Le Québec s’est révélé être un laboratoire idéal pour la « géographie de l’enseignement supérieur » qui évalue la façon dont les EES peuvent stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation dans leurs propres communautés, tout en produisant des recherches pertinentes à l’échelle internationale. Cette dernière section présente et illustre certaines recommandations politiques qui pourraient améliorer la « sensibilité au contexte local » dans le système et les établissements d’enseignement supérieur du Québec.
La géographie de l'enseignement supérieur au Québec, Canada
5. Libérer le potentiel des établissements et des systèmes d’enseignement supérieur sensibles au contexte local au Québec
Abstract
Le Québec est mobilisé pour devenir un leader international en matière d’innovation et d’entrepreneuriat. Les réformes politiques incitent les établissements d’enseignement supérieur (EES) à agir de manière entrepreneuriale et à collaborer avec des parties prenantes externes, y compris des entreprises de toutes tailles et de toutes maturités. De nouvelles entités ont été créées pour faciliter le lien entre les EES et la stratégie multidimensionnelle d’innovation du Québec, qui comporte une dimension spatiale explicite.
La province connaît une croissance après la pandémie de COVID-19, mais elle est confrontée à un niveau élevé d’incertitude internationale. La présente analyse de la « géographie de l’enseignement supérieur » offre une perspective internationale pour faire progresser l’innovation et l’entrepreneuriat au Québec, en faisant le point sur les initiatives en cours et en abordant les défis qui subsistent, notamment ceux liés à la résilience, à la durabilité et à l’inclusion. Reflétant la structure globale du rapport, ce chapitre final succinct propose des recommandations concernant l’éducation entrepreneuriale, les écosystèmes entrepreneuriaux et les EES en tant que partenaires politiques sensibles au contexte local, dans le but d’accélérer l’élan acquis jusqu’à présent.
En ce qui concerne l’éducation entrepreneuriale, le Québec pourrait envisager d’intégrer et d’approfondir l’éducation entrepreneuriale formelle dans le système et les établissements d’enseignement supérieur, afin de cultiver un esprit d’entreprendre chez un plus grand nombre d’individus et d’encourager l’implication dans des activités entrepreneuriales. Les données recueillies dans le cadre de l’enquête auprès des dirigeants d’EES (voir annexe B) montrent que l’éducation entrepreneuriale influe sur l’état d’esprit des individus, ce qui est souhaitable dans le contexte de la stratégie d’innovation. Le développement de l’impact des EES sur les activités entrepreneuriales au Québec nécessitera une série d’innovations politiques. Par exemple, il sera important de reconnaître le statut d’entrepreneur aux étudiants et aux chercheurs, afin de faciliter leurs carrières respectives.
Le Québec devrait promouvoir la collaboration entre les EES entrepreneuriaux, les incubateurs, les accélérateurs et les centres entrepreneuriaux, afin d’augmenter l’échelle, d’accroître la valeur ajoutée et de promouvoir les plateformes transdisciplinaires, en mélangeant les expériences et les cultures. Ces plateformes coordonnées fonctionneraient comme des « colliders », et libéreraient ainsi une énergie et un potentiel nouveaux. Ceci est particulièrement pertinent à Montréal, qui pourrait renforcer son rôle de pôle entrepreneurial international de premier plan, et résoudre des problèmes économiques et sociétaux à l’échelle mondiale grâce à des collaborations plus audacieuses et plus engagées.
Les EES entrepreneuriaux joueront un rôle central dans leurs écosystèmes régionaux et locaux. La SQRI 2 ancre déjà les EES dans l’innovation, y compris dans les zones rurales, une initiative remarquable qui pourrait inspirer d’autres pays et régions de l’OCDE. Cependant, le système québécois devra créer de nouvelles incitations et opportunités de carrière pour que les communautés universitaires collaborent avec des acteurs externes afin de soutenir durablement les activités entrepreneuriales, au-delà du financement prévu par la stratégie. Sans ces incitations, la coproduction et la co-spécialisation resteront une faible priorité pour le corps enseignant et le personnel des EES. Une coopération renforcée entre le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) et le ministère de l’Enseignement supérieur (MES), ainsi que d’autres acteurs clés tels que les agences de financement, sera importante de ce point de vue.
