Ce chapitre examine la répartition du patrimoine immobilier et des dettes correspondantes selon les niveaux de revenu et de patrimoine des ménages, ainsi que selon les tranches d’âges et les générations. Il analyse également la place des successions et donations dans l’acquisition d’un bien immobilier. Les conclusions permettent d’éclairer l’évaluation des politiques, ainsi que les options de réformes décrites dans la suite du rapport.
La fiscalité immobilière dans les pays de l’OCDE
2. La répartition des actifs immobiliers
Abstract
2.1. Introduction
Il est essentiel de bien comprendre la répartition du patrimoine immobilier afin de concevoir des politiques fiscales liées au logement qui soient efficaces et équitables. En prenant en compte la répartition du patrimoine immobilier et des dettes correspondantes, les responsables de l’action publique peuvent anticiper les conséquences des taxes sur l’immobilier. Ce chapitre présente des indicateurs clés concernant la répartition des actifs et des passifs immobiliers dans les pays de l’OCDE (Encadré 2.1). Il décrit en particulier comment la répartition du patrimoine immobilier et de la dette correspondante varie en fonction de la distribution des revenus et du patrimoine, et tout au long de la vie. Ce chapitre examine également l’évolution de la part de propriétaires au fil des générations, et abordent la place des successions dans l’acquisition d’un bien immobilier. Les conclusions de ce chapitre sont essentielles pour la conception des taxes sur les biens immobiliers, et contribuent à éclairer l’évaluation des politiques, ainsi que les pistes de réformes décrites dans la suite du rapport.
L’immobilier constitue une composante clé du patrimoine des ménages, en particulier de ceux de la classe moyenne, bien qu’il se concentre généralement entre les mains des ménages plus âgés, à haut revenu et à patrimoine élevé. L’immobilier représente un moyen essentiel d’accumulation du patrimoine, et un actif particulièrement important pour les ménages de la classe moyenne. La proportion de propriétaires sur l’ensemble des ménages varie considérablement d’un pays à l’autre, mais elle augmente proportionnellement aux revenus dans la plupart d’entre eux. Le patrimoine immobilier (résidences principales et biens immobiliers secondaires) est fortement concentré parmi les ménages fortunés, et dans une moindre mesure parmi les ménages à haut revenu. Les ménages à haut revenu détiennent une part disproportionnée de la dette immobilière, mais le poids de la dette supporté par les ménages à faible revenu ayant contracté un emprunt hypothécaire est en règle générale plus élevé, ce qui a des conséquences sur les allègements fiscaux relatifs aux intérêts d’emprunt. On observe un lien étroit entre l’âge, la proportion de propriétaires et le patrimoine immobilier. Les ménages plus âgés possèdent généralement un patrimoine immobilier important, mais affichent de faibles niveaux de revenu, ce qui peut occasionner des problèmes de liquidités liés à la fiscalité immobilière. Les données montrent également une diminution de la part des propriétaires parmi les jeunes générations, en particulier chez les ménages à faible revenu et modestes. En outre, la probabilité d’accéder à la propriété est bien plus élevée dans certains pays pour les personnes qui reçoivent un héritage. L’effet redistributif des politiques fiscales relatives au logement dépendra de la façon dont il est mesuré, en particulier de selon qu’il est évalué le long de la distribution des revenus ou du patrimoine, et sera différent en valeur absolue et relative, compte tenu de la concentration du patrimoine immobilier au sommet de la distribution, mais aussi de l’importance du logement pour la classe moyenne.
2.2. Patrimoine des ménages et proportion de propriétaires
L’immobilier constitue la principale catégorie d’actifs détenue par la plupart des ménages, et l’essentiel du patrimoine des ménages de la classe moyenne. La résidence principale représente de 28 % du patrimoine brut total des ménages aux États-Unis à 65 % en République slovaque, mais compte en moyenne pour 50 % du patrimoine total des ménages dans les 29 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, et pour plus de la moitié du patrimoine total des ménages dans 17 pays (Graphique 2.1). Les biens immobiliers secondaires1 représentent également une part importante du patrimoine brut des ménages dans de nombreux pays de l’OCDE, et constituent généralement la deuxième ou troisième catégorie d’actifs détenue par les ménages. La résidence principale est un élément particulièrement important du patrimoine des ménages situés dans la partie intermédiaire de la distribution du patrimoine (c’est-à-dire les deuxième, troisième et quatrième quintiles), pour qui elle représente environ 65 % du patrimoine en moyenne (Graphique 2.2). Cette proportion est nettement plus faible parmi les ménages situés au sommet de la distribution du patrimoine, dont une large part du patrimoine est détenue sous la forme d’actifs financiers ; la résidence principale ne représente ainsi que 21 % en moyenne du patrimoine des 1 % des ménages les plus aisés. En ce qui concerne les ménages appartenant au quintile de patrimoine inférieur, le poids de la résidence principale est également relativement moins important, et représente en moyenne 52 % de leurs actifs, les autres avoirs matériels (véhicules, objets de valeur et autres biens non résidentiels, par exemple) occupant une place comparativement plus importante dans le patrimoine de ces ménages. Plusieurs facteurs contribuent à la prédominance du logement dans le patrimoine des ménages de la classe moyenne. Par exemple, la résidence principale est à la fois un produit de consommation et d’investissement qui bénéficie généralement d’un traitement fiscal très favorable par rapport à la plupart des autres produits d’épargne (OECD, 2018[1]) (OCDE, s.d.[2]). Le logement est également souvent perçu comme un investissement sûr, et permet aux individus de vivre avec des revenus plus faibles une fois leur prêt hypothécaire remboursé (à la retraite par exemple). La possibilité de souscrire un prêt immobilier permet aussi aux ménages modestes d’accumuler des niveaux substantiels de patrimoine immobilier net au cours de leur vie (Causa, Woloszko et Leite, 2019[1]).
Encadré 2.1. Mesurer le patrimoine des ménages
Sources des données
Ce chapitre s’appuie dans une large mesure sur la Base de données de l’OCDE sur la distribution des richesses, qui contient des données sur 29 pays membres de l’OCDE, ainsi que sur l’enquête sur les finances et la consommation des ménages (HFCS) réalisée par la Banque centrale européenne, qui contient des données sur 19 pays européens membres de l’OCDE. Les données sont disponibles dans les deux ensembles de données pour l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République slovaque et la Slovénie. Les données sont disponibles uniquement dans la Base de données sur la distribution des richesses pour l’Australie, le Canada, le Chili, la Corée, le Danemark, les États-Unis, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni (Grande-Bretagne seulement).
Ces deux sources de données contiennent des micro données qui sont largement comparables entre les pays participants. L’enquête HFCS met à profit les enquêtes menées auprès des ménages, dont les questionnaires sont harmonisés entre les pays participants. La Base de données sur la distribution des richesses s’appuie sur les données fiscales et administratives pour trois pays (Danemark, Norvège et Pays-Bas), tandis que les estimations concernant les autres pays proviennent d’enquêtes réalisées auprès des ménages, dont l’enquête HFCS pour les pays participants.
