Ce chapitre examine les pratiques naissantes d’évaluation des établissements scolaires au Maroc. Au cours des cinq dernières années, le pays a mis en place des activités d’auto-évaluation dans le cadre du nouveau processus de planification scolaire (Projet d’Établissement) ainsi que des audits externes des établissements. Le manque de capacité tant d’auto-évaluation que d’évaluation externe à tous les niveaux du système éducatif et des lacunes majeures dans le cadre d’évaluation des établissements scolaires limitent toutefois l’aptitude des écoles à utiliser l’information des évaluations pour améliorer les pratiques d’apprentissage et d’enseignement. Pour transformer les pratiques d’évaluation des établissements scolaires en outils probants pour l’amélioration de la qualité de l’apprentissage, le Maroc devra investir dans la capacité de l’équipe d’évaluation des établissements scolaires et d’évaluation externe à apprécier les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Il faudra également veiller à ce que les établissements reçoivent un soutien externe adéquat pour l’utilisation des résultats de l’évaluation afin d’éclairer leur planification et d’améliorer les apprentissages et l’équité
Examens de l'OCDE du cadre d'évaluation de l'éducation : Maroc
Chapitre 4. Évaluation des établissements scolaires : renforcer leur capacité d’amélioration
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Introduction
L’évaluation des établissements scolaires fait référence à l’évaluation de la qualité des pratiques scolaires. Les évaluations peuvent être menées par l’école elle-même (auto-évaluation par l’établissement scolaire) ou par un organisme d’évaluation externe (évaluation externe de l’établissement scolaire). L’une et l’autre fournissent des informations qui aident les écoles à comprendre comment leur enseignement, leur direction, leur gestion et leur administration influencent l’apprentissage des élèves et ce qu’elles peuvent faire pour améliorer les résultats de tous les élèves. L’information issue des évaluations aide également les autorités régionales et centrales à concevoir de meilleures politiques éducatives pour soutenir l’amélioration des établissements scolaires (OCDE, 2013).
Le Maroc a récemment introduit certaines pratiques d’évaluation externe et d’auto-évaluation des établissements scolaires. Les écoles sont maintenant encouragées à examiner leurs performances et à fixer des priorités dans leur Projet d’Établissement et, depuis 2015, des audits externes ont été organisés pour assurer le respect des procédures et réglementations nationales. Les écoles du Maroc ont néanmoins encore très peu de responsabilités vis-à-vis de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage qu’elles dispensent. Au lieu d’être des moteurs du changement, elles ne sont souvent considérées que comme la somme de leurs enseignants et du personnel administratif exécutant les politiques des autorités centrales.
La vision stratégique 2015-2030 (Vision 2030) envisage un changement fondamental du rôle des établissements scolaires au Maroc, pour en faire des agents clés de l’amélioration de la qualité et de l’équité dans l’ensemble du système éducatif. Cela nécessitera des efforts plus concertés pour développer des pratiques d’évaluation des établissements scolaires qui encouragent les écoles et les autorités éducatives à améliorer les pratiques les plus importantes pour l’apprentissage des élèves et à créer une plus forte redevabilité mutuelle en matière de résultats. Cela impliquera d’élaborer un cadre pour davantage concentrer les évaluations sur l’amélioration et moins sur la conformité, et de renforcer la capacité des principaux acteurs de l’éducation, en particulier les chefs d’établissement et les inspecteurs, à mener des évaluations des établissements scolaires et à en utiliser les résultats pour améliorer la qualité de l’école.
Contexte et principales caractéristiques de l’évaluation des établissements scolaires au Maroc
Gouvernance des établissements scolaires
La responsabilité des établissements vis-à-vis des ressources financières et humaines est limitée
Malgré de récents efforts notables pour accroître leur responsabilité dans la gestion des ressources financières, les établissements scolaires du Maroc continuent d’avoir très peu d’autorité décisionnelle dans ce domaine (voir chapitre 1). Presque toutes les dépenses, y compris les coûts de personnel et la plupart des dépenses d’exploitation, sont déterminées et gérées directement par les Académies régionales d’éducation et de formation (AREF). La création des Conseils de gestion des établissements scolaires (CGES) en 2002 a permis aux écoles de commencer à jouer un rôle dans le processus de budgétisation, en fournissant une estimation initiale de leurs besoins en ressources (voir tableau 4.1). Le ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MENFPESRS, ci-après le « Ministère ») a également créé des associations scolaires dotées de l’autorité légale de recevoir et exécuter des fonds pour aider les écoles à mettre en œuvre leur Projet d’Établissement (Banque mondiale, 2015). Il a toutefois été signalé à l’équipe d’examinateurs de l’OCDE que peu d’établissements ont recours à ces subventions, en partie en raison de la faible capacité de gestion financière des établissements scolaires. Les associations scolaires sont également autorisées à collecter des fonds pour couvrir leurs besoins, mais très peu le font (Banque mondiale, 2015).
Les établissements n’ont aucune responsabilité dans le recrutement, l’affectation et la progression de carrière des enseignants. Le Ministère organise le recrutement des enseignants et leur affectation aux écoles, y compris des enseignants stagiaires. Les enseignants doivent introduire une demande pour changer d’école ou de région, ce qu’ils peuvent faire tous les quatre ans. Les inspecteurs pédagogiques sont responsables de l’évaluation des enseignants, tant pour leur progression de carrière que pour la gestion de leur performance (voir chapitre 3). Le rôle des établissements, par l’entremise de leurs chefs, se limite à des commentaires généraux sur l’assiduité et le comportement des enseignants. Il n’y a aucun canal direct permettant aux écoles de demander une formation ou un perfectionnement professionnel pour leur personnel ; ces actions sont déterminées au niveau régional par l’AREF.
Les établissements scolaires ont une certaine responsabilité vis-à-vis du curriculum et de l’évaluation
Les évaluations en classe et celles réalisées par les écoles jouent un rôle important dans la certification et la sélection des élèves au Maroc, ce qui donne aux établissements scolaires et aux enseignants leur mot à dire dans la progression des élèves au sein du système éducatif (voir chapitre 2). Les établissements sont également en théorie responsables de la définition de 15 % du curriculum enseigné. Cette souplesse a été introduite pour prendre en compte les spécificités régionales, mais en réalité, le temps alloué au curriculum défini par les écoles est souvent utilisé pour des classes de remédiation (voir chapitre 1).
Le rôle des établissements scolaires dans la planification et la définition d’objectifs est très récent au Maroc
Depuis 2011, les écoles sont tenues d’élaborer un plan scolaire de trois ans appelé « Projet d’Établissement ». Avant cela, il n’existait aucune pratique établie ni de planification de l’amélioration ni de définition d’objectifs au niveau de l’établissement. Le processus du Projet d’Établissement est coordonné par le chef d’établissement et comprend quatre grandes étapes : diagnostic ; détermination de la priorité des problèmes ; mise en œuvre ; et suivi (voir graphique 4.1). Pour l’aider dans ces tâches, le chef d’établissement est tenu de mettre en place un comité de pilotage pour le Projet d’Établissement. Le comité de pilotage est en général constitué de certains membres du CGES et toute personne au sein de l’établissement scolaire susceptible de contribuer de par son expérience.
En dehors des lignes directrices générales, les écoles marocaines reçoivent un soutien technique très limité des AREF et du Ministère pour la mise en œuvre de leurs projets d’établissement. Le suivi des projets d’établissement est également faible, ce qui signifie que les écoles sont moins susceptibles d’accorder de l’importance au processus et qu’elles reçoivent un retour d’information limité sur la manière dont elles pourraient planifier plus efficacement. Dans les directions provinciales des AREF, les comités techniques de validation sont chargés d’examiner la faisabilité des projets d’établissement et leur alignement avec les priorités nationales telles que la prévention de l’abandon scolaire, l’égalité des genres et l’apprentissage des élèves. Seuls 65% des écoles marocaines ont toutefois soumis leurs plans pour validation en 2015. Les processus d’audit scolaire se concentrent principalement sur le respect par les écoles de l’exigence de définition d’un Projet d’Établissement, sans porter beaucoup d’attention à la qualité.
Les conseils de gestion des établissements scolaires visent à impliquer les communautés locales
Les CGES ont été créés en 2002 pour impliquer les communautés locales dans la planification scolaire et fournir un appui aux chefs d’établissement (voir tableau 4.1). Les CGES sont constitués pour trois ans.
Tableau 4.1. Conseils scolaires existant dans les écoles marocaines
Conseil scolaire |
Membres |
Fonctions |
---|---|---|
Conseil de gestion des établissements scolaires (CGES) |
Chef d’établissement, personnel administratif, enseignants, parents, étudiants, élus locaux |
Valider le Projet d’Établissement et communiquer les besoins budgétaires à l’AREF ; définir les règles opérationnelles internes de l’établissement ; recommander des projets de partenariat possibles avec des acteurs locaux, nationaux ou internationaux ; identifier et communiquer les besoins opérationnels de l’établissement à l’AREF ; et valider le rapport sur le Projet d’Établissement avant son envoi à la direction provinciale. |
Conseil pédagogique |
Chef d’établissement, enseignants |
Préparer un plan d’action annuel pour l’enseignement et l’appui à l’apprentissage, leur mise en œuvre et leur évaluation ; formuler des curricula et les présenter au Conseil d’administration de l’AREF ; coordonner les différentes matières ; et donner des conseils sur la répartition des étudiants dans les classes, l’utilisation des salles de classe et la détermination de l’horaire scolaire. |
Conseils d’enseignants |
Enseignants (organisés par matière) |
Discuter des problèmes et difficultés rencontrés dans l’enseignement de la matière ; coordonner le travail des enseignants par matière ; choisir les manuels scolaires. |
Conseil de classe |
Chef d’établissement, enseignants, parents et étudiants |
Suivre l’apprentissage des élèves ; décider du redoublement des élèves. |
Comité de pilotage du Projet d’Établissement |
Membres du personnel de l’établissement, nommés par le chef d’établissement |
Aider le chef d’établissement dans les activités du Projet d’Établissement |
Source : MENFPESRS (à paraître), Examen du cadre national de l’évaluation dans le système éducatif marocain: Rapport national de base, ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle ; Banque mondiale (2015), Approche systémique pour de meilleurs résultats en éducation. Autonomie et redevabilité des établissements scolaires : Maroc, Groupe de la Banque mondiale, Washington DC http://wbgfiles.worldbank.org/documents/hdn/ed/saber/supporting_doc/CountryReports/SAA/SABER_SAA_Morocco_Country_Report_2015_FINAL_French.pdf.
En dehors des représentants élus dans le CGES, l’engagement plus large de la communauté dans les activités scolaires et la prise de décision reste limité. Les CGES sont dominés par le personnel de l’établissement scolaire, tandis que les parents et les étudiants sont relativement sous-représentés (Banque mondiale, 2015). Certains parents rencontrés par l’équipe d’examinateurs de l’OCDE lors des visites dans les établissements n’avaient jamais rencontré leur représentant au CGES. Au Maroc, les CGES organisent rarement des réunions générales pour informer les parents et la communauté locale des priorités et projets actuels de l’établissement scolaire (INESEFRS, 2015, Banque mondiale, 2015).
Chefs d’établissement
La responsabilité des chefs d’établissement est limitée en matière de supervision de l’enseignement et de l’apprentissage
Les chefs d’établissements sont principalement responsables de la gestion administrative de l’école. Au Maroc, la majorité de leurs tâches concernent les activités opérationnelles quotidiennes. Ils peuvent contribuer à l’évaluation, mais n’émettent aucun avis sur l’enseignement (voir chapitre 3). Bien que responsables de la planification de l’amélioration de l’établissement, les chefs d’établissement n’ont aucun mandat explicite pour effectuer des auto-évaluations régulières. Dans le cadre du Projet d’Établissement, les chefs d’établissements sont censés examiner les performances scolaires et fixer des objectifs d’amélioration. Toutefois, le Profil des emplois et des compétences des directeurs d’établissement de l’éducation et de l’enseignement public, qui stipule les responsabilités de la direction des écoles, n’en font pas un devoir central.
L’appui administratif et managérial aux chefs d’établissement est réduit au minimum. Même si dans les grands établissements secondaires, ils peuvent bénéficier du soutien administratif d’un ou plusieurs « surveillants généraux », la majorité, en particulier dans les écoles primaires, a peu accès à une telle assistance. En outre, dans les zones rurales, la majorité des chefs d’établissement sont responsables de plus d’une école, ce qui limite le temps à consacrer à l’auto-évaluation et à la planification. Dans de nombreuses écoles, en particulier des zones rurales, de graves pénuries de commodités et d’infrastructures de base captent l’attention des chefs d’établissement, au détriment d’autres tâches plus axées sur l’enseignement et l’apprentissage (voir chapitre 1). La responsabilité limitée de l’établissement en matière de ressources financières n’aide également pas les chefs d’établissement à jouer un rôle dirigeant efficace dans la planification stratégique de l’école. La formation des chefs d’établissement à la gestion et au leadership scolaires est limitée.
Avant 2015, les chefs d’établissement étaient directement sélectionnés parmi les enseignants expérimentés, sur la base des résultats d’un test écrit et d’un entretien. Les chefs d’établissement bénéficiaient d’une formation concourante suite à leur prise de poste. Aucune formation préalable en gestion et leadership scolaires n’était requise, ce qui signifie que la majorité des directeurs existants sont entrés en fonction avec peu ou pas de préparation initiale.
En 2015, le Ministère a mis en place un programme obligatoire de formation d’une année pour tous les nouveaux chefs d’établissement, comprenant 12 modules de gestion scolaire délivrés par les Centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation (CRMEF). La longueur et le contenu de ce programme se situent positivement par rapport aux pratiques internationales, y compris les modules consacrés à l’auto-évaluation des établissements scolaires, à la planification scolaire et à la supervision pédagogique (OCDE, 2014). Les chefs d’établissement ont signalé à l’équipe d’examinateurs de l’OCDE que la formation était utile et les préparait bien à s’acquitter de leurs fonctions dans les écoles.
Les chefs d’établissement reçoivent une formation en cours d’emploi pendant leur période d’essai d’un an, mais les possibilités de formation supplémentaires sont rares une fois qu’ils sont confirmés dans leur fonction. La formation continue est principalement promue au sein des communautés de pratiques professionnelles (CPP), qui ont été introduites en 2013 dans le but d’encourager les chefs d’établissement à se rencontrer régulièrement pour échanger des bonnes pratiques, et de fournir un mentorat aux nouveaux directeurs. Chaque CPP devrait comprendre une vingtaine de directeurs, généralement issus des établissements du cycle primaire, secondaire collégial et qualifiant de la même zone géographique. La couverture de ce programme n’est toutefois pas claire.
