la capacité des pays à s’acquitter de leur contribution. |
Envisager l’amélioration de l’efficacité des dépenses et l’augmentation les revenus, et réévaluer la manière dont est financé le budget Européen Supprimer progressivement les paiements de la Politique Agricole Commune basés sur la production Augmenter les dépenses en recherche et développement (R&D) |
Réduire les disparités régionales en améliorant l’efficacité de la politique en faveur de la cohésion |
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L’écart de production entre les régions les moins développées et les autres est très marqué. |
Cibler en priorité les financements relevant de la politique de cohésion sur les régions moins développées. |
La multiplicité des objectifs réduit l’efficacité de la politique de cohésion, entraîne un éparpillement des ressources et rend très difficile toute évaluation de son efficacité. |
Mieux cibler les financements relevant de la politique de cohésion sur les dépenses qui ont des retombées sur la croissance à long terme (capital humain, innovation et infrastructures de réseau) et sur les projets qui créent des externalités claires au-delà des frontières. |
L’accent est mis de manière trop importante sur les dépenses engagées au titre des fonds structurels et des fonds de cohésion et pas suffisamment sur la qualité des investissements. |
Envisager de relever les taux de co-financement des pays pour encourager une meilleure sélection des projets, en tenant compte de l’impact relatif du projet et de la valeur ajoutée au niveau de l’UE. |
La quantité énorme de réglementations et les changements de règles fréquents rendent la politique en faveur de la cohésion difficile à gérer et à contrôler. |
Créer un « corpus réglementaire unique » pour les programmes de financement de l’UE. Recourir plus souvent à l’administration en ligne et à la passation électronique des marchés publics. |
Exploiter au mieux les avantages du marché unique pour améliorer à long terme la croissance et les niveaux de vie |
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Dans le secteur des services aux entreprises, les obstacles administratifs et réglementaires sont nombreux. |
Simplifier les formalités administratives pour l’établissement et la prestation de services transfrontières et donner des orientations sur la mise en œuvre de la législation de l’UE en vigueur. |
Les marchés européens de l’énergie sont trop fragmentés ; la forte concentration des marchés et la faiblesse de la concurrence restent problématiques, l’investissement est insuffisant et le prix final de l’énergie est élevé pour les citoyens et les entreprises. |
Poursuivre la coopération transfrontalière prévue pour l’exploitation des systèmes électriques et les échanges d’électricité, y compris les calculs de la capacité d’interconnexion et les marges de réserve. |
La pénurie de travailleurs possédant les compétences numériques adéquates pèse sur l’investissement et sur la productivité. |
Mettre au point des outils pour aider les États membres à effectuer un suivi des besoins en compétences numériques. Définir des normes européennes pour le suivi des compétences numériques et du contenu en tâches des professions. |
Supprimer les obstacles au travail et favoriser la mobilité intra-communautaire |
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L’UE ne réussit qu’assez mal à attirer des travailleurs étrangers très qualifiés. |
Rendre effective la simplification proposée des conditions d’éligibilité et des procédures d’obtention de la Carte bleue européenne pour les travailleurs migrants très qualifiés. |
La mobilité intra-communautaire de la main-d’œuvre est faible pour des raisons qui tiennent aux différences linguistiques, à la lenteur de la reconnaissance des qualifications et aux obstacles qui empêchent d’accéder aux professions réglementées, notamment. |
Augmenter les dépenses consacrées à des programmes de mobilité comme Erasmus+, et en faciliter l’accès à tous, quel que soit le milieu socio-économique. Favoriser l’harmonisation des contenus d’enseignement pour les professions au niveau de l’UE. Faire en sorte que la carte professionnelle européenne soit disponible pour tous les secteurs. |
Des méthodes visant à contourner le droit du travail et la législation fiscale existent toujours. |
Intensifier les efforts au niveau de l’UE pour coordonner la conception et l’organisation d’activités de contrôle conjointes, au niveau transfrontière, dans le domaine du travail et de la fiscalité. |
Mieux protéger les citoyens de l’UE face au changement |
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L’efficacité du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation est réduite par une procédure d’approbation lente et complexe. |
Réviser les exigences et les procédures applicables aux demandes pour accélérer l’utilisation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation et élargir l’éligibilité pour aider les travailleurs qui ont été touchés pour d’autres raisons, comme l’automatisation. |
Plus de 90 % des Européens considèrent que le changement climatique est un problème grave. Pour atteindre les objectifs d’émission de gaz à effet de serre de l’UE à l’horizon 2030 d’une manière qui ne soit pas excessivement coûteuse, l’action publique doit être durcie et une attention plus grande portée au rapport coût-efficacité. |
Augmenter le prix des émissions de gaz à effet de serre et envisager d’intégrer dans le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) toutes les utilisations de combustibles, notamment les transports. Relever les taux d’imposition minimum des utilisations de combustibles fossiles n’entrant pas dans le périmètre du SEQE, en particulier dans les cas où ces taux sont actuellement faibles ou nuls. |