Programme international pour l'action sur le climat

3. Quels sont les progrès accomplis dans l’action climatique des pays sur la voie du zéro net ?

À l’occasion de la COP26, la plupart des pays ont révisé leur CDN (Chapitre 2). Outre leurs cibles d'émission, les pays signifient également les mesures adoptées ou prévues aux fins du respect de leurs engagements en matière d'atténuation. Dans le cadre de la préparation du premier exercice d'inventaire mondial, la CCNUCC s’est attachée à compiler les principales mesures rapportées par les pays dans leur CDN (CCNUCC, 2022[1]). Par exemple, 91 % des Parties ont fait état d’actions dans le domaine prioritaire de l'approvisionnement en énergie et 74‑82 % ont signifié des mesures dans les transports ; l’utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (UTCATF) ; les bâtiments ; l’agriculture ; et les déchets (Graphique 21).

En dépit de son large champ d’analyse, le rapport de synthèse de la CCNUCC sur les CDN des Parties nécessite d’être complété par des données spécifiques sur l'action climatique des pays. Le rapport de la CCNUCC classe les actions climatiques signifiées par les pays de manière assez générale, en se basant sur les domaines d'action et sur les déclarations volontaires communiquées. Il ne présente néanmoins pas la granularité voulue pour permettre un suivi des progrès accomplis, établir une cartographie précise des mesures en place pour les différentes bases d'émissions et déterminer leur niveau de sévérité.

Pour compléter les informations fournies par la CCNUCC, l'IPAC a mené à bien une évaluation détaillée de l'action climatique de 51 pays et de l'UE. Le Cadre de mesure des actions et politiques climatiques (CMAPC) s'appuie sur les efforts déployés par la CCNUCC pour recenser les mesures climatiques déclarées par les pays (CCNUCC, 2022[1]), mais va plus loin en identifiant les mesures et instruments d’action déjà effectivement à l’œuvre et en évaluant leur degré de sévérité. Par exemple, il décortique la catégorie « production d'énergies renouvelables » de la CCNUCC en fournissant des informations sur les instruments d’action sous-jacents, tels que ceux mis en place notamment pour le soutien aux énergies renouvelables (tarifs de rachat, systèmes d'enchères, normes de bouquet d’énergies renouvelables) ou encore la tarification du carbone (taxes sur le carbone, systèmes d'échange de droits d'émission).

Le CMAPC quantifie de manière empirique l’ampleur et la sévérité de l’action mise en œuvre par les pays, fournissant ainsi des informations essentielles pour le suivi des efforts engagés par les pays dans la lutte contre le changement climatique (Encadré 4). La sévérité de l’action désigne le degré auquel les mesures et politiques de lutte contre le changement climatique incitent ou aident à atténuer les émissions de GES sur le territoire national ou à l’étranger. Bien que l’ampleur de l’action et sa sévérité ne mesurent pas son efficacité, ces informations apportent de premiers éléments clés aux fins de son évaluation.

 
Encadré 4. Le Cadre de mesure des actions et politiques climatiques de l’OCDE

Le Cadre de mesure des actions et politiques climatiques (CMAPC) de l'OCDE est une base de données structurée et harmonisée sur les politiques d'atténuation du changement climatique, reflétant l’action engagée par les 51 pays participants et l’UE sur la période 2000-20 au travers de 128 variables réparties dans 57 catégories d’instruments et actions climatiques. Le CMAPC recense les actions et politiques d'atténuation en suivant un modèle d’organisation des informations cohérent avec celui utilisé dans les cadres de suivi de la CCNUCC (CCNUCC, 2022[1]) et du GIEC (GIEC, 2022[44]).

Le champ d'étude du CMAPC couvre à la fois les mesures climatiques explicitement dédiées à l’atténuation, mais aussi celles qui, sans relever de l’action directe contre le changement climatique, sont néanmoins censées avoir un effet positif sur l’atténuation. Il s'agit notamment de mesures sectorielles, transsectorielles et internationales qui font intervenir des instruments fondés sur le marché (taxes sur le carbone, subventions en faveur des technologies zéro carbone, par exemple), des instruments non fondés sur le marché (normes, interdictions, par exemple) ou d'autres types de dispositifs (cibles d'émission à court et long termes, gouvernance climatique, par exemple), que le CMAPC classe dans des catégories supplémentaires (Graphique 21).

 
Graphique 21. Cadre de mesure des actions et politiques climatiques

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

 L'action des pays en faveur du climat se renforce, mais beaucoup reste encore à faire

Les pays se sont efforcés d’intensifier leur action en faveur du climat, mais nombreux sont ceux qui n’ont pas adopté toutes les mesures appropriées ou n’ont pas introduit la sévérité voulue. Il est possible et nécessaire de faire davantage pour atteindre les objectifs ambitieux de l'Accord de Paris.

En moyenne entre 2010 et 2020, les pays de l'IPAC ont accéléré, tant sur le plan de l'adoption de mesures que de la sévérité de leur action (Graphique 22). Les pays qui étaient déjà très actifs ont nettement accéléré le rythme d'adoption, creusant ainsi l’écart avec les autres relativement peu actifs. D'autre part, de nombreux pays, dont le niveau de sévérité des mesures était précédemment faible, ont travaillé à consolider leurs politiques existantes, entraînant une convergence en termes de sévérité moyenne de l’action.

 
Graphique 22. Les pays ont intensifié leur action climatique entre 2010 et 2020.

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

L'accélération de la prise de mesures varie considérablement d'un pays à l'autre (Graphique 23, Partie A). La moyenne qui ressort masque d'importantes différences entre les pays en termes d’ampleur de l’action climatique engagée. La plupart des pays ont accru leur nombre de politiques adoptées entre 2015 et 2020. Le Canada, par exemple, a adopté 10 politiques supplémentaires entre 2015 et 2020. À l’inverse, dans certains pays, le nombre de mesures adoptées n’a en rien progressé, et dans certains autres, des mesures précédemment en vigueur ont même été supprimées.

L’ampleur et la sévérité de l’action mise en œuvre diffèrent considérablement d'un pays à l'autre (Graphique 23, Partie B). Aucun pays n'a adopté toutes les mesures prévues. L’ampleur de l’action engagée varie entre 45 politiques adoptées en France et 13 au Pérou. L'hétérogénéité qui ressort en ce qui concerne l’ampleur de l’adoption reflète en partie les différentes approches stratégiques et ambitions climatiques des pays. Dans un monde interconnecté, les écarts en matière d'ambition climatique et d’ampleur de l’action engagée peuvent placer les pays ambitieux dans une situation concurrentielle défavorable, ce qui est susceptible, en définitive, de ralentir l'action climatique (voir la discussion sur la tarification du carbone ci-dessous).

