Études économiques de l'OCDE : Tunisie 2018
Évaluation et recommandations
Abstract
Des fortes avancées dans les domaines politique, social et économique sur plusieurs décennies
La Tunisie s’est résolument engagée dans un processus de démocratisation après la chute du régime politique en place depuis 1987. Entre son indépendance en 1956 et la révolution pour la liberté et la dignité à la fin de l’année 2010, la Tunisie n’avait connu que deux présidents et peu d’élections réellement démocratiques. Dès octobre 2011, la Tunisie a tenu des élections pour désigner l’assemblée constituante en charge de rédiger la nouvelle constitution. Celle-ci est adoptée en janvier 2014 et des élections parlementaires et présidentielle sont organisées à la fin de la même année. Le saut démocratique depuis 2010, mesuré par l’indicateur de la Banque mondiale concernant la capacité des citoyens à participer à la vie politique, la liberté d’expression et d’association, est significatif. Cet indicateur place aussi la Tunisie dans une position favorable par rapport aux pays de la région et à de nombreux pays émergents (Graphique 1). En outre, la représentation des femmes à l’Assemblée des Représentants du Peuple est plus élevée que dans la majorité des pays de l’OCDE et des pays émergents.
Le renouveau démocratique est allé de pair avec des changements de gouvernement fréquents. La présence d’une administration bien formée a néanmoins permis d’assurer la continuité de l’État lors de ces changements. En outre, les gouvernements successifs ont partagé grosso modo le même projet économique – le programme des réformes majeures. Le Pacte de Carthage a été conclu en juillet 2016 par neuf partis politiques et les représentants des principales centrales syndicales et patronales. Un gouvernement d’union nationale, composé des représentants des partis signataires du pacte, a été formé en août 2016. Les composantes essentielles de ce pacte sont: la lutte contre le terrorisme et la corruption ; l’accélération de la croissance et de l’emploi ; la maîtrise des finances publiques ; la mise en œuvre d’une politique sociale efficace ; et le développement régional.
Alors qu’il existe un large consensus sur la nécessité des réformes, la mise en œuvre des réformes a buté sur des contraintes d’économie politique. La fragmentation politique a rendu difficile l’adoption par l’Assemblée des Représentants du Peuple des réformes proposées par le gouvernement (Conseil des analyses économiques, 2016). De plus, les lois adoptées par l’Assemblée sont souvent appliquées avec retard car les décrets d’application qui relèvent du pouvoir exécutif sont publiés tardivement.
L’inclusion est une préoccupation majeure de la république tunisienne depuis son indépendance. Le Code du statut personnel, adopté dès 1956, fait de la Tunisie le pays le plus progressiste du monde arabe en matière de droits des femmes. La scolarisation, en particulier des filles, est devenue une priorité nationale bien avant la plupart des pays émergents. Le projet lancé mi-2017 par le Président de mettre fin à l’inégalité entre hommes et femmes pour l’héritage va dans la même direction. L’accès aux services publics de base, de type électricité et eau, est nettement plus élevé que dans la majorité des pays émergents. Un socle de protection sociale a été développé dès 1960, avec un système de retraite par répartition et un système de santé dont la qualité est relativement élevée. Un système d’aides sociales aux travailleurs qui ont perdu leur emploi pour des motifs économiques et techniques a été mis en place en 1997. Un programme national de transferts monétaires et de soins gratuits ou à tarif réduit a été institué pour les familles pauvres et à revenus limités. Il a été décidé en 2018 d’étendre la gratuité des soins aux chômeurs. Ainsi, en termes de bien-être, la Tunisie se positionne plutôt favorablement par rapport aux économies émergentes sur les dimensions santé, logement et accès aux infrastructures de base (Graphique 2).
Les nombreux programmes sociaux mis en œuvre depuis les années 70 ont contribué à la réduction de la pauvreté (Graphique 3). La baisse du taux de pauvreté a été particulièrement impressionnante en comparaison des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du nord (MENA). Ainsi, la plupart des ménages tunisiens ont bénéficié de la croissance économique, y compris les plus pauvres, qui ont vu leur consommation se développer à un rythme plus élevé que les segments les plus riches (Banque mondiale, 2016).
Les inégalités sur le marché du travail et les disparités régionales ont persisté, voire se sont creusées (Chapitre 2), précipitant la révolution en 2011. La participation des femmes, si elle est plus élevée que dans la plupart des pays de la région MENA, reste faible. Le taux de chômage est élevé, particulièrement pour les jeunes et les femmes. Pour ceux ayant un emploi, il existe des différences importantes de statut et de revenu entre salariés du secteur public, salariés du secteur privé et employés du secteur informel sans couverture sociale. Les régions intérieures souffrent d’un faible niveau d’activité, de taux de chômage élevés et de services publics de moindre qualité. Elles sont aussi mal reliées aux grands centres d’activité sur les côtes.
La Tunisie a, depuis son indépendance, donné un rôle important à l’État. Le modèle économique s’est construit autour d’une politique industrielle active pour favoriser le développement de certains secteurs d’activité, des grandes entreprises et banques publiques. Ce modèle de développement, étatiste, a connu une ouverture graduelle au commerce extérieur et aux investissements directs étrangers à partir de 1972 avec un nouveau code d’investissement qui instaure un régime fiscal et douanier favorable pour les entreprises entièrement tournées vers l’exportation – système dit offshore. L’accord d’association avec l’Union européenne en 1995 a accéléré le processus d’ouverture. L’initiative privée et la création d’entreprises ont été encouragées depuis le milieu des années 90, avec une panoplie de mesures financières et fiscales pour les petites et moyennes entreprises. En parallèle, la Tunisie a connu plusieurs vagues de privatisations, notamment au milieu des années 80 et en 2006-07, et de réformes des réglementations. Certaines d’entre elles ont néanmoins été perçues comme des opérations de copinage, renforçant la mainmise de grandes familles sur l’économie (Rijkers et al., 2014).
Le processus de convergence économique, après une accélération dans les années 90, est temporairement stoppé (Graphique 4). La croissance a fléchi après 2010. L’investissement des entreprises en pourcentage du PIB est orienté à la baisse depuis le début des années 2000 (Chapitre 1), ce qui pèse sur la productivité, la création d’emplois et l’amélioration du niveau de vie. La forte croissance de l’emploi et des salaires publics a soutenu la demande mais s’est traduite par des déficits jumeaux (budgétaire et commercial) qui ont atteint des niveaux critiques. Le ralentissement de l’activité reflète aussi des circonstances exceptionnelles – mouvements sociaux et attaques terroristes – affectant l’extraction et les exportations de pétrole, gaz, phosphates ainsi que le secteur du tourisme. On estime que si ces secteurs avaient continué de croître au même rythme qu’avant 2011, la croissance du PIB aurait atteint, toutes choses égales par ailleurs, 2.6 % en moyenne sur la période 2011-16 (Graphique 5.B), contre les 1.7 % constatés. Le ralentissement économique a néanmoins été plutôt moins sévère que dans d’autres pays ayant connu une transition politique majeure, comme l’Espagne, la Pologne et le Portugal (Graphique 5.A).
L’économie tunisienne a aussi souffert de la crise en Libye qui était le deuxième partenaire commercial après l’Union européenne. La Libye était en effet un marché important, en particulier pour l’agro-alimentaire et la construction. Certes, l’afflux de réfugiés libyens, dont les revenus étaient en moyenne nettement plus élevés que ceux des ménages tunisiens, a soutenu la consommation. Néanmoins, la crise libyenne a aussi précipité le retour au pays d’environ 60 000 tunisiens, pour la plupart originaires des régions défavorisées, exacerbant le chômage et les disparités régionales. Les poussées de tensions dans la région ont aussi affecté l’investissement et le tourisme en Tunisie et se sont traduites par une augmentation des dépenses militaires et de sécurité. Au total, la Banque mondiale estime que la crise libyenne aurait résulté en une baisse de croissance de 1 point de pourcentage sur la période 2011 à 2015 (Banque mondiale, 2017).
La normalisation de la situation interne et externe devrait permettre une reprise de la croissance mais aussi une amélioration de la balance des paiements et du solde budgétaire. Cette normalisation sera pourtant insuffisante pour enclencher un rythme de croissance soutenu, réduire significativement le chômage – l’un des vecteurs-clé des inégalités en Tunisie – et inscrire la dette publique sur une trajectoire soutenable.
Un accord élargi de crédit portant sur 2.9 milliards de dollars a été signé en 2016 entre le FMI et la Tunisie, avec pour objectif de remédier aux vulnérabilités qui subsistent. Il s’agit notamment de promouvoir une croissance économique plus vigoureuse et mieux partagée en consolidant la stabilité macroéconomique, en réformant les institutions publiques – notamment la fonction publique –, en facilitant l’intermédiation financière et en améliorant le climat des affaires.
La Tunisie pourrait mieux exploiter ses avantages comparatifs. Elle dispose d’une main d’œuvre relativement bien formée et d’une situation géographique stratégique entre l’Europe et l’Afrique. Elle sera un partenaire essentiel pour la reconstruction de la Libye. C’est une économie ouverte au commerce et aux investisseurs étrangers. Certains pans de l’économie se sont révélés particulièrement dynamiques, notamment dans le secteur offshore. Dans ce secteur, le nombre d’entreprises a été multiplié par plus de 13 entre 1996 et 2016 alors que le nombre d’entreprises du secteur onshore était multiplié par moins de 2. Les entreprises du secteur offshore contribuaient à 78 % des exportations hors énergie en 2015 et 34 % de l’emploi salarié formel. La production du secteur offshore s’est diversifiée vers des produits plus complexes que la confection textile traditionnelle, avec une progression nette des industries mécaniques et électriques. Les perspectives de croissance d’ici à 2025 estimées sur la base de la sophistication et de la diversification des biens produits (The Atlas of Economic Complexity) sont très favorables (Graphique 6). En termes d’innovation, l’indicateur Bloomberg place la Tunisie comme premier pays d’Afrique et de la zone MENA, au 43e rang parmi plus de 200 pays en 2018. Pour concrétiser ses atouts, la Tunisie doit mettre en place les réformes quilui permettront de libérer l’initiative privée et d’exploiter ses avantages comparatifs.
Les messages principaux de cette première Étude économique de l’OCDE sur la Tunisie sont les suivants:
Pour remettre la dette publique sur une trajectoire soutenable, il faut associer un assainissement budgétaire graduel à des réformes structurelles susceptibles de soutenir la croissance. Le taux de prélèvement obligatoire étant déjà élevé, l’assainissement doit jouer sur le volume des dépenses publiques et s’inscrire dans une perspective de moyen-terme. La justice fiscale doit être renforcée et le biais des subventions en faveur des ménages riches doit être corrigé. La gouvernance des entreprises publiques doit être renforcée et leurs performances financières nettement améliorées.