Les chefs d’établissement ne sont pas régulièrement évalués au Maroc
Il n’existe aucun système d’évaluation régulière des chefs d’établissement au Maroc. Le seul cas où la performance d’un chef d’établissement peut être examinée est en réponse à une plainte formelle concernant son comportement ou son leadership déposée par des enseignants, étudiants ou parents à travers le processus d’inspection générale (voir ci-dessous). Les normes professionnelles pour les chefs d’établissement, introduites pour la première fois en 2010, sont utilisées dans la définition des exigences pour leur formation initiale, mais ne le sont pas pour évaluer la qualité de leur leadership en cours d’exercice.
Responsabilités pour l’évaluation des établissements scolaires
Jusqu’à récemment, l’évaluation des pratiques d’enseignement et d’apprentissage ne portait que sur les enseignants pris individuellement, à travers les diverses évaluations réalisées par les inspecteurs pédagogiques (voir chapitre 3). La mise en place des audits des établissements scolaires et l’introduction d’une approche standardisée de la planification scolaire offrent une base encourageant une nouvelle vision de l’école au Maroc en tant qu’unité collective d’amélioration et point central des réformes.
L’Inspection générale des affaires pédagogiques (IGAP) est responsable des audits des établissements scolaires et des inspections générales
Deux inspections générales ont été créées à la fin des années 1990 sous l’autorité directe du ministre de l’Éducation, dans le cadre d’une volonté générale du Maroc d’améliorer la transparence et la redevabilité dans le secteur public (voir chapitre 1). Ensemble, ces inspections générales sont chargées d’auditer toutes les institutions publiques et les acteurs impliqués dans le secteur de l’éducation. L’Inspection générale pour les affaires administratives audite la gestion des ressources humaines, financières et matérielles dans le Ministère, les AREF et les établissements scolaires. L’Inspection générale des affaires pédagogiques (IGAP) est chargée d’effectuer des « audits » réguliers des pratiques pédagogiques des écoles. L’IGAP peut également organiser des « inspections générales » à la demande des AREF, si celles-ci identifient de sérieux problèmes au sein d’une école donnée.
Les audits des établissements scolaires par l’IGAP ont été introduits en 2014 pour améliorer la gouvernance, la transparence et la qualité des écoles. Depuis 2014, l’IGAP a effectué des audits de presque tous les établissements du secondaire collégial et qualifiant (environ 90 %) du Maroc. L’IGAP a étendu les audits aux établissements primaires en 2017 et vise un contrôle de tous les établissements publics tous les trois ans. Bien que son rôle d’audit comprenne des recommandations pour l’amélioration des établissements scolaires, l’IGAP se concentre principalement sur le respect des règles législatives et peu sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage.
La capacité est également une préoccupation. L’IGAP ne compte que 90 inspecteurs (en comptant les inspecteurs régionaux) pour couvrir plus de 10 000 établissements du pays, et les pratiques ne prévoient pas de faire appel à des experts externes, tels que les inspecteurs pédagogiques. Un tiers des inspecteurs de l’IGAP sont localisés au sein du Ministère, tandis que le reste est maigrement réparti dans les AREF (environ 5 inspecteurs dans chacune des 12 AREF).
Les inspecteurs pédagogiques évaluent les pratiques individuelles des enseignants
Le Maroc dispose depuis longtemps d’un corps d’inspecteurs pédagogiques chargé d’effectuer des évaluations individuelles des enseignants, mais pas d’évaluer la qualité globale de l’enseignement dans les écoles. Ils sont recrutés parmi les enseignants expérimentés et suivent un programme de formation initiale de deux ans. Bien que déployés au niveau des AREF, ils rendent compte au secrétaire général du ministère de l’Éducation nationale. Ils procèdent à des évaluations des performances des enseignants et à des évaluations en fin de probation et en vue des promotions. Les évaluations sont principalement axées sur la conformité (voir chapitre 3).
Le nombre des inspecteurs pédagogiques est relativement faible et en baisse. En moyenne, un inspecteur pédagogique est aujourd’hui responsable d’environ 118 enseignants, parfois répartis sur un vaste territoire, ce qui rend impossible la visite de chaque enseignant une fois par ans comme prévu dans les notes réglementaires. En outre, l’absence de lignes directrices nationales définissant les dimensions des pratiques pédagogiques à examiner lors des évaluations limite la cohérence et l’équité de celles-ci (voir chapitre 3).
Les académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF) sont responsables de la qualité des établissements scolaires
Les AREF sont responsables de la qualité des établissements scolaires de leur région, mais leurs rôles de suivi et de soutien demeurent souvent peu développés (voir chapitre 1). Des comités de validation et de pilotages sont mis en place au sein des directions provinciales pour valider les projets d’établissement. Les AREF sont également chargées de suivre les résultats des audits des établissements scolaires et de déterminer les besoins des enseignants en formation professionnelle continue sur la base des rapports des inspecteurs pédagogiques. Les actions de suivi par les AREF sont toutefois très limitées, et les résultats des audits des établissements scolaires et des inspections pédagogiques ne sont pas systématiquement utilisés pour éclairer la conception des initiatives d’appui aux établissements scolaires ni des programmes de formation du personnel scolaire (voir chapitres 3 et 5).
Formes d’évaluation des établissements scolaires existant au Maroc
L’évaluation des établissements scolaires prend habituellement deux formes : évaluation externe de l’établissement et auto-évaluation par l’établissement lui-même, qui visent toutes deux l’amélioration de la performance et la redevabilité (Faubert, 2009). Les évaluations externes d’un établissement examinent la qualité des structures et des processus existant au sein de cet établissement et la performance des élèves. Elles sont réalisées par un organisme externe à l’établissement. Dans la plupart des pays de l’OCDE, l’évaluation externe est menée par des institutions nationales ou étatiques spécifiques, telles que des services d’inspection ou des organismes d’examen de la qualité, situés au sein ou en dehors du ministère de l’Éducation. Les évaluations externes des établissements ont tendance à être utilisées pour la redevabilité, mais un nombre croissant de pays développent leurs processus d’évaluation externe pour fournir des recommandations aux établissements sur la façon d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage. Les auto-évaluations des établissements scolaires sont des examens effectués par des membres de l’établissement pour évaluer l’efficacité des structures et des processus en place et l’apprentissage des élèves. Ces examens internes peuvent s’appuyer sur des contributions de la direction des établissements, des enseignants, du personnel, des étudiants, des parents et de la communauté scolaire (OCDE, 2013).
Au Maroc, les pratiques d’évaluation des établissements scolaires sont très limitées par rapport à celles des pays de l’OCDE (voir graphique 4.2).
Les audits des établissements sont une forme émergente d’évaluation externe des établissements scolaires
Les audits des établissements scolaires effectués par l’IGAP comprennent certains éléments qui pourraient être considérés comme une base émergente pour l’évaluation externe des établissements. Ils sont menés par une équipe de 2 personnes comprenant souvent un inspecteur général basé à l’IGAP et un inspecteur basé dans une AREF. Ils durent un à deux jours en fonction de la taille de l’établissement. L’équipe évalue les établissements sur un ensemble de 38 indicateurs pour 6 dimensions (voir tableau 4.2). Les résultats sont enregistrés dans un modèle et présentés à l’établissement audité à la fin de la visite. Une synthèse régionale des audits des établissements scolaires est également présentée à l’AREF avec des recommandations d’action au niveau régional.
En dépit du but déclaré de fournir un appui aux établissements pour l’amélioration de leurs performances, le rôle principal des audits des établissements scolaires est, dans la pratique, de s’assurer que ceux-ci respectent les réglementations nationales. Le choix de mise en place d’un exercice d’audit au lieu d’une inspection ou « évaluation » reflète le solide accent mis sur la conformité plutôt que sur la qualité et la performance de l’établissement. En effet, un audit se distingue d’un processus d’évaluation externe qui met plus l’accent sur l’amélioration des pratiques pédagogiques des établissements. L’audit a pour but premier de s’assurer de la conformité réglementaire. Cette orientation est renforcée par le cadre des indicateurs, axé sur les processus administratifs, et par la méthodologie de l’audit. Cette dernière s’appuie presque exclusivement sur l’examen des documents de l’établissement, tandis que les observations qualitatives des pratiques sont rarement pratiquées. Par exemple, les inspecteurs généraux n’observent pas les pratiques en classe, ce qui limite considérablement leur capacité à commenter la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. En outre, aucun entretien n’est organisé avec des intervenants clés tels que les parents, les enseignants et les étudiants, pour évaluer leur satisfaction par rapport à la qualité de leur établissement et leur niveau d’engagement dans les activités de celui-ci.
Tableau 4.3. Indicateurs de l’IGAP pour les audits des établissements scolaires
Dimension |
Indicateurs |
---|---|
Organisation administrative |
|
Organisation éducative |
|
Projet d’Établissement |
|
Résultats de l’établissement scolaire |
|
Engagement de la communauté |
|
Organisation des espaces et de l’équipement de l’établissement |
|
Source : MENFPESRS (2016), Grille d’audit des établissements scolaires, ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle
Les inspections générales sont la principale voie pour la gestion des différends et des problèmes imprévus dans les établissements scolaires marocains
Les inspections générales effectuées par l’IGAP sont organisées sur demande du Ministère, des AREF ou du personnel des établissements lorsqu’un problème tel qu’une dispute avec les parents, l’absentéisme d’un enseignant, des difficultés avec les syndicats d’enseignants ou des problèmes administratifs est soulevé. L’IG effectue en moyenne quelque 100 inspections générales par an. L’inspection générale peut comprendre une observation des pratiques en classe, mais uniquement dans la mesure où elle est nécessaire pour l’investigation de la question spécifique examinée. Les résultats sont partagés oralement avec l’établissement et le ministre de l’Éducation. Les conséquences des inspections générales vont de la fourniture d’un soutien et d’un suivi étroit du personnel par les inspecteurs pédagogiques jusqu’à des sanctions telles qu’une réduction salariale.
L’auto-évaluation des établissements scolaires est une pratique naissante dans les écoles marocaines
Ailleurs dans le monde, les auto-évaluations des établissements scolaires sont menées par les membres de l’établissement pour évaluer l’efficacité des structures et processus en place et la performance des élèves. Ces examens internes peuvent s’appuyer sur les contributions de la direction de l’établissement, des enseignants, du personnel, des étudiants, des parents et de la communauté scolaire (OCDE, 2013). Contrairement à la plupart des pays de l’OCDE, le Maroc n’a pas d’obligation formelle d’auto-évaluation des établissements scolaires, même si deux activités d’évaluation sont prévues dans le Projet d’Établissement :
Durant la phase de diagnostic, le chef d’établissement et le comité de pilotage sont censés examiner les performances de l’établissement afin de déterminer les priorités d’action les plus appropriées. Les établissements énumèrent les principaux problèmes qui ont un impact sur la performance des élèves et distinguent les problèmes sur lesquels des interventions au niveau de l’établissement peuvent avoir un effet direct, de ceux nécessitant une action du Ministère et des AREF (voir graphique 4.1).
Durant la phase de suivi, le chef d’établissement et le comité de pilotage suivent les progrès de la mise en œuvre du Projet d’Établissement et utilisent l’information pour ajuster celui-ci à la fin de la deuxième année et éclairer le cycle de planification suivant (voir graphique 4.1). D’après les directives du Ministère, au début du cycle du Projet d’Établissement, les établissements sont censés définir les objectifs clés pour chacun des domaines d’action prioritaires ainsi que les instruments et actions qui seront utilisés pour suivre les progrès en direction de ces objectifs et le calendrier du suivi.
Bien que ces processus d’examen soient prometteurs, leur potentiel d’appui du développement d’une culture d’auto-évaluation dans les établissements scolaires est actuellement affaibli par plusieurs facteurs, notamment le soutien limité aux établissements pour l’évaluation de leurs forces et faiblesses, l’absence de directives et de formation destinées au personnel scolaire pour la conduite efficace du processus, et un suivi externe relativement faible. Le suivi du Projet d’Établissement par les comités de pilotages provinciaux semble principalement axé sur la conformité procédurale plutôt que sur la façon dont l’exercice contribue à des changements positifs dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage des établissements.
Indicateurs de performance des établissements scolaires
MASSAR a le potentiel de soutenir l’évaluation des établissements scolaires
MASSAR, la base de données sur l’éducation introduite en 2013, permet aux établissements, inspecteurs généraux et AREF d’accéder à la plupart des indicateurs clés des établissements à travers la même plateforme. Beaucoup de caractéristiques de MASSAR en font un outil potentiellement précieux pour l’évaluation et la planification des établissements. MASSAR combine des données sur l’élève, l’enseignement et l’établissement, et utilise un identifiant unique pour suivre la progression de chaque élève dans le système éducatif (voir chapitre 5). MASSAR est également intégré avec d’autres bases de données clés, telles que Taftich, la nouvelle plateforme visant à documenter l’évaluation des enseignants, ce qui peut fournir aux pouvoirs publics une image plus complète de l’environnement d’apprentissage des établissements scolaires.
Certains manques importants dans les données, telles que celles sur les ressources financières et le contexte socioéconomiques des établissements restreignent toutefois l’utilisation de MASSAR dans les activités d’évaluation des établissements scolaires. MASSAR ne comprend pas de données de références permettant aux établissements de comparer leurs performances pour les indicateurs clés aux moyennes nationales ou régionales. En fait, même si les établissements ont accès à leurs propres données, ils ne l’ont pas à des données agrégées au niveau régional ou national.
Des initiatives sont en cours pour combler certaines de ces lacunes, en particulier au moyen d’un projet conjoint mené par le Ministère et l’UNICEF pour développer un système de gestion de l’information scolaire utilisant MASSAR. Ce projet cherche à renforcer la capacité des établissements à utiliser les indicateurs relatifs à la qualité et à l’équité établis à leur niveau, pour éclairer leur planification et leurs activités. Ce projet fait partie de l’initiative INSAF de l’UNICEF qui vise à développer des ressources scolaires pour améliorer l’équité dans l’accès et l’apprentissage dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Le système marocain de gestion de l’information scolaire sera testé à titre pilote et évalué dans une AREF (Souss-Massa) en 2017-2018.
Les données comparatives sur la performance des établissements scolaires sont limitées
Le Maroc essaie d’élaborer des mesures normalisées des résultats des élèves pour évaluer les performances des établissements scolaires. Cette pratique est courante dans de nombreux pays de l’OCDE et peut aider à renforcer la concentration de l’évaluation des établissements, et d’autres dimensions de la politique des établissements, sur l’apprentissage des élèves.