 
Graphique 23. L’ampleur de l’action engagée et son évolution varient considérablement d'un pays à l'autre

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

Au cours des 20 dernières années, l’adoption d’instruments fondés sur le marché, et notamment de tarification du carbone et de soutien financier aux énergies renouvelables (Graphique 24, Partie A), s’est largement développée. Alors qu’au début des années 2000, ceux-ci représentaient moins de 30 % du total des instruments d’action adoptés, ils comptent pour près de 50 % de ce total aujourd’hui1. Cette montée en puissance des instruments fondés sur le marché s'est déclenchée en 2005, principalement sous l'effet de la mise en œuvre du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) et d'autres systèmes de tarification du carbone introduits par la suite.

Un autre constat qui ressort est celui de l'adoption croissante, à compter de 2013 environ, de mesures liées aux engagements internationaux pris, avec par exemple l’établissement de cibles d'émission et d’une gouvernance climatique et le développement de données et d'informations sur le changement climatique. Cette courbe ascendante s'explique en partie par la pression exercée en faveur d'une action climatique mondiale, qui a accru les engagements des pays en matière de gouvernance et qui a culminé avec l'Accord de Paris, adopté en 2015.

Au travers des pays de l’IPAC, l’accroissement des mesures adoptées a particulièrement concerné le enchères sur les énergies renouvelables, la tarification carbone, ainsi que des interdictions et la suppression d’équipements et d’infrastructures pour les énergies fossiles, tels que les centrales à charbon.

Néanmoins, étant donné que les pays n’ont pas tous les mêmes types d'émissions, de déterminants et de contraintes économiques et sociales, ils diffèrent dans la manière dont ils organisent leurs efforts d'atténuation (Graphique 24, Partie B). En fait, ces différences reflètent les interactions complexes entre les ambitions climatiques des pays, leurs conditions préexistantes, leurs contraintes politiques et institutionnelles et leurs préférences sociales. Il leur faut choisir la meilleure panoplie de mesures et les meilleurs instruments pour une action climatique efficace dans le contexte du paysage de l’action publique qui est le leur et de leurs principaux déterminants. Si certains pays (comme le Portugal) s'appuient principalement sur des mesures fondées sur le marché, telles que la tarification du carbone dans le cadre du SEQE-UE ou l'application de tarifs de rachat pour les énergies renouvelables, d'autres (comme le Costa Rica) mettent davantage l'accent sur des instruments non fondés sur le marché, avec par exemple des normes minimales de performance énergétique et des mesures d’interdiction ou d'abandon progressif des équipements ou infrastructures utilisant des combustibles fossiles.

 
Graphique 24. Évolution de l’articulation des mesures dans le temps et variations entre les pays

Note : La part croissante des instruments basés sur le marché s’explique en partie par la disponibilité des données. Par exemple, les données sur la réforme des subventions aux combustibles fossiles ne sont disponibles que depuis 2010.

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

Les pays relativement plus actifs ou plus sévères sont associés à des niveaux de réduction plus élevés des émissions de GES sur la période 2015-19 (Graphique 25)2. Ceci vaut pour les émissions totales de GES ainsi que pour l'intensité des émissions de GES et les émissions de GES par habitant. Cette analyse n'implique toutefois pas de relation de cause à effet entre l’ampleur ou la sévérité de l’action mise en œuvre et la réduction des émissions de GES. Des travaux futurs pourraient permettre d’éclaircir davantage ce point.

 
Graphique 25. Les pays plus actifs en faveur du climat sont associés à des niveaux de réduction plus élevés des émissions de GES, 2020

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56])

Par-delà leurs différents choix dans l’articulation des mesures, tous les pays ont concentré leurs efforts sur deux principaux domaines d'action climatique transversaux, qui seront examinés ainsi :

  1. 1.

    Soutenir l'action climatique par l’adoption de cibles d'émission, d’une gouvernance intégrée multi-niveaux et d’une politique de données climatiques. Les cibles d'émission adressent des signaux clés à court et à long terme aux citoyens et aux entreprises du pays quant à l'ambition climatique de leurs gouvernants. Les cibles d'émissions à court et à long terme sont mises en œuvre au travers de trains de mesures qui s'attaquent à différentes externalités sur la voie du zéro net.

  2. 2.

    Adopter des trains de mesures appropriées pour atteindre les objectifs climatiques, y compris un ensemble diversifié d'instruments :

    1. a.

      Des instruments non fondés sur le marché , tels que des instruments réglementaires ou d'information, sont nécessaires pour soutenir l'adoption des technologies bas carbone dont le coût est déjà compétitif par rapport aux solutions alternatives à forte émission de carbone.

    2. b.

      Les instruments fondés sur le marché, et notamment de tarification du carbone, modifient les comportements en jouant sur des leviers financiers.

    3. c.

      Les politiques d'innovation permettent de développer de nouvelles technologies d'atténuation avancées et de réduire le coût de celles existantes, lesquelles seront indispensables pour réduire davantage les émissions de GES au cours des prochaines décennies.

    4. d.

      Financement climatique.

 Soutenir l'action climatique par l’adoption de cibles d'émission, d’une gouvernance intégrée multi-niveaux et d’une politique de données climatiques

Les États peuvent fixer l'ambition et développer des plans crédibles pour atteindre les objectifs climatiques, établissant ainsi la confiance des investisseurs, de l'industrie et de la société civile dans l’action climatique. Les engagements des pouvoirs publics et une gouvernance climatique multi-niveaux constituent la base de la politique climatique nationale. Bien que ces engagements ne soient pas, à proprement parler, des instruments d’action, ils peuvent avoir un impact important sur les émissions dans la mesure où ils adressent des signaux aux entreprises et aux ménages sur les plans gouvernementaux à long terme et, par conséquent, sur l'attente future de la mise en œuvre des mesures climatiques. Par ailleurs, étant donné l'horizon d'investissement à long terme des actifs et équipements émetteurs de GES, les investisseurs peuvent réévaluer les projets compte tenu des attentes du changement de politique.

