La stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI 2) soutient le rôle des EES en tant que moteurs de l’innovation et de l’entrepreneuriat au niveau provincial. Cela dépend de l’engagement à se concentrer sur les talents et de l’ambition de stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation. Les Zones d’innovation établies par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) contribuent également à relier divers acteurs, y compris les EES, afin de générer de l’innovation et du capital social dans les régions métropolitaines et non métropolitaines du Québec. Ce chapitre traite de la stratégie provinciale d’innovation et illustre le lien entre la recherche et l’innovation locale au sein des Zones d’innovation.
La géographie de l'enseignement supérieur au Québec, Canada
4. Des établissements d’enseignement supérieur sensibles au contexte local en tant que partenaires politiques
Abstract
La SQRI 2 a mis l’accent sur l’encouragement de l’entrepreneuriat et de l’innovation des talents en mettant en relation les EES avec des partenaires, y compris des entreprises de toute taille et de toute maturité, dans toutes les communautés. De plus, le MEIE encourage une approche spatiale pour la promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation, à travers les « Zones d’innovation » (ZI), dans lesquelles les EES sont mobilisés pour promouvoir l’entrepreneuriat, l’innovation et le talent dans leur propre communauté régionale et dans des secteurs spécifiques sélectionnés par les autorités provinciales, en coordination avec les parties prenantes locales. Les Zones d’innovation méritent l’attention internationale, car elles partent du principe que les communautés rurales et non métropolitaines peuvent s’engager dans la deep‑tech et que l’innovation de rupture peut avoir lieu partout.
La stratégie d’innovation du Québec est centrée sur les EES
Au cours des dernières décennies, le gouvernement provincial a investi massivement dans la recherche universitaire. Cela a entraîné une augmentation constante des publications universitaires et des citations d’EES à forte intensité de recherche. Entre 2000 et 2019, le nombre de publications est passé d’environ 8 000 à plus de 18 000 pour les trois grands secteurs de recherche : les sciences naturelles et l’ingénierie, les sciences sociales de la santé et les sciences humaines, ce qui a renforcé leur visibilité internationale.
En plus de soutenir la recherche de haut niveau pour accroître la visibilité internationale des EES québécois, le secteur public investit également dans la recherche universitaire pour accroître l’innovation, dans le but que la recherche productive stimule l’économie provinciale. L’objectif est notamment que la recherche universitaire déclenche plus d’innovation au niveau local, selon les lignes proposées par le modèle linéaire de l’innovation (Bush, 1945[1]; Maclaurin, 1953[2]) (Graphique 4.1).
L’objectif est que les nouvelles connaissances générées par ces établissements de recherche de pointe renforcent la coopération entre l’université et l’industrie. Dans ce cadre, les entreprises prospères situées à proximité des institutions de recherche peuvent bénéficier des retombées de connaissances générées par les activités de recherche menées par les EES. La proximité est un facteur important pour la diffusion des connaissances, d’autant plus que la connaissance est adhérente au transmetteur et souffre de pertes considérables en fonction de la distance du récepteur (Serrano, Paci and Usai, 2004[3]) (Encadré 4.1). Toutefois, les données empiriques montrent que la relation entre la recherche universitaire et l’innovation/croissance locale n’est pas linéaire et que des facteurs peuvent limiter la capacité des EES à interagir avec leur propre écosystème entrepreneurial (Bush, 1945[1]; Maclaurin, 1953[2]).
Encadré 4.1. Évaluation de la relation entre les EES, la diffusion des connaissances et le développement local
Un grand nombre de recherches universitaires se concentrent sur la relation entre les EES, la diffusion des connaissances et le développement local. Des EES de premier plan, tels que l’Université de Stanford et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont joué un rôle central dans la réussite économique de la Silicon Valley en Californie du Nord et de la Route 128 autour de Boston (Henderson, 1998[4]). Sur la base de ces exemples, on suppose souvent que l’investissement dans la recherche des EES donnera un élan important à l’innovation et créera de nouvelles activités économiques au niveau local. On suppose également que les EES dynamiques et axés sur la recherche peuvent attirer des activités du secteur privé dans leur région et améliorer la productivité locale (David Neumark, 2015[5]).
Les EES sont considérés comme une source fondamentale de changement dans les économies locales, et les politiques visant à promouvoir la recherche dans les EES locaux sont devenues de plus en plus importantes dans les stratégies de développement (Power & Malmberg, 2008[6]). Les résultats empiriques de ces stratégies sont toutefois mitigés et souvent contradictoires. En utilisant des données transversales pour les États-Unis, (Acs, 1997[7]) ont découvert une association positive entre les EES et l’innovation locale.
