La France ne respecte pas la recommandation du CAD sur les conditions financières et modalités de l’aide depuis plus de dix ans.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : France 2024
Annexe B. Progrès accomplis au regard des instruments juridiques de l’OCDE sous la responsabilité du CAD
Recommandations adoptées par le Comité d’aide au développement
Recommandation sur les conditions financières et modalités de l’aide [OECD/LEGAL/5006]
Tableau A B.1. Conformité de la France à la recommandation de 1978 sur les conditions financières de l'aide, en 2020 et 2021
2020 |
2021 |
2018-2020b |
||
---|---|---|---|---|
Engagements d'APDa en millions USD |
24 465 |
21 547 |
||
Élément de libéralité des engagements d'APDa |
Norme : 86 % |
75.3 |
75.6 |
|
Critère de volume : engagements d'APDa en % du RNB |
Norme : 2020 0.28 % |
0.92 |
||
Norme : 2021 0.27 % |
0.72 |
|||
Élément de libéralité des engagements d'APDa en faveur des PMA (deux normes alternatives) |
Annuel pour l'ensemble des PMA – Norme : 90 % |
80.4 |
77.6 |
|
Moyenne sur 3 ans pour chaque PMA – Norme : 86 % |
n |
Note : a) À l'exclusion des opérations de réaménagement de la dette. Les prises de participation sont considérées comme ayant un élément de libéralité de 100 % mais ne sont pas affichées comme des prêts. b) n = non-conformité. Pour mémoire, lors de ses discussions en 2020, le CAD a convenu de la nécessité de mettre à jour la Recommandation du CAD sur les conditions financières et modalités de l’aide pour refléter les décisions prises en 2014 lors de la réunion à haut niveau du CAD sur la révision de la définition de l'APD et la nouvelle mesure de la concessionnalité. Cependant, les membres du CAD ont exprimé différentes opinions sur la nature des changements à apporter au-delà d’une mise à jour technique.
Source : OCDE (2024[1]), Explorateur des données de l’OCDE, Système de notification des pays créanciers (base de données), https://data-explorer.oecd.org/vis?lc=fr&df[ds]=DcdDisseminateFinal&df[id]=DSD_CRS%40DF_CRS&df[ag]=OECD.DCD.FSD&df[vs]=1.0&av=true&lo=5&lom=LASTNPERIODS&dq=DAC..1000.100._T._T.D.Q._T..&to[TIME_PERIOD]=false.
La France explique ce non-respect de la recommandation par la part des prêts dans le total de l’aide française (environ 20 % de l’APD française mesurée en équivalent-don). Elle prévoit que le taux d’élément-don moyen ou d’élément-don moyen de l’aide aux PMA devraient progressivement remonter, notamment grâce aux diverses mesures entérinées à l’occasion du CICID de juillet 2023. Pour mémoire, avec 49.9 % de prêts dans son APD totale, la Corée respecte la recommandation de 1978.
Recommandation sur le déliement de l’aide publique au développement [OECD/LEGAL/5015]
L’APD française n’est pas entièrement conforme aux standards du CAD. En 2021-22, 92.8 % de son APD allouée aux pays et secteurs couverts par la recommandation était déliée, contre une cible de 100 %. En prenant en compte l’ensemble de son APD bilatérale en dehors de ces pays, 79 % de son aide était déliée. Deux instruments gérés par la Direction générale du Trésor constituent l’essentiel de l’APD liée, à savoir les prêts concessionnels du Trésor et le Fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP), ce dernier intégrant des critères explicites pour maximiser le soutien à l’export en faveur des entreprises françaises. Les prêts liés représentaient 938 millions USD, équivalent à 11.5 % de l’ensemble des prêts accordés en 2022.
La France fait partie des membres du CAD respectant l’exigence de transparence, en notifiant les contrats ex ante et ex post. Elle se distingue également pour avoir fait évaluer l’instrument de prêts liés.
