Programme international pour l'action sur le climat

Résumé

 Les incidences du changement climatique s’intensifient et s’amplifient rapidement

En 2023, la planète a subi des impacts du changement climatique catastrophiques. Le monde a connu les trois mois les plus chauds jamais enregistrés, des températures de surface inégalées et des événements météorologiques extrêmes. Des vagues de chaleur, incendies de forêt et ouragans ont causé des ravages de part le monde, détruisant des vies et des moyens de subsistance.

Les données de l’OCDE confirment l’accélération et le caractère inédit des impacts du changement climatique. L’analyse de données systématiques portant sur l’évolution des aléas climatiques dans les pays de l’IPAC (pays de l’OCDE et partenaires de l’OCDE, dont les pays candidats à l’adhésion) confirme que les impacts du changement climatique sont de plus en plus fréquents et extrêmes, et qu’une plus grande partie de la population mondiale et des terres y est exposée. Les phénomènes climatiques extrêmes de 2023 s’inscrivent dans les tendances à long terme. Il est urgent d’agir pour le climat et tous les pays doivent être plus ambitieux.

Un phénomène alarmant et toujours plus présent est l’exposition de la population à des températures extrêmes. On estime qu’entre 2018 et 2022, dans les pays de l’OCDE et partenaires de l’OCDE, le nombre de personnes qui ont été exposées à des journées où les températures maximales dépassaient les 35ºC a augmenté de 11.3 % par rapport à la période de référence (1981-2010), pour atteindre un total de plus de 500 millions de personnes. Ainsi, en 2022, plus de 45 % de la population des pays de l’OCDE et partenaires ont subi des températures extrêmes pendant au moins deux semaines. Les températures enregistrées cette année confirment que la tendance se poursuit. Ces données sont inquiétantes, non seulement en raison de l’incidence directe des fortes chaleurs, mais aussi car celles-ci peuvent intensifier les aléas climatiques tels que les ouragans, les vagues de chaleurs, les sécheresses et les pluies diluviennes, tous pouvant considérablement nuire aux populations vulnérables, aux écosystèmes et aux infrastructures économiques.

La population exposée aux nuits tropicales (plus de 20ºC la nuit) est toujours plus nombreuse. Vingt pays (sur 51 pays de l’OCDE et partenaires) ont connu une hausse de 10 % de leur population exposée aux nuits tropicales sur la période 2018-22 par rapport à la période 1981-2010. La hausse de la population exposée à plus de huit semaines de nuits tropicales était la plus remarquable en Corée (28 %), en Italie (18 %) et en Grèce (16 %). Ces chiffres sont inquiétants, car cette chaleur a des conséquences sur la santé humaine et y faire face peut générer des coûts économiques.

L’agriculture des pays de l’OCDE et partenaires connaît des sécheressestoujours plus intenses. Les pays comme l’Argentine, le Brésil et la Roumanie ont connu une baisse moyenne de l’humidité de leurs sols de plus de 6 % en quarante ans (comparaison entre la période 2018-22 et la période 1981-2010). Ces sécheresses peuvent être encore plus sévères à l’échelle infranationale et pendant certaines saisons, ce qui a des conséquences sociales et économiques supplémentaires.

Les feux de forêt ont atteint une échelle inédite, dévastant cette année une superficie terrestre record. Toujours plus d’étendues forestières sont exposées aux incendies de forêt dans tous les pays de l’OCDE et partenaires. Entre 2000-03 et 2019-22, le pourcentage de forêts exposées aux incendies est passé de 15 % à 18 %.

