Allocution d'ouverture du
Secrétaire général Mathias Cormann
Paris, 1er juin 2021Avant de commencer mon allocution, je souhaiterais remercier tout particulièrement mon prédécesseur, M. Angel Gurría, de l’action qu’il a menée à la tête de cette organisation ces quinze dernières années.
Angel a servi l’OCDE avec un enthousiasme, un dévouement et une détermination hors pair.
Il en a accru l’influence, la pertinence et l’impact, l’a enrichie de nouveaux Membres, et a renforcé sa collaboration avec d'autres organisations multilatérales et régionales. Tous mes vœux l'accompagnent.
Permettez-moi également de féliciter le Costa Rica d’être devenu le 38e Membre de l’OCDE la semaine dernière.
Introduction
Je vous remercie de la confiance que vous m’avez témoignée en faisant de moi votre nouveau Secrétaire général.
Vous êtes les propriétaires de cette organisation et ce sera pour moi un honneur et un privilège de vous servir.
L’OCDE est une force de progrès dans le monde entier.
Nous avons tous la responsabilité de l’utiliser à son plein potentiel.
Notre objectif principal, en vertu de notre Convention, est de préserver la liberté individuelle et d'accroître le bien-être économique et social de nos citoyens.
Nous avons en partage un engagement en faveur de la démocratie, de l’État de droit, des droits humains, ainsi que des principes de l’économie de marché et d'un ordre international fondé sur des règles. Cet engagement est pour nous le meilleur moyen d’instaurer les niveaux les plus élevés de croissance durable, de prospérité et de bien-être pour tous.
Au cours des 60 dernières années, nous nous sommes affirmés comme l’instance mondiale de référence garante de ces valeurs et de ces principes qui ont résisté à l’épreuve du temps.
Il est de notre devoir de continuer à les préserver, les promouvoir et les faire progresser.
Programme d'action
L’Organisation de coopération et de développement économiques est votre organisation. Nous devons prioriser nos travaux pour vous apporter la plus grande valeur ajoutée.
Sur la base de nos discussions ces derniers mois, je souhaiterais mettre en avant cinq priorités principales.
1. Optimiser la solidité de la reprise économique post-COVID-19 au moyen d’une croissance plus forte, plus durable, plus verte et plus inclusive.
De nombreux pays à travers le monde doivent encore faire face à de grandes difficultés dues à la plus grave pandémie depuis plus d'un siècle.
La reprise reste inégale, bien que les perspectives continuent de s'améliorer.
La mission fondamentale que nous poursuivons de longue date – et qui reste notre mission la plus importante pour l’avenir – est de promouvoir une croissance économique plus forte, plus verte et plus juste et en même temps, élever les niveaux de vie et d’emploi.
Afin de donner les meilleures chances à une reprise durable, nous devons continuer à poursuivre nos efforts face au danger sanitaire immédiat, en faisant tout notre possible, par exemple pour rendre la vaccination accessible à l’ensemble de la population mondiale.
Il ne s’agit pas uniquement d’un acte charitable de la part d’économies avancées. Ce qui est en jeu, c’est la protection durable de nous tous ensemble contre le virus.
Nous devons tirer les leçons de cette pandémie afin d’être mieux préparés à l’avenir.
À cette fin, nous devons notamment mener une évaluation rigoureuse et détaillée, reposant sur des faits, des moyens de réduire autant que possible les coûts économiques et sociaux des mesures de santé publique nécessaires face à la pandémie.
Quelle sont les mesures les plus efficaces pour rouvrir nos économies en toute sécurité ?
Quelles autres actions, à moindre risque pour la santé publique, pouvons-nous mener pour favoriser le redémarrage de nos économies, au niveau des voyages et de la mobilité internationale? Le nouveau Cadre de l’OCDE pour la mobilité internationale, résultat d’un vaste processus de consultations mené entre les Membres de l’OCDE et d'autres organisations internationales, est déjà une contribution importante à cet objectif.
Nous devons programmer la transition d’un contexte de crise à un contexte de reprise et au-delà.
Cela signifie également tracer le chemin du soutien budgétaire d'urgence lors de la première phase de la crise, à la reprise, à un programme tourné vers l’avenir pour aider à stimuler une croissance plus forte et durable, offrant à tous des opportunités de participer et d’en bénéficier.
Nous devons envisager à quel moment et dans quelles circonstances il conviendra de commencer à rétablir notre résilience budgétaire.
Nous devons toujours garder à l’esprit ce qui fait notre force et notre résilience.
Les principes de l’économie de marché fonctionnent.
La concurrence mondiale, dans ce qu’elle a de plus positif, est un puissant moteur de progrès, d'innovation et d'amélioration des niveaux de vie.
Mais, la concurrence peut également perturber.
