La Lituanie est parvenue à sortir de la crise liée au COVID-19, mais se trouve aujourd’hui aux prises avec les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La croissance ralentit et l’inflation est aujourd’hui parmi les plus fortes de la zone euro, poussée par les prix élevés de l’énergie et des produits alimentaires. La politique budgétaire se durcit, sur fond de révision du budget destinée à aider les ménages et les entreprises à surmonter la crise énergétique et à soutenir les réfugiés ukrainiens. Les coûts liés au vieillissement démographique augmentent. Accélérer la réforme des entreprises publiques et moderniser le système d’enseignement à tous les niveaux stimuleront la productivité et l’emploi. La réduction de la pauvreté et des disparités entre régions, l’amélioration de la qualité des institutions et la diminution des émissions de carbone contribueront à rendre l’économie lituanienne plus inclusive et plus durable.
Études économiques de l’OCDE : Lituanie 2022 (version abrégée)
1. Principaux éclairages sur l’action publique
Abstract
Introduction
L’économie lituanienne est parvenue à sortir de la crise liée au COVID-19, mais se trouve aujourd’hui aux prises avec les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La Lituanie figurait parmi les économies de l’OCDE ayant connu la plus forte croissance durant la dernière décennie en termes de PIB par habitant, à la faveur d’une augmentation de ses exportations et de son intégration dans les chaînes de valeur mondiales (Graphique 1.1). L’action efficace et déterminée des pouvoirs publics a permis de soutenir les ménages et les entreprises tout au long de la pandémie et explique que, de tous les pays européens, la Lituanie est celui où la récession provoquée par cette crise a été la plus légère. Le taux de vaccination élevé contribue à protéger la population contre une nouvelle vague de COVID‑19. Les autorités se sont lancées dans un programme ambitieux pour doper l’investissement dans les infrastructures, l’innovation, l’éducation, la transformation numérique et l’action climatique, avec le concours des fonds de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l’Union européenne (UE). La solidité du cadre macroéconomique et financier et un climat des affaires favorable renforcent l’efficacité de l’action publique. Après une longue période d’émigration nette, le solde migratoire est devenu positif en 2018.
L’agression de la Russie contre l’Ukraine va considérablement affecter l’économie lituanienne (Encadré 1.1). La Lituanie enregistre l’un des taux d’inflation les plus élevés de toute la zone euro, sous l’effet de la montée en flèche des prix de l’énergie, de l’alimentation et du logement. La Russie est l’un des principaux partenaires commerciaux de la Lituanie, ce qui fragilise son économie exposée à l’impact de la guerre, même si l’essentiel de ses échanges avec la Russie consiste en commerce de transit. Au printemps, la Lituanie a cessé d’importer du pétrole, du gaz et de l’électricité de Russie. Une vague de réfugiés en provenance d’Ukraine et du Bélarus pourrait peser sur la capacité d’absorption de la Lituanie et nécessiter une aide humanitaire considérable. Étant donné la nature du choc, les mesures prises par les pouvoirs publics devront être soigneusement pesées. Au vu de ces évolutions, la Lituanie a actualisé son budget en avril pour pouvoir consacrer plus de ressources à des aides à court terme en faveur des ménages et des entreprises, ainsi qu’à des investissements dans la sécurité énergétique.
Outre la crise induite par la guerre, la Lituanie doit relever plusieurs autres défis ayant trait principalement à la productivité et à l’emploi (Graphique 1.2). La productivité s’est accélérée ces dernières années, mais elle demeure en deçà de la moyenne de l’OCDE. Le taux d’activité est bien supérieur à la moyenne de l’OCDE, si bien qu’il ne faut pas en attendre une importante contribution supplémentaire au PIB. Le taux de chômage reste élevé malgré une croissance vigoureuse, témoignant de déséquilibres sur le marché du travail, notamment d’un décalage considérable entre les offres et les demandes de compétences et d’emploi. L’investissement, tant public que privé, demeure résolument faible. Le large périmètre d’activité des entreprises publiques et l’inadéquation de la réglementation des transports, premier secteur d’exportation de services de la Lituanie, pourraient également brider la hausse de la productivité. La confiance dans l’administration et la qualité des institutions est inférieure à la moyenne de l’OCDE. La pandémie a réduit l’espérance de vie des hommes, déjà parmi les plus faibles de l’OCDE, de 1.7 année (1.3 année pour les femmes) en 2020, soit la réduction la plus forte de tous les pays européens membres de l’OCDE (OECD, 2018[1]).
Encadré 1.1. L’impact de la guerre en Ukraine sur la Lituanie
L’agression de l’Ukraine par la Russie est d’abord une tragédie humaine, mais elle a aussi des conséquences pour l’économie lituanienne. À la fin du mois d’août, plus de 60 000 réfugiés ukrainiens, soit l’équivalent de 2 % de la population lituanienne, étaient entrés en Lituanie, les arrivées ayant progressivement diminué pour s’établir à moins d’une centaine par jour. Les Ukrainiens constituent déjà le principal groupe d’étrangers non ressortissants de l’UE vivant en Lituanie. À compter du mois de mars, les réfugiés ukrainiens ont pu, via une procédure simplifiée, obtenir le statut de réfugié leur assurant le plein accès aux services sanitaires et sociaux et au marché du travail. Les réfugiés aident également à atténuer les pénuries de main-d’œuvre. Les enseignants ukrainiens sont autorisés à enseigner dans leur langue. Les procédures de délivrance des permis de travail ont été également simplifiées pour les ressortissants de Russie et du Bélarus, dans l’objectif affiché de relocaliser vers la Lituanie de la main-d’œuvre qualifiée et des entreprises de ces pays.
Les échanges commerciaux avec la Russie, le Bélarus et l’Ukraine s’effondrent. Au début du mois d’avril, la Lituanie a cessé d’importer du gaz de Russie et utilise à la place le terminal méthanier de Klaipéda pour son approvisionnement, devenant ainsi le premier pays de l’UE à renoncer aux livraisons de gaz en provenance de la Russie. En mai, elle a cessé toutes les autres importations énergétiques en provenance de Russie. Le transport ferroviaire devrait diminuer de près de la moitié par rapport à son niveau de 2021. Le trafic entre la Russie et son enclave de Kaliningrad, qui traverse la Lituanie, s’est contracté et ne représente plus qu’une fraction de ce qu’il est habituellement, du fait du durcissement continu des sanctions de l’UE. Le taux de croissance des exportations de services - de transport essentiellement - devrait chuter et passer d’environ 14 % en 2021 à 4 % en 2022. Les prix du pétrole ont presque doublé depuis décembre 2021 et l’inflation globale dépassait 22 % en septembre. La Lituanie exporte des produits agricoles, ce qui signifie que la hausse des prix alimentaires affecte les ménages mais profite aux exportateurs. À la fin mars, la banque centrale a publié divers scénarios, le plus optimiste prévoyant une croissance du PIB à 2.7 % en 2022, tandis que le scénario du « choc sévère » aboutissait à une contraction à 1.2%, dans l’hypothèse d’un arrêt complet de la totalité des exportations vers la Russie, le Bélarus et l’Ukraine et d’une réduction d’un cinquième des importations en provenance de ces mêmes pays. Dans le scénario optimiste, les projections d’inflation sont de 10.5 % en 2022, contre 11.5 % dans celui du choc sévère.
Au début du mois d’avril, le gouvernement a présenté un projet de loi de finances révisé, intitulé « Atténuer les effets de l’inflation et renforcer l’indépendance énergétique », dans lequel une enveloppe d’environ 1.4 % du PIB est affectée en 2022 au soutien des ménages et des entreprises pour les aider à absorber les chocs sur les prix de l’énergie, à améliorer leur efficacité énergétique et à diversifier leurs approvisionnements. Les prix de l’énergie sont ainsi plafonnés à 140 % de leurs niveaux d’avant la guerre jusqu’à la fin de 2022, les fournisseurs étant dédommagés de leurs pertes de recettes. Afin de soutenir un peu plus les ménages, les pensions de retraite ont été revalorisées, l’imposition sur le revenu réduite pour les plus modestes, et les prestations versées sous conditions de ressources, déjà revalorisées en décembre 2021, le seront à nouveau. Une part notable des investissements destinés à renforcer l’indépendance énergétique est affectée à la rénovation et la réhabilitation des immeubles collectifs ainsi qu’aux aides à la production publique et privée d’énergie solaire et éolienne et au stockage d’électricité. Ces dépenses figuraient déjà pour partie dans les budgets antérieurs et la moitié environ sont financées par des fonds de l’UE. Une autre enveloppe, égale à 0.6 % du PIB, est inscrite au budget pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens.
Source : Divers organismes publics ; et Banque de Lituanie (Lietuvos bankas).
L’accélération sur la voie de la transformation numérique sera un moyen essentiel pour stimuler la productivité dans l’ensemble de l’économie. Si le pays a progressé dans ce domaine, il y a encore matière à accroître l’investissement dans l’innovation et à lever les obstacles à l’adoption des technologies de pointe dans les entreprises, en particulier dans les petites entreprises, notamment en s’attaquant aux disparités régionales observées dans les infrastructures numériques et en améliorant l’accès au financement. Il faut renforcer les compétences numériques pour assurer une transition solide vers l’économie numérique et une répartition équitable des avantages de la transformation numérique. Le gouvernement élabore actuellement une stratégie en la matière pour tirer parti des nouvelles technologies numériques et doper l’innovation et la productivité.
La Lituanie connaît toujours des déséquilibres sociaux et régionaux considérables. Les inégalités de revenu demeurent fortes, comme c’est souvent le cas dans les économies en croissance rapide (Graphique 1.3). La pauvreté augmentait il y a quelques années encore, mais a amorcé un repli depuis peu. La pauvreté des personnes âgées est particulièrement préoccupante. Compte tenu du vieillissement rapide de la population, le gouvernement devra trouver les moyens d’améliorer l’adéquation du système de retraite tout en préservant sa viabilité. Les disparités de productivité et d’emploi d’une région à l’autre sont grandes, malgré la petite taille du pays. Le gouvernement s’attaque toutefois résolument à ces inégalités sociales et régionales. Le niveau et l’efficacité des dépenses sociales sont en hausse et des réformes institutionnelles sont en cours pour déléguer plus de compétences aux collectivités locales et les doter davantage en ressources afin qu’elles puissent élaborer leurs propres politiques d’investissement et de croissance.
Dans ce contexte, les principaux messages adressés à la Lituanie sur la base de cette Étude sont les suivants :
Compte tenu de l’impact de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, renforcer l’indépendance énergétique ; apporter une aide ciblée aux ménages et aux entreprises vulnérables pour les aider à faire face à la hausse des prix de l’énergie ; et resserrer la politique budgétaire à un rythme adapté pour faire face aux tensions inflationnistes.
Poursuivre les réformes structurelles en faveur de la productivité et de l’emploi, en particulier dans le domaine de l’éducation et des compétences ; s’attaquer aux coûts budgétaires du vieillissement ; et continuer de réduire les disparités sociales et régionales.
Favoriser la transformation numérique en apportant aux entreprises des aides à la R-D plus efficaces et en réduisant les obstacles à l’adoption des technologies, en particulier dans les petites entreprises, notamment en essayant de réduire les écarts régionaux en matière d’infrastructures numériques et en améliorant l’accès au financement, tout en accélérant les progrès vers l’administration numérique et en renforçant les compétences numériques.
L’économie était en plein essor il y a peu encore
La guerre en Ukraine révèle les facteurs de vulnérabilité de la Lituanie
L’économie lituanienne est l’une de celles qui a été le moins affectées par la pandémie de COVID‑19, grâce à des mesures de freinage efficaces, au bon fonctionnement du système de santé et à un taux de vaccination élevé. Elle enregistrait une croissance rapide jusqu’à l’agression de l’Ukraine par la Russie (Graphique 1.4). Ainsi, au début de 2021, la production avait déjà retrouvé son niveau d’avant la pandémie (tableau 1.1). L’activité économique est restée robuste au premier trimestre de 2022, tirée par les exportations et l’investissement dans le logement, et malgré l’érosion de la confiance et le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le PIB réel a toutefois fléchi au deuxième trimestre, se repliant de 0.5 % par rapport au trimestre précédent. La confiance des consommateurs s’est dégradée avec la résurgence des cas de COVID‑19 au début de 2022 et la flambée des prix de l’énergie, mais la progression rapide des salaires et une certaine diminution de l’épargne ont empêché une contraction plus marquée de la consommation privée. Le taux de chômage, en repli progressif, est passé d’un pic d’environ 9 % à la mi-2020 à 5.3 % au deuxième trimestre de 2022, en deçà de son niveau d’avant la crise. La politique budgétaire a pris une orientation expansionniste après la présentation d’un projet de loi de finances révisé en avril (voir la section consacrée à la politique budgétaire).
