La transformation numérique a ouvert de nouvelles voies en matière d’autonomisation des citoyens, de participation politique et de transparence des pouvoirs publics, renforçant ainsi les libertés civiles et les droits politiques des personnes. En même temps, elle a fait naître de nouveaux risques pour l'exercice effectif des libertés civiles et des droits politiques. Ce chapitre porte sur le rôle des institutions de gouvernance publique dans la mise en place et le renforcement de la démocratie numérique, tout en atténuant les risques que la transformation numérique pourrait causer en matière de démocratie. Notamment, il aborde la préservation de l'intégrité des élections et du débat démocratique, la participation citoyenne dans l’espace numérique, l’amélioration de la transparence et de la responsabilité des pouvoirs publics à l'ère numérique, et le réaménagement des institutions et des cadres juridiques au service de la démocratie numérique.
Instaurer la confiance et renforcer la démocratie
5. Transformer la gouvernance publique au service de la démocratie numérique
Abstract
5.1. Introduction : repenser l’avenir
La transformation numérique rapide des sociétés, des économies et des administrations est en train de faire évoluer et de mettre au défi les mécanismes institutionnels traditionnels qui étayent le fonctionnement des démocraties. La technologie numérique est un moteur fondamental du changement au cours de ce siècle. Elle redessine toutes les composantes de la société, y compris les économies et les gouvernements, et a une incidence sur quasiment tous les aspects de la vie des populations. La façon dont la transformation numérique s'est mise en place a donné lieu à de nouvelles possibilités d'autonomiser les citoyens, mais elle fragilise aussi de plus en plus l'intermédiation traditionnelle et le respect des droits de l'homme et du citoyen et affecte considérablement la polarisation. Ces dernières années, des inquiétudes concernant la « démocratie numérique » sont apparues, en raison de la lenteur perçue des pouvoirs publics à répondre à ces défis. Intervenant dans le monde analogique où l’évolution est moins rapide, le changement institutionnel concernant le fonctionnement démocratique des pouvoirs publics joue également un rôle fondamental pour l'avenir des sociétés et on ne peut s'attendre à ce qu'il se produise aussi rapidement que la transformation numérique. Néanmoins, le faible niveau de confiance et les nombreux signes de désaffection des citoyens à l'égard du fonctionnement actuel des démocraties impliquent pour ces dernières de mieux exploiter le vaste potentiel de la transformation numérique tout en relevant les nombreux défis qu'elle a générés.
Aujourd’hui encore, le concept de démocratie numérique ne dispose d’aucune définition claire formulée par les milieux universitaires ou politiques. Dans le présent document, la démocratie numérique désigne le fonctionnement de la démocratie à l’ère du numérique et « la manière dont l’utilisation des technologies numériques peut influencer les conditions, les institutions et les pratiques en ce qui concerne l’implication politique et la gouvernance démocratique » (Berg et Hofmann, 2021[1] ; Daly, 2019[2] ; Bermeo, 2016[3]).
D'un côté, la transformation numérique a ouvert de nouvelles voies en matière d’autonomisation des citoyens, de participation politique et de transparence des pouvoirs publics, renforçant ainsi les libertés civiles et les droits politiques des personnes. Elle offre en effet d’immenses possibilités d’améliorer encore le fonctionnement de la démocratie, en faisant en sorte que les institutions publiques soient plus proches des citoyens et centrées sur leurs besoins tout en ouvrant de nouvelles modalités et de nouveaux canaux de participation des citoyens aux politiques publiques et à la vie politique démocratique. Elle a également favorisé la transparence et l’ouverture des pratiques des administrations, et renforcé la responsabilité des institutions publiques de même que la surveillance exercée sur celles-ci. Ainsi, en donnant lieu à l’ouverture des données publiques et à leur réutilisation, la « révolution des données » (UN, 2014[4]) a rehaussé la transparence des administrations, accru leur réactivité et amélioré la reddition de comptes grâce à de nouveaux outils d’analyse (OCDE, 2020[5] ; OCDE, 2018[6]). Parce qu’elle ne connaît pas de frontières, la transformation numérique revêt également une dimension mondiale importante qui affecte les relations internationales et la conduite de la diplomatie, avec l'émergence de politiques étrangères numériques.
D'un autre côté, la transformation numérique a également fait naître de nouveaux risques pour l'exercice effectif des libertés civiles et des droits politiques. Elle a déstabilisé les écosystèmes d'information et le débat démocratique, exacerbant encore la polarisation des sociétés, et a renforcé les possibilités d'influence indue (nationale et étrangère) au niveau des processus démocratiques ouverts. Les conditions d’exercice de la démocratie à l'ère du numérique sont également tributaires du degré d'inclusion numérique et de la capacité de tous, y compris des groupes vulnérables, à participer aux processus démocratiques. Si des progrès ont été accomplis pour étendre la connectivité, des inégalités numériques subsistent au sein des pays et entre eux. Les pays de l’OCDE progressent : 70 à 95 % des adultes utilisent l’internet, et les smartphones deviendront le type d’appareil privilégié pour accéder à l’internet d’ici 2019 (OCDE, 2020[7]). En outre, la pénétration du haut débit fixe (32.5 abonnés pour 100 habitants dans les pays de l’OCDE) était plus de deux fois supérieure à la moyenne mondiale (14.9 abonnés pour 100 habitants) en juin 2020 (OCDE, 2021[8]). Cependant, dans de nombreux pays, l'exclusion numérique affecte la qualité de la démocratie, empêchant les citoyens d’utiliser pleinement l'espace numérique comme un outil favorisant leur autonomisation. Dans le monde, 2.9 milliards de personnes, principalement des femmes et des jeunes filles, sont privées des avantages de la transformation numérique, empêchées de participer aux processus démocratiques et d’exprimer leurs attentes en matière de services publics (ITU, 2021[9]). Dans les régimes autoritaires, ces risques sont exacerbés par l'abus et l’utilisation détournée des nouvelles technologies en tant qu’outil de répression pour contrôler les gens, annihiler les droits, étouffer la dissidence et, de plus en plus, saper les démocraties à l'étranger.
Nous voici à un tournant décisif pour définir l’avenir numérique auquel nous aspirons. Le défi fondamental à relever consiste à défendre la démocratie numérique, à assurer un avenir fondé sur les droits, à bâtir une société numérique reposant sur la confiance et une administration numérique basée sur des valeurs. Dans les sociétés démocratiques, les pouvoirs publics sont responsables en dernier ressort de la promotion de l'intérêt commun et du maintien des cadres juridiques, réglementaires et institutionnels et des garanties du respect des droits civils et politiques essentiels au fonctionnement des démocraties. Les différentes composantes des pouvoirs publics y veillent en permanence lorsqu’elles élaborent l’action publique et les projets de loi. Il s’agit notamment de déterminer si les cadres institutionnels et juridiques doivent être adaptés, révisés ou remplacés pour être en phase avec un contexte en rapide évolution, ainsi qu’à la capacité d’application de la réglementation.
Les pouvoirs publics des pays de l'OCDE prennent de plus en plus de mesures pour promouvoir une approche de la transformation numérique fondée sur les droits, qui soit conforme aux principes et aux valeurs démocratiques et protège les droits individuels et collectifs. Les travaux relatifs à ces droits sont actuellement menés à l'OCDE sous la direction du Comité de l'OCDE de la politique de l'économie numérique (CPEN). Cette discussion met généralement l'accent sur le rôle des entreprises, des pouvoirs publics et des régulateurs dans la protection des droits existants dans l'espace numérique et l'examen de nouveaux droits valant pour l'ère du numérique (ou « droits exclusivement numériques »).
Le présent chapitre porte principalement sur le rôle des institutions de gouvernance publique dans la mise en place et le renforcement de la démocratie numérique, tout en atténuant les risques que la transformation numérique pourrait causer en matière de démocratie. Il examine les effets positifs et négatifs qu’ont les outils et les innovations numériques sur les mécanismes de gouvernance publique qui sous-tendent le fonctionnement des démocraties avancées. Il fait le point sur les initiatives existantes et émergentes, ainsi que sur les ajustements apportés aux cadres réglementaires, aux normes et aux mécanismes institutionnels que les pouvoirs publics mettent actuellement en place pour renforcer la résilience de nos systèmes et valeurs démocratiques, et pour mieux protéger et promouvoir la démocratie à l'ère du numérique. Ce chapitre met l’accent sur un sous-ensemble de droits qui sous-tendent le fonctionnement de la démocratie et sont indispensables à son dynamisme à l'ère du numérique, à savoir les droits civils et politiques, individuels et collectifs.1 Concernant les travaux en cours, un premier état des lieux de leur avancement et des questions à traiter est présenté, pour compléter le reste de l’analyse de l'Initiative de l'OCDE « Renforcer la démocratie » au niveau du Pilier 1 sur la « gouvernance publique au service de la lutte contre la mésinformation et la désinformation » (Chapitre 1), du Pilier 2 « Renforcer la participation, la représentation et l’ouverture » (Chapitre 2) et du Pilier 3 « Donner les moyens aux pouvoirs publics d'assumer leurs responsabilités mondiales et renforcer la résilience face à l’influence étrangère » (Chapitre 3).
Le présent chapitre constitue la première tentative de l'OCDE d'examiner les défis de la transformation numérique à l’égard de la démocratie du point de vue de la gouvernance publique. La Section 5.2 traite de l'incidence de la transformation numérique sur les processus électoraux fondamentaux et le débat démocratique ; la Section 5.3 aborde la transformation de la participation des citoyens à l'ère du numérique ; la Section 5.4 analyse la manière dont la démocratie numérique permet plus d’ouverture, de transparence et de responsabilité au niveau des pouvoirs publics ; enfin, la Section 5.5 examine le réaménagement des institutions de gouvernance publique en matière de démocratie numérique, notamment la nécessité d'une plus grande coopération mondiale et d'approches multilatérales.
5.2. Préservation de l'intégrité des élections et du débat démocratique
La participation aux élections est un aspect important de l’engagement dans la vie publique. Des élections libres et justes constituent le fondement même de la démocratie, et la place qu’occupe le numérique dans leurs processus ne cesse de grandir. L’ensemble de l’administration électorale et du cycle électoral est concerné, qu’il s’agisse de l’inscription des électeurs, du vote, du dépouillement des suffrages, jusqu'à l'éducation et l'engagement civiques, de la publicité à caractère politique ou du financement des campagnes électorales. Sous réserve que les bonnes garanties soient en place, le recours aux technologies et données numériques peut apporter des avantages significatifs à l’extension de la participation, notamment une participation accrue des électeurs, une plus grande inclusion des groupes défavorisés ainsi qu’une efficacité et une fiabilité renforcées du processus électoral. Les organes de gestion électorale doivent donc élaborer un cadre réglementaire adéquat pour les technologies numériques utilisées tout au long du cycle électoral et mettre à niveau leurs propres capacités numériques de manière à gérer l'administration électorale et superviser la transformation numérique du processus électoral afin de veiller à ce que les garanties appropriées soient en place, en termes de cybersécurité, d’usurpation d'identité et de manipulation des électeurs (Driza Maurer, 2020[10]).
Plus généralement, le débat politique démocratique, c’est-à-dire la manière dont les citoyens se forgent une opinion politique et l’expriment, connaît une transformation radicale à l’ère du numérique. Pour être florissantes, les démocraties ont besoin de l’intermédiation de l’information et d’écosystèmes des médias qui favorisent une participation fondée sur les faits, à même de contribuer à un débat démocratique salutaire, à l’ouverture aux compromis politiques et à la recherche du consensus. La liberté d’expression en ligne et la disponibilité accrue de plateformes numériques de mise en relation, d’échange de points de vue et de consommation de l’information ont marqué un grand changement dans la capacité des citoyens à intervenir dans les débats publics et la prise de décisions, mais elles font également peser sur la démocratie de nouveaux risques imprévus, qui concernent aussi bien la désinformation et la polarisation que les abus d’influence et la participation faussée. Le Chapitre 1 approfondit les risques de mésinformation et de désinformation dans le cadre des élections démocratiques, des campagnes politiques et du débat démocratique.
Le Parlement est une institution centrale où a lieu le débat démocratique. Par conséquent, l'utilisation d'outils en ligne par les Parlements pour se rapprocher de leurs administrés, promouvoir l'ouverture et la participation des citoyens ou continuer à fonctionner en temps de crise (Forteza, 2020[11] ; Piccinin, 2021[12]) représente une opportunité de progrès. Ceux des Parlements qui exploitent la puissance des outils numériques sont désormais en capacité de mieux communiquer avec les citoyens qu'ils représentent. Les réseaux sociaux et les données ouvertes sont des outils importants, qui permettent aux citoyens de s'engager plus efficacement auprès de leurs représentants élus (IPU, 2022[13]). Les technologies numériques, et notamment celles dédiées au télétravail, ont permis aux Parlements de poursuivre leur activité pendant la pandémie (IPU, 2021[14]).
5.2.1. Amplifier la participation électorale
Le vote est une condition sine qua non de la démocratie que les technologies numériques peuvent contribuer à faciliter via le passage au numérique de l'administration des élections et du déroulement du scrutin, à condition que les garanties appropriées soient en place. Le numérique est présent aux différents stades du cycle électoral, depuis l'inscription des électeurs au dépouillement des votes, en passant par l'expression du vote. Par exemple, à travers le monde, de nombreux pays ont mis en place des moyens électroniques pour l’expression ou le décompte des votes dans le cadre d’élections nationales ou locales (Tableau 5.1). Néanmoins, il est important de noter que les systèmes et technologies de vote par internet, dont le courrier électronique et les applications de vote sur appareil mobile, doivent être entièrement sécurisés, pour éviter les risques de cybersécurité et d’usurpation d’identité par exemple, afin que l’intégrité du processus soit garantie.
La transformation numérique des processus électoraux se traduit à la fois par l'automatisation du processus de vote et la numérisation des données électorales. Le numérique a pris une dimension centrale dans les systèmes d'information et de gestion des élections. Les données numérisées comprennent les registres des électeurs, les registres des candidats, les résultats consignés au format électronique. Les processus numérisés incluent l'inscription et l'identification électroniques des électeurs, le vote électronique sur des machines à voter dans les bureaux de vote ou sur internet, le dépouillement électronique (via un logiciel utilisé pour enregistrer et calculer les résultats et attribuer les sièges). Ils englobent également les logiciels utilisés à des fins statistiques et la transmission électronique des résultats préliminaires et/ou définitifs, par exemple, depuis les bureaux de vote vers une unité centrale gérée par l'OGE. La numérisation des processus pose davantage de problèmes lorsqu'ils transitent par l'internet, en raison des risques de cybersécurité.
Tableau 5.1. Utilisation du vote électronique dans les pays membres de l’OCDE et ses principaux pays partenaires
Base de données sur l’utilisation des TIC dans les élections de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA)
Champ d’application du vote électronique |
Pays |
---|---|
Élections nationales politiquement obligatoires (dans la fonction publique ou pour des initiatives de démocratie directe) |
Belgique, Brésil, Estonie, États-Unis, France, Inde, Nouvelle-Zélande, Pérou |
Élections infranationales politiquement obligatoires (qui concernent par exemple les organes législatifs ou exécutifs régionaux) |
Belgique, Bulgarie, Canada, Estonie, États-Unis, Inde, Mexique, Pérou |
Autres élections avec la participation d’organes chargés de l’administration électorale (par exemple, élection de dirigeants syndicaux, référendums non obligatoires) |
France, Corée du Sud |
Aucun vote électronique actuellement utilisé dans les élections auxquelles participent des organes d’administration électorale |
Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Chili, Colombie, Costa Rica, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie, Suède, Suisse, Türkiye, Royaume-Uni |
Note : la collecte initiale des données destinées à la Base de données sur l’utilisation des TIC dans les élections a été réalisée entre 2014 et 2016. Depuis lors, les données sont continuellement mises à jour, dans la mesure du possible, par IDEA, en fonction des changements de la réglementation des pays concernant l’utilisation des TIC dans les élections.
Source : adapté de (International IDEA, 2022[15]) ainsi que des commentaires des pays sur une version précédente du rapport.
Le processus d’inscription des électeurs dépend fortement de l’infrastructure de gestion des identités dont dispose le pays. Dans de nombreux pays, le registre des électeurs est relié au registre de la population ou à d’autres sources de données gouvernementales fiables, ou compilé à partir de ces sources, le partage des attributs d’identité nécessaires, tels que la citoyenneté, l’âge et l’adresse, s’effectuant de manière automatisée. En Suède, par exemple, les données relatives aux personnes en droit de voter sont transférées du registre numérique de la population aux listes électorale 30 jours avant le jour du scrutin, et les cartes d’électeur sont envoyées automatiquement à l’adresse de chaque électeur inscrit pour faciliter sa participation. Par conséquent, toute personne qui figure dans le registre de la population et qui est un citoyen suédois âgé de plus de 18 ans est automatiquement inscrite sur les listes électorales et reçoit automatiquement sa carte d’électeur (Valmyndigheten, 2021[16]). Les pays dépourvus d’un registre central connecté attendent quant à eux des citoyens qu’ils s’inscrivent sur ces listes et mettent à jour leurs informations si nécessaire, notamment lorsqu’ils changent de circonscription électorale. Même si les obstacles à l’inscription des électeurs sont alors probablement plus nombreux, ces pays peuvent recourir à des moyens numériques, telles que l’identité numérique, afin de simplifier la tâche des citoyens.
Une fois les citoyens inscrits, l’étape suivante est l’expression du vote. Le vote électronique regroupe la diffusion électronique des votes et le comptage électronique des bulletins de vote sur papier. Le vote est l'activité la plus encadrée des nouvelles technologies dans le cadre du cycle électoral car il en recouvre le processus le plus sensible, à savoir le vote proprement dit et le dépouillement des résultats électoraux (Conseil de l'Europe, 2020). C’est également l'exemple le plus avancé du recours aux nouvelles technologies pour faciliter des élections démocratiques. En effet, il ne s'agit en général pas seulement de la numérisation des processus de vote et de comptage, mais cela implique également, idéalement, de numériser l’ensemble des documents et processus concernés afin que les transactions puissent se dérouler de manière transparente, sans discontinuité médiatique. Le vote électronique désigne à la fois le vote sur des machines à voter électroniques situées dans les bureaux de vote et le vote par internet depuis un environnement non contrôlé. Le vote électronique implique un comptage électronique, mais la réciproque n’est pas vraie : le comptage électronique peut être entrepris sans vote électronique au moyen de lecteurs optiques qui numérisent les bulletins de vote papier et procèdent ensuite au comptage. Le vote électronique est pratiqué dans quelques pays, mais pas pour toutes les élections, comme indiqué dans le Tableau 5.1. Cependant, la numérisation des données, des documents et des processus du cycle électoral est chose commune.
Pour exercer leur droit de vote, les électeurs doivent fournir des preuves de leur identité ou, s’ils représentent une personne qui n’est pas en mesure de voter pour des raisons particulières, de l’identité de cette autre personne. Le vote physique et l’utilisation de pièces d’identité (par opposition au vote électronique avec authentification numérique) restent une pratique courante dans la plupart des pays. Plusieurs raisons expliquent cette tendance : les considérations politiques, l’infrastructure des identités, le degré de maturité numérique, les risques pour la cybersécurité et les nouveaux risques de fraude, de falsification ou de pression susceptibles de porter atteinte à l’intégrité électorale. Ainsi, le vote électronique pouvant se tenir en dehors des bureaux de vote, il est difficile de garantir le respect du principe « une personne, une voix » et de veiller à ce que le suffrage des citoyens s’exerce sans aucune contrainte (ACE project/International IDEA, 2014[17]). Des défis de taille se posent également dans la vérification et le contrôle a posteriori des résultats des élections : l’examen de l’infrastructure de vote électronique utilisée dans certains pays de l’OCDE a révélé des faiblesses imputables à un manque de mesures de transparence, qui concernent la vérifiabilité d’un bout à l’autre du scrutin, la présence de lacunes dans le système qui l’exposent à des ingérences ou des manipulations, ou encore le détournement du mécanisme de vérification (Springall et al., 2014[18] ; Feldman, Halderman et Felten, 2007[19] ; Specter, Koppel et Weitzner, 2020[20] ; Halderman et Teague, 2015[21]).