La hausse des températures moyennes modifie les régimes de précipitations, affectant la production agricole et augmentant sa vulnérabilité. Sur les dix pays de l’OCDE et partenaires dont la surface cultivable est la plus exposée aux épisodes de précipitations extrêmes, six ont également un PIB hautement dépendant de l’agriculture. Par exemple, les pays qui ont la plus grande part de terres cultivables exposées aux précipitations extrêmes entre 2018 et 2022 comprenaient l’Indonésie (31.6 %), la Colombie (13.2 %), le Costa Rica (9.8 %), le Pérou (8 %) et le Brésil (3.3 %). Cette donnée illustre le fait que le dérèglement climatique menace également la sécurité alimentaire à échelle nationale et mondiale.

Beaucoup de pays sont exposés aux inondations fluviales et côtières. Les épisodes d’inondations ont été catastrophiques cette année et d’autres devraient se produire. Plus de 18 % de la population des pays de l’OCDE et partenaires est exposée au risque d’inondation fluviale. Dans certain pays, ce pourcentage monte à 40 %. De même sur les côtes, où plus de 2.6 % de la population des pays de l’OCDE et partenaires est exposée au risque d’inondation côtière.

 Des avancées ont été réalisées, mais il faut plus d’ambition et d’engagement pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050

L’Accord de Paris est pour beaucoup dans la révision à la hausse du niveau d’ambition affiché en matière d’atténuation du changement climatique. Des engagements en faveur de l’atténuation des émissions de GES ont été transmis par 196 parties prenantes, au travers des contributions déterminées au niveau national (CDN) et, en septembre 2023, 105 pays s’étaient engagés à viser la neutralité carbone, dont 90 ambitionnaient d’atteindre l’objectif d’ici 2050. Cependant, la plupart des objectifs ne sont pas juridiquement contraignants. Les objectifs de neutralité carbone couvrent environ 83 % des émissions mondiales de GES, mais seuls 26 pays plus l’UE, responsables de 16 % de ces émissions mondiales, ont inscrit ces objectifs dans une loi.

Les engagements d’atténuation pris dans les CDN ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Le GIEC estime qu’il faut réduire de 43 % les émissions mondiales de GES d’ici 2030 (par rapport à 2019) si l’objectif de l’Accord de Paris doit être atteint, c’est-à-dire si la hausse de température d’ici à la fin du siècle doit être limitée à bien moins de 2ºC et, si possible, à 1.5ºC. Or, pour l’instant, les engagements pris par les pays de l’OCDE permettraient de réduire les émissions d’environ 28 % et ceux des pays partenaires de l’OCDE permettraient de réduire les émissions de 5 % par rapport à 2020. S’ils souhaitent atteindre les objectifs de température inscrits dans l’Accord de Paris, les pays de l’OCDE et partenaires doivent encore rehausser de 30 % leurs objectifs agrégés de réduction des émissions, afin d’atteindre les réductions d’émissions que le GIEC, dans ses projections, estime nécessaire, c’est-à-dire pour combler le « déficit d’ambition ».

 La hausse du nombre de politiques climatiques adoptées par les pays et répertoriées par l’OCDE a ralenti en 2022

Le taux de croissance du nombre de mesures nationales pour le climat adoptées par les pays de l’OCDE et partenaires de l’OCDE n’a été que de 1 % en 2022. En comparaison, la croissance moyenne du nombre de politiques adoptées entre 2000 et 2021 était de 10 %, selon le suivi effectué au titre du Cadre de mesure des actions et politiques climatiques (CMAPC) de l’IPAC.

L’ampleur de l’action et sa sévérité ne sont pas toujours indicatrices de l’efficacité des mesures prises pour réduire les émissions de GES. Pour autant, le ralentissement observé en 2022 pourrait limiter la possibilité pour les pays d’atteindre leurs engagements en matière d’atténuation. Les pays ont néanmoins de multiples possibilités de renforcer leur action en rendant les politiques existantes plus exigeantes ou en adoptant de nouvelles mesures qui ne sont actuellement pas beaucoup utilisées (par exemple, la tarification carbone dans les secteurs du bâtiment et des transports, ou les interdictions et arrêts progressifs de l’extraction de combustibles fossiles et des infrastructures exploitant ces combustibles).