La hausse des prix à la consommation a dépassé 22 % en septembre 2022, soit le deuxième taux le plus élevé de la zone euro, sur fond d’envolée des prix de l’énergie et des produits alimentaires et, dans une moindre mesure, des logements. L’inflation aurait été encore plus forte si le gouvernement n’avait pas plafonné les hausses des prix de l’énergie. L’intensité énergétique relativement forte de l’économie, le manque d’efficacité énergétique, en particulier dans le secteur du logement (coûts du chauffage) et la dépendance excessive à l’égard du pétrole et du gaz, qui entrent pour près de 80 % dans la production totale d’électricité, expliquent l’impact énorme de la flambée des prix de l’énergie sur l’inflation globale (Blöchliger et Strumskyte, 2021[2]). La part relativement importante des achats alimentaires dans le panier de consommation lituanien joue dans le même sens. La demande intérieure, vigoureuse, a facilité la répercussion des augmentations de coûts sur les prix des biens et services de consommation, laissant transparaître une intensification des tensions sous-jacentes sur les prix. Les prix à l’exportation montent plus lentement que les prix des intrants locaux, indiquant par là même que les marges bénéficiaires des entreprises exportatrices se réduisent. Malgré la forte croissance des salaires nominaux, les salaires réels ont amorcé un repli à la fin de 2021, évitant jusqu’à maintenant le risque d’une spirale salaires/prix. Malgré tout, les taux d’inflation appellent des mesures budgétaires pour atténuer les effets de l’orientation de la politique monétaire européenne, dimensionnée pour la zone euro dans son ensemble, sur la hausse des prix en Lituanie.
Selon les projections, l’économie devrait ralentir à 1.6 % en 2022 et 1.3 % en 2023, pénalisée par le recul des échanges et par les incertitudes accrues provoquées par la guerre en Ukraine, à laquelle la Lituanie est plus exposée que la plupart des autres pays de l’OCDE (Tableau 1.1). L’investissement, en revanche, accélérera au cours de la période visée par les projections, porté par les fonds de l’Union européenne et le programme d’investissement pluriannuel du gouvernement dans plusieurs domaines stratégiques. La Lituanie recevra des ressources de la Facilité de l’UE pour la reprise et la résilience, à hauteur d’environ 4.5 % de son PIB de 2020, dont un tiers devrait être décaissé d’ici 2023. L’inflation globale fléchira, mais restera élevé du fait de l’embargo de l’UE sur le pétrole russe qui doit entrer en vigueur en 2023. Les salaires réels poursuivront leur recul, bien qu’à un rythme plus lent. Le taux de chômage augmentera sous l’effet du ralentissement économique, même si le marché du travail restera tendu du fait d’importantes pénuries de compétences.
Tableau 1.1. Indicateurs et prévisions macroéconomiques
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
---|---|---|---|---|---|---|
|
Prix courants (milliards EUR) |
Variation annuelle, en volume (prix de 2015) |
||||
PIB aux prix du marché |
45.5 |
4.6 |
0.0 |
6.0 |
1.6 |
1.3 |
Consommation privée |
28.0 |
2.7 |
- 2.4 |
8.0 |
2.1 |
2.1 |
Consommation publique |
7.5 |
- 0.3 |
- 1.4 |
0.9 |
0.7 |
0.3 |
Formation brute de capital fixe |
9.5 |
6.6 |
-0.2 |
7.8 |
2.7 |
3.8 |
Demande intérieure finale |
45.0 |
3.0 |
- 1.8 |
6.6 |
2.0 |
2.1 |
Variation des stocks1 |
- 0.3 |
- 1.6 |
- 1.8 |
-0.3 |
-0.2 |
0.0 |
Demande intérieure totale |
44.7 |
1.5 |
- 3.8 |
7.3 |
2.0 |
2.0 |
Exportations de biens et de services |
34.2 |
10.1 |
0.4 |
17.0 |
4.5 |
3.3 |
Importations de biens et services |
33.4 |
6.0 |
- 4.5 |
19.9 |
5.0 |
4.0 |
Solde extérieur1 |
0.8 |
3.2 |
3.5 |
- 0.3 |
-0.2 |
- 0.6 |
Pour mémoire |
|
|
|
|
|
|
Déflateur du PIB |
_ |
2.7 |
1.8 |
6.5 |
15.1 |
7.6 |
Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) |
_ |
2.2 |
1.1 |
4.6 |
17.6 |
10.4 |
Inflation sous-jacente harmonisée2 |
_ |
2.3 |
2.6 |
3.4 |
9.8 |
7.8 |
Taux de chômage (% de la population active) |
_ |
6.3 |
8.5 |
7.1 |
5.8 |
6.5 |
Écart de production (% du PIB potentiel) |
_ |
2.1 |
- 1.4 |
0.8 |
- 0.5 |
-1.7 |
Taux d’épargne net des ménages (% du revenu disponible) |
_ |
- 0.2 |
9.0 |
3.9 |
1.6 |
3.4 |
Solde financier des administrations publiques (% du PIB) |
_ |
0.5 |
- 7.3 |
- 1.0 |
- 4.2 |
- 3.6 |
Solde primaire sous-jacent (% du PIB potentiel) |
_ |
0.6 |
- 5.9 |
- 0.8 |
- 3.9 |
- 3.1 |
Dette brute des administrations publiques (% du PIB) |
_ |
44.5 |
55.5 |
51.4 |
52.8 |
55.1 |
Dette des administrations publiques, au sens de Maastricht3 (en % du PIB) |
_ |
35.8 |
46.6 |
44.3 |
45.8 |
48.1 |
Solde des paiements courants (% du PIB) |
_ |
3.4 |
7.6 |
1.2 |
-4.5 |
-4.7 |
1. Contributions aux variations du PIB réel ; montant effectif dans la première colonne.
2. IPCH hors produits alimentaires, énergie, alcool et tabac.
3. La dette des administrations publiques au sens de Maastricht recouvre uniquement les prêts, les titres de créance ainsi que le numéraire et les dépôts, et la dette est comptabilisée à sa valeur faciale, non à sa valeur de marché.
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 111 (actualisée).
Ces prévisions sont entachées d’une très grande incertitude dans le contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions prises à l’encontre de la Russie (Tableau 1.2). En dépit du relâchement progressif des liens depuis une dizaine d’années, la Russie demeure l’un des principaux partenaires commerciaux de la Lituanie puisqu’elle représentait 11 % de ses exportations totales de biens et 12 % de ses importations totales en 2021, même si les réexportations constituent une part importante de ces échanges. Avant que la Lituanie ne cesse d’importer toutes formes d’énergie de Russie au printemps 2022, sa dépendance énergétique à l’égard de ce pays était encore considérable, 42 % de son gaz naturel et 73 % de son pétrole brut provenant de ce pays en 2020. Le gaz naturel liquéfié (GNL) importé via terminal méthanier de Klaipéda devrait permettre de pallier les pénuries de gaz jusqu’à la fin de l’année. Des sanctions plus sévères à l’encontre de la Russie et des perturbations d’approvisionnement pourraient brider encore plus la croissance. Dans ce contexte, il importe de rester vigilant en ce qui concerne la sécurité et la diversification énergétiques.
Tableau 1.2. Événements susceptibles de modifier sensiblement les perspectives
Choc |
Impact économique potentiel |
---|---|
Perturbations des approvisionnements énergétiques mondiaux |
Des perturbations marchés mondiaux de l’énergie pourraient entraîner une nouvelle hausse des prix de l’énergie, une baisse du revenu réel des ménages et des difficultés dans les secteurs à forte intensité énergétique. |
Nouvelle vague pandémique |
Un nouveau variant du COVID-19 pourrait affecter l’état sanitaire de la population – même si celle-ci est vaccinée – et nuire à l’économie. |
Turbulences sur les marchés financiers |
Une augmentation de l’encours des prêts non performants et une correction brutale du marché du logement pourraient provoquer des tensions financières. |
Le marché du travail se redresse, mais le chômage structurel demeure problématique
Le marché du travail a bien résisté à la pandémie, en partie grâce aux aides publiques judicieusement ciblées (Graphique 1.5). Le taux de chômage était inférieur à 7 % dans les premiers mois de 2022. L’écart de chômage entre les hommes et les femmes (sachant que le taux de chômage des hommes est habituellement plus élevé) a encore diminué pendant la pandémie et s’est quasiment résorbé. Les jeunes, qui travaillent souvent dans des secteurs de services impliquant de nombreux contacts, ont été touchés de manière disproportionnée par le chômage lié à la pandémie, et même si l’écart se réduit, leur taux de chômage reste supérieur à la moyenne. Le dispositif de chômage partiel a permis de protéger la plupart des entreprises et des emplois durant les confinements et face aux autres restrictions liées à la pandémie. Lorsque celui-ci a été supprimé en 2021, le taux de chômage n’a guère évolué, ce qui témoigne d’un juste équilibre entre le dispositif de chômage qui protège les individus et le dispositif de chômage partiel qui protège l’emploi (Giupponi, Landais et Lapeyre, 2021[3]).
Le marché du travail lituanien est flexible, s’adaptant à l’évolution des enjeux, ainsi qu’il était attesté dans l’Étude économique de l’OCDE de 2018 (OECD, 2018[1]). Les travailleurs changent d’emploi plus rapidement que dans la plupart des autres pays de l’OCDE, ce qui contribue à la productivité et à l’efficience des entreprises lituaniennes et à la compétitivité-coûts (Causa, Luu et Abendschein, 2021[4]). La souplesse du marché du travail facilite l’entrée des actifs, en particulier des jeunes, sur le marché du travail et leur permet de bénéficier de meilleures possibilités d’emploi, tout en contribuant à réduire les inégalités salariales, ce qui pourrait s’avérer utile dans le cadre des évolutions structurelles de l’économie induites par la pandémie. Le taux d’activité a continué de croître même pendant la pandémie, sous l’impulsion d’un relèvement de l’âge de la retraite et de la montée de l’immigration de travailleurs qualifiés (étrangers comme ressortissants lituaniens rentrant dans leur pays). Le revirement spectaculaire du solde migratoire de ces quelques dernières années a sans doute été favorisé par l’amélioration rapide des niveaux de vie en Lituanie ; une politique d’immigration plus accueillante, en particulier pour les travailleurs qualifiés ; une amélioration du climat social ; et l’impact du Brexit, sous l’effet du retour de nombreux émigrants dans leur pays d’origine (Graphique 1.5, partie D).
La persistance d’un chômage structurel élevé reste toutefois une caractéristique importante du marché du travail lituanien. Estimé à environ 6.5 %, le taux de chômage structurel en Lituanie est plus élevé que dans les pays voisins et diminue à peine. Selon la banque centrale, la corrélation entre le taux d’emplois vacants et le taux de chômage (la « courbe de Beveridge ») s’est dégradée pendant la pandémie, ce qui laisse penser que l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emploi s’est encore accentuée. Ce déséquilibre sur le marché du travail s’explique largement par une forte inadéquation des compétences, de nombreux travailleurs étant soit sous-qualifiés soit surqualifiés, et par des pénuries de compétences, les emplois hautement qualifiés restant souvent vacants et les travailleurs peu qualifiés peinant à trouver un emploi. Dans ce contexte, il convient de remédier aux problèmes de chômage structurel de la Lituanie en créant un cadre permettant d’attirer, de développer, d’améliorer et de préserver les compétences tout en les rapprochant des besoins du marché du travail.
La compétitivité est en perte de vitesse
La compétitivité de la Lituanie, mesurée par les coûts unitaires de main-d’œuvre, a diminué par rapport à la moyenne de l’OCDE, même si les résultats à l’exportation – une mesure de la compétitivité en termes de prix et de qualité – se sont améliorés (Graphique 1.6). La croissance de la productivité du travail s’est accélérée pour s’établir au-delà de la moyenne de l’UE-28, mais elle reste inférieure à celle des principaux pays de l’Union européenne ou d’Europe centrale et orientale (National Productivity Board, 2020[5]). Le niveau général des salaires réels a constamment augmenté plus vite que la productivité depuis 2010, et les gains de compétitivité enregistrés après la crise de 2009 sont aujourd’hui effacés. La progression du salaire minimum a été encore plus marquée, en particulier au cours de la première moitié de la décennie, ce qui a eu un impact potentiellement inégal sur les régions à productivité élevée et celles caractérisées par une productivité faible, ainsi qu’il a été montré dans l’Étude économique de l’OCDE parue en 2020 (OECD, 2020). Cela dit, le relèvement du salaire minimum a probablement contribué à réduire les inégalités salariales et la pauvreté. La part de la rémunération du travail dans l’économie totale demeure en outre inférieure à celle des autres pays baltes.