La nouvelle approche française de promotion du secteur privé français soulève des questions quant à l’engagement pris, en vertu de la recommandation, de veiller à ce que l’APD soit déliée, à la fois de jure et de facto. La France se propose ainsi d’étendre les prêts liés aux PMA, ce qui va à l’encontre de la recommandation. De surcroît, la cible fixée à l’AFD en termes d’appels d’offres auxquels doivent répondre des entreprises françaises risque d’orienter l’instruction des projets vers des fournisseurs français.
En 2021, près de 43 % des contrats financés par l’AFD, représentant 51 % du montant total des contrats, étaient alloués à des entreprises françaises (en volume et en nombre) dans des pays couverts par la recommandation, et autour de 50 % dans les autres pays. La France se situe dans la moyenne des pays du CAD.
Recommandation sur l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix [OECD/LEGAL/5019]
La France promeut une approche globale des crises intrinsèquement liée à une meilleure coordination et complémentarité entre les aspects de développement, la réponse aux besoins humanitaires et les objectifs de paix, l’objet de la recommandation. La France a répondu en 2023 au questionnaire élaboré dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la recommandation, qui sert de base au présent examen.
La recommandation a permis à la France d’améliorer son approche en matière d’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix (HDP) à travers l'élaboration de nouvelles politiques et la diffusion des principes de l’approche HDP lors de formations du personnel des ministères et des agences d'aide consacrées à l'aide dans les contextes de crise ou de fragilité.
Coordination : La France a mis en œuvre des efforts particuliers de coordination interne, en confiant à l’ambassadeur une responsabilité plus grande dans l’analyse conjointe et la coordination des actions de l’Équipe France. Les analyses croisées des agents investis dans les domaines de la sécurité, du développement et de l'aide humanitaire permettent désormais d'identifier mais surtout de hiérarchiser les principales causes de fragilité et les principaux facteurs de résilience.
Programmation : Plusieurs spécificités de l'approche française de la fragilité sont conformes avec les principes de la recommandation. Ainsi, la mise en commun des analyses a pour objectif de parvenir à une granularité plus fine afin de préciser, localité par localité, les champs d'action prioritaires et les facteurs de résilience à appuyer. C’est le sens de l’approche territoriale intégrée mise en œuvre par les projets du fonds Minka (Encadré 6.). Le fonds Minka pour la paix et la résilience suit également une approche régionale, suivant les bassins de crise (lac Tchad, Sahel central, bassin syrien) plutôt que les pays, afin de mieux s'adapter aux dynamiques transfrontalières et d'ajuster les réponses en fonction des zones.
L’ancrage local de l'aide et l'appui aux processus endogènes de prévention des crises et des conflits font partie des principes fondamentaux de l'aide française dans les contextes fragiles. La recommandation du CAD a été inscrite dans la stratégie « Prévention, résilience et paix durable », qui oriente le fonds Minka pour la paix et la résilience.
Financement : L’augmentation des enveloppes de réponse aux crises s’est faite par les biais de l’humanitaire et du développement, avec l’augmentation des enveloppes du CDCS et du fonds Minka de l’AFD. Il reste une interrogation quant à la délinéation du périmètre des deux outils, et les instruments de prévention et de stabilisation restent modestes par rapport aux outils de réponse.
Recommandation du CAD sur l’élimination de l’exploitation sexuelle, des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel dans le contexte de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire [OECD/LEGAL/5020]
Le groupe AFD a adopté une charte éthique et établi des directives internes pour prévenir le harcèlement. Des lignes directrices sur les signalements ont été développées à travers un dispositif d’alerte professionnel au sein du groupe. Au sein du MEAE et du MEFSIN, les membres du personnel disposent de plusieurs canaux pour signaler les cas de mauvaise conduite, notamment via la plateforme www.allodiscrim.fr, un soutien psychologique, les responsables, les agents des ressources humaines, les représentants du personnel, les points focaux en matière de harcèlement, le médiateur, le conseiller en matière d'éthique, etc. Au sein du MEAE, une cellule « Tolérance Zéro » a été ouverte en 2020.
