Cet examen par les pairs analyse la performance et la cohérence du système de coopération au développement de la France par rapport à ses objectifs. Il souligne les résultats positifs et les difficultés rencontrées et formule des recommandations. Le rapport a été préparé par des représentants de la Belgique et du Japon, avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE.
La France a renouvelé son ambition pour la coopération au développement. L’adoption à l’unanimité de la loi relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales en 2021 marque une étape importante. Les orientations adoptées en 2023 ont recentré cette ambition autour de dix objectifs politiques prioritaires. Bien qu’ayant fait l’objet de concertations, ces orientations ont soulevé des questions quant à la hiérarchie des priorités et leur degré d’appropriation par les partenaires externes. Si elles confirment l’évolution de la coopération au développement française vers un partenariat aux bénéfices mutuels, il sera nécessaire de maintenir les équilibres entre les intérêts des différentes parties prenantes afin que la politique de coopération demeure un pilier de la politique étrangère de la France.
Cette ambition se reflète également dans l’augmentation constante de l’aide publique au développement (APD) française, qui a crû de 37 % depuis 2018. Cependant, la France a revu le calendrier relatif à la hausse de son APD et annulé des crédits budgétaires à hauteur de 742 millions EUR en 2024. Élaborer une feuille de route pour atteindre la cible internationale visant à consacrer 0.7 % du revenu national brut (RNB) à l’APD d’ici à 2030 renforcerait sa crédibilité.
La France défend l’articulation entre agenda vert et agenda social dans sa vision du développement comme dans son plaidoyer international, en adéquation avec l’Agenda 2030. Alignée sur l’Accord de Paris, elle est l’un des principaux bailleurs en faveur du climat et de la biodiversité et s’efforce de mener de front ses actions en matière de lutte contre le changement climatique, d’adaptation et de préservation de la biodiversité et celles concourant à la réduction de la pauvreté et des inégalités. La France est particulièrement active sur les questions climatiques, de biodiversité et de prise en compte des vulnérabilités au sein des instances multilatérales. Son dynamisme et son ambition fédératrice pourraient être renforcés dans le cadre du suivi des engagements post-sommet, comme cela est par exemple prévu au sein du Secrétariat du Pacte de Paris pour les peuples et la planète.
Ces deux priorités structurent la stratégie de coopération française mais leur intégration demeure un défi. La France dispose d’outils opérationnels ambitieux pour articuler ces agendas. Toutefois, dans certains contextes, les portefeuilles-pays semblent suivre des pistes parallèles plutôt qu’intégrées, tout en respectant l’ambition de ne nuire à aucun des trois piliers du développement durable (économique, social, environnemental). Les réflexions en cours visant à mieux valoriser les synergies positives dans la programmation pourraient permettre d’accélérer l’obtention d’impacts croisés. L’investissement dans les partenariats diversifiés et la recherche sont des atouts que la France peut mobiliser davantage.
La France est un fer de lance de la mobilisation de la finance durable pour réorienter les flux financiers et encourage le débat international à ce sujet. La France cherche à mobiliser davantage le secteur privé dans sa coopération bilatérale, y compris dans des contextes et marchés à plus grand risque. Elle peut s’appuyer pour cela sur une gamme complète d’instruments, notamment en faveur de l’appui aux intermédiaires financiers. Une prise de risque en phase avec ses objectifs nécessitera des ressources concessionnelles adéquates, y compris pour l’accompagnement des partenaires. Dans les marchés à risque plus faible, il sera important d’accorder une attention particulière à la valeur ajoutée de la contribution française.
Le financement des infrastructures et du secteur financier est au centre de l’appui au développement du secteur privé. En complément, la France envisage de s’engager davantage dans certaines filières et pourrait renforcer la promotion de la conduite responsable des entreprises. Même si l’aide formellement liée reste limitée, il conviendra de veiller à maintenir l’efficacité de l’APD face à son extension et au focus sur les retombées économiques en France.
La France a renforcé ses instruments de réponse aux crises, devenant un important donateur humanitaire. Elle a fortement accru sa contribution financière (+ 257 % en cinq ans) et renforcé ses mécanismes d’urgence grâce à une meilleure coordination de ses canaux d’acheminement sur la base d’une programmation globale contextualisée, la multiplication par dix de la dotation de la réserve « provision pour crises majeures » et une importante coopération interministérielle. Son approche des crises, centrée sur la fragilité, permet une réponse flexible et adaptée au contexte. Le fonds Minka, piloté par l’Agence Française de Développement (AFD), a ainsi démontré sa pertinence en tant qu’instrument complémentaire des actions humanitaires et de stabilisation.
L’apport de la coopération au développement française à la prévention des conflits n’est pas suffisamment clair. Si la France confère à l’aide au développement un rôle important pour l’identification des causes, de prévention et de réponse aux crises, elle est moins claire sur les instruments à mobiliser pour atteindre ces objectifs. L’architecture de l’aide qui distingue entre humanitaire/urgence et développement/long terme peut s’avérer peu pertinente dans de nombreux contextes de crise. En ce sens, les efforts d’articulation entre l’AFD et le Centre de crise et de soutien sont intéressants. Par ailleurs, l’accroissement de l'aide française dans les zones les plus fragiles ne s'est pas toujours traduit par sa plus grande acceptation, comme par exemple au Sahel, ce qui doit être vu dans le contexte de nouvelles approches partenariale avec les pays partenaires.
L’équilibre entre impulsion politique, pilotage par objectifs et flexibilité est encore à trouver. L'ambition renouvelée de la France a également conduit à une réforme du pilotage stratégique et de nouvelles structures de coordination ont renforcé l'impulsion politique. L’efficacité de la nouvelle architecture de pilotage dépendra de sa lisibilité et de la finalisation des chantiers relatifs à la transparence de l’aide et à la mesure de ses résultats pour assurer un pilotage stratégique d’ensemble. Alors que la création des conseils locaux de développement et la réintroduction de stratégies pays ont contribué à la cohérence des portefeuilles-pays, une plus grande ouverture de ces conseils aux parties prenantes locales permettrait un pilotage davantage contextualisé.
La France mobilise une vaste gamme d’instruments pour répondre aux besoins de ses partenaires. Elle a notamment diversifié ses instruments pour accroître les partenariats avec les organisations de la société civile locale via les Fonds Équipe France et accorde une attention accrue à l’assistance technique. Néanmoins, la part des prêts dans son portefeuille ainsi que leur degré de concessionnalité ont un impact sur les secteurs et les zones géographiques qui sont financés. Une meilleure intégration des outils disponibles, en particulier grâce à la consolidation du groupe AFD, permettrait une plus grande prévisibilité et une plus grande souplesse pour financer les priorités françaises.