Le Québec peut tirer parti de la diversité de ses EES pour promouvoir les écosystèmes entrepreneuriaux et élargir la portée de sa stratégie d’innovation. L’approche provinciale devrait trouver un équilibre entre l’accent mis actuellement sur les start-ups deep tech et l’intelligence artificielle. L’innovation devrait être encouragée dans tous les secteurs et chaînes d’approvisionnement, y compris dans les secteurs traditionnels caractéristiques de l’économie provinciale, en particulier dans les régions non métropolitaines et rurales. Le fait de doter un plus grand nombre de personnes de compétences transversales peut accroître leur productivité et contribuer à atténuer la pression actuelle sur le marché du travail provincial. Des entités telles que les cégeps et les CCTT pourraient être mobilisées pour fournir des compétences entrepreneuriales, en plus d’un soutien technique, aux entreprises et aux entrepreneurs appartenant à des secteurs et à des chaînes d’approvisionnement connexes.
Comme dans le cas de l’éducation entrepreneuriale, le succès des politiques de promotion des écosystèmes entrepreneuriaux dépendra de la capacité à créer des complémentarités : un ensemble cohérent de réformes politiques qui relient l’innovation à l’enseignement supérieur, au développement régional et rural, à la santé et à d’autres secteurs politiques pertinents. Des synergies peuvent également être créées avec les politiques de promotion de la durabilité et de l’inclusion.
Recommandation 1 : Créer davantage d’espaces de collaboration (colliders) pour soutenir l’éducation entrepreneuriale
Les activités d’éducation entrepreneuriale dans les EES du Québec sont florissantes, mais elles semblent souvent fragmentées entre les disciplines et les lieux. Cela nuit à leur efficacité et à leur ampleur. Les autorités provinciales pourraient envisager la création d’espaces communs pour améliorer l’ampleur des activités de promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Tout en préservant leur autonomie, les incubateurs et les accélérateurs pourraient formellement partager les bonnes pratiques et générer des réseaux de collaboration. Pour promouvoir les activités transdisciplinaires, y compris au sein des EES, le Québec pourrait s’inspirer d’exemples internationaux tels que l’université d’Aalto en Finlande, qui vise à créer un pôle de collaboration au sein de l’université, recoupant différentes disciplines afin de maximiser l’impact des pédagogies et des pratiques en matière d’entrepreneuriat (Encadré 5.1).
Encadré 5.1. Collaboration interne pour renforcer l’entrepreneuriat : le cas de l’université d’Aalto (Finlande)
L’entrepreneuriat est un élément majeur de la stratégie de l’université d’Aalto. Cette stratégie inclut également la dimension écosystémique de l’entrepreneuriat : L’objectif est de « transformer notre campus en un pôle de collaboration unique ». À cette fin, l’université cherche à agrandir le campus central d’Otaniemi afin de créer un « centre dynamique » et de « structurer le campus pour soutenir des groupes thématiques et multidisciplinaires et l’innovation ouverte ». Elle a l’intention de créer des espaces partagés avec des solutions numériques intégrées pour de nouvelles méthodes de travail. Dans les espaces expérimentaux, les chercheurs travailleront avec des experts et des utilisateurs pour co-créer des solutions, en particulier pour le développement durable.
L’université d’Aalto a défini un large éventail d’indicateurs de performance pour mesurer la réalisation de sa stratégie. Sur le campus, ces indicateurs comprennent les résultats des enquêtes auprès des utilisateurs et des partenaires, les espaces partagés avec les unités académiques dans différents domaines et les partenaires externes. Les « indicateurs d’habilitation » comprennent l’efficacité énergétique et les émissions de CO2, les résultats des enquêtes de satisfaction des employés, la qualité et la rentabilité des services ainsi que la diversité de la base de financement. Les indicateurs de performance mesurent la qualité des publications, de l’enseignement et des produits créatifs, la valeur des entreprises créées, ainsi que les partenariats externes et l’emploi des diplômés. Il existe également des indicateurs spécifiques pour la pluridisciplinarité : i) la participation à des activités artistiques, innovantes et entrepreneuriales, ii) la part des études pluridisciplinaires dans les diplômes obtenus, et iii) la part des projets pluridisciplinaires.
