Le secteur de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants (EAJE) chez les moins de 3 ans est en pleine croissance dans l’ensemble des pays de l’OCDE. L’édition 2018 de l’Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage TALIS Petite enfance est une source d’informations précieuses sur les structures dans lesquelles les enfants de moins de 3 ans passent du temps et notamment sur les pratiques que le personnel applique pour faciliter l’apprentissage, le développement et le bien-être des enfants. À la lumière des principaux résultats de ce rapport, le présent chapitre examine les incidences sur l’action publique et détermine de quelles façons les pays peuvent contribuer à la qualité des structures d’EAJE destinées aux moins de 3 ans.
Quality Early Childhood Education and Care for Children Under Age 3
1. Dix mesures prioritaires pour favoriser la qualité de l’éducation et de l’accueil des enfants de moins de 3 ans
Abstract
Les trois premières années de la vie des enfants sont déterminantes pour leur développement ultérieur. C’est pendant cette période qu’ils se développent et qu’ils apprennent à un rythme plus élevé qu’à n’importe quel autre moment de leur vie, en jetant les fondations sur lesquelles ils bâtiront leur compréhension du monde. Dans cette tranche d’âge, les enfants dépendent en outre énormément de l’aide d’autrui pour répondre à leurs besoins fondamentaux et faciliter leurs interactions avec le monde qui les entoure. Par conséquent, offrir aux jeunes enfants une éducation et un accueil de très bonne qualité peut être une manière efficace de favoriser leur apprentissage, leur développement et leur bien-être.
L’enquête de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage TALIS Petite enfance est la première enquête internationale axée sur le personnel de l’EAJE. Les agents jouent un rôle essentiel pour garantir la qualité de l’EAJE et leurs réponses à l’enquête permettent d’obtenir au moment opportun un éclairage sur les contextes dans lesquelles les jeunes enfants passent la majorité de leur temps lorsqu’ils sont hors de chez eux. TALIS Petite enfance évalue la qualité des structures d’EAJE à partir des réponses du personnel et des responsables aux questions portant sur plusieurs aspects de l’EAJE, notamment les caractéristiques des structures et du personnel ainsi que les pratiques du personnel à l’égard des enfants.
La qualité des processus est l’aspect de l’EAJE qui agit le plus directement sur l’apprentissage, le développement et le bien-être des enfants. La qualité des interactions dans les établissements d’EAJE, et notamment la façon dont le personnel s’investit auprès des enfants et coopère avec les parents/tuteurs, détermine la qualité des processus. L’Enquête TALIS Petite enfance a été conçue pour évaluer la qualité des processus dans quatre grands domaines de travail : 1) favoriser l’acquisition de la langue, de l’aptitude à lire et écrire et des compétences en calcul ; 2) favoriser le développement socioémotionnel ; 3) favoriser l’organisation des groupes et l’aide individuelle ; et 4) favoriser l’implication des parents/tuteurs. Elle a aussi été conçue pour décrire les caractéristiques du personnel et des structures d’EAJE. L’Enquête TALIS Petite enfance et la présente publication ont pour objectif de comparer les structures et les pratiques d’EAJE entre pays et au sein de chacun d’eux afin de définir des stratégies d’action susceptibles d’améliorer l’EAJE pour tous les enfants.
Vu le développement rapide des enfants de moins de 3 ans, les structures d’EAJE prévues pour cette tranche d’âge doivent être spécifiquement adaptées à l’évolution des besoins de ces enfants. La pandémie de COVID-19 fait ressortir à quel point il est complexe d’assurer l’éducation et l’accueil de ce groupe : bien que les gens se tiennent à distance les uns des autres dans le monde entier, les enfants de moins de 3 ans continuent de réclamer un contact étroit avec autrui pour satisfaire leurs besoins fondamentaux et assurer leur développement positif et leur bien-être. Les pays sont confrontés à la difficulté de devoir continuer d’assurer l’EAJE pour venir en aide aux travailleurs essentiels, ce qui rend le personnel de l’EAJE indispensable dans bien des cas. Contrairement à d’autres niveaux d’enseignement, l’EAJE pour les moins de 3 ans ne peut être remplacé, même temporairement et imparfaitement, par un dispositif virtuel.
L’Enquête TALIS Petite enfance, dont les données ont toutefois été collectées avant la pandémie, est axée sur les conditions de travail des agents des structures d’EAJE pour les moins de 3 ans ainsi que sur les pratiques qu’ils suivent. Ces données sont du plus haut intérêt pour déceler les atouts du secteur de l’EAJE et pour découvrir dans quels domaines les pouvoirs publics pourraient prendre des mesures pour mieux épauler ce personnel important et, au bout du compte, les jeunes enfants. Ce rapport est spécifiquement consacré à l’EAJE pour les moins de 3 ans en raison du caractère exceptionnel de cette période du développement des enfants et du rôle spécifique du personnel d’EAJE chargé de s’occuper de cette tranche d’âge.
Cette publication comprend les résultats obtenus auprès du personnel (personnes travaillant régulièrement en contact avec les enfants dans le cadre d’une relation pédagogique) et des responsables (dans une structure d’EAJE, personne ayant le plus de responsabilités en matière de direction administrative, managériale et/ou pédagogique) de structures d’EAJE pour les moins de 3 ans dans quatre pays (Allemagne, Danemark, Israël et Norvège). Ce chapitre décrit les principaux résultats du rapport et leurs conséquences en matière d’action publique. Le chapitre 2 décrit les contextes stratégiques de l’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans ainsi que la gouvernance et l’organisation de ce secteur dans chacun des quatre pays participants. Le chapitre 3 examine les caractéristiques des structures, par exemple leur emplacement et leur taille, ainsi que celles du personnel, notamment en termes de formation et d’expérience dans le secteur de l’EAJE. Enfin, le chapitre 4 décrit les pratiques que le personnel emploie avec les enfants et relie ces aspects de la qualité des processus aux caractéristiques des structures et du personnel. Le Graphique 1.1 schématise le système utilisé pour comprendre la qualité de l’EAJE pour les moins de 3 ans et la structure de la présente publication.