La ralentissement global de l’action climatique masque des différences significatives entre pays et entre types d’instruments. Par exemple, 22 pays de l’OCDE et 8 pays partenaires de l’OCDE – représentant ensemble 29 % des émissions mondiales de GES – ont renforcé leur action climatique en 2022. Cette intensification a été principalement portée par des engagements nouveaux ou renforcés en faveur de la neutralité carbone, par des mesures réglementaires plus strictes, par une hausse des prix dans la plupart des systèmes d’échange de quotas d’émissions, et par de légères avancées en matière de coopération climatique internationale et dans le financement international de l’action climatique. La crise énergétique a davantage incité les pays à adopter des cibles plus ambitieuses en matière d’utilisation des énergies renouvelables et d’efficience énergétique, et d’accélération de leur mise en œuvre.

Les chocs géopolitiques et macroéconomiques ont cependant incité certaines autorités à revenir sur leur action climatique. La crise énergétique a fait retarder ou reporter des mesures pour le climat prévues, comme la tarification carbone et l’arrêt progressif des infrastructures exploitant des combustibles fossiles. Dans le même temps, les pays ont renforcé leur soutien aux énergies fossiles jusqu’à atteindre des niveaux inégalés, soit plus de 1000 milliards USD en 2022. Certains pays, en particulier en Europe, ont significativement réduit la dépense publique consacrée à la recherche, au développement et à la démonstration portant sur les technologies bas carbone.

L’action climatique est de plus en plus variable entre les pays. La plupart des pays de l’OCDE avaient déjà mis en place des mesures fortes et ont pu accélérer leur action en faveur du climat plus rapidement que les pays partenaires de l’OCDE. Face à ces différentes trajectoires en matière de lutte contre les changements climatiques, il est plus important que jamais de mieux coordonner l’action climatique et de mieux coopérer à l’échelle internationale. Sans quoi, la non-concordance des actions climatiques pourrait accroître le risque de fuites de carbone, ce qui réduirait l’efficacité globale de la montée en puissance des mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques.

La hausse de l’utilisation des instruments fondés sur le marché (IFM) a été notablement plus lente que celle des autres types d’instruments entre l’an 2000 et 2022, c’est-à-dire que les IFM ont perdu continuellement en importance parmi les outils utilisés par les pays. Bien que ces instruments offrent une possibilité de promouvoir des réductions des émissions de manière rentable, peu de pays ont renforcé significativement l’usage d’IFM comme la tarification du carbone. Les pays connaissent des difficultés de mise en œuvre de la tarification du carbone en raison du manque d’acceptation publique de ces systèmes ; néanmoins, une conception habile prévoyant par exemple un recyclage des revenus peut favoriser le soutien à ces mécanismes.

 Perspectives d’avenir

Pour avancer vers l’objectif de neutralité carbone, des cibles d’atténuation ambitieuses, une mise en œuvre efficace et une connaissance fine des situations locales sont nécessaires. Il est primordial que les politiques climatiques soient inclusives et tiennent compte des incidences sociales et économiques des mesures entreprises. Les pays devront adapter leurs dispositifs pour garantir une transition juste et pour veiller à ce que les ménages et communautés vulnérables ne soient pas plus touchés que d’autres. À défaut de déterminer et de saisir l’incidence globale de ces tendances et événements, il est très difficile d'évaluer l'impact final de la politique climatique sur les résultats en matière d'atténuation.

Le projet horizontal de l’OCDE Zéro émission nette+, dont l’IPAC est une composante, étudie comment les pouvoirs publics peuvent développer la résilience climatique et économique ; ce projet prend en compte ces défis et d’autres enjeux fondamentaux, notamment la pénurie de compétences, l’approvisionnement en minéraux critiques et d’autres freins potentiels à une transition vers la neutralité carbone rapide et résiliente.

TwitterFacebookLinkedInEmail