À mesure que les phénomènes résultant du changement climatique se font plus fréquents et intenses, les pays sont appelés à concevoir des stratégies d’adaptation au climat qui répondent aux effets potentiels sur l’environnement et la société. Les peuples qui connaissent le mieux les modes de vie locaux peuvent contribuer significativement tant aux études d’impact environnemental qu’aux stratégies d’adaptation au climat. Les processus de consultation mis en place par la Norvège constituent un exemple de participation du public constructive dès le début de la planification, en mesure de contribuer à améliorer les résultats environnementaux et la résilience climatique des populations locales.
Dans l’Arctique norvégien, promouvoir la participation efficace et constructive des communautés autochtones
Abstract
Défis
L’Arctique est une région à faible densité de population, dotée d’une biodiversité exceptionnelle, d’écosystèmes fragiles et d’une flore et d’une faune qui se rétablissent lentement en cas de perturbations. La rapidité de l’évolution du climat affecte également les modes de vie sur place. L’Arctique norvégien est peuplé de près d’un demi-million d’habitants et est connu comme le lieu de vie traditionnel de la minorité samie (environ 20 500 électeurs samis sont enregistrés). En moyenne, les autochtones représentent quelque 10 % de la population. L’équilibre des populations autochtones est souvent précaire, car elles doivent s’adapter continuellement aux conséquences du changement climatique. Cependant, les intérêts de ces populations ne sont pas toujours suffisamment pris en compte dans les études d’impact environnemental (EIE). Les processus de consultation peuvent parfois être biaisés par le caractère asymétrique de l'information, un pouvoir de négociation inégal et un manque de transparence. Les investisseurs peuvent être tentés de nouer des accords avec les populations locales qui ne bénéficient pas à tous les membres des communautés concernées et ne protègent pas non plus la biodiversité et les écosystèmes fragiles. La promotion d'un dialogue efficace et constructif et l'intégration des connaissances autochtones restent un défi commun dans la région arctique. Les EIE doivent évaluer correctement les éventuels besoins d’adaptation et repérer les actions les plus adaptées nécessaires pour chaque projet.
Approches
Le projet d’EIE dans l’Arctique, auquel ont participé des membres du Conseil de l’Arctique, a rassemblé des exemples de bonnes pratiques provenant de toute la région. Parmi ces exemples figurait le cas du nord de la Norvège, où le dialogue avec les éleveurs de rennes samis a commencé très tôt, a été maintenu tout au long du processus et a permis de tirer parti du savoir local dans la conception d’un projet de construction d’appartements près de Tromsø. L’EIE concluait à un impact négatif sur l’utilisation des terrains par les rennes et aurait pu signer la fin du projet. Des réunions informelles et des inspections ont néanmoins eu lieu pour recueillir les connaissances et informations sur l’usage réel de cette zone par les éleveurs de rennes. Grâce à un dialogue constant, les tenants du projet et les éleveurs de rennes sont parvenus à un accord pour préserver un couloir de migration destiné à la faune et un lieu consacré aux activités locales de loisir. La solution a été jugée acceptable par toutes les parties, a été négociée en toute transparence et a permis que l’EIE tienne compte du point de vue des éleveurs.
Il s’agit d’un exemple de participation constructive du public dès de début de la planification qui peut alimenter efficacement le processus d’EIE et renforcer la capacité d’adaptation des habitants. Un tel processus est particulièrement important dans les régions arctiques fragiles dans lesquelles les études d’impact doivent tenir compte de l’expertise des populations qui connaissent les modes de vie locaux. Cela peut prendre du temps et nécessite de faire preuve de souplesse. Il est donc fondamental de construire le plus tôt possible une relation de confiance avec les communautés concernées. Les autorités compétentes « doivent échanger en même temps avec les chercheurs et avec les populations locales et non d’abord avec les chercheurs puis avec les populations » (Groupe de travail sur le développement durable - SDWG, 2019).
Le droit des populations autochtones à participer aux processus décisionnels en Norvège a été formalisé en 2005. L’obligation de consulter le Parlement sami s’applique aux régions traditionnelles samies, en particulier à tout ce qui concerne les ressources sur lesquelles repose la culture samie, notamment la propriété foncière, l’administration du territoire et les usages concurrents des terres. La loi sur la diversité du milieu naturel impose de tenir compte des connaissances des Samis lors de prises de décisions officielles qui concernent la conservation et l’usage durable de la diversité biologique, géologique et de paysages ; la loi sur la construction précise quels outils et instruments doivent être utilisés par les autorités locales et régionales lors du processus de planification dans les régions d’élevage de rennes.
Résultats
Les relations entre les pouvoirs publics et la communauté samie et d’autres groupes autochtones ont évolué. Les résultats de récentes enquêtes (SDWG, 2019) suggèrent que le dialogue global entre les autorités norvégiennes et la communauté samie s’est amélioré. Au-delà des consultations obligatoires, les pouvoirs publics échangent également avec d'autres groupes d'intérêt samis, en particulier sur les questions qui affectent directement l'utilisation des terres samies, ce qui permet de mettre en place des mesures d'adaptation des modes de vie locaux. Avec le temps, le dialogue entretenu a également contribué à faire progresser la connaissance des problématiques des Samis dans les ministères et les agences.
Néanmoins, il reste du chemin à parcourir pour mieux intégrer les préoccupations spécifiques du peuple Sami dans les politiques nationales et mieux protéger les droits des minorités. Dans un projet de recherche (Ahlness, 2020), le constat a été fait que « les membres de la majorité ‘nordique’ ont tendance à considérer les groupes minoritaires comme moins capables de s’engager sur le plan écologique ».
Enseignements
La promotion d'un dialogue efficace et constructif et l'intégration des savoirs autochtones restent un défi commun dans la région arctique. Ce dialogue doit être vu comme profitable pour trouver de meilleures solutions en réponse au changement climatique, repérer les besoins d’adaptation et influencer plus fortement la conception des projets à un stade précoce. Pour atteindre ces objectifs, le dialogue doit être continu et dépasser le simple cadre des consultations obligatoires ponctuelles. Bien souvent, les savoirs locaux peuvent contribuer à planifier les adaptations de manière réfléchie. Il est essentiel de veiller à ce que les mesures d'adaptation nécessaires soient efficacement intégrées dans le processus de planification des projets. Quant aux EIE, elles doivent servir à mieux concevoir les projets et à améliorer les processus décisionnels ; la participation doit se poursuivre également pendant les phases d’atténuation et de suivi.
En savoir plus
OCDE (2022), Examens environnementaux de l'OCDE : Norvège 2022 (version abrégée), Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d69a2325-fr.
Arctic Council, Sustainable Development Working Group (2019), Good Practices for Environmental Impact Assessment and Meaningful Engagement in the Arctic, Arctic Council, Sustainable Development Working Group, case 12, http://hdl.handle.net/11374/2377.
Ahlness, E. (2020), “Greener Than Them: Environmental Bias and Commitment in Norway”, Environmental Bias Experiments, presented to the Center for Environmental Politics/Society for Advancement of Scandinavian Studies, 15 May, University of Wisconsin, https://www.researchgate.net/publication/341803603_Greener_Than_Them_Environmental_Bias_and_Commitment_in_Norway.
Publication à mettre en exergue
OCDE (2022), Examens environnementaux de l'OCDE : Norvège 2022 (version abrégée), Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d69a2325-fr.
Lien vers : https://www.oecd.org/fr/environnement/examens-pays
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