Les fondements de l’éducation et de l’accueil des enfants de moins de 3 ans
L’EAJE soutient deux grands objectifs stratégiques : favoriser le développement et le bien-être des enfants et encourager la participation des parents à la vie active. Bien que ces objectifs soient étroitement reliés, ils concernent aussi des domaines classiques de l’action publique tels que l’éducation, le travail, la santé et la protection sociale. Le fait qu’ils se situent à la croisée de ces différents domaines peut compliquer la tâche des pouvoirs publics au moment de prendre des mesures cohérentes axées sur la famille, mais aussi leur offrir une inestimable occasion de progresser simultanément dans la réalisation de multiples objectifs stratégiques.
Ce croisement de domaines d’action s’applique à tous les niveaux de l’EAJE mais tout particulièrement pour les moins de 3 ans. Les politiques relatives à la santé maternelle et infantile ainsi qu’aux congés parentaux prévalent au cours des premières semaines ou des premiers mois de la vie d’un enfant. Toutefois, de plus en plus, les enfants de moins de 3 ans passent de la seule garde de leurs parents à la fréquentation de structures d’EAJE, avec de grandes différences aussi bien entre les pays où l’EAJE est assurée pour les moins de 3 ans qu’au sein de chacun de ces pays (voir chapitre 2). Le fait d’avoir fréquenté l’EAJE ou non peut contribuer aux écarts que l’on observe en termes de résultats scolaires chez des enfants issus de milieux socio-économiques ou démographiques différents. Les enfants d’origine modeste sont ceux qui bénéficient le plus des structures d’EAJE de très bonne qualité mais ils sont moins susceptibles que d’autres enfants d’y être inscrits en raison du coût de l’EAJE, du fait que les parents ayant de plus faibles revenus sont moins encouragés à inscrire leurs enfants à l’EAJE, et du fait qu’il y a moins de services d’EAJE de très bonne qualité dans les zones défavorisées.
Quel que soit l’endroit où les enfants de moins de 3 ans passent leur temps, ils apprennent grâce aux interactions avec les gens qui les entourent. Lorsque les éducateurs interagissent de façon chaleureuse et sensible avec les jeunes enfants et qu’ils se montrent réceptifs à l’égard de leurs besoins et intérêts, ils les aident à s’ouvrir de plus en plus à leur environnement. À cet égard, qu’il s’agisse des parents, des tuteurs ou du personnel des structures d’EAJE, les éducateurs jouent aussi le rôle d’enseignant pour les très jeunes enfants, dont ils assurent l’éducation et l’accueil en interagissant avec eux. Ces types d’interactions dynamiques, qui sont au cœur de la qualité des processus dans les structures d’EAJE, favorisent les bons résultats des enfants qui sont associés à la fréquentation de structures d’EAJE de très bonne qualité.
Mesure 1 : assurer un accès équitable à une éducation et un accueil de qualité pour les jeunes enfants
L’offre en matière de structures d’EAJE pour les moins de 3 ans n’a pas nécessairement suivi le rythme de croissance de la demande. Il ressort des données de TALIS Petite enfance que de nombreuses structures dressent des listes d’attente pour l’inscription des enfants, et que celles qui se situent en zone urbaine sont plus susceptibles de le faire que celles qui se situent en zone rurale (voir chapitre 2). En outre, en Allemagne et en Norvège, où les centres d’EAJE peuvent accueillir des enfants de moins de 3 ans et des enfants plus âgés, ceux qui sont en zone urbaine comptent un taux plus élevé d’enfants de moins de 3 ans que ceux qui sont en zone rurale (voir chapitre 3).
Ces résultats donnent à penser que l’offre d’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans n’est peut-être pas suffisante par rapport à la demande, qui est peut-être concentrée dans des zones plus urbaines. Les décideurs peuvent aider à accroître l’offre de structures d’EAJE de très bonne qualité dans les zones où les listes d’attente sont pratique courante en envisageant d’ouvrir de nouveaux centres, en favorisant des partenariats locaux entre, d’une part, les prestataires de programmes de formation sur l’EAJE et, d’autre part, les centres d’EAJE afin d’aider à remédier à la pénurie de personnel, et en renforçant l’offre de services d’EAJE de très bonne qualité à domicile. En outre, veiller à ce que les structures d’EAJE hors zones urbaines soient équipées afin de pouvoir prendre en charge des enfants de moins de 3 ans peut encourager davantage de familles à y inscrire leurs enfants.
Mesure 2 : favoriser l’implication des familles dans l’éducation et l’accueil des jeunes enfants
Les liens étroits entre éducation et accueil des enfants de moins de 3 ans signifient qu’il est dans l’intérêt des enfants que des partenariats solides existent entre leurs parents/tuteurs et le personnel d’EAJE. Dans les divers pays concernés, la plupart des agents participant à l’Enquête TALIS Petite enfance déclarent que les parents/tuteurs peuvent facilement entrer en contact avec le personnel des structures d’EAJE. Un nombre moins élevé d’agents déclarent néanmoins que d’autres façons d’impliquer les familles, par exemple en les encourageant à jouer avec les enfants et à organiser des activités d’apprentissage à la maison, sont très courantes dans leurs structures (voir chapitre 4 et Graphique 1.2).