Les tensions croissantes qui s’exercent sur les salaires depuis la hausse de l’inflation pourraient éroder encore la compétitivité du pays. Les écarts de productivité entre les secteurs sont importants, et la progression des salaires a été supérieure à la croissance de la productivité dans la plupart d’entre eux au cours de la dernière décennie (Graphique 1.7). Les écarts sont particulièrement marqués entre les secteurs exportateurs et les secteurs non exportateurs, à quelques exceptions près toutefois. Si les écarts de productivité sont grands, les écarts de rémunération sont en revanche plus étroits. Cette situation est caractéristique des petites économies ouvertes en pleine convergence, dans lesquelles les salaires sont largement déterminés par les secteurs exportateurs et se répercutent ensuite sur les secteurs axés sur le marché intérieur, où ils sont absorbés par des marges bénéficiaires plus faibles ou des prix plus élevés. Des déséquilibres pourraient apparaître si la progression des salaires venait à dépasser la croissance de la productivité dans les secteurs exportateurs. Dans ce contexte, afin d’éviter des déséquilibres et de nouvelles pertes de compétitivité, il convient de soutenir la croissance de la productivité dans les secteurs exportateurs et non exportateurs par une hausse de l’investissement public et privé, la transformation numérique, ainsi que des réformes dans le secteur public, en particulier dans l’éducation pour faire mieux correspondre les compétences aux besoins du marché du travail.
La position extérieure est saine
L’excédent des paiements courants et les exportations nettes ont augmenté en 2020, la demande de biens et de services lituaniens ayant résisté aux mesures de restriction liées à la pandémie (Graphique 1.8, partie A). Les seuls secteurs exportateurs à avoir été durement touchés sont le tourisme international (bien qu’il ne représente qu’une faible proportion du PIB) et les services de transport à la suite des perturbations des échanges entre l’Europe orientale et l’Europe occidentale. L’investissement direct étranger (IDE) s’est rapidement accru ces dernières années, même si l’encours d’IDE reste faible par rapport à celui d’autres pays d’Europe orientale membres de l’OCDE puisqu’une activité importante des entreprises internationales dans le passé – la création de centres de services – n’a exigé que peu de dépenses en capital (OECD, 2018[1]). Le niveau d’ouverture commerciale de la Lituanie a légèrement diminué pendant la pandémie, mais il reste très élevé (partie B). La guerre en Ukraine influera à la fois sur les exportations et les importations, y compris sur les services de transport internationaux, ce qui réduira l’ouverture commerciale du pays.
Les marchés extérieurs de la Lituanie ont considérablement évolué au cours de la dernière décennie et son intégration dans les chaînes de valeur mondiales s’est approfondie (Graphique 1.9). Alors que la Russie et d’autres pays de la Communauté des États indépendants représentaient plus de 27 % des exportations de produits en 2010 (et près de 100 % en 1991), leur part est tombée à moins de 23 % en 2020. Parallèlement, les exportations à destination des États-Unis ont augmenté de 2.7 % à 4.4 %. L’Asie a également gagné en importance, la part de la Chine continentale étant passée de 0.7 % en 2010 à 1.2 % en 2020 et celle du Taipei chinois de 0.1% à 0.2% sur la même période. L’embargo non déclaré officiellement de la Chine sur les échanges avec la Lituanie, dû à un conflit au sujet du nom du Taipei chinois, n’a eu, semble-t-il, que peu d’effet, excepté une redirection de flux commerciaux vers d’autres marchés, en particulier l’Asie du Sud-Est et les États-Unis. La Lituanie a augmenté la part des exportations de moyenne et haute technologie plus que tout autre pays de l’OCDE, en partant toutefois d’un niveau relativement bas. Le pays est devenu un exportateur de pointe dans les sciences du vivant, les technologies laser et certains secteurs des TIC, mais l’importance des services de transport et des produits agricoles continue de peser sur la valeur ajoutée locale. Étant donné qu’un niveau d’exportation plus élevé et une plus grande intégration dans les chaînes de valeur mondiales vont de pair avec une plus grande résilience et productivité des entreprises (voir le chapitre thématique), les pouvoirs publics devraient prendre des mesures pour améliorer la compétitivité de tous les secteurs, y compris les transports et l’agriculture.
L’importance du secteur des transports a des conséquences aussi bien économiques qu’environnementales. Bien que les transports soient de loin le premier secteur d’exportation de services de la Lituanie, leur contenu technologique et leur valeur ajoutée sont relativement faibles. En outre, le paquet mobilité de l’Union européenne, qui limite la liberté de transport, risque de pénaliser les entreprises de transport lituaniennes qui exercent leurs activités principalement en Europe et rarement sur le sol lituanien. Le corridor est-ouest utilisé pour le transport de marchandises pourrait en outre être fortement perturbé par la guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie. Enfin, le niveau élevé d’émissions de carbone et de pollution atmosphérique en Lituanie est principalement imputable aux transports. Dans ce contexte, le pays devrait faire tout son possible pour mener rapidement à bien le projet « Rail Baltica », qui améliorera la productivité du secteur des transports, renforcera le rôle de la Lituanie en tant que plaque tournante des transports internationaux entre l’Europe occidentale et l’Europe du Nord, et contribuera à réduire les émissions de carbone.
Le système financier paraît solide
Le système financier semble rentable, bien capitalisé et doté de liquidités suffisantes. Il est demeuré remarquablement stable pendant la pandémie, sans aucun signe apparent de déséquilibre. La vigueur de la réaction des pouvoirs publics, en temps opportun, tout au long de la pandémie a contribué à fournir les liquidités nécessaires aux ménages et aux entreprises (OECD, 2020[6]). Le crédit aux ménages a continué d’augmenter de manière quasiment ininterrompue, tandis que le crédit aux entreprises a subi un coup dur et n’a commencé à remonter qu’au second semestre 2021 (Graphique 1.10). Comme les entreprises se sont désendettées pendant des années, les bilans des entreprises semblent sains et le nombre de faillites a, dans les faits, diminué pendant la pandémie. L’exposition directe à la Russie est très réduite. La banque centrale a quelque peu durci ses politiques financières début 2022, alors que la situation se normalisait et que certains signes indiquaient que le marché immobilier commençait à se crisper. En l’absence de nouvelles restrictions de l’activité économique liées à la pandémie et au vu de l’apparition potentielle de déséquilibres financiers, les politiques publiques devraient contribuer à préserver la résilience et la stabilité à long terme du système financier.
Les banques semblent bien financées mais la concentration du marché reste un problème
Le secteur bancaire paraît sain financièrement. Le ratio de fonds propres est bien supérieur au minimum requis. La proportion de créances improductives a continué de baisser pendant la pandémie, malgré une légère augmentation des prêts non productifs aux entreprises et à la consommation. En avril 2020, la banque centrale a ramené son volant de fonds propres contracyclique de 1 % à 0 %, niveau auquel il est resté depuis, mais elle a introduit un volant de fonds propres applicable au risque systémique sectoriel de 2 % pour les prêts hypothécaires intérieurs au début de 2022. Les volants devraient continuer à être reconstitués au moyen d’instruments macroprudentiels ciblés ou d’une augmentation du volant de fonds propres contracyclique si des signes de déséquilibres persistants dans certains secteurs commencent à apparaître ou si des risques macroéconomiques se concrétisent. L’efficacité de ces leviers pourrait toutefois être limitée, car les niveaux de liquidité et de fonds propres sont bien supérieurs aux exigences actuelles (International Money Fund, 2021[7]) et parce qu’une grande partie des achats de logements est financée par l’épargne. En outre, les instruments macroprudentiels pourraient avoir une incidence asymétrique sur les groupes de revenus et les régions de Lituanie.
Le secteur bancaire lituanien reste très concentré et dominé par des banques à capitaux étrangers, les trois plus grandes banques représentant environ 75 % des actifs totaux (Graphique 1.12). Cependant, de nouvelles institutions financières ont vu le jour depuis 2018, représentant actuellement environ 4 % des actifs et intensifiant la concurrence, notamment dans le secteur des paiements et du crédit à la consommation (Bank of Lithuania, 2021[8]). Les prêts aux PME ont repris et le nombre de demandes de prêts rejetées a baissé. De plus, la part des prêts aux PME provenant du secteur non bancaire, notamment le financement participatif, est en augmentation, ce qui semble indiquer que le marché du crédit devient progressivement plus compétitif et diversifié.
Un fonds national d’investissement (NPI) décidé par voie législative en 2019 est en cours de mise en place. Il vise à financer des investissements durables, à la fois dans le secteur public et le secteur privé, considérés comme stratégiquement importants pour l’économie lituanienne. Le NPI doit consolider quatre fonds publics d’investissement existants et contribuer à harmoniser les stratégies d’investissement, les modèles de financement et la gestion des risques, renforçant ainsi considérablement l’effet de levier. Le NPI devrait être opérationnel d’ici 2023. Comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE, un cadre de gouvernance rigoureux est essentiel pour éviter les prêts à risque et l’éviction des financements privés (OECD, 2020[6]).
Les autorités ne cessent d’intensifier les efforts de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) et ont considérablement augmenté les ressources consacrées à cette fin. En conséquence, le groupe d’exportation MONEYVAL a estimé que la Lituanie était désormais « largement conforme », et non plus « partiellement conforme » (Moneyval, 2021[9]). Au cours des deux dernières années, la banque centrale a réclamé que la déclaration des données relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme soit établie selon une fréquence et un niveau de détail plus élevés. Elle a également augmenté le nombre d’inspections. En mai 2021, le Centre of Excellence in Anti-Money Laundering (Centre d’excellence pour la lutte contre le blanchiment d’argent) ‑ partenariat public-privé impliquant plusieurs organismes publics, la banque centrale et des banques commerciales - est entré en fonction. Ce centre sert de plateforme d’échange d’informations, de recherche visant à améliorer le cadre LBC/FT et d’assistance aux entités du secteur privé pour la réalisation d’évaluations internes des risques.
Le marché du logement était en plein essor avant la guerre
Le marché du logement a poursuivi son essor pendant la pandémie, et les prix des maisons étaient en hausse rapide avant la guerre en Ukraine (Graphique 1.13). Augmentation rapide des revenus et du crédit des ménages, immigration croissante, notamment des réfugiés ukrainiens, et évolution des préférences en matière de logement en dehors des centres urbains : il s’agit là de quelques-unes des raisons qui expliquent la demande élevée et croissante en logements. Les enquêtes donnent à penser que le télétravail est appelé à perdurer, contribuant ainsi à l’augmentation de la demande de logements. L’anticipation de nouvelles hausses du prix des logements semble également jouer un rôle. Le phénomène est généralisé, les prix augmentant dans presque toutes les régions du pays, tous types de logements confondus. Le secteur de la construction reste solide, ce qui s’explique par le fait que le marché du logement est relativement flexible malgré un recul, ces derniers temps, dans la région de la capitale. En dépit de la tendance à la hausse, les prix des logement semblent rester largement conformes aux paramètres fondamentaux.
Dans ce contexte, la banque centrale a pris plusieurs mesures macroprudentielles. La banque centrale a récemment ramené le rapport prêt/valeur pour les prêts secondaires de « moins de 85 % » à 70 % et a introduit un volant de risque systémique de 2 % pour les prêts hypothécaires nationaux. À l’avenir, la banque centrale prévoit de s’attaquer aux risques, si nécessaire, avec des outils supplémentaires selon la nature de l’évolution du marché du logement. Il pourrait être justifié de durcir davantage l’orientation macroprudentielle si les évolutions du marché du logement commençaient à menacer le système financier. Pour aider la banque centrale dans ce domaine, les pouvoirs publics pourraient élargir l’assiette de l’impôt sur la propriété immobilière, car une part plus élevée de cet impôt dans le PIB signifie une moindre volatilité du prix des logements (Blöchliger et al., 2015[10]).