Des résultats similaires ont été obtenus par (Woodward, & Figueiredo and & Guimarães, 2006[8]), bien que la taille du coefficient et du lien entre la recherche des EES et l’innovation soit considérablement plus faible lorsque l’on adopte une structure de données de panel. Il a également été constaté que la relation positive entre les EES et la croissance locale dépend de la période choisie (Goldstein & Renault, 2010[9]). Ils ont indiqué que pour la période 1969-1998, l’influence de la recherche menée par les EES américains sur le développement régional était particulièrement faible. De même, (Drucker, 2016[10]) ont constaté une faible relation entre la recherche universitaire et la croissance régionale aux États-Unis sur la période 2001-2011.
Une étude plus récente portant sur le programme de bourses d’études aux États-Unis (Liu, 2015[11]) a montré que les universités américaines avaient des effets négligeables sur la production locale à court et à moyen terme (jusqu’à un maximum de 10 ans), mais des effets très positifs à long terme (sur des périodes de 80 ans).
Source : Carlino, G. et al. (2012[13]), « The agglomeration of R&D labs », http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.2149008; Jaffe, A. (1989[14]), « Real effects of academic research », http://dx.doi.org/10.2307/1831431; Neumark, D. and H. Simpson (2015[15]), « Place-based policies », http://dx.doi.org/10.1016/B978-0-444-59531-7.00018-1; Power, D. and A. Malmberg (2008[16]), « The contribution of universities to innovation and economic development: In what sense a regional problem », http://dx.doi.org/10.1093/cjres/rsn006; Anselin, L., A. Varga and Z. Acs (1997[17]), « Local geographic spillovers between university research and high technology innovations », http://dx.doi.org/10.1006/juec.1997.2032; Woodward, D., O. Figueiredo et P. Guimarães (2006[18]), « Beyond the Silicon Valley: University R&D and high-technology location », http://dx.doi.org/10.1016/j.jue.2006.01.002; Goldstein, H. and C. Renault (2004[19]), « Contributions of universities to regional economic development: A quasi-experimental approach », http://dx.doi.org/10.1080/0034340042000265232; Drucker, J. (2016[20]), « Reconsidering the regional economic development impacts of higher education institutions in the United States », http://dx.doi.org/10.1080/00343404.2014.986083.
Dans ce contexte, le gouvernement provincial a adopté une politique d’innovation à dimension spécifiquement spatiale, afin de contribuer au développement d’un cadre de collaboration entre la recherche (universitaire), les activités d’enseignement et d’apprentissage, les entreprises de toutes tailles et maturités, et les autorités locales, en vue de générer des « écosystèmes » concentrant la production et améliorant la qualité de vie des personnes hautement qualifiées. Cette politique, connue sous le nom de « Zones d’innovation », est l’un des principaux piliers de la stratégie provinciale en matière d’innovation.
Une stratégie ancrée dans les EES locaux : les zones d’innovation
La SQRI 2 vise à tirer parti des EES, en particulier ceux situés en dehors de la région métropolitaine de Montréal et opérant dans le réseau des villes du Québec et en milieu rural, pour promouvoir l’entrepreneuriat dans les secteurs de la deep-tech, les innovations de rupture et un tissu social plus inclusif. Pour soutenir cette stratégie, le MEIE a développé une approche spatiale appelée « Zones d’innovation » (ZI). Celles-ci envisagent l’innovation comme un processus multidimensionnel dans lequel les aspects économiques, environnementaux et sociaux sont liés dans un lieu donné et soutenus par un ensemble cohérent de services publics et d’investissements.
Les ZI soutiennent la spécialisation régionale dans des « secteurs prioritaires ». Le gouvernement provincial sélectionne les ZI sur la base des demandes des communautés régionales, qui génèrent des projets en rapport avec les « secteurs prioritaires » identifiés par la politique. Les candidatures sont sélectionnées en fonction de leur capacité à mobiliser les acteurs locaux, y compris les EES, pour soutenir l’écosystème de l’innovation. Les EES sont mobilisés pour promouvoir les talents, la recherche, l’innovation et l’entrepreneuriat en lien avec la ZI locale. Les ZI visent à améliorer l’attractivité des lieux sélectionnés pour le regroupement de talents, d’entrepreneurs et de grands donneurs d’ordre, ainsi que de chercheurs du Québec et d’ailleurs. Différents acteurs socio-économiques sont impliqués dans chaque zone, par exemple : des entreprises, des organisations économiques, des institutions de recherche et d’enseignement, des municipalités (Gouvernement du Québec, 2022[12]). La connexion constante entre les acteurs et le partage d’informations créent des réseaux et des écosystèmes qui peuvent encourager d’autres innovations et leur commercialisation dans un domaine donné.