Dans un premier temps, le Centre national de l’évaluation, des examens et de l’orientation (CNEEO) a introduit, en 2013, un modèle de comparaison pour les établissements scolaires du secondaire qualifiant, fondé sur les taux de réussite de leurs élèves au baccalauréat, l’examen national de fin du secondaire qualifiant. La composante « contrôle continu » du baccalauréat n’est pas comprises pour améliorer la fiabilité des résultats. Les taux de passage sont ajustés en fonction de la taille de l’établissement, et les établissements sont classés en très, moyennement et peu performants. Les résultats sont communiqués à chaque établissement et aux AREF, mais ne sont pas rendus publics. Les établissements peu performants sont tenus d’intégrer dans leurs projets d’établissement des mesures pour améliorer leurs résultats. Le CNEEO vise à étendre le modèle aux établissements du secondaire collégial en utilisant les résultats du brevet, l’examen de fin du secondaire collégial.
Les leviers principaux de l’évaluation des établissements scolaires
Les pratiques émergentes d’évaluation des établissements scolaires au Maroc laissent à penser qu’il y a un intérêt politique grandissant pour l’amélioration de la qualité de l’école et la redevabilité des établissements vis-à-vis de leur performance. Toutefois, pour que l’évaluation des établissements scolaires ait un effet positif sur les résultats scolaires, des lacunes importantes devront être comblées. À l’heure actuelle, les pratiques d’évaluation externe, les « audits des établissements scolaires », sont étroitement axées sur le respect des règlements, et la capacité à transformer ces pratiques en un outil d’amélioration est très limitée. En outre, les activités d’auto-évaluation des établissements scolaires ne sont pas suffisamment intégrées dans la planification des activités des établissements, et le leadership en matière d’examen des pratiques pédagogiques reste limité dans les établissements marocains. Enfin, des processus et structures doivent être mis en place pour suivre et appuyer l’utilisation des résultats de l’évaluation des établissements afin d’éclairer les pratiques d’enseignement et la planification scolaire.
Levier 4.1 : Élaborer une approche plus complète et systématique de l’évaluation externe des établissements scolaires
Avec la création de l’IGAP et la mise en place d’audits réguliers des établissements scolaires, le Maroc a entrepris des actions prometteuses pour l’amélioration de la redevabilité des établissements et du renforcement de leur capacité d’amélioration. Néanmoins, pour jeter les bases d’un système efficace d’évaluation externe des établissements scolaires, le Maroc devra combler un certain nombre de lacunes, notamment l’absence de normes de qualité clairement définies qui constituent la pierre angulaire de toute évaluation pertinente. Les responsabilités en matière d’évaluation des établissements scolaires doivent également être examens. Le Maroc devra investir davantage dans l’élaboration de directives et d’instruments pour appuyer les inspecteurs généraux dans leur travail d’évaluation. La mise en place de ces fondations prendra du temps et devra s’inscrire dans une politique définissant des objectifs clairs à court, moyen et long termes, alignés sur la Vision 2030 et l’objectif d’une « nouvelle école » (voir chapitre 5).
4.1.1 Établir un cadre de référence pour l’évaluation externe des établissements scolaires
Un cadre d’évaluation externe des établissements scolaires définissant ce qu’est une bonne école et comment mesurer la qualité des établissements est impératif pour la création d’une compréhension commune du but de l’évaluation des établissements scolaires et la garantie d’une cohérence des pratiques d’évaluation entre les établissements. À l’heure actuelle, le Maroc ne dispose pas d’un tel cadre pour guider l’évaluation de ses établissements scolaires. Le seul document de référence existant, la grille d’audit des établissements scolaires, ne suffit pas pour assurer que toute nouvelle évaluation produira des résultats fiables et pertinents. De plus, les indicateurs de la grille servent principalement des fins de conformité, tandis que les dimensions clés des performances des établissements, telles que la qualité des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, n’y figurent pas. À moyen terme, le système éducatif marocain devra développer un ensemble plus robuste de normes de qualité pour guider l’évaluation et l’amélioration des établissements scolaires en appui aux objectifs nationaux. Dans l’immédiat, l’IGAP doit revoir ses indicateurs pour qu’ils servent mieux le but d’amélioration des établissements scolaires, et mettre au point des descripteurs de la qualité pour clarifier et normaliser l’évaluation.
Mettre en place d’un processus consultatif pour l’élaboration de normes de qualité pour les établissements scolaires
La Vision 2030 appelle à la création d’une « nouvelle école marocaine » fondée sur les principes de qualité et d’équité. Toutefois, un bon nombre des outils et processus nécessaires pour concrétiser cette aspiration n’existent pas (voir chapitre 5). Il manque, en particulier, une compréhension commune claire de ce que constitue la « nouvelle école » au Maroc, ainsi qu’un ensemble de normes pour aider à guider les efforts d’amélioration des établissements scolaires, fondés sur les priorités nationales, et à veiller à ce que les évaluations tant internes qu’externes soient centrées sur ce qui compte le plus pour atteindre des niveaux plus élevés de qualité et équité. Un objectif stratégique important de tout plan éducatif marocain à moyen terme devra donc être la définition de normes de qualité claires pour les établissements, afin de spécifier ce qu’est la « nouvelle école marocaine » d’une manière mesurable et capable d’aider à diriger le travail des établissements, organismes d’évaluation et responsables de l’amélioration du système éducatif au sein des administrations locales et nationales.
Les comparaisons internationales montrent que même si les normes varient entre les pays, il existe une remarquable convergence dans les domaines abordés (OCDE, 2013). Dans les pays de l’OCDE, les définitions d’une école bonne ou efficace sont axées sur les aspects des résultats et processus scolaires ayant un effet avéré sur la qualité de l’apprentissage des élèves, et font explicitement référence à la nécessité de veiller à obtenir les meilleurs résultats possibles pour tous les apprenants (voir encadré 4.1). Les normes applicables dans ces domaines s’accompagnent d’indicateurs axés sur les pratiques scolaires importantes pour atteindre ces normes et respecter les priorités nationales.
Dans le contexte du Maroc, les normes et indicateurs doivent être définis en restant concentrés sur l’amélioration des établissements scolaires et la redevabilité vis-à-vis des problèmes clés auxquels ces établissements sont confrontés dans le pays, en particulier la nécessité d’accroître les performances des élèves, de réduire le redoublement et le décrochage, et de fournir un soutien plus personnalisé aux élèves en difficulté. Pour veiller à la pertinence et à l’équité des évaluations, les normes devront également être adaptées pour reconnaître les différences de réalité auxquelles sont confrontés les établissements scolaires ruraux et urbains, et les divers types d’établissements scolaires (écoles satellites, multigrades, etc.). Enfin, trop de normes complexes risquent de manquer de concentration et d’alourdir le fardeau administratif. Un ensemble peu nombreux de normes simples permet de concentrer le travail des établissements et leur évaluation sur ce qui compte le plus pour les résultats des élèves.
Dans un système éducatif doté d’une expérience très limitée de l’évaluation des établissements scolaires, la définition de normes de qualité acceptées et comprises par tous les acteurs du secteur de l’éducation requerra du temps et une consultation approfondie. Les enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs pédagogiques et AREF devront être impliqués, tout comme les parents et la société civile en général, dans le but d’arriver à un accord de principe sur ce que doit être la « nouvelle école marocaine ». Cette participation est essentielle dans un contexte où les nouvelles initiatives en matière d’éducation, notamment la Vision 2030, ont peu eu tendance à consulter la société, et où les partenaires sociaux se sont historiquement montrés réticents vis-à-vis de l’introduction de normes pour l’évaluation de l’enseignement et de l’apprentissage (voir chapitre 3). Un processus inclusif contribuerait à faire naître un sentiment d’appropriation des normes chez les acteurs concernés et à les sensibiliser à leur rôle dans la qualité des établissements scolaires. Même si, aujourd’hui, l’IGAP ne dispose pas encore de la capacité de mener ce dialogue, son implication sera essentielle pour le renforcement de son autorité et de sa crédibilité professionnelle.
Encadré 4.1. Qu’est-ce qu’une « bonne école » ?
Au niveau international, les définitions d’une bonne école ou d’une école efficace ont tendance à comprendre les éléments suivants :
la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage
Le taux de progression et de résultat des élèves, et l’équité de leurs résultats, compte tenu des facteurs contextuels tels que le milieu social des élèves
la manière dont les enseignants sont formés pour devenir plus efficaces tout au long de leur carrière
l’application du curriculum
l’utilisation de l’évaluation à des fins d’apprentissage (c’est-à-dire, l’évaluation formative pour éclairer l’ajustement des stratégies d’enseignement et d’apprentissage)
la qualité du leadership pédagogique au sein de l’établissement
la vision et les attentes de l’établissement
les pratiques d’auto-évaluation de l’établissement et leur degré de concentration sur l’enseignement et l’apprentissage.
Source : OCDE (2013), Synergies for Better Learning : An International Perspective on Évaluation and Assessment (résumé en français), Éditions OCDE, Paris.
Déplacer l’accent mis par les indicateurs de l’IGAP pour les établissements scolaires de la conformité à l’amélioration
La définition de normes de qualité pour les établissements scolaires est importante à moyen terme. Certaines actions peuvent néanmoins être entreprises immédiatement pour renforcer l’impact des processus existants. En particulier, l’IGAP doit adapter son cadre actuel d’indicateurs pour qu’il serve mieux l’objectif d’amélioration des établissements scolaires. Les indicateurs sont le principal outil utilisé par les évaluateurs du monde entier pour apprécier la performance des établissements scolaires en fonction des dimensions clés de leur qualité (Faubert, 2009). Au Maroc, la cadre des indicateurs utilisé par l’IGAP dans les audits des établissements scolaires couvre la majorité des dimensions ayant un effet avéré sur l’amélioration de la qualité des établissements (voir encadré 4.1 et tableau 4.2). Toutefois, les indicateurs choisis pour évaluer ces dimensions sont en opposition avec le but déclaré d’apporter un appui aux établissements et ont tendance à accorder plus de poids au respect des règlements. Certaines lacunes significatives existent également, impliquant ainsi que, durant le processus d’évaluation, d’importantes pratiques scolaires ne bénéficient pas de l’attention qu’elles devraient recevoir.
Trois dimensions principales de la qualité des établissements scolaires manquent actuellement dans le cadre des indicateurs d’audit des établissements scolaires du Maroc :
Le leadership pédagogique et l’absence de toute référence au rôle joué par les chefs d’établissement et les conseils de gestion dans la direction des activités scolaires sont les lacunes les plus marquantes du cadre. Le leadership pédagogique est l’un des facteurs les plus importants pour la qualité de l’apprentissage et un point central de l’évaluation des établissements scolaires dans tous les pays de l’OCDE (Pont, Nusche et Moorman, 2008). Le rôle du leadership pédagogique est sous-développé au Maroc et doit être renforcé par des processus d’évaluation reconnaissant les aspects clés d’un leadership de qualité, tels que le soutien aux enseignants et l’articulation d’une vision de l’établissement pour l’apprentissage (Pont, Nusche et Moorman, 2008).
Les indicateurs d’équité des résultats des élèves ne sont également pas couverts de manière appropriée dans le cadre. L’importance pour les établissements de disposer de mesures pour répondre aux besoins des élèves éprouvant des difficultés d’apprentissage est certes mentionnée, mais il n’existe aucune attente claire d’une action spécifique des établissements en vue de réduire les disparités de résultats et de fournir un soutien supplémentaire aux élèves issus de milieux défavorisés.
Le rôle de l’auto-évaluation pour éclairer le Projet d’Établissement devra également être ajouté dans le cadre des indicateurs. Comme expliqué plus loin (voir question stratégique 2), l’évaluation externe des établissements scolaires doit jouer un rôle central dans le suivi de la qualité effectué par l’auto-évaluation des établissements scolaires et l’assurance de son utilisation dans la planification scolaire.
Dans d’autres domaines, les indicateurs choisis auraient également avantage à être examinés. Actuellement, la majorité d’entre eux sont axés sur le respect des réglementations plutôt que sur la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Par exemple, bien que les références à la qualité de l’enseignement soient actuellement positives, l’accent est principalement mis sur le respect d’exigences administratives telles que le nombre d’inspections des enseignants menées et de cours de formation professionnelle suivis, plutôt que sur la qualité des pratiques internes d’évaluation des enseignants ou la manière dont les enseignants appliquent ce qu’ils ont appris en classe. Bien que certains indicateurs de conformité soient nécessaires pour garantir que les établissements suivent les politiques des autorités, ils doivent être accompagnés d’autres indicateurs évaluant la qualité des pratiques. Ceci est particulièrement important dans les domaines liés aux processus d’enseignement et d’apprentissage, où des indicateurs qualitatifs sont plus instructifs et mieux adaptés pour fournir aux établissements de l’information sur la manière de s’améliorer (Yeung, 2011).
Au Maroc, le manque de concentration sur l’enseignement et l’apprentissage dans le processus d’audit des établissements scolaires reflète une distinction intentionnelle entre, d’une part, l’évaluation de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage, qui est considérée comme relevant de l’évaluation des enseignants à des fins de développement professionnel par les inspecteurs pédagogiques, et d’autre part, l’inspection de l’établissement dans son ensemble à des fins d’amélioration, qui relève de l’IGAP. La qualité de l’enseignement et de l’apprentissage est toutefois un aspect essentiel de la performance des établissements scolaires. Si le Maroc veut mettre en place un système d’évaluation externe des établissements scolaires soutenant l’amélioration du système scolaire, il devra intégrer au processus un volet d’évaluation de l’enseignement et de l’apprentissage.
Le graphique 4.3 fournit un exemple d’indicateurs qualitatifs de l’enseignement qui pourraient être utilisés au Maroc. La révision des indicateurs de l’IGAP a également des implications pour la méthodologie de l’inspection, avec la nécessité pour les inspecteurs de passer plus de temps à observer les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, et de recevoir des directives claires sur la manière de recueillir des informations qualitatives afin de pouvoir porter des jugements fiables et valides (voir question stratégique 1.3).
Mettre au point des descripteurs de la qualité des établissements scolaires
Après l’examen des indicateurs de l’IGAP, il sera important de compléter le cadre révisé avec des descripteurs qui fourniront aux équipes d’évaluation des indications sur la manière d’évaluer la qualité des établissements scolaires. Les descripteurs décrivent les normes de qualité sous la forme de pratiques observables. Cela est particulièrement important pour les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, où la « qualité » est plus ouverte à l’interprétation et où des références claires sont nécessaires pour garantir la cohérence de l’évaluation entre les établissements et sa conformité avec les normes nationales. Actuellement, les établissements sont notés de 1 à 5 pour chaque indicateur. Non seulement il n’existe aucun critère aidant les inspecteurs à déterminer la performance sur cette échelle de notation, mais les établissements ont du mal à comprendre à quoi correspond chaque note. Une échelle descriptive illustrée par des exemples de pratiques à chaque niveau peut aider à expliquer la différence entre une pratique « excellente », « bonne » et « faible », et ainsi à mieux identifier où des améliorations sont nécessaires (Education Scotland, 2006).