Les interactions entre le personnel d’EAJE et les parents/tuteurs sont un élément important de la qualité des processus et un moyen essentiel de favoriser l’apprentissage, le développement et le bien-être des enfants. Les politiques publiques peuvent aider le personnel d’EAJE à dûment coopérer avec les familles en plaçant ce lien au cœur des programmes pédagogiques et en veillant à ce que le personnel soit préparé, grâce à la formation initiale et à la formation continue, à travailler en étroite coopération avec les familles. Bien que le partenariat avec les parents/tuteurs et les familles soit un élément courant de la formation initiale dans la plupart des pays, seule une petite majorité (61 %) des agents travaillant dans des centres en Israël déclare que ce thème a été abordé dans le cadre de leur programme de formation initiale. Ce type de formation initiale est plus répandu en Allemagne, mais les agents classent toutefois la coopération avec les familles parmi les thèmes qu’ils ont le plus besoin de traiter dans le cadre de leur perfectionnement professionnel (voir chapitre 3). En plus de former le personnel au dialogue avec les familles, des campagnes visant à sensibiliser le public au sujet de l’importance d’une étroite coopération entre l’EAJE et les parents/tuteurs peuvent également encourager les familles à s’impliquer davantage auprès du personnel d’EAJE.
Mesure 3 : être attentif aux coûts des services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants de très bonne qualité
Comme il est essentiel que le personnel se montre réceptif pour que l’EAJE soit de très bonne qualité, cela signifie qu’il doit être capable d’accorder une attention individuelle à chaque enfant. Par conséquent, le personnel des structures d’EAJE pour les moins de 3 ans doit être apte à interagir avec les enfants dans le cadre de petits groupes, encore plus que dans d’autres niveaux d’éducation. Les interactions en plus petits groupes entraînent une hausse des coûts par enfant en raison du nombre d’agents requis. Les coûts exacts et leur répartition entre entités publiques et privées varient d’un pays et d’une structure d’EAJE à l’autre, mais il est nécessaire d’investir massivement dans le personnel d’EAJE et en faveur de groupes de taille adaptée pour assurer une très bonne qualité de l’EAJE pour les moins de 3 ans.
Le montant global des dépenses publiques et privées relatives à l’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans en Allemagne et en Norvège montre que les coûts relatifs à cette tranche d’âge sont supérieurs à ceux de l’éducation des enfants plus âgés. En revanche, en Israël, les dépenses relatives à l’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans sont inférieures à celles qui sont consacrées aux autres niveaux d’instruction (voir chapitre 2). Les différences en matière de dépenses ressortent des informations que donne l’Enquête TALIS Petite enfance sur le nombre d’agents travaillant dans les structures d’EAJE et sur la taille des groupes. Plus précisément, en Norvège, les responsables font état d’un nombre moyen plus élevé d’agents par structure par rapport aux autres pays, alors que le nombre d’enfants par structure est inférieur (voir chapitre 3).
Accueillir davantage d’enfants dans une seule structure peut permettre de réaliser des économies d’échelle, mais peut aussi créer des difficultés car il faut gérer davantage d’enfants, d’agents et de ressources. En Israël et en Norvège, dans les centres de plus grande taille, davantage de pratiques sont appliquées pour faciliter le développement des compétences en calcul, jouer et impliquer les parents ; l’inverse est vrai au Danemark (avec un faible taux de réponse) et en Allemagne (chapitre 4). Bien que ces différents contextes fassent appel à des mesures différentes, les pouvoirs publics doivent veiller à favoriser la qualité quelle que soit la taille du centre, ce qui, en Israël et en Norvège, pourrait consister à aider les structures plus petites à avoir accès à du matériel et à des ressources, à prévoir des horaires de travail adéquats et à proposer au personnel en poste des activités de perfectionnement professionnel, afin de favoriser les pratiques porteuses de qualité. Au Danemark et en Allemagne, les centres de plus grande taille pourraient avoir besoin de soutien pour veiller à ce que toutes les classes et les salles de jeu disposent d’assez de matériel et de ressources pour que les agents puissent proposer tout au long de la journée des interactions de très bonne qualité à tous les enfants.
L’organisation des services d’éducation et d’accueil des enfants de moins de 3 ans
Vu le croisement de domaines d’action publique applicables aux familles lors des premières années de la vie d’un enfant, les pays suivent des approches différentes dans l’organisation et la gouvernance de l’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans. Parmi les pays participant à l’Enquête TALIS Petite enfance pour cette tranche d’âge, le Danemark, l’Allemagne et la Norvège disposent de systèmes intégrés d’EAJE, ce qui signifie qu’une seule autorité publique supervise l’EAJE pour les moins de 3 ans et l’enseignement préprimaire destiné aux enfants de 3 ans et plus. Malgré cette autorité unique, la réglementation peut différer selon la tranche d’âge des enfants au sein d’un groupe ou d’une structure (OCDE, 2019[2]). En Israël, le système de gouvernance de l’EAJE est scindé en deux : un ministère est responsable de l’EAJE pour les moins de 3 ans et un autre de l’EAJE pour les plus de 3 ans. Même dans ce système divisé, les exigences et les règles varient selon la tranche d’âge à laquelle appartiennent les enfants d’un groupe, ce qui s’explique par le fait que les enfants de moins d’un an, ceux de moins de 3 ans et ceux de plus de 3 ans n’ont pas les mêmes besoins.
Comme le montrent ses différentes réglementations, les enfants de moins de 3 ans ne sont pas un groupe homogène. Étant donné qu’ils se développent plus rapidement qu’à n’importe quel autre moment de leur vie, leurs capacités et leurs intérêts évoluent rapidement. C’est ainsi qu’à mesure que les enfants gagnent en mobilité et commencent à explorer le monde qui les entoure de façon plus indépendante, leurs besoins évoluent, ce qui signifie que les enfants proches en âge peuvent être assez différents les uns des autres dans leur développement. Le personnel d’EAJE doit être prêt à s’adapter à cette évolution rapide et continuer de se montrer réceptif et sensible à l’égard de tous les enfants des groupes dont ils s’occupent.
