Programme international pour l'action sur le climat

Résumé

Les pays sont confrontés à une multitude de problèmes complexes, voire potentiellement inextricables : la reprise suivant la pandémie de COVID-19, la hausse des prix de l’énergie, l’inflation, la récession économique mondiale et l’insécurité croissante liée à la guerre d’agression injustifiée que mène la Russie en Ukraine n’en sont que quelques-uns parmi les plus importants. Toutes ces problématiques ont beau être difficiles et pressantes, il ne fait aucun doute que l’urgence climatique n’en demeure pas moins le plus grand défi mondial environnmental, économique et social de ce siècle.

Le changement climatique fait peser une menace existentielle sur nos vies, qui se mêle à de multiples problèmes environnementaux et points de bascule. Il crée et intensifie les problèmes économiques et sociaux, touchant plus gravement les économies moins développées et les communautés vulnérables. Une action mondiale est urgente et les mesures prises aujourd’hui détermineront non seulement l’avenir du système climatique mondial, mais aussi, à terme, la vie et les moyens de subsistance des populations.

Si tous les pays sont confrontés à des problématiques spécifiques de développement, le partage des responsabilités est nécessaire dans la lutte contre le changement climatique ainsi qu’une action forte, mondiale et coordonnée. L’Accord de Paris a fondamentalement reconnu les situations particulières des pays et la diversité des approches de l’action climatique, mais aussi le besoin d’une gouvernance mondiale et d’engagements explicites. Il est la pierre d’angle de l’action mondiale sur le changement climatique.

Le principal message à retenir de la présente édition de l’Observateur de l’action climatique est que les pays sont vulnérables ; ils sont exposés à un nombre croissant d’aléas liés au climat, affectant les communautés et les moyens de subsistances. Les pays doivent concentrer leurs stratégies de développement sur l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Il est toutefois important de reconnaître que les pays ont progressé, l’action climatique s’est accrue au travers le monde, il est toutefois possible et nécessaire de faire mieux. L’ambition doit être revue significativement à la hausse et les actions doivent être suivies d’effets. Les gouvernements n’ont adopté ni tous les outils politiques à leur disposition, ni un niveau de sévérité suffisant pour avoir des effets significatifs. Pour cela, il conviendra de suivre une vaste démarche mobilisant l’ensemble des pouvoirs publics, ce qui permettra non seulement de faire face au changement climatique, mais aussi de parvenir à une croissance solide, durable, équitable et résiliente.

On trouvera ci-dessous d’autres messages clés issus de ce rapport.

 Dans quelle mesure les pays sont-ils en voie d’atteindre les objectifs climatiques nationaux et mondiaux ?

Au 1er septembre 2022, 136 pays avaient adopté ou proposé des objectifs de neutralité carbone. Ces objectifs couvrent autour de 83 % des émissions mondiales de carbone. Cependant, si l’on considère la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) et des engagements conditionnels au 31 décembre 2021, on estime que les émissions mondiales brutes de gaz à effet de serre (GES) augmenteront de 13.6 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2010, et que le niveau d’émissions baissera de 2.4 % par rapport aux niveaux de 2019 (CCNUCC, 2022[1]).

D’ici 2030, les pays devront faire reculer leurs émissions de GES d’environ 45 % par rapport aux niveaux de 2010 et parvenir à la neutralité GES à l’horizon 2050 pour réussir à limiter le réchauffement planétaire à 1.5 °C d’ici la fin du siècle (CCNUCC, 2022[1]).

Pris dans leur ensemble, les engagements inconditionnels annoncés dans les CDN à l’horizon 2030 des 51 pays de l’IPAC, responsables d’environ 74 % des émissions mondiales nettes de GES (secteur UTCATF inclus) devraient conduire à une baisse des émissions estimée à 6 000 MtCO2e (millions de tonnes d’équivalent CO2), soit un recul approximatif de 16 % par rapport à  2019. À l’échelle mondiale, cela représente une réduction totale des émissions d’environ 12 %. Cependant, les niveaux d’ambition varient considérablement selon les pays. En effet, plus d’un cinquième des pays ne se sont pas engagés à réduire leurs émissions en-deçà des niveaux enregistrés en 2010.

