Cette publication examine les possibilités et les défis que présentent pour les entreprises et les pouvoirs publics les technologies qui préparent l’avènement de la « prochaine révolution de la production », à savoir diverses technologies numériques (p. ex., l’internet des objets et la robotique avancée), les biotechnologies industrielles, l’impression 3D, les nouveaux matériaux et les nanotechnologies. Certaines de ces technologies sont déjà présentes dans les processus de production, d’autres seront accessibles sous peu. Mais toutes se développent rapidement. À mesure qu’elles transformeront les activités de production et de distribution des biens et services, elles auront une influence considérable sur la productivité, les compétences, la distribution des revenus, le bien-être et l’environnement. Mieux les pouvoirs publics et les entreprises sauront appréhender cette transformation prochaine de la production, mieux ils seront à même d’en maîtriser les risques et d’en concrétiser les avantages.
La prochaine révolution de la production
Résumé
Synthèse
La prochaine révolution de la production résultera de la convergence d’un large éventail de technologies, allant des technologies du numérique (par exemple, l’impression 3D, l’internet des objets [IdO] ou la robotique avancée), aux nouveaux matériaux (bio- et nano-) en passant par les nouveaux procédés (production fondée sur les données, intelligence artificielle [IA], biologie de synthèse). L’objet du présent rapport est d’examiner les ramifications économiques et politiques d’un éventail de technologies susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la production à brève échéance (autour de l’horizon 2030). Dans la mesure où elles transforment la production, ces technologies auront des incidences majeures sur la productivité, l’emploi, les compétences, la répartition des revenus, les échanges, le bien-être et l’environnement.
Évolution de la productivité et des marchés du travail
Les nouvelles technologies de production pèseront fortement, à plusieurs titres, sur la disponibilité et la nature du travail. La stratégie à suivre face à l’importance grandissante des emplois fortement et peu rémunérés doit notamment intégrer la progression des tâches de production à forte intensité technologique. L’évolution technologique va inéluctablement bouleverser les secteurs tels que nous les connaissons aujourd’hui, et les entreprises en place devront faire face à la redéfinition des conditions de la compétitivité due aux nouvelles technologies. On ne sait pas exactement à quel rythme et dans quelles proportions les ajustements seront opérés dans l’avenir. Il n’empêche que les pays plus résilients et plus prospères seront certainement ceux qui sont le plus tournés vers l’avenir et qui sont dotés d’institutions efficaces, d’une population instruite et éclairée, ainsi que des capacités technologiques essentielles dans un certain nombre de secteurs.
La maîtrise des nouvelles technologies de production promet également de rendre les processus plus respectueux de l’environnement, de renforcer la sécurité au travail (grâce à la robotisation d’une partie des tâches potentiellement dangereuses), de créer de nouveaux types de biens et de services, et de permettre de les produire sur mesure, ainsi que d’accélérer la croissance de la productivité. En effet, il y a tout lieu de penser que les technologies étudiées dans le présent rapport, qu’il s’agisse des technologies de l’information et des communications, des robots ou des nouveaux matériaux, pourraient contribuer bien davantage à la productivité qu’elles ne le font actuellement. Elles sont souvent l’apanage des grandes entreprises, qui, de surcroît, sont loin de tirer profit de toutes leurs applications potentielles.
Par comparaison avec les précédentes révolutions industrielles, dues à la machine à vapeur et à l’électrification, les inventions susceptibles de transformer la production interviendront et se propageront rapidement dans le monde. En revanche, il pourrait s’écouler un temps considérable entre le moment où une nouvelle technologie sera inventée, se diffusera dans l’économie tout entière et remplira toutes ses promesses en termes de productivité. Dans le passé, l’horizon auquel d’importantes technologies de production étaient censées porter leurs fruits a été fixé de manière irréaliste par excès d’enthousiasme.
Certes, les nouvelles technologies créent des emplois par différentes voies et les technologies de nature à améliorer la productivité bénéficieront à l’ensemble de l’économie, mais les ajustements à opérer en conséquence risquent d’être immenses. Beaucoup pâtiraient certainement d’une vague de suppressions d’emplois qui viendrait frapper un grand secteur ou plusieurs branches en même temps. Les décideurs politiques doivent par conséquent suivre l’évolution de la situation et gérer activement les ajustements à effectuer, notamment en poursuivant des politiques tournées vers l’avenir dans les domaines des compétences, de la mobilité de la main-d’œuvre et du développement régional.
Connaissances, technologie et diffusion des compétences
Outre l’aspect matériel, la diffusion des technologies doit concerner les investissements incorporels complémentaires et le savoir-faire nécessaire pour exploiter pleinement leur potentiel, tout cela couvrant un éventail allant des compétences aux nouvelles formes d’organisation des entreprises. Un déploiement et une distribution efficaces des ressources humaines et financières en sont des conditions indispensables mais non exclusives. Il est donc essentiel de coordonner les politiques d’encadrement qui favorisent la concurrence sur les marchés de produits, atténuent les rigidités des marchés du travail et suppriment les freins à la sortie des entreprises et les obstacles à la croissance de celles qui réussissent. Les nouvelles entreprises, elles, utiliseront largement les nouvelles technologies de production.