Du point de vue de l’enseignement supérieur, la capacité des universités et des cégeps à coopérer dans les activités d’enseignement et de recherche (une caractéristique importante du système québécois) représente un atout pour la réussite des ZI, car elle garantit la capacité à générer un pool de compétences intégré mêlant techniciens, entrepreneurs et chercheurs. Cependant, les ZI peuvent être confrontées à la difficulté d’impliquer les chercheurs universitaires dans des actions de promotion de l’innovation locale, en raison du manque d’incitations et d’opportunités de carrière (voir chapitre 3).
Les Zones d’innovation visent à créer de nouveaux modèles d’écosystèmes entrepreneuriaux...
Au moment de la rédaction du présent rapport, deux Zones d’innovation ont été annoncées par le gouvernement provincial1: DistriQ – zone d’innovation quantique ; et Technum Québec. Alors que d’autres zones sont en cours d’élaboration, les deux zones établies illustrent le potentiel et les défis de cette approche.
La première Zone d’innovation est la zone quantique DistriQ (anciennement connue sous le nom de Sherbrooke quantique), (Infographie 1). Située dans la zone urbaine de Sherbrooke, elle s’articule autour d’institutions telles que l’Université de Sherbrooke, l’Institut quantique, l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT), le cégep de Sherbrooke et une grande entreprise opérant dans le secteur des TIC. La physique quantique génère des technologies de rupture qui auront des répercussions majeures dans des domaines tels que la pharmaceutique, l’énergie, le transport, la finance et l’intelligence artificielle (Gouvernement du Québec, 2022[12]).
DistriQ bénéficie d’un écosystème bien établi et reconnu, tant dans la recherche fondamentale que dans la recherche appliquée en physique quantique. L’université est spécialisée dans les calculs et technologies quantiques ainsi que dans le développement de composants pour les ordinateurs quantiques, et a généré un « cluster » local d’activités scientifiques, technologiques et entrepreneuriales. En outre, l’objectif de cette ZI est de générer une dynamique positive pour l’environnement urbain, en reliant le développement du « cluster » au bien-être et à la durabilité de la communauté locale. Cela génère une composante « culturelle » et « sociale » au sein de la zone. Selon les décideurs politiques québécois, l’approche des ZI consiste à relier les aspects économiques, sociaux et environnementaux (développement régional) (Gouvernement du Québec, 2022[12]).
La deuxième Zone d’innovation est Technum Québec, à Bromont (Infographie 2). Elle bénéficie du dynamisme d’acteurs clés tels que le Centre de collaboration MiQro Innovation (C2MI), IBM Canada et Teledyne DALSA. Le rayonnement de Technum Québec s’étend bien au-delà de la Zone d’innovation. Les 700 entreprises québécoises du secteur des systèmes électroniques intelligents bénéficieront également de cette initiative. Au cœur de la transformation numérique des entreprises du secteur manufacturier, les systèmes électroniques accélèrent la croissance d’industries stratégiques de l’économie québécoise, dont l’aéronautique, les télécommunications, les sciences de la vie, l’énergie et les transports (Gouvernement du Québec, 2021[14]). La particularité de cette zone d’innovation est qu’elle est moins axée sur l’approche globale du développement urbain/régional qui doit caractériser les ZI. L’accent est mis sur la spécialisation industrielle de la zone, avec les caractéristiques d’un « cluster industriel ».
Comme indiqué ci-dessus, le rôle des EES est central dans les ZI. De nombreuses institutions, même celles qui ne sont pas situées dans les ZI déclarées, sont bien intégrées dans les programmes menés dans le contexte de ces zones. Les entretiens ont montré que l’Université de Montréal est active dans sept projets différents des programmes des Zones d’innovation présentés au MEIE. Les ZI ont catalysé une collaboration accrue entre différents établissements d’enseignement supérieur, ce qui semble être l’un des avantages du système d’enseignement supérieur québécois. Certains programmes sont gérés conjointement par différentes institutions. Par exemple, la Cellule Intégrée de Recherche, Innovation et Formation (CIRIF) consiste en un programme géré à la fois par l’Université et le cégep de Sherbrooke dans la Zone d’innovation déclarée. Les entretiens ont révélé que les secteurs stratégiques pour le Québec, propices à des investissements importants dans le cadre des ZI, combinent à la fois l’innovation et l’accès à un personnel hautement qualifié. La diversité des formations et des emplois associés à ces secteurs stratégiques ne peut être couverte par une seule institution.