Pour relancer l’activité économique et créer des emplois, il faut accélérer le rythme des réformes structurelles. La priorité devra être donnée à l’amélioration du climat des affaires dont les gains seront plus facilement réalisables que ceux de la modernisation du Code du travail. Il s’agit de lever les contraintes réglementaires, administratives et de financement que rencontrent les entreprises et d’appliquer des règles du jeu équitables entre entreprises publiques et privées. L’ouverture à la concurrence devra aussi permettre de réduire les rentes de situation et d’accélérer la diffusion des nouvelles technologies. De meilleures performances logistiques et la facilitation du commerce extérieur devraient permettre d’attirer plus d’investissement étranger et de progresser davantage dans les chaînes de valeur mondiales. La prévisibilité de la réglementation, y compris fiscale, est aussi importante pour les investisseurs.
La création d’emplois et le développement régional sont les facteurs les plus importants pour rendre la croissance plus inclusive. Pour permettre la baisse du chômage et la création d’emplois de qualité, les cotisations sociales pesant sur le travail salarié devraient être allégées. Des politiques visant à favoriser la participation sur le marché du travail et l’emploi des femmes, et à mieux les orienter vers des formations propices à l’emploi, devraient être mises en œuvre. Une nouvelle politique de développement régional, valorisant les atouts spécifiques de chaque région, est nécessaire, notamment par la mise en place de conditions propices aux affaires permettant d’attirer les investisseurs. Des mesures favorisant la mobilité des travailleurs, comme l’amélioration des infrastructures et des transports publics dans les régions isolées, sont également nécessaires.
La croissance va se renforcer mais les tensions inflationnistes et les déficits jumeaux persistent
L’activité économique se raffermit
L’activité économique se raffermit depuis 2016, tirée par de bonnes récoltes et le dynamisme du secteur des services notamment le tourisme et le transport (Graphique 7). En 2015, la croissance s’est ralentie en raison de facteurs temporaires et spécifiques à certains secteurs. Les performances industrielles ont été affectées par des mouvements sociaux en particulier dans l’industrie chimique, l’industrie minière et la production d’hydrocarbures. La production de pétrole et de gaz a aussi souffert du déclin des réserves, de l’arrêt de certains champs pour maintenance, de la faiblesse des investissements directs étrangers (IDE) et de l’absence de nouvelles découvertes (Banque Centrale de Tunisie, 2017). Les attaques terroristes de 2015 ont fortement affecté le secteur du tourisme mais les arrivées de touristes se sont redressées en 2017, bénéficiant notamment de la levée des avis négatifs aux voyageurs de plusieurs pays européens.
Les créations d’emplois sont faibles et le chômage reste élevé
La faiblesse de l’activité ces dernières années n’a pas permis une croissance substantielle de l’emploi. Le taux d’emploi (défini comme le nombre d’actifs occupés divisé par la population en âge de travailler, 15 ans et +) s’est inscrit sur une tendance baissière depuis mi-2014 pour atteindre environ 40 % au deuxième trimestre 2017 (Graphique 7.C). Le taux de chômage est élevé (15 % de la population active mi 2017), spécialement chez les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (30.5 % en 2016).
L’inflation est repartie à la hausse depuis le mois d’avril 2016 pour s’établir à plus de 6 % en glissement annuel à la fin de 2017 (Graphique 7.D). Les tensions inflationnistes reflètent essentiellement la dépréciation du dinar et les hausses de salaires qui ont alimenté la consommation. En effet, les salaires réels ont augmenté plus vite que la productivité en 2016 et 2017, notamment dans les administrations publiques, les industries agroalimentaires et les hydrocarbures (Graphique 8). L’accord signé en mars 2017 prévoit une augmentation de 6 % pour 2016 (avec effet rétroactif à partir d’août 2016) et une hausse du même montant à compter de mai 2017. Certains secteurs se trouvent confrontés à des difficultés pour appliquer ces hausses, même s’ils bénéficient d’une dérogation pour différer l’application des augmentations salariales.
Le déficit de la balance des paiements peine à se résorber
Les paiements extérieurs ont été affectés depuis 2011 par les tensions sociales et sécuritaires survenues après la révolution, ainsi que la crise libyenne. Le déficit courant s’est significativement détérioré pour atteindre, en moyenne, 9.1 % du PIB entre 2013 et 2017, contre 3.1 % du PIB entre 2006 et 2010. Le déficit commercial est passé de 13.2 % du PIB en 2010 à 16 % du PIB en 2017. Ce résultat provient essentiellement du dérapage des importations, notamment celles des produits de consommation, et du recul des exportations de certains secteurs comme les industries extractives.
Le solde énergétique a été largement déficitaire au cours de ces dernières années en raison de la baisse du volume de la production nationale, l’accroissement de la consommation nationale et le recul de l’activité d’investissements dans la prospection et le développement des secteurs des hydrocarbures. Les exportations des phosphates et dérivés, ont accusé une forte baisse en volume depuis 2011 en raison de la poursuite des tensions sociales au niveau des sites de production et de transport. En revanche, les exportations manufacturières, en particulier les industries mécaniques et électriques, ont connu une bonne performance au cours des deux dernières années en lien avec l’amélioration de la demande émanant des pays de l’Union européenne.
L’excédent traditionnel de la balance des services a connu, depuis 2011, des fluctuations importantes en raison de la baisse de l’activité touristique et du transport faisant suite aux attentats terroristes perpétrés en 2015. Toutefois, l’amélioration de la situation sécuritaire durant ces deux dernières années a pu rétablir progressivement la situation. Malgré la crise financière et le niveau du chômage dans les pays d’accueil, les transferts de fonds des tunisiens résidant à l’étranger sont importants. À 4.4 % du PIB en 2016, ils représentent près du double des investissements directs étrangers.
La dépréciation du dinar ne s’est pas encore traduite par une réduction du déficit courant (Graphique 9). Afin d’enrayer la baisse des avoirs en devises, depuis octobre 2017 les opérateurs économiques qui importent des produits de consommation non essentiels ne sont plus autorisés à recourir à des crédits auprès d’institutions bancaires pour ces opérations.
La dette externe de la Tunisie a augmenté récemment pour atteindre 70 % du PIB fin 2016 (FMI, 2017), dont plus des trois quarts sont des dettes à moyen et long termes. De par sa structure – des taux d’intérêts moyens bas, des maturités longues et une part importante de dette concessionnelle –, la dette externe devrait être résistante à divers chocs, excepté une dépréciation réelle importante du dinar (FMI, 2017). Les réserves de change se situaient en novembre 2017 à peine au niveau leur permettant de couvrir trois mois d’importations de biens et services.
La croissance va se raffermir en 2018 et 2019 mais des risques subsistent
La croissance devrait atteindre 2.8 % en 2018 et 3.4 % en 2019 (Tableau 1). L’investissement des entreprises bénéficiera de la simplification des procédures apportée par la nouvelle loi sur l’investissement alors que les exportations bénéficieront de la reprise sur les marchés européens. L’inflation a augmenté au deuxième semestre 2017 et des tensions persistent en 2018 en raison des effets de la dépréciation de la monnaie, de l’augmentation des salaires et de la hausse des taux de TVA. Toutefois, elle connaîtrait une relative détente dès 2019. Le chômage diminuera mais certains groupes – femmes, jeunes, diplômés – resteront fortement frappés. Le déficit courant diminuera légèrement à la faveur du redressement du tourisme et de la reprise attendue des exportations.
Tableau 1. Développements récents et prévisions
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Prix courants milliards de dinars |
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2010) |
|||||
PIB aux prix du marché |
80.8 |
1.1 |
1.0 |
2.0 |
2.8 |
3.4 |
Consommation privée |
55.9 |
3.2 |
3.3 |
3.3 |
3.2 |
2.9 |
Consommation publique |
15.1 |
4.4 |
2.5 |
0.8 |
0.2 |
0.2 |
Formation brute de capital fixe |
16.4 |
-0.5 |
2.4 |
3.3 |
5.4 |
6.6 |
Demande intérieure finale |
87.4 |
2.7 |
3.0 |
2.8 |
3.0 |
3.1 |
Exportations de biens et services |
36.3 |
-5.3 |
-0.3 |
3.2 |
5.0 |
5.6 |
Importations de biens et services |
45.2 |
-2.6 |
3.1 |
5.6 |
5.0 |
4.6 |
Exportations nettes1 |
-8.9 |
-0.9 |
-1.7 |
-1.5 |
-0.5 |
0.0 |
Pour mémoire |
||||||
Déflateur du PIB |
– |
3.2 |
5.1 |
6.0 |
6.9 |
5.4 |
Indice des prix à la consommation |
– |
4.9 |
3.7 |
5.3 |
6.4 |
5.0 |
Taux de chômage (% de la population active) |
– |
15.2 |
15.5 |
15.4 |
15.2 |
14.7 |
Balance des opérations courantes (% du PIB) |
– |
-8.9 |
-8.8 |
-10.1 |
-9.5 |
-9.0 |
1. Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne.
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, nº 102, ajustée des dernières informations disponibles.
Les développements récents dans l’agriculture et l’agroalimentaire pourraient se traduire par une contribution plus forte que prévue du secteur agricole à la croissance. En revanche, les tensions sociales pourraient freiner la croissance. L’insécurité dans certaines zones représente toujours un risque pour les investisseurs et le tourisme. La poursuite de l’augmentation des prix du pétrole pourrait affecter l’inflation, les finances publiques et le solde des paiements courants. L’économie tunisienne pourrait aussi être confrontée à des chocs dont les effets potentiels sont difficiles à incorporer dans les prévisions (Tableau 2).
Tableau 2. Évènements qui pourraient altérer la performance économique
Choc |
Impacts possibles |
---|---|
Exacerbation de l’instabilité politique |
L’instabilité politique accrue freinerait le rythme des réformes structurelles, entamerait la confiance des investisseurs et renforcerait les tensions sur le solde budgétaire et la balance des paiements. |
Détérioration brutale de la sécurité dans la région |
L’insécurité accrue ou la détérioration de la situation en Libye affecteraient l’économie et en particulier le secteur du tourisme, fortement intensif en main d’œuvre. |
Montée du protectionnisme chez les pays partenaires et baisse du commerce mondial |
Le secteur exportateur serait affecté et avec lui la création d’emplois. La hausse du chômage qui en résulterait renforcerait les inégalités et les tensions sociales. |
Politiques pour rétablir les équilibres macroéconomiques sans freiner la croissance
Mettre en place les conditions pour le passage à un ciblage explicite de l’inflation à moyen terme
Depuis 2006, le principal objectif de la politique monétaire est la stabilité des prix, avec une cible implicite de 4 % qui correspond à la moyenne de long terme. Le taux d’intérêt du marché monétaire est considéré comme l’instrument principal de la politique monétaire. Le contrôle exercé sur les prix – les prix administrés représentent environ un quart de l’indice des prix à la consommation – limite néanmoins la transmission de la politique monétaire. Tenant compte de la hausse des pressions inflationnistes depuis 2016, la Banque centrale a augmenté son taux directeur en avril et mai 2017 pour le porter à 5 % puis en mars 2018 pour le porter à 5.75 %. Les autorités sont prêtes à augmenter encore leur taux directeur si les pressions inflationnistes perdurent.