Elle peut entraîner des bouleversements sociaux que nous devons, ensemble, apprendre à mieux gérer.
Nous avons besoin de règles efficaces pour protéger nos valeurs et garantir des règles du jeu équitable.
Nous devons assurer un accès pour tous, à l’éducation, une formation de qualité tout au long de la vie, afin de donner à chacun les moyens d’y participer et d’en bénéficier.
Nous devons également soutenir ceux qui ont des difficultés dans la transition avec le système de mesures de protections sociales et d’accès à l’emploi approprié.
Pour autant, la concurrence est - et doit être - inévitable.
Nous préserver de la concurrence et de l’innovation ne les fera pas disparaître - cela ne fera que condamner de façon de plus en plus définitive ceux qui s’en seront affranchis.
C’est l'une des principales leçons de l'Histoire, et ce n’est pas ce que nous voulons pour les citoyens des pays Membres et non-Membres de l’OCDE.
Tout au long de la crise du COVID, nos chaînes d’approvisionnement mondiales se sont globalement révélées plus résilientes que nous le pensions au départ. Dans certains cas ils ont même gagné en profondeur.
Mais, notre système commercial international reposant sur des règles reste sous pression. Il faut préserver autant que possible l’ouverture des marchés. Les pays de l’OCDE ont l’opportunité de faire preuve d’unité, par exemple au sein de l’OMC, et de contrer ensemble les forces du mercantilisme, du nationalisme économique et du protectionnisme.
Nous devons restaurer la confiance du public dans la valeur des relations économiques mondiales et des approches multilatérales pour faire face à des défis communs.
À l’échelon national, nous devrons laisser nos économies s'adapter et, si nécessaire, supprimer les obstacles à la réallocation du capital et de la main-d'œuvre.
La protection, la restauration et la création du plus grand nombre d’emplois possible est au cœur de notre mission économique, et de celle de tous les gouvernements.
La plupart des emplois seront créés par le secteur privé, par des entreprises viables, performantes et en croissance.
Les PME, en particulier, seront essentielles à la croissance de l’emploi dont nos économies ont besoin. L’OCDE a un rôle essentiel à jouer dans l’identification des incitations et des mesures de soutien qui leur permettront de servir de moteurs d'une telle croissance.
Nous devons veiller à ce que notre cadre d'action facilite, favorise et encourage la reprise et l'investissement post-COVID.
Nous avons besoin de politiques propres à instaurer un environnement concurrentiel approprié et des règles du jeu équitables, en évitant la concentration et les distorsions des marchés, sources d'inefficience, et en réduisant les barrières à l’entrée de nouveaux acteurs sur les marchés.
Nous avons besoin de politiques efficaces visant à développer les compétences nécessaires pour favoriser l’adéquation entre l'offre et la demande d’emplois, dans une économie du 21e siècle en plein essor, aujourd'hui et demain.
Les efforts que nous déployons à l'appui de la reprise post-COVID nous fournissent une occasion remarquable de repenser nos politiques et nos pratiques à l'appui d'une croissance plus durable, en particulier au regard de nos objectifs relatifs au climat et à la croissance inclusive.
La politique consiste à bâtir un avenir meilleur. Il importe que nous gardions toujours à l’esprit les notions d’équité et de justice intergénérationnelles. Nous devons nous attacher, dans l’ensemble de nos domaines de travail, à construire un monde meilleur qui offre plus d’opportunités aux jeunes d’aujourd’hui et de demain.
La reprise nous donne également l’occasion de veiller à ce que les dimensions relatives à l’égalité des genres soient pleinement prises en compte dans l’ensemble de nos travaux. J’ai hâte de poursuivre mes consultations sur les moyens de progresser au mieux sur cette question, en m’appuyant sur les travaux de qualité menés par l’OCDE et ses Membres.
2. Susciter et promouvoir une impulsion décisive à l’échelon mondial autour d’actions ambitieuses et concrètes sur le changement climatique pour parvenir à la neutralité carbone.
Parer efficacement et concrètement au changement climatique est un enjeu de dimension véritablement planétaire, qui exige une impulsion décisive à l’échelon mondial et une coopération internationale.
Il est bon de voir que de plus en plus de pays s’engagent à atteindre la neutralité carbone dès que possible et au plus tard en 2050.
Le défi est de savoir comment transformer ces engagements en résultats et atteindre notre objectif de façon efficace, économiquement responsable, soutenu publiquement et sans laisser personne de côté.
En tant que nouveau Secrétaire général, avec vous et avec nos organisations partenaires, j’utiliserai toutes les capacités politiques et analytiques de l’OCDE pour assurer que nous jouons un rôle majeur en aidant à atteindre cet objectif.