L’AFD a également introduit des normes et procédures dans l’ensemble de ses accords de coopération et instruments de financement (Politique de maîtrise des risques environnementaux et sociaux liés aux opérations financées par l’AFD, AFD - Agence française de développement) sans précision sur les enjeux traités par la recommandation. Au sein du MEAE, les accords de subvention pour les petits projets locaux soutenus par les ambassades et par le CDCS énoncent l’obligation de lutter contre l'exploitation, les abus et le harcèlement sexuels et de mettre en œuvre des mécanismes efficaces de prévention, de suivi et de réponse.
La France a également mis en place des systèmes de gestion des réclamations sociales, à la fois pour les projets de l’AFD (Dispositif de gestion de réclamations environnementales et sociales - Rapport d'activité 2022, AFD - Agence française de développement) mais également générique, et pour le CDCS. Dans ce cas, le service de contrôle de la conformité du CDCS est chargé du suivi des allégations en collaboration avec le service juridique.
La France est peu engagée dans l’organisation de formations, la sensibilisation et la communication. Active sur la scène internationale pour promouvoir le droit des femmes, elle l’est moins dans la coordination internationale en faveur de la prévention des exploitations, atteintes et harcèlements sexuels et la réponse à y apporter.
Recommandation sur le renforcement de la société civile en matière de coopération pour le développement et d’aide humanitaire [OECD/LEGAL/5021]
La nouvelle stratégie « Société civile et engagement citoyen 2023-27 » (MEAE, 2023[2]), élaborée par le MEAE et en consultation avec la société civile française et dans les pays partenaires, est alignée sur les principes clés de la recommandation de l’OCDE.
Le renforcement de l’espace civique est l’une des priorités de cette stratégie. Son axe 1 porte notamment sur la promotion d’un environnement favorable pour toutes les composantes de la société civile à travers le monde et en France. Dans le cadre du CNDSI, la France a facilité un groupe de travail « Créer un environnement favorable pour la société civile » en 2021. Le suivi des 20 recommandations de ce groupe de travail est assuré au sein du MEAE mais n’avait pas fait l’objet de bilan au moment de l’examen. En pratique, les efforts en faveur de l’espace civique se sont traduits par la création d’un Fonds d’innovation pour la démocratie en Afrique en 2021. Certains financements mis en œuvre par le MEAE contribuent également directement à la structuration de la société civile dans les pays partenaires (Fonds Équipe France OSC, Programmes concertés pluri-acteurs, etc.). Toutefois, la France mobilise insuffisamment les opportunités de dialogue créées par les financements de l’AFD afin d’engager des discussions de ce type. Par ailleurs, les organisations de la société civile françaises s’inquiètent des évolutions de l’environnement juridique des OSC, en particulier le contrat d’engagement républicain et l’application de mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (voir Recommandation du Conseil à l’intention des acteurs de la coopération pour le développement sur la gestion du risque de corruption). Alors que le MEAE et l’AFD réfléchissent en interne à cette question, mener des échanges de fond avec les ministères pertinents permettrait de renforcer la cohérence des politiques et de contribuer à garantir un environnement favorable à la société civile, notamment en s'attaquant aux conséquences involontaires des normes relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, conformément aux piliers 1.6 et 2.10.b de la recommandation.
L’engagement auprès de la société civile se fait au niveau stratégique dans le cadre du CNDSI à Paris, mais également au sein des conseils locaux de développement et lors de consultations ad hoc. De plus, le président de Coordination SUD, une plateforme d’ONG françaises, est membre du conseil d’administration de l’AFD et la présidente d’un collectif d’OSC est membre du conseil d’administration d’Expertise France. Toutefois, mener des consultations plus vastes au niveau local permettrait d’enrichir la compréhension des attentes et des enjeux locaux, au-delà des autorités gouvernementales, et d’enrichir la réponse apportée par la coopération.