Indicateurs
Le chapitre examine le patrimoine non ajusté des ménages, c’est-à-dire non ajusté en fonction de la taille du ménage. Le patrimoine brut correspond à la somme du total des actifs des ménages, tandis que le patrimoine net désigne la différence entre le total des actifs et le total des passifs (le patrimoine net peut donc être négatif). Il convient de noter que le calcul du patrimoine des ménages ne prend pas en compte les pensions publiques ou professionnelles. Tout au long de ce chapitre, le patrimoine net est habituellement utilisé pour examiner le niveau de patrimoine global, car il reflète plus fidèlement le patrimoine des ménages. Le patrimoine brut est généralement utilisé pour l’analyse de sa composition, ce qui permet d’éviter le problème éventuel lié au patrimoine négatif.
Ce chapitre traite de la distribution du patrimoine entre les différents niveaux de revenus et de patrimoine. Les quintiles de revenu sont calculés à partir du revenu disponible non ajusté des ménages pour l’Australie, le Canada, le Chili, la Corée, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, l’Italie, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, et à partir du revenu brut non ajusté des ménages pour les autres pays. Bien que la comparabilité entre les pays qui utilisent des mesures différentes s’en trouve réduite, l’impact est censé être minime, car les ménages occupent généralement une position relative similaire dans la distribution des revenus bruts et disponibles. Les quintiles de patrimoine sont calculés sur la base du patrimoine net non ajusté des ménages pour l’ensemble des pays.
Il convient d’interpréter avec prudence les résultats présentés dans ce chapitre. Étant donné qu’aucun ajustement n’est opéré en fonction de la taille des ménages, et que les ménages à revenu élevé et à patrimoine élevé sont moins susceptibles d’être des ménages unipersonnels, les 10 % et les 1 % les plus riches peuvent représenter respectivement plus de 10 % et de 1 % de la population. Le fait de tenir compte de la taille des ménages pourrait avoir pour effet de réduire la part des revenus et du patrimoine des ménages les plus aisés, même si l’ampleur de cette réduction serait différente en fonction du pays. En outre, différents éléments influent sur les niveaux et la distribution du patrimoine immobilier selon les pays, et les facteurs qui sous-tendent l’évolution du patrimoine immobilier évolueront au fil du temps. La persistance des effets liés aux politiques publiques antérieures, l’évolution démographique, le développement des marchés hypothécaires, ainsi que de nombreux autres facteurs ajoutent à la complexité de l’analyse.
Source : Base de données de l’OCDE sur la distribution des richesses https://www.oecd.org/social/WDD-Metadata.pdf. Enquête sur les finances et la consommation des ménages https://www.ecb.europa.eu/pub/economic-research/research-networks/html/researcher_hfcn.en.html.
La proportion de propriétaires et de locataires varie considérablement selon les pays de l’OCDE. C’est en Allemagne que la proportion de ménages propriétaires de leur logement (avec ou sans prêt hypothécaire) est la plus faible (44 %), suivie de l’Autriche (46 %) et du Danemark (46 %), les autres ménages étant locataires ou ayant recours à d’autres modes d’occupation du logement (Graphique 2.3). À l’inverse, 93 % des ménages en Lituanie sont propriétaires de leur résidence principale, suivie de la République slovaque (89 %) et de la Pologne (84 %). La part des propriétaires varie selon les régions, avec des taux plus faibles observés dans les pays d’Europe du Nord et de l’Ouest, alors qu’ils sont particulièrement élevés dans les pays d’Europe centrale et orientale. En général, la part des propriétaires sur l’ensemble des ménages dans les pays anglophones (par exemple, 66 % en Australie, 64 % au Canada, 65 % aux États-Unis), et dans les pays d’Europe du Sud (par exemple, 72 % en Grèce, 68 % en Italie) se situe entre ces deux groupes. Parmi les propriétaires, la tendance à avoir un prêt hypothécaire varie également considérablement d’un pays à l’autre. Aux Pays-Bas, par exemple, seuls 9 % des ménages sont propriétaires à part entière de leur résidence principale, et 47 % ont un prêt. À l’inverse, seuls 8 % des ménages slovènes ont un prêt, tandis que 68 % en sont propriétaires à part entière. Le recours à l’emprunt pour financer l’acquisition de la résidence principale semble beaucoup plus important dans certains pays de l’OCDE que dans d’autres (voir Graphique 2.14).
La proportion de propriétaires est la plus élevée au sommet de la distribution des revenus dans presque tous les pays de l’OCDE, mais on observe des différences significatives en ce qui concerne les ménages à revenu faible et intermédiaire. Le Graphique 2.4. montre que la proportion de propriétaires est généralement la plus élevée parmi les ménages du quintile de revenu supérieur ; plus des trois quarts des ménages dans le quintile supérieur sont propriétaires dans 26 des 29 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles. On observe toutefois des différences marquées d’un pays à l’autre s’agissant des ménages à faible revenu. Dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale (comme la Hongrie, la Lituanie et la République slovaque), la proportion de propriétaires est uniforme sur l’ensemble de la distribution des revenus, avec des différences marginales entre les quintiles de revenu. D’autres pays, comme le Japon et la Pologne, affichent des différences plus marquées entre les quintiles de revenu, mais des taux de propriétaires qui restent dans l’ensemble élevés. L’Allemagne, les Pays-Bas et le Canada affichent une faible proportion de propriétaires parmi les ménages du quintile inférieur, et des disparités considérables entre les quintiles suivants, tandis que des pays comme le Chili et la Nouvelle-Zélande présentent une proportion de propriétaires faible, mais comparable sur l’ensemble de la distribution. Ces disparités nationales observées sur l’échelle de distribution des revenus pour ce qui est de la part de propriétaires font écho aux différences en matière de modes d’occupation des logements présentées dans le Graphique 2.3. Dans les pays où la proportion de locataires est faible, l’accession à la propriété semble être à la portée d’une large partie des ménages, indépendamment du quintile de revenu auquel ils appartiennent. Dans ceux où la location représente un mode de location très répandu, toutefois, l’accession à la propriété est davantage fonction du niveau de revenu des ménages.
