La Türkiye figure parmi les économies de l’OCDE ayant connu la plus forte croissance au cours des deux dernières décennies. Le PIB par habitant y a augmenté au rythme annuel moyen de 6 % entre 2000 et 2021, tandis que le taux de pauvreté a diminué de moitié et que le taux d’activité a bondi de 10 points de pourcentage. Le revenu par habitant a convergé relativement vite vers le niveau observé dans les économies avancées, même si les progrès ont marqué le pas ces dernières années (Graphique 1.1).
Études économiques de l'OCDE : Türkiye 2023 (version abrégée)
1. Principaux éclairages sur l’action publique
Des réformes ambitieuses seront nécessaires pour rendre l’économie plus résiliente
Le principal moteur de la convergence économique a été le secteur privé, très dynamique, qui a tiré parti de nouvelles possibilités sur les marchés internationaux. Le redéploiement de la main-d’œuvre au profit du secteur des services a constitué une évolution majeure. Dans le même temps, le secteur manufacturier s’est mieux intégré dans les chaînes de valeur mondiales. Les exportations de la Türkiye représentent aujourd’hui plus de 1 % de la demande mondiale de biens et de services.
L’économie turque est par ailleurs portée par la jeunesse et le dynamisme de sa population. Alors que l’âge médian de la population des pays de l’OCDE atteint 40 ans, la population turque compte parmi les plus jeunes, avec un âge médian de 33 ans. Les deux tiers des Turcs sont en âge de travailler (15-64 ans), et moins d’un dixième d’entre eux ont plus de 65 ans. Cependant, ce « dividende démographique » diminuera progressivement, ralentissant la croissance potentielle future (Graphique 1.2). Cette évolution souligne la nécessité de mieux mettre à profit les ressources humaines existantes, notamment les jeunes et les femmes, dont le taux d’activité est bas (chapitre 2).
Les vulnérabilités économiques se sont amplifiées ces dernières années et le risque d’instabilité macroéconomique s’est accru. En 2022, l’inflation mesurée par les prix à la consommation a atteint 72.3 % pour la première fois depuis 1998, tandis que la livre turque a perdu plus de la moitié de sa valeur face au dollar des États-Unis depuis le début de 2021. Les flux d’investissements directs étrangers en Türkiye stagnent et, exprimés en proportion du PIB, figurent parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. Le déficit de la balance des opérations courantes s’est creusé et devrait s’établir à 5½ pour cent du PIB en 2022. En juillet 2022, les réserves de change sont tombées à l’un des plus bas niveaux observés depuis dix ans, mais elles se sont ensuite redressées quelque peu. Les passifs éventuels du secteur public ont augmenté, notamment dans les entités convertissant en livres turques leurs dépôts en devises dans le cadre du dispositif de garantie de l’épargne.
Ces fragilités diminuent la résilience de l’économie face aux chocs. Le pays a connu quatre récessions au cours des 25 dernières années, et la volatilité de sa croissance économique, mesurée par l’écart type de la croissance annuelle du PIB, a été quatre fois plus élevée que la moyenne de l’OCDE. Cette volatilité prononcée accroît l’incertitude, décourage l’investissement et peut peser sur la croissance tendancielle (Bloom et al., 2012[1] ; Ramey et Ramey, 1995[2]), compromettant les efforts déployés par le pays pour atteindre le statut de pays à revenu élevé.
Pour améliorer la résilience de l’économie, il sera essentiel de doter la jeunesse des compétences lui permettant de s’adapter à l’évolution des besoins du marché du travail. Les acquis d’apprentissage des étudiants turcs sont faibles par rapport aux normes internationales et les adultes ont tendance à manquer des compétences adéquates en termes de résolution de problèmes et de traitement des informations. Les jeunes sont nombreux, surtout dans la population féminine, à n’être ni en emploi, ni scolarisés ni en formation.
Un cadre réglementaire plus prévisible et plus souple pourrait renforcer la résilience économique. Les réglementations strictes en matière de produits et sur le marché du travail concourent à une économie duale, où un vaste secteur informel et semi-formel coexiste avec de grandes entreprises, pour l’essentiel des conglomérats. Les réglementations restrictives limitent l’entrée de nouvelles entreprises, protégeant les acteurs historiques de la concurrence intérieure et extérieure. Garantir un environnement concurrentiel équitable, fondé sur des règles, nécessite de faire respecter ces règles sans exception.
Dans ces domaines, des réformes peuvent nettement remédier aux vulnérabilités de la Türkiye, réduire sa volatilité économique et améliorer le niveau de vie de sa population. Des simulations fondées sur le modèle de croissance à long terme de l’OCDE (Guillemette et Turner, 2018[3]) portent à croire qu’un train de réformes ambitieuses qui renforcerait le cadre réglementaire turc et améliorerait les résultats scolaires pourrait accroître le PIB par habitant de plus de 10 % d’ici à 2030 (Graphique 1.3). Ce train de réformes permettrait à l’économie turque de renouer avec son processus de convergence avec les autres pays de l’OCDE.
Dans ce contexte, les principaux messages de la présente Étude sont les suivants :
1. L’ancrage des anticipations d’inflation est essentiel pour promouvoir l’investissement et la croissance. À cette fin, il convient d’améliorer la confiance des milieux nationaux et internationaux dans l’indépendance de la banque centrale, notamment en réduisant le taux de rotation des membres du Conseil de cette institution. La politique monétaire devrait être resserrée. Des hausses du taux directeur devraient être annoncées au bon moment et être accompagnées d’une communication claire quant aux décisions à venir. Il faudrait améliorer le solde budgétaire primaire et les autorités doivent élaborer une stratégie à moyen terme pour se préparer aux défis à long terme en matière de finances publiques
2. Pour accroître la résilience du pays face aux chocs et aux évolutions structurelles, il faudra mettre en place un climat des affaires porteur et améliorer l’état de droit, afin que les ressources puissent être orientées vers les activités et les entreprises les plus prometteuses. Les autorités devraient s’attacher en priorité à rehausser le taux d'activité et le taux d’emploi des femmes. Il est également important de doter la population des compétences adéquates (voir le chapitre 2).
3. L’économie devra aussi montrer une meilleure résilience face au changement climatique et aux chocs énergétiques, ce qui passera par des politiques d’adaptation, un verdissement du bouquet énergétique et des améliorations en termes d’efficacité énergétique.
La reprise de l’après-pandémie a été solide, mais les risques se sont amplifiés
L’économie devrait ralentir
La Türkiye est l’un des très rares pays au monde à n’avoir pas connu de contraction économique annuelle en 2020 sous l’effet de la pandémie de COVID-19 (Encadré 1.1). De forts effets de base consécutifs au ralentissement de 2019, associés au dynamisme des dépenses de consommation et à une vigueur inhabituelle des exportations, ont permis au pays d’enregistrer l’une des reprises les plus rapides de l’OCDE (Graphique 1.4, partie A). La croissance de l’économie turque s’est établie à 11.4 % en 2021, soit son rythme le plus rapide des cinq dernières décennies, et à 6.2 % aux trois premiers trimestres de 2022 (en glissement annuel).
La consommation privée a été le principal moteur de la croissance économique (Graphique 1.4, partie B). En 2021, la consommation réelle des ménages a surpris par son dynamisme, sa hausse s’établissant à 15.3 %, la plus forte de l’histoire du pays. Le rattrapage de la demande insatisfaite datant des confinements a tiré les dépenses des ménages durant la phase de reprise. L’accélération de l’inflation a également conduit certains foyers à avancer leurs achats, notamment en ce qui concerne les biens durables et semi-durables. Parallèlement, les mesures prises durant la pandémie pour faciliter l’accès au crédit, de même que la faiblesse des taux d’intérêt, ont contribué à la forte demande de prêts.
Les dépenses des consommateurs ont été soutenues également par l’évolution du marché du travail, les taux d’emploi et d’activité ayant rapidement renoué avec leurs niveaux d’avant la pandémie. Les gains en termes d’emploi que la Türkiye a enregistrés après la pandémie ont été les plus élevés de la zone OCDE. Le secteur des services, qui a été durement frappé durant la pandémie, a compté pour plus de la moitié de ces gains pendant la phase de reprise. De nombreuses personnes sont revenues sur le marché du travail, en particulier des jeunes et des femmes, dont le taux d’activité dépasse à présent les niveaux observés avant la pandémie. Ces gains d’emploi importants se sont doublés de fortes hausses des salaires. Le salaire minimum a été augmenté quatre fois depuis 2021 – de 20 % en janvier 2021, 50 % en janvier 2022, 30 % en juillet 2022 et 55 % en janvier 20223 – et environ 65 % des travailleurs ayant un emploi formel perçoivent un salaire proche du salaire minimum légal. Malgré la reprise du marché du travail, le taux de chômage et le taux d’activité demeurent bien inférieurs à la moyenne de l’OCDE et l’emploi informel reste très répandu (voir chapitre 2).
La contribution de l’investissement brut à la croissance du PIB est négative depuis 2021, en raison principalement de l’épuisement des stocks (Graphique 1.4, partie B). Si l’investissement a quelque peu augmenté dans le secteur manufacturier, il s’est dégradé dans le bâtiment, et l’investissement direct étranger a été faible en raison du degré élevé d’incertitude.
Les exportations ont été un moteur essentiel de la croissance. En 2021, les exportations de biens et de services ont augmenté de près de 25 % en termes réels sous l’effet de la dépréciation de la livre turque, ainsi que des perturbations des chaînes d’approvisionnement dans d’autres pays. Les exportateurs turcs ont tiré parti des difficultés que rencontraient les chaînes d’approvisionnement asiatiques, profitant des moindres distances séparant leur pays de l’Europe. Selon des données empiriques, une baisse de 10 points de pourcentage de la fiabilité du transport maritime mondial se traduit par une hausse d’environ 5 % des exportations turques (Banque mondiale, 2022a). La croissance des exportations s’est étendue à l’ensemble des produits exportés.
L’activation de capacités de production inutilisées a joué un rôle décisif dans l’augmentation des exportations. Celle-ci a été principalement tirée par les lignes de produits existantes, la contribution des nouveaux marchés ou nouvelles lignes de produits ayant été plus modeste (CBRT, 2022[4]). Les exportations de biens ont progressé essentiellement vers les pays de l’Union européenne et les États-Unis, qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Türkiye (Graphique 1.5). Dans l’Union européenne, le pays a accru ses parts de marché dans le textile et l’habillement, l’agriculture, le plastique et les produits du bois, qui, de manière générale, ne nécessitent pas de gros investissements (World Bank, 2022[5]). Ces derniers mois, les exportations à destination de la Russie ont aussi nettement augmenté, même si leur part demeure faible (environ 3 %).
Les exportations de services, en particulier le tourisme, ont rebondi et retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie. Le secteur du tourisme, qui avait été mis à l’arrêt par les restrictions sanitaires appliquées dans le monde entier, a connu une reprise en 2022 en dépit des tensions géopolitiques. Les recettes, de même que le nombre de touristes, ont renoué avec les niveaux observés avant la pandémie (Graphique 1.6). Le nombre de touristes russes – premier groupe de visiteurs en Türkiye les années précédentes – a diminué de plus d’un tiers au cours des neuf premiers mois de 2022 par rapport à 2019. Cette baisse a toutefois été compensée par le nombre croissant de touristes en provenance de pays européens. La dépréciation de la livre turque a contribué à faire du pays une destination encore plus attrayante pour les touristes européens (World Bank, 2022[5]).
À l’inverse, les importations de biens et services ont été faibles, augmentant de 2.4 % seulement en termes réels en 2021, en raison notamment de la dépréciation de la livre turque. Les importations de biens d’équipement ont été atones, reflet d’une activité d’investissement limitée et du degré élevé d’incertitude. La Russie est restée le principal partenaire commercial du pays en matière d’importations, absorbant à elle seule environ 17 % des importations turques totales au cours des 10 premiers mois de 2022 (contre 11 % en 2021) ; la Türkiye n’a pas imposé de sanctions à la Russie après le lancement de la guerre contre l’Ukraine. Malgré certains progrès en matière de sécurité énergétique (voir ci-après), la Türkiye reste très dépendante des importations d’énergie : à hauteur de 93 % pour sa consommation de pétrole, et de 99 % pour sa consommation de gaz.
Encadré 1.1. Mesures prises par la Türkiye face à la pandémie de COVID-19
La dernière vague de contaminations a atteint son pic au cours de l’été 2022 (Graphique 1.7, partie A), mais elle a fait beaucoup moins de victimes que les précédentes grâce au large déploiement de la campagne vaccinale. En octobre 2022, 63 % de la population présentaient un schéma vaccinal complet, soit environ 86 % des plus de 18 ans. Le taux de vaccination des adultes en Türkiye est légèrement plus élevé que la moyenne de l’UE (83.5 %). En termes de résultats sanitaires, la Türkiye a été moins affectée par la pandémie que les pays à haut revenu (Wang, 2022[6]).
La pandémie a entraîné une chute de 10.3 % du PIB réel au deuxième trimestre de 2020, mais l’économie s’est fortement redressée au troisième trimestre. Les travailleurs dans l’emploi informel et le secteur du tourisme ont été particulièrement touchés. Pour atténuer l’impact social et économique de la crise sanitaire, la Türkiye a apporté un soutien budgétaire relativement généreux. L’ensemble des mesures budgétaires a atteint 13 % du PIB (Graphique 1.7), consistant pour l’essentiel en des crédits accordés à des conditions préférentielles aux ménages, des prêts aux entreprises et des dispositifs de garanties (OECD, s.d.[7]).
