Ce rapport évalue les progrès accomplis depuis l’examen par les pairs de 2016 consacré aux États-Unis. Il souligne les résultats positifs récents et les difficultés rencontrées, et formule des recommandations pour l’avenir. Il a été élaboré avec le concours des examinateurs de la France et de la Norvège, et avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE.
L’Administration actuelle des États-Unis a réaffirmé son engagement en faveur du développement mondial et de la coopération internationale, en faisant du développement l’un des instruments fondamentaux de sa politique étrangère.
La mise en place d’une politique de développement à l’échelle de l’administration dans son ensemble et la modernisation des dispositifs institutionnels permettraient d’inscrire l’action des États-Unis dans une vision commune. Avec une aide publique au développement (APD) brute s’élevant à 42.3 milliards USD en 2021, soit 0.18 % de leur revenu national brut (RNB), les États-Unis sont restés le premier donneur d’APD en volume parmi les membres du CAD. L’adoption d’une approche intégrée à l’échelle du vaste, complexe et impressionnant portefeuille d’aide des États-Unis pourrait contribuer à un renforcement de la cohérence et à une meilleure coordination avec les partenaires, comme l’illustrent les solutions apportées par le pays face aux enjeux sanitaires mondiaux. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui définit des priorités claires pour le développement mondial, offre un cadre pour une telle approche. La prochaine Stratégie de sécurité nationale (National Security Strategy), qui succèdera aux orientations provisoires (Interim National Security Strategic Guidance), et l’élaboration d’une politique globale intégrée de coopération pour le développement sont l’occasion de formuler une vision consensuelle, cohérente et stratégique de la coopération pour le développement mise en œuvre par les États-Unis.
Si les États-Unis sont idéalement placés pour promouvoir les biens publics mondiaux et relever les défis planétaires sur leur territoire et à l’étranger, des efforts supplémentaires pourraient être déployés pour identifier les retombées négatives de leurs politiques et y remédier. Dans leurs initiatives pour lutter contre la crise climatique et la corruption, les États-Unis reconnaissent que le développement durable n’est pas un jeu à somme nulle. Garantir la cohérence des politiques nécessite une vision stratégique, un leadership politique ainsi que des mécanismes et des outils efficaces. Si les États-Unis disposent d’un mécanisme établi de longue date permettant d’analyser les conséquences et l’impact de leur réglementation sur leur population, ils n’évaluent pas systématiquement les retombées négatives potentielles de leurs politiques sur leurs objectifs de coopération pour le développement ou sur les pays en développement.
La programmation, la supervision et la mise en œuvre de l’aide extérieure des États-Unis intéressent et représentent un enjeu pour de nombreux acteurs, au sein de l’Administration américaine et au-delà. La coopération pour le développement nécessite par conséquent un système et des incitations permettant de décloisonner les différents domaines d’action, faciliter la collaboration, simplifier les processus d’ouverture de crédits budgétaires, intégrer la dimension de l’adaptation, privilégier les initiatives pilotées au niveau local et mettre en place des dispositifs souples et réactifs. Compte tenu du climat politique actuel aux États-Unis et des multiples crises mondiales, une réforme institutionnelle pourrait s’avérer contreproductive, tandis qu’une révision progressive des processus pourrait avoir des retombées importantes.
Le leadership renouvelé des États-Unis pour relever les défis planétaires et leur engagement à renouer avec l’action multilatérale sont des signes encourageants. Les États-Unis sont un donneur multilatéral généreux et continuent de jouer un rôle de chef de file dans les domaines de la santé et de l’aide humanitaire. L’Administration américaine met en œuvre une approche axée sur la délégation dans le cadre de ses partenariats multilatéraux – un choix pragmatique étant donné le nombre d’acteurs publics impliqués, qui peut cependant rendre difficile la tâche visant à garantir la complémentarité entre les portefeuilles multilatéraux et bilatéraux.
La création de la Société américaine de financement du développement international (DFC) ouvre des perspectives qui nécessitent des ressources et une flexibilité adaptées. La DFC accroît le volume des financements disponibles en dehors des dons en proposant une vaste gamme d’instruments. Il lui est toutefois difficile de concilier les attentes concurrentes concernant sa performance financière, l’impact en termes de développement et les priorités de la politique étrangère. Son succès dépendra de la rapidité avec laquelle elle parviendra à répondre à ces attentes et à mettre en place un portefeuille équilibré de transactions, notamment avec de nouveaux instruments, en particulier en resserrant sa collaboration avec les autres organismes publics américains et les autres partenaires.