Bien que la proportion de propriétaires rapportée à l’ensemble des ménages présente des différences marquées entre les pays de l’OCDE, on observe des similitudes frappantes dans la relation entre les modes d’occupation du logement et les niveaux relatifs de revenu et de patrimoine des ménages. Le Graphique 2.5 compare les revenus et le patrimoine des locataires, des propriétaires à part entière et des propriétaires ayant un emprunt hypothécaire, à ceux de la population totale dans chacun des 27 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles. Le graphique mesure le rapport entre le patrimoine net moyen de chaque groupe et le patrimoine net moyen de la population totale (sur l’axe des ordonnées), et le rapport entre le revenu avant impôt moyen de chaque groupe et le revenu avant impôt moyen de la population totale (sur l’axe des abscisses) dans chaque pays. Dans tous les pays, les niveaux de revenu et de patrimoine des ménages locataires sont nettement inférieurs à la moyenne de la population. Cela tient au poids de la résidence principale dans le patrimoine des ménages, ainsi qu’à l’importance du revenu pour assurer les remboursement d’emprunts et épargner en vue de se constituer un apport. Comme les jeunes ménages sont essentiellement locataires de leur logement (Causa, Woloszko et Leite, 2019[1]), l’accès à des emplois de qualité, au crédit hypothécaire et à des logements abordables sont des éléments essentiels pour permettre à cette catégorie de la population de se constituer un patrimoine tout au long de la vie. Les propriétaires qui ont contracté un emprunt, en revanche, ont en général des revenus plus élevés, et affichent des niveaux moyens de patrimoine net. Ce groupe comprend pour beaucoup des personnes en milieu de carrière (Causa, Woloszko et Leite, 2019[1]), fortement endettées au regard de leur patrimoine total, mais qui perçoivent des revenus suffisamment élevés pour rembourser leur emprunt hypothécaire. Enfin, les propriétaires à part entière possèdent un patrimoine net supérieur à la moyenne, et un niveau de revenu moyen. Ce groupe comprend pour l’essentiel des ménages âgés (Causa, Woloszko et Leite, 2019[1]), ayant fini de rembourser leur emprunt hypothécaire, et qui ne perçoivent plus de revenus substantiels.
2.3. Actifs et passifs immobiliers selon les niveaux de revenu et de patrimoine
Le patrimoine moyen constitué de résidences principales varie considérablement d’un pays à l’autre, bien qu’il soit systématiquement plus élevé pour les ménages appartenant au quintile de revenu supérieur, et plus faible pour les ménages du quintile inférieur. La partie supérieure du Graphique 2.6 montre que le patrimoine brut moyen constitué de résidences principales s’élève pour l’ensemble des ménages à 164 500 USD en moyenne dans les pays de l’OCDE, et s’échelonne entre 28 500 USD en Lettonie et 582 000 USD au Luxembourg. Il est intéressant de noter que dans les pays où le patrimoine immobilier brut moyen est le plus élevé, la part des propriétaires sur l’ensemble des ménages affiche un niveau moyen, tandis que les pays d’Europe centrale et orientale, où la proportion des propriétaires est particulièrement élevée, le patrimoine immobilier moyen est relativement faible (Graphique 2.3, Graphique 2.6). Comme le patrimoine immobilier global est fonction de la proportion de propriétaires et de la valeur des logements, cela traduit la faible valeur des actifs immobiliers en Europe orientale. Le Graphique 2.6 rend compte également de la valeur du patrimoine moyen constitué de résidences principales pour les ménages appartenant aux quintiles de revenu supérieurs et inférieurs. Dans tous les pays, les ménages situés dans la partie supérieure de la distribution des revenus possèdent le patrimoine immobilier moyen le plus élevé, tandis qu’il est le plus faible pour les ménages situés dans la partie inférieure. Sur l’ensemble des pays, le patrimoine moyen constitué de résidences principales des ménages du quintile supérieur (309 500 USD) est presque deux fois supérieur à celui de la moyenne de la population (164 500 USD), et plus de trois fois et demie supérieur à celui de la moyenne du quintile inférieur (79 500 USD).
Le niveau du patrimoine constitué de biens immobiliers secondaires est inférieur au niveau du patrimoine constitué de résidences principales, mais il est beaucoup plus concentré dans le haut de la distribution des revenus (Graphique 2.6). Le patrimoine brut moyen constitué de biens immobiliers secondaires s’élève à 157 000 USD en moyenne dans tous les pays, et il est inférieur au patrimoine moyen constitué de résidences principales dans tous les pays étudiés. Il s’échelonne de 11 500 USD en Pologne à 229 000 USD au Luxembourg. Ces actifs sont également nettement plus concentrés parmi les ménages du quintile de revenu supérieur. Sur l’ensemble des pays, le patrimoine brut moyen constitué de biens immobiliers secondaires détenu par les ménages situés dans le quintile supérieur de la distribution des revenus (157 000 USD) est à peu près trois fois supérieur à celui de la moyenne de la population (53 000 USD), et près de neuf fois supérieur à la moyenne du quintile inférieur (18 000 USD).
Les ménages les plus aisés détiennent une part disproportionnellement élevée du patrimoine immobilier, et la majorité du patrimoine constitué de biens immobiliers secondaires. Le Graphique 2.7 examine la répartition du patrimoine selon les quintiles de patrimoine, et complète l’analyse précédente sur la répartition du patrimoine selon les quintiles de revenus, car les revenus et le patrimoine ne présentent pas une forte corrélation dans les pays de l’OCDE (OCDE (2020[2])). Le Graphique 2.7 montre qu’en moyenne dans 29 pays de l’OCDE, près de la moitié (46 %) du patrimoine brut total constitué de résidences principales est détenue par des ménages appartenant au quintile de patrimoine supérieur. Les ménages appartenant aux quintiles intermédiaires (c’est-à-dire les deuxième, troisième et quatrième quintiles) détiennent collectivement 51 % du patrimoine brut constitué de résidences principales, tandis que ceux appartenant au quintile de patrimoine le plus bas en détiennent environ 3 %. Le patrimoine constitué de biens immobiliers secondaires est encore plus concentré dans le haut de la distribution, les ménages du quintile de patrimoine supérieur en détenant environ 75 %. En revanche, les ménages situés dans la partie intermédiaire de la distribution du patrimoine ne détiennent que 24 % du patrimoine constitué de biens immobiliers secondaires, tandis que les ménages du quintile inférieur en possèdent 1 %.