Le secteur des technologies financières connaît une croissance rapide
Le secteur des technologies financières (Fintech) de la Lituanie est l’un de ceux qui ont pris le plus d’importance dans l’Union européenne, avec une croissance annuelle de 20 % depuis 2016. Fin 2021, il comptait quelque 265 entreprises – lituaniennes et étrangères – et 5 900 salariés, soit environ 0.4 % de la population active (Graphique 1.14). La Fintech a commencé prendre son essor en 2016 lorsque plusieurs institutions publiques, dont la banque centrale et le ministère des Finances, ont mis en œuvre une stratégie coordonnée dans l’optique de remédier à la concentration excessive et au manque de concurrence dans le secteur bancaire. Un cadre réglementaire favorable, assorti d’une boîte à outils intuitive et bien documentée, proposant notamment un bac à sable réglementaire, un bac à sable pour chaîne de blocs et un régime réglementaire et de licences propice... voilà ce qui a contribué au développement du secteur au-delà du système bancaire traditionnel, avec désormais la prise en charge des systèmes de paiement numériques, les plateformes de financement participatif et d’investissement, les opérateurs de plateformes de prêts entre particuliers, les monnaies numériques et l’analyse rapide des données.
Les autorités sont bien conscientes de la nécessité d’une supervision rigoureuse des technologies financières, notamment du cadre LBC/FT, et d’assurer la promotion de la cybersécurité et de la cyberassurance. Elles ont défini des lignes directrices en matière de Fintech couvrant quatre domaines : assurer la croissance et la maturité du secteur Fintech ; promouvoir l’utilisation des services financiers numériques ; promouvoir et utiliser les innovations technologiques ; et renforcer la gestion des risques. Les autorités semblent être bien préparées à une nouvelle expansion des technologies financières. Elles demeurent conscientes des risques de réputation et adoptent une approche rigoureuse en matière de surveillance et d’application de règles afin de préserver la stabilité financière. L’enregistrement potentiel de banques en ligne avec un modèle économique non résident occasionnera de nouveaux défis en matière de surveillance, tandis que l’émission d’une pièce de collection numérique permettra d’acquérir de l’expérience en matière de nouvelles technologies Fintech.
Pour préserver l’avantage des Fintech, le secteur a besoin d’une réglementation appropriée favorisant la concurrence et l’accès au financement. Si les innovations Fintech telles que les plateformes numériques tendent à accroître la productivité, leur effet bénéfique sur l’économie dépend du bon fonctionnement du cadre de la concurrence (Costa et al., 2021[11]). Jusqu’à présent, la Fintech a représenté un facteur favorisant la concurrence en Lituanie, mais les caractéristiques inhérentes du secteur peuvent également le rendre sujet à des comportements anticoncurrentiels. Dans ce contexte, ce secteur doit être supervisé de plus près sous l’angle de l’accès et des barrières à l’entrée. Le centre de développement du marché de capitaux , créé au sein de la banque centrale début 2022, vise à attirer de nouveaux services financiers en Lituanie et à renforcer la concurrence dans le secteur bancaire.
Politique budgétaire : perspectives d’assainissement
Après avoir atteint un léger excédent en 2019, le solde a fortement chuté à -7.4 % du PIB en 2020 avant de se rétablir en 2021 (Graphique 1.15). La dette publique est passée d’environ 36 % du PIB en 2019 à environ 46 % en 2021. Elle reste inférieure à celle constatée dans la plupart des pays de l’OCDE et de l’UE. Les aides liées à la pandémie, en particulier le dispositif complet et bien financé de chômage partiel, ont été à l’origine des positions budgétaires : si l’on exclut toutes les mesures discrétionnaires liées au COVID-19, le solde structurel se serait établi à environ -1 % du PIB en 2020 et 2021, ce qui suggère un déploiement et un retrait opportuns et appropriés des mesures de soutien (Ministry of Finance, 2022[12]). Ainsi, l’orientation de la politique budgétaire a été fortement expansionniste en 2020 pour devenir restrictive en 2021.
L’orientation budgétaire redevient expansionniste en 2022. Début avril, les pouvoirs publics ont présenté un projet de loi de finances révisé, allouant environ 1.4 % du PIB pour aider les ménages et les entreprises à absorber le choc des prix de l’énergie, pour accroître l’efficacité énergétique et pour diversifier l’approvisionnement en énergie. Une part de 0.6 % du PIB est consacrée à l’aide aux réfugiés ukrainiens. Pour aider les ménages, les pensions seront augmentées, le seuil à partir duquel s’applique l’impôt sur le revenu sera relevé et l’indemnité de chauffage sous condition de ressources - déjà augmentée en décembre 2021 - le sera de nouveau pour être portée à environ 15 à 20 euros par mois. Les fournisseurs d’énergie reçoivent une compensation pour la perte de revenus pour suite au plafonnement des prix de l’énergie dont bénéficient les ménages. Le programme est le bienvenu, même s’il serait plus judicieux de supprimer le plafond du prix de l’énergie (car ce plafond est généralement coûteux et inefficace face à un choc d’offre) et d’augmenter plutôt l’aide ciblée aux ménages vulnérables.
Avant la guerre en Ukraine, les pouvoirs publics avaient prévu de revenir à la règle de l’objectif à moyen terme (déficit structurel de moins de 1 % du PIB) d’ici 2024, impliquant une amélioration du solde primaire structurel d’environ 1 % par an. Le programme de stabilité 2022 publié en mai fait toujours écho à ces objectifs. Diverses contributions de l’UE, qui devraient atteindre environ 3 % du PIB par an, viendront en renfort des investissements publics. La dette publique devrait se maintenir à environ 45 % en 2024. Dans le contexte d’une inflation croissante et d’une orientation encore très expansionniste de la politique monétaire de la zone euro, les pouvoirs publics devrait durcir la politique budgétaire comme prévu initialement afin de réduire la demande, sous réserve d’un soutien supplémentaire aux ménages et aux entreprises vulnérables pénalisés par la guerre et les prix élevés de l’énergie.
La réforme du cadre budgétaire pourrait améliorer la viabilité des finances publiques
Le cadre budgétaire s’est révélé flexible pendant la crise liée au COVID-19, mais certaines réformes institutionnelles pourraient contribuer au retour à la normale. Le gouvernement mène à bien des travaux techniques afin d’évaluer la possibilité d’instaurer un objectif d’endettement, ce qui est une bonne chose. La simplification de la règle de l’équilibre budgétaire, sans en modifier la rigueur, pourrait également contribuer à rendre la budgétisation plus prévisible, comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]). Enfin, les plans budgétaires à moyen terme ne couvrent que trois années, ce qui se situe dans la partie basse de ce que l’on observe habituellement dans l’Union européenne, et ils devraient être étendus à quatre, voire cinq ans, afin de permettre une politique budgétaire plus prospective. Les pouvoirs publics estiment que les modifications apportées au cadre fiscal de l’Union européenne auront une incidence sur les règles nationales. Ils souhaitent aligner les réformes nationales sur les changements supranationaux.
Les examens de dépenses peuvent aider à améliorer l’efficacité et l’impact de la dépense publique et à maîtriser les dépenses. Après la réforme budgétaire adoptée en 2021, le gouvernement a instauré un cadre pour les examens des dépenses, qui en définit notamment la méthodologie et établit le service chargé de ces analyses, et prévoit de procéder prochainement à un examen complet. Ces examens des dépenses devraient devenir une composante systématique du processus budgétaire, en particulier dans des domaines comme l’éducation ou les soins de santé dans lesquels ils pourraient considérablement contribuer à améliorer l’efficacité des dépenses. Les examens de dépenses sont désormais largement utilisés par les pays de l’OCDE dans le cadre d’une approche de la budgétisation qu’ils souhaitent axer sur la performance, et il est souhaitable que le pays s’inspire des meilleures pratiques adoptées en la matière, par exemple dans les pays nordiques, aux Pays-Bas ou encore au Royaume-Uni (OECD, 2019[13]).
Les coûts budgétaires du vieillissement de la population s’alourdiront
La population lituanienne est amenée à vieillir rapidement (Graphique 1.16). Le taux de dépendance des personnes âgées (la proportion de la population âgée de 65 ans et plus) devrait presque doubler entre 2020 et 2060. L’émigration passée des jeunes, ainsi que la faiblesse de l’immigration, contribue à accentuer les tensions liées au vieillissement, bien que les perspectives se soient récemment éclaircies grâce à un revirement spectaculaire du solde migratoire. L’écart entre femmes et hommes en matière de vieillesse est l’un des plus importants de l’OCDE : alors que l’espérance de vie des femmes se situe autour de la moyenne, celle des hommes est parmi les plus faibles, même si elle augmente rapidement. Les travailleurs âgés sont bien intégrés sur le marché du travail, mais leurs revenus sont généralement faibles et leurs contributions au système de retraite modestes. La part des dépenses de retraite est une des plus faibles de la zone OCDE. L’âge de la retraite augmente actuellement de deux mois par an pour les hommes et de quatre mois pour les femmes, jusqu’à atteindre 65 ans pour les deux sexes en 2026, ce qui maintient la viabilité des pensions jusqu’à présent.
Les pouvoirs publics prévoient que les coûts budgétaires liés au vieillissement, notamment en matière de retraites, de santé et de soins de longue durée, passeront de 15.3 % en 2019 à 17.6 % du PIB en 2060 (Ministry of Finance, 2021[14]). Les dépenses consacrées aux soins de santé et de longue durée devraient contribuer à hauteur de 1.3 point de pourcentage à cette augmentation et les dépenses de retraite à 1 point supplémentaire. La hausse relativement modeste des dépenses de retraite projetées peut être attribuée à un « indicateur de la durabilité » louable – telle qu’une règle d’équilibre budgétaire – qui limite l’expansion des prestations de retraite à la croissance de la masse salariale de l’économie. Pour maintenir la durabilité, notamment après plusieurs mesures ayant affaibli l’indicateur de durabilité, les autorités devraient envisager d’établir un lien automatique entre l’âge de la retraite et l’espérance de vie au-delà de 2026, comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]) et comme cela se pratique dans plusieurs autres pays (Encadré 1.2). Il conviendrait aussi d’évaluer les évolutions à long terme des soins de santé et de longue durée. Les pouvoirs publics ont récemment chargé l’OCDE d’élaborer un cadre visant à améliorer la durabilité et l’adéquation du système des soins de longue durée.
Encadré 1.2. Indexer l’âge de la retraite sur l’espérance de vie : à chaque pays son expérience
L’ajustement automatique de l’âge légal du départ à la retraite à l’espérance de vie est sans doute le moyen le plus efficace de maintenir à la fois la viabilité et l’adéquation d’un système de retraite. Une règle automatique – ou paramétrique – ajuste généralement l’âge de la retraite de manière moins erratique, plus transparente et plus équitable entre les générations que des changements discrétionnaires ou ad hoc. De plus, la mise en place d’un ajustement automatique pourrait demander un coût politique moins élevé que celui d’une réforme discrétionnaire des retraites. Un ajustement automatique indexé sur l’espérance de vie nécessite un large consensus politique pour rester viable après un changement de gouvernement. Les implications d’un tel ajustement doivent donc être soigneusement évaluées et débattues. Le soutien public accordé à une règle automatique peut augmenter si les électeurs l’estiment équitable.
Au total, sept pays de l’OCDE (Danemark, Estonie, Finlande, Grèce, Italie, Pays-Bas et Portugal) lient l’âge légal du départ à la retraite à l’espérance de vie, avec des paramètres quelque peu différents. L’indexation est entièrement automatique dans ces sept pays, sauf au Danemark, où l’activation de l’ajustement ne peut s’effectuer sans l’approbation du Parlement. Le Danemark, l’Estonie, la Grèce et l’Italie indexent strictement l’âge légal du départ à la retraite à l’espérance de vie, ce qui signifie qu’une augmentation d’un an de l’espérance de vie se traduit par une augmentation d’un an de l’âge légal du départ à la retraite. Ce paramètre est de deux tiers dans les autres pays, ce qui maintient à peu près constante la proportion de la vie adulte qu’un individu peut espérer passer à la retraite et pourrait donc s’avérer plus attractif. Dans l’accord néerlandais sur les retraites de 2019, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ont convenu d’appliquer un ajustement automatique de deux tiers. La Suède est en train de légiférer sur une indexation automatique de deux tiers.
Source : (OECD, 2021[15]).