Du fait de la vigueur de la demande intérieure, soutenue par la faiblesse des taux d’intérêt, ainsi que de l’envolée des cours mondiaux des matières premières, l’inflation a atteint les niveaux les plus élevés de la zone OCDE. En outre, la dépréciation de la livre turque a exercé des tensions sur les prix des importations. En 2022, l’inflation mesurée par les prix à la consommation s’est établie à 72.3 %. Les prix à la production ont enregistré de leur côté une hausse de 128 %, la plus forte depuis près de 30 ans (Graphique 1.8, partie A). L’ampleur de l’écart entre ces deux taux s’explique par le niveau élevé des prix de l’énergie et des importations, qui affecte plus sensiblement les prix à la production. L’envolée des prix de l’énergie et d’autres matières premières, entraînée par la pandémie puis par la guerre en Ukraine, est en grande partie à l’origine de la hausse de l’indice global des prix à la consommation (Graphique 1.8, partie B). Cependant, les tensions inflationnistes se généralisent, comme le montre la forte augmentation des prix à la consommation hors denrées alimentaires et énergie (Graphique 1.8, Panel B).
L’inflation affecte particulièrement les catégories vulnérables. Les ménages du premier décile consacrent près de 70 % de leur budget à l’alimentation et au logement, soit deux fois plus que le ménage typique du décile supérieur (World Bank, 2021[8]). Du fait des augmentations récentes du salaire minimum, les salaires réels ont recommencé à croître, mais à court terme seulement : la hausse rapide de l’inflation mensuelle ne tardera pas à absorber cette progression des salaires réels.
La croissance économique devrait ralentir au cours des deux prochaines années (Tableau 1.1). La politique monétaire restera accommodante, le principal taux directeur étant largement négatif en termes réels. Néanmoins, la faiblesse de la demande extérieure et la persistance des incertitudes géopolitiques pèseront sur l’investissement et limiteront la croissance des exportations. Les indicateurs avancés (tels que la production d’électricité) signalent d’ailleurs déjà un ralentissement progressif de la dynamique économique. La persistance d’une inflation très élevée amputera le pouvoir d’achat des ménages tandis que les incertitudes accrues affecteront l’investissement. L’inflation devrait s’atténuer quelque peu en raison des effets de base mais rester supérieure à 40 % durant la période considérée, la récente dépréciation de la livre turque se répercutant peu à peu, tout comme la hausse des prix à la production et des salaires, sur les prix à la consommation.
Tableau 1.1. Indicateurs et prévisions macroéconomiques
Variation annuelle en pourcentage, volume (prix de 2009)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Prévisions |
||
---|---|---|---|---|---|---|---|
|
Prix courants (milliards TRY) |
2022 |
2023 |
2024 |
|||
Produit intérieur brut (PIB)¹ |
3 758.8 |
0.8 |
1.9 |
11.4 |
5.3 |
3.0 |
3.4 |
Consommation privée |
2 111.9 |
1.6 |
3.0 |
15.7 |
15.2 |
4.1 |
3.4 |
Consommation publique |
552.0 |
4.0 |
2.2 |
2.7 |
0.2 |
3.0 |
2.3 |
Formation brute de capital fixe |
1 115.0 |
-12.4 |
7.3 |
7.4 |
2.8 |
2.8 |
3.8 |
Constitution de stocks² |
-10.7 |
0.1 |
4.5 |
-7.0 |
-6.4 |
-0.3 |
0.0 |
Demande intérieure totale |
3 768.1 |
-2.1 |
8.7 |
4.1 |
2.2 |
3.1 |
3.3 |
Exportations de biens et services |
1 171.0 |
4.6 |
-14.6 |
24.9 |
12.2 |
4.4 |
4.2 |
Importations de biens et de services |
1 180.3 |
-5.4 |
7.1 |
2.4 |
4.2 |
4.8 |
3.6 |
Solde extérieur² |
-9.3 |
3.1 |
-6.9 |
6.4 |
2.8 |
-0.3 |
0.1 |
Autres indicateurs (taux de croissance, sauf spécification contraire) |
|
|
|||||
Déflateur du PIB |
|
13.8 |
14.9 |
29.0 |
91.7 |
51.1 |
46.1 |
Indice des prix à la consommation (IPC) |
|
15.2 |
12.3 |
19.6 |
72.3 |
44.6 |
42.1 |
IPC sous-jacent3 |
|
13.4 |
11.2 |
18.3 |
58.6 |
45.6 |
42.1 |
Taux de chômage (en % de la population active) |
|
13.7 |
13.1 |
12.0 |
10.7 |
10.3 |
10.0 |
Solde de la balance courante (% du PIB) |
|
0.7 |
-5.0 |
-1.7 |
-5.6 |
-3.8 |
-2.5 |
Solde budgétaire des administrations publiques (% du PIB)4 |
-4.8 |
-5.1 |
-3.9 |
||||
Dette brute des administrations publiques (% du PIB)4 |
32.6 |
39.7 |
41.8 |
1. Sur la base de séries corrigées des jours travaillés.
2. Contribution aux variations du PIB. La constitution de stocks comprend la divergence statistique.
3. Indice des prix à la consommation hors énergie, produits alimentaires, alcool, tabac et or.
4. En l’absence de système unifié de comptabilité des administrations publiques à l’échelle nationale, la situation budgétaire de la Türkiye n’est pas évaluée à l’aide de projections de l’OCDE, mais des données figurant dans le Moniteur des finances publiques du FMI.
Source : OCDE (2022), Perspectives économiques de l’OCDE : Statistiques et projections (base de données) ; et base de données à paraître des Perspectives économiques de l’OCDE n° 112.
Les risques se sont amplifiés
Les risques sont inhabituellement élevés, et orientés pour l’essentiel dans le sens d’une révision à la baisse des prévisions. Les répercussions négatives de la guerre sur les prix et l’activité économique pourraient considérablement s’intensifier. Les prix des produits de base pourraient augmenter, créant des tensions inflationnistes supplémentaires compte tenu de la très forte dépendance de la Türkiye envers les importations de gaz et de pétrole. Par ailleurs, la hausse des coûts liée aux pénuries de matières premières critiques, ou de nouvelles perturbations du transport et des échanges commerciaux pourraient peser très sensiblement sur l’économie. Un arrêt total des exportations d’énergie russe en Europe pourrait mettre en difficulté les principaux partenaires commerciaux de la Türkiye, et affecter par conséquent les exportations (Tableau 1.2).
Le déficit de la balance des opérations courantes représente un risque (Tableau 1.2). Il s’est creusé au début de 2022, reflet de l’envolée des prix mondiaux de l’énergie et des matières premières et d’une dépréciation de la livre turque (Graphique 1.9, partie A). Le déficit devrait atteindre 5½ pour cent du PIB en 2022, soit son niveau le plus élevé en près de dix ans, malgré la solidité des recettes touristiques estivales. En outre, le financement du déficit s’est écarté de sources relativement stables au profit de sources plus volatiles depuis le milieu des années 2010 (Graphique 1.9, partie B). Les flux d’investissement direct étranger demeurent bien inférieurs à leur niveau du début des années 2010. Les ventes de réserves de change ont financé une grande partie du déficit courant actuel jusqu’au début de 2021. Depuis lors, des entrées de devises d’origine inconnue, qui sont classées en tant qu’« erreurs nettes et omissions » et recouvrent généralement des opérations sur l’épargne turque en provenance de l’étranger, ont joué un rôle croissant, représentant environ un tiers du déficit courant turc au premier semestre de 2022.
Les besoins de financement extérieurs de la Türkiye sont importants. En octobre 2022, la dette extérieure arrivant à échéance dans l’année s’établissait à 186 milliards USD, soit environ 20 % du PIB. La dette extérieure à court terme a augmenté depuis 2009 (Graphique 1.10). Le refinancement de la dette mesuré par le ratio de refinancement de la dette extérieure reste élevé, ce qui porte à croire que les entreprises ont conservé l’accès au financement extérieur (World Bank, 2022[5] ; CBRT, 2022[9]). Elles pourraient néanmoins faire face à un risque de refinancement si la confiance du marché devait se détériorer. La dette extérieure du secteur public s’est également accrue ces dernières années (Graphique 1.10, partie B). Les réserves brutes couvrent quelque 60 % seulement de la dette extérieure à court terme sur la base de l’échéance résiduelle. Par ailleurs, l’essentiel du stock de dette à court terme est libellé en devises. De nouvelles fluctuations de grande ampleur du taux de change de la livre turque pourraient affecter tant le secteur privé que le secteur public, rendant le service de la dette en livres coûteux et imprévisible.
Encadré 1.2. La tourmente financière en Türkiye en 2018
En 2018, les conditions financières dans les pays avancés ont commencé à se resserrer après une longue période de politique monétaire extrêmement accommodante, entraînant des conséquences négatives sur les flux de capitaux vers les marchés émergents. De plus, le niveau de risque perçu dans ces marchés s’est accru sous l’effet d’une accentuation des incertitudes entourant les politiques commerciales et d’une décélération du commerce mondial. Dans l’été 2018, les investissements de portefeuille dans les marchés émergents ont considérablement ralenti et les rendements des obligations dans ces pays ont augmenté, du fait de la hausse des primes de risque.
Avant la dégradation de l’environnement économique mondial en 2018, la Türkiye enregistrait une augmentation des vulnérabilités extérieures. Le déficit courant s’était creusé et avoisinait 6 % du PIB au début de 2018. La dette des entreprises avait grimpé de 20 points de pourcentage en quatre ans et en 2018, elle s’élevait à 170 % du PIB et était libellée à 65 % en devises. La dette extérieure grossissait de façon régulière depuis 2011 et avait atteint 54 % du PIB en 2018.
Durant l’été 2018, les incertitudes concernant l’environnement économique mondial conjuguées à ces vulnérabilités et aux tensions internationales ont provoqué des ventes massives de livre turque et des sorties de capitaux. En août 2018, le taux de change s'est déprécié de près de 40 % en deux semaines tandis que la prime de risque et les taux d’intérêt à long terme ont monté en flèche. La volatilité des marchés financiers a eu d’importantes conséquences sur le secteur réel. La dépréciation de la livre turque a alourdi les coûts du service de la dette, mettant à mal la liquidité et la solvabilité des entreprises. Le nombre de dépôts de bilan a explosé. L’inflation s’est envolée à près de 25 % en septembre 2018 et la confiance s’est effondrée tant chez les entreprises que chez les ménages. Le PIB s’est contracté respectivement de 6.4 % et de 12.2 % (en rythme annualisé) au troisième et au quatrième trimestre de 2018.
En réponse aux tensions sur les marchés financiers, les réserves obligatoires pour les banques ont été assouplies et leurs engagements en swaps de devises ont été limités de façon à accroître la liquidité en devises. La banque centrale a relevé son taux directeur de référence en septembre de 625 points de base pour le porter à 24 %, ce qui a bénéficié au taux de change et facilité l’ajustement économique nécessaire. En octobre 2018, le gouvernement a annoncé un « Plan global de lutte contre l’inflation », lequel reposait sur un gel des prix administrés et sur des réductions de prix volontaires dans le secteur privé visant certains articles du panier de consommation pendant deux mois et s’est accompagné dans un deuxième temps d’abaissements temporaires de la TVA (OECD, 2018).
Tableau 1.2. Risques extrêmes susceptibles de modifier sensiblement les perspectives
Facteur de vulnérabilité |
Impact possible |
---|---|
Une intensification de la guerre menée par la Russie en Ukraine étendant le conflit à d’autres pays. |
Un effondrement de la demande des principaux partenaires commerciaux entraînerait une baisse des exportations, avec des effets négatifs sur l’emploi. L’incertitude pèserait sur la consommation et l’investissement des entreprises. Les prix de l’énergie pourraient encore augmenter, affectant les catégories vulnérables. |
L’apparition de nouveaux variants du coronavirus pourrait limiter l’efficacité des vaccins et provoquer la réinstauration de confinements. |
La croissance de la production, de l’investissement et des échanges serait affectée. |
L’inflation pourrait devenir hors de contrôle et s’enraciner. |
L’inflation élevée éroderait un peu plus les revenus et les dépenses des ménages, frappant particulièrement fort les ménages fragiles. |
Le cadre de politique monétaire et financière doit être renforcé
Un resserrement de la politique monétaire s’impose
La politique monétaire est accommodante, caractérisée par des conditions de crédit plus favorables aux secteurs industriels et axés sur l’exportation, conformément aux nouveaux cadres d’action publique (Encadré 1.3 et Encadré 1.4). La banque centrale a abaissé son taux de base de 10 points de pourcentage depuis septembre 2021 dans un contexte de dynamisme de l’activité économique ; l’inflation a accéléré et le déficit de la balance courante s’est creusé. La Türkiye est le seul pays de l’OCDE à avoir abaissé ses taux directeurs depuis le début de 2021 (Graphique 1.11, partie A), ce qui a renforcé les pressions sur la livre turque.