Les mesures visant à atténuer ces risques comprennent l’identification et l’authentification numériques sécurisées, ainsi que l’intégration de vérifications du scrutin dans le système électoral. Les efforts visant à renforcer l’adoption du vote électronique devront s’appuyer sur des solutions d’identité numérique qui soient inclusives, robustes, fiables et sûres, et qui préservent le caractère anonyme du vote, principe essentiel du processus électoral. La vérification du scrutin peut s’effectuer au travers de récépissés générés par un système de vote vérifiable de bout en bout qui permet aux citoyens de s’assurer que celui-ci a correctement pris en compte leur vote. Les contrôles de conformité postélectoraux peuvent également avoir un effet dissuasif sur la fraude et la corruption (Mulroy, 2019[22]). En outre, les nouvelles technologies constituent des défis supplémentaires dont il convient de sérieusement tenir compte lorsqu'elles sont appliquées au processus électoral. Par exemple, l'identification biométrique des électeurs pourrait potentiellement permettre de grossir les listes électorales, garantir l'identification unique des électeurs et empêcher les votes multiples. Néanmoins, les organes d'administration des élections se sont abstenus d’y recourir en raison des risques en matière de protection des données, de secret du vote ainsi que de privation du droit de vote des électeurs due à des erreurs d'identification biométrique. L'utilisation de la biométrie dans le cadre d’élections soulève également des questions en termes de respect du droit à la libre expression.
Le vote électronique présente possiblement plusieurs avantages, dont un coût moins élevé, mais aussi un caractère plus pratique, flexible et accessible pour les citoyens, en particulier pour les personnes qui vivent dans des zones reculées ou qui souffrent de certains handicaps (The Electoral Knowledge Network, s.d.[23] ; OSCE/BIDDH, 2013[24] ; Conseil de l’Europe, 2017[25] ; Petitpas, Jaquet et Sciarini, 2021[26] ; Anett Numa, 2021[27]). Plusieurs gouvernements ont procédé à des essais de vote électronique (États-Unis, Royaume-Uni et Suisse). En 2005, l'Estonie est devenue le premier pays à organiser des élections générales (élections municipales et élections parlementaires de 2007) légalement contraignantes, par internet. Ce système permet aux électeurs d’exprimer leur vote à partir de n’importe quel système connecté à internet, garantit leur anonymat et leur offre la possibilité de modifier leur suffrage jusqu’à la fin de la période de vote afin d’empêcher toute tentative de fraude.2 Dans certains cas, on a également constaté que le vote électronique était propice à la participation électorale (Petitpas, Jaquet et Sciarini, 2021[26]). Lors des élections locales de 2021 en Estonie, pas moins de 55 % des électeurs du plus grand comté du pays ont voté en ligne (Anett Numa, 2021[27]). Il est important de souligner que le vote électronique ne se substitue pas au vote en personne traditionnel, mais qu’il le complète en proposant un autre mode de suffrage. En outre, les gouvernements doivent relever les défis de la sécurité et de la responsabilité des systèmes lorsqu'ils déploient des systèmes de vote électronique afin de garantir la légitimité du processus démocratique.
Le vote électronique peut être particulièrement séduisant pour les jeunes électeurs et les natifs du numérique. Étant donné que, bien souvent, les jeunes sont moins enclins à exercer leur droit de vote mais maîtrisent mieux le numérique, le vote électronique peut contribuer à accroître leur participation électorale. Les résultats sont toutefois mitigés. Actuellement, dans les pays de l’OCDE, seuls 68 % des jeunes se rendent aux urnes, contre 85 % des personnes de 54 ans ou plus (OCDE, 2020[28]). Le vote électronique peut favoriser la participation électorale des jeunes, mais d’autres facteurs entrent en jeu. En Estonie, une société où la confiance est élevée, 43.8 % des votes ont été exprimés par voie électronique lors des élections législatives de 2019, 29.2 % des électeurs en ligne étant âgés de 18 à 34 ans.3 Seul un faible pourcentage de jeunes européens utilisent les technologies numériques pour s’impliquer dans la vie civique et politique (OCDE, 2018[29] ; Mickoleit, 2014[30]).
Enfin, la transformation numérique peut améliorer l’examen des processus électoraux, le comptage des votes et la diffusion des résultats d’une élection. En particulier, les données ouvertes peuvent faciliter l'intégrité et la responsabilité électorales en permettant aux électeurs et à la société civile d'accéder aux données afférentes aux élections et de les analyser afin d’obtenir un éclairage sur des points tels que les limites des circonscriptions électorales, le programme des partis politiques, les affiliations des candidats aux partis, les positions des partis politiques et les contributions au financement des campagnes (International IDEA, 2017[31]). En outre, les données ouvertes portant sur les résultats des élections (provisoires et définitifs), par circonscription ou district dans le cadre d’élections nationales, régionales et locales, y compris les votes enregistrés et non valides, peuvent aider les parties prenantes à entériner la légitimité de l'élection, ainsi qu'à identifier des réformes nécessaires en vue d’améliorer les processus électoraux futurs. Les préoccupations quant à une ingérence étrangère dans les élections ont conduit à un examen plus approfondi de la sécurité des solutions numériques utilisées dans les processus électoraux, en particulier concernant l'inscription des électeurs et la transmission des résultats, comme ce fut le cas en Allemagne et aux Pays-Bas en 2017.
5.2.2. Protection des campagnes électorales
L’essor du numérique ouvre de nouvelles perspectives pour mobiliser les citoyens durant les campagnes électorales, notamment au travers des campagnes en ligne et de la publicité à caractère politique. Au sein des pays de l’OCDE, les institutions de représentation politique sont confrontées aux degrés de confiance les plus faibles, selon l’enquête de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques (Enquête de l'OCDE sur la confiance) (OCDE, 2022[32]). En moyenne, seulement 24.6 % des personnes interrogées font confiance aux partis politiques, et 55.5 % ne leur accordent pas leur confiance. Et elles ne sont que 38.9 % à avoir confiance dans les organes législatifs représentatifs de leur pays : les parlements et les congrès. Les campagnes en ligne permettent aux partis politiques, aux candidats ou aux tiers de faire passer des messages politiques à un public plus large de militants et d’électeurs (International IDEA, 2021[33]). Elles sont généralement moins coûteuses que les campagnes traditionnelles et donc plus accessibles pour les petits partis disposant de moyens plus modestes, qui peuvent ainsi communiquer plus facilement avec les électeurs potentiels. De plus, les partis peuvent utiliser les plateformes en ligne afin d’atteindre davantage d’électeurs à l’aide de messages plus ciblés (International IDEA, 2021[33]).
Néanmoins, la numérisation présente aussi un certain nombre de risques quant à l’intégrité des campagnes électorales, et par là même, des élections dans leur ensemble. Les institutions démocratiques peuvent être la cible de cybermenaces,4 en particulier à l’occasion d’une élection. Les auteurs de la menace peuvent profiter de la situation du processus de campagne pour lancer des cyberattaques visant à exfiltrer des données, à se procurer un accès administratif aux systèmes et, possiblement, à infecter les institutions démocratiques avec des logiciels malveillants. Les cyberattaques contre les campagnes électorales et la couverture médiatique qui leur est consacrée dans l'espace numérique sont de plus en plus préoccupantes, notamment du fait de la manipulation de l'information et des attaques sélectives contre les médias des campagnes politiques au moyen de logiciels malveillants.5 Les cyber-risques électoraux incluent d’une part les cyberattaques à l’encontre d’élections dans les démocraties établies de longue date par des acteurs parrainés par un État étranger, souvent liés à des gouvernements autoritaires à l'étranger et, d’autre part, des cybermenaces menées par les partis politiques pendant le processus électoral dans les démocraties, les plus fragiles en particulier. Chacune de ces actions pourrait ébranler la confiance du public dans le résultat des élections.
Selon le Centre canadien de cybersécurité,6 les cyber-risques et les auteurs de menace dans le processus électoral et les campagnes peuvent : (i) perturber l'infrastructure électorale en lançant des attaques par déni de service distribué (DDoS) ; (ii) compromettre des justificatifs d’identité ou les imiter pour répandre de la fausse information dans les médias sociaux ou commettre une fraude électorale ; (iii) profiter de la situation actuelle de travail à la maison pour compromettre des systèmes et obtenir un accès non autorisé aux systèmes de gestion des élections ou des partis politiques ; (iv) lancer des campagnes d’influence étrangère en ligne pour miner la crédibilité du processus démocratique ; et (v) lancer des attaques au rançongiciel pour perturber l’accès aux données et aux systèmes liés aux élections afin d’interrompre les services liés aux élections.
Des attaques de mésinformation et de désinformation peuvent également viser les électeurs pour tenter de discréditer le résultat du processus électoral. Le débat public est menacé par l’utilisation de robots, d’armées de trolls ou d’autres formes de comportements en ligne fallacieux à des fins de manipulation de l’opinion publique, par exemple en diffusant de fausses informations, en cherchant à rallier des soutiens aux partis d’opposition ou en gonflant artificiellement la popularité d’un candidat ou l’importance d’une question politique (Bradshaw et Howard, 2017[34]). Cela nécessite une approche de l'ensemble de la société et diverses mesures politiques identifiées dans le Chapitre 1.
Les partis peuvent obtenir des renseignements sur l’électorat grâce à l’analyse des campagnes, de façon à mieux cibler leur publicité à visée politique. De fait, des élections récentes dans les démocraties de l’OCDE amènent à interroger les campagnes politiques fondées sur les données, le microciblage à des fins politiques et la manipulation des électeurs à l’ère de l’analyse des données massives ; on songe notamment au scandale suscité par l’utilisation abusive par Cambridge Analytica de données personnelles d’utilisateurs Facebook afin de concevoir un système de profilage visant à affiner la connaissance du public à cibler. Le micro-ciblage politique, qui consiste à cibler un individu ou un petit groupe d'individus avec des messages politiques en fonction de préférences ou d’intérêts perçus que leur comportement en ligne peut révéler, pose des défis particuliers en matière de protection des données, de confidentialité et de libre arbitre individuel.
Par conséquent, les instances publiques instaurent des règles plus strictes sur la publicité de nature politique et le microciblage électoral dans la sphère numérique. En Europe, la Commission européenne veut des règles claires, ainsi qu’une plus grande transparence, pour encadrer le ciblage de la publicité en ligne à caractère politique. En novembre 2021, elle a présenté une proposition de règlement sur diverses techniques de publicité politique, dont le ciblage, dans le cadre de mesures visant à protéger l’intégrité des élections et le débat démocratique ouvert. Dans son avis de janvier 2022, le Contrôleur européen de la protection des données a reconnu la nécessité de règles plus strictes concernant la publicité à caractère politique ciblée en ligne afin de garantir des élections libres et équitables ; il recommande une interdiction totale du micro-ciblage à des fins politiques.
La transformation a ouvert la voie à de nouveaux modes de financement des partis politiques et des campagnes électorales, qui doivent être mieux réglementés. Grâce aux plateformes en ligne et aux mécanismes de financement participatif, les pourvoyeurs de dons modiques peuvent apporter plus facilement leur soutien aux plateformes et campagnes électorales. Pour autant, les technologies numériques induisent un certain nombre de risques, notamment en raison de la quasi-absence de réglementation du financement des activités politiques en ligne. Si la plupart des pays de l’OCDE disposent d’un cadre abouti pour la réglementation du financement des campagnes (plafonnement des dépenses, interdiction du financement par certains contributeurs privés, accès aux fonds publics, ainsi que d’autres aspects), ce cadre ne s’est pas adapté aux défis posés par les campagnes en ligne (OCDE, 2021[35]). Ainsi, un tiers d’entre eux ont fixé le montant maximal des dépenses de publicité traditionnelle qui peuvent être engagées lors des campagnes électorales, tant pour les partis politiques que pour les candidats, mais seulement deux plafonnent les dépenses des publicités de campagne diffusées dans les médias en ligne pour les partis politiques, et quatre pour les candidats (International IDEA, s.d.[36]). En outre, l’exécution par voie numérique des campagnes permet de contourner leurs règles de financement de différentes manières. Par exemple, les acteurs étrangers, étatiques ou non, y compris les organisations de la société civile, peuvent éviter les interdictions en organisant une campagne en dehors du pays où se déroule l’élection tout en ciblant les électeurs de ce pays. En l’absence de fonds dépensés dans le pays, il peut être très difficile pour les autorités répressives et les organes de surveillance des élections de détecter et de sanctionner les manquements aux règles (Conseil de l'Europe, 2018[37]).
Face aux risques posés par les technologies numériques destinés aux campagnes en ligne et à leur financement, il est impératif de colmater les brèches de la réglementation et d’exploiter les outils qui permettent d’identifier les possibilités de s’y engouffrer. Les axes prioritaires pourraient consister, entre autres, (i) à définir le concept de « campagne en ligne » à des fins de clarification auprès des partis politiques, des candidats et des plateformes ; (ii) à utiliser diverses mesures de contrôle, dont l’analyse des données et les vérifications, pour améliorer la surveillance ; (iii) à favoriser un accès ouvert, pour les organes de surveillance et le public, aux données sur les paiements effectués aux partis politiques ou aux candidats via les plateformes en ligne ; et (iv) à remédier aux lacunes de la réglementation relative aux campagnes en ligne ainsi qu’au financement par des tiers.
5.2.3. Favoriser la délibération démocratique
L’information tient une place décisive dans la création d’un débat public démocratique placé sous les auspices de la confiance et de la sécurité. Une démocratie dynamique est fondée sur la délibération constructive entre des opinions contrastées sur des visions politiques stratégiques et des questions de politique générale. Elle repose également sur la capacité à établir des compromis et à forger un consensus sur la base d'une contestation et d'une négociation de bonne foi, étayées par des données factuelles.7
L’intensification de la médiatisation du débat public par les nouvelles plateformes numériques expose la démocratie à d’autres dangers. Après la télévision et les journaux, les réseaux sociaux s’imposent, en moyenne, comme la troisième source d’information la plus courante, selon l’enquête de l’OCDE sur la confiance (OCDE, 2022[32]). 44 % des personnes interrogées déclarent ainsi s’informer sur les réseaux sociaux au moins une fois par semaine et, dans certains pays, le pourcentage grimpe à 60 %. Alors qu’en principe, cette source supplémentaire d’information, dont le contenu est partagé à volonté par les particuliers et les organisations en tous genres, aurait permis un examen plus vigilant des pouvoirs publics, l’accès à un large éventail d’informations ainsi qu’une participation accrue, les conséquences constatées au niveau de la mésinformation, de la désinformation, de la polarisation et de la confiance n’avaient pas été prévues.
Tableau 5.2. Effets indirects possibles des plateformes numériques sur l’opinion publique et les institutions politiques
Absence de responsabilité |
Responsabilité partielle |
---|---|
Augmentation des « jeux de surenchère constitutionnelle » |
Baisse de la tolérance mutuelle |
Fragilisation de l’État administratif |
Montée de la perception de l’opposition comme illégitime |
Affaiblissement de l’état de droit |
Érosion de la confiance du public dans le régime démocratique |
Augmentation du contrôle de l’État sur les médias |
Perte du contrôle du processus de nomination des partis |
Recul de la retenue institutionnelle |
Renforcement de la coordination entre les médias d’État et des partis au pouvoir |
Dégradation de la confiance du public dans les institutions |
|
Affaiblissement de la reddition de comptes des élites politiques auprès des institutions |
Source : (Barrett, Dommett et Kreiss, 2021[38]).
La propagation d’informations fausses ou trompeuses menace la démocratie en compromettant le libre échange d’informations factuelles et en renforçant la polarisation ; elle nuit également à la liberté d'expression et au libre arbitre. Néanmoins, les pouvoirs publics ont entrepris de mettre au point les outils nécessaires pour prévenir et combattre ces deux phénomènes et favoriser un modèle de gouvernance des écosystèmes d’information qui renforce les démocraties. Le Chapitre 1 se penche de manière approfondie sur le sujet.
Les groupes d’intérêts spéciaux, ainsi que les acteurs nationaux ou étrangers, étatiques ou non, qui peuvent exploiter les médias sociaux pour manipuler l’information et propager de faux contenus et des partis pris posent particulièrement question. Certaines entreprises ont recours aux publicités sur les médias sociaux pour influencer le discours politique sur le climat, notamment à des publicités ciblées sur Facebook et Instagram contenant des messages positifs qui mettent en avant les avantages de l’augmentation de la production des combustibles fossiles (InfluenceMap, 2019[39]). Actuellement, seuls le Canada et l’UE obligent les lobbyistes à rendre compte de l’utilisation des médias sociaux comme outil de lobbying : au Canada, toutes les techniques de communication utilisées, dont les médias sociaux, doivent être signalées, tandis que dans l’UE, les activités visant à influencer indirectement les institutions européennes, via les médias sociaux notamment, doivent être déclarées dans le registre de transparence de l’UE (OCDE, 2021[35]).
La guerre en Ukraine a révélé à quel point certains acteurs étrangers profitaient des médias sociaux (principalement) pour y mener des opérations de désinformation et de propagande visant à agir sur l’impact informationnel dans les démocraties. Selon l’Eurobaromètre Flash, la confiance dans les renseignements sur la guerre communiqués par les pays de l’UE, l’Union européenne ou l’OTAN semble assez élevée (en avril 2022, 74 % des citoyens de l’UE faisaient totalement confiance à ces sources ou avaient tendance à leur faire confiance), tout comme la confiance dans les journalistes (56 %). Or, les premières recherches montrent que la propagande russe est de nature à aggraver la polarisation, même dans les démocraties les plus matures (Commission européenne, 2022[40]). Une étude menée par l’IFOP (Institut d’Études Opinion et Marketing en France et à L’international) et publiée le 22 mars révèle qu’environ la moitié des Français croient qu’au moins une théorie russe sur la guerre est vraie, tandis que les partisans de l’extrême droite et de l’extrême gauche sont nettement plus susceptibles d’adhérer à la propagande russe sur les origines de la crise ukrainienne (IFOP, 2022[41]). Pourtant, de nombreuses démocraties de l’OCDE ont pris des mesures énergiques : restriction de l’accès aux fausses informations propagées par des sources russes, collaboration avec les plateformes de médias sociaux, ou encore suivi et intervention via les mécanismes de l’OTAN et de la Facilité de l’UE pour la reprise et la résilience. Dans les économies en développement, les niveaux de pénétration de la propagande russe sur la guerre et ses conséquences mondiales sont probablement plus élevés.
La polarisation croissante du débat politique dans de nombreuses démocraties devient particulièrement préoccupante pour les États membres de l’OCDE. Les tensions et les défis qui jalonnent la société prennent pour beaucoup une dimension encore plus inquiétante sur les plateformes de médias sociaux, qui canalisent le contenu des utilisateurs par le biais d’algorithmes conçus pour promouvoir l’engagement et partager des contenus similaires, ce qui peut induire, chez les utilisateurs, un renforcement et non une remise en question de leur perception des contenus (Smith, 2019[42]). Le déterminisme algorithmique qui sélectionnent les actualités et les informations que les internautes reçoivent et auxquelles ils réagissent peut exacerber les effets de « chambres d’écho » et les biais de confirmation, limitant ainsi l’exposition à des points de vue différents, et renforcer les discours présupposés. Un biais de confirmation est la tendance instinctive de l’individu à rechercher en priorité des informations qui confirment ou renforcent des idées et des valeurs préexistantes. Dès lors qu’il est affirmé, ce biais est difficile à déconstruire (Wason et Johnson-Laird, 1972[43]). Les preuves avancées par la science comportementale montrent que l’excès d’informations et les biais de confirmation peuvent, en partie, expliquer les comportements liés à la pensée de groupe et la polarisation, et même avoir pour effet de saper les messages factuels les plus convaincants (Sunstein, 1999[44] ; Currin, Vera et Khaledi-Nasab, 2022[45]).
