Le gouvernement a étendu ses aides budgétaires, ralentissant ainsi le retour à l’excédent budgétaire. Les subventions aux prix de l’électricité et des carburants destinées aux ménages et aux entreprises ont été élargies, et les transferts sociaux en direction des ménages à faible revenu ont été augmentés. Le redressement de l’activité et la flambée des prix ont eu pour effet de doper les recettes. Le ratio dette publique/PIB a baissé, revenant à son niveau d’avant la crise du COVID-19, et grâce à une gestion judicieuse de la dette, les frais financiers sont maîtrisés. Cependant, les aides énergétiques décidées par le gouvernement ont retardé le retour de l’excédent budgétaire primaire à son objectif à moyen terme compris entre 1.5 et 2 % du PIB, empêchant la Grèce d’obtenir rapidement une note souveraine de catégorie investissement.

Après une décennie pendant laquelle l’inflation a été l’une des plus modestes de toute la zone OCDE, la Grèce a vu la hausse des prix s’accélérer à mesure que les tensions sur l’offre se sont généralisées. Les fortes augmentations des prix de l’énergie et de l’alimentation ont poussé l’inflation à des niveaux les plus élevés observés depuis plus d’un quart de siècle (Graphique 1). L’utilisation des capacités, les coûts des intrants, les salaires et les anticipations d’inflation ont tous augmenté. Sur certains marchés clés, le caractère limité de la concurrence et le grand nombre de petites entreprises à faible marge et peu productives ajoutent aux tensions sur les prix.

Après 12 années de progression modeste, les salaires sont orientés à la hausse. Le gouvernement a relevé le salaire minimum de près de 10 % au cours du premier semestre de 2022. Certaines catégories de travailleurs possédant des qualifications très demandées, notamment dans le domaine des TIC ou de la construction, voient leurs salaires progresser fortement. Les relèvements du salaire minimum offrent certes un filet de sécurité aux travailleurs ayant un faible pouvoir de négociation, mais ils sont devenus la principale source d’ajustement des salaires de nombreux travailleurs touchant plus que le minimum. Les négociations collectives sectorielles portant sur les salaires et les conditions de travail devraient être plus favorables aux revenus et à la productivité.

Les concours bancaires aux entreprises ont commencé à augmenter, premier pas vers le financement du renouvellement du stock de capital privé. La santé des banques s’améliore. Le mécanisme de titrisation Hercules permet aux banques de sortir de leur bilan une grande partie de leurs prêts non performants à un rythme supérieur à celui de l’apparition de nouvelles créances douteuses. Le capital réglementaire des banques, s’il satisfait aux exigences de la réglementation, est en train de s’amenuiser du fait de ce processus, et il se compose pour 58 % de crédits d’impôt différés. Pour accroître l’accès aux financements, le gouvernement rétrocède des prêts qu’il a obtenus au titre du plan de relance Next Generation EU à quelques banques grecques et institutions financières européennes pour financer de nouveaux investissements privés, mais cette pratique comporte des risques de mise en œuvre. La résolution des prêts non performants permettra de libérer les débiteurs et les actifs donnés en garantie. La résolution implique souvent une restructuration ou la mise en œuvre de procédures d’insolvabilité, qui vont être facilitées par le redressement de l’économie, la mise en œuvre du nouveau cadre d’insolvabilité et les efforts de raccourcissement de la durée des procédures judiciaires.

La dette publique a diminué en proportion du PIB, mais elle reste élevée. Du fait d’une structure composée principalement d’échéances longues avec des taux fixes peu élevés, l’exposition directe de la Grèce à la hausse des taux des marchés est limitée. Parmi les sources de tensions budgétaires futures, on peut citer les besoins d’investissement considérables et la réalisation possible de passifs éventuels.

L’ambitieux plan pour la reprise et la résilience de la Grèce prévoit un grand nombre de réformes et d’investissements destinés à améliorer les performances du secteur public et à alimenter la croissance. La mise en œuvre du plan a démarré pour de bon, et progresse sous la houlette de plusieurs organismes dédiés. Ces dernières années, la faiblesse des taux de décaissement a freiné l’investissement public. Les réformes récentes des investissements publics peuvent contribuer à la résolution de difficultés comme la pénurie de personnel correctement formé ou la fragmentation des responsabilités entre un grand nombre d’organismes différents, par exemple pour les marchés publics. De nouveaux organismes spécialisés dans la mise en œuvre et l’audit des projets publics peuvent en outre aider à renforcer la qualité et l’intégrité des dépenses, confortant les améliorations récentes de la perception de la corruption.

Les baisses d’impôts récentes ont permis de réduire le coin fiscal sur les revenus du travail, qui est élevé. D’une manière générale, la discipline s’améliore, mais d’importantes insuffisances subsistent. L’assiette des taxes sur la consommation et des impôts immobiliers périodiques a été élargie, et certains taux ont été abaissés. Les taux de l’impôt sur le revenu et ceux des cotisations de sécurité sociale sont actuellement revus à la baisse. Un grand nombre d’allégements fiscaux ciblés ont été introduits pour différents impôts afin de servir des objectifs spécifiques de l’action publique. En Grèce, certains taux d’imposition et prélèvements, comme ceux qui frappent les bénéfices distribués, sont maintenant relativement modestes.

