Ces dernières années, la Grèce a dépassé ses objectifs budgétaires et le déficit courant a diminué. Avant l'apparition de la pandémie, l’augmentation des recettes et une meilleure maîtrise des dépenses ont contribué à la constitution d’excédents budgétaires primaires réguliers et substantiels, rétablissant la crédibilité budgétaire du pays. La Grèce a réussi son retour sur le marché obligataire international et les agences de notation ont relevé sa note souveraine. L’économie a gagné en ouverture, même si le choc lié à la pandémie devrait freiner la croissance des exportations.

Le ratio de la dette publique, déjà élevé, devrait encore augmenter à cause de la chute très marqué du PIB nominal et, dans une moindre mesure, du soutien budgétaire déployé à la suite de la crise liée au COVID-19. À mesure que l’économie va à nouveau se redresser et que le budget renouera avec un excédent primaire, le ratio de la dette publique devrait recommencer à fléchir, aidé en cela par le faible niveau des taux d’intérêt. La décision de la Banque centrale européenne d’inclure des titres émis par l’État grec dans son programmes d'achat d'actifs a permis de contenir les rendements obligataires en deçà de leurs niveaux de la mi-2019.

Les réformes passées des marchés du travail et des produits ont eu pour effet d'améliorer la compétitivité-prix de la Grèce, si bien que le pays sera bien placé lorsque la demande, intérieure comme étrangère, repartira. Au début de 2019, le salaire minimum a été relevé en Grèce pour la première fois depuis plusieurs années et le salaire minimum réduit a été supprimé. Ces mesures ont permis de stimuler les revenus sans effet négatif visible sur l’emploi avant le choc lié au COVID-19. Après ce choc, le réexamen du salaire minimum prévu en 2020 a été repoussé à 2021. Des mécanismes visant à étendre les conventions collectives sectorielles aux entreprises non signataires ont été réintroduits, et des possibilités de dérogation sous condition ont été prévues à la fin de 2019.

Le choc lié au COVID-19 risque d’exacerber les enjeux auxquels le marché grec du travail est confronté depuis longtemps. Le taux d’emploi a augmenté au cours des six dernières années, mais reste l’un des plus faibles des pays de l’OCDE, et les salaires sont peu élevés. Le taux d’emploi des femmes et des jeunes reste peu élevé. Le manque de structures d’accueil de jeunes enfants et de personnes âgées restreint les perspectives d’emploi des femmes, car c’est souvent à elles qu’incombe leur prise en charge. L’absence de perspectives a poussé de nombreux jeunes talentueux à émigrer, ce qui pèse sur le potentiel d’entrepreneuriat et d’innovation du pays. Les difficultés d’intégration des migrants sur le marché du travail et dans le système éducatif, et le soutien limité apporté par les autres pays de l’UE pour faire face à l’afflux massif de demandeurs d’asile, viennent encore ajouter à ces difficultés. La crise du COVID-19 risque d'aggraver ces problèmes dans un contexte où les créations d’emplois se sont effondrées et où un grand nombre de demandeurs d’emploi, découragés, ont quitté la population active.

La pauvreté et le dénuement matériel, s’ils diminuent, restent élevés, notamment parmi les jeunes et les familles. Grâce à des réformes passées, le système de protection sociale de la Grèce était bien mieux préparé à faire face à un choc de grande ampleur qu’au début de la crise financière mondiale. Les mesures temporaires de soutien aux revenus prises par le gouvernement ont permis de protéger les revenus des ménages du choc lié au COVID-19. Toutefois, malgré les améliorations observées ces dernières années, les taux de pauvreté des jeunes et des familles avec enfants restent élevés, le sort des retraités étant bien meilleur. Cette situation, conjuguée à l'impact considérable du choc lié à la pandémie sur la population d’âge actif et sur les jeunes, montre bien la nécessité de s’attaquer aux déséquilibres intergénérationnels du système de protection sociale. Les prestations de retraite en pourcentage du PIB restent parmi les plus élevés de tous les pays de l’OCDE. Les modifications de l’action publique opérées à la mi-2019 vont encore faire augmenter les dépenses de retraite à court terme, même si d’autres réformes antérieures permettront d’en réduire considérablement le poids sur l'économie à moyen et à long terme. Le choc provoqué par la pandémie fait apparaître au grand jour la nécessité de poursuivre la modernisation du système de protection sociale de la Grèce dans le sens d'un meilleur ciblage des programmes de lutte contre la pauvreté sur les personnes dans le besoin et d'un renforcement marqué des dispositifs de recyclage.