Certains éléments (de plus en plus nombreux, même s’ils doivent être nuancés) tendraient à prouver que ces mécanismes peuvent affecter la polarisation du débat public dans les pays démocratiques. D’après l’indice V-Dem mesurant la polarisation de la société,8 11 pays de l’OCDE ont connu une hausse de la polarisation entre 2011 et 2021 et 7 sont actuellement classés parmi ceux caractérisés par une « grave polarisation », catégorie la plus extrême (OCDE, 2022[46]). Un examen des causes des effets des médias numériques sur la démocratie révèle que, dans les démocraties plus anciennes, les tendances susceptibles de nuire à la démocratie (c.à-d. une polarisation croissante, mais aussi un recul de la confiance dans les institutions politiques et certains avantages pour les populistes) sont plus marquées (Lorenz-Spreen et al., 2021[47]). À l’inverse, on observe souvent dans les démocraties naissantes certaines tendances potentiellement profitables à la démocratie (c.à-d. des hausses dans la participation politique et la consommation d’informations). Il est probable que les effets des médias sociaux accentuent la polarisation accrue causée par pléthore d’autres facteurs, y compris la désaffection politique et l’impact de la fragmentation des médias (DellaVigna et Kaplan, 2007[48] ; Van Aelst et al., 2017[49]), bien qu’il soit difficile de mesurer quel est le facteur le plus important et ce qui constituerait un « point de bascule » de la polarisation pour la démocratie.
Ces constats complexes suggèrent que des efforts nourris devraient être consentis pour réduire la polarisation, en ciblant tous les acteurs concernés dans les médias, sur les plateformes et dans les écosystèmes d’informations (voir le Chapitre 1). On constate que les médias sociaux peuvent avoir des effets dépolarisants en raison de l’exposition potentielle à diverses informations (Beam, Hutchens et Hmielowski, 2018[50] ; Yarchi, Baden et Kligler-Vilenchik, 2020[51]). En outre, on constate que les plateformes de médias sociaux elles-mêmes peuvent servir d’outils pour partager un large éventail d’informations et potentiellement renforcer la résilience de l’espace civique en ligne (Kubin et von Sikorski, 2021[52]).
5.2.4. Promouvoir l’inclusion politique
Les technologies numériques pourraient être un puissant outil de responsabilisation politique, en contribuant à réduire le déficit dans la participation et l’engagement politiques des groupes sous-représentés (voir le Chapitre 2). L’enquête de l’OCDE sur la confiance montre que seuls 29.8 % des sondés en moyenne disent avoir voix au chapitre dans l’action des pouvoirs publics, alors qu’une majorité, dans huit pays couverts par l’enquête, indique ne pas avoir confiance (OCDE, 2022[32]). Ces dernières années, les médias numériques ont révolutionné le mode d’interaction des décideurs politiques avec les citoyens, offrant aux partis politiques et aux élus de nouveaux moyens et de nouvelles possibilités d’échanger avec leurs administrés, d’engager le dialogue et de renforcer leur impact. Grâce à des coûts d’entrée très faibles, les médias sociaux sont particulièrement intéressants pour des groupes généralement marginalisés, comme les femmes et les minorités, qui peinent souvent à accéder aux ressources de la sphère politique (Forum mondial Women in Parliaments, 2016[53]).
Cependant, l'utilisation croissante des forums numériques présente également des menaces pour les femmes et d'autres groupes sous-représentés en politique, réduisant encore davantage leur incitation à participer à la politique. Les femmes et les personnes sous-représentées sont potentiellement beaucoup plus exposées aux abus, au harcèlement, aux discours haineux et à la désinformation fondée sur le genre de la part d’autres internautes (Institute for Strategic Dialogue, 2020[54]). Ces personnes peuvent être victimes de cyberviolence, définie comme étant « le recours aux TIC pour provoquer, faciliter ou menacer de commettre, à l’encontre d’individus, des actes de violence qui causent, ou sont susceptibles de causer, des préjudices ou des souffrances physiques, sexuels, psychologiques ou économiques, y compris l’exploitation de la situation, des caractéristiques ou des vulnérabilités de ces individus » (Conseil de l'Europe, 2018[55]). Par conséquent, selon l’Union interparlementaire (UIP), les plateformes de médias sociaux sont devenues « le lieu qui concentre l’essentiel des violences psychologiques à l’égard des femmes parlementaires (IPU, 2016[56]),9 avec des conséquences dramatiques sur la participation des femmes à la vie publique, dans la mesure où celles-ci peuvent être dissuadées de briguer un mandat, incitées à quitter la vie politique ou contrariées dans leurs ambitions d’atteindre des fonctions clés ».
5.2.5. Pistes pour l’avenir
À l’avenir, plusieurs priorités se dessinent pour les pouvoirs publics en matière de protection et de promotion des institutions démocratiques à l’ère du numérique, tout en reconnaissant la nécessité de garantir la transparence publique et de préserver les fondements d'élections et d'une démocratie saines :
Garantir l’intégrité des élections tout au long du processus électoral, lequel repose plus que jamais sur des outils numériques (de l’inscription des électeurs au comptable des voix), en tirant parti des données publiques pour augmenter sa crédibilité et renforcer les capacités de surveillance des organismes de gestion des élections ;
Renforcer le potentiel numérique des organismes de gestion des élections dans la conduite et la surveillance des élections, en particulier leur potentiel en matière de cybersécurité afin de gérer les processus électoraux et protéger les données et les campagnes électorales contre les cybermenaces ;
Combler les lacunes réglementaires dans les processus liés aux élections, comme le financement des campagnes en ligne, la publicité politique en ligne et le microciblage politique basé sur les données, et la mise en place de mécanismes d’application de la législation et de réparation en cas d’infraction ;
Mettre en place les dispositifs de sécurité nécessaires de manière à ce que les plateformes numériques ne permettent ni n’autorisent le bouleversement du paysage politique, et protéger le débat politique national des cyberattaques et des interférences étrangères indues ; et
Protéger le débat démocratique en luttant contre la polarisation, avant, pendant et au-delà des élections, en luttant contre la mésinformation et la désinformation et en prenant des mesures spécifiques pour protéger les femmes et les groupes sous-représentés du harcèlement et des abus exercés pour des motifs politiques.
5.3. Participation citoyenne dans l’espace numérique
Une participation citoyenne active aux processus démocratiques, au-delà des urnes, est capitale pour la vitalité de la démocratie. Le Pilier II de l’initiative Renforcer la démocratie s’intéresse de manière plus détaillée et approfondie aux principales évolutions dans ce domaine (voir le Chapitre 2).
La transformation numérique offre de nombreuses possibilités d’améliorer la participation du citoyen à l’élaboration de la politique publique et à la prestation des services du secteur public. La participation numérique, à savoir l'utilisation de canaux numériques pour que les citoyens puissent participer à l'arène politique, à l'espace civique et à la prise de décision publique, promet des niveaux de participation et d'engagement des citoyens plus innovants et plus efficaces. Depuis les premiers jours de l'expérimentation du gouvernement numérique, "l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) pour accroître et renforcer l'engagement des citoyens dans le processus démocratique" (Parliamentary Office of Sciences and Technology, 2009[57]) a été citée dans les rapports sur la prospective du secteur public. À l’heure actuelle, elle peut prendre différentes formes : transmission d’informations, mécanismes d’établissement d’un ordre du jour (par ex. : les e-pétitions, permettant aux citoyens de directement soumettre ou régler un problème avec les services publics ou faire part de leurs préoccupations à l’État), procédures de consultation ou des formes plus intensives d'engagement (par exemple, des procédures de délibération en ligne ou crowdsourcing avec défis citoyens). La participation numérique ouvre la voie à un débat politique plus immédiat et continu et à la création d'espaces ouvertes de discussions, de délibération et de prise de décisions (OCDE, 2017[58]).
L’ère du numérique a aussi vu apparaître de nouveaux acteurs, aux profils plus divers, qui souhaitent s’engager à tous les niveaux de la vie politique pour mieux servir la société. Les caractéristiques de la participation numérique, notamment sa délimitation non géographique et son caractère asynchrone, peuvent permettre à un public beaucoup plus large de s'engager dans un même processus. Elle a également suscité l'intérêt de nouveaux types d'acteurs. Par exemple, le mouvement Open Data a grossi les rangs de ceux (citoyens engagés et start-ups civiques) qui travaillent en lien direct avec les autorités publiques pour assurer la coprestation de services d’intérêt public et la surveillance des autorités locales, notamment au niveau des villes. Les outils numériques bénéficiant à la participation citoyenne peuvent aussi contribuer à améliorer l’action collective, les mobilisations sociétales et soutenir les communautés virtuelles. Cependant, il reste difficile de parvenir à une participation significative qui permette de formuler des propositions au-delà des protestations, qui soit inclusive et représentative et qui ait des répercussions tangibles sur le processus décisionnel. Dans ce contexte très évolutif, la participation numérique offre un large éventail de possibilités à exploiter tout comme elle présente de nombreux défis qu’il convient de prendre en compte afin de renforcer la participation inclusive et engager ou réengager davantage les groupes et les jeunes désengagés. Ces défis vont de la protection des données au renforcement de la capacité des citoyens à utiliser des outils et données numériques.
5.3.1. Responsabiliser les citoyens au-delà des élections
Les plateformes, les canaux et les outils numériques offrent des espaces alternatifs de discussion, de consultation et de délibération sur les politiques publiques, tout en encourageant l’initiative politique citoyenne. Plus que jamais, ils complètent l’action des formes traditionnelles de participation citoyenne, tant au niveau individuel que collectif. En Estonie, par exemple, le portail d’initiative citoyenne baptisé rahvaalgatus.ee offre aux citoyens la possibilité de rédiger et d’envoyer au parlement ou aux autorités locales des propositions de loi ou d’amélioration de la réglementation, qu’ils peuvent ensuite suivre en ligne. Le droit de pétition collective est apparu en Estonie en 2014. De la même manière, Kansalaisaloite, la plateforme d’initiative citoyenne créée en Finlande en 2012 et gérée par le Ministère de la Justice, permet aux citoyens de soumettre des propositions de loi qui, si elles recueillent un soutien suffisant, peuvent être débattues au parlement. Un système de pétition électronique similaire existe au Royaume-Uni,10 où les citoyens ont soumis plus de 28 000 pétitions électroniques pour demander une action sur des sujets spécifiques dont le gouvernement ou le parlement sont responsables, soit en demandant une réponse, soit en portant des considérations à débattre. Ces solutions numériques permettent de contourner les restrictions et de surmonter les obstacles à la participation directe de certains groupes de citoyens. Citons ici deux initiatives distinctes menées au Mexique qui illustrent l’implication fructueuse de « groupes difficiles à atteindre » tels que les femmes, les jeunes et les résidents urbains marginalisés. « Block by Block » est une initiative d’ONU-Habitat qui utilise Minecraft (un jeu informatique) comme outil de promotion de la participation à la planification urbaine et le Mexico City Mapathon était une expérience de crowdsourcing ludique visant à impliquer les usagers des transports publics dans la cartographie des lignes de bus de la ville.
L’utilisation des plateformes numériques pour encourager et faciliter la participation citoyenne est désormais une pratique courante à tous les niveaux de l’État (NESTA, 2017[59]). L’enquête des Nations Unies sur l’Administration en ligne révèle que ces dernières années ont été marquées par la prolifération des mécanismes de consultation en ligne, plateformes nationales d’e-pétition et initiatives citoyennes et de crowdsourcing (UNDESA, 2020[60]). Le Portugal, par exemple, a développé Participa Portugal pour promouvoir les consultations publiques. Les États ont aussi mis au point des plateformes numériques facilitant l’engagement des citoyens pendant les périodes de confinement imposées par la pandémie de COVID-19 (voir l’exemple écossais).
En 2020, 27 des 32 pays de l’OCDE (85 %) disposaient de portails de participation utilisés par tous les ministères aux niveaux central et fédéral, fonctionnant comme un « guichet unique » pour les citoyens (Graphique 5.1), selon le rapport Panorama des administrations publiques, OCDE 2021 (OCDE, 2021[61]). Cette centralisation favorise l'adhésion des citoyens, facilite la communication, renforce la coordination et réduit les chevauchements entre les institutions publiques.
Les outils numériques permettent de renforcer les répercussions des pratiques participatives établies, telles que l’élaboration d’un budget participatif ou la responsabilité sociale. En l’occurrence, des plateformes numériques ouvertes peuvent être utilisées avec un double objectif : informer les citoyens et leur permettre de soumettre des propositions en ligne ou de voter les propositions en ligne. Certaines initiatives lancées par l’État, comme le « budget participatif » au Portugal, ont choisi la technologie pour rapprocher les citoyens de la prise de décision et assurer une meilleure cohésion entre régions, zones urbaines et zones rurales, à l’échelle nationale.11 De nombreuses institutions publiques ont mis en place des canaux numériques, afin de favoriser l'adoption des mécanismes de responsabilité sociale et de créer des boucles de rétroaction plus continues. Ainsi, la plateforme fala.br déployée par le Brésil constitue un point central permettant aux citoyens de faire part de leurs réactions ou de leurs plaintes à l’égard d’un service public (OCDE, 2022[62]).
Les technologies numériques peuvent aussi promouvoir des approches plus innovantes de la participation citoyenne. Au cours de la pandémie de COVID-19, en 2020 et 2021, les procédures de délibération se sont déroulées le plus souvent en ligne (OCDE, 2021[63]). La Finlande, par exemple, a organisé plusieurs procédures de délibération en ligne afin de recueillir les recommandations d’un groupe représentatif de citoyens sur des questions telles que la lutte contre les discours de haine en ligne ou l’infrastructure (City of Turku, 2020[64]). Cette tendance devrait se poursuivre, avec un fonctionnement 100 % en ligne ou sous forme hybride. Parmi les autres fonctions innovantes que peut offrir le numérique, citons le recours à l’intelligence artificielle pour « cartographier » les contributions citoyennes, comme à Taïwan (GovLab, 2019[65]), l’utilisation de la réalité virtuelle ou la ludification des processus participatifs pour lutter contre la faible motivation et le désengagement (Tseng, 2022[66]), ainsi que les plateformes sociales d’écoute active, comme Citibeats en Espagne. Les outils de participation numérique et les plateformes de crowdsourcing sont aussi massivement déployés au niveau supranational, comme l’a notamment montré la Conférence sur l’avenir de l’Europe ou l’assemblée mondiale de citoyens de la COP26, dans la mesure où ils peuvent représenter une solution particulièrement efficace pour faciliter l’engagement citoyen sur des enjeux régionaux et internationaux, en offrant une portée importante malgré la distance physique et la barrière de la langue.
La technologie permet aussi des relations de plus en plus directes et interactives entre les citoyens et les institutions, dans le cadre de la co-conception et la co-prestation de solutions aux problèmes publics, notamment au niveau des villes. Par exemple, certaines solutions se répandent à travers le monde sur le modèle de l’application FixMyStreet développée au Royaume-Uni ; cette dernière permet aux citoyens de signaler, à l’autorité locale concernée, des problèmes liés aux infrastructures ou à la prestation des services publics. FixMyStreet est une plateforme cartographique mise au point par mySociety , via laquelle les citoyens peuvent informer les autorités locales des problèmes nécessitant une attention particulière, comme des nids-de-poule sur la chaussée ou des lampadaires cassés. Au niveau national, aux États-Unis, la National Association of State Procurement Officials (NASPO) a lancé en 2021 un appel d’offres pour trouver des fournisseurs de plateformes d’engagement citoyen polyvalentes capables de répondre aux attentes de sept États fédérés (NASPO, 2021[67]).
Les investisseurs à impact social soutiennent eux aussi ces technologies dans le cadre d’initiatives de qualité développées par des start-ups civiques et technologiques. En mai 2022, Globant, un fonds international de capital-risque, a lancé Be Kind Tech Fund, un fonds de 10 millions USD investi dans des start-ups qui luttent contre les dommages collatéraux de la technologie, et son utilisation abusive, dans la société. Des entreprises à vocation philanthropique interviennent également en créant des fonds dédiés à l'investissement dans les technologies d'intérêt public déployées par des organisations civiques dans l’optique de résoudre des problèmes de société et d’améliorer l'administration.12 Ainsi, en 2019, la Fondation Ford a créé un fonds pour les technologies d'intérêt public (Public Interest Technology Catalyst Fund) doté de 50 millions USD, qui a permis de lever 150 millions USD supplémentaires de subventions auprès de fondations partenaires depuis 2020.
Les solutions numériques sont aussi utilisées pour améliorer le fonctionnement des institutions représentatives démocratiques traditionnelles. Les institutions législatives sont plus en plus expertes en initiative de démocratie numérique, passant des plateformes ad hoc aux écosystèmes numériques intégrés. Les technologies numériques contribuent à moderniser les processus législatifs ; elles facilitent le travail des comités, permettent de délibérer à distance, améliorent la transparence des pratiques parlementaires et les relations avec les administrés et transforment le processus d’élaboration des lois (Mohun et Roberts, 2020[68]). En 2020, par exemple, le parlement britannique a adopté une stratégie numérique quinquennale pour moderniser son fonctionnement interne et améliorer ses relations externes avec les administrés. De la même manière, la stratégie numérique du parlement australien pour la période 2019-22 comporte une feuille de route pour l’amélioration, par la technologie numérique, du travail des parlementaires et de leur engagement envers leurs administrés.
En ce qui concerne la mise en œuvre des technologies, l’enquête de l’OCDE de 2018 sur les pratiques budgétaires des parlements s’est intéressée à la participation publique au processus budgétaire. Sept parlements nationaux indiquent utiliser les e-pétitions (Estonie, Finlande, Allemagne, Corée, Luxembourg, Nouvelle-Zélande et Portugal) ; alors que les parlements de la France, la Grèce et la Suisse disent organiser des « débats numériques sur les plateformes de médias sociaux » (OCDE, 2019[69]). Des pays comme la France et l'Argentine ont développé une plateforme numérique institutionnelle pour les pétitions et les consultations. D'autres pays, comme le Chili et le Brésil, ont mis en place une infrastructure numérique comprenant des applications de streaming, des outils de rédaction collaborative et des applications mobiles pour renforcer la participation des citoyens tout au long du cycle législatif.
Les administrations municipales, notamment, ont bien réussi à tirer parti des plateformes et des outils numériques afin de créer un écosystème numérique qui renforce la participation des citoyens. L’enquête des Nations Unies 2020 sur l’Administration en ligne révèle que la participation citoyenne se fait principalement par le biais des fonctions de réseaux sociaux (79 %), l’envoi d’un commentaire ou d’une réclamation (72 %), des processus de délibération et de prise de décision (45 %) et des informations sur les réunions publiques de la ville ou des conseils municipaux (43 %). Seul un petit nombre participe par le biais des forums de vote (28 %) ou publie un commentaire sur les processus de consultation (23 %) (UNDESA, 2020[60]). Ces plateformes sont généralement intégrées dans des innovations ouvertes plus larges, inscrites dans les stratégies de villes intelligentes et les initiatives d’administration ouverte. Par exemple, les principaux piliers de la stratégie Digital City de Barcelone incluent la transformation numérique, l’innovation numérique et l’autonomisation numérique, y compris la promotion des droits civiques dans les villes. En Colombie, la plateforme de participation citoyenne Yo Participo13 fait partie intégrante de la stratégie d’administration ouverte de la ville.
Nombre de villes dans le monde ont adopté des plateformes numériques de participation citoyenne. Ces plateformes permettent aux citoyens de s'impliquer dans un ensemble varié de mécanismes participatifs (budgets locaux, consultations, assemblées de citoyens, mairies ou sondages d'opinion, par exemple). En outre, elles centralisent et facilitent ainsi l'accès aux informations relatives au droit de participation, se prêtent à des discussions collectives, permettent un retour d'information sur des processus fermés. Elles sont progressivement associées à d'autres solutions numériques telles que des solutions d'identité numérique ou des chatbots gouvernementaux.