... mais il est possible d’élargir le champ de l’innovation et de renforcer le lien avec l’entrepreneuriat
Les ZI établies et à venir au Québec reflètent les priorités du gouvernement. Elles concentrent les investissements sur une communauté locale sélectionnée afin de promouvoir la spécialisation dans un ensemble de secteurs prioritaires ou de haute technologie, qui doivent être liés aux caractéristiques et aux potentiels locaux. Les efforts politiques se concentrent sur les régions non métropolitaines, y compris les villes et les zones rurales. Si l’hypothèse selon laquelle l’innovation et l’entrepreneuriat peuvent prendre place dans les zones rurales mérite une attention internationale, la politique, du moins dans ses phases initiales, semble se concentrer sur l’entrepreneuriat dans le domaine de la deep-tech. Les entreprises deep-tech (souvent appelées « licornes », c’est-à-dire les entreprises dont la valeur a atteint 1 milliard de CAD) suscitent un sentiment d’excitation et sont donc considérées comme plus innovantes et plus méritantes. Cependant, l’encouragement de l’innovation ne se limite pas à la création de nouvelles technologies (« l’invention n’est pas l’innovation ») ou à une concentration sur la deep-tech ; l’innovation devrait également se concentrer sur la conception de produits et de services nouveaux ou améliorés (Breznitz, 2021[16]).
Les Zones d’innovation pourraient soutenir davantage de secteurs, y compris ceux qui sont technologiquement plus mûrs et qui ont le potentiel de générer des emplois précieux et durables. Les EES pourraient jouer un rôle encore plus important dans ce processus d’autodécouverte en générant des connaissances, des produits, des talents et des recherches sur mesure.
Les ZI pourraient également jouer un rôle central dans la promotion de l’éducation entrepreneuriale et de l’entrepreneuriat. Les EES pourraient être mobilisés pour intégrer l’accès aux possibilités d’apprentissage formel et informel de l’entrepreneuriat (y compris la formation des adultes). L’objectif ne sera pas seulement de créer davantage d’entreprises, mais de promouvoir un esprit d’entreprendre, en formant les personnes à devenir des moteurs de l’innovation et en les introduisant au sein de leurs organisations. Cela peut également contribuer à retenir la main-d’œuvre qualifiée. De nombreuses ZI se trouvent dans des zones rurales (ou des zones urbaines plus petites), où le réservoir de talents est plus petit et qui peuvent sembler moins attrayantes pour les travailleurs que les grandes zones urbaines.
De ce point de vue, le Québec met en place une approche sensible au contexte local et devrait adapter les interventions aux caractéristiques et au potentiel locaux. Parmi les caractéristiques de cette politique, il y a la tentative de créer des espaces de collaboration au sein des établissements d’enseignement supérieur, y compris les universités et les cégeps, pour les activités industrielles et entrepreneuriales, afin de faciliter l’alignement entre les activités de recherche et l’impact social, tel que la qualité de vie et le bien-être. Toutefois, le processus de sélection des spécialisations locales semble dépendre de décisions prises au sommet plutôt que d’un processus d’autodécouverte au niveau local. Cette approche vise à promouvoir les secteurs de haute technologie dans le Québec non métropolitain, mais elle pourrait également réduire les possibilités de diversification des spécialisations et de croissance dans les régions.
Synergies entre les différents secteurs politiques pour relier les EES à l’innovation
En général, pour réussir, la SQRI 2 et les actions des ZI devront être soutenues par des complémentarités politiques entre différents secteurs (Encadré 4.2). Par exemple, pour mobiliser les chercheurs universitaires et renforcer leur capacité à s’engager dans des activités de collaboration et de co‑spécialisation, il faudra des incitations et des opportunités de carrière spécifiques. En d’autres termes, il devient important que les efforts des chercheurs universitaires pour promouvoir l’innovation locale soient pris en compte dans leur évaluation et leur avancement de carrière. Dans ce domaine, les ZI pourraient être considérées comme un banc d’essai où différents domaines politiques se rencontrent. La collaboration entre le MEIE et le MES sera essentielle pour garantir que la politique de l’enseignement supérieur soutienne les ZI. Le Québec expérimente des pratiques intéressantes en termes de collaboration et de complémentarité des politiques pour soutenir un ensemble cohérent de réformes. Cela se reflète également dans la SQRI2, qui comprend un pilier sur la cohérence des initiatives gouvernementales. Le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) discute ainsi de projets de réforme pilotes pour soutenir la SQRI2 et les ZI. Dans le même ordre d’idées, il sera important de collaborer avec les gouvernements locaux (gouvernance à plusieurs niveaux) pour s’assurer que l’investissement dans l’innovation génère des synergies avec les stratégies de développement local et régional et qu’il n’y ait pas de « compromis » entre les différentes politiques (voir la question de la localisation du Campus Mil à Montréal).