Quoique basculant progressivement vers les secteurs exportateurs, l’activité économique reste concentrée dans des secteurs traditionnels et peu innovants, contribuant à la lenteur des gains de productivité. Les entreprises de petite taille, faiblement productives, continuent de jouer un rôle prépondérant dans l’économie. Malgré des progrès récents, comme le passage au numérique de l’administration publique, la charge fiscale élevée, les démarches administratives, la médiocre qualité des réglementations et la lenteur du système judiciaire lent nuisent à l’environnement des affaires, décourageant l’investissement national et étranger et empêchant les entreprises de prospérer. Dans les banques, les prêts non performants (PNP), qui étaient en recul avant le choc lié au COVID-19, restent élevés, ce qui freine la capacité des banques à financer l’investissement. Elles risquent d'augmenter encore sous l’effet des contraintes de liquidités auxquelles sont soumises de nombreuses entreprises depuis ce choc. Le gouvernement a mis en place des lignes de crédit et garanties disponibles à titre temporaire pour y remédier. Néanmoins, il reste urgent d'abaisser durablement le niveau des PNP dans les bilans des banques.

Les citoyens grecs jouissent d’une bonne santé, mais les résultats en matière de qualité de l’environnement et de logement nuisent à la satisfaction globale de la population à l’égard de l’existence. Dans les zones métropolitaines, la pollution de l’air est élevée, exposant une fraction de la population plus importante que dans la plupart des pays de l’OCDE à des risques pour leur santé. Le traitement des déchets repose encore trop largement sur des mises en décharge et les décharges illégales restent répandues.

Des réformes ambitieuses et de grande ampleur sont indispensables pour surmonter le choc provoqué par le COVID-19 et relever durablement le bien-être

La pandémie fait peser de lourdes incertitudes sur les perspectives à court terme Les réponses annoncées à ce jour par le gouvernement permettront de soutenir les revenus et les entreprises jusqu’en 2021 si aucune nouvelle vague d'infections ne se manifeste. Une deuxième vague freinerait encore la demande dans le tourisme et les services, et nécessiterait d’étendre les aides des pouvoirs publics. Aider les entreprises et leurs travailleurs à faire monter en gamme leurs activités et leurs compétences et à se tourner vers des secteurs ouvrant davantage de perspectives permettra d’accélérer la reprise et de rendre l’économie et la société plus résilientes.

Une fois passée l’urgence liée au COVID-19, la Grèce pourra à nouveau se concentrer sur un programme de transformation à moyen terme destiné à redonner de la vigueur à la reprise en s’appuyant sur une croissance plus forte et inclusive. Le gouvernement travaille actuellement à un programme de réforme répondant à quatre objectifs stratégiques : protéger l’économie du choc provoqué par la pandémie, soutenir la reprise économique, stimuler les taux de croissance à long terme et développer l’inclusivité. Dans le droit fil de ce programme, la présente Étude propose un ambitieux programme de réformes visant à favoriser la croissance de l’emploi, de la productivité et de l’investissement et à améliorer le bien-être. Cet ensemble comprend des mesures destinées à encourager et aider davantage de personnes à trouver un emploi ainsi qu’à stimuler l’innovation en abaissant et en répartissant plus équitablement la charge fiscale et en améliorant l’administration publique. Ces mesures permettraient d’ajouter 1 point de pourcentage à la croissance annuelle du PIB tendanciel d’ici 2030. Avec une croissance plus vigoureuse et un excédent budgétaire primaire solide de 2.2 % du PIB, le ratio dette-PIB pourrait diminuer régulièrement à long terme.

Les mesures de restauration du système bancaire doivent s’accélérer. Les pouvoirs publics sont en train de mettre en œuvre un nouveau mécanisme de protection des actifs (Hercule) pour aider les banques à se défaire de leur important stock de prêts non performants. Ce plan devrait permettre d’abaisser de manière sensible les prêts non performants des banques au cours des deux prochaines années. Cependant, le choc provoqué par la pandémie a ralenti les progrès, et d’autres mesures s’imposent pour s’attaquer à l’important stock de prêts non performants qui va subsister et améliorer la qualité des fonds propres des banques.