Outre les divers types de gouvernance de l’EAJE pour les enfants de moins de 3 ans, il existe souvent divers types de structures. Au Danemark, en Allemagne et en Norvège, où les systèmes sont intégrés, les enfants de 0-5 ans fréquentent les mêmes structures alors qu’en Israël, les enfants de moins de 3 ans et ceux de la tranche 3-5 ans fréquentent des structures différentes. Des services d’EAJE à domicile sont proposés dans de nombreux pays, notamment les quatre qui ont participé à TALIS Petite enfance sur les services destinés aux enfants de moins de 3 ans, mais, pour la Norvège, ils n’ont pas été inclus dans l’enquête. Dans ces structures, habituellement, une seule personne travaille à domicile avec un petit groupe d’enfants. En revanche, les centres d’EAJE ordinaires contiennent en règle générale une multitude de classes et de salles de jeu ainsi qu’un certain nombre d’agents travaillant par équipe. Comme elles accueillent moins d’enfants, les structures à domicile sont adaptées pour offrir à chaque enfant de moins de 3 ans l’attention individuelle qu’il réclame. Toutefois, la qualité pourrait ne pas y être favorisée de la même manière que dans les centres ordinaires. Par exemple, en Allemagne, le personnel des structures à domicile a un niveau d’instruction inférieur à celui du personnel des centres ordinaires.
Mesure 4 : veiller à ce que la formation initiale du personnel réponde aux besoins spécifiques des enfants de cette tranche d’âge
Comme les enfants de moins de 3 ans ont un développement rapide, le personnel d’EAJE doit être bien préparé à travailler efficacement avec cette tranche d’âge. Même s’il est courant que la formation initiale proposée au personnel participant à l’Enquête TALIS Petite enfance porte spécifiquement sur la prise en charge des enfants, ce n’est pas systématique. Ce type de formation est très courant en Allemagne, où plus de 90 % des agents en ont bénéficié, ainsi que dans les structures à domicile en Israël. Toutefois, dans les centres d’EAJE ordinaires du Danemark, d’Israël et de Norvège, une importante minorité (25-30 %) d’agents n’en a pas bénéficié (voir chapitre 3). Les politiques publiques peuvent aider à combler cette lacune en réglementant la formation initiale imposée pour les nouveaux arrivants, et par exemple en prévoyant aussi bien des modules de formation classiques que des modules d’apprentissage en milieu professionnel, qui donneraient aux futurs agents d’EAJE une expérience directe de la prise en charge des enfants de moins de 3 ans. Il est possible de veiller, grâce au perfectionnement professionnel, à ce que le personnel d’EAJE en poste soit bien équipé pour pouvoir répondre aux impératifs du travail avec des groupes de très jeunes enfants.
En outre, le personnel a besoin d’une formation spécifique afin de réussir à adapter les pratiques à chacun des enfants pour favoriser leur développement. Dans les quatre pays, les agents déclarent qu’ils adaptent régulièrement leurs pratiques aux besoins de chaque enfant. Toutefois, les pratiques consistant à relier les activités au quotidien des enfants et à les adapter à leurs origines culturelles sont moins courantes que celles qui consistent à s’adapter aux intérêts et au niveau de développement de chaque enfant, ce qui pourrait traduire soit une volonté de traiter tous les enfants de façon égale, soit un manque de préparation du personnel (voir chapitre 4 et Graphique 1.3). La formation reçue par le personnel contribue à une meilleure utilisation des pratiques adaptatives. De ce fait, la formation et le perfectionnement professionnel peuvent être améliorés de manière à aider les agents à intégrer davantage de pratiques adaptatives dans leur travail, particulièrement celles qui portent sur le quotidien des enfants et leurs origines culturelles. Mettre davantage l’accent sur ces types précis de pratiques adaptatives peut aussi servir à coopérer plus étroitement avec les familles.
Mesure 5 : réexaminer les horaires de travail et la répartition du temps de travail en fonction des tâches dans les structures d’EAJE à domicile
Comme les structures d’EAJE à domicile sont petites, le personnel doit accomplir un vaste éventail de tâches, et entre autres travailler directement avec un petit groupe d’enfants dont la tranche d’âge peut être plus large que dans la plupart des classes et salles de jeu des centres d’EAJE (comme les. crèches) ; planifier et préparer les activités avec les enfants, et gérer le volet administratif des prestations de services d’EAJE. Il n’est donc pas surprenant que le personnel des services d’EAJE à domicile ayant répondu à l’Enquête TALIS Petite enfance déclare un nombre d’heures de travail hebdomadaire supérieur à celui du personnel des centres d’EAJE. En Allemagne, le personnel des services à domicile travaille en moyenne 47 heures par semaine contre 32 heures hebdomadaires pour leurs collègues des centres d’EAJE. En Israël, le personnel des services à domicile travaille en moyenne 49 heures par semaine contre 34 heures hebdomadaires pour leurs collègues des centres d’EAJE.
Le personnel des structures à domicile travaille souvent beaucoup pour pouvoir satisfaire la demande des familles qui ont de longues journées de travail. Toutefois, le fait d’avoir des horaires de travail lourds et une multitude de tâches à accomplir est source de stress. En Allemagne, le personnel des structures à domicile déclare que le fait de devoir s’adapter sans cesse à l’évolution de la réglementation et d’avoir trop de tâches administratives est une importante source de stress. Par ailleurs, en raison du nombre élevé d’heures de travail, le personnel de ces structures a du mal à trouver des créneaux horaires pour suivre des activités de perfectionnement professionnel. Au Danemark et en Allemagne, il fait état de besoins en matière de perfectionnement professionnel similaires à ceux du personnel des centres. En Israël, plus d’un tiers du personnel des structures à domicile déclare avoir sérieusement besoin de suivre des activités de perfectionnement professionnel dans plusieurs domaines, notamment l’accompagnement dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, de l’expression orale et des arts.
