Les efforts coordonnés par plusieurs agences gouvernementales néo-zélandaises permettent de veiller à ce que le dispositif de mobilité de la main-d’œuvre, intitulé Recognised Seasonal Employer (RSE), favorise le développement des pays insulaires partenaires du Pacifique.
Aborder les compromis politiques : le dispositif de la Nouvelle-Zélande sur la mobilité de la main-d’œuvre dans la région du Pacifique
Abstract
Défi
Mis en place en 2007, le dispositif Recognised Seasonal Employer (RSE) de la Nouvelle-Zélande répond à un double besoin : 1) un manque de main-d’œuvre saisonnière dans les secteurs de l’horticulture et de la viticulture en Nouvelle-Zélande; et 2) davantage d'opportunités pour les travailleurs des pays insulaires du Pacifique d’acquérir des compétences et de gagner un revenu. Ce revenu est alors envoyé à leurs familles et à la communauté au sens large. En général, le dispositif RSE bénéficie d’une bonne réputation dans les pays de la région du Pacifique et en Nouvelle-Zélande. Toutefois, certaines tensions et défis risquent de compromettre l’impact du dispositif en matière de développement dans les pays partenaires. Il s’agit notamment de :
La fuite des cerveaux et la perte d’emplois. De nombreuses communautés d’origine ont un petit vivier de main-d’œuvre, si bien qu’une fuite des cerveaux ou la perte d’emplois peut avoir un impact considérable. L’absence de proches pendant de longues périodes a été évoquée comme une difficulté potentielle par certaines de ces communautés.
Le coût élevé des envois de fonds dans le Pacifique. Ce coût – parmi les plus élevés dans le monde – amoindrit les avantages économiques de ces envois.
Amélioration limitée du niveau de qualification. À ce jour, peu d’études montrent que la participation au dispositif se traduit par une amélioration du niveau de qualification ou par un plus grand nombre de contributions porteuses de transformation pour le secteur privé dans les pays partenaires, mis à part un meilleur pouvoir d’achat.
Risques de corruption. Les revenus relativement élevés gagnés grâce à la participation au dispositif augmente les risques de corruption lors de la sélection des participants, ainsi que le risque de « monopolisation » du programme par un petit nombre de communautés.
Garantir les conditions de vie et de rémunération des travailleurs. Il peut se révéler difficile de réglementer les conditions proposées aux travailleurs au sein des communautés d’accueil, comme la qualité du logement.
Les défis liés à la collecte des données dans la région du Pacifique, qui affectent le suivi et la capacité à rassembler des preuves pour améliorer les politiques publiques, tandis que les restrictions frontalières, telles que celles imposées pendant la pandémie de COVID-19, peuvent aussi entraîner des répercussions sur le dispositif.
Approche
Les mesures ci-dessous ont été nécessaires pour relever ces défis :
Apporter une réponse coordonnée : le ministère des Entreprises, de l’Innovation et de l’Emploi (MBIE) de la Nouvelle-Zélande administre le dispositif RSE, avec la participation d’autres ministères – dont les ministères du Logement et du Développement urbain, du Développement social, des Peuples du Pacifique, et des Industries primaires. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce (MFAT) assiste les pays du Pacifique dans l’optimisation de leur participation au dispositif, et les hauts-commissariats de la Nouvelle-Zélande dans les pays partenaires aident à identifier les défis ou les préoccupations soulevés par les parties prenantes des pays partenaires et assurent la coordination avec les pays d’origine.
Renforcer les capacités : en Nouvelle-Zélande, il incombe en général aux employeurs (ou à leurs représentants) de sélectionner chaque participant, sous la supervision d’une unité chargée d’envoyer les travailleurs dans le pays partenaire. Le MFAT aide les pays du Pacifique à optimiser leur participation au dispositif, y compris en renforçant les capacités de ces unités et en proposant des formations aux travailleurs pendant leur séjour en Nouvelle-Zélande.