En 2015, la ville de Madrid a lancé sa plateforme en ligne, Decide Madrid, avec pour ambition d’encourager la participation citoyenne à la gouvernance locale, aux budgets participatifs et aux projets d’investissement. Elle fonctionne sur la base d’un logiciel Open Source développé par la municipalité de Madrid, Consul, désormais déployé dans 135 villes et 35 pays.
La ville de Barcelone a développé sa propre plateforme participative Decidim Barcelona, initialement dédiée au budget participatif et à la surveillance des travaux publics ; cette dernière permet à l’administration locale d’interagir avec les citoyens au travers de divers mécanismes, dont l’information et les données, les consultations publiques, les réunions municipales et les budgets participatifs . Elle s’appuie sur un logiciel Open Source (Decidim) désormais utilisé par de grandes villes ou régions comme Helsinki, Mexico, Milan et New York.14 Elle offre un espace numérique au sein d’un processus participatif où les citoyens peuvent débattre, répondre et rassembler des propositions.
Better Reykjavik est une plateforme islandaise qui prône davantage de transparence et un rôle accru des citoyens dans l’établissement du budget de la ville ; les autorités locales intègrent cette solution dans leurs processus administratifs et entretiennent un dialogue permanent avec les citoyens sur les propositions et initiatives soumises par ces derniers.
Enfin, les organisations non gouvernementales exploitent également les outils numériques pour donner aux citoyens davantage de visibilité sur les institutions publiques, en s'associant souvent à des start-ups civiques. Au Royaume-Uni, par exemple, pour aller au-delà du simple accès à l’information et renforcer la responsabilité sociale, mySociety a mis au point des outils de démocratie numérique Open Source comme TheyWorkForYou, qui publie les relevés de votes en vue d’inciter les parlementaires à rendre compte de leur travail, et WriteToThem, qui permet aux citoyens d’échanger avec leurs élus, que bien souvent ils ne connaissent pas, grâce à un logiciel qui met en correspondance le code postal de l’administré et la circonscription concernée. Au Brésil, Serenata de Amor utilise l’intelligence artificielle pour auditer les comptes publics et permettre un contrôle externe sur les émoluments des parlementaires. Cette start-up civique et technologique a créé Rosie, un robot animé par l’IA, pour analyser les dépenses des parlementaires et détecter les transactions suspectes.
Cependant, ces outils et plateformes numériques doivent être inclusifs, « engageants » et accessibles à tous. Le développement d'un outil numérique peut avoir des répercussions sur la manière dont les citoyens interagissent et expriment leurs opinions. Il peut notamment s’agir de considérations sur le format des discussions (texte seul, hiérarchisation des commentaires, etc.) ou l'identification des participants (Shortall, 2020[70]). La conception de la plateforme Decide Madrid devait répondre à deux critères essentiels : convivialité et simplicité d’utilisation. En vue d’améliorer la conception de son infrastructure numérique, la Chambre des députés du Brésil a mis en place un espace physique (Hacker Lab) où les différentes parties prenantes, dont des développeurs, des spécialistes des données, des concepteurs, des experts en sciences sociales et des élus, peuvent collaborer, générant ainsi un écosystème numérique intégré qui permet une participation continue au processus de légifération.
Les outils numériques ne peuvent renforcer et améliorer un processus participatif qu’à la condition que le processus lui-même soit bien conçu et mis en œuvre. Les États devraient aussi avoir clairement à l’esprit la finalité et les résultats attendus de ces initiatives en intégrant les solutions numériques dans les processus d’administration publique et en assurant une réponse administrative appropriée aux contributions des citoyens. Pour soutenir les autorités publiques en la matière, en s'appuyant sur le rapport de 2020 intitulé « Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching the Deliberative Wave » (OCDE, 2020[71]), l'OCDE publiera ses principes directeurs sur la participation des citoyens (OECD Citizen Participation Guidelines) qui proposent un parcours en dix étapes visant à concevoir, mettre en œuvre et évaluer comme il se doit un processus participatif. Ces principes directeurs prévoient une étape pour aider les autorités publiques à décider de la bonne approche quant à l’utilisation des outils numériques dans leur processus. Ils contiennent également des préconisations sur le choix des outils et sur les modalités de leur mise en œuvre.
Malgré ses promesses, la technologie n’est toutefois pas la panacée ; elle ne peut se substituer à une refonte indispensable des institutions publiques pour une meilleure représentation et une meilleure participation (voir le Chapitre 2), et l’offre des canaux numériques ne compensera pas non plus le faible intérêt des citoyens pour les discussions au niveau politique. Les outils numériques viennent davantage en appoint des mécanismes de participation traditionnels, qui sont toujours d’actualité, notamment en ce qui concerne les groupes marginalisés et vulnérables disposant d’une culture numérique restreinte. Ces outils contribuent en effet à diversifier les profils de citoyens engagés sur les canaux numériques et à prévenir ou limiter les nouvelles exclusions induites par la « fracture numérique ». Les solutions numériques elles-mêmes devraient être compatibles avec les règles, principes et contrôles démocratiques, être transparentes et responsables quant à leur propre impact, impliquer les citoyens d’un bout à l’autre de leur conception afin de garantir leur adéquation avec l’usage prévu, et garantir la sécurité et la protection de l’engagement et de la participation des citoyens. En outre, la construction d'une "aptitude démocratique" par le renforcement des capacités, de la confiance et de l'engagement des citoyens reste un facteur clé pour améliorer la participation au système démocratique (voir chapitre 2). L’engagement citoyen doit quant à lui être conforme aux freins et contrepoids mis en place par le législateur et être encadré par des systèmes qui protègent les programmes de l’action de certains groupes organisés cherchant à les exploiter à leur propre avantage.
5.3.2. (Ré)engager les natifs numériques
Renforcer l’engagement citoyen par la consultation et la participation en ligne semble particulièrement approprié pour les jeunes. L’enquête de l’OCDE sur la confiance montre qu’en moyenne 37.9 % des 18-29 ans font plutôt confiance à l’État, contre 41.8 % chez les 30-49 et 45.9 % pour les 50 ans et plus (OCDE, 2022[32]). Si les jeunes, pour une part importante, peuvent être considérés comme des « Digital Natives », ils demeurent nettement sous-représentés au sein des institutions publiques et dans les formes institutionnalisées de participation politique, comme les plateformes électorales ou l’appartenance aux partis politiques. À l’inverse, avec la prolifération des outils numériques, les jeunes se sont progressivement tournés vers des formes non institutionnalisées d’engagement politique, y compris via des canaux numériques comme les médias sociaux (OCDE, 2020[72] ; OCDE, 2022[73]). Le guide de communication de l’OCDE Faire participer les jeunes au gouvernement ouvert (OECD Communication Guide on Engaging Young People in Open Government), par exemple, a été conçu pour aider les pays à mieux communiquer avec les jeunes afin de les amener à s’impliquer dans les réformes de l’administration ouverte, en s’appuyant sur les recherches et les études de cas réalisées dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2018[29]).
En réponse à la crise de COVID-19, de nombreux États ont lancé des initiatives de participation numérique, y compris des consultations en ligne, afin d’impliquer les jeunes dans l’élaboration des réponses à la crise et des mesures de relance post-COVID. L’Allemagne, l’Estonie, la Lituanie, la Pologne et la Suisse, par exemple, ont organisé ou soutenu financièrement l’organisation de hackathons virtuels au cours des premières phases de la pandémie afin de favoriser l’émergence d’idées novatrices susceptibles de contribuer à limiter les conséquences sanitaires, sociales et économiques de la crise (OCDE, 2020[74]). Les conclusions montrent que les stratégies d’engagement numérique qui privilégient une interaction bilatérale, où les jeunes se sentent responsabilisés et où la priorité est donnée aux approches collaboratives, sont plus susceptibles de se traduire par un engagement réel des jeunes dans les processus de participation publique (OCDE, 2018[29]).
Les plateformes de participation numérique peuvent s'inspirer des canaux ou des espaces numériques investis par les jeunes pour inciter ce groupe sous-représenté à revenir vers la participation institutionnalisée. Les natifs du numérique sont présents dans les médias sociaux et ont intégré les communications et les canaux en ligne dans leurs interactions quotidiennes. La participation numérique pourrait prendre une forme la rapprochant davantage des espaces numériques existants afin de rendre ces possibilités de participation plus attrayantes pour les jeunes générations. Cela peut passer par l'adoption de fonctionnalités telles que le « ranking », l'interaction multimédia et la « gamification ». Par exemple, lors des élections présidentielles françaises de 2022, les ministres et les candidats ont eu recours à la plateforme de streaming de jeux vidéo Twitch pour s'engager auprès des jeunes électeurs. Les communautés civiques et technologiques ont créé des applications de type « Tinder », comme Elyzee, pour dynamiser le volume d’informations sur les campagnes et les programmes électoraux.
La Recommandation du conseil de l’OCDE sur la création de meilleures opportunités pour la jeunesse (Recommendation of the Council on Creating Better Opportunities for Young People), adoptée en juin 2022, souligne la possibilité d’utiliser les outils numériques pour mettre en œuvre des méthodes plus innovantes de communication et d’engagement auprès des jeunes, organisés ou non. Elle prend également acte du fait que les moyens numériques sont importants pour engager les jeunes à tous les stades de l’élaboration des politiques publiques et qu’il conviendrait de créer ou renforcer des structures, comme les organes consultatifs de la jeunesse, dans les domaines tels que la gouvernance et la politique relatives aux technologies numériques. Les États peuvent aussi prendre des mesures spécifiques afin de développer la capacité des jeunes à participer au dialogue démocratique sur des politiques visant à lutter contre le changement climatique, l’accroissement des inégalités et les menaces qui pèsent sur les institutions démocratiques (OCDE, 2022[73]).
Enfin, on reconnaît de plus en plus l’importance de développer la citoyenneté numérique et de renforcer l’éducation à la citoyenneté numérique dans le but de promouvoir chez les jeunes l’engagement civique dans l'espace numérique (OCDE, à paraître[75] ; Mossberger, Tolbert et McNeal, 2007[76]). Cette nécessité s’explique par la façon dont les jeunes s’engagent et communiquent sur les enjeux civiques, par le biais des médias sociaux. Selon le Conseil de l'Europe (2016), « La citoyenneté numérique se réfère à la capacité de s'engager positivement, de manière critique et compétente dans l'environnement numérique, en s'appuyant sur les compétences d'une communication et d'une création efficaces, pour pratiquer des formes de participation sociale respectueuses des droits de l'homme et de la dignité grâce à l'utilisation responsable de la technologie » (Conseil de l'Europe, 2016[77]). Les initiatives visant à renforcer une citoyenneté numérique responsable incluent le travail en partenariat avec les plateformes sur lesquelles les discours contraires aux valeurs démocratiques se généralisent, qui permettrait de cibler l’éducation politique des jeunes à l’ère du numérique, ou encore la collaboration avec les établissements scolaires pour soutenir l’engagement civique numérique des élèves. À cette fin, le Conseil de l'Europe élabore un Cadre de référence des compétences pour une culture de la démocratie, qui sera adapté en vue d’être utilisé dans les écoles primaires et secondaires et les établissements d'enseignement supérieur et de formation professionnelle de toute l'Europe, ainsi que dans les programmes d'études et d'enseignement nationaux.15
5.3.3. Garantir l’inclusion numérique
Les technologies digitales peuvent aussi contribuer à augmenter la représentation et la participation des groupes sous-représentés dans les processus démocratiques. Elles peuvent donner plus d’ampleur au processus participatif, en gommant les distances physiques, en permettant une interaction asynchrone et en mettant à disposition de nouvelles fonctionnalités, comme la traduction automatique. Mais elles peuvent aussi créer de nouvelles formes d’exclusion, dans la mesure où les hommes, les habitants des zones urbaines et les jeunes sont plus susceptibles d’être connectés que les femmes, les habitants des zones rurales et les personnes âgées (ITU, 2021[78] ; OCDE, 2021[79] ; OCDE, 2020[80]).
Pour que s’épanouisse la démocratie numérique, les autorités publiques devraient donc régler la question des inégalités numériques (Schradie, 2018[81]), à la fois en termes d’accès et de capacité à utiliser les technologies numériques, dans le cadre d’une participation civique et politique, en proposant des solutions analogues, en garantissant l’accès à Internet et en réduisant les écarts de compétences numériques entre les citoyens. Puisque l'activité politique et l'espace civique reposent de plus en plus sur les technologies et les outils numériques, les citoyens doivent disposer des compétences numériques suffisantes pour se familiariser avec les outils et les plateformes de participation numérique et en maîtriser l’utilisation. Pour limiter les risques d’exclusion des mécanismes de participation numérique et ne laisser personne pour compte dans la transition numérique, l’amélioration de la culture numérique est une nécessité. La participation numérique ne doit donc aucunement être exclusive et incompatible avec les canaux plus traditionnels, mais complémentaire de ceux-ci, afin de (ré)engager les citoyens dans la vie civique et les processus politiques.
Les pays prennent des mesures pour relever le défi des compétences numériques et lutter contre l’exclusion numérique, ce qui est indispensable pour des démocraties inclusives à l'ère numérique. L’inclusion numérique doit garantir que personne ne soit laissé pour compte dans la transition numérique, en termes d'accès, d'accessibilité financière et de capacité à utiliser les outils numériques de manière productive. Elle nécessite en particulier des approches différenciées adaptées aux besoins des différentes populations, notamment les groupes vulnérables, les personnes âgées et les personnes handicapées. En 2018, par exemple, la France a lancé une Stratégie nationale pour un numérique inclusif, avec une double ambition : évoluer vers une société numérique sûre, centrée sur l’humain. En assurant une formation numérique à 4.5 millions de ses citoyens, l’objectif est d’atteindre l’inclusion numérique d’un tiers de la population française à un horizon de 10 ans. Ces initiatives sont particulièrement importantes au niveau local, tant dans les zones rurales qu’urbaines. L’Écosse a mis sur pied un programme d’inclusion baptisé No One Left Behind Digital Scotland16 et adopté, en 2014, une Charte de la participation numérique (Digital Participation Charter)17 afin de promouvoir la participation citoyenne dans l’espace numérique.
Une question encore plus complexe est celle des efforts visant à améliorer la culture numérique en donnant aux citoyens les moyens d'utiliser la technologie ou de naviguer sur l'Internet de manière responsable et sûre. Ces efforts sont essentiels, car les services sont davantage accessibles en ligne et le recours à l'identité numérique est de plus en plus présent dans la vie des gens. La réduction des inégalités numériques passe par le déploiement de nombreux efforts, dont l’amélioration de l'infrastructure numérique existante, des formations spécialisées, et des programmes de sensibilisation à la sécurité numérique. Toutes ces initiatives visent à offrir une aide ciblée aux citoyens afin qu'ils puissent exploiter, de façon efficace et sûre, les outils numériques pour renforcer leur participation à la politique locale et à la vie civique (OCDE, 2019[82]). Par exemple, le Portugal offre à ses citoyens une formation à la cybersécurité.18
5.3.4. Pistes pour l’avenir
La perspective d’améliorer la qualité et l’impact de la participation citoyenne à l’ère du numérique en exploitant tout le potentiel des nouvelles technologies permet aux pouvoirs publics de dégager un certain nombre de priorités :
Contrôler, améliorer et actualiser en permanence les outils de démocratie numérique afin de donner aux citoyens, en particulier aux jeunes, les moyens de prendre part aux décisions qui concernent leur vie quotidienne, avec l’appui de technologies civiques innovantes et de nombreuses parties prenantes (utilisateurs et communautés techniques) ;
Fournir les ressources nécessaires (humaines, financières et techniques) pour développer, maintenir et utiliser des outils numériques à des fins démocratiques, notamment l'analyse des contributions des citoyens reçues via ces outils ;
Soutenir une évolution vers des écosystèmes intégrés d'outils et de plateformes qui dessinent un espace cohérent de participation numérique, en particulier au niveau des villes ;
Veiller à ce que les technologies et les outils utilisés dans les processus participatifs soient adaptés à la démocratie : ils doivent respecter les principes de transparence et de responsabilité, des normes éthiques, mettre en œuvre une solide protection des données et une transparence algorithmique ;
Démontrer et communiquer les résultats de la participation des citoyens à la prise de décision et à la conception conjointe de mesures politiques, en particulier au niveau local et municipal ;
Assurer une gouvernance solide des processus participatifs afin d’éviter qu’ils ne soient détournés au profit d’intérêts particuliers, garantir la représentativité, établir des liens solides avec les institutions démocratiques traditionnelles, en particulier le parlement, et veiller à ce que les attentes concernant les résultats de ces processus participatifs soient satisfaites, notamment grâce à une solide communication ex ante et ex post ; et
Prendre des mesures pour réduire la fracture numérique en garantissant l’égalité d’accès aux outils démocratiques qu’offre l’ère du numérique, et favoriser l’inclusion de communautés marginalisées et de groupes vulnérables afin que personne ne soit laissé pour compte, en tirant parti de l’utilisation combinée d’outils numériques et analogiques.
5.4. Améliorer la transparence et la responsabilité des pouvoirs publics à l'ère numérique
La numérisation offre une multitude de possibilités d’améliorer la transparence, la responsabilité et l’intégrité des pouvoirs publics. La transformation numérique des administrations publiques permet l'automatisation des processus et la numérisation des données au sein des administrations publiques, ce qui améliore non seulement l'efficacité et la fiabilité des opérations gouvernementales, mais aussi leur transparence et la diminution des possibilités de violation de l'intégrité. Elle permet également à des guichets de service plus agiles d'interagir avec les utilisateurs, ce qui améliore la réactivité, la transparence et la responsabilité dans la prestation des services publics. Depuis la fourniture proactive de données ouvertes jusqu’à la diffusion en direct des débats gouvernementaux et parlementaires, en passant par les vérifications alimentées par l’intelligence artificielle et l'analyse de données, les possibilités sont nombreuses de tirer parti des nouvelles technologies pour moderniser l’administration.
Néanmoins, il n’est pas toujours facile de concevoir des mécanismes de transparence « adaptés » dans le contexte du numérique. Par exemple, accroître la disponibilité des données administratives et des technologies civiques ne renforce pas automatiquement le pouvoir d’action des citoyens, en l’absence d’un contexte institutionnel suffisamment réactif pour traiter les demandes. Une plus grande ouverture des données publiques et une analyse plus efficace de la lutte contre la corruption pourraient provoquer, à court terme, une sensibilisation accrue des citoyens à l’égard de la corruption. Il ne faudrait sans doute pas s’attendre à un contrôle externe plus efficace de la part des organisations civiques et des institutions de responsabilisation, qui ne disposent peut-être pas des compétences ou des moyens d'utiliser efficacement ces innovations numériques, ni des incitations politiques pour y donner suite. En outre, pour accroître la transparence et la responsabilité du secteur public dans ses activités, il convient d’associer les avantages des technologies émergentes, en particulier l’analyse des données et l’intelligence artificielle, à de nouveaux moyens de garantir la fiabilité de leur utilisation par les pouvoirs publics.
5.4.1. Ouverture des données publiques
De nombreux gouvernements ont fait des progrès considérables en matière d'ouverture des données publiques aux fins de soutenir la transparence des processus d'élaboration des politiques (G8, 2013[83]). Des données publiques ouvertes de qualité sont essentielles pour que les unités de réalisation au sein des centres de gouvernement puissent mieux superviser et contrôler les performances globales des pouvoirs publics. Les dispositions relatives aux données ouvertes désignent « les modalités non discriminatoires d’accès aux données et de partage de celles-ci, dans des conditions où les données sont lisibles par la machine, accessibles et pouvant être partagées, à titre gratuit, et utilisables par quiconque, à quelque fin que ce soit, dans le respect tout au plus d’exigences préservant l’intégrité, la provenance, l’attribution et l’ouverture » (OCDE, 2021[84]). Les données publiques ouvertes aident les gouvernements à améliorer l'efficacité opérationnelle des administrations publiques, la qualité des dépenses publiques et le ciblage des programmes sociaux. Elles ont également joué un rôle essentiel dans l'amélioration de la conception, de la prestation et de la réactivité des services publics, via une meilleure adaptation aux besoins des utilisateurs (OCDE, 2019[85]). En outre, elles s'avèrent être un outil essentiel pour accroître la transparence et la responsabilité des politiques et des programmes publics, contribuant à garantir l'intégrité et à atténuer la fraude dans les domaines politiques à haut risque tels que la fiscalité, la budgétisation et les marchés publics.