D’autres incitations sont nécessaires pour augmenter le nombre d’étudiants qui s’engagent dans l’éducation entrepreneuriale. En accordant une reconnaissance formelle et des avantages supplémentaires aux étudiants qui exercent des activités entrepreneuriales, il est possible de stimuler leur intérêt pour l’éducation entrepreneuriale et leur permettre de concilier leurs programmes d’études avec les objectifs de l’entrepreneuriat, tels que la création d’entreprise. À l’heure actuelle, les étudiants peuvent être confrontés à un compromis entre l’engagement dans l’entrepreneuriat et l’achèvement de leur programme d’études. Par exemple, les EES du Québec pourraient reconnaître officiellement le statut d’ « étudiant entrepreneur ». Plusieurs bonnes pratiques internationales pourraient inspirer les décideurs politiques du Québec. Le programme français PEPITE offre un exemple de mise en œuvre (Encadré 5.2).
Encadré 5.2. Reconnaître le statut d’entrepreneur aux étudiants et aux chercheurs : le programme PEPITE (France)
Un plan ambitieux en faveur de l’entrepreneuriat étudiant appelé plan PEPITE (pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat) a été lancé le 22 octobre 2013 par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il fait suite au rapport Beylat-Tambourin d’avril 2013 (sur l’innovation, un enjeu majeur pour la France) qui préconisait, après avoir constaté que la création des pôles d’entrepreneuriat étudiant (PEE) n’avait pas généré de réelle dynamique, de "mettre en place un vaste programme d’apprentissage de l’entrepreneuriat dans l’enseignement supérieur".
Le plan comprend quatre mesures principales :
1. la création de pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PEPITE) sur l’ensemble du territoire, y compris outre-mer, sur la base d’un appel à projets ;
2. la création d’un statut national d’étudiant-entrepreneur (SNEE) pour les étudiants ou jeunes diplômés porteurs d’un projet de création d’entreprise. Le diplôme d’établissement (D2E) « étudiant-entrepreneur » (EE), encadré nationalement par une charte, complète le dispositif ;
3. la diffusion d’une culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation par des modules de formation intégrés dans les cursus, dans le but de sensibiliser l’ensemble des étudiants ;
4. la création du prix PEPITE, dispositif de soutien à la création d’entreprise par le biais d’une aide financière.
Source : (Pépite France, n.d.[3])
Libérer le potentiel entrepreneurial de Montréal
Les EES de Montréal méritent une attention particulière, car ils opèrent dans le centre de l’entrepreneuriat et de l’innovation au Québec. Les différentes politiques et activités des EES locaux ont contribué à créer un écosystème entrepreneurial dense, qui semble toutefois quelque peu fragmenté. L’augmentation de la connectivité et de la collaboration entre les différentes entités et réseaux existants peut avoir un effet positif sur l’échelle et la visibilité du principal pôle d’innovation du Québec, ainsi que sur la capacité à générer des plates-formes transdisciplinaires reliant différents domaines, y compris les STIM et les sciences humaines.
Pour atteindre ce résultat, un « collider » entrepreneurial de services partagés entre les acteurs existants à Montréal améliorerait la coordination en permettant à différentes disciplines et cultures de se rencontrer et de s’enrichir mutuellement. L’union des forces générerait une échelle au sein de l’écosystème montréalais, mobilisant davantage de ressources et d’individus pour promouvoir l’entrepreneuriat et l’innovation. Des initiatives telles que Millénium Québecor, qui vise à coordonner les activités entrepreneuriales au sein du Campus Montréal, sont un pas dans la bonne direction pour faire de l’entrepreneuriat une force centrale au sein des EES de Montréal. Il est également possible de s’inspirer des bonnes pratiques internationales, telles que le Campus Paris-Saclay en France (Encadré 5.3).
Encadré 5.3. Créer un cluster de classe mondiale : le Campus Paris-Saclay (France)
Le Campus Paris-Saclay a été créé pour doter la France d’un cluster de classe mondiale pour la recherche académique et les acteurs industriels internationaux de premier plan. Regroupant 18 établissements (aujourd’hui 17, après la fusion de Centrale-Supélec), soit environ 10 000 chercheurs et 60 000 étudiants, le projet d’Université Paris-Saclay vise à fédérer ces institutions sous une même bannière pour leur offrir une visibilité et une attractivité internationale similaires à celles des grandes universités internationales.