Les décideurs peuvent examiner les horaires de travail du personnel des structures à domicile en cherchant à la fois à offrir aux familles la souplesse dont elles ont besoin mais aussi à protéger le personnel face à des horaires de travail trop lourds. La réglementation des horaires de travail pourrait viser à ménager des plages horaires pendant lesquelles le personnel se consacrerait aux tâches à accomplir hors de la présence des enfants. Par ailleurs, mettre en place des réseaux de prestataires de services d’EAJE à domicile pourrait aider le personnel à trouver du temps pour les tâches à accomplir hors de la présence des enfants et pour les activités d’apprentissage mutuel.
Mesure 6 : assurer un suivi en faveur de la qualité des processus et de l’amélioration de la qualité dans toutes les structures
Suivre la qualité des structures d’EAJE grâce à une évaluation externe permettrait de s’assurer que les normes minimales sont respectées dans chacune d’entre elles et d’améliorer la qualité. Pour améliorer la qualité de l’EAJE, il faut que le suivi tienne compte des divers facteurs qui la sous-tendent et offrent des possibilités d’amélioration. Cela signifie que le suivi doit porter aussi bien sur les aspects de la qualité relatifs à la structure et aux processus que sur les aspects administratifs et financiers. Pour évaluer la qualité des processus, le suivi doit porter sur les interactions du personnel avec les enfants, sur la capacité du personnel à adapter ses pratiques aux besoins et intérêts de chaque enfant, et sur le soutien en faveur de l’implication des parents/tuteurs, et il doit avoir pour objectif d’aider le personnel à améliorer ses pratiques.
En Allemagne et en Norvège, moins de la moitié des responsables ont indiqué que des inspections de la qualité des processus avaient lieu au moins une fois par an. Bien que le pourcentage des responsables faisant état de ce type d’inspection soit plus élevé en Israël, ils sont plus nombreux à indiquer que le suivi de la qualité des structures et des locaux intervient annuellement voire plus fréquemment. Les inspections de la qualité des processus sont encore moins fréquentes dans les structures à domicile en Allemagne et en Israël.
Le suivi peut générer des contraintes sur le plan administratif et du stress pour le personnel si les inspections ont lieu trop souvent ou si les évaluations ne sont pas clairement définies et assorties de stratégies d’amélioration de la qualité. Organiser un suivi fréquent des structures à domicile peut aussi créer des difficultés particulières car leur dispersion géographique exige davantage de ressources pour organiser les visites d’inspection. Élaborer un cadre de suivi clair pourrait aider les structures d’EAJE à œuvrer continuellement à la réalisation des objectifs d’amélioration de la qualité, même sans inspections fréquentes.
Le rôle professionnel du personnel de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants
Le personnel de l’EAJE pour les moins de 3 ans doit s’adapter aux multiples besoins des enfants et à leur niveau de développement, qui peuvent varier encore plus que ceux des enfants de l’enseignement préprimaire. Les agents qui travaillent avec de très jeunes enfants doivent répondre à ces besoins et organiser diverses activités d’EAJE et interactions propices au développement, à l’apprentissage et au bien-être des enfants. Il s’agit notamment d’accompagner les enfants lors d’un certain nombre d’activités du quotidien, de favoriser leur développement cognitif et socioémotionnel, et d’impliquer les parents dans le soutien au développement et au bien-être des enfants, aussi bien dans les structures d’EAJE qu’à la maison.
Le secteur de l’EAJE pour les moins de 3 ans a besoin de tout un éventail de professionnels ayant des profils différents pour accomplir ces diverses tâches. Dans les structures à domicile, une seule personne doit jouer plusieurs rôles et accomplir diverses tâches. Dans les centres d’EAJE de plusieurs pays, les enseignants travaillent en tandem avec des assistants, et chacun a un rôle et des responsabilités différents. C’est le cas au Danemark, en Allemagne et en Norvège, parmi les pays participants, où les enseignants représentent moins de la moitié du personnel ayant une relation pédagogique avec les enfants, et où les assistants sont en majorité. Il y a aussi dans certains pays des stagiaires et des personnes qui s’occupent des enfants individuellement. Toutefois, le niveau d’instruction et la formation des assistants varient d’un pays à l’autre : en Norvège, les qualifications requises ne sont pas les mêmes pour les assistants et pour les enseignants alors qu’en Allemagne, les deux ont souvent le même niveau d’instruction. Dans les petits centres, le personnel peut avoir à effectuer un plus vaste éventail de tâches que dans les grands centres.
En Israël, il n’y a pas d’assistants et ce sont les enseignants qui constituent la vaste majorité du personnel. L’absence de distinction entre les rôles d’enseignant et d’assistant en Israël traduit le fait que les structures destinées aux enfants de moins de 3 ans appliquent une démarche de type « soin-jeu-apprentissage ». Celle-ci met en avant le lien étroit entre éducation et accueil pour les enfants de cette tranche d’âge.
Les agents qui travaillent dans le secteur ont en outre des bagages très variés, qu’il s’agisse de leur instruction, de leur formation ou de leur expérience. Les politiques publiques doivent s’adapter à la diversité des situations et des caractéristiques du personnel de façon à ce que chaque agent puisse avoir la possibilité d’acquérir les compétences et les connaissances dont il a besoin pour travailler avec de très jeunes enfants.