Encadré 1.3. De nouveaux cadres d’action publique ont été mis en place
Le Nouveau modèle économique a été lancé en décembre 2021. Il vise à accroître la compétitivité des exportations et l’investissement privé, tout en réduisant le déficit de la balance courante de façon pérenne. Plus précisément, il donne la priorité à l’investissement, à l’emploi, à la production et aux exportations, en vue de parvenir à un solde courant sain grâce à des prêts à faible coût aux secteurs productifs et axés vers l’exportation et à un contrôle des tensions inflationnistes provenant de la demande au moyen de mesures macroprudentielles. Le principal objectif de la banque centrale de République de Türkiye est d’atteindre et de maintien de la stabilité des prix. La stratégie consistant à promouvoir le rôle de la livre turque constitue un nouvel instrument majeur pour réduire les tensions extérieures sur les prix et renforcer l’efficacité de la politique monétaire. Annoncée en décembre 2021 par le Comité de politique monétaire, elle place la livre au cœur des politiques monétaire et financière. Selon la banque centrale, cette approche a été conçue pour répondre aux besoins spécifiques de l’économie turque et remédier à ses fragilités, notamment son degré élevé de dollarisation et la persistance du déficit de la balance courante, qui nuisent à l’efficacité de la politique monétaire.
Dans le cadre de cette stratégie, la banque centrale se fonde sur un dispositif de dépôts en livres turques assorti d’une garantie de taux de change, la diversification des sûretés, et des règles de gestion de la liquidité (voir ci-après) visant à renforcer la demande de livres et à orienter les prêts vers les secteurs productifs et axés sur l’exportation, en levant les obligations de réserves pour les exportateurs, investisseurs et PME. Selon la banque centrale, la faiblesse des taux d’intérêt ciblant les secteurs productifs atténue les tensions sur les coûts, et donc l’inflation, et accroît le potentiel de croissance de l’économie. Cette approche, à laquelle s’ajoute le durcissement des conditions financières pour les prêts à la consommation, doit faire baisser le déficit de la balance courante.
Plusieurs mesures et outils sont utilisés pour appuyer la stratégie de promotion de la livre turque et accroître les réserves internationales :
un dispositif de garantie de change (KKM) permettant de protéger les dépôts contre les variations du taux de change, qui protège les épargnants contre d’éventuelles pertes de change (Encadré 1.6) ;
un nouveau système de réserves obligatoires différencié. La banque centrale prévoit des réserves obligatoires sous forme de titres sur les prêts commerciaux libellés en livre turque, hors prêts finançant les PME, les exportations, les investissements et l’agriculture. Elle applique également un ratio de réserve obligatoire plus élevé aux banques dont la croissance du crédit est considérée comme excessive.
Le programme de « prêts contre engagement d'investissement » annoncé a été lancé et est financé sur les ressources de la banque centrale. Il a pour objectif d’augmenter les exportations et les investissements dans la production de biens de substitution aux importations en offrant des prêts en livre turque à faible taux d’intérêt et à long terme (10 ans) assorti d’un report de remboursement du principal de deux ans.
Les exportateurs doivent convertir en livres turques 40 % de leurs recettes en devises.
La confiance nationale et internationale dans l’indépendance de la banque centrale doit être renforcée. Le financement de dette publique par la banque centrale est marginal et au regard de l’environnement réglementaire, la Banque centrale de la République de Türkiye jouit d’un degré d’indépendance comparable à celui de nombreuses autres banques centrales des pays de l’OCDE (Romeli, 2022[10]). Cela étant, les modifications législatives adoptées depuis 2018 ont fragilisé sa position (ECB, 2020[11]). Depuis 2018, les mandats de la direction ont été raccourcis, les conditions de limogeage du gouverneur ont été assouplies, les dix années d’expérience requises pour les gouverneurs adjoints ont été supprimées et la durée de leur mandat a été réduite. La composition du Conseil de la banque centrale a, de facto, souvent changé, quatre gouverneurs s’étant succédé en quatre ans. Les abaissements de taux d’intérêt dans un contexte d’inflation durablement élevée ont été interprétés par le marché comme le résultat d’une ingérence politique réduisant l’indépendance de la banque centrale.
La livre turque a perdu plus de la moitié de sa valeur face au dollar américain depuis le début de 2021 (Graphique 1.11, partie B). La note de crédit de la Türkiye a été abaissée par les trois principales agences de notation en 2022. Les anticipations d’inflation donnent à penser que les intervenants du marché ne croient plus que l’inflation puisse revenir aux 5 % visés par la banque centrale. En décembre 2022, les anticipations d’inflation à 12 mois s’établissaient à 35 %. Dans un contexte de dépréciation de la livre turque, la population a cherché à protéger son épargne en convertissant ses dépôts en dollars, en euros et dans d’autres monnaies fortes. Fin 2021, la part des dépôts détenus en devises avait grimpé à 68 % (Graphique 1.13). De ce fait, les pressions sur la livre turque se sont accrues, et l’inflation s’est accélérée. L’écart entre le taux directeur et l’inflation s’est considérablement élargi.
Encadré 1.4. La règle de Taylor comme point de référence
La règle de Taylor fournit un point de référence simple pour évaluer la conduite de la politique monétaire sur la base de la relation entre le taux directeur d’une banque centrale, l’inflation et la croissance économique (Orphanides, 2007[12]). Si elle peut servir d’outil de communication aux responsables de l’action publique, d’autres règles permettent d’orienter la politique monétaire. Les critères intégrés dans la règle de Taylor ne sont pas nécessairement les seules considérations pertinentes pour les décisions de politique monétaire. En particulier, les sources d’inflation ne sont pas prises en compte.
En Türkiye, le taux d’intérêt optimal estimé d’après la règle de Taylor était très proche du taux directeur principal de la banque centrale jusqu’au premier trimestre de 2021 ; depuis, les deux taux ont divergé (Graphique 1.12). À l’été 2021, au début du cycle d’assouplissement monétaire, l’inflation dépassait de 15 points de pourcentage l’objectif de la banque centrale, et la plupart des estimations relatives à l’écart de production portaient à croire que l’économie était en surchauffe (CBRT, 2022[4]). En 2022, l’inflation effective s’est éloignée de l’objectif fixé par les autorités dans la plupart des pays de l’OCDE, y compris à l’échelle de la zone euro et aux États-Unis (EC, 2022[13]), (FED, 2022[14]), la Türkiye enregistrant l’écart le plus marqué. Or, une telle évolution est susceptible d’entraîner des écarts entre l’estimation fondée sur la règle de Taylor et la politique monétaire mise en œuvre.
Pour réduire la dollarisation de l’économie, les autorités ont mis en place un dispositif de garantie de change (KKM) visant à encourager les détenteurs de devises à convertir leurs fonds en livres turques. Le gouvernement s’est engagé à compenser les pertes des déposants lorsque la baisse du taux de change dépasse le taux d’intérêt proposé par les banques sur les dépôts couverts par le dispositif KKM. Par exemple, si la livre turque se dépréciait de 50 %, ces déposants percevraient l’équivalent d’un versement d’intérêt de 50 % (14 % étant à la charge des banques et les 36 % restants, à celle du gouvernement). Les autorités ont accru les incitations à participer au dispositif KKM pour les entreprises et les ménages. D’abord, le parlement a approuvé une exonération d’impôt sur les sociétés pour les bénéfices issus de la conversion en livres turques de fonds en devises. Ensuite, les banques devront payer une commission de 3 % ou de 8 % sur leurs réserves obligatoires libellées en devises, selon que leurs dépôts en livres turques représentent respectivement moins de 50 % ou entre 50 % et 60 % de la totalité des dépôts. Le dispositif KKM a été initialement établi pour une durée d’un an, mais il a été prolongé jusqu’à la fin de 2023.
La mise en place du dispositif KKM en décembre 2021 a entraîné une augmentation de la part des dépôts en livres turques et un ralentissement de la dépréciation de la monnaie, mais les coûts budgétaires de cette mesure pourraient être élevés. À la fin du mois de décembre 2022, le dispositif avait attiré 1 400 milliards TRY, un montant représentant environ 10.3 % du PIB et plus de 15 % de l’ensemble des dépôts bancaires. Le dispositif KKM a ainsi permis d’inverser la dollarisation, la part des dépôts en devises diminuant fortement pour retrouver les niveaux observés avant l’assouplissement monétaire (Graphique 1.13). Ce dispositif n’est toutefois pas sans risques. Si la livre turque était relativement stable début 2022, elle a perdu près d’un tiers de sa valeur face au dollar entre les mois de janvier et d’octobre. En novembre 2022, le Trésor avait ainsi versé près de 91.6 milliards TRY (0.6 % du PIB) aux titulaires de dépôts KKM. Les coûts définitifs pour le Trésor dépendront de l’évolution des taux de change et de la durée du dispositif. Si la livre turque devait se déprécier davantage, la garantie prévue par le dispositif pourrait entraîner des coûts budgétaires supérieurs – et saper davantage encore la confiance.
Les autorités ont mis en place d’autres mesures pour renforcer la livre et les réserves de change. Depuis avril 2022, les exportateurs doivent convertir en livres turques 40 % de leurs recettes en devises. Le nouveau plan pour le logement lancé en mai 2022 prévoit d’accorder un taux de prêt hypothécaire avantageux (0.89 % par mois) aux emprunteurs disposés à convertir en livres turques leurs fonds en devises, ou à transférer leurs détentions d’or à la banque centrale.
Malgré ces mesures, les réserves de change ont diminué sur fond d’interventions sur le marché visant à soutenir la monnaie nationale. Fin 2021, la banque centrale est intervenue directement pour la première fois depuis 2014. Les réserves de change brutes (mesure utilisée par la banque centrale dans le cadre de sa communication) se sont quelque peu redressées et atteignaient 128.8 milliards USD en décembre 2022, couvrant environ quatre mois d’importations. En juillet 2022, les réserves nettes (actifs en devises moins les passifs) sont tombées à leur niveau le plus bas en 20 ans, avant de remonter légèrement en janvier, à 24.3 milliards USD (Graphique 1.14, partie A). Les réserves sont faibles également en comparaison internationale (Graphique 1.14, partie B) et les réserves nettes hors swaps à court terme (banques commerciales nationales et banques centrales étrangères comprises) sont négatives. Une communication active de la banque centrale sur différents aspects de la situation de ses réserves de change, réserves nettes et swaps compris, améliorerait la transparence et renforcerait la confiance, comme indiqué dans la précédente Étude économique de l’OCDE (OECD, s.d.[7]).
Il convient d’améliorer la confiance nationale et internationale dans l’indépendance de la banque centrale en allongeant le mandat des membres de son Conseil et en réduisant leur taux de rotation. La banque centrale devrait relever son taux directeur afin de lutter contre l’inflation et de signaler sa détermination à ramener celle-ci vers son taux cible. Des indications prospectives crédibles, assorties d’une communication claire et d’un resserrement monétaire soigneusement calibré, permettraient d’ancrer à nouveau les anticipations d’inflation. La garantie des dépôts en devises devrait être progressivement levée.
Tableau 1.3. Recommandations antérieures et mesures prises concernant la politique monétaire
Recommandations |
Mesures prises |
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Rétablir l’indépendance de la Banque centrale de la République de Türkiye, y compris au moyen de mesures législatives. Maintenir le taux d’intérêt directeur réel en territoire positif tant que l’inflation et les anticipations d’inflation divergent des prévisions et des objectifs officiels. |
La banque centrale a abaissé son taux de base de 10 points de pourcentage depuis septembre 2021. |
Reconstituer les réserves de change à mesure que les conditions le permettront. Communiquer de manière active sur la situation des réserves de change en fonction des besoins d’information des marchés financiers. |
Les réserves de change ont diminué, mais se sont légèrement redressées au deuxième semestre de 2022. |
Définir et rendre public un cadre de politique macroéconomique cohérent englobant les politiques budgétaire, quasi-budgétaire, monétaire et financière. |
Les autorités ont adopté de nouveaux cadres d’action publique, notamment en matière d’approche de la politique monétaire (encadré 1.3). |
Les risques pesant sur la stabilité financière devraient être étroitement surveillés
Si le principal taux directeur de la banque centrale a été abaissé, les conditions financières se sont durcies pour certains types de prêts. Depuis avril 2022, des politiques macroprudentielles et des mesures en matière de garanties ont été mises en œuvre face aux déséquilibres macroéconomiques croissants. L’exigence de réserves obligatoires de 20 % sur certains prêts commerciaux libellés en livres a été remplacée par une exigence de détention de titres assortie d’un ratio de 30 %. Les taux d’emprunt varient fortement selon l’usage du prêt (Graphique 1.15), conformément au nouveau cadre monétaire visant à soutenir les secteurs productifs et à réduire le déficit de la balance courante (Encadré 1.3). Dans le même temps, certains prêts sont exclus des exigences de réserves, comme les prêts destinés à l’investissement, aux exportateurs ou aux PME.
En août 2022, la banque centrale a pris des mesures pour renforcer la transmission de la politique monétaire et réduire l’écart entre son taux de référence et le taux moyen des prêts aux entreprises. Les banques dont les taux d’intérêt sur les nouveaux prêts sont 1.4 fois (ou 1.8 fois) plus élevés que le taux de référence de la banque centrale font l’objet de nouvelles exigences de garanties correspondant à 20 % (ou 90 %, respectivement) de la valeur des nouveaux crédits. Ces mesures ont permis de diminuer les taux des prêts aux entreprises en août 2022 (Graphique 1.15).