Notre expertise respectée et appréciée à l’OCDE consiste à fournir une analyse comparative des données, des conseils sur les meilleures pratiques et une plate-forme de collaboration et de discussions multilatérales.
Grâce aux travaux menés par les différents comités et au sein de la famille de l’OCDE, avec l’Agence internationale de l’énergie, l’Agence pour l’énergie nucléaire, le Forum international des transports et d’autres encore, nous sommes en mesure d’établir une base de référence des résultats – pas seulement des engagements – ainsi que des indicateurs et des politiques en rapport avec le climat.
Dans les 100 jours qui viennent, nous devons rendre opérationnel le Programme international pour l’action face au changement climatique (IPAC) de façon à en voir les premiers résultats d'ici la Deuxième partie du Conseil des Ministres à l’automne et avant la COP26 qui se tiendra en novembre.
3. Saisir les opportunités et mieux gérer les risques associés à la transformation numérique de nos économies.
La transformation numérique de nos économies s’est accélérée au cours de la pandémie de COVID-19.
Ce phénomène ne se démentira pas au fur et à mesure du redressement de nos économies.
La transformation numérique de nos économies est source de bienfaits et ouvre de nouvelles potentialités, mais elle est également porteuse de risques et de défis inédits qui vont croissant.
Ces risques et défis devront être bien gérés si l'on veut que chacun ait la possibilité de prendre part à la transformation numérique et d’en bénéficier, qu’il s’agisse de la nécessité d’apporter des aides à la transition et d’améliorer les compétences pour s’adapter à l'avenir du travail, de la cybersécurité, du respect de la vie privée et des implications pour la politique fiscale de la transformation numérique d’une économie de plus en plus mondialisée.
Les analyses comparatives des données et des politiques, ainsi que les bonnes pratiques relatives à la définition de cadres réglementaires efficaces et fondés sur des valeurs dans le domaine du numérique revêtiront une grande importance. L’OCDE a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
4. Parvenir à la définition d'une approche multilatérale de la fiscalité/de la fiscalité numérique.
Les gouvernements du monde entier doivent être en mesure de générer les revenus dont ils ont besoin pour financer les services publics essentiels et les soutiens à la population de manière à la fois efficientes, avec le moins de distorsion possible, mais également juste et équitable.
Il est très important que nous continuons à mener la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales et que nous veillons que le numérique et toutes les grandes entreprises paient leur juste part.
L’OCDE a contribué avec succès à établir une approche juste et cohérente à l’échelle mondiale de la lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, celle-ci ayant fait l’objet d'un accord multilatéral.
Nous devons compléter ces travaux, notamment en facilitant la conclusion d’un accord sur un taux d'imposition minimum approprié au niveau mondial et en réduisant autant que possible le transfert de bénéfices permis par la transformation numérique de notre économie mondialisée.
Pour parvenir à un consensus viable, il faut également veiller à trouver le juste équilibre.
Je salue les effort récents des États-Unis visant à faciliter un consensus multilatéral raisonnable.
5. Redéfinir notre engagement à l'échelle mondiale, notamment en renforçant le rayonnement de l’OCDE dans la région Asie-Pacifique.
La concurrence entre les grandes puissances façonnera l’ordre mondial dans les décennies à venir. L’OCDE dans son ensemble doit œuvrer pour démontrer en quoi nos valeurs démocratiques et fondées sur l’économie de marché nous rendent plus forts politiquement, socialement et économiquement.
L’objet de notre engagement à l’échelle mondiale est de faciliter le dialogue sur les politiques et l'échange de connaissances, et de proposer des solutions multilatérales pour faire face aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés.
C’est également la raison pour laquelle l’action de l’OCDE à travers le G7, le G20, l’APEC et d'autres instances internationales revêt autant d'importance.
Les faits montrent que les valeurs et les principes sur lesquels reposent l’OCDE, ainsi que les normes et standards qui en découlent, offrent le plus d’opportunités pour les citoyens de nos pays Membres et au-delà de bénéficier de la meilleure qualité de vie possible.
C’est pourquoi nous sommes déterminés à les faire progresser et à les promouvoir.
L’adhésion à l’OCDE est en fin de compte le moyen le plus direct et le plus efficace de garantir l’application la plus large possible de ces valeurs et de ces normes.
A l’heure actuelle, six demandes d'adhésion ont été déposées.
Nous devons déterminer la suite à donner à ces demandes.
Je propose de mettre en place un processus informel avec les membres, pour explorer la meilleure façon d’y parvenir. Lorsque nous serons prêts, je proposerai une marche à suivre au Conseil.
Nous devons également explorer ensemble quel est le meilleur moyen de collaborer avec les Partenaires clés de l’OCDE, tant au niveau bilatéral qu’au sein d'instances multilatérales.