Dans la plupart des pays, des CDN et des cibles zéro net étaient en place en 2020 (Graphique 26). Cependant, peu de pays ont pris la peine de soutenir ces engagements par la fourniture de données climatiques précises, et par exemple de rapports biennaux, de rapports biennaux actualisés (BUR) ou d’informations sur les émissions de GES (en s’appuyant par exemple sur les inventaires nationaux de gaz à effet de serre ou le Système de comptabilité économique et environnementale), éléments indispensables pour évaluer la mise en œuvre de la politique climatique nationale. Ces données seront essentielles à mesure que les pays passeront des engagements explicites à la mise en œuvre effective de leurs instruments d’action pour atteindre leurs objectifs.

 
Graphique 26. Cibles, gouvernance et politique de données climatiques adoptés dans les pays de l’IPAC en 2020

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56])

Compte tenu de l'ampleur des effets du changement climatique et de la nature transsectorielle de la mise en œuvre des mesures climatiques, la clé d'une politique climatique cohérente réside dans un effort pangouvernemental concerté déployé pour établir clairement les objectifs et identifier les principaux cadres et instruments d’action nécessaire pour soutenir la transition. Une approche exhaustive exige que les objectifs et les cibles climatiques soient intégrés à tous les niveaux d’administration. Dans la plupart des pays, ceci signifie traduire les engagements internationaux en plans nationaux à chaque échelon, national, infranational et sectoriel, ce qui nécessitera, dans la majeure partie des cas, de nouveaux dispositifs institutionnels. À ce stade, de nombreux pays ont mis en place des comités interministériels nationaux, des organes consultatifs permanents et indépendants sur le climat ou d'autres cadres similaires. Dans certains pays, comme la Finlande, les organes consultatifs sur le climat ont joué un rôle essentiel dans la détermination de la cible zéro net de l’État (OCDE, 2021[57]). En 2020, 18 pays de l'IPAC avaient établi des organes consultatifs sur le climat, chargés d’éclairer l’élaboration de l’action publique et de l’évaluer.

Des feuilles de route et des stratégies de mise en œuvre ont été adoptées par de nombreux pays pour soutenir leurs cibles climatiques à long terme. Certains les ont complétées par des plans sectoriels nationaux spécifiques, sous la forme par exemple de plans nationaux énergie-climat. Toutefois, bien que ces éléments soient importants et qu’ils délivrent une information précise et des signaux clairs aux investisseurs, il importe qu’ils s’accompagnent de trains de mesures et d'instruments d’action à même de déclencher des changements significatifs.

 Adopter des trains de mesures appropriées pour atteindre les objectifs climatiques

Les pays mettent en œuvre les objectifs de leur politique climatique, tels que leur CDN, au travers de trains de mesures et d'instruments d’action conçus pour réduire efficacement les émissions de GES. Au nombre des instruments utilisés, on compte ceux adoptés pour stimuler directement l’atténuation du changement climatique et ceux adoptés à d'autres fins (par exemple, la sécurité, l'accessibilité énergétique), mais qui ont un effet important sur les émissions de GES. Les trains de mesures climatiques efficaces font appel à quatre grands types d’outils : des instruments fondés et non fondés sur le marché, des mesures en faveur de l’innovation et des instruments de financement climatique.

 Instruments non fondés sur le marché

Les instruments non fondés sur le marché regroupent les instruments d'information, les cadres de planification et les instruments réglementaires. Les instruments réglementaires établissent des prescriptions pour modifier le comportement des entreprises ou des ménages par la réglementation et la coercition. Ils peuvent fixer, par exemple, un niveau prédéterminé d'émissions ou des normes de performance énergétique, ou même interdire purement et simplement certaines activités économiques, certains intrants ou certaines technologies.

La mise en œuvre d'instruments non fondés sur le marché varie substantiellement selon les pays et les secteurs (voir le Tableau 1). Les normes ont historiquement constitué la principale approche de la politique environnementale dans la plupart des pays, mais les interdictions et les abandons progressifs occupent également aujourd’hui une place de choix.

 
Tableau 1. Instruments d’action non fondés sur le marché dans les pays de l’IPAC, 2020

Mesure

Nombre de pays ayant adopté la mesure

Part des pays de l'IPAC ayant adopté la mesure

Part des émissions mondiales de GES couvertes par les pays ayant adopté la mesure

Secteur

Planification du développement des énergies renouvelables

44

85 %

80  %

Électricité

Normes d'émissions atmosphériques des centrales à charbon

40

77 %

77 %

Électricité

Interdiction et abandon progressif des centrales à charbon

31

60 %

12 %

Électricité

NMPE des moteurs électriques

47

90 %

72 %

Industrie

Obligations d'efficacité énergétique pour les gros consommateurs

42

81 %

80  %

Industrie

NMPE des appareils

52

100 %

80  %

Bâtiments

Étiquetage énergétique obligatoire des appareils

50

96 %

80  %

Bâtiments

Codes énergétiques des bâtiments

46

88 %

78 %

Bâtiments

Interdiction et abandon progressif des systèmes de chauffage à combustibles fossiles

13

25 %

5 %

Bâtiments

Limitations de vitesse sur le réseau autoroutier

45

87 %

77 %

Transports

NMPE des transports

40

77 %

69 %

Transports

Étiquettes pour les véhicules

41

79 %

73 %

Transports

Part des dépenses ferroviaires dans les dépenses totales du transport

35

62 %

63 %

Transports

Interdiction et abandon progressif des voitures particulières à moteur thermique

14

27 %

7 %

Transports

Note : NMPE = Normes minimales de performance énergétique.

* Les 44 pays ayant adopté des instruments d’action dans le domaine de la planification du développement des énergies renouvelables représentent 80 % des émissions mondiales de GES. Les 8 autres pays sont l'Estonie, l'Irlande, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte et la Slovénie.

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56])

La plupart des pays ont adopté des normes minimales de performance énergétique (NMPE) pour les moteurs électriques et les appareils électriques, des codes énergétiques pour les bâtiments ou des normes de rendement énergétique pour les véhicules. En fait, les NMPE pour les moteurs électriques ont connu une forte expansion au cours de la dernière décennie, avec notamment la large adoption de ces instruments par les pays européens dès 2011 (Graphique 27, Partie A), et leur sévérité s’est parallèlement renforcée. Dans le secteur de l'électricité, 77 % des pays de l'IPAC ont adopté des normes d'émissions atmosphériques pour les centrales à charbon.