La dette immobilière est en règle générale détenue de manière disproportionnée par le quintile de revenu supérieur, tandis que les ménages à faible revenu en détiennent une part relativement faible. Dans 28 pays de l’OCDE, les ménages du quintile de revenu supérieur détiennent généralement la part la plus importante de la dette totale au titre des résidences principales, de 68 % en Estonie à 16 % au Luxembourg (Graphique 2.8). Les ménages des quintiles de revenu intermédiaires (c’est-à-dire les deuxième, troisième et quatrième quintiles de revenu) détiennent de 76 % (Belgique) à 32 % (Estonie) de la dette immobilière au titre des résidences principales, tandis que ce pourcentage s’échelonne de 14 % en Grèce à 0.4 % en Estonie pour les ménages appartenant au quintile de revenu inférieur. La distribution de la dette au titre des biens immobiliers secondaires est encore plus concentrée parmi les ménages du quintile de revenu supérieur qui détiennent en moyenne 57 % de l’encours total, contre 45 % de la dette immobilière au titre des résidences principales. La part de la dette au titre des biens immobiliers secondaires détenue par les ménages du quintile de revenu supérieur varie de 88 % (États-Unis) à 24 % (Belgique), ce qui est nettement plus élevé que la part détenue par les ménages du quintile inférieur (de 8.7 % en Hongrie à 0.09 % en Estonie). Les différences entre les pays pour ce qui est de la part de la dette hypothécaire détenue par les ménages aux différents échelons de la distribution des revenus peuvent être imputables à des facteurs tels que l’accessibilité du logement, le degré de concentration des revenus, et l’accès au financement hypothécaire pour les ménages n’appartenant pas au quintile de revenu supérieur. Par exemple, dans les pays où la part de la dette immobilière au titre des résidences principales est répartie de manière plus uniforme sur l’ensemble de la distribution des revenus, les ménages des quatre quintiles inférieurs représentent en général une plus grande proportion des emprunteurs que dans les pays où la souscription d’un emprunt hypothécaire est davantage fonction du revenu des ménages, ce qui donne à penser que le volume des emprunts hypothécaires est un facteur important dans la distribution de la dette immobilière. Les différences entre les pays peuvent également s’expliquer par des allègements fiscaux relatifs aux intérêts d’emprunt limités pour les ménages à haut revenu, ce qui limite l’incitation à souscrire des emprunts hypothécaires importants. La concentration de la dette immobilière au sommet de la distribution a d’importantes conséquences en termes d’effets redistributifs, car de nombreux pays de l’OCDE accordent des allègements fiscaux au titre des intérêts d’emprunt, et n’appliquent généralement pas de plafond pour les hauts revenus (voir le chapitre 3).
La dette immobilière est fortement concentrée parmi les ménages qui perçoivent les revenus les plus élevés, alors qu’elle est plus uniformément répartie entre les différents quintiles de patrimoine. Les ménages appartenant au quintile de revenu supérieur affichent les niveaux de dette immobilière les plus élevés en valeur absolue, par rapport aux ménages à faible revenu et à l’ensemble des quintiles de patrimoine (Graphique 2.9). En revanche, le niveau de dette immobilière des ménages situés dans la partie inférieure de la distribution des revenus est particulièrement faible, en partie parce que les retraités modestes ont terminé de rembourser leur emprunt, et parce que d’autres ménages perçoivent des revenus tout simplement trop faibles pour contracter un emprunt. À l’inverse, les ménages dans le bas de la distribution du patrimoineaffichent un niveau d’endettement bien plus élevé en regard de leur patrimoine que les ménages les plus fortunés, et la dette immobilière est répartie de manière plus uniforme sur l’ensemble de la distribution du patrimoine en général. Les différences concernant la composition des quintiles de revenu et de patrimoine donnent à penser que les effets redistributifs des politiques fiscales en faveur du logement varieront considérablement selon que l’on tient compte de la distribution des revenus ou du patrimoine.
Alors que la dette immobilière au titre des résidences principales se concentre de manière disproportionnée au sommet de la distribution des revenus, les ménages à faible revenu ayant contracté un emprunt hypothécaire sont de manière générale confrontés à des niveaux relatifs de dette immobilière plus élevés que les ménages à revenu élevé. Le Graphique 2.10, qui se fonde sur le niveau de la dette immobilière au titre des résidences principales par rapport au revenu brut moyen dans 19 pays de l’OCDE, montre que deux tiers des ménages ayant souscrit un emprunt hypothécaire2 qui appartiennent au quintile de revenu inférieur affichent un ratio de dette immobilière/revenu supérieur à trois. Ce pourcentage diminue à chaque quintile de revenu suivant, et il est inférieur à 10 % pour les ménages emprunteurs percevant les revenus les plus élevés. Les ménages à faible revenu ayant souscrit un emprunt hypothécaire sont donc plus lourdement endettés, et risquent davantage de rencontrer des difficultés de remboursement. Les mesures mises en place par les pouvoirs publics visant à aider les ménages emprunteurs (comme des allègements fiscaux relatifs aux intérêts d’emprunt) pourraient avoir un impact relatif plus important sur les ménages à faible revenu, malgré le fait que ceux-ci ne représentent qu’une faible part de l’encours total des dettes immobilières.
D’un point de vue statique, une proportion élevée de propriétaires va de pair avec des inégalités de patrimoine plus faibles. Causa, Woloszko et Leite (2019[1]) constatent qu’il existe une corrélation négative entre la proportion de propriétaires et les inégalités de patrimoine. En regard des actifs financiers, qui représentent la deuxième part la plus importante du patrimoine des ménages en moyenne (Graphique 2.1), la résidence principale est répartie de façon plus homogène entre les différents niveaux de revenu et de patrimoine. Causa, Woloszko et Leite (2019[1]) constatent également que le coefficient de Gini du patrimoine net total est inférieur au coefficient de Gini du patrimoine réel financier et non immobilier (c’est-à-dire en excluant le logement du calcul du patrimoine net global), ce qui laisse penser que le logement tend à égaliser la distribution du patrimoine d’un point de vue statique.
D’un point de vue dynamique, les liens entre la part de propriétaires, la hausse des prix des logements, et les inégalités de patrimoine sont plus difficiles à prévoir. Une proportion élevée de propriétaires peut, en théorie, limiter la hausse des inégalités de patrimoine au fil du temps, en permettant à une grande partie de la population d’avoir accès à un vecteur essentiel d’accumulation de patrimoine. Dans ces circonstances, la hausse des prix de l’immobilier pourrait bénéficier davantage à la classe moyenne propriétaire (dont, comme vu plus haut, la résidence principale constitue l’essentiel du patrimoine) qu’aux ménages les plus fortunés (Alvaredo et al., 2018[3]). La hausse des prix de l’immobilier peut toutefois aussi soulever des problèmes de répartition. La hausse des prix des actifs pourrait profiter davantage, en valeur absolue, aux ménages à haut patrimoine, cependant que les ménages qui ne sont pas propriétaires verront inévitablement l’accès au marché du logement se restreindre pour eux. Le niveau élevé des prix des logements peut également alourdir l’endettement des ménages, qui est déjà élevé pour les catégories à faible revenu. La hausse des prix des logements pourrait par conséquent exacerber les inégalités de patrimoine entre les ménages propriétaires de leur logement et les autres, et entre les ménages qui ont les moyens de rembourser un emprunt hypothécaire et ceux qui ne le peuvent pas. Comme on l’a vu au chapitre 1, les ménages plus jeunes et plus modestes sont plus susceptibles de subir les effets négatifs de la baisse de l’accessibilité du logement. Il est probable que pour les jeunes générations, le logement ne pourra pas être un moyen d’accumuler du patrimoine au même titre que pour les générations précédentes.