Le centre du campus Paris-Saclay comprend deux zones, le quartier de Moulon et le quartier de Palaiseau :
Le quartier du Moulon, dont le centre de gravité est le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), doit regrouper les écoles Centrale-Supélec et ENS. L’école de commerce HEC est située à proximité, à Jouy-en-Josas.
Le quartier de Palaiseau regroupe l’École nationale de supérieure de techniques avancées (ENSTA), l’ENSAE, l’Institut d’Optique Graduate School et Telecom Paris Tech. Le LIST, laboratoire d’excellence technologique du CEA, y est également implanté, avec le projet de doubler sa surface (actuellement 28 000 m²) et de devenir un centre d’excellence numérique international (projet DIGITEC).
Le périmètre de l’EPA-Paris Saclay comprend cinq grands clusters industriels (au sein de l’établissement public administratif, à l’origine de ces cartes) : les technologies de l’information et de la communication (TIC), avec 37 000 salariés dans 400 établissements, l’aéronautique, avec 30 000 salariés dans 60 établissements, la mobilité, avec 27 000 salariés dans 130 établissements, l’énergie, avec 17 000 salariés dans 31 établissements, la santé, avec 14 000 salariés dans 130 établissements.
Cette concentration d’acteurs privés de la recherche offre l’opportunité de développer un écosystème d’innovation ouvert : visible, attractif et performant au niveau international.
Source : (Université Paris-Saclay, n.d.[4])
Recommandation 2 : Capitaliser sur les cégeps et les CCTT pour renforcer les écosystèmes entrepreneuriaux dans toutes les régions du Québec.
Les cégeps et les CCTT sont bien connectés aux entreprises et aux personnes situées dans leurs territoires environnants. Toutefois, les entretiens ont révélé que les cégeps peuvent éprouver des difficultés à mettre à jour leurs programmes éducatifs afin de refléter les compétences requises par les entreprises de leurs écosystèmes. En outre, les CCTT sont organisés en fonction des spécialisations sectorielles locales, ce qui peut réduire la portée de leurs activités de coopération. Sur la base de ces éléments, le Québec pourrait envisager de faciliter le processus d’accréditation pour les cégeps qui souhaitent mettre en place de nouveaux programmes d’études (ou les actualiser) et d’élargir le champ d’activités des CCTT, qui pourraient fournir une formation à l’entrepreneuriat et des services d’innovation pour les secteurs et les chaînes d’approvisionnement qui y sont liés. En innovant dans leur offre de services d’intermédiation, les CCTT pourraient fonctionner comme des « organisations de recherche et de technologie » (RTO) et jouer un rôle central en facilitant l’innovation et la diffusion de l’innovation dans leurs propres communautés. Les bonnes pratiques internationales, telles que le RISE en Suède, peuvent également servir d’exemples (Encadré 5.4).
Encadré 5.4. D’un secteur RTO fragmenté à un secteur RTO intégré : le cas de RISE en Suède
Entre les années 1960 et 1990, le secteur des instituts en Suède est passé d’une poignée d’instituts de recherche à un peu plus de 30 instituts, plutôt petits et étroitement liés à divers secteurs de l’industrie et des matériaux. À partir du milieu des années 1980, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour renforcer l’ensemble du secteur, qui devenait de plus en plus faible au fur et à mesure que la recherche du secteur universitaire se développait.
Les actions allaient de la réorganisation (le « trèfle à quatre feuilles » regroupant en quatre groupes des instituts dans des secteurs connexes et/ou avec des technologies complémentaires) au regroupement des participations de l’État dans ces instituts au sein d’une structure unique (RISE). Depuis lors, RISE (qui compte aujourd’hui environ 3 000 employés) fonctionne comme un institut multisite unique, organisé en cinq divisions et six domaines d’activité et d’innovation, sans référence aux membres fondateurs d’origine. Alors que le personnel est affecté aux cinq divisions, les six domaines d’activité et d’innovation permettent de combiner l’expertise et le travail dans toutes les divisions et opérations, afin de pouvoir répondre à des défis complexes et à long terme par le biais de l’innovation interdisciplinaire. RISE, par exemple, est le résultat de la fusion de plusieurs des plus grandes organisations suédoises de recherche et de technologie (RTO) en un seul groupe institutionnel, qui a débuté en 2016.