Même si l’imposition de nomes est largement répandue, un effort doit être fait pour les renforcer et les actualiser afin de garantir l'utilisation des meilleures technologies disponibles pour atteindre les objectifs climatiques. Par exemple, aucun des pays de l'IPAC n'a adopté la norme de performance énergétique la plus élevée qui soit pour les moteurs électriques, tandis que 8 d’entre eux se contentent de normes dont le niveau de sévérité est faible ou moyen.

Les mesures d’interdiction ou d'abandon progressif des équipements ou actifs à combustibles fossiles sont les plus répandues dans le secteur de l'électricité, où elles ont gagné du terrain ces dernières années (Graphique 27, Partie B). Toutefois, les pays ont également commencé à interdire les équipements à combustibles fossiles pour le chauffage (chaudières à mazout et à gaz) et dans les transports (voitures particulières équipées de moteurs à combustion interne), tant au niveau national qu'infranational, bien que l'adoption ressorte ici beaucoup plus faible. En août 2022, l'État américain de Californie a annoncé qu'il interdirait la vente de voitures particulières à moteur thermique à partir de 2035. Cependant, aucun pays n'a encore à ce jour adopté de mesures d’interdiction publicitaire pour les entreprises du secteur des combustibles fossiles ou pour les activités économiques génératrices de fortes émissions de GES (transport aérien, véhicules tout-terrains de loisir, etc.), ce qui contribuerait à prévenir les pratiques d'écoblanchiment et les modes de vie à forte intensité de carbone (OCDE, 2022[58]).

Par conséquent, bien que les instruments réglementaires aient été la principale approche adoptée pour traiter les questions environnementales, les pays peuvent et doivent élargir l'éventail des mesures mises en œuvre, en particulier dans les secteurs où les émissions de GES sont les plus élevées.

 
Graphique 27. L’adoption d’instruments non fondés sur le marché a largement progressé et leur sévérité s’est renforcée

Note : NMPE = Normes minimales de performance énergétique.

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

 Instruments fondés sur le marché

Les instruments fondés sur le marché sont des dispositifs qui jouent sur le marché, les prix et/ou d'autres variables économiques pour inciter les ménages et les entreprises à réduire ou à éliminer leurs externalités environnementales. Alors que ces instruments fixent directement le prix de l'externalité d’émissions de GES, les autres instruments récompensent financièrement les activités économiques à faible intensité de carbone ou fixent un prix pour une autre externalité (par exemple, la congestion).

Instruments autres que la tarification du carbone

La mise en œuvre d'instruments autres que la tarification du carbone varie substantiellement selon les pays (voir le Tableau 2). La plupart des pays se sont dotés d’au moins quelques mécanismes de financement pour renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments ou du secteur industriel, tels que des prêts préférentiels pour stimuler la rénovation des bâtiments ou des garanties de prêt pour canaliser les financements vers des projets bas carbone. Au niveau infranational, dans quatre pays (Italie, Norvège, Suède et Royaume-Uni), des villes ont mis en place des redevances de congestion. Si des mesures de ce type atténuent efficacement la congestion, elles réduisent également les incitations à l'utilisation de la voiture et, partant, la dépendance à l'égard de celle-ci, favorisant ainsi le passage à des modes de transport plus durables.

La plupart des pays utilisent un type ou un autre d'instrument pour soutenir financièrement l'électricité d’origine renouvelable. Par exemple, sur l'ensemble des pays de l'IPAC, 15 utilisent des tarifs de rachat, 14 des systèmes d’enchères pour les énergies renouvelables et 13 des normes de bouquet d’énergies renouvelables associées à des certificats négociables. Certains pays ont également réorienté leur soutien financier apporté aux technologies d'énergie renouvelable qui sont aujourd’hui matures, telles que le solaire photovoltaïque (PV) et l'éolien, en direction de technologies qui le sont moins, comme l'éolien offshore ou le stockage de l’énergie, par exemple (voir la section « Le paysage général de l’action publique »).

 
Tableau 2. Instruments fondés sur le marché autres que la tarification du carbone dans les pays de l'IPAC

Mesure

Nombre de pays ayant adopté la mesure

Part des pays de l'IPAC ayant adopté la mesure

Part des émissions mondiales de GES couvertes par les pays ayant adopté la mesure

Secteur

Tarifs de rachat pour l'électricité renouvelable

15

29 %

12 %

Électricité

Enchères pour l'électricité renouvelable

14

27 %

60 %

Électricité

Normes de bouquet d’énergies renouvelables avec certificats négociables

13

25 %

57 %

Électricité

Mécanismes de financement disponibles pour l'efficacité énergétique

39

75 %

80  %

Industrie

Mécanismes de financement disponibles pour l'efficacité énergétique

40

77 %

79 %

Bâtiments

Redevances de congestion

4

8 %

2 %

Transports

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

Les mécanismes de soutien à l'électricité renouvelable ont évolué entre 2000 et 2020 (Graphique 28). Historiquement, les pays utilisaient principalement des tarifs de rachat ou des primes de rachat comme instruments de soutien. Ces dernières années néanmoins, ils se tournent de plus en plus à cette fin vers des enchères d'énergie renouvelable, du moins pour les projets de grande puissance. Bien que cette solution soit administrativement plus complexe, elle permet aux décideurs de déterminer plus efficacement la trajectoire de développement des énergies renouvelables et de réaliser des économies budgétaires grâce au mécanisme inhérent de détermination des prix du dispositif, ce qui le rend plus attrayant pour les pays (OCDE, 2021).

 
Graphique 28. Les pays s'orientent de plus en plus vers la mise aux enchères de capacités d'énergie renouvelable
Nombre de pays de l’IPAC utilisant des tarifs de rachat et des enchères d'électricité renouvelable : 2000-20

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56]).

Tarification du carbone et taux effectifs sur le carbone

La tarification du carbone ou des émissions de GES sert efficacement la cause de l'atténuation à faible coût (GIEC, 2022[43]). Cet instrument est généralement considéré comme l'outil le plus efficace d'un point de vue économique pour réduire les émissions mondiales de GES, surtout s'il est combiné à des marchés du carbone à même de réduire les coûts de l'atténuation du changement climatique (Encadré 5 ). Les prix du carbone estimés comme nécessaires pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, avec par ailleurs une panoplie efficace de mesures en place, se situent entre 50 et 160 USD par tonne d'équivalent-dioxyde de carbone (tCO2e) à l’horizon 2030 (CPLC, 2017[59]) (Parry, 2021[60]).