Afin d’ancrer les anticipations d’inflation, un objectif explicite d’inflation devrait être adopté par la Banque Centrale à l’instar de nombreux pays de l’OCDE et émergents qui ont introduit avec succès un régime de ciblage de l’inflation, notamment l’Afrique du Sud, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Inde, les Philippines, le Royaume-Uni et la Suède. Néanmoins, ce ciblage ne pourra être mis en place que lorsque certains prérequis seront atteints comme un système bancaire solide, des marchés financiers développés, la stabilité macroéconomique et l’ouverture du compte de capital.
Depuis 2011, la Banque Centrale de Tunisie a œuvré à dynamiser le marché de change interbancaire et à réduire autant que possible ses interventions. Pour y parvenir, un ensemble de réformes ont été mises en place – comme la levée de l’obligation d’adossement sur des opérations réelles pour les opérations de change devises/dinars entre les intermédiaires agréés, l’autorisation pour les banques de céder leurs billets de banques étrangers contre devises, la libéralisation des opérations de couverture du taux de change entre les intermédiaires agréés – afin de pousser les intermédiaires agréés à jouer pleinement leur rôle de teneurs de marché. Ainsi, la référence à un panier de devises a été retirée en avril 2012, et remplacée par un fixing représentant la moyenne des cotations des banques.
Alors que les opérations relatives au compte courant sont totalement libres, certaines restrictions demeurent sur le compte du capital. La simplification prévue des procédures de transfert des avoirs des non-résidents, l’augmentation des seuils des investissements à l’étranger par les résidents et l’harmonisation du fonctionnement des comptes réglementés des personnes physiques résidentes vont permettre une ouverture plus grande du compte du capital (Banque Centrale, 2017b). Avant l’ouverture totale du compte de capital, la Tunisie est consciente qu’elle doit renforcer sa stabilité macroéconomique, développer ses institutions financières et la surveillance prudentielle (FMI, 2015).
Consolider le secteur bancaire
Les banques ont une fonction essentielle, dans la mesure où elles assurent plus de 90 % de l’intermédiation financière, les assurances et instituts de micro-crédit jouant encore un rôle marginal. Le nombre de banques universelles (24) est relativement élevé, compte tenu de la taille du pays. Elles sont souvent de petite taille et leur rentabilité est faible (Graphique 10). En outre, les entreprises peinent à accéder au financement bancaire. Le taux de crédit a augmenté depuis 2010 mais reste faible en comparaison des pays de l’OCDE (Graphique 11).
Entre 2010 et 2016, la part des créances douteuses dans le total des crédits est passée de 12 % à 15.4 %, ce qui est élevé par rapport aux pays de l’OCDE (Graphique 12), et a même atteint 20 % dans les banques publiques. Celles-ci se trouvent majoritairement dans les secteurs de l’agriculture et du tourisme. Les faiblesses des procédures de faillite, qui permettent aux entreprises inefficaces de ne pas rembourser leurs dettes et de continuer à opérer au lieu de les obliger à se restructurer ou à quitter le marché, ont aggravé le problème des créances douteuses. Depuis 2012, la Banque centrale a pris plusieurs mesures pour renforcer le secteur bancaire. Les règles de provisionnement ont été renforcées. Le ratio règlementaire de solvabilité a été augmenté. De plus, un plan de restructuration des banques publiques a été engagé avec la recapitalisation des trois grandes banques publiques et la cession des participations minoritaires dans certaines banques mixtes. Une loi bancaire a été adoptée en 2016 qui a, entre autres, introduit un dispositif de résolution bancaire, un dispositif de prêteur en dernier ressort et un fonds de garantie des dépôts. De plus, la nouvelle loi sur la Banque centrale a permis de renforcer les pouvoirs de celle-ci en matière de supervision bancaire. Ces mesures ont permis de réduire les sources de vulnérabilité du secteur.
Une part importante de créances douteuses contraint les ressources et empêche un processus efficace de leur allocation. L’expérience de nombreux pays suggère qu’il n’existe pas une solution unique pour tous les pays. Les outils de résolution peuvent être des restructurations individuelles des banques, des unités de résolution à l’intérieur des banques (Pologne en 1990), une Société de Gestion d’Actifs (SGA) (Suède en 1993) spécifique à une banque ou une SGA au niveau du pays gérée par les autorités (pays asiatiques dans les années 90, Espagne en 2012, Irlande) (Baudino et Yun, 2017).
Les autorités tunisiennes ont abandonné leur projet de création d’une SGA. Elles doivent, à présent, mettre en œuvre les changements législatifs prévus pour faciliter la résolution des créances douteuses dans les banques publiques. En effet, actuellement, les dirigeants des banques publiques peuvent être traduits en justice s’ils négocient la restructuration ou l’abandon des créances douteuses, ce qui est un frein à leur résolution. Les banques conservent ainsi dans leur portefeuille des actifs de compagnies ayant une probabilité de survie faible, ce qui ralentit la réallocation des ressources vers des entreprises plus productives. La loi sur les procédures collectives, qui a été adoptée en 2016 mais n’est pas encore entièrement appliquée, devrait faciliter la résolution des créances douteuses. Un processus efficace de résolution des créances douteuses doit être accompagné d’un système judiciaire performant, en particulier en ce qui concerne les faillites.
Afin de stabiliser le secteur bancaire et soutenir l’offre de crédit, une consolidation du système bancaire semble nécessaire. La consolidation permettrait de réaliser des économies d’échelle significatives, en s’appuyant sur les progrès des technologies de l’information et sur une diversification plus judicieuse (Hughes et Mester, 2013). Un désengagement de l’État, qui demeure présent dans une dizaine de banques avec des participations allant de 10 % à 87 %, pourrait favoriser cette tendance. Les autorités devraient également reconsidérer le plafonnement des taux d’intérêt qui limite la concurrence et rend difficile la tarification du risque. Un projet d’amendement de la loi relative aux taux d’intérêts excessifs a été présenté à l’Assemblée des Représentants et devrait être discuté début 2018. Enfin, il faut améliorer les dispositifs de financement des investissements dans les régions de l’arrière-pays. Néanmoins, l’intérêt du projet de la Banque des Régions, qui vise à améliorer l’accès au financement des très petites, petites et moyennes entreprises dans ces régions, devra être réévalué compte tenu de la fragmentation du secteur bancaire et des institutions déjà existantes sur ce créneau.
Assainir les finances publiques en préservant la croissance et en renforçant la justice sociale
Les résultats budgétaires se sont dégradés
Les déficits et la dette publics sont plus élevés que dans la plupart des pays émergents (Graphique 13). La détérioration des finances publiques reflète en partie des effets conjoncturels et spécifiques. Après 2010, les recettes de l’État ont pâti du ralentissement de l’activité économique, de la mise à l’arrêt de certaines exploitations minières et de la forte progression du commerce parallèle. Les dépenses publiques ont augmenté pour faire face aux défis de l’insécurité et aux revendications sociales. Les recrutements dans la fonction publique ont été massifs entre 2011 et 2013 (Graphique 13.E). Le Parlement a en effet adopté en 2012 une loi « exceptionnelle » favorisant l’accès à des postes dans l’administration publique pour les blessés de la révolution, ainsi qu’à ceux ayant bénéficié de l’amnistie générale en 2011. La hausse des salaires dans l’administration publique a aussi été forte (Graphique 13.F). Au total, la rémunération des fonctionnaires a augmenté de plus de quatre points de PIB depuis 2010 pour atteindre 14.6 % du PIB en 2016 (Tableau 3), un niveau inégalé historiquement etbien plus élevé que dans la plupart des autres pays (Graphique 13.D). L’afflux de réfugiés libyens a aussi pesé sur les dépenses de subventions des produits de base.
Tableau 3. Résultats budgétaires1 : données principales
(en % du PIB2)
2005 |
2010 |
2015 |
2016 |
LF20174 |
|
---|---|---|---|---|---|
A. Recettes totales |
21.6 |
23.4 |
23.4 |
22.8 |
24.0 |
Recettes fiscales |
18.9 |
20.1 |
21.9 |
20.7 |
22.2 |
Recettes non fiscales3 |
2.7 |
3.3 |
1.5 |
2.1 |
1.8 |
B. Dépenses totales |
24.5 |
24.5 |
28.2 |
28.9 |
29.5 |
Dépenses courantes |
15.7 |
15.9 |
20.4 |
20.4 |
20.8 |
dont : Salaires |
11.0 |
10.8 |
13.7 |
14.6 |
14.1 |
Subventions/Compensation |
1.9 |
2.4 |
3.4 |
2.4 |
2.8 |
Alimentation |
1.0 |
0.9 |
1.8 |
1.7 |
1.6 |
Transport |
0.3 |
0.3 |
0.5 |
0.5 |
0.5 |
Pétrole et gaz |
0.6 |
1.2 |
1.1 |
0.2 |
0.7 |
Dépenses en capital |
6.0 |
6.8 |
5.7 |
6.0 |
6.3 |
Prêts |
0.3 |
-0.1 |
0.3 |
0.3 |
0.1 |
Paiements d’intérêts |
2.5 |
1.8 |
1.9 |
2.2 |
2.3 |
C. Deficit = A-B |
-2.9 |
-1.0 |
-4.8 |
-6.1 |
-5.5 |
Memorandum item : |
|||||
Dons |
0.2 |
0.1 |
0.3 |
0.1 |
0.3 |
Privatisations |
0.4 |
0.0 |
0.0 |
0.4 |
0.0 |
Revenus confisqués |
0.1 |
0.1 |
0.2 |
1. Gouvernement central. Les recettes et dépenses de la sécurité sociale n’apparaissent pas.
2. PIB : 2016 et 2017 chiffres du ministère des Finances.
3. À l’ exclusion des dons, privatisations et revenus confisqués.
4. Loi de Finances pour 2017.
Source : Ministère des Finances.
Pressions sur les dépenses futures : retraites, engagements implicites et décentralisation
Le système de retraite par répartition générera des tensions additionnelles sur les finances publiques en l’absence de réforme. Le Contrat social, adopté en 2013 par le gouvernement et les partenaires sociaux, réaffirme la préférence de la société tunisienne pour le système de retraite par répartition. Les dépenses des caisses de sécurité sociale consacrées aux retraites ont fortement augmenté pour atteindre près de 6 % du PIB en 2016, reflétant en partie le vieillissement de la population. Alors que l’espérance de vie augmentait rapidement, passant de 70 à 75½ ans entre 1990 et 2016, l’âge légal de départ à la retraite est resté fixé à 60 ans. En conséquence, le nombre des travailleurs cotisant par retraité – un indicateur clé de viabilité du système – a fortement chuté, notamment dans le secteur public (Graphique 14.A). La proposition de porter l’âge de départ à la retraite à 62 ans d’ici 2019 contribuera à alléger les pressions, sans toutefois assurer la viabilité du système.