Réduire le coût des envois de fonds : dans le cadre des priorités du gouvernement en matière de cohérence des politiques, le MFAT collabore avec la Banque de réserve et le Département des affaires intérieures afin d’exercer une influence sur les services bancaires et de réduire les coûts.
Soutenir la réinsertion économique par le biais d’initiatives de développement complémentaires : en collaboration avec l’Australie, le MFAT finance les initiatives de réinsertion économique dans certains pays. Par exemple, VLAB, une start-up située à Vanuatu bénéficiant d’un financement de la Nouvelle-Zélande, aide les travailleurs saisonniers de retour sur leur île d’origine pour qu’ils suivent une formation, qu’ils créent ou développent une entreprise.
Réaliser des recherches d’impact : le dispositif RSE a fait l’objet d’un ensemble de travaux de recherche et d’études d’impact, qui ont contribué à l’élaboration de politiques publiques. D’autres recherches ont également été lancés à la demande des pays partenaires du Pacifique (par exemple, au travers de l’unité de mise en œuvre de PACER Plus, financée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande).
Faciliter les déplacements : pendant la pandémie de COVID-19, le MFAT a collaboré avec les agences néo-zélandaises de contrôle aux frontières et les partenaires du Pacifiques pour autoriser les déplacements en aller simple, sans quarantaine, avec les Samoa, les Tonga et le Vanuatu. La Nouvelle-Zélande a également modifié ses conditions d’entrée à la frontière afin de permettre aux travailleurs ressortissants du Vanuatu de voyager avec leur carte nationale d’identité lorsque les délais d’obtention des passeports au Vanuatu entravaient leur mobilité.
Résultats
Un débat public éclairé : des études d’impact commandées par le gouvernement, ainsi qu’un ensemble de recherches académiques et d’analyses publiques ont contribué à un débat public et à des discussions mieux informées sur les problèmes de cohérence des politiques et les compromis liés au dispositif. Cela renforce la sensibilisation et favorise les initiatives visant réellement à remédier aux incohérences.
Dimensionnement et portée : les modifications apportées par la Nouvelle-Zélande à ses conditions d’entrée à la frontière pendant la COVID-19 ont permis l’embauche de plus de 11 000 travailleurs dans le cadre du dispositif RSE. Dans les trois premiers pays d’origine (Tonga, 18 % ; Samoa 14 % ; et Vanuatu, 14 %), plus d’un dixième des hommes en âge de travailler a été embauché dans le cadre des dispositifs régionaux de mobilité de la main-d’œuvre de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie.
Des envois de fonds simplifiés : avec l’aide du MFAT, une solution visant à faciliter les transferts de fonds et de cotisations sociales est actuellement en phase d’essai pilote. Le Seasonal Worker Superannuation Administration Service (SWSAS), un service de gestion des retraites des travailleurs saisonniers, fait le lien entre le système électronique de paie d’un employeur et le fonds national de prévoyance (National Provident Funds, NPF) dans la région du Pacifique. Ce service permet aux travailleurs bénéficiant du dispositif RSE d’envoyer facilement et à moindre coût des fonds ou leur pension de retraite dans leur pays d’origine.
Amélioration du niveau de vie : dans les cinq pays analysés dans l’Étude d’impact en 2019, un consensus s'est dégagé sur le fait que le dispositif RSE contribue directement à la sécurité économique des ménages participants et à l’amélioration de leur niveau de vie. Il convient toutefois de souligner que la nature sélective des possibilités d’emploi dans le cadre du RSE peut aussi contribuer aux inégalités au niveau des villages, car certaines familles participent à plusieurs reprises à ce dispositif, tandis que d’autres n’y ont pas accès.
Enseignements tirés
Identifier dès le départ les arbitrages potentiels : lors de sa conception, le dispositif RSE a reconnu la nécessité d’équilibrer les impacts positifs pour la Nouvelle-Zélande et ceux pour chacun des pays insulaires du Pacifique. Ce processus est en cours, avec l’appui des recherches commandées par le MBIE et le MFAT pour identifier les compromis nécessaires.