 
Encadré 5. Marchés internationaux du carbone et approches coopératives

Relier les marchés nationaux du carbone pour permettre le commerce des obligations de réduction des émissions au plan international présenterait un certain nombre d'avantages, notamment en termes de réduction des coûts d'atténuation au niveau mondial, de renforcement des ambitions climatiques et d’apport de financements aux pays en développement.

Les résultats de la modélisation montrent qu’il en résulterait potentiellement une réduction des coûts d'atténuation mondiaux liés à la réalisation des CDN de 58 % à 63 % par rapport à un schéma d’approches unilatérales des pays pour atteindre ces objectifs. L’économie réalisée se chiffrerait entre 220 et 320 milliards de dollars par an d’ici à 2030 (Nachtigall et al., 2021[61] ; Akimoto, Sano et Tehrani, 2017[62] ; Fujimori et al., 2016[63] ; IETA, 2019[64]).

Cette réduction des coûts rendrait les engagements associés aux NDC réalisables et autoriserait des ambitions plus grandes, donnant lieu à des engagements d'atténuation encore plus audacieux. Par exemple, le réinvestissement de toutes les économies générées grâce à la coopération mondiale dans l'atténuation du changement climatique pourrait permettre de relever le niveau de réduction des émissions de 50 %, avec à la clé un gain de 5 GtCO2e en 2030 (IETA, 2019[64]). En outre, ceci signifierait un transfert net de ressources financières vers les pays à même de réduire leurs émissions à un coût marginal inférieur, c'est-à-dire typiquement les pays en développement, pour un financement efficace de la transition énergétique.

Certains pays et certaines juridictions ont choisi de relier leur système d'échange de droits d'émission, et c’est le cas notamment du SEQE de l’UE, du système de la Western Climate Initiative et de celui de la Regional Emissions Greenhouse Gas Initiative (RGGI). Par ailleurs, l'article 6 de l'Accord de Paris ouvre la porte à des accords de coopération ou à des accords bilatéraux entre pays sur la réduction des émissions qui pourraient considérablement élargir le marché du carbone.

L'article 6 de l'Accord de Paris vise à promouvoir des approches coopératives entre pays basées sur l'échange de résultats d'atténuation transférés au niveau international (RATI). Il a été conçu comme un mécanisme pour soutenir les marchés, principalement par le biais de permis d'émission liés négociables ou de projets inspirés du cadre du mécanisme de développement propre (MDP). L'idée est que, dans le cadre de ce mécanisme, les pays ayant la capacité de réduire leurs émissions pourraient vendre leur excédent aux émetteurs soumis à des coûts de réduction des émissions plus élevés, de sorte que la réduction nette des émissions se fasse à un coût total inférieur. Ce mécanisme flexible peut permettre de réduire les émissions de GES à moindre coût, tout en stimulant le déploiement de technologies innovantes et plus propres afin de favoriser une transition globale vers une économie bas carbone dans les pays en développement.

La tarification du carbone s’est imposée de façon croissante dans les pays, mais pour atteindre les objectifs climatiques, il faut aller plus loin. En 2021, on comptait 64 systèmes de tarification explicite du carbone – c'est-à-dire des taxes sur le carbone ou des systèmes d'échange de quotas d'émission (SEQE) – dans les juridictions nationales et infranationales, dont 3 restaient à mettre en œuvre (Banque mondiale, 2021[65]). Alors que ces 64 systèmes couvraient environ 21.5 % des émissions mondiales de GES, moins de 4 % de celles-ci étaient en définitive couvertes par un prix du carbone cohérent avec l'objectif des 2 °C de l'Accord de Paris, soit 40 à 80 USD par tonne de CO2 (Banque mondiale, 2021[65]).

Outre la tarification explicite du carbone, l'OCDE inclut les droits d’accise sur les carburants dans sa définition des taux effectifs sur le carbone en raison de la relation linéaire entre la combustion des combustibles fossiles et les émissions de carbone3. En fait, la plus grande part de la tarification du carbone peut être attribuée aux droits d’accise sur les carburants (Tableau 3). Si l'on considère cette définition plus large, des progrès notables, bien qu'inégaux, ont été accomplis en matière de tarification du carbone depuis 2018. La moitié de l’ensemble des émissions de carbone liées à l'énergie dans les pays du G20 étaient tarifées en 2021, contre seulement 37 % en 2018. L'augmentation de la couverture a été la plus importante pour les systèmes d'échange de quotas d'émission, avec le nouveau SEQE national chinois pour le secteur de l'électricité comme principal moteur de cette progression.

 
Tableau 3. Prix effectifs et explicites du carbone et émissions dans les pays du G20 et de l'OCDE, 2021

Instrument

Part des émissions en 2021 (%)

Prix moyen du carbone en 2021 (EUR/tCO2)

Systèmes d'échange de quotas d'émission (SEQE)

21.7

2.95

Taxe carbone

6.7

0.67

Prix explicite du carbone (SEQE, taxe carbone)

28.4

3.62

Droits d’accise sur les carburants

28.8

15.09

Taux effectif sur le carbone

48.7

18.71

Source : (OCDE, 2022[11]).

L’articulation des instruments de tarification du carbone varie selon les secteurs (Graphique 29). Les systèmes d'échange de quotas d'émission sont très répandus dans l'industrie et le secteur de l'électricité, principalement du fait du SEQE-UE qui couvre toutes les installations industrielles et de production d'électricité à l’échelle des pays de l’UE-27 ainsi qu'en Islande, au Liechtenstein et en Norvège. Peu de pays utilisent un SEQE dans le secteur des bâtiments et les transports. Dans ces secteurs, les droits d’accise sur les carburants sont plus répandus. La Nouvelle Zélande est le premier pays à envisager la mise en œuvre d’un SEQE dans le secteur agricole et forestier.

 
Graphique 29. Instruments de tarification du carbone utilisés dans les pays de l’IPAC, par secteur, 2020

Note : SEQE = système d'échange de quotas d'émission.