Les pouvoirs publics doivent aller beaucoup plus loin pour réaliser les objectifs fixés pour 2030. Les émissions nettes cumulées des pays de l’OCDE ont atteint un pic en 2007 et diminuent progressivement depuis ces douze dernières années. Ce déclin des émissions de 11 % s’explique en partie par le ralentissement de l’activité économique qui a suivi la crise de 2008 ainsi que par le renforcement des politiques climatiques et l’évolution des modes de consommation d’énergie.

Les pays devront réduire leurs émissions dans les dix à trente prochaines années pour réaliser les objectifs de l’Accord de Paris. Quand bien même les grands pays émetteurs de GES, tels que les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, ont obtenu une baisse respective de leurs émissions brutes de 7 %, 14 %, et 5 % entre 2010 et 2019, ils sont encore loin d’avoir atteint leurs objectifs de réduction. Pour y parvenir, leurs émissions devront en effet afficher un recul supplémentaire de 44 % (États-Unis), 38 % (Union européenne) et 34 % (Japon) entre 2019 et 2030. À l’inverse, dans de nombreux pays émergents, comme le Brésil, la République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») et l’Inde, les émissions continuent de progresser et n’ont pas encore atteint leur pic prévu. La Chine a ainsi pour objectif d’atteindre son pic d’émission en 2025, et la neutralité GES en 2060.

Les systèmes énergétiques et productifs devront être transformés pour contrer les principales sources d’émissions. Depuis 2005, les intensités d’émission par unité de PIB et par habitant reculent dans la plupart des pays de l’OCDE, opérant un important découplage global des émissions et de la croissance économique. Cependant, une plus grande efficacité énergétique ne permettra pas, à elle seule, de progresser vers la neutralité GES.

Le combat à long terme contre le changement climatique suppose de modifier en profondeur les modes de consommation et de production non durables. L’extraction mondiale de matières premières a plus que doublé entre 1990 et 2017. Elle devrait poursuivre sa progression à l’échelle planétaire et doubler à nouveau d’ici à 2060 par rapport aux niveaux de 2017, ce qui accentuera ses conséquences pour l’environnement.

 Dans quelle mesure les pays sont-ils vulnérables aux conséquences et aux risques du changement climatique ?

Le changement climatique représente une menace grandissante en ce qu'il joue sur l’intensité et la fréquence des aléas climatiques. Ses conséquences peuvent être graduelles, à l’instar des effets de la hausse des température ou de la sécheresse, ou bien se manifester sous la forme de chocs violents et sporadiques, à l’image des crues rapides ou des feux de forêt. Elles peuvent être directement préjudiciables pour l’économie ou la santé et le bien-être humains, en entraînant des décès ou en détruisant des actifs économiques, ou agir plus indirectement en détériorant les multiples services écosystémiques rendus par l’environnement.

De 1970 à 2019, les catastrophes résultant de phénomènes météorologiques, climatiques et hydriques extrêmes ont représenté 50 % de l’ensemble des catastrophes, 45 % des décès liés à des catastrophes, et 74 % des pertes économiques associées (OMM, 2021[2]). D’après l’évaluation de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), les pertes économiques journalières moyennes ont été multipliées par près de huit entre 1970-79 et 2010-19. Ces chiffres mettent en exergue la considérable augmentation des catastrophes à l’échelle mondiale et, conjointement aux données de l’OCDE sur l’exposition accrue aux aléas climatiques, ils soulignent la vulnérabilité des pays de l’IPAC aux conséquences du changement climatique sur les plans économique et sociétal.

L’exposition des populations aux températures extrêmes a augmenté entre 1976 et 2020 et on estime qu’en 2021, 66 % de la population mondiale a été confrontée à des vagues de chaleur extrême d’une durée variable.

La double problématique de l’évolution des températures et des précipitations fait craindre des conséquences potentiellement lourdes pour la sécurité alimentaire dans le monde entier. Dans l’ensemble des pays de l’IPAC, on constate une aggravation de la sécheresse au niveau des terres cultivées, qui découle en partie de l’évolution des températures, tandis que dans un petit échantillon de pays, les cultures sont de plus en plus exposées à des phénomènes pluvieux extrêmes.