La dette des entreprises pourrait devenir une source de fragilité à mesure que l’économie ralentit. La rentabilité des entreprises a fortement augmenté en 2021 et au premier semestre de 2022, grâce au dynamisme de l’activité économique et de la demande. Cependant, les prêts aux entreprises ont crû rapidement et la dette des entreprises atteignait 150 % du PIB en 2021. La part de la dette des entreprises libellée en devises a baissé depuis 2018 (CBRT, 2022[9]) mais s’établissait encore à 60 % environ au deuxième trimestre de 2022, et concernait avant tout les exportateurs. Globalement, la position nette en devises des entreprises est négative, ce qui signifie que ces dernières sont exposées au risque d’une dépréciation de la livre turque. Entre 2017 et 2020, la part des pertes en devises dans l’ensemble des coûts des entreprises s’est accrue sous l’effet de la dépréciation de la livre turque (World Bank, 2022[5]). Toutefois, la dette des entreprises libellée en devises est concentrée au sein d’entreprises qui pourraient être en meilleure posture que les autres pour gérer leur exposition, sachant que pour la plupart d’entre elles, les opérations de couverture sont inhérentes à leur activité et de grande envergure.
Les risques financiers liés aux ménages restent faibles, la dette des ménages représentant moins de 20 % du PIB, un niveau bien inférieur à la moyenne de l’OCDE (62 % du PIB) Les actifs financiers des ménages ont fortement augmenté à la faveur d’une solide croissance des dépôts et du nouveau dispositif de protection des dépôts face aux variations du taux de change (voir ci-dessus). Les prêts aux ménages libellés en devises occupent une place marginale, les résidents turcs qui ne perçoivent pas de revenu en devises n’ayant généralement pas le droit de contracter des prêts en devises.
Le secteur bancaire a enregistré de bonnes performances dernièrement, mais la dégradation des perspectives économiques, couplée à l’augmentation des vulnérabilités macroéconomiques, pourrait créer des difficultés. Le secteur a profité de la hausse des marges nettes d’intérêt. Les banques ont relevé les taux des prêts qu’elles accordent aux entreprises et aux ménages alors que les taux des dépôts restaient bas. L’accélération de l’inflation leur a par ailleurs permis de tirer de meilleurs gains des obligations indexées sur les prix à la consommation, et la solide croissance du crédit a soutenu les frais bancaires. En novembre 2022, le secteur bancaire a affiché un bénéfice net de 389 milliards TRY, soit un bond de 417 % par rapport à l’année précédente.
La situation du secteur bancaire en termes de liquidité est solide. Les indicateurs de liquidité à court et long terme sont supérieurs aux planchers légaux et aux moyennes historiques (CBRT, 2022[9]). La capitalisation du secteur bancaire dépasse les planchers réglementaires. Le ratio de prêts non performants a baissé à 2.4 % en août 2022, même si cette diminution reflète surtout la forte croissance des nouveaux prêts en livres turques (c’est-à-dire, le dénominateur du ratio). Le ratio rapportant le recouvrement de la dette issue des PNP aux nouveaux PNP demeure lui aussi solide (CBRT, 2022[9]).
La qualité des actifs des banques pourrait pâtir de la dégradation des conditions économiques. Le Comité de stabilité financière continue d’assurer le suivi des risques en matière de stabilité financière. À cet égard, une publication des tests de résistance du secteur bancaire pourrait contribuer au renforcement de la confiance à l’échelle nationale et internationale. Les banques publiques détiennent quelque 40 % de l’ensemble des dépôts en Türkiye, et ont contribué de manière décisive aux efforts de soutien de la demande durant la pandémie de COVID-19 en accordant des crédits à des conditions préférentielles aux ménages et aux entreprises. C’est pourquoi leur exposition au risque de crédit a augmenté. Au début de 2023, le Fonds souverain de la Türkiye a injecté 51.5 milliards TRY (3.5 milliards USD soit 0.4 % du PIB) de fonds propres supplémentaires dans six banques publiques. Comme indiqué dans la précédente Étude économique de l’OCDE, la concurrence entre les banques publiques et privées (y compris en ce qui concerne le financement) devrait être examinée de près, à la lumière des bonnes pratiques internationales (OECD, s.d.[7]).
Tableau 1.4. Recommandations antérieures et mesures prises concernant les politiques financières
Recommandations |
Mesures prises |
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Réévaluer et réduire le poids des institutions financières publiques. Préserver un cadre neutre pour les décisions d’allocation de crédit des banques. |
La part des banques publiques a reculé de 47.5 à 46.3 % dans le total des actifs bancaires, et de 45.3 à 43.7 % dans le total des prêts. |
Les autorités devraient communiquer sur la manière dont elles évaluent et abordent les risques de détérioration de la qualité des actifs des banques. Les résultats des tests de résistance des différentes banques prises individuellement et du système bancaire dans son ensemble devraient être communiqués au public. |
Le Programme d’évaluation du secteur financier (PESF), y compris les tests de résistance des banques, s’achèvera fin 2022. |
La politique budgétaire devrait prendre une orientation plus prudente
Le déficit budgétaire de base a diminué mais les montants des passifs éventuels augmentent
La politique budgétaire prudente menée par la Türkiye depuis deux décennies a joué un important rôle d’ancrage des politiques. Le déficit budgétaire s’est creusé en 2020, notamment en raison des mesures liées à la pandémie (Graphique 1.17). Sans atteindre l’ampleur des dispositifs adoptés dans d’autres pays de l’OCDE, le plan de relance mis en œuvre pour atténuer l’impact socioéconomique de la pandémie s’est élevé à presque 4 % du PIB (IMF, 2021[15]).
Les recettes fiscales ont fortement augmenté au cours des dernières années – de près de 40 % en 2021 et de 108 % au premier semestre de 2022. Ces résultats s’expliquent par la vigueur du rebond économique, mais aussi par une inflation plus élevée que prévu, les prélèvements fiscaux à percevoir étant calculés sur la base des revenus nominaux. Les recettes générées par la restructuration fiscale et l’amélioration du recouvrement de l’impôt ont également joué un rôle.
Malgré des recettes fiscales solides, le déficit devrait s’aggraver en 2022 pour atteindre 4.2 % du PIB (Graphique 1.17). Les données issues d’autres pays confirment que la hausse de l’inflation stimule dans un premier temps les recettes fiscales, tandis que les tensions sur les dépenses ont tendance à augmenter dans la durée (IMF, 2021[16]). Le fait est que les dépenses courantes de la Türkiye augmentent beaucoup plus vite que ce n’était prévu dans le budget, en particulier les dépenses consacrées aux salaires et aux transferts. Les salaires du secteur public ont été relevés de 30 % et les prestations familiales et les retraites (y compris la pension minimum) ont toutes été ajustées pour compenser la flambée de l’inflation. Le gouvernement a également mis en place plusieurs mesures en 2022 pour protéger les ménages contre la hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires (Encadré 1.5).
Les autorités devraient remédier aux effets distributifs négatifs de l’augmentation des prix de l’énergie tout en évitant de compromettre la viabilité des finances publiques. Les consommateurs ont peu de solutions pour réduire drastiquement leur demande d’énergie à très court terme. C’est pourquoi le renchérissement de l’énergie a des effets très dommageables sur les ménages et les entreprises. Les mesures d’aide accordées par la Türkiye aux ménages comprennent des mesures non ciblées au titre des prix, telles que des baisses de taxe sur l’énergie (Encadré 1.5). Or, d’après des données provenant d’autres pays, les mesures de ce type ne permettent pas à la demande de s’adapter aux contraintes qui affectent l’offre, et pourraient donc exacerber les pénuries de produits de base et alimenter l’inflation future (Vaitilingam, 2022[17] ; OECD, s.d.[18] ; Neely, 2022[19]). En outre, les baisses de taxe affaiblissent les signaux-prix et avec eux les incitations à moins consommer. Enfin, le coût de ces mesures peut finir par peser lourd dans le budget (OECD, s.d.[18]). Il serait préférable d’utiliser des mesures de soutien aux revenus ciblées, permettant de mener une action plus pérenne en cas de prix durablement élevés.
Encadré 1.5. Mesures adoptées pour protéger les ménages contre les prix élevés de l’énergie
Afin d’atténuer les conséquences de l’envolée des prix de l’énergie sur les ménages, les autorités ont mis en œuvre plusieurs mesures en 2022, dont certaines sont exposées ci-après, pour un montant total de 0.6 % du PIB.
1. Deux redevances d’électricité ont été supprimées : (i) la redevance au titre de la TRT (Radio Télévision turque) et (ii) la redevance du fonds pour l’énergie. La suppression de ces deux composantes fixes a réduit la facture d’électricité des ménages de 2.7 %, pour un coût attendu de 2.5 milliards TRY environ (0.02 % du PIB).
2. Les factures d’électricité de l’ensemble des ménages sont prises en charge par l’État à hauteur de 50 % et leurs factures de gaz naturel à hauteur de 75 %. Les ménages vulnérables reçoivent, en sus, des transferts compris entre 900 TRY et 2 500 TRY deux fois par an. Pour les ménages comptant parmi leurs membres une personne atteinte d’une maladie chronique ou équipée d’un appareil d’assistance vitale, la subvention est majorée de 5 points de pourcentage. Ce mesures devraient coûter environ 10 milliards TRY.
3. La Türkiye a ajusté les tarifs de l’électricité pour les ménages à faible consommation en relevant le plafond mensuel en dessous duquel l’électricité est moins chère (de 150 kWh à 240 kWh). Le tarif de l’électricité est de 1.21 TRY par kilowatt-heure pour les consommations mensuelles inférieures à 240 kilowatts, et de 1.97 par kilowatt-heure pour les consommations supérieures à ce seuil.
Le taux de TVA appliqué à l’électricité consommée dans le secteur résidentiel et pour l’irrigation agricole a été abaissé de 18 % à 8 %, pour un coût attendu de l’ordre de 9 milliards TRY (0.06 % du PIB).
Les éléments de passif éventuel ont gonflé les dépenses publiques, et il est à craindre que les coûts continuent d’augmenter. Les partenariats public-privé (PPP) sont l’une des principales sources de passifs éventuels de la Türkiye. La Türkiye possède l’un des plus vastes marchés de PPP d’Europe, et figure dans les premiers rangs des pays qui ont recours aux PPP pour répondre à leurs besoins en infrastructures telles qu’aéroports, centrales électriques, autoroutes, hôpitaux et ports. La charge que les PPP font peser sur le budget pourrait s’accroître considérablement dans la mesure où les projets de PPP sont assortis de garanties sur les paiements en devises étrangères. Du fait de la forte dépréciation de la livre turque, ces garanties de paiement et les frais d’utilisation ont augmenté. La banque centrale a alerté sur le risque de change auquel les projets de PPP financés en devises par les marchés étrangers exposent la Türkiye (CBRT, 2016[20]). Un autre élément de passif éventuel est lié au mécanisme d’épargne en livre turque KKM (voir ci-avant, Encadré 1.6). Enfin, les mesures adoptées pendant la pandémie constituent aussi des sources de passifs éventuels. Une large proportion de ses aides, équivalente à près de 10 % du PIB, a été mise en œuvre hors budget sous la forme de prêts de banques publiques, de garanties publiques de prêts bancaires et d’injections de capitaux dans des entreprises financières et non financières. Une part importante de ces prêts et garanties a été accordée à des ménages, des entreprises et des travailleurs indépendants en difficulté financière, et pourrait se transformer en créances douteuses et litigieuses si l’économie ralentit.
Encadré 1.6. Éléments de passif éventuel liés aux « dépôts en livre turque protégés contre la dépréciation du taux de change »
Depuis la fin de 2021, le montant des dépôts en livre turque bénéficiant d’une garantie de change (KKM) a augmenté pour atteindre l’équivalent de 10.3 % du PIB en décembre 2022, même s’il s’est à peu près stabilisé au cours des dernières semaines (Graphique 1.18, partie A). Parmi ces dépôts, ceux qui résultent de la conversion d’anciens dépôts en devise étrangère en livre turque (approximativement 5 % du PIB) relèvent de la compétence de la banque centrale, et les nouveaux dépôts KKM ouverts (environ 5 % du PIB) de celle du ministère du Trésor et des Finances. La garantie de change pourrait représenter un coût substantiel en cas de dépréciation de la livre turque. On ne dispose de données sur les coûts effectifs du dispositif KKM que pour les dépôts relevant de la compétence du ministère du Trésor et des Finances. En septembre 2022, ces coûts s’élevaient à 0.6 % du PIB (Graphique 1.18, partie B).
Pour déterminer le coût budgétaire possible du dispositif KKM, il faut construire des hypothèses sur l’évolution de la maturité, du niveau de dépôts et du taux de change. Si la livre se dépréciait de 1 point de pourcentage au-dessus du taux d’intérêt proposé par les banques commerciales, alors le coût budgétaire du dispositif augmenterait de 0.025 % du PIB en 2023, si l'on suppose que la maturité est de trois mois et que les dépôts restent à leur niveau actuel.