La loi de 2021 reconnaît la valeur ajoutée et l'expertise des OSC sur les questions de pauvreté, de faim et d’inégalités, de respect des droits humains, de protection de la planète et d’égalité entre les femmes et les hommes. En 2022, les financements français transitant par les OSC ont représenté 819 millions EUR, soit 6 % de l’APD bilatérale de la France (contre 355 millions en 2018), ce qui représente une progression constante sur la période de l’examen mais demeure en deçà de la cible que s’est fixée la France (15 %, revue à 11 % dans le cadre des dernières orientations stratégiques). De plus, les procédures administratives et les taux de cofinancement de l’AFD sont dissuasifs pour certaines OSC.
La loi reconnaît également le droit d’initiative des organisations et la France dispose d’un outil de financement dédié au sein de l’AFD, le dispositif « initiative OSC ». En 2022, selon Coordination SUD, 50.3 % des financements transitant par les OSC contribuaient effectivement à leur droit d’initiative.
Les OSC françaises restent les principales bénéficiaires des financements aux OSC mais la part des OSC locales est en augmentation (2.1 % en 2018, 9.9 % en 2022). Ceci s’explique en partie par l’ouverture du dispositif « initiative OSC » aux organisations de droit local depuis 2022, la création d’un Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) en 2019 en appui aux OSC féministes locales et l’augmentation des Fonds Équipe France gérés par le MEAE et plus accessibles aux organisations locales. Alors que l’AFD élabore une nouvelle stratégie OSC, prévue pour 2024, il sera utile qu’elle aborde les questions de rationalisation des procédures administratives et de renforcement des organisations locales.
Recommandations adoptées par le Conseil de l’OCDE
Recommandation du Conseil sur la cohérence des politiques au service du développement durable [OECD/LEGAL/0381]
Dans sa loi de programmation de 2021, la France a renouvelé son engagement en faveur de politiques cohérentes pour le développement (CPD), explicitement dans l’annexe intitulé « Cadre de Partenariat Global » mais aussi implicitement dans la loi même, en créant une obligation de soumettre un rapport au Parlement (L. n° 2021-1031, 2021[3]).
Le gouvernement ne s’est pas fixé de priorités spécifiques en matière de CPD. Dans son examen national volontaire (Gouvernement de la République française, 2023[4]), la France reconnaît les effets sur les pays en développement liés au commerce, confirmés également dans le Sustainable Development Spillover Index (Sachs et al., 2023[5]). L’indice d’engagement pour le développement indique comme domaines d’amélioration possibles les exportations d’armes, les politiques migratoires et les subventions en faveur de l’agriculture et des énergies fossiles (Center for Global Development, 2023[6]), ces dernières ayant représenté 13 milliards EUR en 2021 (Commission européenne, 2023[7]), soit un montant équivalent à l’APD française la même année.
Sous l’initiative « France Nation Verte » (Gouvernement de la République française, s.d.[8]), la France a pris des mesures importantes pour intégrer la transition verte dans les processus politiques, notamment via la planification écologique et le budget vert. Les effets sur les pays en développement (p. ex. leur rôle dans l’économie circulaire) ne figurent pas spécifiquement dans cette approche. Au niveau international, la France mène un plaidoyer actif pour créer ou renforcer les cadres multilatéraux, à l’exemple de sa collaboration avec le Costa Rica pour contribuer au Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal.
Impliquant différents ministères, les instances de coordination de la coopération française pourraient également servir à débattre des impacts transfrontaliers des politiques françaises, mais elles ne sont pas utilisées à cet effet. En revanche, les mécanismes de concertation des acteurs, et en premier lieu le CNDSI et le Conseil économique social et environnemental (CESE), regroupent également des experts en coopération et des représentants des pays en développement. Dans leurs analyses, ces deux instances se penchent sur les liens entre politiques nationales et objectifs de développement. La France investit dans l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale et le MEAE et l’AFD ont fait évaluer leurs efforts en la matière en 2021 (MEAE, 2021[9]).