Le cadre d’évaluation de la Scottish School fournit un bon exemple de cette approche (voir encadré 4.2). Les descripteurs de la qualité sont rédigés dans des termes simples et facilement observables par les établissements et inspecteurs. Pour les pays utilisant pour la première fois des descripteurs de la qualité, il est recommandé de limiter leur nombre et de se concentrer sur des dimensions clés telles que les pratiques d’enseignement et d’apprentissage (Nusche, D. et coll., 2011).
Au Maroc, les descripteurs de la qualité des établissements scolaires doivent renforcer les concepts d’amélioration et d’équité. De nombreux établissements marocains, en particulier dans les milieux ruraux désavantagés, sont très peu performants sur les indicateurs de résultat tels que les taux de réussite aux examens nationaux ou la rétention scolaire. Un fort accent sur les résultats peut décourager ces établissements d’améliorer leur performance. La formulation des descripteurs devra donc se concentrer non seulement sur les performances absolues atteintes, mais aussi sur l’amélioration au cours du temps. Il est également important que les descripteurs soient adaptés aux différents types d’établissements scolaires du Maroc, tels que les écoles rurales à classe unique, dont les pratiques de planification des leçons et d’adaptation aux besoins des élèves sont différentes de celles des établissements urbains habituels.
Il est également recommandé que les descripteurs de la qualité fassent explicitement référence aux politiques et initiatives nationales clés afin de renforcer leur mise en œuvre par les établissements et de clarifier leur propos. L’équipe d’examinateurs de l’OCDE a observé que les établissements marocains ont tendance à recevoir très peu d’indications sur la mise en œuvre des politiques nationales. Par exemple, tant les enseignants que le Ministère ont signalé à l’OCDE que ni les enseignants ni les chefs d’établissement ne comprenaient le but du PEP, la nouvelle évaluation diagnostique des élèves (voir chapitre 2). Les enseignants et chefs d’établissement des écoles rurales à classes multigrades ont également mentionné des difficultés dans la mise en œuvre de la mesure prioritaire nationale de fourniture d’un appui supplémentaire aux élèves risquant de redoubler. Les descripteurs de la qualité peuvent aider à clarifier les politiques nationales en donnant des exemples concrets de ce qui est attendu des établissements en fonction de leur contexte particulier.
Encadré 4.2. Exemple de descripteurs de la qualité dans Education Scotland
L’approche écossaise de l’évaluation et de l’amélioration a été utilisée par de nombreux pays comme point de départ pour l’élaboration de leurs descripteurs de la qualité. Initialement développés en coopération avec les principales parties intéressées, notamment des chercheurs et chefs d’établissements scolaires, les descripteurs ont été publiés dans le rapport How good is our school (Que vaut notre école ?) et ont constitué des références pour l’évaluation externe et l’auto-évaluation. Les indicateurs de qualité n’avaient pas pour but de constituer un ensemble de critères à respecter à tous les points de vue, mais plutôt d’illustrer les types d’éléments généralement présents lorsque l’appréciation est « très bon » et probablement absents ou mal appliqués lorsqu’elle est « faible ». Un exemple de descripteurs de la qualité utilisé dans le contexte écossais est décrit ci-dessous.
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES : Cet indicateur concerne les actions entreprises par l’établissement scolaire pour promouvoir et garantir un fort sentiment d’égalité et d’impartialité à travers le curriculum et dans tous les aspects de son travail. Il se concentre sur le rôle joué par le personnel de l’établissement travaillant avec des organismes partenaires pour veiller à la participation de tous les apprenants à la vie de l’école. Il veille à la valorisation de la diversité au sein de la communauté scolaire et au-delà.
THÈMES - Approches de l’inclusion - Promotion de l’égalité et de l’équité - Garantie de l’égalité et de l’équité
ILLUSTRATION DE L’APPRÉCIATION « TRÈS BON » :
Tous nos apprenants et leurs parents sont bienvenus dans notre établissement et leurs besoins sont examinés et satisfaits par le personnel travaillant, au besoin, avec des services partenaires. Nous réussissons à réduire les obstacles au développement et à l’apprentissage et veillons à ce que les apprenants et leurs parents soient pleinement intégrés à la vie de notre école. Nous possédons une culture d’inclusion, participation et comportement positif basée sur le respect. Nous entreprenons des actions pour impliquer les apprenants désavantagés et leurs familles et leur permettre de connaître la réussite et un sentiment d’appartenance au sein de l’établissement. Nous accordons une attention particulière aux apprenants vulnérables.
Nous soulignons l’importance de mettre en œuvre nos valeurs. Nous attendons du personnel et des élèves qu’ils fassent preuve de responsabilité personnelle, compassion et soutien aux autres et promeuvent activement l’équité et la justice dans leurs interactions mutuelles. Nous promouvons activement l’égalité des chances et d’accès dans notre travail. Nous reconnaissons, valorisons et promouvons la diversité dans notre établissement et sa communauté, tout en soulignant ce que nous partageons dans nos valeurs et expériences. Nous discutons des problèmes d’égalité de manière ouverte et constructive. Nos apprenants n’ont pas peur de reconnaître et d’aborder la discrimination.
Nous accueillons et célébrons la diversité. Les apprenants, parents et membres du personnel sont traités avec respect et de façon juste et équitable. Dans notre école, la culture et le langage, le handicap, le genre, la race, la religion, l’orientation sexuelle et les besoins d’appui supplémentaire ne sont pas des obstacles à la participation et à la performance.
Indicateur de qualité 5.6 : ÉGALITÉ ET IMPARTIALITÉ
PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES : Cet indicateur concerne les actions entreprises par l’établissement scolaire pour promouvoir et garantir un fort sentiment d’égalité et d’impartialité à travers le curriculum et dans tous les aspects de son travail. Il se concentre sur le rôle joué par le personnel de l’établissement travaillant avec des organismes partenaires pour veiller à la participation de tous les apprenants à la vie de l’école. Il veille à la valorisation de la diversité au sein de la communauté scolaire et au-delà.
ILLUSTRATION DE L’APPRÉCIATION « FAIBLE » :
Nous entreprenons des actions pour éliminer certains obstacles à l’apprentissage, mais de nombreux apprenants ne se sentent pas valorisés au sein de notre communauté scolaire. Nous travaillons avec des services partenaires, mais pas toujours assez étroitement pour garantir que les besoins de tous les apprenants sont identifiés et satisfaits. Certains apprenants et leurs familles ne se sentent pas inclus ou se sentent incapables de participer pleinement à la vie de notre école.
L’égalité des chances et un sentiment d’équité ne figurent pas en bonne placedans le travail de notre établissement. Nous ne montrons pas suffisamment que nous valorisons la diversité ethnique, religieuse, culturelle et linguistique ni ne promouvons la cohésion entre les groupes. Certains groupes d’apprenants sont sous-représentés dans les activités scolaires. Les apprenants ne sont pas bien préparés à promouvoir l’égalité et l’équité ou à reconnaître et aborder la discrimination dans leur vie future dans la société.
Nous entreprenons de nombreuses actions pour traiter de façon juste et respectueuse les apprenants, parents et membres du personnel, mais nous devons suivre et évaluer plus systématiquement notre succès dans ce domaine. L’accent mis sur les questions d’égalité et d’équité varie au sein du personnel. Le personnel, les apprenants et les visiteurs de notre école se sentent en sécurité, mais certains ne sont pas convaincus d’être réellement valorisés.
REMARQUE : Lors de l’application de ces descripteurs, les établissements doivent utiliser l’information sur les performances et les progrès des différents groupes d’apprenants tels que : les garçons et les filles ; les enfants appartenant à différents groupes ethniques ; les réfugiés ; les enfants de gitans/gens du voyage ; les enfants pris en charge ; ceux dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, les élèves présentant un handicap ; ceux dont la fréquentation est irrégulière pour cause de maladie, de circonstances familiales ou de soins de répit ; et tout autre groupe potentiellement vulnérable au sein de l’école.
Source : Education Scotland (2006), How Good is Our School, 3e édition, Education Scotland
4.1.2 Consolider la responsabilité et la capacité d’évaluation externe des établissements scolaires
Le développement de l’évaluation externe des établissements scolaires du Maroc requerra la révision des responsabilités de l’IGAP et des inspecteurs pédagogiques. Actuellement, aucun organe ne dispose de la capacité pour mettre en place un mécanisme de suivi efficace et pertinent de la qualité de l’enseignement et des apprentissages et d’effectuer un retour d’information vers les établissements. Si l’IGAP doit devenir la structure centrale responsable de l’évaluation externe des établissements scolaires, elle devra considérablement développer son expertise dans le domaine clé de l’évaluation des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. L’implication des inspecteurs pédagogiques dans l’évaluation externe serait une utilisation efficace de leur capacité et leur permettrait de contribuer plus efficacement à des changements à l’échelle du système.
Faire de l’IGAP l’organisme central d’évaluation externe des établissements scolaires
La plupart des pays de l’OCDE qui possèdent un système d’évaluation externe des établissements scolaires confient à un organisme la responsabilité générale de cette fonction. Dans les États unitaires, tels que le Maroc, il s’agit généralement d’un organisme central, appartenant ou associé au ministère de l’Éducation, avec divers degrés d’indépendance. L’existence d’un organisme central responsable de l’évaluation externe des établissements scolaires s’est avérée importante pour l’établissement d’une culture de l’évaluation au sein du système éducatif, la garantie de la cohérence des pratiques, et le renforcement de la capacité du système en matière d’évaluation des établissements scolaires. Elle confère en outre une légitimité au processus en garantissant l’indépendance des évaluateurs par rapport aux intervenants de l’éducation aux niveaux local et de l’établissement (OCDE, 2013).
Au Maroc, la localisation centrale de l’IGAP et sa responsabilité dans les audits des établissements scolaires à l’échelle nationale impliquent qu’elle dispose du potentiel pour assumer l’entière responsabilité de l’évaluation des établissements scolaires. Comme tel est le cas des organismes d’évaluation externe de la plupart des pays de l’OCDE, le mandat de l’IGAP devrait aller au-delà de la gestion des audits des établissements scolaires, pour intégrer le renforcement des capacités du système et la promotion d’une culture de l’évaluation dans tout le système. Le nouveau mandat élargi doit comprendre:
Autorité pour évaluer toutes les dimensions couvertes dans le cadre de référence révisé de l’évaluation externe décrit plus haut, et pour coordonner le développement de nouvelles normes pour les établissements. En particulier, les équipes d’inspection de l’IGAP doivent avoir le pouvoir d’effectuer des observations en classe et d’évaluer les pratiques d’enseignement dans le cadre du processus d’évaluation externe.
Responsabilité du développement des principaux outils de soutien à l’évaluation des établissements scolaires, tels que des directives et des modèles de rapport.
Responsabilité du développement d’un cadre pour l’auto-évaluation des établissements scolaires et de l’octroi d’une formation aux évaluateurs externes et au personnel scolaire.
Cette évolution du mandat de l’IGAP requerra un investissement important dans sa capacité. La capacité du personnel de l’IGAP à élaborer des directives et outils pour l’évaluation des établissements scolaires et à fournir des programmes de formation à l’évaluation externe et à l’auto-évaluation doit être renforcée à l’aide d’une formation adaptée du personnel et du recrutement de professionnels possédant de l’expérience et des connaissances dans divers domaines liés à l’évaluation des établissements scolaires, tels que les pratiques d’enseignement, les normes scolaires, et le développement de mesures de la qualité des établissements scolaires.
Cela requerra également une mobilisation stratégique accrue des capacités au sein du système. Étant donné que les inspecteurs généraux sont limités en nombre et manquent d’expérience dans l’évaluation des pratiques d’enseignement et d’apprentissage, l’IGAP devra constituer des réseaux de personnes formées capables de se joindre aux équipes d’inspection. Par exemple, Ofsted, l’inspection scolaire de l’Angleterre (Royaume-Uni), s’appuie sur un large réseau de professionnels couvrant un territoire plus petit que celui de l’IGAP. Au Maroc, les inspecteurs pédagogiques peuvent rallier les équipes d’évaluation externe des établissements scolaires et mener des observations en classe des activités d’enseignement et d’apprentissage. De plus, l’IGAP pourrait aussi demander la participation d’experts extérieurs au Ministère pour couvrir certaines dimensions particulières de la qualité des établissements scolaires, telles que la santé et la sécurité.
Impliquer les inspecteurs pédagogiques dans l’évaluation des établissements scolaires sous l’égide de l’IGAP
Les connaissances de première main des inspecteurs pédagogiques en matière de fonctionnement des classes représentent un atout essentiel pour le développement d’un système d’évaluation externe des établissements scolaires soutenant l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage. Les inspecteurs pédagogiques forment un cadre bien établi au sein du système éducatif marocain et possèdent une expérience du travail avec les enseignants. Il est recommandé que l’IGAP fasse usage de cette expertise lors de la constitution des équipes d’évaluation externe. Cela signifie que les inspecteurs pédagogiques doivent être invités à rejoindre l’équipe d’évaluation externe des établissements scolaires pour mener les évaluations de l’enseignement et de l’apprentissage et être chargés d’effectuer des observations des pratiques pédagogiques dans les classes, en suivant des directives qui devront être définies, comme abordé plus en détail ci-dessous. L’intégration d’inspecteurs pédagogiques dans les équipes d’inspection confèrerait de la légitimité aux évaluations de l’enseignement et de l’apprentissage et contribuerait à éviter une résistance des partenaires sociaux ; actuellement au Maroc, seuls les inspecteurs pédagogiques ont le droit accepté de rentrer dans les classes pour observer la pratique des enseignants.
Afin d’assumer cette nouvelle tâche, les inspecteurs pédagogiques devront renforcer leur capacité à commenter la qualité des pratiques d’enseignement au-delà de la matière traitée. Actuellement, l’évaluation des enseignants à des fins de développement professionnel est assez étroitement centrée sur le respect des procédures par les enseignants (voir chapitre 3) et devrait évoluer pour aborder les pratiques pédagogiques des enseignants, telles que leur utilisation de l’évaluation à des fins d’apprentissage et la qualité du retour d’information fourni aux élèves, ainsi que, de manière plus large, la dynamique de la classe, comme, par exemple, le niveau de participation des élèves. Une manière d’aider à diffuser une compréhension plus étendue de la qualité de l’enseignement dans les différentes matières serait d’organiser les inspecteurs pédagogiques en équipes pluridisciplinaires ; cela permettrait également de renforcer les capacités à l’aide de l’apprentissage par les pairs. La formation initiale des inspecteurs pédagogiques doit également mettre un plus fort accent sur l’observation en classe et l’évaluation des compétences pédagogiques, et être consolidée par une formation professionnelle, organisée par une IGAP renforcée, sur l’utilisation de tout nouvel élément développé, tel que les normes de qualité des établissements scolaires, les indicateurs et les descripteurs de la qualité.