Les pays ouvrent les données relatives aux élections, au lobbying, à la budgétisation et aux marchés publics afin d'accroître la transparence et la responsabilité en matière de gouvernance publique (Graphique 5.2). Ainsi que le précise la Section 5.2 du présent chapitre, des données électorales ouvertes sont essentielles pour renforcer l'intégrité des élections et responsabiliser les acteurs électoraux. Il peut s'agir de données sur les résultats des élections, ainsi que de données sur les circonscriptions électorales, le financement des campagnes, l'inscription des électeurs et la résolution des différends. En plus de faciliter la participation, l'ouverture des données afférentes aux partis politiques peut contribuer à rétablir la confiance dans ces derniers et à améliorer la responsabilité de la démocratie représentative basée sur les partis (Scarrow, Webb et Poguntke, 2017[86]). En outre, la publication de données ouvertes sur le lobbying peut contribuer à renforcer la transparence et la confiance dans les processus décisionnels publics en atténuant les risques d'influence indue. La Commission et le Parlement européens ont mis en œuvre une approche globale pour ouvrir les données sur le lobbying, notamment un registre des lobbyistes, des réunions et des activités externes des fonctionnaires avec les lobbyistes. La société civile réutilise ces données pour développer des mécanismes de surveillance, tel que le portail européen Integrity Watch.19
Les pouvoirs publics rendent disponibles mettent à disposition une série de données budgétaires ouvertes, notamment des données sur la gestion des recettes, les investissements publics et les marchés publics. Ces données budgétaires ouvertes contribuent à la fois à améliorer le fonctionnement du gouvernement et à permettre un contrôle externe. Les institutions publiques elles-mêmes, en particulier les ministères des finances, ont tout intérêt à améliorer la fiabilité, l’accessibilité et la réutilisabilité des informations sur les finances publiques, notamment celles des administrations locales et municipales, car la tendance à la décentralisation fiscale a considérablement augmenté la part des ressources publiques gérées et administrées par les autorités locales et les entreprises publiques. La société civile, les organisations professionnelles et les développeurs de logiciels utilisent également ces données pour mettre au point des outils de suivi des recettes et des dépenses, produisant des applications et des documents visuels en libre accès qui renforcent la transparence budgétaire. Les pouvoirs publics ont adopté des plans d'action pour un gouvernement ouvert avec un engagement spécifique à renforcer la transparence fiscale. Ils ont également adhéré à des initiatives et des normes volontaires qui ont fait progresser de manière significative la transparence budgétaire.20 La Panoplie OCDE des instruments de la transparence budgétaire (OCDE, 2017[87]) définit une série de normes minimales pour les données budgétaires ouvertes. Enfin, les données ouvertes qui contiennent des informations sur le lobbying peuvent, avec l’usage de normes et d’identifiants, faciliter grandement la transparence et l’intégrité au sein du secteur public, par exemple en soutenant le recoupement de données provenant de différentes sources comme les contributions au financement politique (OCDE, 2021[35]).
Des innovations numériques exploitant les données sont également déployées par les administrations nationales et municipales, ainsi que par les organismes de contrôle, pour suivre la mise en œuvre financière et physique des travaux publics. Des plateformes de géoréférencement, souvent développées ou utilisées par les ministères des finances et les instances de contrôle, ont été utilisées pour suivre l’évolution des dépenses d’investissement public. Par exemple, en Amérique latine, plusieurs gouvernements, dont l'Argentine, la Colombie, le Costa Rica et le Pérou, ont amélioré leurs systèmes de gestion des investissements publics afin de mieux suivre les travaux publics et de favoriser la transparence des marchés publics. La Colombie a mis au point une application mobile appelée Elefantes Blancos qui invite les citoyens à surveiller les projets de travaux publics négligés, abandonnés ou surfacturés.
Il est désormais avéré que la pertinence des données ouvertes sur les marchés contribue à ancrer l'intégrité dans le secteur public. Un grand nombre de pays de l'OCDE ont fait des progrès considérables ces dernières années en recourant à des outils numériques pour ouvrir les données sur les marchés publics, notamment la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Mexique et la Colombie (Open Contracting Partnership, 2022[88]). Étant donné que les marchés publics représentaient environ 12.6 % du PIB des pays de l’OCDE en 2019 (OCDE, 2021[61]), la publication de ces données induit un renforcement important de la transparence, mais aussi de l’efficacité des dépenses publiques dans cette période de contraintes budgétaires et de ralentissement économique. Même si de nombreux pays de l’OCDE ont fait des progrès considérables en matière de publication de telles données, celles contenant toutes les informations pertinentes sur les marchés publics, au-delà des renseignements d’ordre contractuel, font encore largement défaut dans de nombreux pays du monde entier, notamment dans les formats standardisés qui facilitent leur réutilisation à des fins secondaires (Open Contracting Partnership, 2022[88]). L'amélioration de la qualité des données sous-jacentes est essentielle afin qu’elles puissent être réutilisées efficacement par les entités publiques, les organismes de contrôle et la société civile.
Les organismes de l’administration centrale (ministères des finances et organismes de passation de marchés de l’administration centrale) ainsi que les institutions de surveillance indépendantes développent de plus en plus d’outils d’analyse de l’intégrité en s’adossant à des données ouvertes sur les marchés publics. Les ministères des finances, les autorités fiscales et les organismes de passation de marchés de l’administration centrale élaborent et déploient des plateformes dédiées à l'analyse de données et à l’intelligence artificielle pour mieux contrôler les dépenses publiques des ministères de tutelle et des administrations infranationales. Les institutions de surveillance indépendantes telles que les bureaux d'audit et les agences de lutte contre la corruption ont recours à des robots dotés d'intelligence artificielle pour signaler les irrégularités dans les marchés publics, en particulier au niveau infranational. Ces outils se sont révélés particulièrement utiles pendant la pandémie pour détecter les anomalies dans les dépenses de santé d’urgence, ainsi que pour faciliter un contrôle continu et efficace dans les environnements de travail à distance (OCDE, 2022[89]). Au Brésil, ALICE (Analisador de Licitações, Contratos e Editais), l’analyseur d’offres, de contrats et d’avis publics déployé par le Bureau du contrôleur général de l’Union (CGU) et la Cour fédérale des comptes (TCU) a eu un impact positif significatif. Il a en effet permis de recenser les risques d’intégrité au Brésil et de s’attaquer à la corruption dans les marchés publics de l’administration publique fédérale. Plus de 100 000 avis de marché ont été analysés et, entre décembre 2018 et novembre 2019, 8 offres ont été révoquées, pour un montant total d’environ 3.2 milliards BRL. En outre, 14 offres ont été suspendues suite à la détection de signes de corruption par ALICE, pour un montant total de 470 millions BRL. En 2021, 139 566 offres ont été évaluées ainsi que 35 461 avis (OCDE, 2022[90]).
Les organismes de contrôle font équipe avec des start-ups spécialisées dans les technologies d’administration publique (Govtech) en vue d’exploiter la richesse et la diversité des données pour détecter les tendances douteuses et lancer des signaux d’alerte. De plus en plus, des start-ups fondées sur la technologie et alimentées par les données cherchent à nouer des partenariats à impact social avec la société civile pour tirer parti de ces données contre la corruption. Par exemple, la start-up française Linkurious et la suédoise Neo Technology ont aidé le Consortium international des journalistes d’investigation à extraire un sens de la masse des données divulguées par le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, déclenchant le scandale planétaire des « Panama Papers ». La disponibilité de technologies civiques réutilisant des données ouvertes a réduit les asymétries d’information entre les citoyens et les pouvoirs publics, et a renforcé l’engagement des citoyens envers l’intégrité publique et la lutte contre la corruption. Les citoyens peuvent tirer parti des innovations numériques pour détecter les irrégularités potentielles dans les services publics et les marchés publics, poser des questions sur des processus bureaucratiques compliqués, et générer et diffuser des informations sur les irrégularités commises dans le secteur public (OCDE, 2017[91] ; Bauhr et Grimes, 2013[92] ; GIZ, 2018[93]).
Par exemple, les systèmes de notification et de divulgation en ligne concernant le financement politique permettent aux citoyens de consulter les dons faits aux partis politiques et leurs rapports financiers annuels, et de militer en faveur de rapports de financement, tant pour les partis que pour les candidats (International IDEA, 2017[94]). De la même manière, les applications mobiles offrent aux lanceurs d'alerte un canal sûr et anonyme pour divulguer les activités illégales ou contraires à l'éthique auxquelles ils font face sur leur lieu de travail. D’autres plateformes civiques/technologiques contribuent à superviser et promouvoir la transparence et l’intégrité des institutions démocratiques et de leurs représentants. Citons à titre d’exemples Vouli Watch en Grèce ou Parlameter en Slovénie, ainsi que d’autres initiatives portant sur la responsabilité et le positionnement des élus comme Who can I vote for au Royaume-Uni ou sur les procédures de passation des marchés publics comme Harta Banilor PubliciM en Roumanie.
Enfin, la réforme de la justice ouverte peut favoriser la confiance dans l’administration de la justice et dans le système judiciaire (Lelièvre, 2017[95] ; OCDE, 2022[96]). L’État de droit est au cœur de la démocratie et de la confiance dans les institutions. Pourtant, l’enquête de l’OCDE sur la confiance indique que, si la confiance globale des citoyens dans le système judiciaire est relativement élevée, seuls 4 répondants sur 10, en moyenne, pensent que les tribunaux de leur pays rendent leurs décisions librement, sans interférence ni influence politique (OCDE, 2022[32]). La publication proactive de données ouvertes pertinentes, tout en protégeant la vie privée des parties concernées et en utilisant des outils d'auto-assistance faciles à utiliser pour trier les questions juridiques, peut contribuer à renforcer la transparence en matière d'administration de la justice et d'accès inclusif à la justice. En effet, une telle publication peut favoriser l’intelligibilité et la traçabilité des décisions judiciaires et des normes applicables (par exemple, en présentant les informations disponibles en ligne dans un langage simple). Ces stratégies permettent aux personnes et aux entreprises de connaître, comprendre et faire valoir leurs droits et de suivre la résolution de leurs problèmes juridiques. En outre, les pays rédigent de plus en plus de conseils juridiques en langage simple à l'intention des citoyens. C’est, par exemple, le cas du site internet britannique intitulé « You and the judiciary » (Vous et le système judiciaire), qui dispense des informations et des conseils clairs sur la manière de saisir un tribunal, de prononcer une peine, de faire appel d'une décision, de s'adresser aux membres du système judiciaire et de déposer une plainte. Il fournit de surcroît des liens utiles vers les formulaires nécessaires et les entités auxquelles s'adresser pour obtenir une assistance juridique gratuite (UK Courts and Tribunals Judiciary, s.d.[97]).
L'obtention de systèmes judiciaires plus intelligents passe nécessairement par une innovation numérique et la transformation numérique des systèmes judiciaires a accéléré le rythme ces dernières années. De nombreux pays de l'OCDE, comme la Colombie, la Lettonie, le Portugal, la Nouvelle-Zélande, l'Espagne et le Royaume-Uni, se sont lancés dans des réformes de l'administration de la justice axées sur la personne, en exploitant des solutions orientées données et des solutions numériques pour améliorer la transparence, l'efficacité et les prestations. Par exemple, le Portugal a élaboré un programme complet axé sur le numérique afin de moderniser le secteur de la justice en vue de le rendre plus transparent, plus accessible et plus efficace. Plusieurs initiatives récentes se distinguent, dont le programme Justiça + Próxima , le projet Tribunal+ et le projet horizontal Simplex+, qui visent à promouvoir l'innovation et les services centrés sur l'utilisateur en faisant intervenir des technologies numériques et l'interopérabilité des données, complétées par la simplification et la numérisation administratives (OCDE, 2020[98]). Ces réformes visent à améliorer l'expérience des usagers des tribunaux, par exemple en assurant la traçabilité des dossiers, en réduisant le temps nécessaire pour instruire et résoudre des affaires dans un tribunal, et en simplifiant et standardisant les processus dans une optique d’amélioration de l'efficacité.
5.4.2. Tirer parti des technologies émergentes
Les technologies émergentes peuvent, si elles sont testées de manière appropriée et utilisées de façon responsable, contribuer à accroître la transparence et la responsabilité des pouvoirs publics dans leurs activités. Par exemple, l’aspect immuable de la technologie Blockchain en fait un outil utile pour renforcer la transparence dans les transactions à haut risque comme l’enregistrement des biens ou des titre fonciers, les marchés publics, les transferts d’argent ou la distribution d’aides financières (Berryhill, Bourgery et Hanson, 2018[99]). Cette technologie a également été déployée pour lutter contre la fraude et prévenir la corruption dans le commerce des matières premières, par exemple en matière d'exploitation forestière illégale qui nuit à l'environnement ou de commerce des « diamants de sang » en provenance de zones de conflit. Pourtant, l’utilisation de la technologie Blockchain dans le secteur public reste limitée et des recherches récentes montrent que, bien qu’elle suscite un fort intérêt et soit de plus en plus connue, son impact reste minimal dans le secteur public, où peu de projets ont dépassé le stade du petit projet pilote (Lindman et al., 2020[100]).
Quand elle est adossée à des données de qualité, l’intelligence artificielle offre d’immenses possibilités d’améliorer et d’automatiser la détection et la prévision des fraudes et de la corruption dans un large éventail de secteurs, comme la cartographie des réseaux de relations, l’utilisation de sociétés fictives, les juridictions extraterritoriales ou les informations bancaires des soumissionnaires, afin de traiter les risques potentiels avant d’émettre un contrat (OCDE/CAF, 2022[101]). L’analyse de données structurées et non structurées peut aider les experts dans diverses disciplines à détecter, analyser et prévenir les risques stratégiques, opérationnels et de réputation, notamment les risques de corruption, de fraude, de gaspillage et d’abus. Comme indiqué précédemment, les organismes de contrôle centraux et les institutions de surveillance indépendantes développent et déploient des outils d'intelligence artificielle afin de mieux identifier les structures suspectes et de déclencher des signaux d'alerte, en particulier dans le domaine des marchés publics. Par exemple, les entités publiques responsables de la santé et des allocations de chômage utilisent les techniques d’analyse pour évaluer les risques et s’assurer que les fonds publics vont aux bénéficiaires prévus, tout en garantissant une prestation de services efficace. En Espagne, le contrôleur général utilise également des modèles d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique pour détecter les cas présentant un risque élevé de fraude dans les programmes de subventions et d’aides (OCDE, 2021[102]).
Si l’utilisation des données et de l’intelligence artificielle pour améliorer les services publics présente de nombreux avantages, elle doit également être transparente, digne de confiance et atténuer les risques de manière proactive. Les prédictions et les performances des algorithmes peuvent être limitées et biaisées par les décisions et les valeurs de ceux qui les conçoivent, la qualité des données d’entraînement qu’ils utilisent et les objectifs visés. L’analyse des données dans le secteur public soulève en outre des questions juridiques, éthiques et techniques complexes en ce qui concerne la collecte, le traitement et la réutilisation des données. Étant donné que les pouvoirs publics, à tous les niveaux, ont de plus en plus recours aux systèmes algorithmiques de prise de décisions pour concevoir et fournir des services publics, l’utilisation même des algorithmes marque une nouvelle frontière en matière d’équité, d’obligation de rendre compte et de responsabilité de l’administration publique. Il faudra également réduire de manière cohérente et proactive les risques juridiques, fiscaux et politiques d’une mauvaise utilisation des algorithmes d’IA dans le secteur public, comme l’illustre l’expérience récente des Pays-Bas en la matière dans plusieurs secteurs dont la protection sociale et la fiscalité (Encadré 5.1). Par conséquent, de nombreux gouvernements établissent des normes cadrant la responsabilité en matière d’algorithmes dans le secteur public, via, par exemple, des registres publics d'algorithmes que doivent renseigner les agences publiques (cf. section suivante du présent chapitre). En 2020, les villes d'Amsterdam et d'Helsinki ont mis en place des registres d'IA pour préciser la manière dont elles utilisent les algorithmes dans le cadre de la prestation des services publics. Pour chaque algorithme répertorié dans le registre, les informations suivantes doivent être indiquées : ensembles de données utilisés pour entraîner un modèle, description de la manière dont l'algorithme est utilisé, description de la manière dont les humains utilisent la prédiction et description de la manière dont les algorithmes ont été évalués en termes de biais ou de risques potentiels. Les registres confèrent également aux citoyens un moyen de surveiller les algorithmes utilisés par leur administration locale, ce qui leur permet d'évaluer, d'examiner ou de remettre en question l'application de l'IA par les autorités publiques.
Encadré 5.1. Détection des risques dans les algorithmes du secteur public aux Pays-Bas
En 2022, la Cour des comptes néerlandaise a constaté que divers algorithmes de l’administration publique ne fournissaient pas de garanties suffisantes, exposant les pouvoirs publics à des risques divers. Les années précédentes, deux algorithmes également jugés non conformes aux exigences légales avaient été détectés. Le système d’algorithmes SyRI (System Risk Indication), un instrument juridique que le gouvernement néerlandais utilisait pour détecter les fraudes dans différents domaines comme les prestations, les allocations et les impôts, a été interdit après qu’il a été constaté qu’il violait le droit au respect de la vie privée et familiale. Dans une autre affaire, l’autorité néerlandaise de protection des données (AP) a infligé une amende de 3.7 millions d’euros à l’administration fiscale et douanière après avoir constaté un traitement irrégulier des données à caractère personnel dans le dispositif de signalisation des fraudes (FSV). Le FSV générait une liste noire permettant à l’administration fiscale et douanière de surveiller les indices de fraude, mais ce système a entraîné de graves conséquences pour de nombreuses personnes qui y figuraient à tort.
Source : https://www.loc.gov/item/global-legal-monitor/2020-03-13/netherlands-court-prohibits-governments-use-of-ai-software-to-detect-welfare-fraud/ ; https://eulawenforcement.com/?p=7941 ; https://autoriteitpersoonsgegevens.nl/nl/nieuws/boete-belastingdienst-voor-zwarte-lijst-fsv ; https://www.cliffordchance.com/insights/resources/hubs-and-toolkits/talking-tech/en/articles/2022/04/dutch-government-fraud-scandal-leads-to-record-breaking-gdpr-fin.html ; https://english.rekenkamer.nl/publications/reports/2022/05/18/an-audit-of-9-algorithms-used-by-the-dutch-government.
5.4.3. Réduire le pouvoir discrétionnaire et améliorer l’équité
Via la transformation numérique des services publics de bout en bout, les pouvoirs publics peuvent renforcer l'équité et l'égalité de traitement. L’enquête de confiance de l’OCDE indique que seuls 4 répondants sur 10 (39.8 %) dans les pays de l’OCDE pensent que les riches et les pauvres sont traités de la même manière par les fonctionnaires (OCDE, 2022[32]). En outre, seuls 15 pays de l’OCDE comptent entre 50 et 75 % de personnes interrogées qui s’attendent à être traitées équitablement lorsqu’elles demandent une prestation publique ou utilisent un service public. Les services publics numériques contribuent à normaliser et à garantir l’égalité d’accès des citoyens aux services publics, mais il reste des progrès à faire. L'accès équitable aux services numériques en ligne requiert un accès universel et la capacité d'utiliser les canaux numériques, afin de « ne laisser personne de côté », ce qui n'est pas le cas dans la plupart des pays. C'est pourquoi les pouvoirs publics combinent les canaux de services en ligne et hors ligne pour assurer un accès universel. Néanmoins, la transformation numérique des processus administratifs de back-office a considérablement amélioré la prestation de services. Elle a également contribué à renforcer la fiabilité des pouvoirs publics et peut également améliorer leur réactivité aux besoins des utilisateurs. Du point de vue de la conception, l'intégration des besoins et des limites des citoyens par le biais d'une approche centrée sur l'utilisateur peut contribuer à produire des services plus accessibles et utilisables, et à faire participer un plus grand nombre d'utilisateurs au processus démocratique. Ces dimensions sont au cœur des prochains Principes de bonnes pratiques pour la conception et la fourniture de services publics à l'ère du numérique de l'OCDE.