Mesure 7 : veiller à ce que tous les agents aient l’occasion et la possibilité de développer leurs compétences tout au long de leur carrière
Il est ressorti de certaines études que les personnes ayant un niveau d’instruction plus élevé, et en particulier celles qui ont suivi un enseignement et une formation après le secondaire (niveau 4 et plus de la CITE), ont de meilleures interactions avec les enfants de moins de 3 ans, par exemple pour favoriser le développement du langage. Les résultats de TALIS Petite enfance montrent que les agents qui ont un niveau d’instruction plus élevé utilisent mieux leurs pratiques pour s’adapter aux besoins et intérêts des enfants lorsqu’ils travaillent avec des groupes.
Dans les quatre pays participants, une majorité d’agents ont suivi un enseignement et une formation après le secondaire, mais le pourcentage d’agents ayant un faible niveau d’instruction n’est pas négligeable. Dans les centres d’EAJE, le pourcentage d’agents dont le niveau le plus élevé d’éducation formelle est le secondaire est de 19 % en Allemagne, 32 % en Norvège et 37 % en Israël ; pour le Danemark (avec un faible taux de réponse), le taux est similaire. En Allemagne, près de 60 % du personnel travaillant dans des structures à domicile n’est pas allé plus loin que l’enseignement secondaire.
Le niveau d’instruction des agents varie d’une structure d’EAJE et d’une catégorie de personnel à l’autre, et il est lié à leur rôle. En Allemagne, les enseignants sont plus susceptibles que les assistants d’avoir au moins une licence ou un diplôme équivalent (niveau 6 et plus de la CITE), mais les uns et les autres consacrent autant de temps à travailler en contact direct avec les enfants et à accomplir d’autres tâches. En Norvège, presque tous les enseignants mais seulement une minorité d’assistants ont atteint au moins le niveau 6 de la CITE, et les assistants effectuent rarement des tâches hors de la présence des enfants (par ex., se documenter sur le développement des enfants). En Israël, où il n’y a pas d’assistants, la majorité du personnel a un diplôme du niveau post-secondaire mais inférieur au niveau licence (niveau 4 ou 5 de la CITE). Dans les pays où il existe des systèmes intégrés (Allemagne, Danemark et Norvège), les niveaux d’instruction du personnel des centres sont similaires, que le groupe cible comprenne une minorité ou une majorité d’enfants de moins de 3 ans.
En Norvège, les thèmes abordés dans le cadre de la formation initiale sont plus approfondis qu’en Allemagne et, dans une plus large mesure, qu’en Israël. L’expérience du personnel dans le secteur considéré est en outre différente d’un pays à l’autre. En Allemagne et en Norvège, le personnel a généralement acquis plusieurs années d’expérience dans le secteur de l’EAJE avant de travailler avec des enfants de moins de 3 ans, alors qu’en Israël, en moyenne, le personnel a acquis la majeure partie de son expérience dans le secteur de l’EAJE auprès des moins de 3 ans.
Comme les agents ont un niveau d’instruction, une expérience ainsi que des rôles et responsabilités différents, ils doivent continuer de développer leurs compétences et leurs connaissances tout au long de leur carrière en fonction de leurs besoins. Peut-être faudrait-il en particulier veiller à ce que le personnel qui n’a pas poursuivi d’études post-secondaires continue de développer ses compétences. Les agents des structures à domicile sont susceptibles d’avoir davantage besoin de perfectionnement professionnel vu leur bagage antérieur mais ils risquent aussi d’avoir moins l’occasion de suivre une formation continue car ils travaillent de longues heures. Ils sont également susceptibles d’avoir moins de possibilité d’apprendre de leurs pairs en raison de la nature de leur travail.
L’ensemble du personnel doit pouvoir suivre des formations. À propos des barrières au perfectionnement professionnel, la majeure partie des agents ont indiqué que c’était trop onéreux et qu’ils n’avaient pas assez d’effectifs pour se faire remplacer, et ce dans les quatre pays (OCDE, 2019[2]).
Les dispositifs de formation souples, par exemple l’apprentissage auprès des pairs et le tutorat, peuvent aider les agents à améliorer les pratiques qu’ils appliquent avec les enfants. Avec ces dispositifs informels de perfectionnement professionnel, il n’est pas nécessaire de libérer un créneau horaire car ces activités peuvent facilement être intégrées à l’emploi du temps habituel des agents. Le gouvernement doit aussi examiner de quelle façon réduire le coût des formations dans les structures ou les pays où c’est une barrière non négligeable.
Mesure 8 : offrir des possibilités de formations globales, incluant le partenariat avec des familles issues de milieux divers et le travail en contact d’enfants ayant des besoins particuliers, et encourager toutes les formes d’apprentissage
Le perfectionnement professionnel doit porter sur les principaux domaines de connaissances dont le personnel à besoin pour travailler en contact avec les enfants. S’agissant des domaines de formation, les agents indiquent le plus souvent dans les quatre pays avoir besoin de se perfectionner par exemple au sujet du développement des enfants, des activités susceptibles de favoriser la créativité et la résolution de problèmes, et du travail avec des enfants ayant des besoins éducatifs particuliers. Il existe toutefois des différences d’un pays et d’une structure à l’autre. En Allemagne, où la majeure partie du personnel des structures à domicile n’a pas dépassé l’enseignement secondaire, les agents indiquent avoir besoin de formation dans plusieurs domaines phares, notamment les théories de l’apprentissage.
Le partenariat avec les parents/tuteurs ou les familles étant essentiel pour cette tranche d’âge, c’est l’un des thèmes abordés dans la formation initiale d’une majorité d’agents, toutefois dans une moindre mesure en Israël. Dans de nombreuses structures, les agents indiquent avoir besoin de se perfectionner au sujet du partenariat avec les parents/tuteurs ou les familles, et plus de la moitié du personnel des centres d’EAJE en Allemagne indique en avoir modérément ou énormément besoin. Le personnel des structures à domicile fait état de besoins moindres dans ce domaine, peut-être en raison du lien plus étroit avec les parents.