2.4. Patrimoine immobilier selon les groupes d’âge
La proportion de propriétaires sur l’ensemble des ménages et le patrimoine immobilier varient selon les groupes d’âge, sous l’influence conjuguée du cycle de vie et des effets de génération. Les écarts entre les groupes d’âge, en termes de proportion de propriétaires et de patrimoine immobilier, peuvent traduire le fait que ces deux paramètres varient au fil des étapes du cycle de vie. Au fur et à mesure du vieillissement par exemple, les individus ont davantage tendance à devenir propriétaires et à constituer un patrimoine immobilier. Ces écarts peuvent aussi être le résultat d’évolutions dans les conditions d’accès à la propriété entre les différentes générations. La proportion de propriétaires à un âge donné, par exemple, peut différer pour des ménages nés à des époques différentes. La présente section a pour objet d’étudier la proportion de propriétaires et le patrimoine immobilier selon les groupes d’âge à partir de données transversales (autrement dit à une date donnée), qui rendent compte de l’influence conjuguée du cycle de vie et des effets de génération, et de données de panel, qui concernent principalement les effets de génération observés dans un petit nombre de pays.
Le patrimoine immobilier augmente régulièrement, en moyenne, avec l’âge dans les pays de l’OCDE, tandis que l’endettement immobilier est au plus haut lorsque les ménages entrent dans une période de leur vie caractérisée par des revenus relativement élevés. Le Graphique 2.11 montre le patrimoine brut et net moyen constitué de résidences principales et secondaires et l’endettement moyen sur les résidences principales et secondaires selon les groupes d’âge des ménages, en fonction de l’âge du chef de famille3. Le patrimoine brut constitué de résidences principales augmente avec l’âge depuis le groupe d’âge des 16-34 ans jusqu’à celui des 45-54 ans, avant de se stabiliser pour les ménages âgés de 45 à 74 ans, puis de décliner pour les ménages de plus de 75 ans. Le patrimoine net constitué de résidences principales augmente toutefois régulièrement jusqu’à la tranche d’âge des 65-74 ans avant de diminuer légèrement pour le groupe des plus âgés. Cette observation atteste la contribution essentielle de l’endettement immobilier à la constitution du patrimoine immobilier ; le patrimoine brut fait un bond lorsque les ménages entrent sur le marché de l’immobilier tandis que le patrimoine net suit une progression lente à mesure qu'ils remboursent leurs emprunts hypothécaires. De fait, le graphique fait apparaître une forte hausse de l’endettement immobilier moyen sur les résidences principales dans le groupe des 35-44 ans, qui donne à penser que ces ménages sont ceux qui ont le plus tendance à s’endetter pour commencer à constituer un patrimoine au moment où ils entrent dans une période de leur vie caractérisée par des revenus relativement élevés et stables. L’endettement immobilier moyen sur les résidences principales recule ensuite sensiblement avec l’âge, après avoir culminé pour la tranche des 35-44 ans, à mesure que les ménages remboursent progressivement cette dette tout au long de leur vie professionnelle. Le patrimoine constitué de biens immobiliers secondaires est beaucoup plus faible que celui constitué de résidences principales, mais suit une trajectoire similaire au cours du cycle de vie. Le patrimoine (brut et net) constitué de biens immobiliers secondaires croît régulièrement avec l’âge des ménages et atteint un point culminant pour les ménages de la tranche des 55-64 ans avant que ceux-ci ne commencent à puiser dans ce patrimoine au moment où ils prennent leur retraite. La dette culmine un peu plus tard pour les résidences secondaires (groupe d’âge des 45-54 ans) en comparaison avec les résidences principales (35-44 ans), ce qui laisse penser que les ménages donnent la priorité à l'acquisition de leur résidence principale avant d'acquérir un autre bien.
On observe des similarités remarquables dans la répartition de la dette immobilière entre les différents types de ménages, avec une forte concentration de l’endettement hypothécaire parmi les ménages composés de deux adultes en âge de travailler. Le Graphique 2.12 montre que dans tous les pays, la dette hypothécaire est en majeure partie concentrée parmi les ménages en âge de travailler composés de deux adultes au moins. Elle se concentre en particulier parmi les ménages en âge de travailler composés de deux adultes et ayant des enfants, dont la part de la dette totale varie entre 42 % au Danemark et 74 % en Lettonie. Par ailleurs, les chefs de famille célibataires en âge de travailler (avec ou sans enfants) représentent moins de 20 % de la dette immobilière dans quasiment tous les pays, à l’exception de la Lituanie (33 %) et de l’Italie (21 %). Les ménages ayant atteint l’âge de la retraite représentent aussi une part particulièrement faible de la dette hypothécaire, soit moins de 5 % dans 21 des 28 pays de l’OCDE. Ces chiffres illustrent le fait que l’endettement immobilier est fortement lié à des facteurs du cycle de vie, tels que la cohabitation avec un conjoint ou le fait d’avoir des enfants. La prévalence et l’âge auquel les individus atteignent généralement ces paliers dans un pays donné dépend d’une combinaison de facteurs économiques et culturels (notamment des normes culturelles concernant la famille, de l’accès aux marchés de l’immobilier et du travail, du revenu des ménages, du niveau des aides publiques aux familles, etc.).
Si les ménages plus âgés ont généralement des revenus et un endettement moins élevés, ils possèdent toutefois un patrimoine immobilier net important. Les populations plus âgées se composent d’une forte proportion de retraités qui ont généralement des revenus plus faibles que le reste de la population. Néanmoins, ils possèdent en moyenne un patrimoine immobilier élevé, constitué de leur résidence principale, et leur en-cours de dette immobilière est limité (Graphique 2.11). Le Graphique 2.13 illustre le ratio entre le patrimoine moyen constitué de résidences principales et le revenu brut moyen des ménages pour différents groupes d’âge, en moyenne, dans 26 pays de l’OCDE. Ce rapport augmente régulièrement avec l’âge du chef de famille et est au plus haut pour la catégorie des plus de 75 ans. Lorsqu’on les met en parallèle Graphique 2.11, les différences évidentes entre les groupes d’âge semblent être le produit d’une augmentation du patrimoine des groupes plus jeunes et d'un déclin du revenu des groupes plus âgés. Ce constat met en évidence la présence, dans les pays de l’OCDE, d’un groupe important de retraités disposant d’un revenu relativement modeste, mais relativement riches sur le plan patrimonial. Ces conclusions donnent à penser que la fiscalité immobilière doit être conçue en tenant compte du revenu et du patrimoine et qu’elle doit comporter des mesures telles que des mécanismes de report d’imposition étant donné que les groupes de population plus âgés possèdent d’importants patrimoines immobiliers sans parfois disposer de revenus ou d’actifs liquides nécessaires pour pouvoir honorer leurs obligations fiscales.