L’expansion des services publics directement accessibles en ligne et de bout en bout contribue à la fois à la fiabilité et à l’intégrité de ces services. En numérisant les services publics, l’administration cherche avant tout à améliorer l’efficacité et l’efficience des prestations de services, mais en limitant le pouvoir discrétionnaire, ces réformes réduisent également les formalités administratives et donc la petite corruption (Aiolfi, 2017[103]). Cet effet est particulièrement manifeste dans les économies émergentes pour les services indispensables très utilisés dans la vie courante, comme les certificats de naissance, les permis de conduire, les permis de construire ou les licences commerciales, des services publics à fort impact qui sont particulièrement vulnérables aux pots-de-vin. La transformation numérique des services publics réduit également les asymétries d’information entre l’administration et les utilisateurs (citoyens et entreprises), souvent source de corruption (Charoensukmongkol et Moqbel, 2014[104] ; Adam et Fazekas, 2018[105]). Elle permet d’obtenir des données de meilleure qualité sur les goulets d’étranglement et les vulnérabilités dans les prestations de services, ce qui est essentiel pour améliorer la qualité des services et la satisfaction des usagers.
La transformation numérique des services publics contribue à réduire la charge réglementaire, simplifie les procédures administratives et génère des avantages importants sur le plan de l’intégrité. Les services publics fiables et à l’épreuve de la corruption contribuent, quant à eux, à accroître la confiance dans l’administration et dans sa capacité à fournir en continu des prestations fiables de manière équitable. L’association entre la transformation numérique et la simplification des procédures bureaucratiques tend à améliorer à la fois leur transparence et leur fiabilité en matière de prestation des services publics et à offrir un accès équitable aux services administratifs pour les usagers. L’automatisation des processus bureaucratiques et la diminution de la dépendance à l’égard du papier limitent le pouvoir discrétionnaire et les interférences arbitraires, ce qui rend les services publics transactionnels moins vulnérables aux risques de falsification. En particulier, les solutions numériques servant à payer les services publics réduisent considérablement les risques de sollicitation de pots-de-vin pour les citoyens et les entreprises.
5.4.4. Pistes pour l’avenir
Pour l’avenir, un certain nombre de priorités à prendre en compte par les pouvoirs publics se dégagent :
Intensifier les efforts pour faire progresser la disponibilité, l'accessibilité et la réutilisation des données publiques ouvertes tout en garantissant l’utilisation éthique et responsable des données et des solutions d’intelligence artificielle dans le secteur public ;
Développer la réutilisation des données et l’application de nouvelles technologies tout au long du cycle politique, notamment par le biais d’institutions garantes de l’intégrité, afin d’améliorer le rapport qualité-prix, de renforcer la responsabilité et d’empêcher la mauvaise utilisation des ressources publiques ;
Intégrer les principes d’ouverture de l’administration publique, notamment en généralisant l’ouverture des données budgétaires et des pratiques de passation de marchés à tous les niveaux de l’administration ainsi que dans les entreprises publiques ;
Réduire le pouvoir discrétionnaire et améliorer l’équité dans l’élaboration des politiques et l’accès aux services en concevant des services publics centrés sur les usagers et numériques par essence.
5.5. Réaménager la gouvernance publique au service de la démocratie numérique : institutions et cadres juridiques
Il incombe en premier lieu aux pouvoirs publics d'orienter la transformation numérique de manière à renforcer la démocratie, en établissant des modèles et des normes de gouvernance qui reflètent les valeurs démocratiques, en octroyant le contrôle de la conformité et en proposant des recours efficaces en cas d’infraction des droits. Si la transformation numérique peut constituer une menace pour les institutions démocratiques, une gouvernance numérique plus mature peut également en tirer parti pour aider à rétablir et à renforcer les institutions démocratiques, lorsqu'elle est soutenue par des dispositions institutionnelles et de gouvernance adéquates (Berg et Hofmann, 2021[1]).
Pour ce faire, les pouvoirs publics adaptent l'architecture démocratique et renforcent leurs capacités institutionnelles pour mieux favoriser la démocratie numérique et atténuer les risques numériques pour la démocratie. Ces dernières années, les gouvernements des démocraties de l'OCDE ont lancé diverses initiatives dans ce sens. Pour exploiter au mieux la transition numérique au service de la démocratie, les pouvoirs publics doivent actualiser et transformer les institutions du secteur public, réviser les cadres normatifs et élaborer de nouvelles méthodes de travail, tant au niveau national qu'international. Cette section examine la manière dont les pouvoirs publics réadaptent la gouvernance publique à la démocratie numérique en aménageant les institutions politiques existantes et en créant de nouvelles i) institutions politiques ; ii) cadres juridiques et réglementaires ; iii) organismes et dispositifs réglementaires ; iv) formes de coordination internationale.
5.5.1. Institutions politiques au service de la démocratie numérique
Quel que soit le choix du modèle institutionnel, il est important de s’assurer de la capacité des pouvoirs publics à piloter des approches pangouvernementales de la transformation numérique, qui protègent les droits individuels et collectifs, promeuvent les valeurs démocratiques et obligent les institutions publiques à utiliser les technologies dans le respect de l’éthique. Pour suivre le rythme des avancées technologiques et de l'évolution des mandats, il peut également être nécessaire de modifier les ressources en compétences, de renforcer les capacités réglementaires des institutions et d'adapter les structures institutionnelles existantes. Il convient également de veiller à ce que la fonction publique reste adaptée à ses objectifs (OCDE, 2020[106] ; OCDE, 2021[107] ; OCDE, 2021[108]) favoriser l'adoption de l'inclusion numérique par les fonctionnaires et les sensibiliser à l'utilisation éthique des données.
Dans l'ensemble de l'OCDE et au-delà, les pays appliquent différents modèles de gouvernance nationaux et internationaux pour coordonner la conception et le déploiement des politiques visant à permettre la transition numérique. Les responsabilités des organismes existants sont ajustées, ou de nouvelles institutions, de nouveaux rôles et de nouvelles fonctions apparaissent. Dans de nombreux cas, des ajustements sont apportés aux cadres institutionnels existants pour garantir des approches pangouvernementales de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques. Les centres de gouvernement et les principaux ministères de tutelle jouent un rôle prépondérant dans le pilotage et la direction de la conception, du développement et de la mise en œuvre des politiques.
Les centres de gouvernement, en particulier, jouent un rôle essentiel dans la définition d'une stratégie numérique nationale et dans sa mise en œuvre au sein du gouvernement. Entre 2016 et 2021, la part des pays ayant attribué la responsabilité de l’élaboration et de la supervision de leur stratégie nationale de transformation numérique à un ministère, un organisme ou un poste dédié a connu une hausse de 24 % à 47 % (Gierten et Lesher, 2022[109]). La part des pays attribuant cette responsabilité à leur organe administratif central (présidence ou cabinet du Premier ministre) ou à une fonction supérieure au ministère (par exemple, un vice-Premier ministre) a également nettement augmenté, passant de 12 % à 26 % (Graphique 5.3) (Gierten et Lesher, 2022[109]). En Espagne, la vice-présidence des affaires économiques et de la transformation numérique joue un rôle central dans l’élaboration et le déploiement des stratégies en matière de transformation numérique. Aux États-Unis, l’Office de la politique scientifique et technologique (OSTP) de la Maison Blanche conseille le Président et nomme des responsables en charge de l'innovation tels que le Chief Tech Officer et le Chief Data Scientist.
Le renforcement du rôle central de pilotage des pouvoirs publics porte également davantage sur les technologies ou les préoccupations politiques les plus influentes. La gouvernance de l'IA en est un bon exemple. En France, c’est au Bureau du Premier ministre qu’incombe la coordination de la mise en œuvre de la politique en matière d'IA, tandis que la Colombie a instauré un groupe de travail sur l'IA au niveau de la Présidence. Aux États-Unis, l'OSTP de la Maison Blanche supervise la stratégie nationale en matière d'IA. De même, afin de garantir l’utilisation éthique des données dans le cadre du programme de transformation numérique de l’ensemble de l’administration, le directeur des systèmes d’information de l’Irlande a joué un rôle de premier plan dans la mise en place et la coordination des activités d’un conseil de gouvernance des données créé pour soutenir la rédaction et la mise en œuvre de la loi sur la gouvernance des données dans tout le secteur public.
L'accélération de la transformation numérique a nécessité le renforcement et l'ajustement du rôle central de pilotage et de coordination pour assurer la cohérence de l'ensemble des administrations, y compris parfois sous la houlette de ministères dédiés. Les pays ont mis en place des comités de coordination interministériels pour assurer la cohérence entre les domaines d'action et créé des postes de responsables du numérique et de responsables des données au sein de leur gouvernement pour piloter les approches pangouvernementales. Certains pays, comme la Grèce, le Luxembourg et la Norvège, sont allés plus loin en créant un ministère dédié à la transformation numérique ou en établissant ou renforçant des agences gouvernementales autonomes chargées de la transformation numérique, comme en Australie, au Danemark, en Italie, au Japon et en Suède. Ces mécanismes ont pour objet de consolider les synergies et de favoriser les approches pangouvernementales de la transformation numérique.
Si la direction de la stratégie, de l'élaboration et de la conception des politiques incombe en grande partie aux centres de gouvernement et aux principaux ministères de tutelle, plusieurs pays ont établi des organes consultatifs spécialisés, également en charge de promouvoir la démocratie. Exemples : la Commission d'éthique des données (Datenethikkommission) en Allemagne, le Groupe consultatif sur l'éthique des données (Data Ethics Advisory Group) en Nouvelle-Zélande, le Centre pour l'éthique et l'innovation des données (CDEI - Centre for Data Ethics and Innovation) au Royaume-Uni et le Conseil consultatif sur l'utilisation éthique de l'IA et des données (Advisory Council on the Ethical Use of AI and Data) à Singapour. Au Royaume-Uni, le CDEI, organisme consultatif du gouvernement, travaille avec les pouvoirs publics et des acteurs externes pour comprendre les attitudes du public à l'égard de l'utilisation des données et de l'IA, et les valeurs que les citoyens veulent voir reflétées dans les modèles de gouvernance des données et de l'IA.21 Certains pays présentent également des évaluations de suivi plus détaillées de la mise en œuvre de leurs stratégies et politiques en matière d'IA, notamment des informations relatives aux budgets, aux financements et à des objectifs spécifiques. En outre, plusieurs pays ont établi des observatoires de l'IA afin de superviser la mise en œuvre des stratégies et politiques nationales en matière d'IA au niveau national ou infranational. Ainsi, le ministère allemand du travail a lancé le KI-Observatorium ; le Québec possède un Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique ; la France a établi un Observatoire des impacts Technologiques Économiques et Sociaux de l'Intelligence Artificielle ; l’Italie s’est dotée d’un Observatoire de l'intelligence artificielle ; et la République tchèque de l’AIO&F (AI Observatory and Forum).
5.5.2. Cadres juridiques et réglementaires au service de la démocratie numérique
À mesure que le rythme de la transformation numérique s'accélère, les pays de l'OCDE adaptent leurs cadres juridiques et réglementaires à la complexité numérique. Au plus haut niveau, il s'agit de s'assurer que leurs cadres juridiques sont adaptés pour répondre aux opportunités et aux défis que soulève l'ère numérique en matière de protection des droits fondamentaux et des piliers essentiels de la démocratie (Encadré 5.2). Cette tendance s'inscrit dans le cadre d'un débat sur les droits numériques mené sous l'égide du Comité de l'OCDE de la politique de l'économie numérique.
Encadré 5.2. Protection des droits fondamentaux à l'ère du numérique
Certains pays de l'OCDE ont pris des dispositions constitutionnelles afin de réaffirmer les droits démocratiques dans l'espace numérique, par exemple en matière de dignité humaine, de vie privée et de protection des données. La législation a également évolué progressivement dans le même sens. En 2014, le Brésil est devenu le premier pays à adopter une loi sur le cadre des droits civils pour l'internet (Marco Civil da Internet), en vue de protéger la vie privée sur internet, la liberté d'expression et la neutralité du réseau. En Espagne, la loi intégrale de 2022 pour l'égalité de traitement et la non-discrimination contient la première réglementation sur l'utilisation de l'IA par les administrations publiques en vue de prévenir la discrimination. De même, en 2021, le Portugal a approuvé une charte des droits de l'homme à l'ère numérique inscrite dans la loi. Souvent, ces lois et règlements font suite à l'adoption par les pays d'instruments internationaux non contraignants réaffirmant leur engagement à garantir les droits civils et politiques à l'ère du numérique.
Une réglementation au niveau régional se fait également jour afin de définir des normes communes. En particulier, dans l'UE, la vague actuelle en matière de réglementation numérique comprend la loi européenne sur les marchés numériques (DMA), la loi sur les services numériques (DSA) et la loi sur l'intelligence artificielle (IA). Ces législations prévoient toutes de nouveaux principes et mécanismes de protection des droits fondamentaux dans la sphère numérique. En 2020, le Conseil européen a présenté un projet de Charte des droits fondamentaux dans le contexte de l'intelligence artificielle et de la transformation numérique, afin d'ancrer les valeurs fondamentales de l'UE et de faire évoluer les approches de la numérisation fondées sur les droits. De même, en janvier 2022, la Commission européenne a exposé une proposition de déclaration européenne sur les droits et principes numériques pour la décennie numérique dont l’objet est de s'assurer que les valeurs de l'UE et les droits des citoyens garantis par la législation européenne sont respectés et défendus à la fois hors ligne et en ligne. Ce projet de déclaration couvre les principes clés de la transformation numérique, tels que la promotion de la participation à l'espace public numérique, le soutien à l'inclusion et le renforcement de l’autonomisation des citoyens.
Source : encadré élaboré par les auteurs.
En parallèle, les lois et réglementations spécifiques aux politiques demeurent pour les pouvoirs publics un moyen essentiel de réaction face à l'ère du numérique. À cet égard, les pouvoirs publics doivent veiller à ce que leurs cadres juridiques et réglementaires soient adaptés aux défis que posent les technologies numériques, notamment concerne la manière de les concevoir, mettre en place et appliquer.
Pour que les réglementations atteignent les objectifs voulus et relèvent les défis de la transformation numérique, la pratique réglementaire doit être étayée par les principes, les mécanismes et les institutions nécessaires (OCDE, 2012[110]). Dans le même temps, les gouvernements doivent intégrer les principes définis de longue date d’une meilleure réglementation dans leurs réponses aux services et marchés numériques. Il s’agit notamment de veiller à ce que les réponses réglementaires soient proportionnelles, fondées sur le risque et ne surchargent pas les acteurs économiques. Leur conception doit se fonder sur une évaluation de l’impact ainsi que sur des solutions non réglementaires et sur une consultation inclusive des parties prenantes. Un cadre réglementaire solide doit également permettre de mesurer l'efficacité de la réponse des pouvoirs publics.
Le rythme et l'ampleur de la transformation numérique pourraient exiger une approche encore plus ambitieuse de la réglementation. En s'écartant de l'approche « réglementer et oublier », les pouvoirs publics devront proposer des cycles d'évaluation plus adaptatifs, flexibles et itératifs, un suivi constant des réglementations (via une évaluation ex post) et un engagement continu des parties prenantes, conformément à la recommandation de l'OCDE en faveur d’une gouvernance réglementaire agile permettant de mettre à profit l'innovation (OCDE, 2012[110] ; OCDE, 2021[108]). L'objectif sera de créer des cadres réglementaires suffisamment souples pour s'adapter aux innovations et faire en sorte que les règles ne deviennent ni obsolètes, ni non pertinentes, ni une charge indue pour les acteurs publics et privés.
L'élaboration de normes et de principes directeurs est particulièrement pertinente concernant l'utilisation que fait le secteur public des technologies émergentes, notamment l'intelligence artificielle. Certains pays élaborent et mettent en œuvre des normes éthiques spécifiques à cet effet, visant à permettre au public de mieux comprendre et superviser l'utilisation et le fonctionnement des algorithmes et des données par les organismes publics.22 Aux États-Unis, par exemple, la loi de 2020 sur l'initiative nationale en matière d'IA fournit un cadre intégré pour coordonner le développement et le déploiement de l'IA, tant dans le secteur public que privé.23 Via le décret 13960 de 2020, les États-Unis ont établi des principes directeurs pour promouvoir l'utilisation d'une IA digne de confiance au sein du gouvernement fédéral. En France, la Loi pour une République numérique de 2016 impose la transparence des algorithmes publics. En cela, les agences publiques sont contraintes de diffuser publiquement la liste de leurs principaux outils algorithmiques décisionnels et de publier les règles d’utilisation sous-jacentes. Plus récemment, en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a adopté en 2019 un ensemble de principes pour l'utilisation sûre et efficace des données et de l'analytique afin de guider les pratiques des organismes publics et d'accroître la confiance dans la manière dont ces derniers utilisent les algorithmes.24 En 2020, la Charte des algorithmes pour Aotearoa Nouvelle-Zélande, guide évolutif sur l'utilisation des algorithmes par les organismes publics, a été publiée. Le cadre britannique Data Ethics Framework de 2020 et le Service Manual25 fournissent des orientations aux équipes de l'ensemble du gouvernement pour utiliser de manière appropriée et responsable les données et l'IA, et pour construire et gérer des services centrés sur l'utilisateur afin de renforcer l'inclusion numérique et un accès plus équitable.
Les registres publics ouverts et les évaluations d'impact ex ante peuvent aider les autorités nationales et locales à mettre en œuvre des normes de transparence et à renforcer la confiance du public dans l'utilisation des algorithmes. York, Amsterdam et Helsinki ont établi des registres ouverts des algorithmes utilisés par leurs autorités municipales. Les évaluations ex ante de l'impact potentiel des algorithmes sur les droits civils sont également un outil élaboré par les États démocratiques pour atténuer les risques. Aux Pays-Bas, par exemple, l’outil FRAIA (Fundamental Rights and Algorithms Impact Assessment) adopté en 2021 est destiné aux institutions publiques qui envisagent de développer ou d'acheter un système algorithmique, lequel leur demande d'évaluer l'impact probable de l'utilisation des algorithmes sur des droits de l'Homme spécifiques. Dans la même optique, l’outil EIA (Évaluation de l’incidence algorithmique) développé au Canada en 2022, aide à déterminer les impacts potentiels d'un projet d'automatisation sur les individus et les communautés, notamment en matière de droits et libertés.
Au final, le fait de permettre aux citoyens d’attester de leur identité en ligne, de revendiquer leurs droits et d'exercer leurs devoirs est un élément central de la démocratie. Cela suggère donc un rôle central pour l'identité numérique gérée par les pouvoirs publics (Encadré 5.3).
Encadré 5.3. L’identité numérique, un facteur clé
La garantie d’un accès universel à l’identification et à l’authentification numériques est un facteur institutionnel capital pour renforcer la démocratie à l’ère du numérique. À condition de disposer des garanties appropriées en matière de vie privée et de sécurité, l’identité numérique, qui permet aux citoyens de prouver leur identité en ligne, de revendiquer leurs droits et de s’acquitter de leurs obligations, joue un rôle essentiel pour la démocratie. Elle est également nécessaire pour favoriser l’égalité d’accès aux services en ligne et hors ligne et garantir ainsi l’égalité de traitement et l’inclusion numérique. Par exemple, l’identité numérique offre des moyens plus simples et plus inclusifs d’accéder aux services de santé, d’ouvrir un compte bancaire ou de solliciter des prestations publiques, tout en garantissant des niveaux élevés de confiance dans ces interactions et ces transactions.