La capacité des inspecteurs pédagogiques à jouer un rôle dans l’évaluation externe exigera une vaste révision de leurs fonctions, comme recommandé ailleurs dans ce rapport (voir chapitre 3). En particulier, la responsabilité de l’évaluation annuelle des enseignants à des fins de développement professionnel devrait être confiée aux chefs d’établissement. Même si dans le cadre des évaluations des établissements scolaires, les inspecteurs pédagogiques pourront être amenés à signaler des problèmes d’enseignement avec une personne et déclencher ainsi une évaluation de suivi de l’enseignant, leur rôle principal sera d’évaluer les processus d’enseignement et d’apprentissage au niveau de l’établissement scolaire et de veiller à ce que l’évaluation des enseignants à des fins de développement professionnel soit effectivement réalisée par les chefs d’établissement.
Le Ministère devra veiller à ce que les inspecteurs pédagogiques soient en nombre suffisant pour mener des évaluations valables des enseignants, comme recommandé dans le présent examen (voir chapitre 3), et pour assumer un nouveau rôle dans l’évaluation externe. Le recrutement de nouveaux inspecteurs pédagogiques sera probablement nécessaire, leur nombre ayant chuté ces dernières années.
4.1.3 Élaborer des directives et instruments pour appuyer l’évaluation externe des établissements scolaires
Un des défis auxquels sont confrontés les pays, tels que le Maroc, qui sont en train de mettre en place leur processus d’évaluation externe des établissements scolaires, est d’assurer la cohérence du processus entre les écoles. Avec l’évolution des pratiques d’évaluation externe des établissements scolaires pour intégrer des observations de l’enseignement et de l’apprentissage, il devient de plus en plus complexe de s’assurer de l’impartialité et de la fiabilité des résultats. Sans une garantie claire de normes égales et d’une comparabilité équitable, les acteurs des établissements scolaires risquent de résister au processus, et l’utilisation des résultats des évaluations pourrait être limitée. L’IGAP doit élaborer des directives et instruments pour guider le travail des équipes d’évaluation durant les visites des établissements et donner aux acteurs de ceux-ci l’assurance d’un traitement équitable.
Développer des directives détaillées pour le processus de visite des établissements
Le processus d’audit des établissements scolaires du Maroc n’est pas encore formalisé dans un document d’orientation diffusé dans les établissements et les AREF. À mesure que les audits des établissements scolaires se multiplieront et évolueront vers des évaluations externes des établissements scolaires en vue de l’amélioration de ces derniers, l’IGAP devra rédiger des directives détaillant la visite scolaire, y compris toute préparation requise des écoles avant la visite ainsi que le rapport à remettre à l’établissement après la visite. Dans les pays de l’OCDE, les directives pour les visites des établissements précisent souvent la durée de la visite, l’équipe d’évaluation, les domaines de qualité des établissements à évaluer, les indicateurs et descripteurs qui seront utilisés et la séquence des activités au cours de la visite (voir encadré 4.3). La communication des directives aux établissements avant la visite peut également aider à accroître leur confiance dans le processus et assurer une bonne compréhension de celui-ci par les enseignants et chefs d’établissement (OCDE, 2013).
Encadré 4.3. Caractéristiques communes des systèmes d’inspection dans les États membres de la SICI
Les caractéristiques communes du processus d’inspection des établissements scolaires dans les pays européens représentés à la Conférence internationale permanente des inspections (SICI – Standing International Conference of Inspectorates) comprennent :
visites de l’établissement d’une durée de 3 à 5 jours
habituellement, concentration sur un certain nombre de domaines d’évaluation clés, avec une vue d’ensemble de la qualité de l’apprentissage dans d’autres domaines ;
inclusion d’opinions sur la qualité de l’établissement émises par les enseignants, élèves et chef d’établissement
utilisation des données quantitatives disponibles
utilisation des données qualitatives, évaluées lors de la visite et axées sur la qualité de :
l’apprentissage et l’enseignement ;
l’utilisation des données des évaluations formatives
le soutien aux élèves ;
la gestion et en fin de compte le leadership
l’état d’esprit/ambiance de l’école (vie scolaire).
utilisation de données probantes issues d’un certain nombre de sources
production d’un rapport écrit sur l’établissement avec ses points forts et des recommandations d’amélioration, parfois publié par les inspections et parfois simplement communiqué à l’établissement et à l’autorité concernée
enfin, une certaine forme de suivi pour vérifier si les recommandations ont été prises en compte et les améliorations effectuées.
Source : Van Bruggen, J.C., (2010), Inspectorates of education in Europe ; some comparative remarks about their tasks and work, Standing International Conference of Inspectorates, http://www.sici-inspectorates .eu/getattachment/c2bfe3ff-49b7-4397-ae65-d0a203451928.
Définir des directives pour les observations en classe
L’observation en classe est le principal processus permettant aux évaluateurs de recueillir de l’information sur la qualité de l’enseignement (Santiago et Benavides, 2009). Contrairement à la plupart des pays de l’OCDE, le Maroc ne dispose pas de directives officielles pour les observations en classe menées par les inspecteurs pédagogiques dans le cadre des diverses évaluations des enseignants à des fins de développement professionnel. Elles devront être élaborées pour l’évaluation individuelle des enseignants (voir chapitre 3), et l’évaluation des pratiques d’enseignement dans les classes au niveau de l’établissement scolaire.
À mesure que les observations en classe menées par les inspecteurs pédagogiques deviendront une source clé d’information dans l’évaluation externe des établissements scolaires, l’IGAP devra entreprendre la définition de directives claires pour assurer l’impartialité et la cohérence du processus. Ces directives devront expliquer clairement l’objectif de l’observation en classe et énumérer les indicateurs et descripteurs utilisés. L’International Comparative Analysis of Learning and Teaching (ICALT – l’analyse comparative internationale de l’apprentissage et de l’enseignement) menée par cinq pays européens a mis au point un ensemble d’indicateurs pour l’observation en classe, basés sur les pratiques ayant un impact avéré sur l’apprentissage des élèves (voir tableau 4.3). Ces directives devront également inclure le code de conduite à respecter par les inspecteurs pédagogiques durant les observations en classe. Par exemple, ils devront être ponctuels pour éviter d’interrompre les cours, s’abstenir de toute intervention durant la leçon, et laisser l’enseignant suivre son plan de cours initial (CIE, 2009).
Tableau 4.4. Exemple d’indicateurs à utiliser pendant les observations en classe pour évaluer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage
Indicateurs |
Descripteurs de bonnes pratiques |
---|---|
Climat d’apprentissage sûr et motivant (5 indicateurs) |
|
L’enseignant veille à une atmosphère détendue |
L’enseignant s’adresse aux élèves d’une manière positive L’enseignant réagit avec humour et encourage l’humour. L’enseignant permet aux élèves de faire des erreurs L’enseignant fait preuve de gentillesse et d’empathie envers tous les élèves |
L’enseignant fait preuve de respect envers les élèves dans son comportement et son langage |
L’enseignant laisse les élèves terminer leurs phrases L’enseignant écoute ce que les élèves ont à dire L’enseignant ne fait pas de commentaires affirmant sa position |
Climat d’apprentissage sûr et motivant (5 indicateurs) |
|
L’enseignant encourage le respect mutuel et l’intérêt des élèves |
L’enseignant encourage les enfants à s’écouter mutuellement L’enseignant intervient lorsque des enfants sont victimes de moqueries L’enseignant tient compte des différences et particularités (culturelles) des élèves L’enseignant veille à la solidarité entre les élèves L’enseignant veille à ce que les évènements soient vécus comme des évènements de groupe |
L’enseignant soutient la confiance en soi des élèves |
L’enseignant commente les questions et réponses des élèves de manière positive L’enseignant félicite les élèves pour leurs résultats L’enseignant reconnaît la contribution des enfants |
L’enseignant encourage les élèves à faire de leur mieux |
L’enseignant salue les efforts des élèves pour faire de leur mieux L’enseignant dit clairement que tous les élèves doivent faire de leur mieux L’enseignant exprime aux élèves des attentes positives en ce qui concerne ce qu’ils sont capables d’accomplir |
Implication des élèves (3 indicateurs) |
|
La participation individuelle des élèves est satisfaisante |
La participation individuelle des élèves est satisfaisante |
Les élèves sont intéressés |
Les élèves écoutent activement les instructions Les élèves posent des questions |
Les élèves sont des apprenants actifs |
Les élèves posent des questions plus approfondies Les élèves assument la responsabilité de leur propre processus d’apprentissage Les élèves travaillent de manière indépendante Les élèves prennent des initiatives Les élèves font bon usage de leur temps |
Source : OCDE (2013), Synergies for Better Learning : An International Perspective on Evaluation and Assessment, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264190658-en.
Mettre au point des questionnaires pour la collecte d’information sur l’implication et la satisfaction des parents et des élèves
L’évaluation externe des établissements scolaires doit contrôler la capacité des établissements à maintenir les parents et les élèves impliqués dans le processus d’apprentissage. Ceci est particulièrement important dans le contexte marocain où les taux élevés d’analphabétisme, en particulier en milieu rural, empêchent de nombreux parents de davantage s’impliquer dans l’éducation de leur enfant et contribuent ainsi à des taux élevés de décrochage précoce (UNICEF, à paraître).
Les questionnaires destinés aux parents et élèves peuvent fournir de précieuses informations sur l’engagement des parties prenantes et la capacité des établissements scolaires à répondre aux besoins de la communauté locale (OCDE, 2013). Le Ministère recueille certaines informations sur la satisfaction et l’implication des parties prenantes dans le cadre de son Programme national d’évaluation des acquis des élèves (PNEA), mais ces informations ne sont pas mises à la disposition de tous les établissements marocains. Lors de la révision du cadre de l’évaluation externe, l’IGAP devrait envisager le développement de quelques questionnaires simples destinés aux parties prenantes, pour recueillir des informations basiques sur le degré de satisfaction et d’engagement des parents et des élèves par rapport à l’environnement d’apprentissage des établissements. Une pratique courante dans les inspections européennes est l’intégration dans les questionnaires des parents et élèves d’une série de déclarations par rapport auxquelles les intervenants doivent exprimer leur degré de satisfaction. Par exemple, les questionnaires utilisés par les School Inspectors de l’Écosse (Royaume-Uni) demandent aux parents de commenter des déclarations telles que « Mon enfant est heureux à l’école » ou « Mon enfant est traité équitablement à l’école ». Au Maroc, un ensemble de questions simples destinées aux élèves et aux familles permettrait non seulement d’obtenir des informations précieuses pour les établissements scolaires et les décideurs politiques, mais sensibiliserait également à l’importance d’écouter l’opinion des enfants, des familles et des communautés, et de renforcer la redevabilité horizontale, des dimensions qui ont eu tendance à être négligées dans le système hautement centralisé du pays.
Rationaliser la collecte de données sur la conformité
L’IGAP devrait également envisager de rationaliser le processus de collecte des données sur la conformité afin de réduire le fardeau administratif pesant sur les établissements scolaires et d’accorder davantage de temps durant les visites des établissements à la collecte d’information sur la qualité des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Les systèmes de données en ligne, tels que MASSAR, peuvent être des outils efficaces pour la rationalisation du processus de production de rapports et la diminution du temps consacré par les établissements scolaires à la transmission des documents et preuves de conformité requis (OCDE, 2013). La Direction des systèmes d’information (DSI) peut développer des outils numériques pour pré-remplir les indicateurs à l’aide des informations issues des bases de données MASSAR (élèves), MESSIR (personnel scolaire) ainsi que TAFTICH (la ressource prévue pour l’inspection pédagogique). Les performances de l’établissement pour des indicateurs tels que « conserver et mettre à jour divers dossiers scolaires » et « utiliser les données MASSAR sur l’assiduité et les résultats des élèves aux évaluations » pourraient être automatiquement préremplis avant la visite. Les indicateurs de résultats de l’établissement tels que « taux de réussite par année d’études » et « taux de rétention à l’école » peuvent également être préremplis à l’aide des informations déjà fournies dans MASSAR par les établissements et vérifiées de manière aléatoire durant la visite d’inspection.
Levier 4.2 : Développer la capacité des établissements scolaires à mettre en place des auto-évaluations
La mise en place d’un processus d’auto-évaluation est essentielle pour renforcer la capacité des établissements scolaires à s’améliorer et à devenir des vecteurs de changement. La recherche montre que l’amélioration est plus probable et durable lorsqu’elle provient de l’intérieur plutôt que de mécanismes imposés par des organismes externes (Chapman, 2008). Lorsqu’elle est efficacement mise en œuvre, l’auto-évaluation des établissements scolaires aide ceux-ci à identifier leurs priorités d’amélioration et contribue à l’élaboration d’un Projet d’Établissement fondé sur des éléments probants, qui peut avoir un effet positif sur les résultats des élèves (NCSL, 2012). Les établissements scolaires marocains considèrent les étapes d’auto-évaluation figurant dans le Projet d’Établissement comme des tâches secondaires ayant peu d’impact sur la planification de l’amélioration. Ce manque de compréhension du rôle de l’auto-évaluation des établissements scolaires résulte non seulement des indications et de l’appui extérieur limités en la matière, mais aussi de la faible capacité des directeurs d’établissement à mettre en œuvre des activités efficaces d’auto-évaluation. Étant donné que le Maroc vise à renforcer la capacité de gestion au niveau des établissements scolaires à l’aide du Projet d’Établissement, il doit les aider à faire plus efficacement appel à l’auto-évaluation dans leur planification et renforcer la capacité des directeurs d’établissement à mener cette tâche importante.
4.2.1 Développer le rôle de l’auto-évaluation des établissements scolaires dans la planification des établissements
La fonction centrale de l’auto-évaluation des établissements scolaires est d’offrir à ceux-ci une connaissance de leur propre performance à utiliser pour améliorer leur qualité (McBeath, 1999). Il est donc important que cette auto-évaluation soit pleinement intégrée dans le cycle de planification de l’établissement pour éclairer la prise de décision et contribuer, si nécessaire, à ajuster les priorités (OCDE, 2013). La plupart des pays de l’OCDE ont mis en place des processus pour veiller à ce que l’auto-évaluation fasse partie intégrante du processus normal de planification de l’amélioration des établissements scolaires et éclaire le travail de ceux-ci (voir encadré 4.4). Le processus de planification des établissements scolaires marocains comprend deux pratiques émergentes : le diagnostic et le suivi du Projet d’Établissement. Les établissements scolaires ne bénéficient toutefois pas d’indications claires sur la façon de conduire un exercice d’auto-évaluation fournissant une information utile pour identifier leurs priorités clés d’action. De plus, les pratiques d’auto-évaluation associées au Projet d’Établissement sont perçues comme un exercice ponctuel intervenant tous les trois ans, au début de chaque cycle du Projet d’Établissement (c.-à-d. dans la phase de diagnostic), plutôt que comme une activité régulière visant à suivre la performance de l’établissement et, si nécessaire, à adapter ses plans. Le fait de combler leurs lacunes aidera, les établissements scolaires marocains à concevoir des projets d’établissement plus efficaces pour améliorer leur qualité.