Encadré 4.2. Définir les complémentarités politiques
La théorie économique et les preuves empiriques montrent que les paquets de réformes coordonnées, basées sur les complémentarités, ont plus d’impact que les réformes fragmentaires. Les réformes fragmentaires peuvent aggraver les problèmes politiques au lieu de les améliorer. Cette hypothèse peut être justifiée par le fait que les réformes fragmentaires (par définition) n’éliminent que certaines contraintes des conditions optimales, mais pas toutes. Comme l’indiquent Lipsey et Lancaster (1956[17]): « [...] dans une situation où il existe de nombreuses contraintes qui empêchent la réalisation des conditions optimales parétiennes, la suppression d’une contrainte peut affecter le bien-être ou l’efficacité soit en l’augmentant, soit en le diminuant, soit en le laissant inchangé ». Conformément à cette théorie, les travaux empiriques évaluant les performances de croissance dans les pays européens en transition et les pays en développement (Braga & Checchi & Meschi, 2013[18]); (Wescott, 1997[19]) montrent que les réformes fragmentaires qui ciblent certaines distorsions mais pas toutes ont un impact imperceptible sur les performances économiques d’un pays donné, et peuvent même réduire le bien-être global dans certains cas.
L’effet combiné des réformes est supérieur à l’effet de chaque facteur considéré séparément dans certaines conditions. Cela est dû à la « complémentarité » entre les deux facteurs. Ainsi, en considérant deux éléments E et E’ et leur performance R, on peut affirmer qu’il y a complémentarité si leur effet combiné est supérieur à la somme de leurs effets individuels :
¹
L’idée principale de cette approche est très simple : le bien-être est maximisé lorsqu’il existe une complémentarité entre une variable endogène et un paramètre exogène, dans le sens où une plus grande quantité de l’une augmente le rendement marginal d’une plus grande quantité de l’autre, c’est-à-dire que la valeur optimale de la première augmentera celle de la seconde. Dans le cas de variables endogènes multiples, elles doivent toutes être complémentaires afin de garantir que leurs augmentations se renforcent mutuellement.
¹ Ou, alternativement,
Les autorités québécoises pourraient prendre en compte les pratiques internationales qui se sont avérées efficaces pour créer des liens entre les EES et les communautés environnantes afin de soutenir l’innovation et l’esprit d’entreprise, et dans lesquelles les EES ont été expressément utilisés pour mettre en œuvre une politique liée au développement régional ou aux PME (Encadré 4.3).
Encadré 4.3. Études de cas : l’université joue un rôle central dans la connexion avec les écosystèmes environnants
DistritoTec de l’Institut de technologie de Monterrey (Mexique)
L’initiative DistritoTec à Monterrey, menée par l’Institut de technologie de Monterrey-Campus Monterrey, implique la transformation du rayon urbain de 20 kilomètres autour du campus en un « district d’innovation » complet. Elle introduit un modèle économique soutenu par des entreprises de haute technologie et des activités basées sur l’innovation, ainsi que des infrastructures de haute qualité. L’ambition est que ce campus devienne une source de régénération urbaine. L’université a également aidé le gouvernement à créer 14 parcs technologiques au cours des 14 dernières années et a entrepris un certain nombre d’autres initiatives régionales :
Le campus de Querétaro travaille en étroite collaboration avec le pôle aérospatial de l’État.
Le campus de Mexico travaille avec les secteurs de la santé et de la biotechnologie.
Le parc technologique du campus de Chihuahua (Orion) est un élément essentiel de la stratégie d’innovation de l’État.
Université du Texas San Antonio (UTSA), Small Business Development Center (SBDC) (États-Unis)
À San Antonio, au Texas, aux États-Unis, le réseau Small Business Development Center (SBDC) offre des services de conseil et d’assistance technique à la communauté des petites entreprises. Son objectif est simple : aider les petites entreprises à démarrer et à se développer. Le programme SBDC soutient la croissance et le développement de l’économie du Texas en contribuant à la création d’emplois, à la diversification économique et à l’expansion des entreprises. Rigoureusement compétitive et quantitative, la méthodologie du SBDC repose sur une collaboration étroite entre les EES locaux qui hébergent le réseau et les PME.
Source : (OECD/IDB, 2022[20]);
Références
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[15] Technum Québec (2022), Actualités | Ville de Bromont.
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Note
← 1. Au moment de la rédaction du présent rapport, d’autres Zones d’innovation doivent être annoncées.