La part des propriétaires est généralement plus élevée pour les ménages âgés et d’âge intermédiaire bien qu’on observe des différences notables entre les pays pour ce qui est des taux de propriétaires selon les groupes d’âge. Si l’on observe quelques similarités dans les proportions de propriétaires selon les groupes d’âge, la chronologietype d’acquisition d’un patrimoine immobilier varie sensiblement d’un pays à l’autre (Graphique 2.14). Les ménages dont le chef de famille se situe dans la tranche des 16-34 ans sont dans tous les pays ceux dont les taux d’accès à la propriété sont les plus faibles. Les taux d’accès à la propriété augmentent ensuite régulièrement avec l’âge dans certains pays tandis que dans d’autres, ils augmentent pour les ménages d’âge intermédiaire avant soit de se stabiliser, soit de baisser dans le cas des ménages les plus âgés. Dans des pays comme l’Australie et les États-Unis, les taux d’accès à la propriété augmentent progressivement avec l’âge, ce qui laisse penser que certains ménages plus jeunes sont dans l’incapacité de d’accéder au marché immobilier ou préfèrent ne pas devenir propriétaires. Dans des pays comme la Belgique, la Pologne et le Portugal, le taux d’accès à la propriété marque dans une large mesure un plateau à des niveaux relativement élevés à partir du groupe des 35-44 ans, ce dont on peut déduire que l’accessibilité du marché de l’immobilier est relativement bonne pour les plus jeunes. Dans des pays comme l’Allemagne, la Corée et les Pays-Bas, on observe un fléchissement net de la proportion de propriétaires parmi les ménages arrivés à l’âge de la retraite, ce qui traduit peut-être davantage des différences au niveau des cohortes plutôt que de l’âge. Ces différentes tendances sont le reflet d’un ensemble de facteurs selon les pays, englobant les prix de l’immobilier, l’accès au financement (prêts hypothécaires et apports familiaux), l’historique des taux d’accès à la propriété et les attitudes vis-à-vis de l’accession à la propriété.
L’importance de l’endettement hypothécaire pour faciliter l’accession à la propriété et l’âge auquel les ménages finissent de rembourser leurs emprunts varient considérablement d’un pays à l’autre. Le Graphique 2.14 illustre la proportion de ménages ayant un emprunt hypothécaire pour l’acquisition de leur résidence principale, en fonction de l’âge du chef de famille. Dans de nombreux pays, presque tous les jeunes propriétaires-occupants ont un emprunt hypothécaire, ce qui témoigne du rôle primordial du financement par l’emprunt pour l’accession à la propriété des jeunes ménages (notamment en Australie, en France, en Nouvelle-Zélande). Dans des pays comme le Chili, la Grèce et la Lituanie cependant, la part des jeunes ménages ayant un emprunt hypothécaire est bien inférieure à la proportion de propriétaires parmi les jeunes ménages. On pourrait en conclure que le financement par l’emprunt hypothécaire est moins accessible, que l’accès à la propriété est abordable ou que le soutien financier des familles joue un rôle important dans l’acquisition d’un patrimoine immobilier par les jeunes ménages. À mesure que les ménages vieillissent, la prévalence de l’endettement immobilier décline dans tous les pays car les ménages ayant souscrit un emprunt finissent progressivement de rembourser leur dette. Dans les pays où peu de jeunes ménages ont un emprunt hypothécaire, la plupart des propriétaires semblent l’avoir remboursé à la date à laquelle ils atteignent l’âge de 45 ans (notamment en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne). Outre de faibles niveaux d’endettement initial et un nombre moins élevé de ménages ayant recours à l’emprunt hypothécaire, ce constat peut traduire une durée moyenne des prêts plus courte et un élargissement de l’accès au financement par l’emprunt hypothécaire pour les jeunes générations. Dans les pays où il existe un lien plus étroit entre l’accès à la propriété et l’endettement hypothécaire, les prêts sont généralement remboursés à une date plus proche de l’âge de la retraite (notamment en Australie, au Japon et en Nouvelle-Zélande). Au Danemark et aux Pays-Bas, la proportion de ménages ayant un emprunt hypothécaire culmine dans la tranche d’âge des 45-54 ans et ne diminue que légèrement avec le temps, restant relativement élevée jusque dans le groupe des plus de 75 ans. Ces différences entre les pays dans la prévalence de l’endettement immobilier est tributaire d’un certain nombre de facteurs, tels que l’accessibilité du logement, l’accès au crédit et le traitement fiscal du patrimoine immobilier et de l’endettement hypothécaire.
Les tendances en matière d’accession à la propriété ont évolué au fil des générations. Si les données transversales étudiées précédemment font ressortir des différences significatives selon les groupes d’âge pour ce qui est de la proportion de propriétaires et du patrimoine immobilier, celles-ci s’expliquent par des effets liés au cycle de vie (au fait que les individus sont à des stades différents de leur vie) et par des effets de cohorte (au fait que les individus sont nés à un moment particulier et vivent dans des environnements différents). Les analyses transversales ne rendent donc pas compte de l’évolution possible de la proportion de propriétaires tout au long de la vie pour chaque groupe. En revanche, les données de panel peuvent laisser entrevoir, par exemple, des évolutions des proportions de propriétaires pour la tranche des 30-40 ans qui sont différentes pour les ménages nés dans les années 60 et ceux nés dans les années 80. Le Graphique 2.15 et le Graphique 2.16 permettent de suivre plusieurs cohortes tout au long du cycle de vie pour une sélection de pays pour lesquels on dispose de données. Les chiffres révèlent que la part des propriétaires décline et devient moins égalitaire au fil des générations, avec l’accès à l’immobilier devenant plus difficile et moins abordable comme moyen de constituer un patrimoine. Compte tenu de la complexité du sujet et du petit nombre de pays pour lesquels on dispose de données, il convient de faire preuve de circonspection lorsqu’on extrapole à partir des tendances observées et lorsqu’on attribue ces tendances à certains facteurs tels que des changements de politiques publiques, des évolutions démographiques ou des modifications de conditions d’accès au crédit hypothécaire.
Les taux d’accès à la propriété ont reculé régulièrement au fil des générations dans un certain nombre de pays. Le Graphique 2.15 et le Graphique 2.16 invitent à examiner les taux d’accès à la propriété tout au long du cycle de vie pour plusieurs cohortes en Australie, en Europe du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis, et montrent que dans les pays concernés, chaque génération a généralement moins de chances que la précédente d’accéder à la propriété à un âge donné. En Australie par exemple, les proportions moyennes de propriétaires ont à chaque génération après-guerre enregistré un recul. Les différences entre les cohortes sont plus marquées dans le cas des ménages âgés de moins de 40 ans, signe d’un rétrécissement particulièrement prononcé de l’accès à l’immobilier pour les jeunes dans ce pays. Au Royaume-Uni, la part des propriétaires sur l’ensemble des ménages âgés de 25 ans était de 34 % pour les individus nés entre 1970 et 1974, mais est tombée à 16 % pour ceux nés entre 1985 et 1989. Aux États-Unis, 69 % des ménages nés en 1940 possédait leur logement à l’âge de 35 ans, contre 61 % seulement de ceux nés en 1980. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, la part des propriétaires a commencé à se stabiliser à des niveaux plus bas que par le passé, ce qui donne à penser que dans ces pays, il n’y aura peut-être pas de rattrapage, à des étapes ultérieures de leur cycle de vie, des taux d’accès à la propriété plus faibles observés pour les jeunes générations. En Europe du Sud, les taux d’accès à la propriété sont plus bas pour les générations suivant celle qui les a précédées, mais, étant donné que ces taux augmentent à un rythme plus rapide pour la toute dernière génération, ils pourraient quand même atteindre pour la plus jeune cohorte ceux des cohortes précédentes. Les résultats montrent que se focaliser uniquement sur les proportions moyennes de propriétaires serait trompeur car la persistance d’une forte proportion de propriétaires sur l’ensemble des ménages peut s’expliquer en partie par la présence de cohortes plus âgées de propriétaires qui vivent plus longtemps.