Notre stratégie de relations mondiales pour l’avenir doit également accorder une attention renouvelée à la collaboration avec la région Indo-Pacifique, y compris les pays de l’ASEAN et la Chine. Compte tenu du rôle central de cette région dans l’évolution de la croissance économique et démographique mondiales, de la demande d’énergie et de l'innovation, entre autres, elle est un chaînon essentiel dans la recherche de solutions concrètes à des défis de dimension mondiale.
Le Conseil de l’OCDE a récemment approuvé un cadre important permettant de guider notre collaboration avec la Chine. J’ai hâte de travailler avec vous pour donner effet à cette stratégie et pour finaliser la nouvelle stratégie de relations mondiales.
Nous devrions nous appuyer sur cette stratégie pour mieux définir le cadre de la future collaboration de l’OCDE avec les autres régions Partenaires, et notamment l’Afrique.
Nous devons aussi continuer à renforcer notre coopération pour le développement. Les pays à faible revenu ont plus que jamais besoin de notre coopération – pour assurer leur accès à la vaccination, aux échanges et aux financements nécessaires pour faire face au défi climatique.
Il sera important de maintenir et de renforcer notre engagement auprès de l’ensemble de nos parties prenantes, de collaborer avec d’autres organisations internationales et régionales sur des projets conjoints, de développer la présence du secteur privé et de la société civile dans nos débats, de mettre à profit la collaboration fructueuse avec Business at the OECD (BIAC) et le TUAC, entamée il y a plusieurs décennies, et de nouer des partenariats de plus long terme lorsque ceux-ci peuvent nous aider à obtenir des résultats importants au bénéfice de nos Membres.
Priorités en matière de gestion
La qualité de nos produits dépend de la qualité de nos collaborateurs, de nos structures institutionnelles et de gouvernance ainsi que de nos procédures.
Je me suis entretenu avec de nombreux ambassadeurs et représentants des pouvoirs publics de l’ensemble des Membres de l’OCDE.
J'ai perçu une forte aspiration à moderniser certaines de nos méthodes de travail.
Nos procédures internes doivent être à l’aune des meilleures pratiques mondiales.
Nous devons appliquer nous-mêmes les principes que nous préconisons en termes de gouvernance, de gestion, d'intégrité et d’efficience des ressources dans le secteur public.
Nous devons, en tant que Secrétariat, faire preuve de transparence et rendre compte à nos Membres, et en définitive, à nos opinions publiques.
Aux côtés des Membres, des directeurs et, à vrai dire, de l’ensemble du personnel, je chercherai à mener un programme de modernisation en vue d’apporter des améliorations dans plusieurs domaines essentiels. Il s'agira notamment de:
- rechercher l’excellence et la rigueur en matière de gestion, dans le cadre de structures de gouvernance adaptées à l’objectif poursuivi et s’appuyant sur des processus modernes ;
- rechercher la stabilité financière à long terme de l’Organisation, notamment en définissant mieux le rôle des Contributions volontaires dans les options de financement ;
- veiller au professionnalisme, à l'intégrité et à la diversité du personnel, notamment à un meilleur équilibre des genres;
- de favoriser et de valoriser la collaboration entre tous les secteurs de l’Organisation ;
- d’améliorer le dialogue et la communication avec les Membres ; et
- d’assurer un retour fluide et en toute sécurité dans les locaux au fur et à mesure que nous nous affranchirons de la pandémie.
J'ai mis en place un Groupe spécial de direction de la transition chargé de m’aider dans la mise en place des réformes les plus immédiates, et de me seconder également pour définir de possibles nouvelles réformes à élaborer en étroite coopération avec les Membres.
Si certaines de ces possibles réformes seront relativement simples à concrétiser, d'autres exigeront davantage de réflexion et de discussions, notamment sur la base d’évaluations externes formelles. Je soumettrai une proposition pour examen au Conseil en vue de nous aider à déterminer le meilleur moyen de procéder.
Clôture
Dans la mise en œuvre de ces priorités, qu’elles portent sur la substance ou sur la gestion, je veillerai à associer l’ensemble de l’OCDE.
Nous sommes tous concernés et ensemble, nous continuerons à représenter d’avantage que la somme des éléments qui nous constituent.
Je ne ménagerai aucun effort pour contribuer à bâtir une culture de la confiance, de la transparence et de la responsabilité à tous les niveaux de l’Organisation.
Il faut que tous les secteurs de l’Organisation travaillent ensemble pour atteindre notre objectif commun.
Je m’engage à donner à l’Organisation, aux Membres et au personnel le meilleur de moi-même, et je m’efforcerai de faire de l’OCDE un espace qui incite à la collaboration et à l’action afin de bâtir un avenir durable et inclusif.
Programme d'action