L’accroissement des éléments de passif éventuel rend le pays plus vulnérable aux chocs. Un suivi étroit de ses éléments de passif éventuel et l’amélioration de la transparence budgétaire permettraient de contenir ces fragilités. Comme le recommandait la précédente Étude économique de l’OCDE, la Türkiye devrait publier un rapport régulier sur sa politique budgétaire, faisant toute la lumière sur les risques associés aux engagements financiers publics (OECD, s.d.[7]). Il est également nécessaire de renforcer le cadre de supervision et de contrôle des PPP. Actuellement, la structure juridique qui encadre les PPP en Türkiye est fragmentée, la législation différant d’un secteur à l’autre. Il faut la remplacer par des dispositions législatives de portée générale autorisant les partenariats public-privé, qui les réglementerait de façon globale (Eroğlu, 2021[21]). Il y a également matière à améliorer la transparence des PPP. Les rapports annuels donnent des informations sur la valeur totale des contrats ainsi que sur les versements annuels au titre des éléments de passif effectifs et sur les projections d’éléments de passif sur une base triennale à horizon mobile, mais ils n’indiquent pas les caractéristiques spécifiques des contrats, telles que les garanties publiques, pas plus qu’ils analysent les éléments de passif éventuel potentiels.
La dette publique devrait encore augmenter
En marge des éléments de passif éventuel, la hausse des coûts du service de la dette est également source de tensions budgétaires. Le ratio de la dette publique au PIB de la Türkiye est relativement faible. Néanmoins, compte tenu de l’ampleur des primes de risque, les charges d’intérêts sur la dette publique sont élevées en comparaison des normes internationales (Graphique 1.19). La valeur de la prime de risque de la Türkiye dans les échanges intrajournaliers a augmenté durant l’année et même franchi la barre des 800 points de base. La structure de la dette est une autre source de risques. Entre 2017 et 2021, la part de la dette libellée en devise étrangère a grimpé de 39 % à plus de 60 %. De surcroît, 22 % de la dette intérieure est liée à l’IPC, ce qui grève considérablement les finances publiques dans le contexte actuel d’envolée de l’inflation. Le gouvernement s’attend à devoir acquitter 900 milliards TRY de charges d’intérêt (0.7% du PIB) de plus en 2022 qu’en 2021 (CBRT, 2022[4])). L’essentiel de la dette publique (75 %) est détenu par le secteur bancaire. Les rendements des obligations en livre turque ont diminué au cours des derniers mois, suite aux achats obligataires effectués par les banques pour se conformer aux exigences en matière de sûretés et de réserves bancaires (voir plus haut).
En l’absence de réformes, la dette publique devrait continuer de grimper au cours des années à venir (Graphique 1.20). Si certains risques associés aux déséquilibres macroéconomiques actuels, à l’inflation élevée, à l’éventualité d’une dépréciation prolongée de la livre turque et à l’ampleur des éléments de passif éventuel se matérialisent, le déficit budgétaire se creusera et le taux d’intérêt sur la dette publique augmentera (scénario « de risque »). L’atténuation de ces risques et la mise en œuvre de réformes sur le marché du travail et les marchés de produits contribueraient à placer la dette sur une trajectoire viable et allègeraient les tensions budgétaires (scénario « réforme »). Cela nécessiterait de durcir la politique monétaire et de maintenir une politique budgétaire prudente. Plus spécifiquement, le gouvernement devrait respecter l’objectif qu’il s’est fixé de ramener le solde primaire à un excédent de 1 %, comme envisagé dans le programme de réforme économique (EC, 2021[22]).
La base d’imposition doit être élargie
Outre la stabilisation macroéconomique, les autorités devraient s’attaquer aux défis que constituent de longue date l’amélioration de l’efficience des dépenses et l’élargissement des recettes fiscales. Des progrès dans ce sens pourraient également faciliter le financement de plusieurs réformes (Encadré 1.7). La Türkiye est l’un des pays de l’OCDE qui affiche le coefficient de pression fiscale (impôts/PIB) le plus faible, 26 %, ce qui la plaçait au 33e rang des 38 pays de l’OCDE classés à l’aune de cet indicateur en 2020 (OECD, s.d.[7]). Les taux légaux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, des cotisations sociales et de la TVA sont globalement conformes aux moyennes de l’OCDE. Néanmoins, la base d’imposition est étroite et le nombre de contribuables faible, moins de 30 % de la population étant effectivement assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, contre 60 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. De ce point de vue, il est important que les autorités engagent une réforme du marché du travail pour encourager la création d’emplois dans le secteur formel (chapitre 2).
Une réduction des exonérations fiscales pourrait permettre d’élargir la base d’imposition et ainsi d’accroître les recettes. Le manque à gagner fiscal dû aux exonérations et autres allègements représente environ 24 % du total des recettes fiscales (Bakanlığı, Hazine ve Maliye, 2018[23] ; Gercek, 2019[24]). Les recettes de TVA sont particulièrement faibles en comparaison de leur montant potentiel (Graphique 1.21). Des données issues d’autres pays indiquent que les mesures de dépense, telles que les transferts en espèces ou en nature, sont un moyen considérablement plus efficace d’atteindre les objectifs redistributifs que l’application de taux de TVA réduits (IMF, 2020[25]). À titre d’exemple, les billets de théâtre et de cinéma et les restaurants bénéficient de taux de TVA réduits en Türkiye, ce qui exerce un effet particulièrement régressif dans la mesure où ces taux profitent de façon disproportionnée aux hauts revenus. De plus, l’existence de plusieurs taux complique considérablement l’administration de la TVA et fait qu’il est difficile de définir précisément quels biens relèvent du taux réduit.
Par ailleurs, les autorités devraient faire un usage plus parcimonieux de la restructuration fiscale. En règle générale, les opérations de restructuration fiscale de l’impôt non acquitté ont pour objectif d’inciter les agents qui détiennent des avoirs non déclarés à l’étranger à régulariser leur situation au regard de l’administration fiscale. Depuis 2000, 13 opérations de ce type ont été réalisées, et 37 lois fiscales ont été promulguées sous différents noms. En ayant aussi fréquemment recours à ces opérations, les autorités ont créé des contre-incitations à la discipline fiscale. En effet, leur nombre élevé compromet leur efficacité, dans la mesure où les contribuables peuvent être tentés d’attendre la prochaine restructuration fiscale pour s’acquitter de leurs obligations dans ce domaine. Comme le soulignait la précédente Étude économique de l’OCDE, il faudrait mettre fin à l’utilisation répétée des restructurations fiscales (OECD, s.d.[7]).
Encadré 1.7. Chiffrage de l’impact de certaines recommandations
Le Tableau 1.5 présente une estimation de l’impact sur le budget du train de réformes suggéré. La quantification n’a qu’une valeur purement indicative et ne tient pas compte des réponses comportementales.
À court terme, le gouvernement doit réduire le déficit budgétaire structurel pour stabiliser le ratio dette/PIB. Dans une perspective à moyen et long terme, des ressources budgétaires supplémentaires seront nécessaires pour financer le train de réformes recommandé. Les réformes se concentrent sur trois grands volets : (i) éducation ; (ii) politiques du travail ; et (iii) réglementation des entreprises.
En outre, les recettes fiscales ont augmenté de 0.6 % du PIB en 2030 en raison des effets dynamiques des réformes sur la croissance du PIB (voir la simulation présentée dans le graphique 1.3).
Tableau 1.5. Estimation à titre indicatif de l’effet budgétaire de certaines des réformes recommandées
Économies (+) et coûts (-) budgétaires, en % du PIB de l’année courante
|
2030 |
---|---|
Coûts des réformes |
-1.6 |
Renforcement de l’éducation1 |
-1.6 |
Réformes du marché du travail2 |
0 |
Amélioration de la réglementation des entreprises3 |
0 |
Mesures relatives aux recettes |
1.6 |
Réduction des inefficacités fiscales4 |
1.0 |
Fiscalité environnementale5 |
0.6 |
Impact total sur le budget |
0.0 |
Note : 1) Renforcement de l’éducation : hisser la part des dépenses consacrées aux établissements primaires et secondaires pour l’aligner sur le niveau médian des cinq pays les plus performants de l’OCDE (1.6 % du PIB).
2) Réformes du marché du travail : (i) assouplir les réglementations applicables aux contrats de travail à durée indéterminée et élargir les possibilités de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de travail temporaire. (ii) Rationaliser les subventions aux cotisations de sécurité sociale et supprimer les subventions qui produisent des incitations similaires pour réduire les taux des cotisations de sécurité sociale. (iii) Faire en sorte que le salaire minimum légal soit davantage compatible avec les ressources financières des entreprises, par exemple en fixant un salaire minimum plancher au niveau national et en favorisant les négociations collectives au niveau des entreprises. (iv) Faire reposer la protection sociale non plus sur le régime des indemnités de licenciement mais sur un régime d’assurance chômage à plus large assise. Mettre en place des comptes d’indemnités de licenciements « portables ». (v) Réaffecter les fonds consacrés à des subventions salariales à des aides à l’embauche judicieusement conçues, ciblées sur les groupes les plus vulnérables. (vi) Étendre l’offre de services de placement et de conseil en faisant appel à des prestataires de services privés, rémunérés en fonction du rendement. (vii) Améliorer les services de conseil en matière d’emploi en mettant à profit les outils numériques, de manière à apparier directement offres d’emploi et candidats qualifiés.
2) Amélioration de la réglementation des entreprises : amélioration de la réglementation des marchés de produits pour l’aligner sur le niveau de l’OCDE.
4) Réduction des inefficacités fiscales : réduire l’écart d’inefficacité de la TVA au niveau de la moyenne de l'OCDE.
5) Fiscalité environnementale : recettes potentielles générées par les outils de tarification du carbone pour la Türkiye (Marten et van Dender, 2019[30]).
Source : Calculs de l’OCDE.
La Türkiye devrait procéder à des examens de dépenses pour améliorer l’efficacité de la dépense publique. Elle est l’un des seuls pays de l’OCDE à ne pas effectuer de tels examens (OECD, 2021[26]). Dans d’autres pays, les examens de dépenses complètent le processus de budgétisation habituel, marqué par les réaffectations progressives de dépenses. Bien que les dépenses publiques soient faibles au regard des normes internationales, il y a matière à en améliorer l’efficience (EC, 2021[22]). Les examens de dépenses peuvent contribuer à repérer les facteurs d’inefficience importants. Par exemple, en République slovaque, les examens de dépenses achevés en 2020 ont fait apparaître un potentiel d’économies de 1.2 % du PIB dans les domaines de l’emploi public et des salaires, de la défense et des dépenses consacrées aux TI (OECD, 2022[27]). L’administration centrale italienne a mené de multiples examens de dépenses depuis la crise financière mondiale et en a fait une procédure régulière. Ces examens ont aidé le gouvernement a atteindre ses objectifs d’économies (OECD, 2021[28]).
L’expérience d’autres pays laisse penser que les examens de dépenses devraient être incorporés à la préparation du budget de l’État et être effectués suffisamment tôt au cours du cycle budgétaire pour pouvoir alimenter le processus d’établissement du budget. Les examens de dépenses peuvent être ciblés sur un domaine particulier ou avoir une portée générale. La plupart des pays de l’OCDE lient le processus d’examen des dépenses au processus budgétaire annuel ou au cadre de dépenses à moyen terme. Il revient au ministère des Finances d’exercer un rôle de coordination, fondamental, mais les ministères sectoriels devraient être associés à toutes les étapes du processus de dépenses dans la mesure où il leur incombe de mettre les décisions en œuvre (Tryggvadottir, 2022[29]).
S’attaquer aux facteurs structurels qui freinent la croissance de la productivité
S’attaquer aux problèmes structurels sous-jacents permettra de dynamiser l’investissement intérieur et étranger et contribuera ainsi à rendre l’économie plus résiliente. La contribution de la productivité totale des facteurs à la croissance du PIB a faibli au cours de la décennie écoulée, en raison de divers obstacles qui empêchent l’allocation efficiente des ressources (OCDE, 2015d). Qui plus est, la Türkiye reçoit moins d’investissements directs étrangers (IDE) que les pays pairs (Graphique 1.22).
Il y a deux défis majeurs à relever pour accroître l’investissement et la productivité. Le premier consiste à instaurer un environnement de libre concurrence, en établissant des conditions de concurrence équitables fondées sur des règles. Cela nécessitera de supprimer les obstacles internes et externes à la concurrence de manière à réduire les coûts des affaires, étendre la gamme de biens et services auxquels ont accès les particuliers et les entreprises, et allouer les ressources aux secteurs et entreprises les plus prometteurs. Par ailleurs, la Türkiye devrait renforcer l’état de droit, afin que les règles et les réglementations soient appliquées correctement et sans exceptions. Le second défi consiste à encourager l’innovation et le progrès technologique en aidant davantage la recherche-développement (R-D) et en accélérant la transformation numérique. Des données empiriques laissent en outre penser que l’intensification de la concurrence et la réduction des obstacles aux échanges favorisent l’innovation (Bloom, Reenen et Williams, 2019[31]).
Lever les obstacles à la concurrence
Les pouvoirs publics disposent d’une grande marge de manœuvre pour encourager la libre concurrence sur les marchés de produits de la Türkiye (Graphique 1.23, partie A). Les réglementations strictes en vigueur protègent les entreprises en place contre la concurrence et freinent l’entrée de nouveaux acteurs. Les formalités administratives complexes et fastidieuses qui conditionnent l’octroi de permis, d’autorisations ou de concessions freinent la création d’entreprises formelles. Les régimes d’autorisations et de permis sont les plus lourds de la zone OCDE, de même que les obstacles à l’entrée et les charges administratives sur la création d’entreprises (Graphique 1.23).
