La Suisse restitue les avoirs volés par des personnes politiquement exposées à leur pays d’origine, sur la base d’un dialogue constructif avec les gouvernements de destination. Les avoirs restitués sont utilisés pour favoriser le développement local ou renforcer l’état de droit, par exemple dans le cadre d’un programme de sécurité sociale au Nigéria. Parmi les facteurs de réussite figurent un dialogue précoce et un partenariat étroit entre les pays de transfert et d'accueil.
Une approche de la restitution des biens volés propice au développement
Abstract
Défi
La politique extérieure de la Suisse vise à promouvoir l’état de droit, la justice, la transparence et le bien-être. Le problème mondial de la corruption est un obstacle à la réalisation de ces objectifs, et les pertes annuelles subies par les pays en développement du fait d’actifs acquis illicitement sont estimées à un total compris entre 20 et 40 milliards USD. C’est pourquoi la Suisse prend des mesures pour lutter contre la corruption tant au niveau national qu’international. Il s’agit notamment de l’identification, du gel, de la confiscation et de la restitution des avoirs volés. Cela soulève des questions difficiles : comment faciliter la coopération internationale, qui est essentielle pour la confiscation des avoirs ? Comment restituer les avoirs confisqués pour soutenir le développement durable, tout en les empêchant d’être à nouveau volés ou détournés ?
Approche
La Suisse a développé une pratique et un cadre juridique pour le recouvrement et la restitution des avoirs volés par des personnes politiquement exposées. Les principaux éléments de l’approche suisse sont les suivants :
Partenariat : le pays d’origine et la Suisse nouent dès que possible un partenariat et le maintiennent tout au long du processus de recouvrement des avoirs. Au cours de la dernière phase, ils identifient le meilleur moyen de restituer les actifs et de mettre en œuvre des mesures de contrôle. Ils concluent un accord contraignant sur les modalités de restitution des avoirs.
Bénéfice pour la population : les avoirs restitués devraient être utilisés pour améliorer les conditions de vie ou renforcer l'état de droit dans le pays d'origine.
Surveillance : les systèmes de contrôle garantissent que les fonds sont utilisés comme prévu et favorisent la transparence et la reddition des comptes.
Participation des parties prenantes non gouvernementales : les parties prenantes non gouvernementales devraient être incluses dans le processus dans toute la mesure du possible.
Engagement international : la Suisse promeut le dialogue d’experts sur le recouvrement et la restitution des avoirs, et a contribué à la formulation, avec des partenaires, des Lignes directrices pour le recouvrement efficace des biens mal acquis.
Résultats
La Suisse a appliqué cette approche avec succès dans un certain nombre de cas.
En 2017, la Suisse, le Nigéria et la Banque mondiale ont signé un accord de restitution au Nigéria d’avoirs acquis illicitement pour un montant de 321 millions USD. L’un des principaux aspects de cette approche a consisté à trouver une solution qui réponde aux attentes du Nigéria, de la Suisse et de la société civile nigériane. À cette fin, les avoirs ont servi à financer un programme de sécurité sociale pour les plus pauvres, soutenu par la Banque mondiale. L’accord prévoit également des mesures de contrôle pour prévenir toute utilisation abusive des fonds et réagir si nécessaire.
En 2020, la Suisse a signé de nouveaux accords de restitution d’avoirs avec le Turkménistan et le Pérou, selon des approches similaires.
L’approche proactive de la Suisse a suscité un intérêt international.
Enseignements tirés
Les différents contextes juridiques, politiques et de développement entourant la restitution des avoirs volés nécessitent une approche au cas par cas. Il existe toutefois des normes de base telles que les Principes du Forum mondial sur le recouvrement d'avoirs (GFAR) qui constituent une référence essentielle pour garantir une restitution transparente, responsable et axée sur le développement des avoirs au pays partenaire. En particulier :
Dialogue précoce : la communication entre les pays concernés devrait commencer le plus tôt possible, se poursuivre tout au long du processus et répondre aux intérêts et aux attentes mutuels.
Responsabilité partagée et partenariat : les deux parties souhaitent veiller à ce que les avoirs restitués ne soient pas réutilisés à mauvais escient. Les accords de restitution renforcent la crédibilité des deux pays dans la lutte contre la corruption tout en contribuant aux objectifs de développement.
Participation d’organisations internationales et de parties prenantes non gouvernementales : la restitution des avoirs est essentiellement un processus entre deux États. Toutefois, la plupart des restitutions effectuées par la Suisse ont compté sur la participation d’organisations internationales dans la mise en œuvre et le suivi des projets de restitution. Les parties prenantes non gouvernementales peuvent aussi jouer un rôle important à cet égard.
Informations supplémentaires
Basel Institute on Governance, Les lignes directrices pour le recouvrement efficace des biens mal acquis, https://learn.baselgovernance.org/course/view.php?id=20&lang=fr.
Département fédéral des affaires étrangères, Avoirs illicites de personnes politiquement exposées, https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae/politique-exterieure/secteur-financier-economie-nationale/avoirs-illicites-ppe.html.
Département fédéral des affaires étrangères, L’accord trilatéral : la Suisse et le Luxembourg restituent au Pérou des valeurs patrimoniales d’origine illicite, https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-81674.html.
Département fédéral des affaires étrangères, La Suisse restitue 1,3 million de dollars au Turkménistan pour l’achat de médicaments, https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-77797.html.
Département fédéral des affaires étrangères, La Suisse restitue 321 millions de dollars au Nigéria sous la supervision de la Banque mondiale : signature d’un accord tripartite, https://www.dfae.admin.ch/eda/fr/dfae/dfae/aktuell/news.html/content/eda/fr/meta/news/2017/12/4/69088.
Département fédéral des affaires étrangères, Pour que le crime ne paie pas (brochure), https://www.eda.admin.ch/dam/eda/fr/documents/aussenpolitik/voelkerrecht/edas-broschuere-no-dirty-money_FR.pdf.
Département fédéral des affaires étrangères, Recovery of potentate assets (infographie), https://infogram.com/asset-recovery-en-1h7v4pwwm9o0j6k.
Global Forum on Asset Recovery, GFAR Principles for Disposition and Transfer of Confiscated Stolen Assets in Corruption Cases, https://star.worldbank.org/sites/star/files/the-gfar-principles.pdf.
Ressources de l’OCDE
OCDE (2019), Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : Suisse 2019, Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264312364-fr.
OCDE, The Anti-Corruption and Integrity Hub, https://www.oecd.org/corruption/integrity-forum/hub.
Pour en savoir plus sur la coopération suisse pour le développement, voir :
OCDE, « Suisse », dans Les profils de coopération au développement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7a819985-fr.