Les projets de lois et de directives ne requièrent pas de mener une analyse sur les impacts transfrontaliers. L’AFD a publié une analyse sur l’impact du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE sur les pays tiers (Magacho, Godin et Espagne, 2022[10]). Le suivi national des ODD comprend quelques indicateurs importants pour suivre les effets transfrontaliers. Le rapport prévu par la loi de 2021 n’a pas encore été soumis au Parlement. Il pourrait être un outil important pour analyser les évolutions dans des domaines clés et animer le débat politique. Les évaluations de la coopération et les rapports de la Cour des comptes portent régulièrement sur des sujets d’importance pour la CPD (p. ex. commerce, migration) mais les liens ne sont que peu explorés.
Recommandation du Conseil à l’intention des acteurs de la coopération pour le développement sur la gestion du risque de corruption [OECD/LEGAL/0431]
La France s’est dotée d’une stratégie dédiée pour guider sa coopération dans la lutte contre la corruption (Gouvernement de la République française, 2021[11]). Cette stratégie porte aussi bien sur les systèmes de coopération que sur l’appui aux pays partenaires. Elle a été élaborée par l’ensemble des acteurs publics possédant une expertise dans le domaine, et la collaboration et les échanges réguliers entre ces acteurs se poursuivent pour la mise en œuvre de la stratégie. Pour améliorer ses systèmes, la France a renforcé la formation et la sensibilisation des agents, notamment ceux en poste à l’international.
En 2021, le Groupe de travail de l’OCDE sur la corruption avait reconnu les efforts de l’AFD en matière de lutte contre la corruption1, notamment via la création d’une fonction d’investigation liée à un système de signalement interne, l’adoption d’une politique de prévention des pratiques prohibées et l’introduction d’un code de conduite (OCDE, 2021[12]). Le groupe de travail avait également formulé des recommandations d’amélioration. En 2024, il a pu constater des progrès notables (OECD, 2024[13]). L’AFD a renforcé les capacités de la fonction d’investigation pour mieux donner suite aux signalements, adopté une version révisée de ses directives pour la passation de marchés et renforcé le ciblage des formations pour ses agents en fonction de leur exposition au risque de corruption et de leur rôle dans la mise en œuvre du dispositif de prévention et de détection. L’AFD a également partiellement mis en œuvre une recommandation portant sur les critères pour assurer l’exclusion de la passation de marché des entités ayant été impliquées dans des cas de corruption.
Le gouvernement ne publie pas de données sur les incidents de corruption présumés et la suite qui leur est donnée. À l’instar de la Suisse, la France a créé en 2022 un mécanisme visant à restituer les biens mal acquis à des fins de développement, mais il n’y a pas encore d’exemples de son application.
Le soutien aux institutions de lutte contre la corruption reste très limité, avec moins de 300 000 EUR par an en moyenne sur la période 2019-22. Les stratégies-pays de l’AFD ne contiennent pas d’analyse relative à la corruption. La façon dont les acteurs de la coopération mettent en œuvre le volet visant à soutenir les pays partenaires de la stratégie française demeure donc incertaine.
La France pourrait également renforcer les capacités de détection des cas de corruption de ses partenaires d’exécution. Il sera important de poursuivre le dialogue sur ce thème avec les partenaires d’exécution, notamment les organisations de la société civile, en particulier en termes de proportionnalité des vérifications relatives aux risques et des opportunités de renforcement de capacités. Ce dialogue pourrait également bâtir sur les réflexions menées au niveau du Groupe d’action financière (GAFI), dans le cadre duquel la recommandation no 8 portant sur les organisations à but non lucratif a récemment été revue2.
Recommandation du Conseil concernant l’évaluation environnementale des projets et programmes d’aide au développement [OECD/LEGAL/0458]
La France respecte la Recommandation du Conseil et dispose d’un processus complet d’évaluation environnementale pour les activités d’aide au développement, qui évolue constamment pour s’améliorer.
L’AFD s’est dotée d’une liste d’exclusion qui recense les activités qu’elle refuse de financer a priori. Cette liste applique des critères environnementaux ou sociaux, éthiques, réglementaires ou découlant de choix stratégiques. Elle a été révisée en 2022 afin de renforcer les aspects liés à la biodiversité et aux droits humains. Cette liste est en outre complétée par des critères supplémentaires pour certains secteurs à risque.