Source : (Nachtigall et al., (à paraître)[56])

Les niveaux de prix du carbone et la couverture des émissions varient considérablement selon les secteurs (Graphique 30). Les taux effectifs sur le carbone couvrent plus de 90 % des émissions de carbone liées à l'énergie dans le secteur du transport routier, avec un taux moyen de 88 EUR par tCO2. Pour les secteurs de l’industrie et de l'électricité, la couverture est inférieure à 25 %, avec des taux effectifs moyens de 3.8 et de 6.36 EUR par tCO2, respectivement.

 
Graphique 30. Niveaux de prix du carbone et couverture des émissions dans les pays de l'OCDE et du G20, 2021

Source : (GIEC, 2022[44]) (OCDE, 2022[66]) Source : (GIEC, 2022[44]) (OCDE, 2022[66]).

Actuellement, en raison des niveaux élevés des prix de l'énergie et à la guerre en Ukraine, les initiatives d’introduction d’une tarification du carbone ou de relèvement de la tarification en vigueur deviennent moins probables qu’auparavant. En fait, pour alléger la pression exercée par les prix élevés de l'énergie sur les ménages et les entreprises (par exemple, en France, en Allemagne et en Italie), la plupart des gouvernements ont fait le choix de mesures d’exonération de taxes temporaires ou permanentes. Ces subventions viennent s'ajouter au soutien aux combustibles fossiles déjà observé avant la guerre en Ukraine. Toutefois, dès lors que les prix de l'énergie retrouveront leurs niveaux d'avant la crise, les décideurs devront s’attacher dans la mesure du possible à renforcer la tarification du carbone et à la rendre cohérente entre les secteurs.

Indépendamment des niveaux élevés actuels des prix de l'énergie, l’introduction d’une tarification du carbone/le relèvement de la tarification en vigueur est susceptible de se heurter à des problèmes d'acceptabilité politique, liés notamment aux inquiétudes associées quant aux répercussions sur la compétitivité et pour les ménages vulnérables. Pour les ménages, des produits à forte intensité de carbone plus chers signifient un coût de l'énergie, de l'alimentation et des transports plus élevé. Pour les entreprises, le prix du carbone augmente le coût des intrants à forte intensité de carbone, avec potentiellement des incidences négatives sur la compétitivité des acteurs. Toutefois, jusqu'à présent, les inquiétudes concernant les effets négatifs à court terme de la tarification du carbone sur la compétitivité internationale des secteurs ne se sont pas vérifiées, en partie en raison du fait que les prix du carbone dans le secteur de l'industrie sont restés peu élevés et du fait des exonérations accordées (Venmans, Ellis et Nachtigall, 2020[67]).

Dans le même ordre d'idées, les prix du carbone ont aussi suscité des inquiétudes quant à leurs effets potentiels en termes de fuites de carbone, c'est-à-dire de délocalisations d’activités économiques et d’émissions dans une autre juridiction en conséquence de la tarification du carbone. C'est ce qui a motivé les propositions de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (comme celles de l'Union européenne et du Canada, par exemple) destinées à limiter les fuites de carbone et à uniformiser les règles du jeu.

Les pays peuvent utiliser les recettes tirées de la tarification du carbone pour atténuer ses effets négatifs et accroître son acceptabilité politique. Compenser les entreprises et les ménages pour leurs coûts énergétiques plus élevés, par exemple en transférant les taxes sur le travail et le capital vers les combustibles fossiles, peut permettre d’améliorer l'efficacité économique du système fiscal (notion de « double dividende »). L'utilisation des recettes perçues pour financer le verdissement des infrastructures accroît à la fois l'acceptabilité politique et l'efficacité de la tarification du carbone (Dechezleprêtre et al., 2022[68]).

La tarification du carbone peut générer d’importantes recettes. Les recettes potentielles de la tarification du carbone prévue aux fins du respect des engagements d'atténuation pris dans le cadre de l'Accord de Paris sont considérables – typiquement de l'ordre de 1 à 3 % du produit intérieur brut (PIB) ou davantage encore en 2030 dans les pays du G20 (Ian W.H. Parry, Victor Mylonas et Nate Vernon, 2018[69]). Pour les économies à forte intensité de carbone, même de faibles niveaux de tarification du carbone peuvent générer des recettes conséquentes. En Chine, en Inde et en Afrique du Sud, un prix effectif du carbone de 30 EUR générerait des rentrées d’un montant compris entre 4 et 7 % du PIB du pays (Marten et van Dender, 2019[70]).

Subventions à la production et à la consommation de combustibles fossiles

L'efficacité environnementale de la tarification du carbone et ou d'autres mesures non fondées sur le marché est entravée par le soutien apporté par les gouvernements aux combustibles fossiles. En 2021, les grandes économies ont fortement accru leur soutien à la production et à la consommation de charbon, de pétrole et de gaz naturel, à hauteur de centaines de milliards de dollars, afin de protéger les ménages et les entreprises de la flambée des prix de l'énergie. Cependant, ce soutien va à l'encontre des engagements pris de longue date de supprimer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles (OCDE-AIE, 2022[71]) (OCDE-AIE, 2022[71]).

Dans 51 grands pays producteurs et consommateurs d'énergie, qui représentent 85 % de l'offre totale d'énergie dans le monde et 88 % des émissions de CO2 dues à la combustion de combustibles, le soutien public aux combustibles fossiles a presque doublé en 2021 par rapport à l'année précédente, pour atteindre 697.2 milliards USD4. C’est presque 10 fois le montant des recettes générées la même année par les taxes sur le carbone et les systèmes d'échange de droits d'émission (Banque mondiale 2021). En particulier, le soutien aux producteurs a augmenté de 50 % par rapport à l'année précédente, atteignant 64 milliards USD. Ces subventions ont en partie compensé les pertes subies par les producteurs du fait des contrôles des prix intérieurs lors de la flambée des prix mondiaux de l'énergie à la fin de 2021.

Dans les pays du G20, le soutien aux consommateurs a été estimé à 115 milliards USD, chiffre en augmentation de plus de 20 % par rapport à 2020. Au-delà des pays du G20, l'AIE estime que les subventions à la consommation de combustibles fossiles à l’échelle des 42 économies étudiées par l’Agence ont été portées à 531 milliards USD en 2021, soit près de trois fois leur niveau de 20205. Les subventions à la consommation devraient connaître une nouvelle progression en 2022 en raison de la hausse des prix des carburants et de la consommation d'énergie. Voir le Graphique 31.