Outre l’âge de départ à la retraite, le calcul des droits à pension est généreux. Le taux de remplacement est élevé (Graphique 14.B), en particulier dans le régime public où les droits sont, de plus, calculés sur la base du dernier salaire. Les pensions sont indexées sur les salaires alors qu’elles sont partiellement indexées sur les prix dans la plupart des pays de l’OCDE. La caisse de retraite du secteur privé (CNSS) souffre aussi de sous-déclaration et de sous-recouvrement. Malgré des hausses du taux de cotisation, le déficit des caisses de sécurité sociale s’élève à environ 1 % du PIB en 2017.
Les engagements implicites associés aux banques et entreprises publiques pourraient se traduire par une nouvelle hausse des dépenses publiques. Les engagements implicites associés aux entreprises publiques, notamment sous forme de dettes garanties par l’État, et les besoins de recapitalisation des banques publiques, s’élevaient à 12 % du PIB en 2016 (FMI, 2017). Pour maîtriser les coûts budgétaires, le gouvernement a défini des contrats de performance avec les cinq principales entreprises publiques. L’expérience n’a cependant pas été probante jusqu’à présent car, en limitant les ajustements de prix et en imposant des créations d’emplois ou des hausses de salaires, l’État a rendu difficile le retour à la viabilité financière des entreprises publiques. Une stratégie de restructuration des entreprises publiques a été adoptée par le gouvernement en avril 2017, en vue de rétablir leur viabilité financière. Dans le futur, l’ajustement des tarifs, pour parvenir à un recouvrement des coûts, combiné à une maîtrise de la masse salariale et à l’amélioration des performances de gestion de ces entreprises semblent être des composantes incontournables du retour à la viabilité financière des entreprises publiques.
La nouvelle Constitution prévoit un processus de décentralisation qui peut créer des pressions additionnelles sur les finances publiques. Si la décentralisation devrait permettre de rapprocher les décisions politiques des citoyens et donc de mieux répondre aux besoins de ces derniers, elle génèrera probablement des dépenses supplémentaires. En effet, les expériences de l’Espagne et de la France suggèrent que le processus de décentralisation s’accompagne souvent, au moins dans un premier temps, d’une hausse de la dépense publique (Joumard et Giorno, 2005 ; Jamet, 2007). En effet, la réaffectation des employés du gouvernement central aux autorités locales est souvent incomplète et les doublons sont nombreux. En Indonésie, la décentralisation a buté sur le manque de compétences au niveau local ; la qualité des services publics locaux est fort inégale et la corruption est un problème sérieux (Vujanovic, 2017). Pour minimiser ces écueils, la décentralisation devra être graduelle pour faciliter la réallocation des ressources et accroitre la capacité de gestion et de mobilisation des ressources des collectivités décentralisées.
Remettre les finances publiques sur une trajectoire soutenable
En l’absence de réformes, la persistance de déficits budgétaires élevés et d’une croissance économique faible se traduirait par une nouvelle augmentation de la dette publique. Le ratio de la dette publique au PIB est passé de 41 % en 2010 à 62 % en 2016. Cette dette est financée à près de 2/3 par des emprunts étrangers en devises, dont la majeure partie est de nature concessionnelle, ce qui réduit le service de la dette mais accroit la vulnérabilité externe. Les agences de notation ont abaissé le statut de la dette souveraine tunisienne, qui n’est plus « Investment grade » depuis 2012 selon Fitch et Standard & Poor’s, et depuis 2013 selon Moody’s. Moody’s a abaissé à nouveau la note de la dette souveraine tunisienne en août 2017. Le gouvernement s’est engagé à mettre en place des réformes pour, d’ici à 2020, i) réduire le déficit de 6.1 % du PIB en 2016 à 3 % ; ii) maintenir la dette publique en-dessous de 70 % du PIB et, iii) ramener la masse salariale à 12.5 % du PIB.
Plusieurs options sont envisageables pour rétablir la soutenabilité de la dette, jouant sur l’effort d’assainissement budgétaire mais aussi sur les réformes structurelles susceptibles de renforcer la croissance. Les simulations de l’OCDE suggèrent que mener simultanément un ajustement budgétaire graduel et une réforme des réglementations sur les marchés des biens et services permettrait de neutraliser les effets négatifs (temporaires) de l’ajustement budgétaire sur l’activité et d’inscrire le ratio dette publique/PIB sur une trajectoire baissière (voir Encadré 3 ci-dessous).
La charge fiscale étant élevée, il faut privilégier l’efficacité et la justice fiscale
Le taux de prélèvement obligatoire a augmenté depuis 2010, malgré la mauvaise conjoncture économique. À plus de 30 % du PIB, la somme des impôts et cotisations sociales est plus élevée que dans tous les autres pays d’Afrique et la plupart des pays émergents (Graphique 15). Cela traduit, en partie, une plus large couverture en services publics et une meilleure qualité de ceux-ci, notamment concernant les soins de santé. Une nouvelle augmentation des impôts et cotisations sociales a été instaurée pour 2018. Les efforts de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale sont louables. Ils réduisent les inégalités devant l’impôt. Sur le plan national, le gouvernement s’est mobilisé pour la suppression graduelle du régime du forfait pour les artisans et professions libérales et la création d’une police fiscale dès l’automne 2017 et a élaboré une stratégie de lutte contre l’évasion et la fraude aux cotisations sociales. Les efforts d’élargissement de l’assiette fiscale, en particulier pour la TVA avec la suppression de diverses exonérations, vont aussi dans le bon sens. Sur le plan international, la Tunisie a signé dès 2012 la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et le Protocole d’Accord avec l’OCDE. Elle est aussi membre du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales depuis 2012 (OCDE, 2016a). Début 2018, la Tunisiea signé la Convention multilatérale pour prévenir l’érosion de la base fiscale et le transfert des profits (BEPS).
La fiscalité pèse de façon disproportionnée sur le travail salarié et décourage la création d’emplois de qualité. Les cotisations sociales assises sur les salaires sont élevées et l’impôt sur le revenu est payé pour l’essentiel par les salariés. Le relèvement des taux pour la TVA en 2018 minimisera l’impact des hausses d’impôt sur la croissance – les travaux de l’OCDE (Johansson et al., 2008 ; OCDE, 2017c) montrent en effet que les taxes sur la consommation ont un effet moins négatif sur la croissance et les créations d’emplois que les impôts sur le revenu et les bénéfices. Néanmoins, la loi de finance pour 2018 instaure une contribution sociale et solidaire de 1 % payée par les individus et les entreprises déclarant l’impôt, pour financer le déficit des caisses de sécurité sociale. Il est également prévu la création d’un Haut Conseil pour le Financement de la Protection Sociale dont les principales attributions seront de veiller à la diversification des sources de financement des caisses de sécurité sociale et de proposer les mesures adéquates pour assurer l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale. Si la hausse des cotisations sociales est la seule solution à court terme pour réduire le déficit des caisses sociales, il faut éviter dans le futur l’introduction de nouvelles taxes sur le travail et les entreprises ou de nouvelles hausses des taux car elles pèsent sur la croissanceet la création d’emplois de qualité (Chapitre 2). Les nouveaux impôts augmentent aussi les coûts de collecte.
L’assiette fiscale devra être élargie pour augmenter les recettes publiques. Un effort de transparence sur le coût et les bénéficiaires des incitations fiscales est nécessaire. La publication du rapport sur les dépenses fiscales prévue pour 2018 sera une première étape. Certaines incitations fiscales, notamment pour l’acquisition de logements, devraient être reconsidérées ; elles détournent l’épargne d’un investissement plus productif et tendent à bénéficier aux ménages les plus riches (Chapitre 1). Les économies ainsi réalisées pourraient être en partie réorientées pour améliorer l’offre de logements pour les plus démunis. De même, certaines incitations fiscales pour l’investissement devraient être évaluées et ajustées, voire éliminées, si elles s’avèrent peu efficaces.
La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale devrait être renforcée sur le plan national pour accroître l’égalité des citoyens devant l’impôt. Selon une étude récente, plus de la moitié des contribuables répertoriés ne déclarent pas leurs impôts et, parmi ceux qui le font, les sous-déclarations sont patentes (Haddar et Bouzaiene, 2017). Un rapprochement de la direction de la comptabilité publique et de recouvrement et de la direction du contrôle devrait améliorer le recoupement des informations et augmenter les taux de recouvrement, relativement faibles actuellement. La création de la Direction des Grandes Entreprises va dans ce sens. Des contrôles systématiques et aléatoires seraient souhaitables. En outre, une campagne d’information, de contrôle et de recouvrement fiscal devrait être lancée auprès des professions libérales.
Améliorer la soutenabilité, l’équité et la qualité des dépenses publiques
L’objectif du gouvernement est de réduire le déficit budgétaire, pour stabiliser la dette publique en dessous de 70 % du PIB à l’horizon 2020, tout en augmentant les dépenses d’investissement et les dépenses sociales. La loi de finances pour 2018 réaffirme ces priorités (Encadré 1). Les salaires des fonctionnaires, paiements d’intérêt et subventions représentaient les deux tiers des dépenses de l’État en 2016, laissant peu de place à l’investissement dans des infrastructures sociales et physiques, à l’entretien et au bon fonctionnement de ces infrastructures ainsi qu’aux actions en faveur des plus démunis. Il s’agit donc d’améliorer la qualité des dépenses publiques pour les rendre plus équitables et propices à la croissance inclusive.
Encadré 1. Loi de finance pour 2018
Les principales mesures contenues dans la Loi de finance pour 2018 sont les suivantes :
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés
Exonération de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR) pour les entreprises nouvellement créées, ainsi que celles disposant d’une attestation de dépôt de déclaration d’investissement en 2018 et 2019, pendant 4 ans à partir de la date d’entrée en activité.
Réduction du taux de l’IS de 25 % à 20 % pour les petites et moyennes entreprises.
Augmentation du taux de l’impôt sur les dividendes de 5 % à 10 %.
Instauration d’une contribution sociale solidaire (CSS) sur les personnes physiques et morales.
Réduction de l’impôt sur le revenu pour les familles.
Durcissement du régime de l’impôt forfaitaire.
Simplification des conditions d’octroi des avantages fiscaux accordés pour le réinvestissement en capital.
Impôts indirects
Augmentation de 1 point de pourcentage des différents taux de TVA et élargissement de l’assiette de la TVA aux opérations de ventes d’immeubles bâtis à usage exclusif d’habitation, autres que les logements sociaux.
Augmentation des droits de douane de 20 % à 30 % pour certains produits et instauration de droits de douane pour d’autres.
Révision des droits de consommation sur certains biens.
Instauration d’un droit de séjour dans les hôtels.
Autres
Prise en charge par l’État des cotisations patronales pour le recrutement, en contrat à durée indéterminée, des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur dans les zones de développement régional.
Création d’un fonds spécial pour la couverture des catastrophes naturelles au profit des agriculteurs.
Renforcement des dispositifs de lutte contre la contrebande et la fraude fiscale, notamment la création d’une instance générale de la fiscalité, de la comptabilité publique et du recouvrement.