Investir dans des actions de développement complémentaires pour un impact réel : l’un des défis constants pour les dispositifs de mobilité de la main-d’œuvre dans la région du Pacifique est de veiller à ce que les actions complémentaires aient un impact positif sur le développement des pays partenaires. Cela passe notamment par un ciblage équitable du recrutement, en faveur par exemple des travailleurs non qualifiés. Investir dans le renforcement du secteur privé dans les pays partenaires permettrait également d'augmenter les salaires, d’inciter les travailleurs qualifiés à rester et d’assurer la réinjection dans l’économie locale des bénéfices du dispositif RSE. Un examen des politiques portant sur le dispositif RSE et la redéfinition de l’aide au développement de la Nouvelle-Zélande pour la mobilité de la main-d’œuvre en 2023 seront l’occasion d’aborder certains de ces sujets et de recenser les investissements complémentaires nécessaires à ces fins.
Garantir la coordination et la coopération régionales : il est nécessaire d’instaurer une coordination étroite avec d’autres dispositifs régionaux, à savoir ceux de l’Australie, puisque les différents dispositifs peuvent avoir des répercussions les uns sur les autres ainsi que sur les pays partenaires. Une coopération à l’échelon international et mondial est également nécessaire pour soutenir la réforme bancaire et atténuer les risques.
Informations supplémentaires
Gibson, J. et R-L. Bailey (2021), « Seasonal labor mobility in the Pacific: past impacts, future prospects », Asian Development Review, vol. 38, n° 1, pp. 1–31, https://doi.org/10.1162/adev_a_00156.
Gibson, J. et D. McKenzie (2014), Development through Seasonal Worker Programs: The Case of New Zealand's RSE Program, https://www.cream-migration.org/publ_uploads/CDP_05_14.pdf.
Howes, S. R. Curtain et E. Sharman (2022), « Labour mobility in the Pacific: Transformational and/or negligible? », Devpolicy Blog, 10 octobre 2022, https://devpolicy.org/labour-mobility-in-the-pacific-transformational-and-or-negligible-20221010.
Service de l’immigration de Nouvelle-Zélande, site web « Recognised Seasonal Employer (RSE) scheme research », https://www.immigration.govt.nz/about-us/research-and-statistics/research-reports/recognised -seasonal-employer-rse-scheme.
Service de l’immigration de Nouvelle-Zélande, site web « Research », https://www.immigration. govt.nz/about-us/research-and-statistics/research-reports.
Service de l’immigration de Nouvelle-Zélande (2019), RSE Impact Study: New Zealand stream report, https://www.immigration.govt.nz/documents/statistics/rse-impact-study-new-zealand-stream-report.pdf.
Reserve Bank of New Zealand (2022), Pacific Remittances Project, page web, https://www.rbnz. govt.nz/regulation-and-supervision/cross-sector-oversight/our-relationship-with-other-financial-regulators/pacific-remittances-project.
Solomon Times (2021) « Supporting NZ’s Seasonal Workers to remit and save », 30 mars 2021, https://www.solomontimes.com/feature/supporting-nzs-seasonal-workers-to-remit-and-save/583.
Ressources de l’OCDE
OECD (2023), Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : Nouvelle-Zélande 2023, Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/7f5c91cc-fr.
OCDE (2014), Recruiting Immigrant Workers: New Zealand 2014, https://doi.org/10.1787/9789264215658-en.
Pour en savoir plus sur la coopération pour le développement mise en œuvre par la Nouvelle-Zélande, voir :
OCDE, « New Zealand », Development Co-operation Profiles, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/138471d6-en (anglais uniquement).
D’autres exemples En pratique concernant la Nouvelle-Zélande sont disponibles ici : https://www.oecd.org/cooperation-developpement-apprentissage?tag-partenaire+clé=nouvelle-zélande#search.