L’AFD intègre la responsabilité sociale dans son système de gouvernance et ses activités. Sa politique de gestion des risques environnementaux et sociaux permet d’évaluer, de contrôler et d’atténuer les risques et dommages environnementaux et sociaux potentiels, ainsi que les atteintes aux droits humains pouvant résulter de ses activités. Cette démarche s’applique à toutes les étapes du cycle de projet et est complétée par deux mécanismes de traitement des plaintes environnementales et sociales, respectivement pour l’AFD et Proparco.
Enfin, au stade de l’instruction, l’AFD utilise l’outil d’analyse et d’avis de développement durable. Cet outil permet de noter de manière indépendante les programmes sur plusieurs dimensions (environnement, social, économique, gouvernance) afin d’évaluer les impacts attendus ex ante. Si un programme risque de porter préjudice à l’une de ces dimensions, il est soumis à l’examen du conseil d’administration, afin d’éviter les impacts potentiellement négatifs. Cet outil sera renforcé prochainement avec la possibilité d’évaluer également les impacts ex post et le renforcement de la dimension gouvernance, ce qui est bienvenu.
Déclarations du CAD de l’OCDE
Déclaration du CAD sur une nouvelle approche visant à aligner la coopération pour le développement sur les objectifs de l’Accord de Paris sur les changements climatiques [OECD/LEGAL/0466]
La France aligne de plus en plus sa coopération pour le développement sur les objectifs de l’Accord de Paris, et les orientations stratégiques du CICID et du Conseil présidentiel du développement en font des objectifs politiques prioritaires pour les années à venir. Ainsi, elle ne soutient plus les projets allant à l’encontre des deux objectifs majeurs de l’Accord de Paris (réduction des émissions de gaz à effet de serre et adaptation aux impacts climatiques). L’AFD analyse la cohérence de chaque intervention en matière de trajectoire bas carbone et de résilience au changement climatique, recherche des cobénéfices climatiques, et a amélioré et renforcé son outil d’avis de développement durable et sa liste d’exclusion pour éviter de financer ce type de projets. Les seules exceptions sont conformes à la Déclaration : dans les cas où il n’existe aucune autre source d'énergie propre économiquement ou techniquement exploitable, ceux où ces projets font partie d'un plan de transition du pays hôte, ou dans des situations bien circonscrites – crises humanitaires ou situations d'urgence – dans lesquelles l'accès au réseau d'électricité n’est pas possible, la production d'électricité à partir de combustibles fossiles pourra encore justifier un soutien sous forme d’APD.
En outre, l’accroissement de l’APD française est allé de pair avec une forte augmentation des financements climat, dans une logique où l’ensemble de l’aide française se doit d’être alignée sur les objectifs de développement durable. En 2022, la France a ainsi fourni 6.8 milliards EUR de financements climat sous forme d’APD, dépassant ses propres objectifs et sa « juste contribution » au financement climatique global.
Cependant, la France doit encore veiller à rééquilibrer les financements en faveur de l’atténuation et ceux en faveur de l’adaptation, mais également s’assurer qu’une plus grande partie de ces financements ciblent les PMA, notamment d’Afrique, ainsi que d’autres pays partenaires vulnérables (tels les contextes fragiles ou les petits États insulaires en développement). Les travaux visant à promouvoir une transition juste et à mettre en place un outil permettant de prendre en compte la multi-dimensionnalité de la vulnérabilité seront utiles pour une meilleure intégration des domaines sociaux dans les financements climat et contribuer à ce rééquilibrage.
En matière de biodiversité, la France s’est fixée comme objectif de consacrer 1 milliard EUR à la biodiversité d’ici à 2025, notamment en maximisant la convergence et les cobénéfices entre financements climat et financements biodiversité. Ces objectifs étaient déjà atteints en 2022 : la France a apporté 2.3 milliards USD de financements en faveur de la biodiversité, avec 43 % de cobénéfices climat. Cela dit, le portefeuille biodiversité est de plus en plus absorbé par le portefeuille climatique (la quasi-totalité de l’APD en faveur de la biodiversité a maintenant un lien climatique, contre la moitié seulement en 2018), attestant de la « climatisation » de cette aide à la biodiversité, qui devra augmenter et demeurer axée sur les objectifs du Cadre mondial pour la biodiversité.