Encadré 4.4. Utiliser l’évaluation des établissements scolaires dans la planification de l’amélioration
Approche habituelle d’auto-examen au sein d’un cycle de planification des établissements scolaires en Australie
En Australie, la planification des établissements scolaires est un processus permanent mieux compris comme cyclique, développemental et adaptatif. Tous les établissements scolaires des États et territoires se sont engagés vis-à-vis d’une autoréflexion, planification stratégique et transparence dans la production des rapports d’évaluation de leur performance individuelle. L’auto-examen est la première étape du processus d’amélioration des établissements scolaires, jetant les fondements de la production des rapports et de la reddition de compte. L’auto-évaluation des établissements scolaires est pratiquée dans toutes les écoles publiques des États et territoires.
Elle passe par un processus de suivi et évaluation des plans opérationnels annuels, des plans et mesures stratégiques par rapport à des indicateurs clés de performance, définis par les directives individuelles des États et territoires. L’auto-examen permet d’analyser la performance et l’efficacité actuelles des stratégies mises en œuvre pour soutenir l’amélioration. Elle fournit les bases de la production des rapports et de la planification des futures améliorations. L’auto-évaluation des établissements scolaires semble la plus efficace lorsqu’elle est combinée à un appui significatif de l’État et des départements des territoires ou des organismes de réglementation des établissements scolaires, en particulier sous la forme d’examens externes et de fourniture de modèles et de cadres normalisés.
Étapes et procédures de l’auto-examen des établissements scolaires à Terre-Neuve-et-Labrador (Canada)
Pour un certain nombre de raisons, Terre-Neuve-et-Labrador a particulièrement bien réussi à mettre en œuvre son programme d’amélioration de l’enseignement dans les écoles. Historiquement, les établissements scolaires de la province travaillaient déjà en 1986 sur des modèles d’amélioration et avaient entrepris un projet et une étude pilote en 1995 (Sheppard, 1995), pour finir par adopter en 2004 un modèle revu à partir de cette expérience. Les hauts fonctionnaires du ministère attribuent toutefois l’efficacité de la mise en œuvre au système d’appui et au renforcement des capacités mis en place.
Même s’il existe de nombreuses méthodes pour recueillir, enregistrer et analyser l’information et prendre des décisions éclairées, les étapes qui suivent ont été testées sur le terrain dans des établissements scolaires et se sont avérées efficaces. Une chronologie est également proposée pour chacune des étapes. Il est recommandé que la composante d’examen interne soit réalisée sur une période de 5 mois, bien que cela dépende parfois de la nature et de la culture de l’établissement.
Étape 1 : Constituer une équipe de développement de l’établissement (direction)
Étape 2 : Recueillir et organiser les données pertinentes selon l’énoncé de critères
Étape 3 : Constituer des équipes d’enregistrement et d’analyse des données
Étape 4 : Enregistrer et analyser les données
Étape 5 : Produire des rapports sur les données et les problèmes critiquesÉtape 6 : Identification des objectifs
Source : OCDE (2013), Synergies for Better Learning : An International Perspective on Evaluation and Assessment, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264190658-en.
Donner aux écoles des directives simples pour mettre en place des auto-évaluations
Les établissements scolaires reçoivent peu d’indications pour une conduite efficace des étapes de diagnostic et de suivi du Projet d’Établissement. Pour parvenir à faire de ces étapes un réel processus d’auto-évaluation des établissements scolaires, capable de soutenir l’amélioration, le Maroc devra fournir aux établissements scolaires des indications claires et simples. Les directives pour le Projet d’Établissement ne définissent que vaguement la phase de diagnostic et ne fournissent aucune orientation sur la façon d’identifier les domaines prioritaires d’action. L’étroitesse de la phase de diagnostic, qui se limite à énumérer les faiblesses d’un établissement, n’aide pas les établissements scolaires à avoir une image complète de leurs performances. D’autres éléments, tels que la compréhension du contexte de l’établissement ou l’identification de ses forces et de ses leviers de changement, sont également importants pour la fourniture des données probantes nécessaires pour déterminer la priorité des actions (NCSL, 2012). De plus, au Maroc, les directives ne fournissent pas d’exemples du type de sources d’information et d’instruments pouvant être utilisés pour générer ces données. Elles encouragent les établissements scolaires à « combiner des données quantitatives et des observations qualitatives » dans leur diagnostic, mais aucun exemple du type de données et d’observations à utiliser n’est fourni, et il n’existe aucun instrument normalisé de diagnostic ou de suivi. Le manque d’indications a un impact direct sur la capacité des établissements scolaires à mettre en œuvre une auto-évaluation. Par exemple, de nombreux directeurs d’établissement que l’équipe d’examinateurs de l’OCDE a rencontrés perçoivent la phase de diagnostic du Projet d’Établissement comme une exigence de conformité. Certains ont complètement sauté cette phase et commencé le processus de planification avec l’étape de détermination des priorités, sans aucune réflexion sur leurs pratiques et performances actuelles.
La définition de directives claires et simples sur la façon de procéder à l’auto-évaluation d’un établissement scolaire ainsi que des dimensions à évaluer aiderait à clarifier le propos de ce processus et à promouvoir son utilisation dans la planification des établissements scolaires. Dans l’immédiat, l’IGAP pourrait :
Fournir aux établissements scolaires une liste courte de questions. Par exemple, les chercheurs et les organismes d’évaluation des établissements scolaires admettent communément que l’auto-évaluation des établissements devrait viser à répondre à des questions simples principalement centrées sur l’amélioration de l’apprentissage et de l’enseignement, telles que « Que vaut notre établissement ? », « Comment pouvons-nous l’améliorer ? », « Le savoir-faire des enseignants est-il utilisé à bon escient ? », « Que vaut l’apprentissage et l’enseignement dans notre établissement ? », « Comment le savons-nous ? » (Riley, 2000).
Préciser le type d’indicateurs, tels que les tendances du taux de rétention et du redoublement, que les établissements doivent considérer. Les directives peuvent donner des exemples de la façon d’utiliser l’information de la base de données MASSAR pour éclairer l’auto-évaluation. À moyen terme, les directives sur l’auto-évaluation devront être alignées sur les normes de qualité des établissements scolaires que le présent examen recommande au Maroc de mettre en œuvre pour l’évaluation externe des établissements (voir question stratégique 4.1). Même si les établissements scolaires doivent disposer d’une latitude pour répondre à leurs propres besoins et priorités, il est important que leur auto-évaluation tienne également compte des objectifs nationaux et soit effectuée par rapport aux normes nationales.
Mettre en place un processus permanent d’auto-évaluation des établissements scolaires, intégré au cycle du Projet d’Établissement
L’auto-évaluation efficace des établissements scolaires est un processus permanent qui permet à ceux-ci de dresser un bilan régulier de leur performance et d’ajuster leur Projet d’Établissement en conséquence (OCDE, 2013). Même si, en théorie, les établissements scolaires sont tenus de suivre étroitement leurs progrès par rapport à leur Projet d’Établissement, aucun de ceux que l’équipe d’examen de l’OCDE a visités n’avait mis en place un processus de suivi régulier. La raison en est, en partie, le manque d’indications du Ministère sur le but et le processus du suivi. Par exemple, alors que les directives pour le Projet d’Établissement encouragent les établissements scolaires à définir un calendrier pour son suivi, elles ne précisent ni la fréquence à laquelle celui-ci doit être mené ni la façon de pratiquer pour qu’il soit utile. De plus, il n’existe aucune directive claire sur la façon d’utiliser les résultats du suivi des progrès pour éclairer la phase de diagnostic du Projet d’Établissement suivant.
Pour garantir que la planification des établissements scolaires soit fondée sur des éléments probants et réactive, le Ministère doit accroître la fréquence de l’auto-évaluation des établissements. Comme dans de nombreux pays de l’OCDE, il est recommandé que le Maroc exige que les établissements scolaires conduisent des auto-évaluations annuelles. Les établissements scolaires doivent également être encouragés à fixer des objectifs annuels et à définir les outils qui seront utilisés pour suivre les progrès par rapport à ces objectifs. Comme évoqué plus loin, le renforcement de la capacité des établissements scolaires et la mise en place régionale d’un appui et d’une supervision de l’auto-évaluation seront également essentiels pour mieux intégrer celle-ci à la planification des établissements scolaires (voir questions stratégiques 2 et 3).
Le défi majeur sera toutefois d’aider les établissements scolaires à comprendre et à apprécier la valeur de ces exercices pour leur travail quotidien. Ce point est essentiel pour que, à partir d’une exigence nationale, l’auto-évaluation des établissements scolaires se transforme en un outil utilisé par les établissements scolaires pour amener une amélioration. Comme discuté plus loin, le Maroc doit donc fournir aux directeurs d’établissement une formation appropriée à la mise en place d’exercices utiles d’auto-évaluation, bien intégrés avec la planification des établissements scolaires.
4.2.2 Développer la capacité de la direction en matière d’auto-évaluation des établissements scolaires et impliquer la communauté scolaire
La capacité des directeurs d’établissement à diriger la communauté scolaire dans la réalisation d’auto-évaluations rigoureuses est l’un des facteurs les plus importants pour garantir que ces activités conduisent à une amélioration. En particulier, la mise en place par les directeurs d’établissement d’une culture d’autoréflexion et de questionnement contribue à accroître le niveau de confiance des acteurs scolaires dans le processus et à renforcer la capacité des établissements en matière d’auto-évaluation (McBeath, 2008).
Au Maroc, l’auto-évaluation des établissements scolaires n’est pas un devoir important des directeurs d’établissement, et certaines caractéristiques de l’organisation des établissements scolaires limitent également leur capacité à les conduire efficacement. Les directeurs d’établissement sont responsables de nombreuses tâches administratives quotidiennes qui réduisent le temps qu’ils peuvent consacrer à un rigoureux processus d’auto-évaluation. Certains dirigent également plusieurs établissements, ce qui ne leur permet pas d’être présents lors de toutes les étapes de l’auto-évaluation et de renforcer la confiance du personnel dans le processus. Pour améliorer l’utilisation de l’auto-évaluation dans les établissements scolaires marocains, il sera important de confier clairement aux directeurs d’établissement le mandat de conduire les activités d’auto-évaluations et d’investir dans leur formation à ce sujet. Étant donné le contexte scolaire marocain, il sera également important de renforcer la capacité plus large de direction (leadership) en vue de l’auto-évaluation dans les établissements scolaires.
Confier aux directeurs d’établissement un mandat clair pour l’auto-évaluation des établissements scolaires
Au Maroc, les directeurs d’établissement sont responsables de la planification des établissements scolaires, mais leur fiche de fonction ne fait pas explicitement référence à l’auto-évaluation. Leur rôle actuel dans la coordination du processus de Projet d’Établissement implique une certaine responsabilité de l’auto-évaluation de leur établissement. Toutefois, tant que les directeurs d’établissement n’auront pas clairement pour mandat de conduire l’auto-évaluation de leurs établissements, celle-ci restera une tâche secondaire, souvent considérée comme une exigence de conformité administrative. De même, au Maroc, les directeurs d’établissement n’ont pas un rôle clairement défini dans l’évaluation des pratiques d’enseignement et d’apprentissage de leurs établissements, une dimension clé de l’auto-évaluation des établissements scolaires (OECD, 2013).
Confier aux directeurs d’établissement le mandat clair de conduire les auto-évaluations de leurs établissements aidera à garantir que celles-ci seront efficacement réalisées et auront un rôle central dans le processus de planification des établissements. Cette responsabilité doit apparaître clairement dans la fiche de fonction des directeurs d’établissement. Le cadre réglementaire doit lui aussi reconnaître clairement leur responsabilité vis-à-vis de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage dans leur établissement, y compris en pratiquant une observation régulière de l’enseignement dans les classes pour éclairer l’auto-évaluation de l’établissement, ainsi que pour l’évaluation régulière des enseignants à des fins de développement professionnel (voir chapitre 3). À moins que ces missions ne soient clairement spécifiées, il est peu probable que les directeurs d’établissement allouent suffisamment de temps à l’auto-évaluation en plus de leurs autres tâches exigeantes et souvent plus urgentes.
Fournir aux directeurs d’établissement un retour d’information sur leur capacité à conduire une auto-évaluation de leur établissement
Le Ministère doit mettre en place un système d’évaluation des directeurs d’établissement qui leur assure un retour d’information régulier sur leurs progrès dans la prise en charge de cette nouvelle tâche et clarifie le fait qu’elle constitue une part précieuse de leur rôle, dont ils seront tenus pour redevables. En l’absence d’un système d’évaluation spécifique des directeurs d’établissement marocains, grâce à l’évaluation externe des établissements scolaires, l’IGAP est la mieux placée pour superviser la capacité des directeurs à mener un solide processus d’auto-évaluation. S’assurer que les directeurs d’établissement mettent en œuvre des processus d’auto-évaluation rigoureux est une caractéristique commune des évaluations externes des établissements scolaires dans beaucoup de pays de l’OCDE (Radinger, 2014). Le cadre révisé de l’IGAP devrait comprendre des indicateurs pour la fonction de direction, notamment la façon dont le directeur d’établissement dirige le processus d’auto-évaluation et son intégration dans le processus de planification des établissements scolaires (voir question stratégique 4.1). À plus long terme, le Maroc devra envisager la mise en place d’un système séparé pour l’évaluation des directeurs d’établissement sur la base de leur fiche de fonction.
Veiller à ce que les directeurs d’établissement reçoivent une formation adéquate à l’auto-évaluation des établissements scolaires
Pour effectuer des auto-évaluations sérieuses, les directeurs d’établissement doivent être capables de recueillir des éléments probants, d’observer l’enseignement et l’apprentissage en classe, d’analyser des données et d’utiliser les résultats de l’auto-évaluation pour éclairer les programmes d’amélioration de leurs établissements (OCDE, 2013). Ces compétences sont peu répandues parmi les directeurs d’établissement marocains. L’équipe d’examinateurs de l’OCDE a observé chez eux une faible compréhension des sources de données probantes à utiliser pour l’auto-évaluation des établissements scolaires. Ces sources sont souvent limitées à des données administratives facilement accessibles, telles que les taux de réussite aux examens nationaux. Aucun directeur d’établissement n’a déclaré avoir recours à des entretiens avec les enseignants, les parents et les élèves pour recueillir des informations.