Les feux de forêt se multiplient et se concentrent dans certains pays et régions, où ils peuvent avoir des effets désastreux. En moyenne, les incendies ont brûlé autour de 1 % des terres chaque année au cours de la période 2017‑2021, dans des pays tels que l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Colombie, l’Inde et le Portugal, soit environ 1.2 millions km2, ou l’équivalent de la superficie de l’Afrique du Sud. Dans le même temps, les populations et les forêts sont largement et communément exposées aux feux de forêt, ce qui pose problème dans ces pays tout en nuisant aux efforts consentis à l’échelle mondiale pour atténuer le changement climatique.

 Quels sont les progrès de l’action climatique accomplis par les pays pour relever le défi de la neutralité GES ?

Les pays ont renforcé leur action climatique entre 2010 et 2020.. Il est toutefois possible et nécessaire de faire plus. Les pays doivent considérer la totalité des 56 mesures existantes ainsi que revoir la sévérité de leurs mesures pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Les pays étant au-delà de la moyenne en terme de nombre de mesures adoptées et de niveau de sévérité de ces mesures ont le mieux réussi à réduire leurs émissions de GES. Toutefois, l’analyse de l’efficacité des politiques requiert d’intégrer un certain nombre de facteurs supplémentaires. L’hétérogénéité du niveau d’adoption des mesures ainsi que de leur sévérité reflète en partie les différences d’approches politiques des pays et les différences d’ambitions climatiques, elles-mêmes liées à la situation particulière des pays, y compris concernant leurs émissions, les déterminants de ces émissions, ainsi que les contraintes économiques et sociales.

L’adoption d’engagements internationaux, tells que des objectifs nationaux, a joué un rôle clé dans l’accroissement des ambitions. Presque tous les pays ont mis en œuvre des CDNs et des objectifs de neutralité des émission en 2020. La pression des parties prenantes pour un action climatique mondiale, initiée autours de 2013, a contribué à une augmentation des engagements, aboutissant à l’Accord de Paris en 2015. Toutefois, peu de pays ont accompagné ces engagements de données précises, que ce soit des rapport bisannuel, des rapports actualisés bisannuels ou des données sur les émissions de GES, alors que ces données apportent le niveau nécessaire d’information pour juger de la mise en œuvre des politiques climatiques nationales. De manière générale, les pays ont adopté un nombre croissant de mesures climatiques depuis 2015. Par exemple, le Canada a adopté 10 mesures supplémentaires entre 2015-2020. Pour autant, d’autres pays n’ont pas accru l’adoption de leurs politiques et d’autres ont même abrogé des mesures. L’accroissement des mesures adoptées s’explique essentiellement par les enchères sur les énergies renouvelables, la tarification carbone, ainsi que des interdictions et la suppression d’équipements et d’infrastructures pour les énergies fossiles, tels que les centrales à charbon.

Les politiques dans leur ensemble sont très différentes d’un pays et d’une période à l’autre. Certains pays, comme le Portugal, s’appuient d’abord sur des mesures de marché telles que la tarification carbone du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SEQE-UE) ou des tarifs de rachat des énergies renouvelables. D’autres, comme le Costa Rica, insistent davantage sur des mesures qui ne sont pas liées à un système de marché, telles que des normes de performance énergétique minimale et des interdictions ou la suppression d’équipements et d’infrastructures pour les énergies fossiles.

Les instruments politiques fondés sur le marché ont gagné en attractivité par rapport aux autres. Au début des années 2000, ils représentaient 30% des instruments adoptés ; ils en représentent presque 50% aujourd’hui. Cela s’explique d’abord par la mise en place du SEQE-UE et, par la suite, d’autres systèmes de prix du carbone.

Le niveau de sévérité et le champ d’application de ces instruments restent toutefois faibles. Historiquement, la majorité des instruments adoptés ne reposent pas sur un système de marché. La plupart des pays ont adopté des codes d’énergie dans les bâtiments, des normes de performance énergétique minimale et, de plus en plus, des interdictions ou la suppression d’équipements pour les énergies fossiles. Toutefois, aucun pays IPAC n’avait adopté les normes de performance énergétique les plus élevées pour les moteurs électriques avant 2020. L’adoption de meures fondées sur les prix reste faible, même si elle augmente. Par exemple, la tarification du carbone ne couvre que 50% des émissions de CO2 liées à l’énergie dans l’OCDE et les pays du G20, avec un prix effectif du carbone sous EUR 20 par tCO2 – bien en-deçà du prix nécessaire à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris (EUR 50-160/t CO2 ).

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