La Türkiye devrait envisager de créer un guichet unique qui centraliserait toutes les procédures d’octroi de permis et d’autorisations et de faire pleinement respecter le principe de l’assentiment tacite qui prévaut dans de nombreux pays de l’OCDE. Bien que le Système central d’enregistrement des établissements commerciaux facilite l’enregistrement des entreprises, il n’existe pas pour l’instant de procédure de dépôt de demande centralisée pour les différents permis et autorisations requis (OECD, s.d.[32]). Au Portugal, dans le cadre de l’initiative « Licence Zéro », les entreprises ne sont plus tenues de s’adresser à des interlocuteurs multiples pour obtenir les diverses autorisations requises, toute la communication passant désormais par le Bureau de l’entrepreneur, qui fait office de point de contact numérique unique (OECD, s.d.[33]). Le gouvernement slovaque poursuit une approche similaire avec l’initiative « Une fois suffit », qui impose aux autorités d’utiliser les registres existants pour accéder aux divers certificats et permis dont elles ont besoin, si bien que les entreprises n’ont à fournir la documentation nécessaire à l’ensemble de leurs démarches qu’une seule fois (OECD, 2022[27]). Le principe de l’accord tacite devrait être pleinement appliqué. Cela réduirait la charge administrative liée à l’obtention de permis et d’autorisations (OECD, s.d.[32]). S’agissant des permis et autorisations que la Türkiye envisage de conserver, il serait utile de déterminer si certaines obligations d’obtention de permis ou d’autorisation créent des obstacles à l’entrée, les résultats de cette évaluation pouvant contribuer à améliorer la concurrence dans le pays (OECD, 2019[34]).
Les contrôles des prix de détail sont beaucoup plus étendus en Türkiye que dans les autres pays de l’OCDE (OECD, 2022[35]). Les prix de plus d’un quart du panier de consommation servant à calculer l’inflation globale sont imposés par les autorités, par exemple par des mesures de plafonnement (EC, 2021[22]). De nombreuses données issues de différents pays indiquent que les contrôles des prix faussent les décisions d’investissement et retardent les entrées sur le marché (World Bank, 2020[36]). L’expérience des pays montrent également qu’une réforme des contrôles des prix peut être bénéfique à la concurrence et favoriser une croissance plus inclusive (World Bank, 2020[36]). Les autorités devraient peser le pour et le contre des contrôles des prix actuellement en vigueur et remplacer graduellement ceux qui entraînent le plus de distorsions par des transferts sociaux mieux ciblés au profit des ménages vulnérables.
Il est également possible de réduire davantage les obstacles aux IDE entrants, ceux-ci étant positivement corrélés à une hausse de la productivité et à l’exportation de produits à plus haute valeur ajoutée (Blomström et Kokko, 2008[37] ; Görg et Greenaway, 2004[38]). L’indice de restrictivité de l’IDE, établi par l’OCDE, pour la Türkiye est proche de la moyenne de l’OCDE. Néanmoins, les restrictions à la propriété des entreprises par des étrangers sont plus élevées que dans les autres pays (OECD, s.d.[39]). De plus, le traitement des fournisseurs étrangers est l’un des plus stricts de la zone OCDE (Graphique 1.24, partie A). Les investisseurs étrangers bénéficient du même traitement que les ressortissants turcs, mais les entreprises qui utilisent des produits nationaux jouissent d’un traitement préférentiel dans les procédures de passation de marchés publics. Dans près de la moitié de l’ensemble des appels d’offres internationaux organisés en 2020, un avantage de prix a été appliqué aux soumissionnaires nationaux (EC, 2021[22]).
Les obstacles tarifaires aux échanges de marchandises sont relativement faibles, notamment en raison de l’accord sur l’union douanière entre la Türkiye et l’UE, mais il est possible de simplifier les procédures techniques et juridiques applicables aux produits qui entrent dans le pays ou qui en sortent (Graphique 1.24, partie B). Les réformes touchant à la disponibilité des renseignements, aux décisions anticipées, aux droits et redevances et à la coopération externe entre organismes présents aux frontières sont celles qui peuvent engendrer le plus de bénéfices. Les efforts en vue d’améliorer les procédures techniques et juridiques indiquées plus hauts se poursuivent sous la houlette du Comité turc de coordination de la facilitation des échanges turc. Comme l’indiquait la précédente Étude économique de l’OCDE, une extension de la couverture de l’accord sur l’union douanière (aux services), en collaboration avec les partenaires de l’UE, pourrait stimuler la concurrence et amener des gains d’efficience dans le secteur formel en accélérant les changements structurels dans l’agriculture, les services de réseau et les marchés publics (OECD, s.d.[7]).
Tableau 1.6. Recommandations antérieures et mesures prises en matière de réglementation des entreprises
Recommandations |
Mesures prises |
---|---|
Encourager de nouvelles injections de fonds propres et des opérations de recapitalisation dans les entreprises non financières pour en rétablir la capacité d’investissement une fois passé le choc provoqué par le COVID-19. Supprimer tous les éléments faisant encore obstacle à leur montée en puissance. |
Plusieurs modifications ont été apportées aux procédures en novembre 2021 dans le but de faciliter les introductions en bourse, notamment une réduction des coûts et un allègement des procédures. |
Mettre en œuvre les mesures d’arbitrage et de médiation ainsi que l’accord-cadre récemment adoptés pour les restructurations financières. Se tenir prêt à adopter des mesures supplémentaires pour aider les tribunaux à donner suite aux dossiers de faillite si besoin. |
Les mesures visant à faciliter le rétablissement de la capacité de paiement des emprunteurs en proie à des difficultés financières ont été étendues mais ne seront en vigueur que jusqu’en juillet 2023. |
Renforcer l’état de droit
Outre l’assouplissement des réglementations, la Türkiye doit veiller à ce que les règles et les réglementations soient appliquées correctement et sans exceptions. Des données empiriques confirment que l’existence d’un cadre de gouvernance solide et d’institutions garantissant le bon fonctionnement du système juridique est essentielle pour la productivité et la concurrence (Égert et Gal, 2018[40] ; Hall et Jones, 1999[41]). Le niveau de corruption perçue en Türkiye est élevé, et la situation s’est détériorée ces dernières années (Graphique 1.25). En outre, les nouveaux indicateurs d’intégrité publique de l’OCDE montrent que le cadre de lutte contre la corruption est de faible qualité en comparaison de celui des autres pays de l’OCDE (Smidova, Cavaciuti et Johnsøn, 2022[42]).
La Türkiye devrait appliquer concrètement ses obligations internationales en matière de lutte contre la corruption et adhérer à la Convention des Nations Unies contre la corruption et aux conventions du Conseil de l’Europe (EC, 2021[22]). Le pays devrait adopter une stratégie de lutte contre la corruption accompagnée d’un plan d’action crédible et réaliste, et établir un organisme de lutte contre la corruption permanent et indépendant. De même, la Türkiye n’a pas adopté de législation sur la protection des lanceurs d’alerte couvrant les secteurs public et privé, contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, qui se sont dotés de lois spécifiques en la matière (OECD, 2016[43]). Des obligations distinctes s’appliquent aux responsables de la santé et de la sécurité, qui sont tenus de signaler les manquements liés à la sécurité, mais la Türkiye doit maintenant se doter d’un cadre de protection des lanceurs d’alerte, qui pourrait être aligné sur la législation de l’UE (EC, 2022[44]).
Les interactions entre groupes d’intérêts et responsables de l’action publique devraient être plus transparentes. Des avancées ont été accomplies dans ce domaine. L’autorité responsable des marchés publics fournit des statistiques pertinentes sur les processus de passation des marchés. La Türkiye a en outre mis en place un dispositif qui permet de détecter les actes de corruption et les manœuvres frauduleuses et d’y remédier. Néanmoins, les exemptions existantes, notamment celles qui concernent les marchés de moins de 18.6 millions TRY (environ 1 million EUR) limitent le champ d’application des règles de passation des marchés publics, ce qui nuit à la transparence (EC, 2021[22]). Enfin, à l’image d’autres pays de l’OCDE, la Türkiye pourrait se doter d’une réglementation en matière de lobbying obligeant les personnes investies de pouvoirs exécutifs à signaler leurs contacts avec des lobbyistes qui cherchent à faire adopter un loi ou une réglementation particulière.
Renforcer la recherche et l’innovation
Les autorités doivent renforcer l’appui au progrès technologique et à l’innovation pour dynamiser la croissance de la productivité et élever durablement les niveaux de vie. La Türkiye est à la traîne des autres pays de l’OCDE (Graphique 1.27, partie A) en matière d’innovation et des données indiquent que le processus d’amélioration technologique de la production s’essouffle depuis une décennie (Akat et Gürsel, 2020[45]). Le contenu technologique des exportations ne s’est pas sensiblement amélioré depuis dix ans : parmi l’ensemble des pays de l’OCDE, les exportations de la Türkiye sont celles qui ont la plus faible intensité technologique (Graphique 1.27, partie B). Pour encourager l’innovation et le progrès technologique, il est nécessaire d’établir un environnement favorable à la recherche et au développement (R-D), ce qui passe par un environnement macroéconomique stable (voir ci-avant), une main-d’œuvre qualifiée (chapitre 2), des conditions de saine concurrence et des marchés de produits et du travail performants (chapitre 2) (Bloom, Reenen et Williams, 2019[31]). En complément de ces politiques, de nombreux pays de l’OCDE ont mis en place des incitations directes et indirectes à l’augmentation des dépenses de R-D.
Les dépenses de R-D de la Türkiye demeurent faibles en comparaison des normes internationales (Graphique 1.28, partie A). Les aides publiques ont presque doublé au cours des 10 dernières années, principalement par le biais d’une augmentation des incitations fiscales. La Türkiye a recours à des incitations qui réduisent le coût de la R-D : amortissement fiscal accéléré et exemption de droit de timbre, de redevances et de droits de douane sur le matériel utilisé pour la R-D. D’autres documents liés aux projets de R-D, d’innovation et de conception bénéficient d’une exemption de droit de timbre. Il existe également des incitations fiscales sur les revenus : les salaires des chercheurs qui travaillent dans des entreprises situées dans les zones de développement technologique ou sur certains projets de R-D sont exonérés de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Les bénéfices générés par les produits issus des activités de R-D menées dans ces zones de développement technologique ou technoparcs sont exonérés de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (régime fiscal favorable aux brevets ou patent box). Il n’en demeure pas moins que le taux marginal implicite de subvention fiscale à la R-D est nettement inférieur à la valeur médiane de l’OCDE tant pour les PME que pour les grandes entreprises (Graphique 1.28, partie B) et le traitement fiscal préférentiel appliqué aux investissements en R-D en Türkiye est beaucoup moins généreux que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (González Cabral, Appelt et Hanappi, 2021[46]).
Les données internationales invitent à penser que les incitations fiscales qui réduisent le coût de la R-D gagneraient à être renforcées, au détriment des incitations fiscales sur les revenus. De manière générale, les incitations fiscales à la R-D offrent la perspective de retombées positives importantes en termes de croissance à long terme (IMF, 2016[47] ; OECD, s.d.[48]), mais la façon dont elles sont structurées a un rôle. Des données issues d’autres pays montrent que les incitations qui réduisent directement le coût de la R-D, telles que les crédits d’impôt ou l’amortissement accéléré, sont plus efficaces et que les incitations fiscales sur les revenus le sont généralement moins (OECD, s.d.[48] ; IMF, 2020[25]). Ces incitations fiscales sur les revenus sont souvent redondantes car les investissements auraient été réalisés quand bien même elles n’auraient pas existé. À cet égard, les évaluations des régimes de « patent box » utilisés en Türkiye concluent que ces régimes n’ont pas d’impact tangible sur la R-D, ou alors c’est au prix d’un coût budgétaire élevé (Gaessler et Hall, 2018[49] ; IMF, 2020[25]). Avant de modifier le régime fiscal appliqué à la R-D, les autorités devraient procéder à une évaluation appropriée des incitations existantes.
Outre les incitations fiscales, la Türkiye alloue également des aides publiques directes. Plusieurs programmes publics encouragent l’innovation via l’octroi de subventions aux universités, aux entreprises et aux laboratoires de recherche-développement d’État. Au fil des années, l’approche d’appui aux projets de haute technologie est devenue plus stratégique et sélective. Les autorités ont aussi eu recours à plusieurs dispositifs d’aide pour encourager l’innovation dans un domaine particulier. Par exemple, TOGG – constructeur turc de voitures 100 % électriques – bénéficie d’un bouquet d’aides comprenant des règlements gouvernementaux, des financements publics massifs, des outils promotionnels et la construction d’infrastructures. Malgré les progrès accomplis dans ce domaine, il est possible de renforcer la coordination entre les différents organismes publics pour éviter le chevauchement des subventions et des dispositifs d’aide (RIOT, 2020[50]).
L’un des principaux défis pour la Türkiye consiste à intensifier la coopération et la collaboration entre les universités et les industries sur les projets de recherche (RIOT, 2020[50] ; EC, 2021[22]). Dans de nombreux pays de l’OCDE, ces formes de collaboration sont poussées et exercent un puissant effet moteur sur l’innovation, les brevets et la création de start-ups (OCDE, 2019). Une possibilité pour la Türkiye serait d’accroître le nombre de subventions ou de contrats d’objectifs qui encouragent ces types de coopération et la collaboration sur les projets de recherche. Les autorités devraient également soutenir les collaborations stratégiques de long terme entre acteurs de l’industrie, de la société civile, des milieux de la recherche et des administrations publiques. L’un des moyens très efficaces de renforcer la collaboration entre les universités et l’industrie consiste à encourager la mobilité de la main-d’œuvre, qui est un puissant canal de transfert de connaissances entre la recherche scientifique et l’industrie. Certains pays de l’OCDE ont mis en place des dispositifs encourageant la mobilité bidirectionnelle – des entreprises vers les universités et des universités vers les entreprises (OECD, s.d.[51]).