L’introduction en 2015 d’un module sur l’auto-évaluation des établissements scolaires dans le programme de formation initiale des directeurs d’établissement est un pas positif vers le renforcement de leurs capacités. Ce module est toutefois relativement court (30 heures) et vise essentiellement à fournir une compréhension théorique générale du rôle de l’auto-évaluation dans la planification des établissements scolaires, avec une formation très limitée aux compétences pratiques nécessaires pour mener cet exercice. Une extension de la durée de ce module initial et l’introduction d’une formation pratique aux compétences clés, telles que le recueil de données probantes, l’analyse des données et l’observation en classe, aideraient les nouveaux directeurs d’établissement à acquérir plus d’expérience dans ces domaines.
La fourniture d’une formation en cours d’emploi et d’un appui technique aux directeurs d’établissement sera essentielle pour améliorer la mise en œuvre de l’auto-évaluation des établissements scolaires. Elle pourrait comprendre :
Mentorat : au Maroc, les directeurs d’établissement peuvent demander l’aide d’un accompagnateur externe pour développer leur Projet d’Établissement, mais on ne sait pas dans quelle mesure ils ont recours à cet appui, et si les mentors offrent des conseils pour les phases de diagnostic et de suivi de la planification. Le MENFR devra clarifier le rôle des mentors pour y inclure cette fonction et utiliser l’évaluation de l’IGAP pour sensibiliser les directeurs d’établissement à cette possibilité. Lorsqu’il est clairement établi que les directeurs d’établissement ne procèdent à aucune auto-évaluation, le mentorat devrait être une obligation. Sur le court terme, il serait utile de fournir systématiquement un mentor aux établissements scolaires primaires en se focalisant tout d’abord sur les établissements dans les zones les plus défavorisées.
Ateliers de formation : les AREF devraient organiser des ateliers de formation à des tâches particulières de l’auto-évaluation des établissements scolaires, pour lesquelles les directeurs d’établissement manquent d’expérience, telles que l’analyse et l’interprétation des données et le recueil de données probantes.
Apprentissage par les pairs : l’expérience internationale révèle que l’une des façons les plus efficaces de renforcer la capacité professionnelle des directeurs d’établissement est l’apprentissage par les pairs (Pont, Nusche et Moorman, 2008). Le CPP fournit une plateforme potentielle à cet effet au Maroc, mais nécessitera davantage de soutien de la part des AREF et des directions provinciales pour devenir une ressource active pour les directeurs d’établissement.
Élargir la capacité de direction et impliquer la communauté scolaire dans le processus d’auto-évaluation des établissements
La recherche montre que le renforcement de la capacité de direction pour l’auto-évaluation peut avoir un impact positif sur l’efficacité des établissements (OCDE, 2013). L’auto-évaluation des établissements scolaires devrait être considérée comme un moyen d’impliquer l’ensemble de la communauté scolaire dans un apprentissage collectif permanent (Hopkins, 1995). Au Maroc, le renforcement et l’élargissement de la capacité de direction assurerait à la fois l’implication du personnel de l’établissement dans le processus d’auto-évaluation et aiderait à répartir une partie de la charge d’une tâche exigeante. Il serait également important pour permettre à tous les établissements scolaires de s’engager dans des activités d’auto-évaluation, en particulier le vaste réseau d’établissements ruraux satellites où sont scolarisés les enfants des communautés marocaines les plus désavantagées. Les directeurs de ces établissements peuvent ne pas être en mesure ou ne pas être les mieux positionnés pour mener un exercice d’auto-évaluation, dans la mesure où ils n’interagissent pas quotidiennement avec le personnel et les élèves.
Au Maroc, le comité de pilotage du Projet d’Établissement serait la plateforme naturelle où impliquer le personnel dans la direction de l’auto-évaluation de l’établissement et veiller à ce que celle-ci soit intégrée dans la planification des établissements scolaires. Actuellement, bien que le comité de pilotage soit responsable du développement du Projet d’Établissement, son rôle dans les étapes de diagnostic et de suivi n’est pas clair. Le comité de pilotage du Projet d’Établissement doit se voir confier des responsabilités clairement définies dans l’auto-évaluation des établissements scolaires et recevoir une formation adéquate dans des domaines clés tels que le recueil et l’analyse des données. Les enseignants devraient être encouragés à prendre part au comité de pilotage du Projet d’Établissement, en accordant une juste reconnaissance à cette fonction dans le cadre d’un parcours professionnel différentié (voir chapitre 3). Un comité de pilotage devrait être créé dans chaque établissement satellite et être responsable de la réalisation des auto-évaluations, le rôle du directeur d’établissement consistant principalement à valider son travail.
En plus de l’équipe de direction, la communauté scolaire doit également participer à l’auto-évaluation des établissements, à la fois pour éclairer le processus d’évaluation et pour exercer une forme de supervision du travail du comité de pilotage du Projet d’Établissement. La recherche montre que les établissements scolaires où les parents, élèves et enseignants sont fortement impliqués dans l’auto-évaluation ont une plus grande capacité d’amélioration et de changement (Ehren et coll., 2012). Au Maroc, l’engagement de la communauté scolaire dans les activités de planification et d’auto-évaluation des établissements est très limité. Il n’existe pas de procédures systématiques pour recueillir l’information sur la satisfaction des parents, élèves et enseignants quant à la qualité de l’établissement. La seule forme d’implication passe par le CGES, où les représentants des parents et élèves ont tendance à être sous-représentés par rapport au personnel de l’établissement. La majorité des parents rencontrés par l’équipe d’examinateurs de l’OCDE n’étaient pas au courant des trois domaines prioritaires d’action de leur Projet d’Établissement.
Afin de promouvoir une implication plus forte de la communauté scolaire, de nombreux pays de l’OCDE fournissent aux établissements des directives sur la façon d’intégrer les parents et les élèves dans le processus d’auto-évaluation. Par exemple, les établissements scolaires d’Angleterre sont encouragés à organiser des entretiens avec leurs principales parties concernées, notamment les élèves et les parents, et à leur rendre compte des résultats de l’auto-évaluation (voir encadré 4.5). Au Maroc, l’IGAP pourrait fournir aux établissements scolaires des conseils sur la façon de conduire des entretiens avec les parents, les élèves et les enseignants pour recueillir des informations sur leur satisfaction vis-à-vis de la qualité de l’établissement et du processus d’apprentissage. Les établissements scolaires devraient également être tenus de rendre compte des résultats de l’auto-évaluation aux parents, élèves et enseignants, par l’intermédiaire du CGES.
Encadré 4.5. Directives pour l’auto-évaluation des établissements scolaires, Angleterre (Royaume-Uni)
En 2012, le National College for School Leadership (NCSL) a rédigé des directives pour l’auto-évaluation des établissements scolaires en Angleterre. Elles recommandent de recueillir des données probantes auprès des parties concernées et de leur en rendre compte à diverses étapes des processus d’auto-évaluation des établissements scolaires et de planification des établissements scolaires.
En 2012, le National College for School Leadership (NCSL) a rédigé des directives pour l’auto-évaluation des établissements scolaires en Angleterre. Elles recommandent de recueillir des données probantes auprès des parties concernées et de leur en rendre compte à diverses étapes des processus d’auto-évaluation des établissements scolaires et de planification des établissements scolaires.
Centrer dans un premier temps l’appui externe sur les établissements scolaires du cycle primaire
Au vue des besoins importants en appui externe pour le développement de l’auto-évaluation, il est conseillé que le Ministère se focalise dans un premier temps sur le déploiement des mesures d’appui citées ci-dessus dans les établissements scolaires les plus nécessiteux et ceux considérés prioritaires pour atteindre la Vision 2030. Il est ainsi conseillé que dans un premier temps, le Ministère concentre cet appui sur les établissements scolaires primaires, en particulier dans les zones les plus défavorisées. En effet, afin d’atteindre l’objectif de la Vision 2030 d’assurer l’apprentissage des compétences de base pour tous les élèves du premier cycle, il est important que les écoles primaires reçoivent de manière urgente un soutien externe pour la mise en place de plans d’amélioration centrés sur les activités d’apprentissages et d’enseignement. En fonction de la disponibilité des ressources, le Maroc pourrait également envisager de limiter ce dispositif dans un premier temps aux écoles primaires des communes rurales et urbaines les plus défavorisées. Cette priorisation permettrait au Ministère de limiter les coûts et de tester son dispositif d’appui avant généralisation aux autres niveaux d’éducation.
Levier 4.3 : Veiller à ce que l’évaluation des établissements scolaires mène à des améliorations
Le succès d’un système d’évaluation des établissements scolaires se reflète dans son aptitude à soutenir l’amélioration des apprentissages, de l’accès et de l’équité. Il est donc hautement tributaire de la capacité des établissements scolaires à définir et mettre en œuvre des projets d’amélioration, ainsi que de l’aptitude des autorités éducatives à formuler clairement les priorités du système scolaire. Comme évoqué plus haut, la plupart des établissements scolaires ont une très faible capacité d’auto-évaluation et de planification. À cause de la forte centralisation du système éducatif marocain, les établissements scolaires ont une perception limitée de leur rôle dans l’apport d’améliorations ou peu de confiance dans leur aptitude à prendre des décisions sur l’utilisation des ressources et l’organisation de l’enseignement et de l’apprentissage. L’amélioration des résultats des établissements scolaires marocains nécessitera par conséquent un appui externe plus important à l’auto-évaluation et à la planification de l’amélioration, incitant les établissements à définir des objectifs plus ambitieux et orientant leurs priorités d’amélioration sur base de mesures plus fiables et accessibles de la performance des établissements scolaires.
4.3.1 Mettre en place des mécanismes pour le suivi des évaluations externes
L’impact des évaluations externes des établissements scolaires sur la qualité de ceux-ci dépend fortement de la capacité des établissements à prendre en compte les recommandations et à élaborer un plan d’amélioration. Au Maroc, peu de signes indiquent que les recommandations des audits des établissements scolaires conduisent à une plus grande efficacité des structures et processus scolaires. Les établissements secondaires qualifiants visités par l’OCDE ne semblaient pas prendre en compte les recommandations de ces audits dans leurs projets d’établissement, et les AREF interviewées n’intégraient pas le suivi dans leur rôle. Étant donné leur capacité interne limitée de planification, les établissements scolaires marocains auront besoin d’un soutien nettement plus important pour que l’évaluation externe puisse avoir un effet sur la qualité de l’enseignement. Pour commencer, l’évaluation externe doit fournir aux établissements scolaires un meilleur retour d’information sur ce qu’ils ont à faire pour s’améliorer, avec suffisamment de détails pour guider leur planification. La responsabilité des administrations locales dans le soutien aux établissements scolaires doit également être clarifiée. Pour que l’évaluation entraîne une amélioration, les directions provinciales des AREF doivent assurent un suivi plus étroit afin de garantir que les établissements scolaires tiennent compte des résultats des évaluations externes, avec une plus grande attention à ceux présentant un plus grand risque d’échec.
Fournir des recommandations claires et réalisables aux établissements scolaires, aux AREF et au Ministère
Le retour d’information fourni aux établissements scolaires doit être spécifique et réalisable pour garantir que les acteurs concernés comprennent ce qui nécessaire pour améliorer les performances de leur établissement (OCDE, 2013). Le retour d’information écrit actuellement communiqué aux établissements après les audits réalisés par l’IGAP n’est pas suffisamment détaillé pour fournir de telles indications. À la fin de sa visite, l’IGAP transmet au directeur d’établissement un document descriptif d’une page énumérant les forces et faiblesses de l’établissement, mais sans aucune recommandation d’amélioration. Les équipes d’audit de l’IGAP ne reçoivent pas non plus de conseils sur la façon de produire un retour d’information écrit ou oral, ce qui peut conduire à l’omission de considérations importantes (par exemple, à propos de la chronologie, des priorités) et à d’importantes variations dans sa qualité.
Il est donc recommandé que l’IGAP fournisse aux équipes d’évaluation des directives claires sur le type de retours d’information à faire aux établissements scolaires et sur la façon de les exprimer par écrit ou oralement. La recherche montre qu’un bon retour d’information est axé sur l’action, détaillé et exprimé en termes simples, faciles à comprendre par tous les acteurs de l’établissement (Faubert, 2009 ; OCDE, 2013). En Suède par exemple, les établissements scolaires reçoivent des retours d’information écrits très détaillés, comprenant de longues descriptions des domaines où des améliorations sont nécessaires, ainsi qu’une liste d’actions à entreprendre (Nusche et coll., 2011). En outre, il est important que le retour d’information oral soit communiqué à l’équipe de direction complète de l’établissement, y compris le comité de pilotage du Projet d’Établissement et le CGES, et commenté avec elle pour renforcer la compréhension des recommandations au sein de l’établissement. En Angleterre (Royaume-Uni), en plus d’un rapport écrit, les inspecteurs externes clôturent leur inspection avec une réunion de retour d’information avec le directeur d’établissement, d’autres membres de l’équipe de direction et le président du conseil d’établissement (Ofsted, 2016).
Faire aux AREF et au Ministère des recommandations pour la gestion des ressources des établissements scolaires
Étant donné le rôle important joué par les AREF et le Ministère dans la gestion des ressources humaines et financières des établissements scolaires, il est recommandé que les évaluateurs externes fassent des recommandations claires à l’administration centrale et aux AREF sur les ressources des établissements scolaires, notamment :
Recommandations pour l’offre d’une formation professionnelle continue au personnel des établissements. Bien que la planification des activités de formation professionnelle fasse partie de leurs prérogatives, les AREF n’organisent actuellement pas de tels programmes pour répondre aux besoins de formation du personnel de leurs établissements scolaires (INESEFRS, 2014). Il est donc important que l’IGAP communique aux AREF des recommandations claires sur les domaines de l’enseignement et les activités des établissements où il existe des besoins de formation professionnelle. L’IGAP devrait également partager ces recommandations avec le MENEF à l’aide d’un rapport national de synthèse, afin de l’aider à tenir les AREF pour responsables de la fourniture de possibilités de formation de qualité au personnel des établissements. L’une des AREF visitées par l’équipe d’examinateurs semblait ne pas percevoir clairement ses responsabilités dans l’appui à la formation professionnelle. Ce point devra être clarifié dans le cadre de la relation plus contractuelle que le présent examen recommande d’introduire pour améliorer la gouvernance et la redevabilité du système (voir chapitre 5).