En janvier 2018, l’Assemblée des représentants du peuple a adopté le projet de loi relatif au départ volontaire à la retraite des employés du secteur public. La loi prévoit que les agents qui formulent le souhait de quitter la fonction publique reçoivent 36 mois de salaires comme prime de départ anticipé, sous condition d’avoir cotisé pendant 5 ans auprès des caisses sociales. Le gouvernement a aussi pris un certain nombre de mesures en faveur des familles nécessiteuses pour répondre aux inquiétudes sociales : augmentation de 20 % de la subvention allouée à chaque famille dans le besoin et approbation d’une pension de retraite minimum de 180 dinars par mois ; doublement de la subvention pour les enfants handicapés démunis ; élargissement de la gratuité des soins de santé aux chômeurs ; création d’un fonds de garantie des prêts au logement au profit des citoyens aux revenus non permanents.
Pour contenir la masse salariale, le gouvernement a limité les créations nettes d’emplois publics depuis 2014, notamment par des départs à la retraite anticipés (Graphique 13.D). En 2017, le gouvernement a annoncé sa volonté de ramener les dépenses de salaires de 14.5 % du PIB en 2017 à 12.5 % en 2020 grâce au remplacement de 1 sur 4 départs à la retraite et à un programme de départs volontaires – chaque personne atteignant 60 ans entre 2018 et 2021 peut bénéficier d’une pension de retraite bonifiée. L’effet sur les dépenses totales risque d’être faible à court-terme d’autant plus que le programme de départs volontaires a séduit moins de personnes que prévu (6 400 demandes seulement). En revanche, l’application du remplacement partiel des départs à la retraite devrait s’avérer efficace sur le moyen-terme mais devra veiller à maintenir un niveau d’encadrement adéquat.
La réforme des subventions, qui représentaient 3.4 % du PIB en 2015, est nécessaire pour rendre les dépenses publiques plus justes et efficaces. Les prix de certains produits, en particulier alimentaires et énergétiques, sont maintenus artificiellement bas afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages. Les producteurs et distributeurs des produits concernés reçoivent une compensation financière de l’état. Si les subventions contribuent à atténuer la pauvreté, elles bénéficient davantage aux ménages les plus riches (ITCEQ, 2017 ; Araar et Verme, 2016). En outre, elles créent des distorsions importantes sur les marchés et alimentent l’économie parallèle et la corruption qui souvent affecte davantage les ménages pauvres. À titre d’exemple, les exportations illégales de produits subventionnés (tels que les pâtes, le couscous, le sucre et le lait) vers la Libye, interceptées par la douane et la police des frontières, s’élevaient à 1.1 milliard de dinars en 2015 (Banque mondiale, 2017).
Des mesures ont été prises pour réduire les dépenses de subventions. La subvention sur le sucre et l’huile végétale n’est plus accordée aux industriels depuis 2017 et les industries énergivores, telles que les cimenteries, ne bénéficient plus des subventions énergétiques depuis 2013. Les prix de l’électricité ont été relevés en 2017, avec un prix plus élevé qui s’applique au-delà d’une consommation de base. Ce système de « tarification sociale » met en jeu des subventions croisées des plus riches (gros consommateurs) vers les plus pauvres. La règle d’ajustement automatique pour le prix des hydrocarbures, adoptée en 2016 pour protéger le budget d’une hausse des prix du pétrole, a été appliquée partiellement. Une règle similaire a pourtant été appliquée plus systématiquement au Maroc alors que l’Inde et l’Indonésie supprimaient les subventions sur l’essence. En conséquence, le retournement du prix du pétrole et la dépréciation du dinar ont pesé sur les dépenses de subventions en Tunisie dès 2017.
La mise en place d’une réforme visant à rendre les subventions plus équitables butte sur la question du ciblage. La « tarification sociale » mise en place pour l’électricité et l’eau pourrait être répliquée pour le gaz. Une telle tarification protège les ménages les plus vulnérables alors que les autres paient un prix plus élevé au-delà de la consommation de base. Cela permettrait aussi de réduire la surconsommation et protègerait les ressources naturelles.
Une tarification sociale est néanmoins difficile à appliquer pour certains biens, notamment les produits alimentaires. Une réflexion sur la révision de la subvention des produits alimentaires de base et la rationalisation des dépenses a été engagée par le gouvernement. Son objectif est de maintenir la subvention sur les produits alimentaires de base tout en contrôlant les circuits de distribution et en diversifiant les produits proposés à la vente. La banque de données sur les ménages pauvres et à revenus limités, dont la mise en œuvre a été lancée par le ministère des Affaires Sociales depuis 2012 pour mieux cibler les différents programmes d’aides sociales, pourrait constituer un mécanisme pour orienter les subventions vers les familles les plus pauvres. La mise en place de cette banque de données s’avère néanmoins plus difficile que prévu.
Les expériences internationales en matière de ciblage révèlent que les erreurs d’inclusion et d’exclusion sont souvent considérables (Coady et al, 2004). Ainsi, en Colombie, les systèmes de ciblage des actions sociales, notamment pour la santé, sont caractérisés par des erreurs patentes (Joumard et Londoño Vélez, 2013) : près de 20 % des ménages les plus pauvres n’étaient pas répertoriés et donc privés d’accès alors qu’un quart des bénéficiaires n’étaient pas pauvres. De la même façon en Indonésie, des travaux ont montré que seulement un tiers des subventions pour les produits alimentaires de base sont effectivement perçues par les ménages les plus pauvres ciblés par le programme et plus de la moitié des ménages pauvres ne bénéficiaient pas des subventions auxquelles ils auraient pu prétendre (OCDE, 2015a et 2016b).
Le remplacement des subventions par un transfert monétaire améliorerait l’équité et l’efficacité du système. Pour la Tunisie, une étude (INS et CRES, 2013) a révélé qu’un transfert monétaire, égal pour tous, réduirait plus efficacement les inégalités de revenus que les subventions. L’expérience de l’Inde, qui a mis en œuvre une telle approche en la combinant avec un objectif d’inclusion financière (Encadré 2), offre un modèle dont la Tunisie pourrait s’inspirer en introduisant le principe du ciblage dès que possible. Les risques politiques associés à la réforme des subventions sont importants. Une stratégie de communication, portant sur les avantages de la réforme en termes de justice sociale et de stabilité macro-économique, est primordiale. En attendant, il est essentiel de procéder à un ajustement régulier des prix des produits afin de ne pas peser davantage sur le budget de l’État.
Encadré 2. L’expérience de l’Inde pour la réforme des subventions
Principe général : La réforme indienne des subventions repose sur un numéro d’identification unique biométrique (Aadhar) et l’ouverture de comptes bancaires pour tous les ménages qui n’en avaient pas. Les prix de « marché » s’appliquent ; la subvention aux entreprises est supprimée et les ménages perçoivent l’équivalent de la subvention moyenne directement sur leurs comptes par virement bancaire. La réforme est mise en place progressivement sur le territoire national, après des expérimentations au niveau des états.
Exemple du GPL : Le remplacement de la subvention sur les bombonnes de gaz par un transfert bancaire direct, égal pour tous, a été étendu graduellement sur le territoire indien à partir de 2014. Cette réforme s’est accompagnée d’une réduction importante des dépenses des subventions car les fraudes ont été drastiquement réduites. La réforme a aussi encouragé l’inclusion financière et supprimé le biais en défaveur des ménages pauvres qui, dans le passé, achetaient moins de gaz que les ménages riches et bénéficiaient en conséquence d’une valeur moindre de subventions (Tripathi et al., 2015). Pour améliorer le ciblage, l’Inde a lancé une campagne en mars 2015 (Give it up) pour encourager les ménages les plus aisés à renoncer à leur subvention sur le gaz au nom de l’équité sociale. En 2017, un million de ménages indiens avait renoncé à cette subvention.
Autres subventions : Des expérimentations sont en cours dans certains états pour remplacer les subventions alimentaires et aux engrais par des transferts directs aux ménages, avec des résultats préliminaires plutôt favorables (Gangopadhyay et al., 2015).
La maîtrise des dépenses publiques et l’amélioration de leur qualité ne peut que s’inscrire dans une logique de moyen terme. Une règle budgétaire qui fixerait un plafond de dépenses devrait être introduite, avec des cibles de moyen terme concernant les dépenses courantes d’une part, et les investissements en infrastructure sociales et physiques d’autre part, afin de protéger ces dernières. La Tunisie possède déjà des Cadres de Dépense à Moyen Terme (CDMT) pour les programmes de dépenses publiques ainsi qu’un Cadre Budgétaire à Moyen Terme qui prévoit des limites pour la dépense totale sur trois ans. Il faut imposer ces plafonds de façon systématique lors de la préparation des budgets (OCDE, 2017a). Pour améliorer l’efficacité de l’investissement public, il faut éviter un « saupoudrage » ministère par ministère et définir des critères de sélection unifiés et cohérents avec le Plan national de Développement 2016-20. Il est aussi important d’éviter les dépassements, constatés depuis plusieurs années, dans l’exécution des budgets.
La mise en place d’une cible de dépense devra reposer sur un effort de priorisation. À cet effet, plusieurs pays ont mis en place des examens systématiques des dépenses publiques (Spending reviews) permettant de donner la priorité aux programmes dont l’impact économique et social est le plus élevé. Le rôle et les ressources de la Cour des Comptes et de l’Instance Générale de suivi des programmes publiques pourraient être renforcés dans ce sens. L’adoption et l’application de la nouvelle loi organique du budget, qui instaure la gestion du budget par objectif, devraient aussi contribuer à améliorer l’efficacité des dépenses publiques (OCDE, 2017b).
Remettre la Tunisie sur un chemin de croissance inclusive et forte
Pour relancer le processus de convergence, il faut promouvoir l’investissement privé et mieux valoriser les avantages comparatifs de la Tunisie, notamment une main d’œuvre plutôt bien qualifiée. Plus d’investissement génèrera la création d’emplois formels qui permettront d’augmenter le niveau de vie de nombreux tunisiens. La croissance potentielle, rapide jusqu’au début des années 2000, a nettement fléchi sous l’effet d’une baisse de l’investissement et de la productivité (Graphique 16). Le faible taux d’activité des femmes offre un fort potentiel de croissance mais le chômage et le sous-emploi restent importants. La relance de l’investissement et la création d’emplois de qualité sont des priorités. Au vu des contraintes budgétaires, cela doit passer par un redéploiement du secteur privé.
Promouvoir l’investissement des entreprises en améliorant le cadre réglementaire et institutionnel
Le taux d’investissement est orienté à la baisse depuis le début des années 2000. Cette baisse reflète pour l’essentiel un décrochage de l’investissement des entreprises alors que l’investissement des ménages et des administrations publiques a plutôt bien résisté (Chapitre 1). Cette baisse s’est accentuée après 2010, reflétant les incertitudes liées à l’élaboration de nouvelles institutions et l’insécurité liée aux actes terroristes. Néanmoins, plusieurs contraintes structurelles pèsent sur l’investissement des entreprises, notamment la prolifération des réglementations et autorisations et l’inefficacité des services logistiques. Et sur ces deux aspects, le positionnement de la Tunisie dans les classements mondiaux s’est sensiblement détérioré.