Concernant les groupes et communautés marginalisés qui ne disposent pas toujours de preuves analogiques de leur identité légale, les nouvelles technologies et méthodes d’enregistrement de l’identité, d’identification et d’authentification peuvent être utilisées pour accélérer l’inclusion de ces personnes dans la société. En Inde, par exemple, le déploiement du numéro d’identité numérique national Aadhaar a prouvé son efficacité en aidant la plus grande démocratie du monde à verser les prestations sociales aux citoyens éligibles en pleine pandémie de COVID-19, tout en réduisant les risques de fraude (Sengupta, 2022[111]). Le 30 mars 2020, le système de gestion des finances publiques indien a enregistré un nombre de transactions record en une seule journée, en raison surtout des transferts directs de prestations qu’Aadhaar permet d’effectuer.
Si l’identité numérique offre de nombreuses occasions de promouvoir l’inclusion numérique, la dépendance totale à l’égard de l’identité numérique présente également certains risques pouvant avoir une incidence négative sur l’inclusion. C’est notamment le cas lorsque certains groupes de la société préfèrent utiliser des canaux analogiques ou une combinaison de canaux analogiques et numériques, une situation observée dans la plupart des pays, même dans ceux qui affichent des chiffres élevés de maturité numérique et d’adoption de l’identité numérique.
La collaboration en vue de l’adoption d’une approche et de principes communs de « gestion de l’identité numérique en tant que service » peut donner aux citoyens les moyens de se déplacer plus librement, d’accéder plus facilement à différents services et d’exercer un meilleur contrôle sur leurs données personnelles, y compris au-delà des frontières. Une identité numérique bien conçue et correctement attribuée permet aux citoyens de prouver qui ils sont et de démontrer qu’ils possèdent certaines caractéristiques spécifiques, ce qui améliore leur participation démocratique au niveau local et international.
Depuis 2017, le Groupe de travail des hauts responsables de l’administration numérique de l’OCDE recense les pratiques, les défis et les perspectives du développement de l’identité numérique au niveau national et de la reconnaissance mutuelle transfrontalière des identités et des certificats numériques nationaux. Étant donné que les 38 pays membres de l’OCDE suivent tous des principes démocratiques communs, tels que le droit à la vie privée, la liberté d’expression et la liberté de mouvement, ils sont particulièrement aptes à s’entendre sur ce qui fait le succès de l’identité numérique sur le plan du soutien à la démocratie, et sur la manière de concevoir et de mettre en œuvre le processus de reconnaissance mutuelle transfrontalière de l’identité numérique tout en maintenant, voire en renforçant, l’application des principes démocratiques.
L’OCDE travaille également avec d’autres forums internationaux pour soutenir la collaboration internationale sur l’identité numérique dans le respect des principes démocratiques, notamment avec le G20, par le biais du Groupe de travail sur l’économie numérique, auquel l’OCDE a apporté son aide pour élaborer le document G20 Collection of Digital Identity Practices (G20, 2021[112] ; OCDE, 2021[113]) qui recense les pratiques du G20 en matière d’identité numérique.
5.5.3. Organismes de réglementation et de contrôle de la démocratie numérique
Les organismes de réglementation se situent à l'extrémité du cycle d'élaboration des politiques et jouent un rôle de plus en plus important dans la réalisation des objectifs de la politique numérique, tout en étant chargés de réglementer la sphère numérique complexe. En matière de démocratie, les autorités de régulation sont de plus en plus aux avant-postes pour assurer, d’une part, un contrôle démocratique, une souveraineté nationale, et une supervision accrus des plateformes numériques (p. ex. des médias sociaux, du e-commerce) et, d’autre part, l'atténuation des risques systémiques tels que la manipulation ou la désinformation.
Veiller à l'efficacité des régulateurs dans la sphère numérique soulève des questions importantes quant au mandat et aux pouvoirs des agences de régulation, quant à leur capacité à accomplir leurs fonctions, ainsi que sur la manière dont elles se coordonnent avec les autres autorités publiques.
Mandat et pouvoirs : pour de nombreuses autorités de régulation, la réglementation de la sphère numérique et des plateformes numériques exigera un mandat nouveau ou considérablement étendu. Par exemple, jusqu'à récemment, nombre d’activités et de plateformes numériques n'étaient pas soumises à une réglementation externe ou s’inscrivaient entre des cloisonnements réglementaires. Les nouveaux mandats devront être assortis de pouvoirs appropriés, notamment en matière de collecte et de publication de données, afin que les régulateurs puissent assumer leur nouveau rôle.
Capacité : la capacité des régulateurs à agir efficacement est multidimensionnelle. La main-d’œuvre des régulateurs doit disposer des compétences et des connaissances adéquates pour suivre l'évolution rapide des technologies et des modèles économiques, en renforçant leur expertise dans des domaines qui dépassent les profils traditionnels des régulateurs, de la science des données et de la cybersécurité à l'informatique en cloud, aux algorithmes et plus encore. Les modalités de financement détermineront si les régulateurs disposent de ressources financières suffisantes pour mener à bien leurs fonctions. La capacité d'accéder aux données et aux informations des plateformes numériques et de les traiter sera également déterminante pour la réussite de la mise en œuvre de la réglementation.
Coordination entre les autorités publiques : la réglementation de la sphère numérique et des plateformes numériques soulève des préoccupations dans plusieurs régimes simultanément. Par conséquent, tout régulateur individuel devra avoir une vue d'ensemble des multiples questions en jeu pour éviter que les problèmes ne tombent dans des vides réglementaires, entre deux compartiments. Par exemple, dans le domaine de la concurrence, des « préoccupations non traditionnelles » telles que la vie privée, la protection des consommateurs ou des informations trompeuses entrent dans les enquêtes et les décisions en matière de concurrence. Une coopération réglementaire entre les différentes juridictions sera également nécessaire, tant pour la cohérence réglementaire que pour une mise en œuvre efficace, étant donné la nature transfrontalière des plateformes numériques.
Si certains des défis posés par la transformation numérique sont une découverte, les principes démocratiques et les pratiques d’excellence de longue date en matière de gouvernance des agences de régulation restent plus actuelles que jamais. Les enseignements tirés quant à la clarté, l'indépendance, la transparence et la responsabilité des rôles, l'engagement des parties prenantes et les ressources peuvent être appliqués aux institutions et systèmes réglementaires que les pouvoirs publics mettent en place aujourd'hui. Une bonne gouvernance constitue le socle d'un processus décisionnel impartial, fondé sur des éléments factuels, qui renforce la confiance dans les institutions publiques. Fort d’une décennie d'expérience accumulée dans la discussion et l'examen de la gouvernance et de la performance des régulateurs, le réseau des régulateurs économiques de l'OCDE est bien placé pour définir ce qui caractérise un régulateur de classe mondiale.
Différentes modalités de gouvernance apparaissent en réponse à ces questions. Par exemple, en ce qui concerne les plateformes numériques, les pays suivent des voies différentes. De nombreuses juridictions optent pour un régulateur statutaire plutôt que pour l'autorégulation.26 La réglementation statutaire introduit un régime de réglementation et d'adjudication indépendant, impartial et responsable et confère des pouvoirs à une autorité disposant d’une longue expérience de l'équilibre entre les différents droits et libertés fondamentaux. Un certain nombre de pays ont tiré parti des autorités réglementaires indépendantes existantes. Par exemple, de nombreux régulateurs de la communication et de la radiodiffusion sont en charge de la réalisation de plusieurs objectifs politiques pertinents pour la démocratie numérique.27 Une enquête de l’OCDE a montré que les régulateurs de la communication assument au moins partiellement la responsabilité de la sécurité numérique (65 % des personnes interrogées), de la vie privée (53 % des personnes interrogées) et des plateformes en ligne (40 % des personnes interrogées).28 Par exemple, l’Ofcom, l’autorité de régulation des communications du Royaume-Uni, déjà chargée de réglementer les plateformes de partage de vidéos, se prépare maintenant à assumer de nouvelles compétences consistant en une réglementation plus large de la sécurité en ligne. L’autorité de régulation étudie la manière d’adapter sa panoplie actuelle de techniques et d’approches réglementaires pour relever les défis à venir (OFCOM, 2021[114]). En Allemagne, la loi de 2021 sur la réglementation de la protection des données et de la vie privée dans les télécommunications et les télémédias a clarifié le rôle du régulateur multisectoriel Bundesnetzagentur (BNetzA), qui accorde certaines compétences en matière d’application de la loi sur la protection des données et de la vie privée dans les services en ligne.
Dans d'autres cas, les pays ont fusionné leurs autorités pour exploiter les synergies. Par exemple, la France a fusionné la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) avec le Conseil de l’audiovisuel (CSA) afin de créer l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
En outre, plusieurs pays envisagent la création d’un nouveau type d’organisme de réglementation pour aborder les questions numériques de manière globale. Cette réforme soulève en revanche des questions sur le mode d’interaction entre le nouvel organisme et les autorités de régulation existantes assumant des responsabilités dans les domaines concernés, notamment en matière de réglementation du contenu.
Dans certains domaines d'action, la responsabilité de la mise en œuvre et de l'application de la réglementation peut être partagée entre plusieurs institutions. Dans le domaine de la réglementation de l'intelligence artificielle, le Royaume-Uni pose les jalons de son futur modèle de réglementation de l'IA avec son nouveau projet de loi sur la protection des données et l'information numérique. Contrairement à l'approche de l'UE, selon laquelle l'application de la Loi sur l'IA relève d'un seul régulateur national dans chaque État membre, le Royaume-Uni prévoit d'en confier la responsabilité à plusieurs d'entre eux : l’autorité de régulation britannique des communications (OFCOM), l'autorité de la concurrence et des marchés (CMA), le bureau du commissaire à l'information (ICO), l'autorité de la conduite financière (FCA) et l'agence de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) figurent sur la liste. Certains d'entre eux ont observé une actualisation de leurs compétences et de leurs pouvoirs.
Dans d'autres domaines, les rôles et responsabilités spécifiques des autorités sont encore à définir. Par exemple, au sein de l'UE, des discussions sont en cours sur la manière dont les autorités nationales devraient ou non renforcer leurs fonctions et sur la manière dont elles se coordonneront avec les futures agences chargées de la mise en œuvre de l'architecture européenne de régulation du marché numérique, articulée entre la Loi sur les données, la Loi sur les marchés numériques, la Loi sur les services numériques, la Loi sur la gouvernance des données et la Loi sur l'intelligence artificielle.
Les pays étudient également la possibilité d’une coopération intersectorielle plus formelle entre les régulateurs, étant donné que la transformation numérique touche un certain nombre de domaines réglementaires, notamment les communications, les données, le contenu, les services financiers, la protection des consommateurs et la concurrence (OCDE, à paraître[115] ; OCDE, 2021[108] ; OCDE, 2021[116]). Entre autres exemples notables, citons le Digital Regulation Co-operation Forum (DRCF) du Royaume-Uni,29 la Digital Regulation Co-operation Platform des Pays-Bas30 et les orientations conjointes sur la réglementation et les plateformes de big data élaborées par trois régulateurs italiens.31 Ces structures vont au-delà du simple partage d’informations et peuvent inclure la mise en commun de l’expertise et des ressources, la communication des résultats et un soutien mutuel pour les procédures d’application. Dans une première affaire impliquant une plateforme numérique, la DRCF du Royaume-Uni contribue à trouver un équilibre entre les préoccupations relatives à la vie privée et à la concurrence, par exemple. La proposition législative de l'Union européenne relative à la loi sur les services numériques prévoit un mécanisme de coopération et de coordination pour la supervision des obligations qu'elle impose aux services en ligne et aux plateformes (Commission européenne, 2020[117]).
Il convient de souligner qu'en l'absence d'une coordination transfrontalière appropriée, les initiatives réglementaires qui mettent l’accent uniquement sur le niveau national risquent de compromettre l'efficacité des régulateurs et des régimes réglementaires, sapant ainsi les avantages que peuvent en tirer les sociétés démocratiques. En particulier, les régulateurs doivent faire face à d’importantes asymétries d’information lorsqu’ils ont affaire à des plateformes numériques et à leurs modèles économiques basés sur des algorithmes. L’application de la réglementation est mise à mal par la nature transfrontalière des plateformes et l’incertitude quant à la responsabilité à appliquer depuis les plateformes numériques vers les différents acteurs du marché. En outre, le rythme et la portée de l’innovation sur ces marchés rendent souvent obsolètes les frontières traditionnelles et les régimes de gouvernance existants. La plupart des régulateurs nationaux ne sont pas habilités à réglementer les plateformes numériques et ne disposent pas des capacités institutionnelles et des ressources adéquates pour le faire. En outre, les tribunaux et d'autres acteurs du système judiciaire sont également confrontés à certains de ces problèmes d'application (Encadré 5.4). Face à des défis multidimensionnels variés , qui vont de la concurrence à la protection des données en passant par la modération du contenu, une coordination de grande envergure s’impose au niveau national et mondial, ainsi qu’une clarification des rôles entre les organismes publics et les acteurs. La coopération internationale au sens large est abordée plus en détail dans la section suivante.
Encadré 5.4. Administration de la justice et application de la loi à l'ère du numérique
Un état de droit et un système judiciaire efficaces jouent un rôle crucial dans la protection et l'application des droits dans la sphère numérique, y compris les nouveaux droits et obligations découlant de la transformation numérique. L'évolution constante des nouvelles technologies et des réglementations connexes constitue un défi pour le système judiciaire, qui doit apprendre et s'adapter afin de statuer équitablement sur les intérêts des parties dans ce domaine. Par ailleurs, l'accessibilité du système judiciaire est un facteur clé de la capacité des personnes à faire valoir leurs revendications et leurs droits. Par conséquent, des systèmes judiciaires efficaces et efficients, capables de canaliser les demandes en temps utile pour maintenir la confiance des citoyens dans les tribunaux face à la transformation numérique, associés à des améliorations de l'accessibilité et de l'efficacité globales du système, peuvent représenter des leviers essentiels en matière de protection des droits.
Les tribunaux eux-mêmes et, plus largement, les systèmes judiciaires exploitent de plus en plus les technologies numériques pour rendre l'administration judiciaire plus efficace, transparente et centrée sur l'utilisateur. La numérisation de l'administration de la justice s'est accélérée ces dernières années, notamment pour préserver l'accès à la justice à la suite des restrictions pandémiques. Dans ce contexte, l'utilisation responsable et éthique des nouvelles technologies par les tribunaux eux-mêmes est primordiale afin de garantir la confiance dans le système judiciaire et le droit à une procédure régulière et à un procès en équité. Par exemple, des difficultés ont été signalées dans des pays de l'OCDE concernant l'équilibre nécessaire entre le droit à une audience publique, qui, dans un format numérique, peut signifier la diffusion des sessions du tribunal, et les répercussions négatives possibles que la diffusion via internet des procès peut avoir sur certaines parties, en particulier les victimes, les témoins et les accusés (OCDE, 2020[118]).
Les tribunaux ont de plus en plus recours aux algorithmes pour analyser de grands ensembles de données et établir des prévisions, ce qui peut générer des gains d'efficacité mais soulève également des préoccupations quant à la partialité et au manque de transparence. Des risques pour le droit à la non-discrimination ont été signalés en ce qui concerne les systèmes d'IA utilisés dans la prévention de la criminalité et les procédures judiciaires en particulier. Les principaux défis créés par les prévisions basées sur l'IA sont liés aux biais résultant d'ensembles de données eux-mêmes initialement biaisés (par exemple, ceux contenant une majorité d'accusés issus de certaines ethnies ou de certains quartiers) et du manque de transparence du processus et du raisonnement suivis pour parvenir à la décision (Reiling, 2020[119]).De même, les services répressifs ont de plus en plus recours à la police prédictive via le traitement algorithmique de données historiques sur la criminalité et d'autres sources pour révéler des schémas d'activité criminelle et désigner des cibles à la police pour intervention (Lander et Nelson, 2021[120] ; AlgorithmWatch, 2020[121] ; Gonzalez Fuster, 2020[122] ; Wilson, 2018[123] ; Perry, 2013[124]).
Par conséquent, les évaluations algorithmiques des risques sont de plus en plus utilisées dans les services répressifs et l'administration de la justice. Plusieurs autorités de régulation avancent un ensemble de règles, de principes et d'orientations visant à réglementer les plateformes d'IA dans les systèmes judiciaires. Par exemple, la Charte éthique européenne sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les systèmes judiciaires de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) fournit un ensemble de principes à utiliser par les législateurs, les professionnels du droit et les décideurs politiques lorsqu'ils exploitent des outils d'IA/ML.
Outre les organismes de réglementation, la surveillance de l'application de la loi dans le secteur public a également été renforcée afin d'adapter les institutions à l'ère du numérique. Les institutions de contrôle indépendantes occupent une place de plus en plus active dans le suivi de la transformation numérique des pouvoirs publics et la protection des droits des citoyens. Grâce au contrôle ex post de l'utilisation que font les pouvoirs publics des technologies numériques, les institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC) peuvent jouer un rôle important aux fins de faire respecter les normes et contribuer à les affiner, notamment en veillant au respect des principes directeurs et des règles éthiques dans l'utilisation des innovations numériques et de l'intelligence artificielle par les organismes publics. En outre, les ISC elles-mêmes s'appuient de plus en plus sur des outils d'analyse de données et d'intelligence artificielle pour exercer plus efficacement leurs fonctions de contrôle.
Ce rôle inédit et émergent va au-delà des fonctions traditionnelles des agences d’audit consistant à surveiller la conformité juridique et financière. Il intègre aussi la conformité avec les principes éthiques dans le déploiement des innovations numériques et l’utilisation responsable des algorithmes au sein des organismes publics. En 2020, les ISC d'Allemagne, de Finlande, de Norvège, des Pays-Bas et du Royaume-Uni ont présenté un livre blanc destiné aux auditeurs publics sur le contrôle des algorithmes d'apprentissage automatique.32 En 2021, aux États-Unis, le Government Accountability Office (GAO) a élaboré un cadre de responsabilité en matière d’intelligence artificielle (AI Accountability Framework) pour garantir une utilisation responsable de l’intelligence artificielle dans les programmes et processus administratifs.33 En 2021, la Cour des comptes des Pays-Bas a élaboré un cadre d'audit permettant d'évaluer si les algorithmes répondent à des critères de qualité.34 Il permet d’enquêter sur l'utilisation des algorithmes par les autorités néerlandaises, en faisant valoir que cette utilisation nécessite un meilleur examen et des garanties plus solides (en particulier lorsqu'elle est externalisée). En 2022, la Cour des comptes a audité 9 algorithmes utilisés dans le secteur public et a constaté que 6 d’entre eux ne respectaient pas les exigences de base et exposaient l’administration à différents risques dus, notamment, à un manque de contrôle sur les biais pouvant affecter les algorithmes, à des fuites de données ou à un accès non autorisé dans des domaines politiques particulièrement sensibles tels que la justice, le maintien de l’ordre, la migration et l’identité (Encadré 5.1).
Les bureaux de médiation jouent un rôle plus actif dans la défense des droits des citoyens à l'ère du numérique. En Finlande, par exemple, en 2017, le médiateur pour la non-discrimination, qui supervise le respect des dispositions relatives à la non-discrimination dans l'utilisation de l'intelligence artificielle et des algorithmes, a saisi le Tribunal national pour la non-discrimination et l'égalité d'une affaire concernant la prise de décision automatisée en matière de prêts bancaires. Le Tribunal a conclu que cette pratique était discriminatoire et a infligé une amende conditionnelle à la partie reconnue coupable de discrimination.35
5.5.4. Coopération internationale pour la démocratie numérique
Les standards, les normes et les réglementations régissant le numérique sont en première ligne dans la lutte pour la suprématie technologique entre les démocraties et les autocraties. Les données – et leur gouvernance – constituent par conséquent un actif géostratégique et éclairent le développement des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle.