Recommandations pour faire face aux problèmes liés à la gestion des ressources humaines et aux infrastructures, observés pendant la visite des établissements. Le modèle actuel de gestion des ressources, fondé sur des projections annuelles des besoins des établissements scolaires, s’est avéré inefficace pour prévoir les besoins en ressources humaines et matérielles (Cour des comptes, 2017). Par exemple, de nombreux établissements scolaires du Maroc sont confrontés à une pénurie d’enseignants dans certaines matières, tandis que d’autres ont plus d’enseignants que nécessaire (voir chapitre 1). Il est donc important que la Direction des ressources humaines et la Direction du budget du Ministère utilisent les résultats des évaluations externes des établissements scolaires pour gérer les ressources et corriger, si nécessaire, le modèle de planification centrale de ces ressources.
Mettre en place des processus de suivi menés par les AREF
L’expérience montre qu’intégrer une certaine proportion de suivi externe est essentiel pour garantir que les établissements scolaires utilisent les résultats des évaluations externes pour améliorer leur qualité (OCDE, 2013). Au Maroc, les AREF sont responsables du suivi des recommandations des audits dans les établissements scolaires. Cependant, aucun processus de suivi n’est défini à l’échelle nationale, et l’on ne sait pas toujours si toutes les AREF suivent l’utilisation des résultats de l’audit par les établissements scolaires. Pour améliorer les processus de suivi, lors de la validation des projets d’établissement, les comités responsables de ceux-ci au sein des AREF devraient être tenus de vérifier si les projets d’établissement prennent bien en charge les principaux problèmes identifiés au cours de l’évaluation externe. Comme c’est le cas dans nombre de pays de l’OCDE, un processus de suivi plus étroit doit être mis en place pour les établissements scolaires identifiés comme peu performants. Par exemple, les AREF peuvent faire appel à des mentors pour aider les directeurs des établissements scolaires peu performants à élaborer un Projet d’Établissement prenant en compte les recommandations de l’évaluation externe. Pour que ce processus de suivi soit utile, la capacité des AREF et des directions provinciales en matière d’analyse des données et de planification des établissements scolaires doit être renforcée (voir chapitre 5).
4.3.2 Proposer des incitations et des outils pour aider les établissements scolaires à s’améliorer
Les établissements scolaires marocains doivent être autonomisés et encouragés à utiliser les résultats de leurs évaluations pour améliorer leurs performances. Avec un pouvoir discrétionnaire limité sur les ressources financières, ils disposent souvent de très peu de fonds publics pour mettre en œuvre leurs projets d’établissement. Les établissements défavorisés ne reçoivent pas de financement ou de ressources techniques supplémentaires pour les aider à améliorer leurs performances et combler leur écart par rapport aux autres établissements. Les établissements scolaires ont également peu d’information comparant leurs performances avec celles des autres. Le Maroc doit à la fois fournir aux établissements scolaires le juste niveau d’incitation externe à s’améliorer et s’assurer qu’ils disposent des outils pour mesurer leur performance et suivre leurs progrès.
Inciter les établissements scolaires à s’améliorer
Les établissements scolaires marocains ont peu d’incitations externes à améliorer leurs performances. Le manque de financement associé au Projet d’Établissement semble au contraire les décourager de se fixer des plans d’action ambitieux et d’en suivre la mise en œuvre. La recherche montre qu’offrir aux établissements scolaires une certaine flexibilité et autonomie dans la gestion de leurs ressources financières peut avoir un impact positif sur leur amélioration (Banque mondiale, 2007).
Le projet de contrat budgétaire testé à titre pilote par le Ministère dans deux AREF comprend certaines incitations et structures de redevabilité prometteuses. Il prévoit que les établissements scolaires reçoivent une somme forfaitaire pour mettre en œuvre leur Projet d’Établissement et soient redevables vis-à-vis des AREF de l’atteinte des objectifs qu’ils se seront eux-mêmes fixés. Les détails du fonctionnement de ces contrats dans la pratique, en particulier les mécanismes de financement et de redevabilité ainsi que ce qui arriverait aux établissements scolaires n’atteignant pas leurs objectifs, restent toutefois à définir. Il est important que les établissements scolaires qui n’atteindraient pas leurs objectifs ne soient pas pénalisés financièrement, mais reçoivent plutôt un appui technique et un suivi externes supplémentaires pour les aider à comprendre pourquoi elles n’améliorent pas leurs performances.
Une attention particulière devra être accordée aux établissements des zones défavorisées ou accueillant une large population d’élèves désavantagés, qui requièrent un appui financier supplémentaire pour pouvoir agir sur les résultats des évaluations. Le manque de ressources peut souvent dissuader les établissements scolaires de mettre en œuvre des plans d’amélioration (Faubert, 2009). Bien que la Vision 2030 appelle à l’introduction de programmes de financement ciblés pour améliorer les résultats des établissements scolaires des zones rurales, les programmes de ce type restent très peu nombreux et plus axés sur l’appui financier des élèves et de leur famille que sur les établissements scolaires (Cour des comptes, 2017). Le Maroc doit envisager d’introduire des programmes de financement ciblés ou une formule de financement comprenant une composante liée aux moyens d’existence pour que les établissements scolaires puissent obtenir des financements proportionnels à leurs besoins. Dans de nombreux pays, les financements supplémentaires destinés aux établissements scolaires défavorisés sont combinés à des structures de redevabilité pour veiller à ce que les fonds mènent à une amélioration. Par exemple, en Angleterre (Royaume-Uni), l’organisme d’évaluation externe, Ofsted, suit de très près la performance des établissements scolaires dans le cadre du Pupil Premium Programme (voir encadré 4.6).
Encadré 4.6. Mécanismes de redevabilité associés aux financements d’établissements scolaires ciblés
En Angleterre (Royaume-Uni), le ministère de l’Éducation a mis en place un système de financement supplémentaire destiné aux établissements scolaires accueillant des élèves issus de milieux défavorisés (Pupil Premium Programme). Les fonds sont attribués sur la base d’un montant par élève. Les établissements scolaires sont obligés de dépenser ces ressources dans des stratégies visant à mieux soutenir l’apprentissage des élèves défavorisés et à combler leur écart de performance avec les élèves plus favorisés, mais ils sont libres de choisir la façon de dépenser ces fonds.
Depuis 2012, les établissements scolaires sont tenus de publier en ligne l’information sur leur manière d’utiliser le Pupil Premium Programme et les interventions qu’ils mettent en œuvre pour répondre aux besoins des élèves défavorisés, ainsi que leur impact. Les établissements scolaires bénéficiaires du programme doivent suivre la performance de tous les élèves et en rendre compte, en particulier celle des élèves défavorisés.
L’organisme anglais d’inspection, Ofsted, suit de près les résultats et les progrès des élèves défavorisés et la façon dont les établissements scolaires répondent à leurs besoins. Si l’inspection identifie des problèmes concernant des élèves défavorisés, un examen plus approfondi est effectué. Son but est d’aider les établissements scolaires à améliorer leur stratégie de manière à « dépenser les financements dans des approches qui se sont avérées efficaces pour améliorer la performance des élèves défavorisés ». Le ministère de l’Éducation utilise l’information publiée par les établissements scolaires pour mettre en avant et récompenser ceux où les élèves défavorisés obtiennent de bons résultats.
Sources : OCDE (2017), The Funding of School Education: Connecting Resources and Learning, Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/9789264276147-en ; Faubert (2009), The funding of school education: Connecting Resources and Learning, Éditions OCDE, Paris http://dx.doi.org/10.1787/ 9789264276147-en.
Fournir aux établissements scolaires de meilleures mesures de leur performance
Au Maroc, les mesures normalisées de la performance des établissements scolaires sont limitées. Les indicateurs administratifs de base, tels que les taux de scolarisation et d’inscription, sont les seuls auxquels les établissements marocains ont aisément accès pour comparer leur performance à celles des autres établissements scolaires et aux moyennes nationales (voir chapitre 5). Les mesures fiables des acquis des élèves font défaut. Tel est particulièrement le cas pour les établissements du primaire et du secondaire collégial, où les évaluations des élèves ne sont pas suffisamment fiables pour permettre une comparaison entre les établissements (voir chapitre 2).
L’élaboration de mesures fiables des apprentissages dans le primaire et le secondaire collégial doit être une priorité pour le Maroc, s’il souhaite améliorer la qualité et l’équité de la scolarisation. L’incapacité des établissements scolaires à garantir que tous les élèves acquièrent les compétences de base au cours des premières années est l’une des principales raisons du désengagement, du redoublement et du décrochage scolaire des élèves, avec des implications allant bien au-delà du système éducatif (voir chapitre 1).
Dans l’immédiat, le Maroc devrait introduire une évaluation nationale régulière fondée sur un recensement des élèves de 4e année (fin du premier cycle primaire) et par la suite, de 6e année (fin du primaire) afin de fournir aux établissements primaires des outils pour identifier les lacunes d’apprentissage, suivre l’amélioration et éclairer la définition de leurs objectifs (voir chapitre 5). Dans le premier cycle du secondaire, une amélioration de la fiabilité du brevet à l’aide de processus de modération renforcés (voir Chapitre 2) permettrait aux établissements de ce niveau de mesurer leur performance par rapport aux moyennes nationales, régionales et des autres établissements scolaires.
Dans le secondaire qualifiant, le classement des établissements scolaires récemment introduit, qui s’appuie sur les taux de réussite à l’examen du baccalauréat, constitue un premier pas vers l’élaboration d’une métrique pour l’apprentissage dans les établissements scolaires. Cette mesure n’a toutefois pas la contextualisation ni la fiabilité nécessaires pour en faire un indicateur précis de performance des établissements. Ce modèle ne comprend pas de données contextuelles autres que la taille et compare donc les établissements scolaires sans tenir compte de leur environnement socioéconomique. De plus, l’accent mis sur la performance actuelle plutôt que sur l’amélioration au cours du temps peut décourager les établissements du bas du classement. Le projet actuel visant à étendre ce classement aux établissements secondaires inférieurs à l’aide du taux de réussite au brevet devrait être ajourné jusqu’à ce que la fiabilité de cet examen soit considérablement améliorée (voir chapitre 2).
Pour fournir une vision plus juste et plus globale de la performance des établissements scolaires, plusieurs pays ont mis au point un indice composite de qualité des établissements scolaires. C’est le cas, par exemple, de plusieurs pays d’Amérique latine qui fournissent aux établissements scolaires une vision complète de leur performance par rapport à un nombre restreint d’objectifs nationaux d’amélioration, tels que la diminution du nombre d’élèves peu performants et du taux de redoublement (voir encadré 4.7). Au Maroc, des initiatives telles que le programme INSAF, qui vise à mettre en place un système de gestion de l’information scolaire intégré à MASSAR, offrent un bon moyen d’améliorer les données relatives aux établissements scolaires et de construire un indice pour leur performance.
Acquérir une vision holistique de la performance des établissements scolaires nécessitera une meilleure prise en compte de leur environnement, généralement au moyen d’indices composites obtenus en pondérant la performance des établissements avec l’environnement socioéconomique et le niveau de ressources humaines, financières et matérielles, afin de donner une juste image de leur performance (voir encadré 4.7). Au Maroc, cela nécessitera d’améliorer l’information sur les ressources des établissements scolaires et l’environnement socioéconomique des élèves dans MASSAR, auquel le présent examen recommande d’accorder plus de priorité dans la collecte et le suivi des données nationales (voir chapitre 5).
Encadré 4.7. Indices composites de performances des établissements scolaires de Brésil et de la Colombie
Indice de développement de l’éducation de base au Brésil
L’indice de développement de l’éducation de base (IDEB), mis en place en 2005, est considéré comme une étape majeure dans l’accroissement de la redevabilité dans l’éducation et en vue de donner une forte impulsion à l’amélioration des établissements scolaires au Brésil. Il combine une évaluation nationale fondée sur un recensement des performances en portugais et mathématiques en 4e et 8e années, ou des données d’évaluation pour la 11e année, avec des données de flux des élèves (taux de passage, redoublement, obtention de diplômes). Les données de chaque école sont échelonnées suivant un score allant de 1 à 10, dont les niveaux sont alignés sur les scores PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves). L’utilisation de deux facteurs – la performance et le passage au niveau supérieur – assure que les établissements scolaires ne sont pas incités à freiner les élèves des années évaluées ou à les encourager à abandonner l’école.
Une caractéristique essentielle de l’IDEB est qu’il fixe des objectifs individuels pour chaque établissement et définit une trajectoire allant de la base de référence de 2005 jusqu’au point où il atteindra idéalement les performances moyennes PISA en 2021. Ces objectifs propres à chaque établissement ont contribué à l’acceptation générale de l’IDEB par les éducateurs, qui le considèrent comme une comparaison fiable de la performance de l’établissement par rapport à sa performance passée. Les résultats de l’IDEB sont utilisés pour identifier les établissements scolaires et les municipalités les moins performants, qui reçoivent des financements et un appui technique supplémentaires pour les aider à atteindre leurs objectifs.
Indice synthétique de qualité de l’éducation en Colombie
En 2015, la Colombie a introduit l’indice synthétique de qualité de l’éducation (Índice Sintético de la Calidad Educativa – ISCE), un indice multidimensionnel de qualité des établissements scolaires, qui s’appuie sur le succès de l’indice de développement de l’éducation de base (IDEB) brésilien. L’ISCE prend en compte la performance des élèves en mathématiques et espagnol dans les évaluations nationales des 3e, 5e et 9e années, les progrès des établissements scolaires dans la réduction de la proportion des élèves peu performants, du redoublement, ainsi que des facteurs liés à l’environnement des établissements. Ceux-ci sont encouragés à débattre de leurs résultats pour l’ISCE, à fixer des objectifs de performance et à élaborer des plans stratégiques pour améliorer leur performance. En 2016, les autorités colombiennes ont annoncé une récompense financière pour les établissements scolaires atteignant leurs objectifs.
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Conclusions et recommandations
L’accent mis par la Vision 2030 sur la création de la « nouvelle école marocaine » offre aux décideurs politiques du Maroc une occasion unique d’élaborer des pratiques d’évaluation des établissements scolaires centrées sur l’amélioration de la qualité de ces derniers. La mise en place d’un système complet d’évaluation externe des établissements scolaires marocains et l’amélioration de leur capacité à s’auto-évaluer contribueront à les éclairer sur leur performance et à y développer une culture de planification fondée sur des données probantes. Il est également nécessaire de veiller à ce que les établissements scolaires reçoivent un appui technique et financier adéquat pour garantir qu’ils mettent correctement en œuvre les recommandations émises dans leurs évaluations. Toutefois, pour que ces évaluations parviennent à améliorer la qualité des établissements, il faudra également que le Ministère définisse des objectifs systémiques clairs pour guider leur planification (voir chapitre 5), investisse dans la capacité des enseignants en les évaluant de manière régulière et en leur fournissant une formation professionnelle continue (voir chapitre 3), et mette en place un meilleur système d’évaluation des élèves mettant l’accent sur le suivi des apprentissages, en particulier dans les premières années d’études (voir chapitres 2 et 5).
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