La diffusion des technologies peut être facilitée par la mise en place d’institutions efficaces spécialement dédiées à cette tâche. Il s’agira surtout de réussir la transformation numérique des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME). Les institutions dotées de moyens spéciaux, par exemple de services de vulgarisation (chargés d’une mission d’information et d’éducation, en particulier auprès des PME), ont tendance à être reléguées au second plan dans la politique générale d’innovation. Elles sont pourtant capables d’efficacité pour peu qu’elles soient bien conçues et bénéficient d’incitations et de ressources adaptées.
Les mutations technologiques remettront en question l’adéquation des compétences et des systèmes de formation. Certaines des nouvelles technologies de production soulignent l’importance de l’interdisciplinarité dans l’enseignement et la recherche. C’est pourquoi il est souvent nécessaire de développer les interactions entre les entreprises et les établissements d’enseignement ou de formation et ce besoin se fera certainement de plus en plus sentir à mesure que la part du contenu intellectuel dans la production augmentera. Des systèmes efficaces d’apprentissage tout au long de la vie et de formation sur le lieu de travail sont indispensables pour que l’acquisition des compétences se fasse au rythme de l’évolution technologique et qu’il soit possible de se reconvertir chaque fois que nécessaire. Il est essentiel de propager les compétences numériques et complémentaires aux machines. Il importe autant de veiller à ce que le niveau de compétence générale (aptitude à lire, écrire, compter et résoudre des problèmes) soit suffisamment élevé au sein de la population tout entière, notamment pour permettre l’apprentissage de compétences spécifiques, en constante évolution.
Investir dans les données et la science
Les données occuperont une place centrale dans la production du XXIe siècle. L’action des pouvoirs publics devrait encourager à investir dans les données qui ont des retombées positives dans les secteurs d’activité et entre eux. Il faudrait examiner ce qui fait obstacle à la réutilisation et au partage des données, y compris des données publiques, de même qu’il conviendrait de disposer de cadres de gouvernance des données qui traitent des questions soulevées par le respect de la vie privée et la sécurité numérique. La qualité de l’infrastructure numérique, notamment l’accès aux puissantes ressources informatiques, sera vitale pour les entreprises de nombreux secteurs.
Il importe que la science et la R-D fassent l’objet de politiques avisées. Toutes les technologies examinées dans le présent rapport sont le fruit de l’avancée des connaissances et des instruments scientifiques réalisée à la fois dans les secteurs public et privé. Les nouvelles technologies de production sont dans bien des cas trop complexes pour les capacités de recherche existantes, même celles des plus grandes entreprises, et elles mobilisent par conséquent un large éventail de partenariats de recherche public-privé. Par ailleurs, les grands défis de la recherche soulevés par la prochaine révolution de la production sont pour beaucoup pluridisciplinaires. Les indicateurs d’évaluation des programmes de recherche devraient fournir les incitations appropriées en faveur de la recherche pluridisciplinaire, de la transposition des résultats de la recherche et de l’établissement de liens entre parties prenantes.
Confiance et réflexion sur le long terme
Il importe aussi que le grand public comprenne et accepte les nouvelles technologies de production. Il existe une corrélation étroite entre la résistance populaire aux nouvelles technologies et la perte de confiance à l’égard des autorités scientifiques et réglementaires. Décideurs et institutions devraient nourrir des attentes réalistes vis-à-vis des technologies et prendre dûment en compte les incertitudes. Les avis scientifiques devraient être jugés impartiaux et dignes de confiance. Le débat public peut également concourir à renforcer la compréhension entre la communauté scientifique et l’opinion.
Judicieusement appliquée, la prospective peut étayer l’élaboration des politiques en période de changement technologique et socioéconomique. Les méthodes participatives permettent de réunir les parties prenantes pour définir une communauté de vues sur l’avenir, négocier et convenir d’actions conjointes. Les processus prospectifs peuvent aussi comporter des avantages, comme resserrer les réseaux et mieux coordonner l’action menée dans différents domaines d’intervention.
Enfin, il est essentiel d’engager une réflexion sur le long terme. En complément des tâches qui les attendent à court terme, les dirigeants des entreprises, de l’enseignement, des syndicats et des administrations doivent être prêts à encadrer les politiques et préparer l’avenir au-delà de la durée habituelle des mandats. Il est indispensable de passer en revue l’éventail des nouveaux risques et défis qui apparaissent dans le sillage des technologies émergentes, de réfléchir à la manière dont les priorités de l’action pourraient avoir à évoluer dans des domaines aussi divers que les régimes de la propriété intellectuelle, la concurrence et les politiques commerciales, et de considérer les répercussions que la production de demain aura sur la répartition.
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