L’augmentation des aides aux combustibles et énergies fossiles est une conséquence de la hausse des prix ; mais pour faire face à l’urgence climatique et soutenir les ménages vulnérables, il convient de remplacer ces dispositifs par des subventions sous condition de ressources et une aide au développement de solutions alternatives bas carbone. En effet, les dispositifs de soutien aux combustibles fossiles tendent à favoriser les ménages les plus riches qui consomment davantage de carburant (Van Dender et al., 2022[72]) (Van Dender et al., 2022[72]). Les efforts continus visant à améliorer la transparence sur les différentes façons dont les États continuent d’encourager la production et la consommation de combustibles fossiles sont également essentiels pour aligner sécurité énergétique, accessibilité et neutralité climatique suite aux chocs du système et en préparation des chocs à venir. D’autre part, les pays s’engagent de plus en plus et mettent en œuvre des mandats directs pour contrôler ou réguler la consommation de combustibles fossiles, en particulier du charbon.

 
Graphique 31. Soutien aux énergies fossiles dans certains pays

Note : les estimations pour *2021 sont temporaires. Les données sont exprimées en USD de 2021 constants.

Source : (OCDE, 2021[73]) Base de données de l’OCDE Inventaire des mesures de soutien pour les combustibles fossiles (2022), analyse de l’AIE.

 Politiques d’innovation

L'innovation permet d'élargir progressivement l'éventail des options technologiques bas carbone à disposition des gouvernements et du secteur privé. Dans le secteur de l'électricité, ces options comprennent la prochaine génération de technologies de production d'électricité renouvelable, l'énergie nucléaire et le captage et le stockage de carbone (CSC), ainsi que les technologies de stockage de l'énergie et les technologies de réseau intelligent.

Dans le secteur des transports, de nouveaux véhicules bas carbone sont développés, y compris des véhicules fonctionnant à l'électricité, aux piles à l'hydrogène, au gaz comprimé ou liquéfié, et aux biocarburants. Des véhicules électriques sont désormais commercialisés ; ils sont de plus en plus compétitifs par rapport aux véhicules à moteur à combustion traditionnels. Dans le secteur du bâtiment, des matériaux de construction avancés et des appareils ménagers à haut rendement énergétique sont mis au point et les technologies existantes sont améliorées. Le secteur industriel doit passer à des combustibles alternatifs et à plus faible teneur en carbone pour la produire, fabriquer des matériaux plus efficaces et déployer les meilleures technologies disponibles, y compris le CSC (OCDE, 2015[74]). Le secteur agricole doit améliorer à la fois sa durabilité et sa productivité, notamment en s’appuyant sur l’agriculture de précision et le Big Data, l’innovation génétique et la séquestration du carbone dans les sols (GIEC, 2020[75]). (GIEC, 2020[75]).

Si elles sont correctement déployées, les technologies disponibles sur le marché aujourd'hui sont suffisantes pour assurer la quasi-totalité des réductions d'émissions requises d'ici à 2030. Toutefois, pour parvenir à des émissions zéro nettes, il faudra généraliser, après 2030, l'utilisation de technologies qui sont encore en cours de développement aujourd'hui. En 2050, près de 50 % des réductions d'émissions de CO2 dans le scénario « zéro net » de l'AIE proviennent de technologies actuellement au stade de la démonstration ou du prototype. Cette part est encore plus élevée dans des secteurs tels que l'industrie lourde et le transport longue distance (AIE, 2021[76]). (AIE, 2021[76]).

Des efforts d'innovation majeurs sont indispensables au cours de cette décennie pour que les technologies nécessaires pour des émissions zéro nettes atteignent les marchés le plus rapidement possible (AIE, 2021[76]) (AIE, 2021[76]). Les dépenses publiques totales de recherche et développement (R&D) dans les énergies bas carbone ont augmenté dans la plupart des pays au cours des cinq dernières années (une augmentation d’environ 50 % en Australie, au Mexique, aux États-Unis et dans l’Union européenne ; 124 % au Royaume-Uni ; et 18 % au Japon entre 2015 et 2020). En termes absolus, les États-Unis sont les premiers à dépenser dans des technologies bas carbone telles que les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et le captage et le stockage du carbone (CSC) ; et le Japon est celui qui dépense le plus dans les technologies de l'hydrogène et des piles à combustible (AIE, 2021[77]).

Plusieurs autres pays ont sensiblement augmenté leurs dépenses de R&D dans les technologies bas carbone. Par exemple, la Belgique et la République tchèque ont plus que doublé leurs budgets dans le domaine de l'efficacité énergétique au cours des cinq dernières années. La Norvège dépense le plus par unité de PIB et, comme la Finlande, sa catégorie de dépenses la plus importante est celle des technologies d'efficacité énergétique. Viennent ensuite les énergies renouvelables, qui comptent comme la plus grande catégorie de dépenses seulement en Corée, au Danemark et en Suisse, qui font partie des pays qui dépensent les plus en termes relatifs (AIE, 2021[77]).

Les pays de l’OCDE représentent la grande majorité des brevets relatifs aux technologies liées à l’environnement (80 % en 2019, dont 26 % dans les pays européens, 22 % dans les pays américains et 31 % dans les pays asiatiques et océaniens) (Graphique 32) et aux énergies propres dans le monde entier. Entre 2014 et 2018, les États-Unis, l’Europe, le Japon, la Corée et la Chine ont déposé 90 % des brevets relatifs aux énergies propres. La part des inventions de grande valeur dans le domaine de l'atténuation du changement climatique dans l'ensemble des technologies est passée d'environ 4 % au début des années 1990 à plus de 9 % ces dernières années (OCDE, 2022[11]). Parmi les technologies sélectionnées, l'augmentation des inventions déposées depuis 1990 a été plus marquée pour le transport routier et le stockage de l'énergie. Les technologies de production d'énergie renouvelable ont connu la croissance la plus rapide jusqu'en 2011 (OCDE, 2022[11]). Si les données sur les brevets sont informatives sur la production de nouvelles innovations, elles n'indiquent pas si la technologie protégée par le brevet est effectivement utilisée par son propriétaire. Les données sur les dépôts de marques peuvent utilement compléter les données sur les brevets en se concentrant sur la phase de commercialisation des innovations.