Promouvoir la transformation numérique
Les technologies numériques sont à même de stimuler l’innovation et le secteur des entreprises turques pourrait mieux exploiter ce potentiel. Seule la moitié environ des entreprises turques sont présentes sur le web, contre près de 80 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Seuls 25 % environ de l’ensemble des salariés utilisent des ordinateurs offrant un accès à l’internet (55 % dans la zone OCDE). La transformation numérique des entreprises dans les pays de l’OCDE s’accélère, facilitée par des évolutions technologiques telles que la communication de machine à machine et l’internet des objets, qui peuvent produire des innovations de tout premier ordre telles que la télémédecine ou encore les véhicules autonomes. En Türkiye, la pénétration des technologies clés pour le développement de l’internet des objets est l’une des plus faibles de la zone OCDE (OECD, 2020[52]).
Le renforcement de l’infrastructure numérique permettrait d’accélérer la transformation numérique. Les données empiriques suggèrent que l’accès au très haut débit est un déterminant de plus en plus important de la productivité, et qu’il peut conditionner la survie d’une entreprise (Gal et al., 2019[53]). Le nombre d’abonnements au haut débit fixe pour 100 habitants (22 %) et la vitesse du haut débit fixe (29.4) ressortent faibles dans les comparatifs internationaux (Graphique 1.29). Seuls 28 % environ de l’ensemble des connexions fixes haut débit tirent profit de la fibre optique, contre près de 35 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. En outre, comme dans certains autres pays de l’OCDE, un important fossé persiste entre les zones rurales et les zones urbaines, les vitesses de téléchargement du haut débit fixe ressortant 40 % plus faibles en milieu rural qu’en milieu urbain (OECD, s.d.[54]).
Le développement du secteur des TIC est une priorité pour la Türkiye, et les autorités ont introduit plusieurs initiatives et mesures pour promouvoir les investissements dans ce domaine. Selon la Stratégie nationale et le plan d’action national pour le haut débit du pays, la Türkiye entend développer son infrastructure haut débit, en accroissant ses performances et en la rendant plus facilement accessible pour les groupes socialement défavorisés. L’objectif d’un accès à l’internet à 100 Mbit/s pour tous les ménages d’ici 2023 a par ailleurs été fixé.
Un allègement des importants obstacles à l’entrée que rencontrent les investisseurs privés (Graphique 1.30) contribuerait à la réalisation de ces ambitions. En vertu du cadre réglementaire turc, tous les opérateurs propriétaires d’infrastructures sont tenus de partager leur infrastructure passive disponible avec les autres opérateurs. Cependant, il ressort que les nouveaux entrants se heurtent à un certain nombre de barrières réglementaires (Eroğlu, 2021[21]). Dans la pratique, il s’avère que certains propriétaires publics ont refusé de partager leurs installations, tandis que d’autres ont empêché le partage d’installations construites par un autre acteur sur leur infrastructure (Köksal, 2020[55] ; TELKODER, 2020[56]). Il convient que les autorités poursuivent leurs efforts visant à alléger les obstacles au déploiement du haut débit afin de faciliter l’investissement pour les opérateurs de télécommunications et de le rendre moins coûteux À cet égard, de nombreux pays de l’OCDE s’emploient, pour accélérer le déploiement, à réduire les délais d’approbation des projets et de construction des réseaux. Par exemple, l’Union européenne n’exige pas d’autorisation pour le déploiement de points d’accès sans fil à portée limitée qui répondent à certaines caractéristiques. La Belgique a facilité l’accès à son infrastructure existante par la mise en place de guichets électroniques centraux créés dans chaque région sur lesquels il est possible de solliciter et d’obtenir rapidement ces autorisations (OECD, s.d.[54]).
L’accès à l’information et aux actifs publics joue également un rôle crucial pour le déploiement du haut débit. En Türkiye, le Système relatif à l’infrastructure des communications électroniques permet aux opérateurs d’émettre et de suivre leurs demandes relatives au partage d’installations. Pour améliorer encore l’accès à l’information sur l’infrastructure haut débit, il y aurait lieu de s’inspirer de l’expérience de certains autres pays de l’OCDE. Un certain nombre, en particulier, informent les concessionnaires sur les lieux où ils peuvent déployer une infrastructure de télécommunications sur des actifs publics, tels que des bâtiments, afin d’optimiser l’efficacité du déploiement des réseaux de télécommunications, de réduire les coûts de déploiement et d’accroître la couverture dans l’ensemble du pays (OECD, s.d.[54]).
Il y a lieu d’envisager de baisser voire de supprimer les taxes qui s’appliquent sur les services internet haut débit afin de stimuler davantage ces services. En Türkiye, les fournisseurs proposant des services internet câblés, sans fil et mobiles sont soumis à des taxes sectorielles ainsi qu’à des redevances annuelles. D’après les données recueillies dans plusieurs autres pays, les taxes imposées aux fournisseurs de services de télécommunications peuvent restreindre l’accès aux réseaux et l’efficience de la production (IMF, 2017[57] ; OECD, s.d.[48]).
Les autorités doivent continuer à soutenir l’adoption du numérique par les entreprises et l’expansion du commerce électronique. Le commerce électronique permet aux entreprises de s’ouvrir de nouveaux marchés et sert souvent de clé de voute pour le développement de nouveaux modèles économiques. La diffusion des achats en ligne en Türkiye reste faible, mais progresse rapidement. La Türkiye encourage l’utilisation des services administratifs en ligne et du commerce électronique par les entreprises. Par exemple, une loi sur la protection des consommateurs vise à asseoir la confiance dans l’environnement virtuel de consommation au travers de diverses dispositions juridiques. En outre, un accompagnement personnalisé est fourni sur la réglementation applicable aux nouveaux modèles d’entreprise exploitant la technologie numérique. Ainsi, 13 programmes de soutien différents sont proposés aux petites et moyennes entreprises par la KOSGEB, l’organisation de développement de la petite et moyenne industrie en Türkiye, laquelle est affiliée au ministère de l’Industrie et des Technologies. De nombreux services sont par ailleurs fournis aux PME par le biais du Portail de l’administration en ligne (l’e-Government Gateway), aux fins par exemple des procédures de recrutement et des vérifications documentaires. Si tout ceci va dans la bonne direction, un soutien plus complet pourrait néanmoins être apporté aux petites entreprises qui cherchent à s’adapter aux nouveaux modèles économiques. Dans de nombreux pays de l’OCDE, des mesures ciblées sont déployées qui visent à accroître les compétences numériques, la connaissance des technologies et leur adoption dans les petites et moyennes entreprises (OECD, 2020[52]).
Promouvoir la transition vers une énergie verte
La Türkiye est exposée au changement climatique. Près d’un tiers de la superficie du pays est exposé à un risque élevé de dégradation des sols et de désertification (Uzuner et Dengiz, 2020[58]). Une augmentation de la fréquence des journées chaudes et une altération des régimes de précipitations sont d’ores et déjà observées. En outre, les catastrophes et les événements extrêmes liés au climat se sont multipliés au cours des deux dernières décennies (World Bank, 2022[5]).
Les autorités ont pris des engagements ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique, en ratifiant l’Accord de Paris en octobre 2021, avec un objectif fixé de zéro émission nette à l’horizon 2053. Les émissions de gaz à effet de serre en Türkiye sont relativement faibles lorsqu’on les rapporte au nombre d’habitants et ont moins augmenté que l’activité. Les émissions nettes ont néanmoins progressé sur la dernière décennie (Graphique 1.31), la plus grande part de celles-ci (70 %) étant liées à l’énergie. Compte tenu de la croissance démographique et de la convergence économique prévues, l’objectif du zéro net s’annonce difficile à atteindre. Sans modification des politiques actuelles, la demande en électricité devrait augmenter de plus de 50 % d’ici à 2030 (TEIAS, 2021[59]).
La forte croissance de la demande énergétique au cours des deux dernières décennies, tirée par une croissance économique et démographique rapide, a accru la dépendance à l’égard des importations. L’approvisionnement en énergie primaire en Türkiye est dominé par les combustibles fossiles (Graphique 1.32), et 70 % de ceux-ci sont importés. La Türkiye importe 99 % de son gaz, 93 % de son pétrole et environ 50 % de son charbon, ce qui expose son économie aux ruptures d’approvisionnement et à la volatilité des prix sur les marchés énergétiques régionaux et mondiaux. La guerre livrée par la Russie contre l’Ukraine a mis en lumière les risques découlant d’une forte dépendance à l’égard des importations d’énergie. Pour améliorer la résilience de son économie, la Türkiye doit diversifier davantage ses sources d’énergie et renforcer ses sources domestiques d’énergie propre.
Abandonner progressivement la production d’électricité à partir du charbon
Le charbon est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre de la Türkiye et constitue la deuxième plus importante source d’énergie primaire, après le pétrole (Graphique 1.32). Le charbon extrait en Türkiye est principalement du lignite, qui a un pouvoir calorifique relativement faible et qui s’avère plus polluant que les autres types de charbon. La Türkiye détient 2.3 % des réserves mondiales prouvées de lignite, et l’exploitation du charbon fait partie de la stratégie du pays visant à réduire sa dépendance à l’égard des importations de gaz naturel.
La Türkiye apporte un généreux soutien à son secteur du charbon (IEA, 2021[60]). L’électricité produite à partir du charbon est largement soutenue, au travers notamment de subventions à la production, de subventions salariales pour les mineurs et de garanties d’achat de la production à prix fixe. La différence entre le prix d’usage et le prix socialement efficace – qui reflète l’ensemble des coûts sociétaux de l’exploitation du charbon, y compris ses coûts environnementaux – est l’une des plus marquées de la zone OCDE (IMF, 2021[61]).
Abandonner progressivement le charbon en tant que source de production d’électricité est indispensable pour atteindre l’objectif de neutralité carbone du gouvernement. Il lui faudra dans cette logique supprimer progressivement ses subventions au charbon, ce qui pourrait lui permettre de réduire de 5 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) sans perte significative de PIB (World Bank, 2022[62]). La suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles, lorsque la crise énergétique actuelle liée à la guerre se résorbera, jouerait comme une forte incitation à investir dans les énergies propres et l’efficacité énergétique (voir ci-dessous). La Türkiye devrait en outre intensifier ses efforts visant à acquérir des technologies qui réduisent l’impact environnemental et les émissions de GES liés à l’extraction du charbon, tels que les programmes de captage et de stockage du carbone pour la production d’électricité à partir du charbon.
Encadré 1.8. La diversification comme moyen d’améliorer la sécurité énergétique
La politique de sécurité énergétique de la Türkiye repose sur trois grands axes : l’augmentation de la production domestique de gaz, la diversification des sources d’approvisionnement et le renforcement de la capacité de stockage du pays.
1. Augmentation de la production gazière nationale. En 2020 et en 2022, d’importantes réserves de gaz (710 milliards de m3 au total) ont été découvertes en mer Noire. L’exploitation du champ gazier de Sakarya, dont le démarrage est prévu en 2023, permettra de réduire de manière substantielle les importations de gaz. À pleine capacité, ce champ devrait être à même de couvrir 30 % de la demande actuelle en gaz du pays.
2. Diversification des sources d’approvisionnement. La capacité de stockage de gaz naturel de la Türkiye a été accrue pour renforcer la sécurité énergétique et mieux faire face aux fluctuations saisonnières. À la fin de 2022, la capacité totale des installations de stockage souterrain de gaz naturel s’élevait à 5.6 milliards de m3, et elle devrait atteindre 10 milliards de m3 en 2024, ce qui représentera environ 20 % de la demande annuelle totale en gaz du pays (IEA, 2021[60]). En 2021, près de la moitié des importations de gaz provenait de Russie.
3. Renforcement de la capacité de stockage nationale. La Türkiye a également construit plusieurs terminaux GNL et prévoit de porter sa capacité de stockage de gaz naturel actuelle de 5.6 milliards de m3 à 10 milliards de m3 en 2024.
La diversification de ses sources d’approvisionnement en énergie passe aussi par l’accroissement de ses capacités nucléaires. D’après les projets du gouvernement, trois centrales nucléaires devraient voir le jour, toutes dotées de quatre réacteurs d'une puissance de 1 200 MWe. Le chantier de la première centrale a débuté. Celle-ci comptera quatre unités, chacune reposant sur un réacteur russe de type WWER-1200, et devrait être entièrement achevée à la fin de 2026. Les travaux de la première unité ont commencé en 2018 et le gouvernement table sur une livraison en 2023.
Intensifier les efforts de soutien aux ressources énergétiques renouvelables
De nouveaux efforts pour renforcer sa puissance installée renouvelable, associés à une amélioration de l’efficacité énergétique, permettraient à la Türkiye de réduire ses émissions de GES et sa dépendance à l’égard des importations d’énergie. Le pays a déjà accompli des progrès importants en ce sens. La capacité de production d’énergie renouvelable de la Türkiye a triplé au cours des 11 dernières années, et ce grâce au soutien public déployé et notamment à la mise en place de tarifs de rachat préférentiels, d’enchères d’approvisionnement en énergie renouvelable et de subventions pour les installations solaires sur toiture. En 2020, les énergies renouvelables représentaient un cinquième de l’approvisionnement total en énergie, avec une part croissante d’énergie éolienne et solaire (Graphique 1.32), et près de 44 % de la production totale d’électricité – l’objectif fixé par le gouvernement pour 2023.