Relever la productivité est crucial pour améliorer les niveaux de vie et compenser l’impact largement négatif de l’évolution démographique. Pour accélérer les gains de productivité, des efforts supplémentaires seront nécessaires pour abaisser les obstacles à la concurrence, notamment dans les services professionnels, dont les notaires, les avocats et les pharmaciens, et augmenter l’efficience et l’efficacité de l’administration publique (y compris du système judiciaire). Cela permettrait de renforcer l’état de droit, réduisant ainsi les coûts et incertitudes entourant l’exercice des affaires en Grèce, ce qui aurait pour effet d’attirer davantage d’investissement direct étranger et d’aider à rétablir la confiance dans les institutions publiques. Les efforts déployés par le gouvernement pour réduire les formalités administratives et à accroître la transparence et l’efficience du secteur public, notamment par le recours à des technologies numériques, sont les bienvenus, et ont fait la preuve de leur efficacité pendant la période de confinement. Les efforts de prévention et de poursuite de la corruption doivent être menés conformément aux meilleures pratiques internationales. La création récente d’une Autorité nationale de la transparence indépendante va dans la bonne direction.

La qualité des dépenses publiques doit progresser encore, de même que l’équité et l’efficience du système fiscal. Améliorer encore la conception et la mise en œuvre d’examens efficaces des dépenses, et faire en sorte que leurs résultats soient disponibles à un stade précoce du cycle budgétaire, permettraient de réaffecter des ressources au profit des programmes et investissements publics les plus efficaces. Poursuivre l’élargissement de la base d’imposition en continuant d’améliorer la discipline fiscale volontaire et en luttant contre la fraude fiscale sont autant de mesures indispensables pour abaisser les taux d’imposition légaux, qui sont élevés, rendre le système fiscal plus équitable et préserver la crédibilité budgétaire. Abaisser les taux élevés des cotisations sociales des employeurs, en particulier pour les faibles revenus, permettrait de soutenir l’emploi et de réduire le secteur informel.

Étoffer les programmes actifs du marché du travail, l’enseignement et la formation professionnelle permettrait d’améliorer la capacité d’adaptation de la main-d’œuvre au choc lié au COVID-19 et aux évolutions du marché du travail. Les compétences des travailleurs sont souvent en décalage avec les besoins des employeurs, tandis que les personnes sans emploi risquent de tomber dans le chômage de longue durée. Développer la capacité des services publics de l’emploi permettrait d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi et d’élargir l’accès des demandeurs d’emploi à des formations. Les programmes de travaux d’intérêt public aident les chômeurs de très longue durée à conserver des liens avec le travail, mais leur volet de formation pourrait être grandement amélioré pour renforcer les perspectives d’emploi de ceux qui en bénéficient. Mettre en œuvre les volets « activation » et « inclusion sociale » du mécanisme de garantie de revenu aurait pour effet d’augmenter les chances des bénéficiaires d’obtenir de solides gains de revenu grâce à l’emploi. Faire en sorte que les entreprises puissent invoquer rapidement et efficacement, si elles peuvent y prétendre, les nouvelles clauses de dérogation aux conventions collectives sectorielles, permettrait d’améliorer le lien entre salaires et productivité et donnerait aux employeurs davantage de flexibilité tout en favorisant le dialogue social.

L’éducation est fortement valorisée en Grèce, mais cela ne se traduit pas par une aptitude immédiate au travail, et les adultes sont peu nombreux en proportion à suivre une formation continue. Des mesures depuis longtemps attendues sont actuellement prises pour améliorer la qualité de l’enseignement scolaire, en donnant une certaine autonomie aux enseignants et en évaluant leurs performances. Procéder à la régularisation du grand nombre d’enseignants temporaires en leur offrant des contrats qui permettent de récompenser les bonnes performances et de leur offrir des perspectives de carrière tout en évitant la rigidité des contrats actuels permettrait d’améliorer le bien-être des enseignants et la qualité de l’enseignement. Des réformes de l’enseignement post-secondaire ont le potentiel d’améliorer la formation professionnelle et d’ouvrir aux adultes l’accès à la formation continue et à l’acquisition de compétences. Il est particulièrement urgent de développer les compétences numériques des adultes, étant donné les risques que la révolution numérique et l’automatisation font peser sur l’emploi.