Comme les agents ont des besoins multiples en matière de perfectionnement professionnel et des profils très différents, une multitude de formations, aussi bien en termes de format que de contenu, peuvent leur être proposées. L’apprentissage en milieu professionnel peut présenter toute une série d’avantages pour les agents qui travaillent avec de jeunes enfants. Il peut être adapté aux profils et aux besoins du personnel, porter sur divers aspects du travail et apporter une expérience concrète. Dans les centres, les responsables peuvent jouer un rôle important dans la création d’un environnement d’apprentissage stimulant où les agents peuvent coopérer et échanger des informations sur leurs pratiques. Les politiques publiques peuvent aider les prestataires de services d’EAJE à domicile à continuer de développer et d’actualiser leurs compétences et leurs connaissances grâce à des méthodes de perfectionnement professionnel spécialement adaptées, par exemple un tutorat ou un mentorat pouvant avoir lieu en la présence des enfants.
Le statut de la profession et la pénurie de personnel
Attirer et conserver du personnel très compétent est l’une des grandes difficultés du secteur de l’EAJE en général, mais davantage encore du secteur de l’EAJE pour les moins de 3 ans. Le problème est dû en partie au faible statut de la profession dans de nombreux pays, à des stéréotypes tels que celui que veut que ce soit un métier réservé aux femmes, à une incompréhension de la synergie entre les activités d’accueil et d’éducation, et à une méconnaissance de l’importance des premières années de la vie pour le développement et les résultats ultérieurs.
La situation a quelque peu évolué grâce à des décennies de travail sur l’importance d’investir dans les premières années de la vie et grâce à l’augmentation des investissements publics en faveur de l’EAJE dans de nombreux pays. Ceux-ci sont néanmoins surtout allés à l’enseignement préprimaire. À l’heure actuelle encore, les agents qui travaillent en contact avec les enfants de moins de 3 ans ne sont pas toujours considérés comme des professionnels.
Plus récemment, en raison de la pandémie mondiale, l’EAJE n’a plus été assurée dans de nombreux pays. La crise du COVID-19 a souligné combien les structures pour les enfants de moins de 3 ans sont nécessaires, mais peut-être plus encore la complexité du travail avec les enfants de cette tranche d’âge et le rôle indispensable de ces professionnels. Pour les parents de jeunes enfants, travailler à domicile tout en essayant de favoriser le développement de leurs enfants a été une grande source de stress, tout comme la frustration de ne pas réussir à allier les deux aussi bien qu’ils l’auraient souhaité. Les entreprises, la société et les décideurs ont peut-être mieux pris conscience de l’importance des structures et du personnel d’EAJE pour les moins de 3 ans.
Mesure 9 : créer des possibilités de progression professionnelle et veiller à ce que les salaires soient alignés sur le niveau d’instruction, de compétences et de responsabilité du personnel.
En Allemagne et en Israël, la majorité des responsables déclarent que la pénurie de personnel entrave leur efficacité. De la même manière, environ la moitié des responsables de centres au Danemark (avec un faible taux de réponse), en Allemagne et en Israël déclarent que le fait de ne pas avoir assez de personnel par rapport au nombre d’enfants inscrits les empêche « beaucoup » ou « énormément » de fournir aux enfants un environnement de qualité. La situation est différente en Norvège, où seule une minorité de responsables déclarent que la pénurie de personnel entrave leur efficacité ou leur capacité à fournir un environnement de qualité. La pénurie d’effectifs a des incidences pour le personnel, dont elle est susceptible d’augmenter la charge de travail et de réduire les possibilités de suivre une formation. Réduire la taille des groupes en recrutant davantage de personnel est cité comme une dépense prioritaire, dans l’hypothèse d’une augmentation du budget, par 74 % du personnel en Norvège, 78 % du personnel en Allemagne et 84 % du personnel en Israël.
La pénurie de personnel est un problème de taille pour le secteur de l’EAJE dans son ensemble, et pour les structures destinées aux enfants de moins de 3 ans en particulier. Cela étant, la demande de services d’EAJE pour les plus jeunes enfants n’est que partiellement satisfaite. Même si les quatre pays participants ont des taux d’inscription dans l’EAJE élevés pour les moins de 3 ans par rapport aux autres pays de l’OCDE, ces taux pourraient être encore plus élevés. Il est donc capital pour le secteur d’attirer davantage de personnel qualifié.
Le personnel du secteur de l’EAJE est dévoué et fait état d’un très haut degré de satisfaction à l’égard de son travail. Dans les quatre pays, 96-98 % des agents des centres d’EAJE ordinaires sont d’accord ou tout à fait d’accord de dire qu’ils « aiment travailler dans ce centre d’EAJE ». De même, de 94 % des agents des centres ordinaires en Allemagne à 97 % en Norvège déclarent que « dans l’ensemble, ils sont satisfaits de leur travail ». Le personnel des structures à domicile au Danemark (avec un faible taux de réponse), en Allemagne et en Israël fait également état de très hauts degrés de satisfaction au travail.