Bien que le système de retraite soit plutôt redistributif – les taux de remplacement variant considérablement entre les hauts et les bas revenus – il laisse néanmoins de nombreuses personnes âgées démunies (Graphique 1.17). La pauvreté des personnes âgées s’est accrue au cours des dernières années, souvent du fait de carrières professionnelles incomplètes ou informelles lorsque la Lituanie a basculé dans une économie de marché, ce qui se traduit par de faibles pensions (l’Étude économique de l’OCDE de 2018 donne une vue d’ensemble du système de retraite). Les autorités ont réagi de manière résolue au défi de la pauvreté ces deux dernières années, en s’inspirant largement dans leur action des recommandations formulées dans la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]). Tout d’abord, les prestations ont été augmentées pour les retraités avec une carrière professionnelle incomplète ; ensuite, les pensions d’aide sociale ont été relevées pour les personnes percevant une faible pension ; et enfin, les prestations seront revalorisées pour tous si la pauvreté des personnes âgées dépasse le seuil des 25 % et/ou si le taux de remplacement net actuel chute en dessous de 50 %. Néanmoins, les possibilités de départ anticipé à la retraite ont également été étendues, ce qui pèse sur la viabilité du système de retraite, réduit les incitations au travail et ne contribue guère à réduire la pauvreté. Ces mesures, effectives à partir de 2022, devraient permettre selon les prévisions de réduire le taux de pauvreté des personnes âgées d’environ 2 points de pourcentage au total.
Globalement, les scénarios d’évolution de la dette à long terme de la Lituanie dépendent de la mise en œuvre de réformes structurelles, et notamment d’une indexation automatique de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie (Graphique 1.18). Dans un scénario de référence avec un déficit primaire maintenu à 0.5 % du PIB, la dette restera à peu près constante, à environ 50 % du PIB. Les coûts liés au vieillissement démographique, néanmoins, rendront la dette insoutenable, sous l’effet de la hausse de 3.5 % (de 11.3 % à 14.8 % du PIB) des dépenses liées au vieillissement à l’horizon 2060, contre une montée de 2.3 % projetée par les pouvoirs publics. La mise en œuvre des réformes structurelles décrites à l’Encadré 1.3 améliorerait la viabilité de la dette, sans pour autant cependant permettre de la stabiliser à long terme. L’application des recommandations budgétaires améliorerait le solde budgétaire. Les progrès sur le plan des réformes financières et budgétaires sont présentés au Tableau 1.3.
Encadré 1.3. Quantification de l’impact des recommandations de politique budgétaire
Le tableau ci-dessous propose une évaluation chiffrée sommaire de l’impact budgétaire à horizon 5 à 10 ans de certaines réformes recommandées, en s’appuyant des mesures simples, présentées à titre d’exemple. Les effets rapportés ne prennent pas en compte les réponses comportementales, ni les effets sur la croissance.
Tableau 1.3. Impact budgétaire des réformes préconisées
Mesure |
Impact sur le solde budgétaire, % du GDP |
|
---|---|---|
Mesures augmentant le déficit |
||
Innovation |
Augmenter l’aide financière directe de 0.025 % à 0.1 % du PIB (moyenne OCDE) |
-0.1 |
Mesures réduisant le déficit |
||
Âge de la retraite |
Établir un lien automatique entre l’âge de la retraite et l’espérance de vie au-delà de 2026 |
0.5 |
Taux de TVA |
Relever le taux de TVA dans l’hôtellerie et la restauration pour le porter de 9 % actuellement au taux normal de 21 % |
0.3 |
Impact budgétaire total |
0.7 |
Tableau 1.4. Recommandations antérieures et mesures prises en matière de politiques financière et budgétaire
Recommandation |
Mesure prise |
---|---|
Simplifier le cadre budgétaire et fixer un objectif d’endettement à long terme. |
Les travaux préliminaires visant à établir potentiellement un objectif d’endettement sont en cours. |
Accroître l’investissement public sur la base d’évaluations coûts/avantages rigoureuses. |
L’investissement public progresse et tous les programmes de développement nationaux sont soumis à des analyses coûts/avantages. |
Assurer une conception appropriée pour l’institution nationale publique de développement prévue. |
Une institution nationale de développement unique doit être mise en place d’ici 2023, qui fusionnera les quatre agences de développement sectorielles existantes. |
Accroître les recettes propres des collectivités locales, en particulier l’impôt foncier et les redevances de développement. |
Le gouvernement prévoit de céder intégralement les recettes de l’impôt sur la propriété immobilière aux municipalités. |
Instituer une taxe carbone dans les secteurs non soumis au Système communautaire d’échange de quotas d’émission, et reverser au moins partiellement les recettes aux ménages et aux entreprises. |
La législation visant à inclure une composante CO2 dans les droits d’accise sur les produits énergétiques est devant le Parlement. |
Supprimer les subventions aux combustibles néfastes pour l’environnement. |
La législation visant à réduire ou à abandonner les subventions préjudiciables est devant le Parlement. |
La qualité des dépenses peut encore être améliorée
Les dépenses publiques représentent environ 43 % du PIB, ce qui est inférieur à la moyenne de l’OCDE (Tableau 1.5). Les dépenses se sont considérablement accrues ces dernières années, du fait notamment des programmes d’aide déployés en réponse à la pandémie, mais aussi de l’augmentation des prestations sociales et des hausses de salaire intervenues dans l’enseignement et la santé. Le Conseil budgétaire estime que, depuis 2015, la croissance des dépenses publiques a constamment excédé celle du PIB potentiel, le plus souvent par un facteur de deux, et prévoit que les engagements de dépenses continueront de croître plus vite que le PIB (Lithuanian National Audit Office, 2021[16]). La qualité de la dépense, à savoir sa ventilation entre les différents domaines d’action, vise à favoriser une croissance plus inclusive, la part des dépenses consacrées à l’éducation ressortant légèrement supérieure à la moyenne de l’OCDE, celle des pensions et des subventions inférieure, et les dépenses sociales augmentant rapidement, notamment pour ce qui concerne les allocations familiales et les prestations pour enfants (OECD, 2020[6]).
Tableau 1.5. Composition des dépenses et recettes publiques, 2010 et 2020
Dépenses des administrations publiques (en % du PIB) |
2010 |
2020 |
Recettes des administrations publiques (en % du PIB) |
2010 |
2020 |
---|---|---|---|---|---|
Total |
42.4 |
42.9 |
Total |
28.3 |
31.3 |
Services généraux des administrations publiques |
5.1 |
3.5 |
Impôts sur le revenu |
4.6 |
8.8 |
Dont : Charges d’intérêts |
1.8 |
0.4 |
Cotisations de sécurité sociale |
11.6 |
10.4 |
Ordre et sécurité publics |
1.8 |
1.5 |
Impôts sur la consommation |
11.7 |
11.7 |
Affaires économiques |
4.6 |
5.6 |
Impôts fonciers |
0.4 |
0.3 |
Santé |
5.4 |
5.9 |
|||
Éducation |
5.9 |
5.2 |
|||
Protection sociale |
15.9 |
16.3 |
|||
Autres |
3.7 |
4.8 |
Source : Eurostat, ensemble de données sur les dépenses publiques par fonction ; et OCDE, base de données mondiale des statistiques des recettes publiques.
Après des années de négligence, l’investissement public a retrouvé une trajectoire croissante, comme le recommandait la précédente étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]). Le pays a pris la décision d’accroître ses investissements dans les infrastructures numériques et vertes, la santé, les affaires sociales, la recherche et l’innovation, l’éducation et la gouvernance publique d’environ 1 point de PIB entre 2021 et 2026, avec le soutien des fonds du programme « Next Generation » de l’Union européenne qui couvre environ 80 % des dépenses. Ces fonds offrent un moyen de susciter l’adhésion à des réformes structurelles politiquement difficiles, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé, où, par le passé, la hausse rapide des salaires ne s’est accompagnée que de timides efforts de réforme (Graphique 1.19). Pour améliorer la productivité et la qualité des dépenses dans ces secteurs, il convient que le gouvernement lie ses investissements à des réformes porteuses de gains de productivité, par exemple une consolidation des vastes réseaux d’établissements scolaires et d’hôpitaux du pays.
Les bases d’imposition doivent être élargies
Après plusieurs réformes importantes visant à rendre la fiscalité plus efficace et plus équitable, la charge fiscale globale ainsi que la progressivité de l’impôt demeurent inférieures à la moyenne de l’OCDE (Graphique 1.20). Les cotisations de sécurité sociale restent élevées, ce qui décourage le travail et encourage l’activité informelle, tandis que les revenus et la propriété sont taxés assez légèrement. Les impôts sur la consommation ressortent comparativement élevés. L’écart de TVA, c’est-à-dire l’écart entre la collecte réelle et la collecte théorique/maximale de TVA, s’amenuise, mais il reste supérieur à la moyenne de l’OCDE, du fait à la fois des taux réduits de TVA et de l’informalité.
Les projets gouvernementaux visant à élargir les bases fiscales vont dans la bonne direction. Le pays entend réduire l’informalité en s’appuyant sur une série de 37 mesures, et notamment en accélérant la transformation numérique de l’administration fiscale, ce qui est une bonne chose. Par ailleurs, il y aurait lieu de rétablir l’application du taux normal de TVA dans la restauration et l’hôtellerie, lequel avait été réduit durant la pandémie afin de soutenir ce secteur, qui a réussi à se redresser. Le gouvernement a également récemment planché sur des mesures visant à élargir l’assiette de l’impôt sur la propriété immobilière, actuellement considéré comme une « taxe de luxe » et qui ne génère que peu de recettes. Pour réduire la charge fiscale des propriétaires à faible revenu, les autorités pourraient envisager d’introduire un certain degré de progressivité dans le système, soit en introduisant un barème progressif, soit en fixant un seuil de valeur de bien à partir duquel s’appliquerait l’impôt. Enfin, une nouvelle réduction des cotisations de sécurité sociale et une augmentation proportionnelle de l’impôt sur le revenu des personnes physiques permettraient de réduire la charge sur le travail et d’élargir l’assiette fiscale.
Le taux légal de l’impôt sur les sociétés en Lituanie est de 15 %, soit un taux inférieur à la moyenne de l’OCDE (environ 23 %). Diverses incitations fiscales visant à encourager l’investissement et l’innovation réduisent les taux d’imposition effectifs, bien que l’utilisation de ces dispositifs reste faible (voir le chapitre thématique). Plus généralement, si les incitations fiscales tendent à produire un effet positif sur l’innovation, elles favorisent vraisemblablement les entreprises déjà bien installées au détriment des jeunes entreprises innovantes et soumises à des contraintes de crédit (Encadré 1.4). De plus, la politique en place manque d’équilibre : en effet, si les incitations fiscales sont généreuses, l’aide publique directe à l’innovation demeure à l’inverse minime, alors que des recherches récentes de l’OCDE suggèrent qu’un dosage équilibré entre fiscalité et aide directe donne de meilleurs résultats que le seul recours à des incitations fiscales (Appelt et al., 2020[17]). Dans ce contexte, il y aurait lieu d’évaluer en profondeur l’efficacité des incitations fiscales déployées et d’envisager d’accroître le soutien direct à l’innovation, par exemple par des subventions ou une collaboration plus étroite avec les universités et les écoles, comme en Allemagne, en Suisse ou dans les pays nordiques.
Encadré 1.4. Les incitations fiscales dans le système d’imposition des sociétés en Lituanie
Le cadre de l’impôt sur les sociétés en Lituanie prévoit plusieurs incitations fiscales visant à promouvoir l’investissement, la recherche et le développement, ainsi que l’innovation. Les incitations en place sont diverses : meilleure déduction des dépenses de R-D ; amortissement accéléré pour les investissements en R-D ; régime préférentiel applicable aux revenus de la propriété intellectuelle (« patent box ») ; abattements pour les investissements réalisés dans des « améliorations technologiques » ; zones franches économiques (« canal vert ») où les entreprises bénéficient d’un allégement de l’impôt sur les sociétés pendant 10 ans ; et exonérations de l’impôt sur les sociétés pouvant aller jusqu’à 20 ans pour les entreprises engagées dans des projets d’investissement à grande échelle. Les petites entreprises sont également soutenues par diverses mesures d’incitation fiscale (y compris au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques) destinées à encourager l’entrepreneuriat, telles que des taux réduits d’impôt sur les sociétés ou des crédits d’impôt supplémentaires.