Outre cinq divisions et six domaines d’activité et d’innovation, RISE compte également 16 domaines de recherche à l’échelle du groupe. Les initiatives liées à ces domaines sont souvent soutenues par les fonds de compétences stratégiques fournis par le gouvernement suédois pour soutenir la mission nationale de RISE. RISE a également identifié des domaines de renforcement dans lesquels le développement des connaissances répond à l’évolution des défis et des besoins de la société. Deux de ces domaines de renforcement, l’IA appliquée et la cybersécurité, sont devenus des centres RISE en 2021. Ces centres garantiront une orientation supplémentaire à long terme et faciliteront l’accélération de la recherche appliquée afin de renforcer la compétitivité de la Suède dans ce domaine.
Source : (Larrue & Strauka, 2022[5])
En outre, la reconnaissance des activités de collaboration menées par les chercheurs et les professeurs au sein des CCTT et des cégeps peut les encourager à établir des liens avec les acteurs de leurs communautés locales. L’enquête auprès des dirigeants d’EES montre que si les cadres réglementaires proposent des incitations aux professeurs et aux chercheurs pour qu’ils mènent des activités de collaboration, des divergences peuvent apparaître au niveau institutionnel, lorsque ces mesures sont introduites. Les efforts internationaux peuvent servir de bonnes pratiques (Encadré 5.5).
Encadré 5.5. Indicateurs pour tenter de mesurer l’échange de connaissances : le cas des Pays-Bas
Aux Pays-Bas, le terme « valorisation » est utilisé pour désigner les activités d’échange de connaissances. En 2010, un cadre complet à quatre dimensions a été proposé pour mesurer la « performance de la valorisation », en combinant des indicateurs quantitatifs et qualitatifs. Le cadre et les indicateurs peuvent être appliqués dans une grande variété de contextes, y compris les universités de recherche et l’École supérieure (University of Applied Sciences, UAS), à plusieurs niveaux et pour une variété d’objectifs d’évaluation. La nouvelle approche met l’accent sur une mesure orientée vers le processus, s’éloignant d’une focalisation sur les indicateurs quantitatifs basés sur les résultats. En 2012, alors que tous les EES néerlandais préparaient pour la première fois des accords de performance individuels avec le ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sciences, le comité d’examen a invité les EES à utiliser des indicateurs pour illustrer leurs ambitions en matière de commercialisation de la recherche. Certains EES ont répondu à cette demande et ont accepté d’inclure un certain nombre d’indicateurs dans leur convention de performance ainsi que dans les rapports annuels (obligatoires) qu’ils publient chaque année pour rendre compte de leur activité globale. Toutefois, jusqu’à présent, aucun ensemble d’indicateurs communément défini et utilisé par tous les EES n’a été établi, ce qui rend difficile la comparaison des résultats et le suivi des progrès à l’échelle nationale.
Recommandation 3 : Accroître la coopération avec le ministère de l’Enseignement supérieur dans les politiques d’entrepreneuriat et d’innovation, en promouvant le pilotage des Zones d’innovation.
Les Zones d’innovation (ZI) montrent que le gouvernement du Québec promeut une approche spatiale de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Les ZI prouvent également les efforts de la stratégie d’innovation pour promouvoir l’innovation dans les zones non métropolitaines et rurales, ce qui représente une bonne pratique qui mérite une visibilité internationale. Les ZI sont mises en œuvre en impliquant différents acteurs locaux, notamment les gouvernements locaux, les PME, les entreprises privées, les entrepreneurs et, bien sûr, les EES, qui jouent un rôle central dans la politique. Le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec (MES) soutient le pilier formation et éducation des zones dans des projets visant à maximiser la recherche, l’investissement et les compétences.
L’implication du MES dans les politiques d’entrepreneuriat et d’innovation peut créer une opportunité de pilotage des interventions et des réformes dans les Zones d’innovation. Le MES pourrait utiliser les ZI comme bancs d’essai pour introduire des incitations et des opportunités de carrière pour les universitaires et les étudiants, par exemple en promouvant le statut d’« étudiant entrepreneur » dont il a été question plus haut. Cela pourrait libérer le potentiel du mouvement des start-up et l’esprit d’entreprendre dans ces zones. Une fois testées dans les ZI, les réformes réglementaires pourraient être étendues au reste de la province.