La probabilité de devenir propriétaire de son logement est parfois de plus en plus déterminée par le revenu et le patrimoine du ménage dans certains pays. En France, la proportion de propriétaires était très similaire en 1973 pour les jeunes ménages (âgés de 25 à 34 ans) des trois premiers quartiles de patrimoine. Néanmoins, au fil des décennies comprises entre 1973 et 2013, l’écart entre les jeunes ménages des quartiles de patrimoine supérieur et inférieur s’est considérablement creusé (Graphique 2.16), les ménages les plus riches ayant bénéficié d’une hausse sensible de leur taux d’accès à la propriété alors que pour les moins riches, la baisse a été marquée. En Australie, le déclin des taux d’accès à la propriété d’une génération à la suivante a été beaucoup plus prononcé pour les ménages se situant en bas de l’échelle des revenus que pour les ménages se situant au sommet (Graphique 2.16). Entre 1981 et 2016, les taux d’accès à la propriété pour les ménages de la tranche des 25-34 ans ont chuté de 40 points de pourcentage pour les ménages du premier quintile de revenu et de 7 points de pourcentage seulement pour les ménages du quintile de revenu supérieur. Bien que la baisse des taux d’accès à la propriété soit de plus faible amplitude pour les groupes plus âgés, elle reste, toutes générations confondues, beaucoup plus sensible pour les ménages du quintile de revenu inférieur que pour ceux du quintile supérieur. Parmi les ménages de la tranche des 55-64 ans, la part des propriétaires a reculé de 16 points de pourcentage pour le premier quintile et d’un point de pourcentage seulement pour le cinquième quintile.
Ces chiffres illustrent les préoccupations croissantes concernant les perspectives d’accès à la propriété des jeunes générations dans les pays de l’OCDE, avec une part des propriétaires qui décline et qui devient de plus en plus tributaire du revenu, du patrimoine et des héritages. Ces tendances sont en partie le résultat de la hausse des prix de l’immobilier et de la moindre accessibilité de l’immobilier (voir chapitre 1) ainsi que de l’urbanisation et de l’évolution des structures familiales. Bonnet, Garbinti et Grobon (2018[7]) observent par exemple qu’il y a moins de jeunes ménages dans les zones rurales (où l’immobilier est généralement plus accessible), et moins de jeunes ménages modestes avec enfants (ces derniers ont peut-être d’autres préférences en ce qui concerne l’accession à la propriété ou diffèrent parfois l’arrivée d’enfants jusqu’au moment où ils pourront acquérir un logement). Le creusement du fossé, en termes de revenu et de patrimoine, entre les jeunes ménages peut s’expliquer par l’augmentation de l’endettement immobilier qui exige un niveau élevé de revenu pour assurer le service de la dette, et par l’importance croissante du soutien financier apporté par les familles, qui se concentre parmi les héritiers plus fortunés (OCDE (2021[9]), Bonnet, Garbinti et Grobon (2018[7])). S’il est donc probable que les générations futures vont assister à la poursuite de la baisse de l’accession à la propriété au fil du temps, les ménages ayant un revenu et un patrimoine élevés et/ou ayant accès à des ressources familiales importantes verront peut-être au contraire leur taux d’accès à la propriété augmenter, ou à tout le moins, fléchir dans une moindre mesure. Ces conclusions sont éclairantes pour les pays faisant face à des changements démographiques et à une hausse des prix de l’immobilier, mais il importe de faire preuve de circonspection lorsqu'il s’agit d’en tirer des enseignements pour d’autres pays en raison de la taille limitée de l’échantillon de pays pour lesquels on dispose de données.
2.5. Héritages et patrimoine immobilier
Les donations et les héritages jouent vraisemblablement un rôle clé pour faciliter l’accession à la propriété de certains ménages, en particulier parmi les jeunes bénéficiaires. Les transferts de patrimoine, sous la forme soit de donations reçues du vivant des donateurs, soit d’héritages reçus après leur décès, peuvent faciliter l’accès à la propriété de certains jeunes ménages et déclencher la constitution d’un patrimoine par ceux qui en ont bénéficié. Si les transferts de patrimoine aident parfois de jeunes ménages à réunir un apport, pour d’autres, ils se concrétisent par la transmission directe d’actifs immobiliers. Il importe, dans une perspective d’équité, de comprendre le rôle joué par les donations et les héritages dans l’accession à la propriété en raison des conséquences importantes qui en découlent pour l’action des pouvoirs publics, en particulier au regard de l’imposition des transferts de patrimoine intergénérationnels.
Dans de nombreux pays de l’OCDE, on observe un écart notable, pour ce qui est de la proportion de propriétaires, entre les jeunes ménages ayant reçu une donation ou un héritage et ceux qui n’en ont pas reçu. Dans 18 pays de l’OCDE, les ménages de la tranche des 16-34 ans ont de loin beaucoup plus de chances d’être propriétaires de leur résidence principale s’ils ont bénéficié d’une donation4 ou d'un héritage important (Graphique 2.17). Dans la plupart des pays, la part des propriétaires est environ deux fois supérieure pour les jeunes bénéficiaires de transferts de patrimoine à ce qu’elle est pour ceux qui n’en ont pas bénéficié. C’est en Grèce que l’écart relatif entre les proportions de propriétaires parmi ces deux groupes, soit respectivement 94 % et 13 %, est le plus important, et en Lituanie qu'il est le plus faible, avec des taux de respectivement 97 % et 83 %. Le fait de recevoir une donation ou un héritage est vraisemblablement un paramètre déterminant de la facilité d’accès à la propriété pour les jeunes générations dans les pays où l’écart relatif entre les héritiers et les non-héritiers est important (notamment en Autriche, en Grèce et en Slovénie). En Finlande, en Lituanie et en République slovaque en revanche, où l’écart entre la part des propriétaires parmi les jeunes héritiers et les non-héritiers est beaucoup plus faible, on peut penser que ces transferts ne sont pas un élément déterminant pour l’accession à la propriété. A l’avenir, la hausse des prix de l’immobilier risque de rendre l’acquisition d'un bien immobilier encore plus difficile pour les jeunes individus privés d’aide extérieure, ce qui pourrait creuser l’écart entre les jeunes ménages ayant bénéficié de donations ou d’héritages et ceux qui n’en ont pas bénéficié, et de fait, accroître les inégalités de patrimoine intra-générationnelles.