Toutefois, le taux d’utilisation des incitations fiscales à la R-D reste faible. Ainsi, la Lituanie ne leur consacre en réalité qu’environ 0.025 % de son PIB, contre plus de 0.1 % à l’échelle de la zone OCDE. De fait, les incitations semblent passer à côté des critères de déclenchement qui caractérisent une économie lituanienne en phase de rattrapage, reposant sur de nombreuses jeunes pousses innovantes. Les entreprises innovantes confrontées à des contraintes de crédit ont besoin de fonds le plus tôt possible. Or, elles n’accèdent en définitive au bénéfice des mesures d’incitation que dès lors qu’elles commencent à dégager des revenus de leur propriété intellectuelle (PI). De plus, la « patent box » ne soutient l’activité de PI que dans la mesure où elle produit des brevets et des logiciels protégés par le droit d’auteur, ce qui décourage les autres formes de création de PI. Enfin, contrairement à l’aide financière directe, les incitations fiscales ne répondent pas au problème essentiel des entrepreneurs innovants mais peu enclins au risque, autrement dit à la problématique de l’échec potentiel.
Source : Ministère des Finances.
Favoriser la décentralisation et l’investissement local
La Lituanie est l’un des pays de l’OCDE les plus centralisés sur le plan budgétaire, les collectivités locales jouissant d’une faible autonomie en matière de fiscalité et de dépenses (Graphique 1.21). Les impôts récurrents sur la propriété foncière et les bâtiments, au demeurant peu lucratifs, sont les seuls impôts locaux autonomes, même si une certaine autonomie, limitée, a été introduite sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Les municipalités s’appuient sur un système fragmenté de subventions interadministrations qui sont conditionnées à des objectifs d’investissement strictement définis, ce qui réduit l’efficacité des dépenses. Les capacités administratives sont jugées insuffisantes. La coordination des projets d’investissement entre les municipalités est peu présente, ce qui empêche les économies d’échelle et de gamme. Des règles budgétaires locales restrictives limitent la capacité des municipalités à emprunter pour investir (OECD, 2020[18]). En conséquence, l’investissement local est largement tributaire des financements de l’autorité centrale et de ceux de l’UE, bien que les budgets des collectivités locales soient excédentaires depuis ces dernières années.
Le pays a entamé un processus de réforme de son cadre budgétaire interadministrations. Les réformes prévoient la cession intégrale des recettes de l’impôt sur la propriété immobilière aux municipalités, ainsi qu’une modification de la budgétisation leur offrant la possibilité de conserver les économies réalisées sur les transferts et éliminant par conséquent l’obligation de reverser celles-ci au pouvoir central. En outre, le gouvernement prévoit d’apporter à la constitution une modification destinée à permettre aux collectivités locales d’emprunter avec plus de souplesse pour mettre en œuvre des projets cofinancés par l’UE. Si ces réformes sont les bienvenues, elles pourraient néanmoins aller plus loin. Ainsi, l’octroi d’une certaine autonomie en matière d’impôts sur le revenu ou la remise à plat du système de transferts interadministrations pourraient aider les municipalités à mettre en œuvre des projets d’investissement complets et efficaces (Encadré 1.5). Étant donné la diversité des situations économiques des collectivités locales, il faudrait sans doute que cette grande autonomie fiscale s’accompagne d’un système de péréquation efficace. Les conseils de développement régional récemment créés pourraient jouer un rôle plus important dans la gouvernance des projets d’investissement supra-locaux.
Encadré 1.5. Encourager l’investissement public local : les cas de l’Irlande et de la Finlande
Sous des angles institutionnels opposés, l’un centralisé, l’autre décentralisé, l’Irlande et la Finlande nous fournissent des exemples instructifs de la manière dont il est possible de promouvoir l’investissement local.
L’Irlande est encore plus centralisée que la Lituanie, mais a de son côté une forte tradition de financement intégré de l’investissement local. Une planification pluriannuelle complète et une mise en œuvre rigoureuse des priorités retenues sont l’une des bases essentielles qui fondent le cadre irlandais de financement de l’investissement public. En 2018, l’Irlande a créé des fonds de revitalisation et de développement des milieux ruraux et urbains, dont le fonctionnement s’inspire de celui des Fonds structurels de l’UE, avec leurs procédures de mise en concurrence et leurs exigences de contrepartie. Les collectivités locales irlandaises sont tenues de cofinancer tout projet d’investissement à hauteur d’au moins 25 %. Il est important de noter que les fonds ne prévoient pas de conditionnalité thématique ou sectorielle et qu’ils permettent donc des investissements locaux ciblés et sur mesure.
La Finlande est très décentralisée, avec une autonomie fiscale des collectivités locales bien supérieure à ce qu’elle est en moyenne dans la zone OCDE. Les municipalités finlandaises jouissent également d’une grande liberté d’emprunt et de dépense, dans le cadre d’un ensemble de règles budgétaires nationales rigoureusement mises en œuvre. Les incitations à l’investissement local productif sont fortes dans la mesure où les retours sur investissement, sous la forme de recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés plus élevées, reviennent à la municipalité. La coopération entre les municipalités est très développée, les projets communs profitant à chacun au travers d’économies d’échelle et de gamme. Les municipalités étant fortement incitées à rester solvables, les coûts d’emprunt sont faibles. Deux fonds de financement et de garantie détenus par les municipalités assurent par ailleurs un contrôle supplémentaire de la viabilité des finances municipales.
Le modèle de financement intégré de l’Irlande comme le modèle de forte autonomie fiscale de la Finlande peut être source d’inspiration pour la Lituanie dans son cheminement sur la voie d’un cadre fiscal interadministrations plus efficace.
Source : (OECD, 2020[18]).
Réformes visant à améliorer le climat des affaires
Le climat des affaires est propice, la rigueur de la réglementation étant généralement inférieure à la moyenne de l’OCDE, ce dont bénéficient les entreprises nationales et qui aide à attirer les entreprises étrangères (Graphique 1.22). En particulier, l’entrée sur le marché est largement facilitée et l’environnement réglementaire et administratif est favorable pour les petites entreprises innovantes. Des réformes récentes, dont un amendement à la Constitution, ont également permis d’assouplir les restrictions appliquées aux non-résidents, en ce qui concerne les services juridiques, par exemple, ou encore l’acquisition de biens fonciers, même si certains obstacles subsistent encore dans ces domaines. Sur la base du principe de compensation réglementaire dit du « one in, one out » (« un ajout, une abrogation »), les autorités poursuivent leurs efforts visant à réduire les coûts de mise en conformité, à faciliter les agréments pour les entreprises de secteurs tels que les soins de santé et à réduire le nombre de domaines où un agrément est obligatoire. Le seul domaine où la qualité de l’environnement réglementaire est inférieure à la moyenne est celui des entreprises d’État. Les réformes pourraient permettre de gagner jusqu’à 5 % de PIB par habitant (Encadré 1.6). Les progrès dans le processus de réforme sont présentés au Tableau 1.7.
Encadré 1.6. Quantification de l’impact des réformes structurelles
Le tableau ci-dessous quantifie l’impact de certaines des réformes suggérées dans la présente Étude, en s’appuyant sur des mesures simples, présentées à titre d’exemple, et sur une analyse de régression transnationale. D’autres réformes, notamment dans les domaines de l’éducation ou de la politique environnementale, ne sont pas chiffrables au vu des données disponibles ou de la complexité des mesures. La plupart des estimations reposent sur les relations empiriques entre les réformes structurelles passées et la productivité, l’emploi et l’investissement ; elles s’appuient sur l’hypothèse d’une mise en œuvre rapide et intégrale des réformes et ne tiennent pas compte des spécificités institutionnelles de la Lituanie. Ces estimations sont donc fournies à titre purement indicatif, et doivent être considérées avec prudence.
Tableau 1.6. Impact potentiel des réformes structurelles sur le revenu par habitant
Domaine d’action |
Mesure |
Effet à 10 ans sur le PIB par habitant, en % |
Effet à long terme sur la productivité, en % |
---|---|---|---|
Engagement capitalistique de l’État |
Réduire la présence capitalistique de l’État et améliorer la gouvernance des entreprises d’État pour atteindre les standards moyens l’OCDE |
1.2 |
|
Réglementation |
Séparer entièrement la propriété de l’infrastructure ferroviaire et l’exploitation du réseau |
0 à 0.6 |
|
Éducation et compétences |
Améliorer les résultats au PISA pour atteindre la moyenne de l’OCDE (500) |
3 %-7 % |
|
Âge de la retraite |
Indexer l’âge de la retraite sur l’espérance de vie |
1.6 |
|
Innovation |
Accroître le soutien à l’innovation des entreprises de 0.025 % à 0.1% du PIB |
0.2 |
|
Intégrité du secteur public |
Améliorer le contrôle de la corruption de 0.2 point d’indicateur pour atteindre la moyenne de l’UE |
0 à 1.5 |
Note : La quantification budgétaire tient également compte des recommandations suivantes, même si leur impact sur le PIB ne peut être chiffré : baisse des cotisations de sécurité sociale contre une hausse de la fiscalité sur le revenu ; relèvement du taux de TVA dans l’hôtellerie et la restauration pour le porter au taux normal. La fusion des établissements scolaires contribuera à améliorer les notations PISA et, partant, à accroître la productivité à long terme.
Source : Calculs de l’OCDE fondés sur (Égert et Gal, 2017[19]) et w(Egert, de la Maisonneuve et Turner, 2022[20]).
Tableau 1.7. Recommandations antérieures de l’OCDE sur les politiques structurelles
Recommandation |
Mesure prise |
---|---|
Renforcer davantage la gouvernance des entreprises publiques. Vendre à des investisseurs privés s’il n’existe pas de raisons impérieuses à l’engagement de l’État. |
Plusieurs entreprises d’État ont été transformées en sociétés anonymes. |
Faciliter l’accès des prestataires privés au réseau ferroviaire. |
Les règles régissant l’accès au réseau ferroviaire ont été modifiées. Une entreprise privée de transport de marchandises et de passagers est désormais en activité. |
Améliorer la gouvernance du système d’innovation en renforçant la coordination et en fusionnant les agences. |
La consolidation des agences de l’innovation est en cours. |
Rendre les entreprises publiques plus productives
Les entreprises publiques, ou entreprises d’État, exercent des activités dans de nombreuses d’où la nécessité d’améliorer encore la qualité de leur gouvernance (Graphique 1.22). Les entreprises d’État lituaniennes sont concentrées dans les industries de réseau telles que l’énergie et les transports, mais elles sont également actives dans l’agriculture, la sylviculture et les services financiers. La moitié seulement environ des entreprises d’État (18 sur 33) atteignent les objectifs financiers qui leur sont fixés par leurs autorités de surveillance, de la même façon que les années passées, même si la pandémie pourrait en partie expliquer la faiblesse des résultats (Governance coordination centre, 2021[21]). Il manque en particulier aux entreprises publiques municipales un cadre de réglementation et de gouvernance transparent, ce qui peut fausser la concurrence avec les prestataires privés et peser sur les économies locales (Lithuanian National Audit Office, 2021[22]). À l’échelle de la zone OCDE, la solidité de la gouvernance des entreprises d’État est positivement associée à leur efficacité (Égert et Wanner, 2016[23]).
Au cours des dernières années, le gouvernement a nettement amélioré la stratégie de l’État actionnaire, réformé le cadre de gouvernance des entreprises publiques et réduit leur nombre des deux tiers, ce qui est une bonne chose. À la fin de l’année 2021, les autorités ont annoncé leur intention de transformer toutes les entreprises d’État, y compris l’aéroport de Vilnius, les voies navigables intérieures et le port de Klaipeda, en sociétés (publiques) anonymes ou ouvertes, et d’abandonner ainsi la législation spéciale visant ces entités d’ici 2024. Il est prévu de réduire encore le nombre d’entreprises d’État, soit par des privatisations, soit par des fusions. Au vu notamment du renforcement prévu de la capacité budgétaire des municipalités (voir ci-avant), il convient que le gouvernement porte également son attention sur le secteur municipal. Toutes les entreprises publiques devraient être soumises aux mêmes cadres juridique, financier et réglementaire que ceux applicables aux entreprises privées.