L’indicateur de l’OCDE sur la réglementation des marchés des biens et services révèle que les licences et autorisations préalables, ainsi que les procédures administratives lourdes qui les accompagnent, sont particulièrement restrictives (Graphique 17.A). Les restrictions sur l’entrée, l’investissement et l’activité des entreprises créent des situations de rentes pour les entreprises en place. Ces restrictions inhibent l’incitation des entreprises en place à améliorer la qualité des services fournis. Elles alimentent aussi la corruption qui figure parmi les trois principaux facteurs les plus problématiques pour le climat des affaires dans le pays (WEF, 2017a). La corruption augmente les coûts des entreprises, réduit la confiance de la population et des investisseurs et affecte les plus démunis en détournant les ressources d’une utilisation plus productive, telle que des services publics essentiels. Au final, les contraintes réglementaires et administratives entravent la productivité, la création d’emplois et de richesses, pèsent sur le bien-être de la population et renforcent les inégalités.
La lutte contre la corruption et la bonne gouvernance sont des objectifs clés du gouvernement et sont inscrits dans le Pacte de Carthage. Plusieurs mesures ont été prises. L’instance nationale de lutte contre la corruption, qui a un caractère provisoire, et le pôle judiciaire et financier ont été dotés de moyens humains et financiers pour exercer. En 2017, 94 dossiers de corruption ont été déférés à la justice. Une nouvelle loi pour la protection des lanceurs d’alertes a été adoptée. Une campagne de sensibilisation et de formation des fonctionnaires a été menée. Un projet de loi contre l’enrichissement illicite a été déposé à l’ARP. Il est désormais urgent de mettre en place l’instance constitutionnelle indépendante de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, et de réformer le système de contrôle et d’audit dans le secteur public (OCDE 2014). Parallèlement aux efforts de lutte contre la corruption, la Tunisie a rejoint le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert (PGO) – une plateforme destinée à encourager la participation citoyenne, la transparence, l’intégrité et la redevabilité. Un renforcement de ces principes serait nécessaire (OCDE, 2015d).
Les entreprises publiques dominent de nombreux secteurs et l’intervention directe de l’État dans l’économie est plus forte que dans les pays de l’OCDE et la plupart des économies émergentes. En plus des secteurs de réseau, tels que l’électricité, les télécommunications ou le transport ferroviaire, des entreprises contrôlées par l’état opèrent de longue date notamment dans le secteur bancaire, les phosphates et les engrais, l’exploitation minière et le raffinage, le matériel de construction, la sidérurgie et l’acier, et le papier. La confiscation récente d’entreprises et actifs privés, liés à des malversations de l’ancien régime, a renforcé la position dominante de l’état dans certains secteurs, notamment les télécoms.
Les déficits d’exploitation des entreprises publiques se sont creusés, pesant sur leur capacité de maintenir les équipements existants et d’investir dans des nouveaux projets. Sommées de réintégrer les employés de leurs sous-traitants et d’embaucher les blessés de la révolution, l’emploi dans les entreprises publiques a augmenté parfois de plus de 50 % après 2010.
Selon les nouvelles Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques (OCDE, 2015b), une amélioration de l’efficacité et de la transparence dans le secteur des entreprises publiques procurera des avantages considérables, en particulier dans les pays où le poids de l’actionnariat public est important. Des problèmes de gouvernance surviennent lorsque des entreprises publiques poursuivent un double objectif consistant à exercer des activités économiques et à s’acquitter d’une mission politique. Les entreprises publiques peuvent alors pâtir d’ingérences indues motivées par des considérations politiques, ingérences conduisant à une dilution des responsabilités, à un manque de transparence et à des pertes d’efficience dans l’exploitation de l’entreprise. Par ailleurs, l’absence de surveillance peut accroître la probabilité que des collaborateurs agissent pour leur propre compte. En revanche, le fait de soumettre les entreprises publiques et privées à des règles du jeu équitables favorisera l’avènement d’un tissu économique solide et compétitif.
Il serait également important de renforcer l’intégrité et l’indépendance des agences de régulation dans les secteurs de réseau ainsi que de faciliter l’accès à de nouveaux opérateurs. Les nouvelles Lignes directrices de l’OCDE pour contrer l’influence indue et créer une culture d’indépendance pour les régulateurs (OCDE, 2017g) donnent des pistes pour instaurer et entretenir la capacité des régulateurs à prendre des décisions objectives, impartiales, cohérentes et expertes.
En Tunisie, outre l’application des contrats de performances pour les entreprises publiques, le gouvernement pourrait contracter certaines activités au secteur privé s’il se révélait plus efficace, notamment pour l’entretien des réseaux (électricité, eau, etc.), la production d’électricité, la désalinisation de l’eau, la construction et l’exploitation des stations d’épuration.
Dans certains secteurs, l’Etat intervient aussi en fixant les prix ou en restreignant le nombre d’entreprises qui peuvent opérer. Ces interventions de l’Etat sont plus prégnantes en Tunisie que dans la plupart des pays couverts par l’indicateur de l’OCDE sur la réglementation sur les marchés des produits (Graphique 17.C). Protégées de la concurrence, ces entreprises sont peu incitées à produire des services de meilleure qualité.
La mise en œuvre de réformes structurelles permettra de relancer l’investissement, les créations d’emploi et soutenir le revenu de tous les tunisiens. La nouvelle loi sur l’investissement mise en œuvre à partir d’avril 2017 met en avant le principe de liberté d’investir en réduisant le champ des activités soumises à autorisations. Un décret fixant la liste des activités soumises à autorisation, la liste des autorisations administratives pour réaliser des projets, les délais, les procédures et les conditions de leur octroi, devait être promulgué début 2018. Cette liste sera révisée d’ici 2020 à travers l’exécution du programme de simplification des procédures d’octroi des autorisations, leur suppression ou leur remplacement par des cahiers des charges. Ceci rendra les procédures plus prévisibles. La nouvelle loi de la concurrence de 2015 élargit le rôle du Conseil de la concurrence, réduit le délai d’examen des cas de concentrations et durcit les sanctions. Au final, la position de la Tunisie dans les classements internationaux sur le climat des affaires devrait s’améliorer.
Il serait souhaitable d’aller plus loin, en simplifiant plus drastiquement les autorisations, licences et permis, et en améliorant l’information sur les règles et procédures à suivre pour créer et gérer une entreprise. Il serait important d’établir des politiques transversales visant à améliorer la qualité de la réglementation, y compris des examens systématiques et approfondis des réglementations existantes. Les objectifs de ces politiques transversales sont : réduire les charges réglementaires inutiles pour les entreprises ; mettre en place une nouvelle approche de la réglementation fondée sur des faits et sur l’engagement des intervenants ; et améliorer l’accessibilité des réglementations et la transparence. Les obstacles juridiques à l’entrée de concurrents dans certains secteurs devraient être reconsidérés. D’autre part, il faut réduire les distorsions à la concurrence induites par l’intervention de l’État, y compris les contrôles de prix.
Les simulations de l’OCDE pour la Tunisie montrent que la baisse des barrières à l’entrée et l’amélioration des conditions de concurrence se traduiraient par une hausse du revenu national de près de 1¾ pour cent en 5 ans et de près de 5 % sur 20 ans, avec un impact positif sur l’investissement, la productivité et l’emploi (Tableau 4). Combinées avec un ajustement budgétaire graduel, les réformes de la réglementation renforceraient la croissance et remettraient la dette publique sur une trajectoire soutenable (Encadré 3).
Encadré 3. Réforme des réglementations : impact sur la croissance et la soutenabilité de la dette
Une réforme des réglementations pour relancer la croissance…
Certaines réglementations sur les marchés de biens et services sont nettement plus strictes en Tunisie qu’ailleurs. Les réformer conduirait à stimuler la concurrence et l’entrepreneuriat, et, de fait, soutiendrait la croissance. Les marges d’amélioration sont particulièrement importantes dans les domaines suivants :
Autorisations, licences et permis :
Mettre en place un guichet unique pour obtenir de l’information sur les licences et permis et introduction d’une règle « absence de réponse vaut approbation » (“silence is consent”).
Établir un programme pour réduire le nombre de licences et permis requis par le gouvernement.
Poids administratif découlant de la réglementation :
Publier de manière systématique les projets de changement des règles et procédures.
Mettre en place un programme avec objectifs explicites pour réduire le poids administratif sur les entreprises.
Ouverture du capital des entreprises publiques au secteur privé :
Ouverture partielle – sans cession du pouvoir de contrôle – dans les secteurs de l’électricité et du gaz.
Ouverture plus complète – voire retrait de la propriété publique – dans le secteur des télécoms, les secteurs manufacturiers où l’État est encore présent ainsi que dans le secteur du commerce (l’État est notamment propriétaire des marchés du gros).
Gouvernance des entreprises publiques :
Limiter l’accès des entreprises publiques à des formes de financements non-accessibles aux entreprises privées.
Confier au ministère des Finances, ou à une agence indépendante, la gestion des participations de l’État dans les entreprises publiques.
Contrôle des prix :
Réexaminer, et le cas échéant mettre fin, aux contrôles des prix de l’essence, du tabac, des communications cellulaires et autres produits, ainsi que ceux sur les tarifs pratiqués dans le transport aérien et les professions réglementées.
Ces réformes se traduiraient par une baisse de 20 % de l’indicateur de l’OCDE sur la réglementation des produits pour la Tunisie. Après la réforme, l’indicateur se situerait encore légèrement au-dessus de la moyenne des pays émergents et resterait nettement supérieur à la moyenne observée dans les pays de l’OCDE.
Tableau 4. Gains économiques découlant de la réduction des obstacles à la concurrence
Impacts estimés sur le PIB et les principales composantes de l’offre (par rapport à un scénario sans réforme)1
Horizon |
PIB |
Emploi total |
Investissement |
PGF2 |
---|---|---|---|---|
Augmentation du niveau de chaque variable en pourcentage du niveau initial |
||||
5 ans |
1.7 |
0.4 |
2.7 |
1.2 |
10 ans |
2.4 |
0.5 |
3.8 |
1.7 |
20 ans |
4.8 |
0.6 |
9.0 |
3.4 |
Augmentation moyenne du taux de croissance en points de pourcentage |
||||
20 ans |
0.25 |
0.03 |
0.43 |
0.15 |
1. Les impacts sur le PIB, l’emploi, l’investissement et la PGF sont basés sur l’expérience des pays de l’OCDE. Les travaux récents suggèrent même que l’impact des réformes structurelles sur la croissance est plus élevé dans les pays émergents (OCDE, 2017f). Cela conduirait à penser que les impacts présentés dans ce tableau sont sous-estimés dans le cas de la Tunisie.
2. Productivité globale des facteurs.
Source : Estimations du Secrétariat de l’OCDE.
… et remettre la dette sur une trajectoire soutenable
En soutenant la croissance, ces réformes structurelles permettraient de remettre la dette publique sur une trajectoire soutenable. La soutenabilité de la dette dépend du taux de croissance économique, de l’inflation, des taux d’intérêt sur la dette et du déficit budgétaire.