Certaines régions, et des groupes de pays partageant les mêmes idées, ont proposé des approches communes de la transformation numérique fondées sur des valeurs partagées. Des approches mondiales ont été proposées dans divers cadres. De nombreuses initiatives actuelles reflètent la nécessité de promouvoir la coopération internationale et la convergence mondiale entre les pays partageant une communauté de vues sur les actions, les normes et les principes à même d’assurer un meilleur alignement de la transformation numérique sur les valeurs démocratiques tout en renforçant les institutions démocratiques et la souverainté numérique.36 Cela permettra d’éviter les obstacles inutiles aux progrès et aux bénéfices de la technologie numérique, mais également la fragmentation réglementaire.
Un nombre croissant de pays, principalement des démocraties, intègrent la diplomatie numérique dans leur politique étrangère en nommant des « ambassadeurs de la technologie », dont le mandat, initialement axé sur la cybersécurité pour installer le dialogue sur le sujet avec l'industrie technologique de la Silicon Valley, s’étend souvent depuis peu à la promotion d’approches du développement numérique fondées sur les droits. L'Australie, le Danemark, l'Estonie, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Brésil, par exemple, ont institué de tels ambassadeurs de la technologie, bien qu’optant pour des modèles et des mandats différents. En novembre 2020, la Suisse a adopté sa première stratégie de politique étrangère numérique pour la période 2021-24, supervisée par un ambassadeur chargé des affaires numériques. En juillet 2022, l’Union européenne a annoncé l’installation d’une représentation diplomatique spécialement dédiée aux questions technologiques dans la Silicon Valley, conformément aux conclusions du Conseil de l'UE sur la diplomatie numérique.
Diverses plateformes de collaboration et initiatives spéciales sur la « démocratie numérique » ont été lancées par des pays partageant les mêmes vues dans le but de renforcer la coopération internationale. Par exemple :
Les Nations numériques sont un forum collaboratif fondé en 2014 et constitué de nations chefs de file du numérique partageant l’objectif commun de tirer profit du potentiel de puissance des technologies numériques pour améliorer le fonctionnement de l’État et les services aux citoyens. Le forum compte actuellement 10 pays membres, à savoir l'Estonie, Israël, la Corée, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, le Canada, l'Uruguay, le Mexique, le Portugal et le Danemark. Les membres sont liés par un ensemble de principes communs de gouvernance publique visant à promouvoir des approches centrées sur les besoins de l’usager, l’ouverture des normes, l’ouverture des sources, l’ouverture de l'administration et l’inclusion numérique, inscrits dans sa charte fondatrice actualisée en 2021. En 2018, par exemple, le forum a approuvé une approche commune de l'utilisation responsable de l'intelligence artificielle dans les services publics, fondée sur les principes de transparence, de responsabilité et d'équité procédurale.
Le Réseau des Nations agiles a été créé en 2020 pour favoriser la coopération mondiale en matière de réglementation en réponse à l’innovation et renforcer la coopération internationale afin d’améliorer la résilience et de mieux préparer les pays à faire face à l’avenir dans des domaines clés de la politique transnationale tels que les actifs de données, la technologie des transactions financières et les technologies vertes. Actuellement présidé par les Émirats arabes unis, il comprend 7 pays (Canada, Danemark, Émirats arabes unis, Italie, Japon, Royaume-Uni et Singapour).
En décembre 2021, le Sommet mondial pour la démocratie, dirigé par les États-Unis, s’est penché sur les problématiques et les opportunités devant lesquels se trouvent les démocraties à l'ère du numérique.37 Les travaux ont permis de dégager un consensus mondial autour d’une vision positive de la démocratie numérique, notamment avec l’initiative des Grands Défis Internationaux sur les technologies d'affirmation de la démocratie, et de la coopération internationale pour contrer la montée de « l'autoritarisme numérique ».38 Les pays participants y ont pris toute une série d'engagements en faveur du renouveau démocratique, en s’engageant notamment à investir dans le développement, l’usage et la gouvernance de technologies à même de faire progresser la démocratie et les droits de l'homme. Le prochain Sommet pour la démocratie, qui se tiendra en 2023, sera une belle occasion de faire progresser cette initiative.
L'initiative danoise « Tech for Democracy », lancée en novembre 2021, propose une plateforme de dialogue multipartite sur la technologie au service de la démocratie et des droits de l'homme entre États, organisations multilatérales, acteurs de l’industrie technologique et organisations de la société civile.39
Dans le domaine de l'intelligence artificielle, le Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle (GPAI)40 est une alliance multipartite et intergouvernementale de 25 membres, créée en 2020, qui vise à mettre en œuvre l’engagement commun pris au titre de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’intelligence artificielle et à soutenir la recherche de pointe et les activités appliquées sur les priorités liées à l’intelligence artificielle, y compris dans le secteur public.
Le secteur privé, notamment les industries technologiques, lance également des initiatives visant à promouvoir les efforts de renforcement de la démocratie dans le cadre du mouvement tech4good. Ainsi, l'initiative Democracy Forward de Microsoft vise à « protéger les processus démocratiques ouverts et sécurisés et à préserver l'accès à un journalisme de confiance afin de contribuer à bâtir un écosystème d'information plus sain ». En matière d'élections, par exemple, elle vise à protéger la sécurité des institutions électorales stratégiques, l'intégrité des élections et les logiciels électoraux open-source.
Au niveau mondial, en 2020, l’ONU a adopté une feuille de route pour la coopération numérique qui vise à promouvoir une approche de la transformation numérique fondée sur des droits et sur la confiance. En septembre 2021, elle a publié un rapport intitulé « Notre programme commun », qui propose un Pacte numérique mondial à convenir lors du Sommet du futur en septembre 2023. Ce pacte devrait « définir des principes partagés pour un avenir numérique ouvert, libre et sécurisé pour tous ». Reconnaissant que la technologie constitue un enjeu mondial fondamental, le Secrétaire général des Nations unies a nommé en 2021 un envoyé des Nations unies pour la technologie.
Les États peuvent également coopérer pour faire progresser les biens publics numériques mondiaux et partager les infrastructures publiques numériques pour une transformation numérique plus équitable (Nations Unies, Assemblée Générale, 2020[125]). Le rapport de l'OCDE 2021 sur la coopération mondiale pour le développement intitulé « Pour une transformation numérique juste » (OCDE, 2021[126]) décrit les nombreuses initiatives mondiales et régionales allant dans ce sens, notamment :
L'Alliance pour les biens publics mondiaux et l'Alliance pour l'impact numérique sont des initiatives multipartites visant à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en facilitant le développement et l'utilisation des biens publics numériques, ce qui permet aux pays de mettre en place une infrastructure publique numérique sûre, fiable et inclusive à grande échelle.
L'initiative GovStack a pour objet d’accélérer la transformation numérique dans les pays en développement en élaborant et en partageant les éléments de base de l’administration numérique au moyen de solutions open-source appliquées aux systèmes d'identification, d'enregistrement et de paiement.
L'UE envisage une initiative européenne pour les ressources numériques communes.41 Les ressources numériques communes sont des ressources non rivales et non exclusives qui se caractérisent par une production, une maintenance et une gouvernance partagées. L'initiative vise à promouvoir les ressources numériques communes et les logiciels open-source et à encourager leur utilisation au sein des institutions européennes et des services publics des États membres.
De nombreux engagements et normes ont vu le jour à l’échelle internationale qui visent à réaffirmer et renforcer les valeurs démocratiques qui sous-tendent la transformation numérique. Les déclarations de Tallinn, de Berlin et de Lisbonne de l’UE sur la démocratie numérique, la déclaration ministérielle du G7 sur le numérique et la technologie de 2021 et la déclaration ministérielle du G20 sur le numérique de 2021 reflètent toutes la prise de conscience accrue de la nécessité de promouvoir la coopération internationale et la convergence mondiale entre les pays partageant une communauté de vues sur les actions, les normes et les principes à même de favoriser l’éclosion d’approches communes de la transformation numérique fondées sur des valeurs partagées et l’avènement d’institutions démocratiques mieux adaptées à l’ère du numérique (voir le Chapitre 3).
De même, certaines régions, ou des groupes de pays partageant une communauté de vues, ont établi des principes communs ou des règles communes dans le cadre d’organisations multilatérales afin de tenir compte de la nature transnationale de la transformation numérique.
L'OCDE, sous l'égide de son Comité de la politique de l'économie numérique (CEDP), a élaboré au fil du temps divers principes novateurs. Dans le cas de l’intelligence artificielle, les Principes de l’OCDE sur l’IA, adoptés en 2019, ont été approuvés par 46 États.42 Ils comprennent cinq principes visant à garantir que les systèmes d'IA sont dignes de confiance, centrés sur l'humain et respectueux des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Ils s’accompagnent de 5 recommandations à l’attention des décideurs publics qu’il y a lieu de prendre en compte pour favoriser des écosystèmes d’intelligence artificielle prospères qui respectent les droits de l’homme et les valeurs démocratiques. Le document de l’OCDE intitulé « Good Practice Principles for Data Ethics in the Public Sector » (OCDE, 2021[127]) a été élaboré pour promouvoir un usage éthique des données dans les services publics.
L’Union européenne (UE) a publié un ensemble de lignes directrices43 et travaille actuellement à l’élaboration d’un cadre fondé sur le risque, la Loi sur l’intelligence artificielle, qui envisage de soumettre à des vérifications supplémentaires les usages « à haut risque » de l’intelligence artificielle susceptibles potentiellement de causer le plus de tort aux personnes, y compris les usages dans le secteur public (s’agissant, par exemple, du recrutement des personnes, de la notation dans les écoles ou encore de l’aide à la prise de décision des juges).
Le Conseil de l’Europe œuvre depuis longtemps en faveur d’un usage des nouvelles technologies fondé sur les droits de l’homme, l’état de droit et la démocratie, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme. En 2019, son Comité des ministres a adopté une déclaration sur les capacités de manipulation des processus algorithmiques et, en 2020, une recommandation afférente aux impacts des systèmes algorithmiques sur les droits de l’homme.
Au niveau mondial, la Conférence générale de l'UNESCO a adopté novembre 2021 la Recommandation sur l'éthique de l'intelligence artificielle,44 une norme internationale établissant les principes pertinents à respecter, guidés par des valeurs éthiques. Ce texte vise à aider les États et les acteurs non étatiques à élaborer des instruments à même de promouvoir une intelligence artificielle qui serve la dignité humaine et la prévention des dommages.
Le décalage entre la nature essentiellement nationale des garanties démocratiques et les défis de portée mondiale de la transformation numérique implique de réduire l’écart en matière de gouvernance numérique multilatérale. En termes de coopération réglementaire mondiale, par exemple, la Recommandation du Conseil sur la coopération réglementaire internationale face aux défis de portée mondiale de 2022 entend soutenir les États dans cette transition. Pour renforcer la démocratie numérique, la Recommandation du Conseil en faveur d’une gouvernance réglementaire agile permettant de mettre l’innovation à profit de 2021 invite les gouvernements à prendre en compte le vaste « écosystème international de l’innovation » et à jeter les « bases institutionnelles permettant une coopération et des approches décloisonnées, tant au sein de chaque territoire qu’entre plusieurs territoires » (OCDE, 2021[108]).
Pour l’avenir, deux priorités se dégagent pour assurer une coopération réglementaire internationale efficace. Il sera essentiel de réduire les lacunes découlant de l’état fragmenté du paysage normatif international, de donner une plus grande visibilité aux normes qui existent déjà en matière de gouvernance numérique et de garantir leur mise en œuvre. Considéré dans son ensemble, l’« écosystème international de l’innovation » diversifié et dynamique décrit ci-dessus a le potentiel d’apporter une réponse flexible et agile aux défis complexes posés par la transformation numérique, à condition néanmoins qu’une véritable coordination et complémentarité soit assurée.
5.5.5. Pistes pour l’avenir
À l’avenir, plusieurs priorités se dessinent pour les pouvoirs publics de l’OCDE partageant les mêmes idées, afin de renforcer la gouvernance publique au service de la démocratie à l'ère du numérique :
Envisager de moderniser et d'ajuster les mandats, les fonctions et les ressources des organismes d'orientation, de réglementation et de contrôle afin de s'assurer qu'ils disposent des capacités appropriées pour concevoir et déployer des normes en matière de transformation numérique favorisant la démocratie ;
Favoriser une coopération réglementaire internationale afin de réduire les lacunes et de combler les failles découlant de l’état fragmenté du paysage normatif international, et donner une plus grande visibilité aux normes émergentes en matière de gouvernance numérique ;
Investir dans l’innovation démocratique numérique par le biais de l’écosystème international de l’innovation, diversifié et dynamique, qui a le potentiel d’apporter une réponse flexible et agile aux défis complexes posés par la transformation numérique pour la démocratie.
Un plan d'action visant à soutenir la transformation de la gouvernance publique pour la démocratie numérique sera élaboré par le Comité de la gouvernance publique de l'OCDE en temps voulu (voir www.oecd.org/governance/reinforcing-democracy/).
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Notes
← 1. Les droits civils et politiques sont une catégorie de droits qui protègent la liberté des individus contre toute atteinte de la part des pouvoirs publics, des acteurs privés et des organisations sociales. Ils garantissent le droit de chacun à participer à la vie civile et politique de la société et de l'État sans discrimination ni répression et, à cet égard, constituent les fondements de la démocratie. À la différence d'autres concepts de droits, tels que les droits de l'homme et les droits naturels, que les personnes acquièrent de manière inhérente, les droits civils et politiques doivent être conférés et garantis par le pouvoir de l'État. Les droits civils englobent la garantie donnée aux personnes de leur intégrité physique et mentale, de leur vie et de leur sécurité ; la protection contre toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l'orientation sexuelle, l'origine nationale, la couleur, l'âge, l'affiliation politique, l'appartenance ethnique, la classe sociale, la religion et le handicap ; et les droits individuels tels que la vie privée et la liberté de pensée, d’expression, de religion, de presse, de réunion et de déplacement. Les droits politiques comprennent l'équité procédurale en droit, comme les droits de l'accusé, notamment le droit à un procès équitable, le droit à une procédure régulière, le droit de demander réparation ou un recours juridique, ainsi que les droits de participation à la société civile et à la politique, comme la liberté d'association, le droit de réunion, le droit de pétition, le droit de légitime défense et le droit de vote. Les droits civils et politiques constituent la partie originale et principale des droits de l'homme internationaux de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Sources : (Wikipedia, 2022[130]) et (Sieghart, 1985[129]).
← 4. Une cybermenace est le fait d’un acteur utilisant l'internet et qui profite d'une vulnérabilité connue dans un produit dans le but d'exploiter un réseau et les informations qu'il transporte.
← 5. Logiciel malveillant conçu pour infiltrer ou endommager un système informatique, sans le consentement de son propriétaire. Les formes courantes de logiciels malveillants sont les virus informatiques, les vers, les chevaux de Troie, les logiciels espions et les logiciels publicitaires.
← 7. La théorie de la démocratie fait souvent référence au concept clé d'« opposition loyale » comme fondement d’une démocratie libérale basée sur les principes de la concurrence politique et du désaccord raisonnable dans un contexte démocratique. Cela renvoie au comportement de l'opposition politique et des partis minoritaires dont l'opposition au parti au pouvoir est constructive, responsable et ancrée dans la loyauté envers les intérêts fondamentaux et les principes de la démocratie inscrits dans la Constitution (Waldron, 2016[131]).
← 9. De la même manière, la quasi-totalité des participantes à un programme britannique destiné aux aspirantes dirigeantes politiques ont déclaré avoir constaté la présence en ligne de messages sexistes à l’encontre des femmes politiques. UNGA, 2018, https://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/73/301
← 11. Voir, par exemple : https://participa.gov.pt/base/home et https://participa.pt/. Le Portugal a également développé Consulta LEX, une plateforme dédiée aux consultations publiques sur la législation et à la formulation de suggestions (https://www.consultalex.gov.pt/).
← 12. Concernant les technologies d'intérêt public, voir le numéro spécial de la Stanford Social Innovation Review sur le thème « Putting the Public Interest in Front of Technology » disponible ici : https://ssir.org/putting_the_public_interest_in_front_of_technology et (McGuinness et Schank, 2021[128]).
← 20. Il s'agit par exemple du Partenariat pour un gouvernement ouvert, de l'Initiative « Open Contracting », de l'Initiative pour la transparence des infrastructures, du Partenariat international pour le budget, de l'Initiative mondiale pour la transparence fiscale ou de l'Initiative pour la transparence des industries extractives.
← 22. Des scandales (algorithmes de fraude aux prestations aux Pays-Bas, algorithmes de notation des examens au Royaume-Uni, par exemple), ont davantage sensibilisé le public à l'utilisation des algorithmes dans la prise de décision publique et à l'importance d'accroître la transparence et la responsabilité des algorithmes gouvernementaux. Aux Pays-Bas, en 2020, le Tribunal d’arrondissement de La Haye a déclaré illégal la solution System Risk Indication, un système de profilage des risques conçu par le ministère des Affaires sociales pour traiter de grandes quantités de données collectées par diverses autorités publiques afin d'identifier les personnes les plus susceptibles de commettre une fraude aux prestations La Cour a fait valoir que le droit à la vie privée l'emporte sur la lutte contre la fraude présumée aux prestations.
← 24. https://data.govt.nz/toolkit/data-ethics/government-algorithm-transparency-and-accountability/
← 26. Dans d'autres domaines liés à la transformation numérique, des approches différentes sont adoptées. Par exemple, en Europe, la législation relative à la protection de la vie privée est appliquée par les autorités publiques, tandis qu'aux États-Unis, cette application relève principalement du secteur privé et de l'autorégulation.
← 27. 15 des 38 pays de l’OCDE disposent d’une autorité de régulation couvrant à la fois la communication et la radiodiffusion.
← 28. Enquête de l’OCDE réalisée en 2021 par le WPCISP. Les pourcentages se rapportent aux pays de l’OCDE, au Brésil et à Singapour, comme indiqué dans le rapport à paraître « Communication Regulators of the Future » (OCDE, à paraître[115]).
← 29. Formée en 2020, la DRFC comprend l'Autorité de la concurrence et des marchés (CMA), le Bureau du commissariat à l'information (ICO), l’autorité de régulation britannique des communications (OFCOM) et l'Autorité de conduite financière (FCA).
← 30. La plateforme Digital Regulation Co-operation Platform des Pays-Bas a été créée en 2021. Elle regroupe l'Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés (ACM), l'Autorité néerlandaise de protection des données (AP), l'Autorité néerlandaise pour les marchés financiers (AFM) et l'Autorité néerlandaise des médias (CvdM).
← 31. L'Autorité italienne des télécommunications, l'Autorité de la concurrence et l'Autorité de protection des données ont publié des principes directeurs et des recommandations politiques concernant le Big Data (voir https://www.garanteprivacy.it/home/docweb/-/docweb-display/docweb/9123073).
← 34. https://www.rekenkamer.nl/onderwerpen/algoritmes/algoritmes-toetsingskader/
← 35. Voir https://rm.coe.int/fin-the-report-of-the-non-discrimination-ombudsman-to-the-parliament/16808b7cd2 et https://www.yvtltk.fi/material/attachments/ytaltk/tapausselosteet/45LI2c6dD/YVTl tk-tapausseloste-_21.3.2018-luotto-moniperusteinen_syrjinta-S-en_2.pdf
← 36. Voir par exemple : https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2020/651992/EPRS_BRI(2020)651992_EN.pdf
← 38. Sur « l'autoritarisme numérique », voir par exemple https://freedomhouse.org/report/freedom-net/2018/rise-digital-authoritarianism.
← 41. https://www.diplomatie.gouv.fr/en/french-foreign-policy/digital-diplomacy/news/article/joint-statement-by-the-ministry-for-europe-and-foreign-affairs-and-the-state
← 42. https://oecd.ai/en/ai-principles et étude approfondie dans https://oecd-opsi.org/wp-content/uploads/2019/11/AI-Report-Online.pdf.