La part des adultes occupant un emploi est inférieure à celle observée dans d’autres pays de l’OCDE, surtout chez les femmes et les jeunes, malgré le redressement de l’emploi après la pandémie de COVID-19 (Graphique 1). Pourtant, des pénuries de compétences sont en train d’apparaître, et le vieillissement démographique réduit la population en âge de travailler. La faiblesse passée de l’investissement privé pèse sur la productivité et sur la capacité des entreprises à exploiter les possibilités qui s’ouvrent dans les domaines de la transformation numérique et de la transition vers l’économie verte.

La forte croissance de l’emploi récemment enregistrée doit se poursuivre pour que la Grèce puisse atteindre les taux observés dans d’autres pays de l’OCDE. Le service public de l’emploi peut aider à mieux apparier les demandeurs d’emploi et les employeurs. Il est maintenant davantage en mesure d’établir des programmes individualisés de soutien à l’emploi, ce qui peut être particulièrement utile aux jeunes à la recherche d’un travail, mais sa mission est compliquée par le grand nombre de chômeurs inscrits dont les liens avec le monde du travail sont distendus. La part des femmes dans l’emploi rémunéré, relativement modeste, augmente progressivement, à mesure que les modalités d’organisation du travail gagnent en flexibilité et que les travailleurs sont davantage en mesure de les influencer. À condition qu’il soit largement adopté, le nouveau dispositif de congé paternité pourrait contribuer à améliorer le partage des tâches domestiques. Les travailleurs nés à l’étranger représentent une fraction importante de la population active de la Grèce, mais leurs compétences sont souvent non reconnues et sous-utilisées.

Cela fait maintenant plusieurs années que l’investissement privé est faible (Graphique 3). La rareté des financements, la proportion élevée de très petites entreprises et une dynamique limitée expliquent en partie cette faiblesse. La rationalisation des procédures administratives complexes dans le cadre des efforts de transformation numérique du secteur public contribue à améliorer l’environnement des entreprises. La transformation numérique et la transition vers une économie verte créent de nouvelles possibilités d’investissement. L’augmentation de l’investissement direct étranger ouvre également aux entreprises nationales des perspectives de relèvement de leur productivité et d’élargissement de leurs marchés. Développer le rôle des moyennes et des grandes entreprises et approfondir les capacités de gestion aideront la Grèce à exploiter ces possibilités.

L’économie grecque reste fortement émettrice de gaz à effet de serre (GES), en grande partie à cause de son recours aux combustibles fossiles. Le remplacement des combustibles fossiles par des énergies renouvelables contribuerait à la réalisation des objectifs de réduction des émissions (Graphique 4). Pour cela, les consommateurs d’énergie devront investir et s’adapter.

La transformation du système énergétique devra impérativement être économiquement efficiente compte tenu des besoins d’investissement importants et de la marge de manœuvre budgétaire limitée ainsi que de la rareté des financements. Accroître l’efficacité énergétique des bâtiments offre des perspectives d’économie d’énergie importantes, mais nécessite des investissements initiaux considérables. S’agissant du transport, délaisser la route au profit du système ferroviaire sous-utilisé en Grèce permettrait de réduire les émissions pour un coût modeste par rapport à celui du remplacement des véhicules utilisant des carburants fossiles par d’autres solutions faiblement émettrices. En renforçant la tarification du carbone tout en protégeant les groupes vulnérables et en durcissant progressivement la réglementation relative à l’utilisation des combustibles fossiles et à l’efficacité énergétique, il est possible de rendre l’action publique plus stable et prévisible. Une telle évolution sera essentielle pour orienter les investissements et les capacités productives pendant cette longue période de transition.

La Grèce est particulièrement exposée au réchauffement climatique qui s’accompagne de phénomènes météorologiques extrêmes, d’une érosion des côtes et d’une baisse des précipitations. L’adaptation au changement climatique nécessitera un ajustement des infrastructures publiques ainsi que des mesures propres à encourager la population à prendre des mesures de protection. Publier des informations sur les risques et les mesures de protection, et faire en sorte de développer la couverture des biens par des assurances, actuellement faible, de façon à clarifier le partage des risques entre les secteurs public et privé, sont autant de mesures qui peuvent réduire les vulnérabilités et limiter les coûts budgétaires.

Les politiques climatiques peuvent se heurter à des oppositions et le risque d’une marche arrière existe. La responsabilité de la mise en œuvre des politiques climatiques est répartie entre de nombreux organismes, ce qui en affaiblit la mise en œuvre. Nombreux sont les travailleurs et les entreprises qui vont devoir adapter leurs compétences et leurs activités. Les mesures d’activation du marché du travail en lien avec le climat concernent en premier lieu les travailleurs des secteurs les plus directement exposés.