Le Secrétariat de l’OCDE a simulé l’impact d’une amélioration des conditions de concurrence et de l’ajustement budgétaire sur la croissance et la dette publique (Graphique 18Graphique 19). Cinq scénarios ont été retenus:
Scénario de référence – ni ajustement budgétaire, ni réforme structurelle. La croissance économique converge vers son taux potentiel (estimé par l’OCDE à 2.8 % en l’absence de réformes structurelles majeures), l’inflation (mesurée par le déflateur du PIB) se stabilise autour 4.2 % (c.a.d. légèrement au-dessus de la cible implicite d’inflation), et le taux d’intérêt nominal effectif sur la dette publique converge vers le taux effectif de 4.9 % observé sur la période 1990-2016. Dans ce scénario, la dette publique s’élève à plus de 100 % du PIB en 2040.
Scénario avec réformes sur les marchés des biens et services mais sans ajustement budgétaire. Les réglementations sur le marché des produits sont assouplies. Les réformes structurelles se traduisent par une augmentation du taux de croissance économique de près de 0.25 points de pourcentage pour s’établir proche de 3.1 %. Dans ce scénario, le revenu (PIB) de la Tunisie est environ 5 % plus élevé que dans le scénario sans réforme et la dette publique au PIB s’établit à 85 % du PIB en 2040.
Scénario avec ajustement budgétaire drastique (retour à l’équilibre de la balance primaire sur 5 ans) sans réforme structurelle sur les marchés des biens et services. Le ratio dette publique au PIB baisse sensiblement pour se rapprocher de son niveau d’avant 2011 mais les coûts économiques et sociaux de l’ajustement budgétaire sont importants. Après 5 ans, le niveau de revenu est sensiblement plus faible (-1.3 %) que dans le scénario sans réforme.
Scénario avec ajustement budgétaire structurel d’environ 2 % du PIB (le déficit primaire se réduisant progressivement pour s’établir à 1.5 % du PIB sur une période de 5 ans) sans réforme sur les marchés des biens et services. La dette publique se stabilise autour de 68 % du PIB mais le niveau de revenu est plus faible (-0.7 %) que dans le scénario sans réforme.
Ajustement budgétaire structurel d’environ 2 % du PIB (vers un déficit primaire à 1.5 % du PIB) couplé à la réforme sur le marché des biens et services. La dette s’inscrit sur une tendance à la baisse pour atteindre 57 % du PIB en 2040. Le revenu de la Tunisie est 5 % plus élevé que dans le scénario sans réforme. Les effets négatifs de l’ajustement – via les multiplicateurs budgétaires – sont rapidement neutralisés.
L’ouverture extérieure a favorisé la croissance et l’emploi dans les entreprises offshore
Les travaux récents de l’OCDE suggèrent que les échanges commerciaux peuvent contribuer à l’amélioration du bien-être de la population (OCDE, 2017d). D’une part, ils améliorent le pouvoir d’achat des consommateurs en leur permettant d’accéder à une gamme plus étendue de biens et services souvent à moindre coût. Les ménages les plus pauvres sont souvent ceux qui en bénéficient le plus car ils consacrent une part plus élevée de leur revenu aux produits de grande consommation (Fajgelbaum et Kandhelwal, 2016). D’autre part, les échanges commerciaux génèrent des gains de productivité en donnant accès aux entreprises à une gamme d’intrants plus vaste, en favorisant la diffusion de la connaissance étrangère et en contribuant à l’élargissement des marchés. Dans la zone OCDE, une augmentation de l’ouverture commerciale de 1 point de pourcentage se traduirait par une croissance de la productivité multi-factorielle de 0.2 % après 5 ans et 0.6 % sur le long-terme (Egert et Gal, 2017).
En Tunisie, la stratégie d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales a reposé sur une libéralisation progressive des échanges commerciaux, la signature d’accords de libre-échange et la création d’un régime attractif pour les entreprises entièrement exportatrices – dit régime offshore. La Tunisie a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce en 1995. Elle a signé en 1996 un accord d’association avec l’Union européenne visant au démantèlement progressif des barrières tarifaires et non-tarifaires et a obtenu le statut de partenaire privilégié ; les négociations autour de l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) sont aussi en cours. Avec la Turquie, un accord de libre-échange est signé en 2004 et appliqué entièrement en 2014. Le régime tarifaire a en outre été simplifié, avec une réduction du nombre de bandes tarifaires de 54 en 2003 à 3 en 2017.
La participation de la Tunisie dans les chaînes de valeurs mondiales a fortement progressé depuis le milieu des années 90. L’intensité des échanges, mesurée par la part des exportations et des importations dans le PIB, s’approchait en 2016 de la moyenne OCDE, pour s’établir à un niveau supérieur à de nombreux pays émergents (Graphique 20.A). La part des biens manufacturés dans les exportations totales a augmenté pour s’établir à 76 % (Graphique 20.B), bien au-delà du niveau observé en Égypte, au Maroc et dans la plupart des autres pays de la région. De plus, la structure des exportations par produit s’est diversifiée (Institut de la Méditerranée, 2014). La Tunisie est le pays du Maghreb ayant le plus grand nombre de produits exportés jouissant d’un avantage comparatif révélé (Graphique 20.C). Les exportations tunisiennes sont aussi montées en gamme (Graphique 20.D). Ainsi, la Tunisie se plaçait en 2016 au 52e rang mondial sur l’échelle de la complexité qui reflète la sophistication, la diversification des exportations et la spécificité des exportations selon l’Observatoire de la complexité économique, devançant tous les pays d’Afriqueexceptée l’Afrique du Sud. Les performances des exportations de produits pharmaceutiques, plastiques et des industries mécaniques et électriques sont particulièrement bonnes, reflétant un investissement de longue date dans le secteur éducatif, notamment les sciences et l’ingénierie.
La Tunisie n’exploite pas tous les avantages potentiels de l’ouverture commerciale. Les entreprises du secteur offshore – exemptes de droits de douanes à l’import et l’export, bénéficiant d’un taux d’impôt réduit et surtout de procédures administratives simplifiées – ont été très dynamiques. Elles ont contribué à 78 % des exportations de marchandises hors énergie en 2016, une part en forte hausse. Leur part dans l’emploi salarié formel du secteur privé a doublé depuis 1996 pour s’établir à 34 %. De par son statut, le secteur offshore entretient peu de relations avec le reste de l’économie. Les entreprises peuvent importer leurs intrants sans droits de douane dès lors qu’elles réexportent la totalité de leur production. En 2017, elles ont acquis le droit de réaliser jusqu’à 30 % de leur chiffre d’affaires sur le territoire national. Néanmoins, la lourdeur des procédures administratives et douanières limite l’effet d’entrainement des exportations sur les entreprises du secteur onshore. De fait, plus de 60 % des exportations des entreprises onshore sont des exportations à contenu technologique faible tels que les produits agricoles, d’hydrocarbures, miniers et phosphatés.
Pour améliorer son insertion dans les chaînes de valeur mondiales et créer davantage d’emplois de qualité, la Tunisie doit continuer d’abaisser les barrières au commerce et lever les obstacles douaniers, réglementaires et logistiques. L’efficacité des services logistiques autour des infrastructures portuaires est faible, ce qui pèse sur la qualité et la disponibilité des services de manutention et de transport de marchandises (Graphique 21). La Tunisie s’est laissée distancer par ses concurrents directs sur des indicateurs-clé comme le temps d’attente à la frontière ou l’efficacité des services douaniers. Les données de l’OCDE sur la facilitation des échanges suggèrent aussi que les procédures aux frontières qui s’appliquent aux entreprises onshore se sont détériorées (Graphique 22). En outre, les entreprises qui n’opèrent pas dans le régime offshore souffrent de la multiplicité des droits de douane, laquelle s’accompagne souvent de contrôles sur la nature des biens importés et de tracasseries administratives. Cela génère des coûts et nuit à la compétitivité à l’exportation des entreprises onshore.
Promouvoir la participation de tous les citoyens dans la vie économique pour réduire les inégalités
Le chômage est important et l’emploi informel répandu
Le taux de chômage est élevé surtout chez les jeunes diplômés. En 2016, le taux de chômage s’élevait à 15.6 % de la population active et était supérieur à la moyenne de l’OCDE ou des pays MENA. À environ 35 %, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est plus élevé que dans la plupart des pays de l’OCDE et des pays émergents. Les diplômés de l’enseignement supérieur ont un taux de chômage plus élevé que les personnes ayant atteint un niveau d’éducation primaire ou secondaire. L’inadéquation entre les compétences acquises par les jeunes tunisiens et les besoins des employeurs est importante et représente un frein à leur employabilité. Il est nécessaire de mieux impliquer les employeurs dans l’élaboration des programmes.
Alors que les microentreprises et l’emploi indépendant jouent un rôle important dans la création d’emplois, 2 % seulement des jeunes âgés de 18 à 24 ans ont participé à la création d’une entreprise en 2012 (Belkacem et Mansouri, 2013). Par rapport à leurs pairs des pays de l’OCDE, les jeunes tunisiens sont moins nombreux à déclarer avoir accès à des formations et des financements. Même si la Tunisie est dotée d’un système de soutien aux créations d’entreprises relativement bien développé, qui fournit des informations, des formations, des financements et des services de suivi les deux premières années d’activité, des gains d’efficience pourraient être réalisés. De plus, une meilleure assistance à moyen et long termes devrait être apportée aux jeunes entrepreneurs, particulièrement aux femmes qui se heurtent à de nombreux obstacles pour créer leur entreprise (OCDE, 2015c).
La politique de recrutement dans le secteur public, qui donnait la priorité aux chômeurs de longue durée, semble avoir aggravé le problème du chômage des diplômés. Celle-ci représentait clairement une incitation à s’inscrire auprès de l’agence pour l’emploi et attendre un emploi dans le secteur public qui offrirait un salaire plus élevé, la sécurité de l’emploi et des prestations sociales plus généreuses (OCDE, 2015).
Un grand nombre de tunisiens ont des conditions de travail précaires. L’emploi informel est répandu et, selon les sources et la définition, représenterait entre 30 % et 45 % de l’emploi total (Banque mondiale, 2014 ; CRES, 2016). Même si ce taux est plus bas que la moyenne des pays d’Amérique Latine ou d’Asie, il reste néanmoins plus élevé que les pays de l’OCDE ou les pays en transition (Graphique 23). Un taux élevé d’informalité est généralement générateur d’inégalités car les personnes travaillant dans ce secteur ont des salaires plus faibles, des conditions de travail précaires et ont peu accès au système financier. En Tunisie, l’emploi informel touche plus particulièrement les jeunes (CRES, 2016). Les embauches se font la plupart du temps sous contrats à durée déterminée (CDD), compte tenu de la petite taille des entreprises (plus de 90 % comptent moins de 10 salariés), et des contraintes liées à la résiliation des contrats à durée indéterminée (CDI).