La réglementation des transports doit encore être améliorée
La réglementation des transports – secteur de loin le plus gros contributeur aux exportations de services du pays – a été améliorée, avec notamment l’élimination d’un problème historique de position anticoncurrentielle flagrante dans le ferroviaire. Au cours des deux dernières années, le gouvernement s’est efforcé de faciliter l’accès des opérateurs privés au réseau ferroviaire, en réformant en particulier la « règle de priorité » qui favorisait indûment la société de chemin de fer publique en place. À la suite de la réforme relative à la gestion des infrastructures, une entreprise s’est implantée sur le marché aux côtés de l’opérateur public pour y proposer son offre de transport de marchandises et de passagers. Même ainsi, l’autorité de la concurrence a exprimé son inquiétude, en mai 2022, au sujet du fonctionnement des nouvelles règles de priorité et a instamment prié le ministère des Transports à accorder un accès plus égal à l’infrastructure ferroviaire. L’autorité de la concurrence a par ailleurs fait le constat que les règles de concession qui visent les compagnies d’autobus fournissant des services réguliers de transport de passagers restreignent la concurrence et empêchent l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. Compte tenu du risque inhérent de comportement anticoncurrentiel dans les industries de réseau, il convient que les autorités poursuivent l’action engagée pour réduire les obstacles à l’entrée dans le secteur des transports afin d’accroître la productivité.
Confiance, corruption et qualité des institutions
Les enquêtes et les sondages laissent entendre que la proportion des citoyens lituaniens ayant confiance dans leurs pouvoirs publics est inférieure à la moyenne de l’OCDE (Graphique 1.23, Partie A). Dans le même ordre d’idées, la réactivité des institutions politiques aux demandes des citoyens et la satisfaction à l’égard du processus politique sont jugées médiocres, même si elles restent supérieures à la moyenne des pays d’Europe centrale et orientale (OECD, 2021[24]). La qualité des institutions est inférieure à la moyenne de l’OCDE, en particulier concernant l’organisation politique, la transparence et le capital social (Partie B). Une moindre qualité des institutions est associée à une confiance réduite (Prats et Meunier, 2021[25]). Un faible niveau de confiance peut atténuer l’efficacité de l’élaboration d’une politique économique alors que le succès d’une réforme politique dépend du respect que lui accordent les citoyens, de leur adhésion et de leur participation. Améliorer la communication avec les citoyens, endiguer une inflation juridique galopante, améliorer la conception des lois et des règlements et favoriser une culture de la prise de décision fondée sur des données probantes à l’échelle des organismes publics pourraient contribuer à améliorer la qualité des institutions et à renforcer la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics (OECD, 2021[26]). Le gouvernement a fait de l’amélioration du processus d’élaboration des politiques publiques l’une de ses priorités.
Une confiance et une qualité des institutions moindres sont généralement associées à des niveaux de corruption plus élevés. Les indicateurs de contrôle et les indices de perception des risques de corruption laissent à penser que les performances de la Lituanie sont inférieures à la moyenne de l’OCDE, bien que l’écart se soit manifestement réduit au cours des 15 dernières années (Graphique 1.24). Selon les autorités, les expériences personnelles de pratiques de corruption (comme les pots-de-vin dans le secteur des soins de santé ou sur les marchés publics) se font plus rares, et aucun cas de corruption étrangère n’a été enregistré depuis 2020. Les autorités poursuivent la mise en œuvre de mesures destinées à améliorer l’intégrité. Depuis janvier 2022, la législation modifiée favorise un environnement anticorruption, adopte des mesures visant à prévenir la corruption, sensibilise à la lutte contre la corruption et veille à la fiabilité du personnel. En outre, en février 2022, une version actualisée de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur, établissant des normes de protection plus élevées dans les secteurs public et privé.
Améliorer le système d’enseignement pour améliorer les compétences et la productivité
Un enseignement de qualité peut contribuer à accroître le capital humain et la productivité à long terme (Egert, de la Maisonneuve et Turner, 2022[20]). En Lituanie, les résultats de l’enseignement et les compétences ressortent comparativement médiocres, et l’inadéquation des compétences est substantielle, mais elle a reculé ces dernières années (Graphique 1.25). Les dépenses publiques consacrées à l’enseignement sont inférieures à la moyenne de l’OCDE et elles favorisent le maintien d’une infrastructure dispersée qui n’atteint souvent pas la masse critique. L’enseignement privilégie la voie générale au détriment de la voie professionnelle, ce qui entraîne des déséquilibres sur le marché du travail, de nombreux diplômés n’étant pas correctement formés pour leur emploi (OECD, 2021[27]).
Les résultats obtenus par les jeunes Lituaniens dans le cadre du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) s’améliorent, mais restent inférieurs à la moyenne de l’OCDE.
La qualité de l’enseignement obligatoire, mesurée dans le cadre de l’enquête PISA, reste inférieure aux moyennes de l’OCDE et varie fortement selon les régions et les établissements scolaires (graphique 1.24). Les résultats médiocres de la Lituanie à cet égard s’expliquent par l’existence d’un réseau surdimensionné de trop nombreux petits établissements scolaires, les compétences lacunaires des enseignants dont le salaire ne prend en compte ni l’expérience ni l’excellence et l’inadéquation des programmes scolaires (OECD, 2021A, 2021B). De récentes recherches de l’OCDE laissent penser que les résultats des enquêtes PISA sont étroitement associés aux compétences et à la productivité des adultes. Un rapprochement continu des résultats obtenus dans le cadre du PISA avec la moyenne de l’OCDE est en effet associé à une amélioration de 3 à 7 % de la productivité multifactorielle, sachant que cette évolution ne se matérialiserait toutefois pas avant de nombreuses années (Egert, de la Maisonneuve et Turner, 2022[20]).
Le gouvernement a entamé, en 2021, une réforme de l’enseignement primaire et du premier cycle de l’enseignement secondaire, en élaborant un nouveau cadre de compétences des enseignants leur offrant de meilleures perspectives de carrière, en revalorisant les salaires des chefs d’établissement, en adaptant les programmes scolaires dans le sens de compétences fondamentales plus clairement définies et en revoyant à la hausse la taille minimale des établissements et des classes. Ces réformes sont à saluer et sont conformes aux recommandations formulées dans les Études économiques précédentes. Le gouvernement devrait poursuivre sa réforme du réseau scolaire, la taille des établissements étant un facteur important qui détermine la qualité de l’enseignement et les interactions des enfants entre eux (voir également le chapitre thématique).
Rapprocher l’enseignement professionnel du marché du travail
La part de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) compte parmi les plus faibles de la zone OCDE (Graphique 1.27). L’EFP a souvent mauvaise réputation, même si de nombreux étudiants reprennent en définitive une formation professionnelle après avoir obtenu un diplôme dans la filière générale. La faible part de l’EFP pourrait être l’une des causes du manque de professionnels formés dans certains domaines et de l’inadéquation relativement élevée des compétences. Les autorités ont toutefois commencé à rendre la voie professionnelle plus attrayante. Les programmes d’enseignement ont été décentralisés au profit des conseils d’établissement, composés principalement d’entreprises, et réarchitecturés pour gagner en modularité et en capacité à répondre aux besoins du marché du travail. L’orientation professionnelle à l’issue de l’enseignement obligatoire a été renforcée. Ces initiatives vont dans le bon sens. Les efforts visant à renforcer l’EFP doivent être poursuivis, pour développer, attirer et conserver les compétences, réduire le chômage des jeunes et accroître la productivité, notamment en élargissant les voies d’accès au supérieur, comme cela se fait en France, en Allemagne ou encore en Suisse.
La formation en milieu professionnel (autrement dit l’apprentissage ou l’alternance) est quasi inexistante en Lituanie. Les apprentis ne sont en tout et pour tout que quelques centaines dans le pays, et leur nombre a même diminué depuis 2017, date à laquelle leur statut a été formalisé dans le code du travail. Les employeurs se montrent réticents à jouer le jeu de l’alternance, préférant miser sur des étudiants diplômés des établissements d’EFP (pas de coûts) et craignant de voir les talents formés les quitter une fois leur alternance terminée. La collaboration entre les établissements scolaires et les employeurs est peu développée (OECD, 2021[27]). Pour accroître l’intérêt des employeurs pour l’apprentissage, le gouvernement a récemment renforcé le soutien financier accordé aux entreprises qui engagent des apprentis, en prenant en charge jusqu’à 70 % de leur salaire dans certains cas, contre 40 % auparavant. Les coûts induits par l’enseignement assuré par des professionnels en entreprise (ou des maîtres d’apprentissages) sont aussi partiellement pris en charge. Compte tenu de l’importance de la formation en milieu professionnel pour les compétences et l’emploi, le pays pourrait faire davantage pour amplifier l’utilité de l’apprentissage en entreprise sur le marché du travail, en rendant le système plus avantageux pour les employeurs et les apprentis potentiels (Encadré 1.7).
Encadré 1.7. Réformer la formation en milieu professionnel en Europe centrale et orientale
Comme dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, la faiblesse de l’EFP en alternance en Lituanie est pour partie un legs de l’époque socialiste, lorsque la plupart des établissements de formation professionnelle étaient rattachés à de grands conglomérats industriels. L’effondrement du tissu industriel et le passage à une économie de marché ont rompu les liens entre les établissements et les entreprises, et la composante de formation en milieu professionnel a largement disparu. Rétablir le lien entre les établissements d’enseignement professionnel et les nouvelles entreprises pour la formation sur le lieu de travail s’est avéré délicat, et la coopération entre le système éducatif et les employeurs reste faible à l’heure actuelle. Les nombreuses petites entreprises de la région estiment le plus souvent que le coût de l’investissement à consentir et de la formation des apprentis est supérieur aux gains qu’elles peuvent en attendre.
Plusieurs pays d’Europe centrale et orientale ont réformé leur système de formation en alternance au cours des dernières années de manière à le rendre plus attrayant. En 2021, la Hongrie a introduit deux filières distinctes d’EFP avec deux niveaux de qualification différents, afin de trouver un meilleur équilibre entre compétences générales et compétences professionnelles. La proportion de diplômés de l’EFP ayant une expérience professionnelle est plus élevée que dans n’importe quel autre pays d’Europe centrale et orientale (OECD, 2021[28]). En 2015, la Lettonie a mis en place un programme de formation professionnelle qui prévoit le passage d’au moins 25 % du temps d’apprentissage en entreprise, et le pays soutient financièrement les entreprises qui embauchent des apprentis (OECD, 2021[29]). En 2016, la République slovaque s’est dotée d’un modèle d’EFP en alternance visant à accroître l’apprentissage en milieu professionnel et prévoyant certaines incitations fiscales au recrutement d’apprentis (OECD, 2021[30]).
La formation en milieu professionnel ne fonctionne que si chacun, du côté des employeurs comme de celui des apprenants, y trouve son compte. Plutôt que de recourir à des subventions ou à d’autres formes d’incitations financières susceptibles de créer des effets d’aubaine, il est plus efficace de jouer sur les paramètres de l’apprentissage, à savoir sur la durée du programme, le temps passé dans l’entreprise au regard de celui passé dans l’établissement, ou encore la rémunération de l’apprenti (Mühlemann et Wolter, 2019[31]). Une autre manière de renforcer l’attrait de la formation en milieu professionnel consiste à étendre l’apprentissage au-delà des métiers techniques et de l’artisanat et à l’introduire dans les secteurs du service, tels que les soins de santé ou bien le tourisme, par exemple. Enfin, les autorités pourraient encourager les entreprises internationales, en particulier celles des pays dotés d’un système de formation en alternance bien établi, à offrir davantage d’opportunités d’apprentissage en milieu professionnel et inciter à la formalisation de la formation interne à l’entreprise.
Sources : telles que citées.
Les universités doivent être davantage tournées vers l’excellence
L’excellence universitaire et l’adéquation aux besoins du marché du travail des formations dispensées par les universités lituaniennes sont inférieures à celles des pays comparables (Graphique 1.28 Partie A). L’avantage de rémunération largement supérieur à la moyenne offert par l’enseignement supérieur et le pourcentage élevé de places d’études non pourvues en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques suggèrent un certain rationnement, une inadéquation entre l’offre de programmes d’enseignement supérieur et les besoins réels du marché du travail, ou un déficit d’information du côté des apprenants (Partie B, voir également le chapitre thématique). Avec une quarantaine d’établissements distincts, le réseau des établissements du supérieur est dispersé, avec beaucoup de chevauchements et de doubles emplois entre les campus, lesquels ne présentent par ailleurs souvent pas la masse critique nécessaire pour atteindre l’excellence. Enfin, les jeunes issus de milieux socioéconomiques défavorisés ont davantage de difficultés à entrer à l’université, et ce notamment du fait des conditions d’attribution particulièrement sélectives des places financées par l’État.