 
Graphique 32. Inventions liées au climat

Source : OCDE (2022[78])

La proportion de marques déposées de produits et services liés au climat a augmenté de manière significative au cours des deux dernières décennies. Cette proportion a triplé aux États-Unis et au Japon (de 1 % à 3 %) et a presque quadruplé en Europe (de 2 % à 8 %). Il est intéressant de noter la baisse observée dans les brevets liés au climat depuis 2012 en ce qui concerne les marques. La tendance est repartie à la hausse dans les dernières années disponibles Cela suggère que les entreprises ont en partie réorienté leurs activités de la R&D vers la diffusion et la commercialisation. Il est essentiel d'accélérer la diffusion des technologies disponibles pour parvenir à réduire les émissions de carbone à moyen terme, mais à long terme, il est également important de développer de nouvelles technologies de pointe qui ne sont pas encore sur le marché. Une question importante pour les politiques est donc de savoir comment accélérer davantage la diffusion des technologies bas carbone existantes, tout en relançant l'innovation bas carbone dans les technologies de pointe.

Les investissements privés dans les start-ups « vertes »6 ont explosé au cours de la dernière décennie. Le financement du capital-risque (CR) a été multiplié par six en dix ans, passant d'environ 3 milliards USD en 2010 à 18 milliards USD en 2020. Cependant, après un pic en 2018, l'investissement mondial en capital-risque dans les start-ups vertes a légèrement diminué en 2019 et rebondi en 2020. Cette hausse étalée sur 10 ans a notamment profité aux start-ups des secteurs de la mobilité bas carbone et de l'alimentation et de l'agriculture durables. De petits pays européens, comme le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Lettonie et la Suisse, ont également trouvé leur place dans le panorama mondial des start-ups vertes. Toutefois, à l’échelle de l’ensemble des créations d'entreprises, la part de ces types d'entreprise est restée stable au cours de la dernière décennie (Bioret, Dechezleprêtre et Sarapatkova, à paraître[79]) (Bioret, Dechezleprêtre et Sarapatkova, à paraître[79]).

 
Graphique 33. Le capital-risque pour les technologies vertes a bondi au niveau mondial au cours de la dernière décennie
Montant des financements par capital-risque investis dans des start-ups vertes, par secteur, dans les pays de l'OCDE (en millions d'euros)

Source : Base de données sur les startups de l'OCDE, Base de données statistiques mondiale sur les brevets (PATSTAT) dans (Bioret, Dechezleprêtre et Sarapatkova, 2022, à paraître[80]).

 Instruments de financement climatique

La transformation structurelle nécessaire pour atteindre des émissions nettes nulles en 2050 exige une hausse des dépenses d’équipement alimentée par le financement climatique. Les besoins en investissement dans les énergies propres sont estimés à environ 4 000 milliards USD par an d'ici à 2030. La crise économique mondiale et l'augmentation des prix de l'énergie sont l'occasion d'accroître les investissements publics dans les infrastructures bas carbone afin d’orienter les économies sur la voie d'un développement à faible émission de carbone et résilient au changement climatique (OCDE, 2015[81]).

Une augmentation des sources de financement privées comme publiques est nécessaire. Les pouvoirs publics doivent accéder à de nouvelles recettes pour s’assurer de la disponibilité de financements publics et mettre en œuvre des politiques visant à inciter les promoteurs privés à participer également aux investissements. Selon l'AIE, environ 70 % des investissements dans les énergies propres doivent provenir de promoteurs, de consommateurs et de financiers privés.

Une budgétisation verte et l'introduction d'une tarification du carbone dans l'évaluation des projets d'investissement peuvent aider les pouvoirs publics à élaborer une politique fiscale soutenant l'action climatique. La budgétisation verte consiste à classer ou étiqueter les dépenses publiques en fonction de leur pertinence climatique. Il s'agit d'une approche systématique pour évaluer la cohérence globale d'un budget par rapport aux objectifs climatiques et environnementaux d'un pays (Battersby et al., 2021[82]).

Moins de la moitié des 39 pays étudiés par l'OCDE ont été identifiés comme ayant mis en place des pratiques de budgétisation verte, tandis que 9 pays prévoient de mettre en œuvre certaines de ces pratiques. La Finlande et la Suède soulignent les mesures qui ont un impact clair sur des objectifs environnementaux spécifiques dans leurs documents budgétaires. La France, l'Irlande et l'Italie étiquettent leur budget en vue d’identifier les éléments ayant un impact potentiel sur l'environnement (Battersby et al., 2021[82]).

Notes

1.

La part croissante des instruments basés sur le marché s’explique en partie par la disponibilité des données. Par exemple, les données sur la réforme des subventions aux combustibles fossiles ne sont disponibles que depuis 2010.

2.

Cette analyse utilise les données sur les émissions de GES disponibles jusqu'en 2019 pour ne confondre les résultats avec ceux des effets de la pandémie de COVID-19 sur les émissions.

3.

Le taux effectif sur le carbone désigne « le prix total des émissions de dioxyde de carbone provenant de la consommation d'énergie qui s'applique étant donné les instruments fondés sur le marché (droits d’accise sur les carburants, taxes sur le carbone et prix des permis d'émission de carbone) ».

4.

Australie, Brésil, Canada, République populaire de Chine, Allemagne, France, Royaume-Uni, Indonésie, Inde, Italie, Japon, Corée, Mexique, Fédération de Russie, République de Türkiye, Etats-Unis, Afrique du Sud, Algérie, Angola, Argentine.

5.

L'estimation de l'AIE des subventions aux consommateurs de combustibles fossiles identifie 42 économies où le prix à la consommation des combustibles fossiles est inférieur au prix de référence international. Les 42 économies couvertes dans la dernière estimation de l'AIE sont les suivantes : Algérie, Angola, Argentine, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bangladesh, Bolivie, Brunei, République populaire de Chine, Colombie, Équateur, Égypte, El ,Salvador, Gabon, Ghana, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Kazakhstan, République de Corée, Koweït, Libye, Malaisie, Mexique, Nigeria, Oman, Pakistan, Qatar, Russie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Sri Lanka, Taipei chinois, Thaïlande, Trinité-et-Tobago, Turkménistan, Ukraine, Émirats arabes unis, Ouzbékistan, Venezuela et Vietnam.  

6.

Les start-ups vertes émergent notamment dans les secteurs suivants : batteries, efficacité énergétique, mobilité bas carbone, énergie propre, alimentation et agriculture durables, lutte contre la pollution, déchets et économie circulaire.

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