La majeure partie de l’aide extérieure est préaffectée et orientée par le Congrès, ce qui limite la flexibilité des dépenses. Concilier les priorités de l’exécutif et du législateur avec celles des pays partenaires est rendu difficile par le nombre d’instructions accompagnant les crédits alloués, l’adoption tardive des crédits et les exigences préalables complexes – autant d’éléments qui peuvent influer négativement sur la programmation du Département d’État et de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). USAID et le Département d’État devraient montrer en quoi un nombre moins important de directives leur permettrait de répondre plus efficacement aux besoins des pays partenaires.
USAID s’efforce d’adapter les ressources humaines à ses besoins et d’améliorer son utilisation des données factuelles. L’Agence poursuit la mise en œuvre d’une nouvelle initiative en matière de ressources humaines visant à rééquilibrer les proportions d’agents du service extérieur, d’agents de la fonction publique et de titulaires de contrats au sein de ses effectifs et à augmenter le nombre de membres du personnel recrutés localement. Alors que l’ancrage local de la coopération pour le développement devient une priorité majeure, l’un des principaux défis sera de créer des postes pour le personnel recruté localement et le personnel contractuel supplémentaire embauché directement. USAID a mis en place des dispositifs d’évaluation robustes ainsi que de solides mécanismes de collaboration, d’apprentissage et de reddition de comptes, intégrant des phases de pause et de réflexion. Un recours accru à l’évaluation stratégique permettrait de déterminer dans quelle mesure les programmes atteignent leurs objectifs.
USAID est bien placée pour promouvoir l’adaptation au contexte local et les approches pilotées localement afin de renforcer l’appropriation locale et de promouvoir un développement durable et inclusif. En s’appuyant sur l’expérience acquise, parvenir à une définition commune de l’ancrage local servirait de base solide pour susciter l’adhésion de l’ensemble des organismes publics et d’autres parties prenantes. Pour cela, il serait utile de classer, mesurer et évaluer les différents types de partenariats et d’approches relevant clairement d’une démarche d’adaptation.
Les modalités de l’ancrage local doivent être fonction des pays et procéder d’un changement systémique. Il ne s’agit pas d’une fin en soi, et l’approche mise en œuvre doit être multidimensionnelle. Si USAID a accompli certains progrès s’agissant du soutien aux processus de développement pilotés par les pays, les États-Unis se heurtent à des difficultés pour intégrer les approches d’État à État dans l’ensemble de leur portefeuille. USAID est un ardent défenseur de la société civile et il existe des possibilités d’apporter un soutien général à plus long terme aux acteurs locaux, en renforçant leurs capacités et en les encourageant à devenir des agents du changement et des acteurs indépendants à part entière. Des mesures qui permettent aux acteurs locaux de définir des priorités, de concevoir des projets, d’assurer leur mise en œuvre et de mesurer et d’évaluer les résultats auraient pour effet de modifier la nature des partenariats avec les organisations de la société civile (OSC), qui ne seraient plus de simples exécutantes des programmes de USAID. Les pratiques des petits organismes publics américains qui sont déjà des partenaires directs d’OSC pourraient avantageusement être mises à profit. Des changements seront nécessaires au niveau de USAID concernant les exigences légales, réglementaires et en matière d’action publique, l’appétence au risque, les mécanismes d’atténuation des risques et les approches de l’Administration américaine en matière d’acquisitions et d’aide.
L’engagement des États-Unis dans les contextes fragiles est en pleine évolution. La loi sur la fragilité dans le monde (Global Fragility Act) et la Stratégie de prévention des conflits et de promotion de la stabilité (Strategy to Prevent Conflict and Promote Stability) qui l’accompagne ouvrent des perspectives pour mener une action durable et ciblée et renforcer les mécanismes de coordination afin de faire face aux situations de crise et de fragilité à l’échelle de l’ensemble de l’administration. Pendant les dix années au cours desquelles la loi sur la fragilité sera mise en œuvre, à titre pilote, dans cinq contextes fragiles, il sera important de veiller à ce que la prévention des conflits demeure en tête des priorités du programme d’action mondial des États-Unis. Les États-Unis, qui allouent plus du quart de leur APD à l’aide humanitaire et ont créé un Bureau pour l’assistance humanitaire (Bureau for Humanitarian Assistance) au sein de USAID, sont bien outillés pour faire face aux situations d’urgence. Toutefois, la rigidité de certains instruments représente un obstacle dans le cas de crises prolongées, dans lesquelles les besoins d’urgence et les besoins à long terme se chevauchent. En outre, alors que les États-Unis ont entrepris de revoir leurs régimes de sanction pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire dans les pays concernés, il serait utile d’évaluer l’impact de ces régimes de sanction à long terme.