Les réformes relatives aux financements et à la gouvernance pourraient contribuer à renforcer l’utilité de l’enseignement supérieur pour le marché du travail. Premièrement, des mesures consistant à lier une partie des financements publics des établissements au devenir professionnel de leurs étudiants pourraient inciter les universités à mieux adapter leurs programmes aux besoins. Dans des pays comme le Danemark, l’Estonie, la Finlande ou la Pologne, entre 3 et 7.5 % du financement de l’enseignement supérieur dépend ainsi du devenir professionnel de leurs étudiants (OECD, 2021). Le gouvernement prévoit d’accorder environ 20 % de ce financement en fonction d’objectifs de débouchés professionnels convenus avec les établissements d’enseignement supérieur et les instituts, ce qui est une bonne chose. Des financements supplémentaires pourraient également aider à améliorer l’accès d’étudiants de milieux socioéconomiques défavorisés au supérieur. Deuxièmement, la poursuite du mouvement de regroupement des universités ou d’autres établissements supérieurs spécifiques pourrait aider à atteindre la taille critique et à éviter les doublons, comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020).
Attirer plus d’étudiants étrangers pourrait contribuer à améliorer la qualité de l’enseignement supérieur et à réduire le décalage entre l’offre et la demande de compétences sur le marché du travail lituanien. Le pourcentage d’étudiants étrangers dans le nombre total d’inscriptions reste faible puisqu’il est d’environ 6 %, contre 11 % en Estonie et 10 % en Lettonie, même si l’accès d’étudiants de pays non membres de l’UE a été facilité depuis 2019 (Graphique 1.29). L’utilisation d’indicateurs rendant compte du nombre et de la qualité des échanges internationaux d’étudiants pourrait aider les universités lituaniennes à s’internationaliser et à se tourner davantage vers l’extérieur. Le Danemark et la Norvège intègrent ainsi des indicateurs de mobilité dans leurs modèles de financement. En proposant plus de cours dans d’autres langues que le lituanien, les universités pourraient en outre attirer et retenir des compétences venues de l’étranger.
Réduire les disparités sociales et régionales
Les clivages sociaux et régionaux en Lituanie diminuent mais demeurent élevés. Bien que de nombreuses économies en expansion rapide présentent des inégalités d’opportunités et de résultats, une politique bien conçue peut contribuer à réduire ces inégalités sans affecter les perspectives de croissance. Les pouvoirs publics considèrent l’inégalité des revenus, la pauvreté et les disparités régionales comme une question prioritaire. Ils ont renforcé divers programmes pour promouvoir l’inclusion.
La pauvreté reste un enjeu
La réduction de la pauvreté reste un enjeu important pour la Lituanie, alors que la pandémie de COVID-19 a peut-être exacerbé la vulnérabilité sociale. Ce n’est que récemment que la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté a commencé à diminuer, et le taux de risque de pauvreté reste le deuxième plus élevé des pays européens de l’OCDE (Graphique 1.30). Certains indicateurs tels que le ratio des quintiles de revenus du travail tendent à montrer que le contrecoup social de la pandémie a touché de manière disproportionnée les secteurs à bas salaires, aggravant ainsi les inégalités. Les chômeurs, les parents isolés et les personnes peu qualifiées sont les plus susceptibles d’être victimes de la pauvreté, bien que les personnes âgées représentent le principal groupe social concerné en termes absolus. Les dépenses sociales sont faibles par rapport aux normes internationales, et l’efficacité du système de prélèvements et de prestations en matière de réduction des inégalités et de la pauvreté reste faible, comme le montre le chapitre thématique de la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]).
Les pouvoirs publics s’attaquent sérieusement à la pauvreté, comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]). Les prestations sociales, notamment les allocations familiales et les pensions, ont été considérablement augmentées et partiellement indexées sur l’évolution des revenus, et la part des dépenses sociales dans le PIB est en augmentation. Les services tels que le logement social et les soins de longue durée se sont également améliorés et sont de mieux en mieux adaptés aux besoins. Les pouvoirs publics devraient continuer à lier l’aide sociale aux besoins, en particulier pour les personnes âgées, tout en renforçant les politiques qui contribuent à remédier aux raisons sous-jacentes de la pauvreté persistante, telles qu’un taux de chômage élevé ou un faible niveau de qualification, par une plus grande activation et une meilleure éducation.
Les autorités remédient aux disparités en renforçant les institutions régionales
Les écarts de PIB par habitant, de productivité et d’emploi entre régions dépassent la moyenne de l’OCDE malgré la petite taille du pays. Les zones éloignées et périphériques connaissent un vieillissent démographique rapide, car la population active migre vers les grandes agglomérations. L’exode depuis ces zones s’est accéléré ces dernières années, alors que les écarts de productivité entre les principales régions du pays et ses régions périphériques ont tendance à se résorber. Les résultats scolaires et les compétences varient fortement d’une région à l’autre, dans un contexte où les résultats scolaires sont globalement inférieurs à la moyenne. La « fracture numérique » — mesurée, par exemple, en fonction de la connectivité au haut débit entre les régions — reste plus importante que la moyenne de l’OCDE, même si elle diminue. Enfin, les obstacles réglementaires entravent le développement d’un marché immobilier locatif flexible dans les agglomérations.
Les pouvoirs publics s’efforcent de remédier aux disparités entre régions en renforçant les institutions régionales. En 2020, les pouvoirs publics ont créé des conseils dits de développement régional pour piloter et coordonner une planification stratégique dans les domaines du développement régional, des transports, de l’éducation et de la formation préscolaires et professionnelles, et potentiellement des soins de santé. En 2021, les pouvoirs publics ont renforcé et clarifié le rôle des conseils régionaux en soulignant leur caractère intercommunal et l’importance d’investissements coordonnés, comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, 2020[6]).. Les autorités considèrent le renforcement des institutions régionales comme une priorité essentielle en vue de favoriser un développement régional inclusif. L’autonomie locale et régionale est généralement associée à des disparités régionales plus faibles (Bartolini, Stossberg et Blöchliger, 2016[32]). Dans ce contexte, les autorités devraient continuer de déléguer des pouvoirs au niveau des régions et de veiller à ce que la planification stratégique soit mieux coordonnée entre les différents domaines de l’action publique.
Décarboner l’économie
La Lituanie vise à réduire ses émissions de carbone de 30 % d’ici 2030 par rapport à son niveau de 2005 et à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, comme le prévoit le programme national de gestion du climat adopté en 2021. Ces objectifs ambitieux impliqueront une action politique forte et efficace. Les émissions de carbone par habitant sont inférieures à la moyenne de l’OCDE, mais continuent d’augmenter. Les transports représentent la plus grande part des émissions totales de carbone, tandis que l’agriculture (surtout génératrice de méthane) est le secteur qui se situe le plus nettement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (Graphique 1.32). Ces deux secteurs fournissent des recettes extérieures croissantes à la Lituanie et sont influencés par la tarification du carbone. Étant donné que la grande industrie est soumise au système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE), la taxation du carbone est supérieure à la moyenne de l’OCDE. Pour autant, la persistance des subventions aux carburants compromet en partie l’efficacité de la tarification du carbone. Les dépenses de protection de l’environnement sont modestes. La pollution de l’air ambiant et de l’eau est inférieure à la moyenne de l’OCDE.
Les pouvoirs publics ont pris des mesures en faveur de la décarbonation, en vue de réduire les émissions et de renforcer la sécurité énergétique (Encadré 1.1). Pour atteindre les objectifs en matière d’émissions, la Lituanie prévoit de mettre à jour son plan national Énergie-Climat d’ici 2023, en phase avec la réglementation européenne. L’UE prévoit de soumettre d’autres secteurs, comme les transports et le bâtiment, au SEQE-UE. Un tiers environ des fonds de la Facilité de l’UE pour la reprise et la résilience, soit quelque 0.8 % du PIB au total par an, à décaisser au cours des prochaines années sera investi au cours des prochaines années dans la transformation verte, dans la rénovation et la réhabilitation des immeubles collectifs, ainsi que dans les aides à la production publique et privée d’énergies solaire et éolienne et au stockage d’électricité. En 2020, le gouvernement a instauré une taxe sur les voitures en fonction des émissions, et prévoit de supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles et d’ajouter une composante CO2 aux droits d’accise sur les produits énergétiques en 2025, sous réserve de l’approbation du Parlement. Dans ce contexte, les pouvoirs publics devraient intensifier la tarification du carbone, soit en introduisant une taxe sur le carbone, soit en établissant un système de permis national pour les secteurs non couverts par le SEQE-UE. Si la Lituanie, en tant que petit pays, devrait certes centrer son action sur l’adoption de technologies innovantes, les pouvoirs publics devraient néanmoins également investir dans des activités ciblées de recherche et développement, visant en particulier les secteurs du transport et de l’agriculture. La Lituanie a chargé l’OCDE d’élaborer un ensemble de politiques concrètes pour atteindre les objectifs climatiques de manière efficace et efficiente.
Tableau 1.8. Constatations et recommandations pour favoriser une croissance durable et inclusive
Politiques financière et budgétaire |
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L’inflation a augmenté, sous l’effet du niveau élevé des prix de l’énergie et du logement. |
Durcir la politique budgétaire à un rythme adapté pour contribuer à atténuer les tensions inflationnistes. Faire en sorte que les aides ciblent les ménages et les entreprises vulnérables subissant le contrecoup des prix élevés de l’énergie. Durcir l’orientation macroprudentielle si les évolutions du marché du logement devaient commencer à menacer la stabilité financière. |
Le déficit budgétaire est supérieur à l’objectif à moyen terme. |
Veiller à ce que le déficit retrouve un niveau durable à moyen terme, en suivant les règles budgétaires et en procédant à de nouveaux examens des dépenses. |
Le coût budgétaire du vieillissement de la population s’alourdit. L’âge de la retraite va être relevé pour être porté à 65 ans d’ici à 2026. |
Envisager d’établir un lien automatique entre l’âge de la retraite et l’espérance de vie après 2026. |
Pendant la pandémie, les taxes sur la valeur ajoutée ont été réduites pour l’hôtellerie et la restauration. |
Revenir en temps voulu au taux normal de TVA dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. |
Les recettes propres des collectivités locales sont minimes, ce qui limite les capacités d’investissement local. |
Permettre aux collectivités locales de disposer de recettes propres plus importantes. |
Les capacités administratives des collectivités locales sont faibles. |
Renforcer les capacités administratives des collectivités locales |
Politiques structurelles |
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Les entreprises publiques sont présentes dans de nombreux secteurs de l’économie. Malgré des progrès considérables, la qualité de leur gouvernance reste inférieure à la moyenne de l’OCDE. |
Appliquer à toutes les entreprises publiques, qu’elles soient détenues par l’État ou par des communes, le même cadre juridique, financier et réglementaire que celui qui régit les entreprises privées. |
Les résultats obtenus par les jeunes Lituaniens dans le cadre du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) s’améliorent, mais restent inférieurs à la moyenne de l’OCDE. |
Continuer de rationaliser le réseau d’établissements scolaires en procédant à des regroupements. |
La formation en alternance en entreprise (apprentissage) a du mal à décoller depuis qu’elle a été mise en place en 2017. |
Renforcer l’apprentissage dans le secteur manufacturier et dans les services. Travailler en collaboration avec des entreprises internationales domiciliées dans des pays dotés d’un système d’apprentissage éprouvé. Assurer un équilibre en termes d’attractivité entre l’apprentissage et la formation en milieu scolaire. |
Bien qu’en baisse, la pauvreté reste élevée. |
Cibler les dépenses sociales sur les personnes dans le besoin et s’atteler aux causes profondes de la pauvreté, comme le chômage élevé et le manque de qualifications. |
Les écarts de PIB, de productivité et d’emploi entre les régions sont importants et en augmentation. |
Renforcer les pouvoirs des institutions régionales et veiller à bien coordonner, au niveau régional, les mesures prises. |
La confiance dans l’administration et la qualité des institutions sont inférieures à la moyenne de l’OCDE. |
Continuer d’améliorer la qualité et la transparence du processus d’élaboration des politiques. |
Des objectifs climatiques ambitieux exigent des mesures fortes et efficaces. |
Élargir la portée du système de tarification du carbone à tous les domaines dans lesquels il ne s’applique pas encore, particulièrement les transports et l’agriculture, tout en proposant des compensations des hausses de coûts aux ménages vulnérables. Accroître l’investissement public dans des activités de recherche et développement ciblées et dans les infrastructures vertes. |
Note : Les principales recommandations sont indiquées en caractères gras et reprises dans le Résumé.
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