Les cotisations à la sécurité sociale sont relativement élevées (Graphique 24) même si les bénéfices associés sont aussi relativement généreux pour un nombre limité de régimes de sécurité sociale. Cela favorise le passage à l’informel car, d’une part, les employeurs peuvent être dissuadés de déclarer des travailleurs et d’autre part, les travailleurs indépendants peuvent préférer travailler dans le secteur informel. L’expérience internationale suggère qu’une baisse de la fiscalité sur le travail est favorable à la création d’emplois dans le secteur formel. Par exemple, en 2012, la Colombie a mis en œuvre une réforme fiscale qui a éliminé et réduit certaines cotisations sur les salaires, et s’est traduite par une augmentation de l’emploi formel.
Certaines réglementations et pratiques sur le marché du travail, qui pèsent aussi sur la création d’emplois stables dans le secteur formel, semblent plus difficiles à réformer actuellement sans générer des protestations qui risqueraient de bloquer le processus de réforme. Ainsi, le processus de négociations salariales est long. Les hausses de salaires s’appliquent à tous les secteurs, parfois de façon rétroactive, quelle que soit la situation économique du secteur ou la taille de l’entreprise. Cela peut encourager les employeurs à mécaniser le processus de production pour réduire le recours à la main d’œuvre. De plus, alors que la réglementation sur les licenciements pour les titulaires de contrats à durée indéterminée est plus stricte que dans bon nombre de pays émergents et partenaires, les titulaires de contrats temporaires sont peu protégés. Ceci génère une dualité sur le marché du travail avec d’un côté des groupes protégés et de l’autre des groupes précarisés, les possibilités de passage de l’un à l’autre étant rares.
Différences hommes femmes : un bilan contrasté
La Tunisie figure en pointe sur la question de l’égalité hommes-femmes parmi les pays de la région MENA (World Economic Forum, 2017). Le Code du statut personnel affirme le principe d’égalité entre les hommes et les femmes sur le plan socio-économique, culturel et politique. Depuis, de nombreuses réformes successives ont fait avancer les droits et le statut des femmes. En août 2017, le président de la République a ouvert un débat proposant d’introduire l’égalité hommes-femmes au regard de l’héritage.
Ces politiques ont porté leurs fruits mais des disparités importantes persistent sur le marché du travail entre les hommes et les femmes. Le taux d’emploi des femmes est l’un des plus élevés de la région MENA mais il reste largement plus faible que celui de l’OCDE (23 % contre 63 %). La part des femmes occupant des postes de direction dans les secteurs publics et privés est la plus élevée des pays MENA (14.8 %) (OCDE, 2017e). Alors que le taux de scolarisation des femmes, tous niveaux confondus, est aujourd’hui de 10 points supérieur à celui des hommes (71 % contre 61 %, Daghari, 2017), le taux de chômage est plus élevé pour les femmes que pour les hommes (22 % contre 12 % en 2015). Cet écart entre le taux de chômage des hommes et celui des femmes provient d’attitudes discriminatoires de la part des employeurs basées sur des valeurs socio-culturelles. Dans les régions, le taux de chômage élevé des femmes peut aussi provenir de leur plus faible mobilité, qui les empêche de déménager pour prendre un emploi, et de la distance les séparant d’un bureau de l’emploi. Enfin, les femmes optent souvent pour des études moins demandées sur le marché du travail. Globalement, les femmes occupent des emplois moins qualifiés que les hommes ayant le même niveau d’instruction (Stampini et Verdier-Chouchane, 2011). Les femmes entrepreneurs se heurtent à de nombreux obstacles en Tunisie, dont les principaux sont : i) les barrières culturelles opposéesau lancement d’une entreprise ; ii) un défaut de garanties pour les prêts bancaires du fait que les femmes possèdent très peu de propriété en leur nom et iii) la rareté générale des femmes dans la population active et à des postes de direction (OCDE, 2015c).
L’offre de main d’œuvre féminine pourrait être stimulée par des politiques en faveur de la garde et de l’éducation des enfants. Faute de moyens, le nombre de crèches publiques a beaucoup diminué depuis les années 80 même si certaines sont réhabilitées depuis 2015. Un effort est également mené pour améliorer la couverture du pays en matière de structures d’éducation de la petite enfance de manière à atteindre un taux de couverture de 53 % en 2020 contre 35 % en 2015. Cet élargissement de la couverture pourrait contribuer à améliorer le taux d’activité de la femme (défini comme le nombre de femmes actives – occupées ou au chômage- divisé par le nombre de femmes en âge de travailler, 15-64) pour atteindre l’objectif de 35 % en 2020 contre 28 % en 2015. Il est essentiel de poursuivre ce travail afin que les ménages les moins aisés puissent avoir accès à des gardes d’enfants de qualité à moindre frais.
Plusieurs programmes et actions ont été initiés avec l’objectif de renforcer l’autonomisation sociale, économique et politique de la femme et particulièrement la femme rurale. Ces interventions concernent notamment la promotion de la participation de la femme sur le marché du travail et l’entreprenariat féminin, le renforcement de la participation des femmes dans la vie publique et politique, la lutte contre la déperdition scolaire chez les filles en milieu rural et la lutte contre les violences faites aux femmes.
Une stratégie d’inclusion financière est nécessaire
L’offre de services financiers inclusifs est fragmentée, incomplète et peu accessible (Banque mondiale, 2015). Seuls 27 % des tunisiens ont un compte dans une institution financière et moins de 7 % ont une carte de crédit ce qui est faible en comparaison des pays émergents et des pays de l’OCDE. De nombreuses entreprises identifient l’accès au crédit comme l’une des contraintes majeures à leur développement (Chapitre 1). L’offre de services financiers est assez peu développée et concentrée dans les régions côtières même si la présence de la Poste dans les régions permet aux populations rurales et des zones reculées d’avoir accès à des services financiers. Cependant, avec le quart de ses agences qui ne sont pas connectées au serveur central, des horaires d’ouverture des agences relativement restreints et des montants minimums de versement, la Poste n’offre pas encore de solutions de micro-épargne (retraits et dépôts réguliers de très petits montants) ou des moyens de paiement facilement utilisables (Banque mondiale, 2015). Les services offerts par les banques ne sont pas adaptés aux micros et petites entreprises et aux personnes à faibles revenus car les frais de tenue de compte et les garanties pour les prêts sont élevés.
Les autorités ont lancé en 2016 une stratégie d’inclusion financière dont la mise en œuvre est prévue pour la période 2018-22 visant, entre autres, le développement de la finance digitale, de la micro-assurance, de l’économie sociale et solidaire et de l’éducation financière. En 2011, une loi a réglementé le secteur de la microfinance et permis l’introduction d’une nouvelle forme juridique pour les institutions de microfinance ainsi que la mise en place d’une autorité de régulation et de supervision du secteur. En 2016, un Observatoire de l’Inclusion Financière a été créé au sein de la Banque Centrale avec pour principales missions l’évaluation et le suivi de l’évolution de l’accès aux services financiers. De nombreux pays émergents ont mis en œuvre des mesures dont la Tunisie pourrait s’inspirer. Par exemple, le Brésil, la Colombie et l’Inde ont promu l’inclusion financière en ouvrant des comptes bancaires pour tous et en versant des prestations sociales sur ces comptes. Une étude sur l’inclusion financière a été lancée fin 2017 avec pour objectif de déterminer, sur la base d’indicateurs, le niveau de l’inclusion financière. Cette étude sera répliquée dans le futur par l’Observatoire de l’Inclusion Financière en collaboration avec l’INS. Enfin, le projet de loi relatif à la promotion des startups a été approuvé, fin 2017, par le Conseil des Ministres. Il vise la simplification des procéduresadministratives, la facilitation de l’accès au financement, l’encouragement à entreprendre et la création des conditions nécessaires pour une percée internationale des startups.
Développement régional : permettre à chaque région d’exploiter ses avantages comparatifs
Des améliorations de niveau de vie ont été observées dans l’ensemble des régions. Le taux de pauvreté a baissé et l’accès aux infrastructures de base et aux services publics s’est amélioré. Néanmoins, le choix économique dirigé vers le secteur exportateur a généré une concentration des activités sur les zones côtières laissant les régions de l’intérieur à la traine. Ces dernières dépendent généralement d’une gamme étroite de produits de base et sont peu intégrées dans les chaînes de valeur mondiales. Le taux de chômage dans ces régions est beaucoup plus élevé que dans les régions côtières (Graphique 25).
Depuis 2011, le gouvernement a réaffirmé le caractère prioritaire du développement régional. Afin de le mener à bien, il est nécessaire d’adopter des politiques multidimensionnelles (telles que l’éducation, l’innovation, l’infrastructure, les facteurs institutionnels) qui valorisent les atouts spécifiques de chaque région pour améliorer leur compétitivité tout en assurant une coordination entre les différents niveaux de gouvernement (OCDE, 2012). Pour ce faire, une stratégie possible de développement régional, inspirée d’autres expériences réussies, consisterait, pour les autorités, à promouvoir le développement de pôles régionaux à l’intérieur du pays. Ces pôles prendraient appui sur des centres urbains afin d’exploiter les économies d’agglomération que seuls les centres urbains d’un certain niveau peuvent générer grâce à leur forte productivité et à leur capacité d’attirer des investissements productifs. Par effet d’entrainement, ces pôles serviraient de moteurs au développement des régions dans lesquelles ils se situent en offrant des marchés d’échange et d’intégration économique tant au niveau régional que national.
La modernisation des institutions en charge du développement régional, en les dotant de ressources humaines de grandes compétences et de l’autonomie financière et de décision, permettrait la mise en place de la nouvelle stratégie. Ces institutions indépendantes seraient entièrement dédiées à identifier les opportunités d’investissement (publics et privés) dans la région, à mettre en place un environnement propice à l’investissement privé en réduisant la bureaucratie, à assister les investisseurs et accélérer la mise en place des projets. Elles auraient aussi en charge l’évaluation de la stratégie pour lui apporter les ajustements nécessaires en fonction des résultats et des conditions réelles du terrain. La mise à niveau des infrastructures et des services publics des régions de l’intérieur permettrait de réduire les inégalités, d’améliorer les conditions de vie de la population tout en renforçant l’attractivité de ces régions. Une bonne gouvernance des différents niveaux de gouvernement est aussi essentielle.
Un projet de décentralisation est à l’étude. À travers le monde, on note que les pays les plus décentralisés ont souvent un niveau de vie mesuré par le PIB par habitant plus élevé (OCDE, Base de données régionales). Le projet de décentralisation en Tunisie pourrait favoriser la participation et permettre de rapprocher les décisions des citoyens et de mieux répondre aux circonstances et préférences locales. Il pourrait aider à réduire les disparités régionales en incitant à une meilleure utilisation des ressources locales (Bartolini et al., 2016). Néanmoins ce projet doit être mis en œuvre de manière progressive en tenant compte des capacités managériales et financières des différents niveaux des collectivités locales. Il est aussi important de renforcer la mobilité des travailleurs des régions en déclin vers les régions plus dynamiques. Le Plan National de Développement 2016-2020 inclut un large investissement public qui vise à renforcer la connexion entre les régions par le développement d’un maillage de routes de grande capacité. La mobilité peut aussi être renforcée par une politique du logement adaptée visant, par exemple, à promouvoir le marché locatif en diminuant le biais fiscal en faveur des propriétaires-occupants.
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