Une majorité de ménages ayant reçu une donation ou un héritage ont reçu un bien immobilier et beaucoup continuent d’habiter le logement concerné. Parmi les bénéficiaires de transferts de patrimoine, la part des ménages ayant reçu des actifs immobiliers varie entre 19 % (Pays-Bas) et 94 % (Grèce) et est supérieure à 50 % dans tous les pays, à l’exception de cinq d’entre eux (Graphique 2.18). On observe des différences régionales marquées, avec des taux élevés de transmission de logements dans les pays d’Europe orientale et des taux relativement bas en Europe occidentale. La prévalence relativement forte des transferts de biens immobiliers parmi les bénéficiaires de donations et d’héritages témoigne de l’importance essentielle de l’immobilier dans le patrimoine des ménages. Il découle des taux élevés de propriétaires parmi les populations âgées en particulier que ces ménages seront nombreux à transmettre des actifs immobiliers à leurs descendants. Lorsqu’ils ont reçu un bien immobilier en donation ou en héritage, les ménages peuvent le vendre ou le conserver, et ceux qui décident de le conserver peuvent choisir d’en faire leur résidence ou de lui réserver un autre usage. Dans des pays comme la Grèce, la Lituanie et la Slovénie, l’immense majorité des ménages ayant reçu un bien immobilier en héritage ou en donation en font leur résidence principale. En Belgique, en France et au Luxembourg en revanche, la plupart des bénéficiaires de transferts de biens immobiliers font du bien reçu en héritage ou en donation une résidence secondaire, ou le cèdent. Ces différences peuvent s’expliquer en partie par les schémas de mobilité qui varient d'une génération à l’autre sachant que des ménages peuvent parfois hériter d’un bien qui se situe loin de leur lieu de travail dans les centres urbains de sorte qu'ils ne sont pas en mesure d’en faire une résidence principale. Les variations, d’un pays à l’autre, dans la composition des familles peuvent également jouer un rôle étant donné que la probabilité sera plus grande que le bien hérité aille à de multiples bénéficiaires lorsque les familles comptent plusieurs enfants, ce qui amènera à le vendre pour répartir le produit de cette vente entre les bénéficiaires.
Les actifs immobiliers sont généralement reçus en héritage plutôt qu’en donation. Sur une moyenne de 19 pays de l’OCDE, environ 75 % des transferts de patrimoine immobilier s’effectuent sous la forme d’un héritage, et environ 25 % sous la forme d’un don du vivant du donateur (Graphique 2.19, partie gauche). Ces chiffres pourraient illustrer le fait que les donateurs souhaitant léguer leur résidence principale conservent souvent la propriété de cet actif jusqu’à leur décès, mais peut aussi être le résultat de l’application d’une fiscalité préférentielle, dans certains pays, aux biens légués en héritage par comparaison avec les biens faisant l’objet d’une donation (OCDE, 2021[9]). Les donations de biens immobiliers peuvent aussi être davantage réservées aux individus possédant une résidence secondaire ou ayant recours à des stratégies telles que la constitution de trusts ou la séparation du droit de propriété entre l’usufruit et la nue-propriété pour faire don de leur résidence principale de leur vivant.
Les patrimoines constitués de résidences principales reçus en héritage sont nettement concentrés parmi les ménages se situant dans le haut de la distribution du patrimoine. Si l’on considère les ménages ayant reçu en héritage leur résidence principale5, en moyenne plus de la moitié de ce patrimoine appartient au quintile de patrimoine supérieur (Graphique 2.19, partie droite). En revanche, 1 % seulement des résidences principales reçues en héritage sont détenues par des ménages appartenant aux 20 % les plus pauvres en termes de patrimoine. Ce constat laisse penser que le traitement fiscal des actifs immobiliers reçus en héritage impactera le plus fortement les ménages aisés et aura des conséquences minimes pour les ménages se situant dans le bas de la distribution du patrimoine. Il importe toutefois de noter que ce chiffre sous-estime peut-être le patrimoine immobilier transmis par héritage étant donné qu’il ne prend pas en compte les ménages qui n’habitent pas le bien concerné, ou qui l’ont cédé avant la réalisation de l’enquête, et le surestime peut-être aussi lorsque la valeur du bien a augmenté depuis qu'il a été reçu en héritage. En outre, la position des ménages dans la distribution du patrimoine peut avoir changé depuis qu'ils ont reçu les actifs immobiliers puisque les données mesurent le patrimoine à la date de l’enquête et tiennent compte de la valeur de la donation ou de l’héritage. Ces chiffres revêtent un intérêt particulier pour les discussions sur le traitement fiscal des biens immobiliers reçus en héritage et peuvent aider à replacer dans un contexte plus vaste les effets redistributifs de ces dispositifs.
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Notes
← 1. Les biens immobiliers secondaires ne concernent pas exclusivement les logements, et englobent les actifs immobiliers détenus par les ménages qui ne sont pas la résidence principale du propriétaire. Figurent dans cette catégorie, les résidences secondaires et de vacances, les investissements immobiliers, ainsi que les terrains agricoles.
← 2. L’échantillon ne comprend que les ménages qui déclarent avoir souscrit emprunt hypothécaire pour acquérir leur résidence principale. En limitant l’analyse à ces ménages, on omet la population des retraités à faible revenu qui ont terminé de rembourser leur emprunt hypothécaire, et qui réduisent donc sensiblement les passifs immobiliers moyens dans le quintile de revenu inférieur.
← 3. La notion de chef de famille correspond à la personne de référence au sein du ménage telle que définie dans le Manuel du Groupe de Canberra sur les statistiques des revenus des ménages. Plus précisément, ce terme fait référence à une personne âgée de 15 ans ou plus, choisie pour représenter le ménage en fonction d’un ensemble de critères de sélection relatifs à la propriété, à la situation maritale ou parentale, au revenu et/ou à l’âge (UNECE (2011[87])).
← 4. Selon l’enquête HFCS, l’expression « donation importante » fait référence à une donation qui a eu un impact important sur la situation financière du ménage.
← 5. Cette analyse est circonscrite aux propriétaires qui occupent actuellement le bien qu'ils ont reçu en donation ou en héritage parce que les valeurs sont les plus à jour pour ce groupe. Dans le futur, des travaux consistant à partir d’indices détaillés des prix de l’immobilier de plusieurs pays en vue d’y intégrer les biens immobiliers reçus en héritage non occupés par leurs propriétaires pourraient être réalisés. Les quintiles de patrimoine correspondent aux niveaux de patrimoine des ménages à la date de l’enquête, lesquels tiennent compte de la valeur des biens immobiliers reçus en donation ou en héritage concernés.