Premier fonds à impact social de l’Espagne, le Fonds Huruma contribue à combler le déficit de moyens de financement à la disposition des petites exploitations agricoles et des exploitants marginalisés dans les pays partenaires. Fruit d’un partenariat entre l’Espagne, l’Union européenne et des investisseurs privés, ce fonds montre que les ressources publiques peuvent être utilisées efficacement pour attirer les investissements privés dans des domaines à hauts risques mais ayant un impact important sur la pauvreté.
Le Fonds Huruma de l’Espagne : attirer l’investissement privé vers les petites exploitations agricoles
Abstract
Défi
La sécurité alimentaire est une priorité essentielle de la coopération pour le développement de l’Espagne, un lien évident ayant été établi entre productivité agricole et réduction de la pauvreté. Or, les banques refusent généralement d’accorder aux petits exploitants agricoles les crédits qui leur permettraient d’améliorer leur productivité car elles les considèrent comme des clients à haut risque. Dans les pays et territoires partenaires, les prêts formels aux petits exploitants et aux exploitants marginalisés ne représentent que 3 % de la demande globale de financement des exploitants agricoles.
Approche
Le Fonds Huruma a été créé en 2018 par la COFIDES (l’institution espagnole de financement du développement), en partenariat avec l’AECID (l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement), l’Union européenne (UE) et des investisseurs privés. Sa mission est d’apporter une aide aux exploitants agricoles des pays partenaires de façon à la fois directe (via des prises de participation dans des entreprises agroalimentaires) et indirecte (en accordant des prêts à des institutions de financement rurales qui accordent ensuite des crédits aux exploitants) afin d’améliorer leurs moyens de subsistance. L'objectif global est d’aider 45 000 exploitants, en répartissant les fonds comme suit : 70 % pour l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne, et 30 % pour l’Asie.
Les ressources publiques sont fournies par l’AECID-FONPRODE (20 millions EUR sous forme de financements remboursables), l’UE (10 millions EUR pour le financement des premières pertes et 8.55 millions EUR sous forme d’assistance technique) et la COFIDES (1 million EUR).
83 % des financements approuvés par le Fonds (en volume) sont libellés en monnaie locale afin que les risques de change ne se répercutent pas sur les bénéficiaires.
Le Fonds Huruma est géré par GAWA Capital, un cabinet de conseil spécialisé en microfinance disposant d’un bon historique en termes de résultats financiers. Une partie de la rémunération du gestionnaire du fonds est liée directement aux performances sociales des investissements, mesurées au moyen d’un score d’impact rural/agricole qui évalue le degré de réalisation des objectifs sociaux du Fonds. Le score obtenu pour chaque investissement est contrôlé par un auditeur social indépendant.
Les impacts mesurables attendus du Fonds Huruma au cours de ses dix années d’existence prévues sont notamment : une augmentation de la superficie cultivée, un nombre accru d’exploitants déclarant un chiffre d’affaires en hausse, une amélioration de l’accès au financement pour les petits exploitants et la création d’emplois durables dans le secteur.
Résultats
Le Fonds Huruma est la preuve que les ressources publiques peuvent être utilisées efficacement pour inciter des entités privées à financer des investissements à impact :
Le Fonds a réussi à mobiliser des capitaux auprès d’un large éventail d’investisseurs privés, atteignant un total de 120 millions EUR en seulement neuf mois de collecte. La banque espagnole CaixaBank a ainsi levé 89 millions EUR (107 millions USD) auprès de plusieurs investisseurs privés. Cela représente un tournant pour l’investissement à impact en Espagne, venant confirmer la volonté du secteur privé espagnol de jouer un rôle clé dans ce type d’opérations.
Le montant total des investissements approuvés par le Fonds s’élevait à 55.4 millions EUR en janvier 2022, pour un total de 12 projets : 2 quasi-prises de participation dans des PME du secteur agroalimentaire en Inde et 10 prêts (de premier rang) à 10 institutions financières en Amérique latine (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Panama). La répartition régionale est donc la suivante : 68 % des montants approuvés pour l’Amérique latine et 32 % pour l’Asie du Sud.
Les exploitants agricoles en bénéficient directement. En Équateur, les investissements du Fonds Huruma en faveur des institutions de microfinance FACES et INSOTEC permettent de fournir des microfinancements et des formations aux petits exploitants afin de leur permettre d’accroître leur productivité et leurs revenus. Au Pérou, les investissements dans NORANDINO bénéficient aux petits exploitants agricoles du nord du pays, principalement dans les chaînes de valeur du café, du cacao, du sucre et de la banane. Ces investissements sont étroitement liés aux travaux de coopération engagés par l’Espagne avec le gouvernement péruvien et ses partenaires dans le domaine de l’irrigation et du soutien aux femmes exploitantes.
Enseignements tirés
Les ressources publiques sont essentielles pour attirer les investissements privés. Le financement des premières pertes assuré par l’UE a permis d’attirer des investisseurs en garantissant la couverture des projets défaillants (jusqu’à 10 millions EUR) par des fonds publics.
Associer coopération financière et coopération technique favorise un impact à plus long terme par le biais d’entités de microfinance ou de coopératives financières. Les projets de coopération technique œuvrent par exemple à favoriser la transformation numérique, à accroître l’utilisation de l’analyse des données, à concevoir et à mettre en œuvre des systèmes de gestion des risques agricoles et à développer un réseau d’agents de développement rural.
Sélectionner le bon partenaire et prendre en compte l’intérêt de toutes les parties est primordial. À cet égard, le cabinet gestionnaire du Fonds – GAWA Capital – possédait à la fois une expérience pertinente en matière de microfinance et un bon historique en termes de performance financière.
Développer une offre de produits adaptée aux petits exploitants agricoles nécessite une bonne compréhension des lacunes du marché. Le Fonds Huruma facilite ainsi l’accès des exploitants agricoles à des prêts à moyen terme (3 ans) – un produit essentiel qui n’existe pas dans les pays partenaires.
Informations supplémentaires
AECID (2021), Plan de acción 2021 de la Agencia española de cooperación internacional para el desarrollo [Plan d'action 2021 de l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement], https://www.aecid.es/Centro-Documentacion/Documentos/Divulgaci%C3%B3n/Comunicaci%C3%B3n/2021_05_24_PLANACCI%C3%93NAECID2021.pdf.
COFIDES (2021), The Huruma Fund marks its third impact investment with COOPAC Norandino, https://www.cofides.es/en/noticias/notas-de-prensa/huruma-fund-marks-its-third-impact-investment-coopac-norandino.
Commission européenne (2018), Huruma Fund, https://ec.europa.eu/eu-external-investment-plan/projects/huruma-fund_en.
Finster (2020), Microcapital Brief: COFIDES Launches $145m Huruma Fund to Deliver Microfinance to 45k Farmers on 4 Continents, https://www.microcapital.org/microcapital-brief-cofides-launches-145m-huruma-fund-to-deliver-microfinance-to-45k-farmers-on-4-continents.
Ressources de l’OCDE
OCDE (2022), Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : Espagne 2022, https://doi.org/10.1787/e39f0757-fr.
OCDE (2021), Making Blended Finance Work for Agri-SMEs: Lessons learned from selected case studies, https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=DCD(2021)7&docLanguage=en.
Pour en savoir plus sur la coopération pour le développement mise en œuvre par l’Espagne, voir :
OCDE, « Espagne », dans Les profils de coopération au développement, https://doi.org/10.1787/26d68de7-en.