Toutefois, la satisfaction à l’égard du salaire est faible dans les quatre pays participants, en particulier parmi les agents des centres d’EAJE : seulement 16 % du personnel en Israël, 29 % en Allemagne et 30 % en Norvège sont satisfaits de leur salaire (au Danemark, où le taux de réponse est faible, la situation est similaire à l’Allemagne et à la Norvège). Dans une certaine mesure, le salaire traduit la valeur que la société attache à un emploi. Dans la même logique que la faible satisfaction à l’égard des salaires, relativement peu d’agents se sentent mis en valeur par la société : de 37 % des agents des centres ordinaires en Allemagne à 58 % en Norvège. En Israël, les agents qui travaillent en contact avec les moins de 3 ans se sentent moins valorisés que leurs collègues de l’enseignement préprimaire, mais on ne constate aucune différence pour les autres pays (OCDE, 2019[2]). Toutefois, ces pourcentages sont supérieurs à ceux qui concernent le premier cycle du secondaire, où seuls 26 % des enseignants se sentent valorisés par la société, en moyenne, dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2020[3]).
Pour attirer davantage de candidats dans le secteur, il est important de relever le statut de la profession et de briser les stéréotypes sur la question de savoir qui peut entrer dans la profession.
Le secteur de l’EAJE pour les moins de 3 ans doit proposer des avantages financiers plus attrayants aux diverses catégories de personnel tout en s’assurant que les agents reçoivent la formation nécessaire pour occuper un poste de professionnel du développement des enfants. Le secteur est souvent financé sur fonds privés, encore plus que l’enseignement préprimaire, c’est par exemple le cas, parmi les pays participants, en Israël. Si les augmentations de salaire sont financées grâce à une hausse du coût pour les familles, l’inégalité d’accès risque de se renforcer. La plupart des pays ont une marge de manœuvre limitée pour accroître les dépenses publiques, et les budgets d’EAJE sont en concurrence avec les budgets des autres niveaux d’éducation et des autres politiques publiques. Toutefois, augmenter les investissements publics dans l’EAJE pour les plus jeunes enfants peut être une priorité pour de nombreux pays vu les bénéfices qu’en tirent les enfants qui fréquentent ces structures et les parents et plus largement les sociétés et les économies. L’augmentation des investissements publics pourrait cibler la rémunération et la qualité de l’éducation et de la formation du personnel de façon à ce que les agents puissent exercer leur métier en tant que professionnels et relever le statut de ce dernier.
Il est en outre essentiel de créer des passerelles permettant à d’autres professions (par ex. dans les secteurs de l’éducation ou de la santé) d’accéder à une carrière dans l’EAJE, et de créer des possibilités d’avancement professionnel pour rendre cette carrière plus attrayante. Ces passerelles pourraient être facilitées par des systèmes permettant de reconnaître l’expérience et les compétences acquises dans d’autres emplois ou de manière informelle, par exemple pour les gens qui travaillent dans le secteur informel. La reconnaissance des compétences et des aptitudes acquises de manière informelle peut aussi faciliter l’avancement professionnel, et par exemple permettre de passer d’une fonction d’assistant à une fonction avec plus de responsabilités. En outre, des campagnes de communication pourraient permettre de sensibiliser un plus grand nombre de candidats et de lutter contre les stéréotypes, notamment en attirant dans la profession des gens plus qualifiés et davantage d’hommes.
Mesure 10 : examiner de quelle façon lutter contre certaines sources de stress professionnel
Étant donné que les personnes qui travaillent en contact avec les enfants de moins de 3 ans ont un environnement et des conditions de travail différents en fonction de leur rôle et du type de structure où elles travaillent, elles ont aussi des sources de stress différentes.
Dans les quatre pays participant, la plus grande proportion du personnel des centres a cité les éléments suivants comme étant d’importantes sources de stress : manquer de ressources, avoir trop d’enfants dans leur classe/salle de jeu, avoir plus de travail à cause du personnel absent et avoir trop de tâches supplémentaires. Un pourcentage élevé d’agents cite en outre le fait d’avoir trop de travail à faire pour se documenter sur le développement des enfants comme étant une source de stress, au Danemark (avec un faible taux de réponse) et en Allemagne, que ce soit dans les centres d’EAJE ordinaires ou dans les structures à domicile. En outre, dans les structures à domicile en Allemagne, le personnel cite le fait de devoir s’adapter à l’évolution de la réglementation et d’avoir trop de tâches administratives comme étant de grandes sources de stress, tandis qu’en Israël, c’est le fait d’être responsable du développement, du bien-être et de l’apprentissage des enfants qui est cité comme une importante source de stress par près de la moitié du personnel des structures à domicile.
Les politiques doivent prendre en compte la diversité des environnements et des conditions de travail. Remédier à la pénurie de personnel peut contribuer à réduire le stress dans les centres. Offrir des possibilités de formation au personnel qui manque de connaissances et de compétences dans des domaines fondamentaux touchant au développement des enfants peut aider les agents peu qualifiés à se sentir plus en confiance dans leur travail. Comme les enfants de moins de 3 ans ont constamment besoin d’attention, les tâches à exécuter hors de leur présence peuvent être source de stress. Ménager du temps pour accomplir celles-ci en distribuant mieux les rôles dans les centres et en réglementant les horaires de travail en contact avec les enfants dans les structures à domicile peut aider le personnel à accomplir ces diverses tâches. Il est certes important d’assurer un suivi au sujet de plusieurs aspects de la qualité des processus et des structures, mais les contraintes sur le plan administratif ne doivent pas être trop élevées, notamment pour les services à domicile ou les centres de petite taille, dans lesquels le personnel a plus de mal à trouver du temps hors de la présence des enfants.
Références
[3] OCDE (2020), Résultats de TALIS 2018 (Volume II) : Des enseignants et chefs d’établissement comme professionnels valorisés, TALIS, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/69e92fca-fr.
[1] OCDE (2019), Base de données TALIS Petite enfance 2018, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/education/school/oecdtalisstartingstrongdata.htm.
[2] OCDE (2019), Providing Quality Early Childhood Education and Care : Results from the Starting Strong Survey 2018, TALIS, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/301005d1-en.