Recommandation 4 : Promouvoir le développement social et urbain dans les ZI, afin de relier le mouvement des start-up et l’éducation entrepreneuriale aux programmes de bien-être et de durabilité.
Les Zones d’innovation proposent une idée globale de l’innovation, qui est explicitement liée à la nécessité d’améliorer les cadres sociaux et urbains. Ces composantes sont pertinentes pour le développement de l’ensemble de la communauté et ne doivent pas être négligées lors de l’introduction des ZI. À l’avenir, les ZI pourraient faire plus explicitement référence au développement social et urbain, en se référant à des concepts tels que la « régénération urbaine » et en développant des relations locales pour souligner ces aspects et promouvoir les complémentarités et les synergies politiques. Les ZI pourraient être explicitement liées aux politiques et initiatives de développement régional et donner un élan supplémentaire aux initiatives locales, telles que la Société de Promotion Économique de Rimouski (SOPER) à Rimouski, qui a développé une série d’activités soutenant l’innovation et l’entrepreneuriat, notamment NOVARIUM (voir chapitre 4).
Pour atteindre ces résultats, les ZI pourraient être soutenues par des organisations spécifiques impliquant des acteurs et des leaders locaux. L’objectif serait de relier l’entrepreneuriat et l’innovation à d’autres programmes politiques et d’avoir un effet positif sur la prospérité et le bien-être dans les régions d’accueil. Bien que rares, certaines initiatives internationales se situent à la frontière de l’innovation, de l’entrepreneuriat et du développement social et régional. Par exemple, l’Académie de la spécialisation intelligente est un exemple de bonne pratique pour mobiliser tous les acteurs de l’écosystème qui contribuent à la stratégie de spécialisation intelligente de la région (Encadré 5.6).
Encadré 5.6. Connecter tous les acteurs de l’écosystème : l’Académie de la spécialisation intelligente, Université de Karlstad (Suède)
L’Université de Karlstad (KAU), dans la région de Värmland, en Suède, est un bon exemple d’EES qui a créé des institutions et des pratiques ad hoc pour se connecter avec les parties prenantes régionales. La KAU, s’appuyant sur sa longue collaboration avec le gouvernement régional, a créé l’Academy for Smart Specialisation. L’objectif de l’académie est de mieux relier les activités de recherche aux besoins et au potentiel d’innovation de la région, tels qu’identifiés par la stratégie de spécialisation intelligente de la région Värmland. L’Academy for Smart Specialisation soutient des centres de recherche pluridisciplinaires, dont un centre d’études sur le genre cogéré par l’université et le gouvernement régional. Ces centres soutiennent le développement durable du secteur productif régional et, en même temps, améliorent la capacité des autorités régionales à identifier les opportunités d’innovation transformatrice pour le secteur productif régional.
Source : (OECD / EC, 2021[8])
Références
[1] Aalto University (2018), Shaping the Future - Strategy 2016-2020.
[5] Larrue & Strauka (2022), “The contribution of RTOs to socio-economic recovery, resilience and transitions”, OECD Science, Technology and Industry Policy Papers, No. 129, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/ae93dc1d-en.
[8] OECD / EC (2021), Supporting Entrepreneurship and Innovation in Higher Education in Sweden (2021) | HEInnovate, https://heinnovate.eu/en/heinnovate-resources/resources/oecd-ec-supporting-entrepreneurship-and-innovation-higher-education (accessed on 30 August 2022).
[7] OECD/EC (2019), Supporting Innovation and Entrepreneurship in Higher Education in Italy.
[6] OECD/European Union (2018), Supporting Entrepreneurship and Innovation in Higher Education in The Netherlands, OECD Skills Studies, OECD Publishing, Paris/European Union, Brussels, https://doi.org/10.1787/9789264292048-en.
[3] Pépite France (n.d.), Construire et développer son projet entrepreneurial - Pépite France.
[2] Technopolis (2018), Leadership and governance for an entrepreneurial culture at Aalto University.
[4] Université Paris-Saclay (n.d.), Les campus | Université Paris-Saclay.