Le potentiel des énergies renouvelables est important et certaines réformes aideraient à mieux en tirer parti. Il est estimé que la Türkiye n’utilise que 3 % de son potentiel solaire et 15 % de son potentiel éolien terrestre (AIE, 2021). L’imprévisibilité de l’environnement d’investissement et les contraintes associées aux procédures d’octroi de permis figurent parmi les principaux obstacles à l’investissement dans les énergies renouvelables en Türkiye (Ozcan, 2021[63]). Pour rendre l’environnement général plus prévisible de manière à stimuler l’investissement privé, il convient : de rationaliser les processus de planification des enchères concurrentielles, notamment en établissant une périodicité régulière des enchères ; d’éviter les revirements postérieurement à la conclusion des enchères ; et de réduire la durée et le coût de l’acquisition des terrains. L’expérience d’autres pays de l’OCDE montre également que la mise en place d’un organisme unique chargé de la délivrance de tous les permis requis ou la création d’un comité territorial chargé de coordonner le réseau électrique au sens large sont des éléments essentiels pour promouvoir l’investissement dans les énergies renouvelables. (OECD, s.d.[64])
Des niveaux plus élevés de pénétration des énergies renouvelables nécessiteront un système électrique plus flexible. Une grande partie de l’énergie renouvelable provient de l’hydroélectricité, qui est très volatile, ce qui rend la Türkiye vulnérable aux risques. La part de l’hydroélectrique dans la production totale d’électricité varie entre 20 et 30 %. Par exemple, en 2014 et 2021, des sécheresses ont provoqué des chutes soudaines de la production hydroélectrique et ont conduit le pays à augmenter ses importations de combustibles fossiles. Pour partie au moins, la solution consisterait à investir dans la technologie des batteries à l’échelle du réseau, en combinant ceci avec des signaux de prix du côté de la demande, et à inciter à l’utilisation de l’électricité renouvelable lorsqu’elle est bon marché. Le Danemark, qui possède l’un des systèmes électriques les plus fiables d’Europe, gère son électricité renouvelable tributaire des conditions météorologiques en s’appuyant sur une gestion efficace du réseau, des centrales de pointe au gaz et la biomasse de base, ainsi qu’en alignant les différentes sources d’énergie renouvelable (OECD, s.d.[64]). En mobilisant des solutions de flexibilisation du système électrique avantageuses sur le plan économique (entre autres : emplacement des installations éoliennes et solaires adapté au réseau, stockage de l’énergie, moyens thermiques flexibles et gestion la demande), la Türkiye pourrait porter la part des énergies renouvelables dans son mix à 50 % d’ici 2030 (Saygin, 2021[65]). Il est également important de consacrer davantage de ressources publiques à l’acquisition et au déploiement de réponses technologiques au changement climatique, en s’intéressant notamment aux technologies nouvelles et émergentes dans les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie ou encore le stockage du carbone. La Türkiye dépense moins que de nombreux autres pays de l’OCDE dans ce domaine(Graphique 1.33).
Intensifier les efforts en faveur de l’amélioration de l’efficacité énergétique
La Türkiye a pris un certain nombre de mesures pour améliorer son efficacité énergétique et engagé un investissement de près de 11 milliards USD (1.5 % du PIB annuel) sur la période 2019-23 pour réduire de 14 % sa consommation d’énergie primaire. Les 55 actions de son Plan d’action national 2017-23 pour l’efficacité énergétique couvrent tous les principaux secteurs de l’économie, à savoir les bâtiments et les services, l’énergie, les transports, l’industrie et l’agriculture, ainsi que des domaines transversaux. Pourtant, davantage pourrait être fait pour améliorer l’efficacité énergétique. Dans le secteur du logement, il convient que des normes de construction plus strictes soient introduites pour les nouveaux bâtiments, en veillant à leur bonne application, et qu’une action soit engagée aux fins de la rénovation et de la mise en conformité des anciens bâtiments résidentiels et publics. Les investissements induits seraient rentables. Si 300 000 bâtiments étaient rénovés chaque année, les économies d’énergie annuelles pourraient excéder les besoins d’investissement dès 2037 (World Bank, 2022[62]). Dans l’éclairage public, le passage à des solutions LED efficaces sur un parc de l’ordre de 8 millions de lampadaires génèrerait des économies de plus de 70 % (IEA, 2021[60]).
Pour accroître l’efficacité énergétique et réduire les émissions de GES, il convient d’envisager d’augmenter les prix du carbone. La Türkiye ne s’est pas dotée d'un système explicite de tarification du carbone, mais applique des taxes implicites sur le carbone (comme les droits d’accise sur les combustibles). Cependant, une grande partie des émissions de GES provenant de la consommation d’énergie ne sont pas taxées. À l’heure actuelle, le prix implicite du carbone est plus bas que dans la plupart des autres pays de l’OCDE (Graphique 1.34). L’introduction d’un système d’échange de quotas d’émission aligné sur celui de l’UE contribuerait à réduire les émissions de GES et préparerait la Türkiye à la mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE, dont la phase transitoire débutera en 2023 pour cinq secteurs (acier, ciment, engrais, électricité et aluminium).
Tableau 1.7. Recommandations antérieures et mesures prises dans le domaine de la transition verte
Recommandations |
Mesures prises |
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Mettre en œuvre une politique de tarification du carbone applicable progressivement après le choc du COVID-19 et couvrant tous les secteurs. |
Le projet de loi sur le changement climatique a été élaboré ; cette loi établira le cadre juridique et institutionnel voulu pour la mise en place du système d’échange de quotas d’émission du pays, en tant qu’instrument de tarification du carbone. |
Préparer et publier quotidiennement des indicateurs locaux de la qualité de l’air selon les normes internationales pour l’ensemble du territoire. Élaborer une stratégie globale pour améliorer la qualité de l’air. |
Le nombre de stations de surveillance de la qualité de l’air a été porté de 36 en 2005 à 370 en 2022. Les données sont transférées au Centre d’exploitation des données du Laboratoire de l’environnement de référence et publiées simultanément sur le site web. |
Mettre en œuvre les recommandations de l’Examen environnemental consacré par l’OCDE à la Türkiye en 2019. En particulier, adopter un nouveau plan d’action national sur le changement climatique, ainsi qu’il est prévu par les autorités. |
La Stratégie à long terme sur le changement climatique et le Plan d’action national sur le changement climatique (2023-30) du pays sont en cours d’actualisation, ils s’accompagnent d’objectifs fixés à moyen et long terme pour 2030 et 2053 et visent à donner une feuille de route à l’action de la Türkiye contre le changement climatique. |
Concevoir une stratégie pour augmenter la part des ressources renouvelables dans la production d’énergie primaire, en tirant parti notamment du potentiel solaire. |
La part des énergies renouvelables dans la production d’électricité ne cesse de progresser ; la part de l’énergie solaire, en particulier, a été portée de 1 % en 2017 à 4.2 % en 2021. |
Envisager d’accorder des abattements fiscaux pour les investissements dans les économies d’énergie dans le secteur de la construction. Continuer à préparer les entreprises à l’introduction par les partenaires commerciaux de la Türkiye d’une taxation du carbone aux frontières. |
Le Plan d’action de la Türkiye pour le Pacte vert a été publié en juillet 2021. Il définit 32 objectifs et 81 actions répartis en 9 grandes thématiques pour la transformation verte des industries turques et l’alignement du pays sur les mesures du Pacte vert pour l’Europe de l’UE, notamment dans les domaines liés au commerce et à l’industrie. |
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMANDATIONS (Principales recommandations en gras) |
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Mettre en place un cadre de politique macroéconomique fondé sur des règles |
|
Comme dans d'autres pays, les contraintes du côté de l’offre et les prix de l’énergie ont exercé des tensions sur les prix. La dépréciation de la livre et le faible niveau des taux d’intérêt ont également contribué à faire grimper l’inflation mesurée par la hausse des prix à la consommation. En 2022, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 72.3 % et les anticipations d'inflation ont été largement supérieures à l’objectif de 5 % fixé par les autorités. Les changements fréquents de composition du Conseil de la banque centrale ont sapé la confiance des milieux nationaux et internationaux dans l’indépendance de cette institution. |
Durcir la politique monétaire, notamment en relevant le principal taux directeur. Renforcer la confiance dans l’indépendance de la banque centrale, notamment en réduisant le taux de rotation des membres du Conseil de la Banque centrale de la République de Türkiye (TCMB, Türkiye Cumhuriyet Merkez Bankasi). |
Si le secteur bancaire semble sain et bien capitalisé, la qualité des actifs risque de se détériorer avec le ralentissement de l’économie et l'augmentation des vulnérabilités macroéconomiques. |
Publier les tests de résistance des banques afin de fournir des informations sur les risques. |
Bien que la dette publique soit modeste en termes de comparaison internationale, elle s’inscrit sur une trajectoire ascendante. Les tensions budgétaires pourraient s’accentuer à l’avenir. L’inflation exerce un effet particulièrement négatif sur les catégories à faible revenu, car l’alimentation et l’énergie représentent souvent une fraction plus importante de leur budget. |
Le cas échéant, apporter un soutien budgétaire ciblé et temporaire aux groupes vulnérables. Faire en sorte que le solde budgétaire primaire redevienne excédentaire à hauteur de 1 % du PIB. Adopter une stratégie budgétaire à moyen terme pour se préparer aux défis à long terme en matière de finances publiques. |
La base d'imposition de la Türkiye est étroite, et il est possible d'améliorer l’efficience de la dépense publique. |
Réduire les exonérations de TVA pour améliorer le recouvrement et l’administration de l’impôt. Réduire le recours à des opérations de restructuration fiscale afin d’améliorer la discipline fiscale. Procéder régulièrement à des examens des dépenses. |
L’augmentation des passifs éventuels rend l’économie plus vulnérable à des chocs économiques. Les garanties relatives aux paiements en devises accordées aux partenariats public-privé (PPP) et le mécanisme de garantie des dépôts d'épargne en livres exposent les finances publiques à un risque de change. Ces dépôts (qui représentent environ 10 % du PIB) pourraient avoir un coût budgétaire important. En novembre 2022, ces coûts atteignaient 0.6 % du PIB annuel. |
Continuer de renforcer le cadre de supervision et de contrôle des PPP via l’adoption de dispositions législatives de portée générale sur ces structures. Supprimer progressivement les dépôts protégés contre les variations du taux de change. Publier chaque année des rapports sur la politique budgétaire comprenant des projections et des scénarios de risques à court et à plus long terme concernant les passifs, y compris les passifs éventuels. |
Rendre le cadre réglementaire efficace et plus prévisible |
|
La réglementation des marchés de produits est restrictive. Le système de délivrance d'autorisations et de permis est le plus strict de l’OCDE, de même que les obstacles à l’entrée et les formalités administratives pour les start-ups. |
Mettre en place un guichet unique délivrant l’ensemble des licences et autorisations. Appliquer le principe de l’approbation tacite afin de réduire les formalités administratives nécessaires pour obtenir des permis et des autorisations. |
Le niveau de corruption perçue en Türkiye est élevé, et la situation s’est dégradée ces dernières années. La Türkiye n’a pas encore de loi spécifiquement destinée à protéger les lanceurs d’alerte, ni d’organisme de lutte contre la corruption. |
Adopter une stratégie de lutte contre la corruption s’appuyant sur des plans d'action crédibles. Mettre en place un organe anticorruption permanent et indépendant. |
Soutenir l’innovation, la recherche et l’économie numérique |
|
La coopération et la collaboration pour la R‑D entre les universités et l’industrie doivent être encore améliorées. |
Attribuer des subventions pour promouvoir des mécanismes de coopération à long terme entre des parties prenantes issues de l’industrie, de la société civile, du monde de la recherche et de l’administration publique. Promouvoir les dispositifs destinés à favoriser la mobilité de la main-d'œuvre entre les entreprises et les universités. |
Le nombre d’abonnements au haut débit fixe pour 100 habitants et la vitesse du haut débit fixe sont faibles en comparaison internationale. |
Les autorités devraient poursuivre leurs efforts visant à alléger les obstacles au déploiement du haut débit afin de faciliter l’investissement par des opérateurs de télécommunications privés et de le rendre moins coûteux |
Promouvoir une transition énergétique verte |
|
Le charbon représente environ un tiers du total des émissions de gaz à effet de serre de la Türkiye. Les émissions de gaz à effet de serre par habitant sont modestes en comparaison internationale, mais augmentent rapidement depuis quelques années. Le prix implicite du carbone est moins élevé que dans d'autres pays de l’OCDE, et une large fraction des émissions de carbone ne sont pas taxées, en particulier dans le secteur de l’électricité. |
Renforcer la cohérence de la tarification des émissions de GES entre les différents secteurs, notamment en supprimant progressivement diverses subventions au charbon et en rehaussant le prix du carbone. Remplacer les subventions au charbon pour les ménages modestes par des programmes d'aides accordées sous condition de ressources, sans lier l’aide à la consommation de combustibles fossiles. |
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