Références
[6] Center for Global Development (2023), Commitment to Development Index 2023, https://www.cgdev.org/cdi#/.
[7] Commission européenne (2023), Study on energy subsidies and other government interventions in the European Union: Final Report 2023 Edition, European Commission, https://doi.org/10.2833/571674.
[4] Gouvernement de la République française (2023), Revue nationale volontaire de la France : 2017-2022, Commissariat général au développement durable, https://hlpf.un.org/countries/france.
[11] Gouvernement de la République française (2021), Stratégie anticorruption de la France dans son action de coopération 2021-2030, MEAE, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/photos-videos-publications-infographies/publications/enjeux-planetaires-cooperation-internationale/documents-de-strategie-sectorielle/article/la-strategie-anticorruption-de-la-france-dans-son-action-de-cooperation.
[8] Gouvernement de la République française (s.d.), France Nation Verte, https://www.gouvernement.fr/france-nation-verte (consulté le 27 janvier 2024).
[3] L. n° 2021-1031 (2021), LOI n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000042676989/.
[10] Magacho, G., A. Godin et E. Espagne (2022), Impacts Of CBAM on EU Trade Partners: Consequences For Developing Countries, https://www.afd.fr/en/ressources/impacts-cbam-eu-trade-partners-consequences-developing-countries.
[2] MEAE (2023), Société civile et engagement citoyen 2023-2027, MEAE, Paris, https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/document_d_orientation_strategique_societe_civile_et_engagement_citoyen_2023-2027_cle45e5e6.pdf.
[9] MEAE (2021), Évaluation du soutien du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Agence française de développement aux acteurs de l’éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale (ECSI), https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/photos-videos-publications-infographies/publications/enjeux-planetaires-cooperation-internationale/evaluations/evaluations-2023/article/evaluation-du-soutien-du-meae-et-de-l-afd-aux-acteurs-de-l-education-a-la.
[1] OCDE (2024), Explorateur des données de l’OCDE, Système de notification des pays créanciers (base de données), https://data-explorer.oecd.org/vis?lc=fr&df[ds]=DcdDisseminateFinal&df[id]=DSD_CRS%40DF_CRS&df[ag]=OECD.DCD.FSD&df[vs]=1.0&av=true&lo=5&lom=LASTNPERIODS&dq=DAC..1000.100._T._T.D.Q._T..&to[TIME_PERIOD]=false.
[12] OCDE (2021), Mise en œuvre de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption : Rapport de phase 4 - France, OECD Publishing, https://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/france-conventiondelocdesurlaluttecontrelacorruption.htm.
[13] OECD (2024), Implementing the OECD Anti-Bribery Convention: Phase 4 Evaluation of France - Two-Year Follow-Up Report by France, https://one.oecd.org/document/DAF/WGB(2024)20/en/pdf.
[5] Sachs, J. et al. (2023), Sustainable Development Report 2023: Implementing the SDG Stimulus, https://doi.org/10.25546/102924.
Notes
← 1. Pour plus d’informations, voir : https://www.afd.fr/fr/lutte-contre-la-corruption.
← 2. À noter que des tensions peuvent exister entre l’application des mesures en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, d’une part, et le financement des partenaires, d’autre part, notamment entre les principes humanitaires et l’exigence de vérifier tout récipiendaire final (« criblage »). À la suite d’une action en justice portée par des organisations de la société civile, le Conseil d’État a annulé les lignes directrices en matière de criblage (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000047121728) . Il sera important de s’assurer que les efforts soient proportionnels aux risques identifiés, en phase avec les recommandations de l’évaluation mutuelle par le Groupe d’action financière, et avec celles de la Recommandation de 2016 (https://www.fatf-gafi.org/en/publications/Mutualevaluations/Mutualevaluationoffrance.html).