Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux de la viande sur la période 2020-29. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour la viande bovine, la viande porcine, la volaille et la viande ovine, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux de la viande dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2020-2029
6. Viande
Abstract
6.1. Situation du marché
La production mondiale de viande a diminué pour atteindre 325 Mt en 2019, principalement à cause de la peste porcine africaine qui a touché la Chine. Cette maladie s’est étendue à d’autres pays d’Afrique et d’Europe Centrale, à certains pays d’Asie de l’Est – la République démocratique de Corée, la Corée et la Mongolie – et à certains pays d’Asie du Sud-Est – le Cambodge, l’Indonésie, la République démocratique populaire lao, le Myanmar, les Philippines, le Timor‑Leste et le Viet Nam. En Chine, la production globale de viande aurait baissé de 10 % en 2019 sous l’effet du recul d’au moins 21 % de la production de viande porcine, qui a été partiellement contrebalancé par l’augmentation de la production d’autres viandes. La hausse de la production en Argentine, aux États‑Unis, en Turquie et dans l’Union européenne a permis de limiter la baisse mondiale à un peu moins de 2 % sur l’année 2019.
Dans les pays où la production de viande continue de s’accroître, cela est dû principalement aux gains de productivité. Aux États‑Unis, par exemple, l’accroissement s’explique par la hausse du poids des carcasses. Dans l’Union européenne, la production totale de viande devrait également augmenter malgré la diminution de celle de viande bovine. Tous les autres types de viande devraient évoluer à la hausse, en particulier la viande porcine du fait de la demande soutenue d’importations de la Chine. En Argentine, la production de viande s’est accrue principalement pour répondre à l’augmentation de la demande étrangère.
À l’aune de l’indice des prix de la viande de la FAO, les prix moyens ont progressé de 5.6 % en 2019 par rapport à 2018, la plus forte hausse étant enregistrée par la viande porcine (en particulier congelée) en raison du bond des importations chinoises. Les prix de la viande bovine et de volaille ont également grimpé sous l’influence de l’augmentation de la demande asiatique, tandis que celui de la viande ovine s’est maintenu à un niveau élevé du fait de la production limitée en Océanie.
Les exportations mondiales de viande ont atteint 36 Mt en 2019, soit une hausse de 4 % par rapport à 2018. La principale explication est l’augmentation des importations de la Chine faisant suite à la baisse de la production nationale due à la peste porcine africaine. En 2019, les importations chinoises ont grimpé de 62 % (environ 2 Mt), tous types de viande confondus. La progression des exportations a été assurée avant tout par l’Argentine, le Canada, les États‑Unis, la Thaïlande et l’Union européenne.
6.2. Principaux éléments des projections
Les prix nominaux de la viande devraient rester stables ou augmenter par rapport à la période de référence (moyenne des années 2017‑2019) (Graphique 6.1). Au cours de la première moitié de la période de projection, les prix seront soutenus par la contraction de l’offre dans plusieurs pays d’Asie et l’augmentation de la demande d’importations qui en résultera. Ce sera le cas dans le secteur de la viande de porc, où les abattages imputables à la peste porcine africaine a entraîné un recul de la production en Asie. La hausse des prix favorisera une rentabilité accrue de la production de viande pendant la première moitié de la période considérée, malgré une augmentation progressive des coûts de l’alimentation animale (Graphique 6.2). Lorsque l’offre de viande porcine commencera à renouer avec sa tendance à la hausse sur le long terme, les prix de la viande porcine en valeur réelle termineront la période en baisse car la productivité devrait continuer à progresser. La consommation de viande s’accroît globalement, principalement sous l’effet de la croissance économique et démographique qui se poursuit dans les pays en développement, mais les Perspectives prévoient qu’elle se stabilise par habitant du fait d’une évolution de la demande favorisant les produits de qualité dans les pays à revenu élevé.
En valeur réelle, ce sont les prix (en USD de 2019) de la viande bovine et ovine qui devraient baisser le plus sensiblement d’ici à 2029, pour atteindre 3 472 USD/t et 3 926 USD/t respectivement en équivalent poids carcasse (epc). Selon les projections, ceux de la viande porcine et de volaille fléchiront également pour s’établir à 1 323 USD/t epc et 1 508 USD/t poids produit, respectivement. En valeur nominale, les prix de toutes les viandes enregistreront une hausse modeste d’ici à 2029 (Graphique 6.1). Ceux de la viande ovine devraient se maintenir à un niveau élevé durant la période de projection en raison à la fois de la demande soutenue d’importations de l’Asie et d’une diminution de l’offre en Océanie, due à la contraction du cheptel induite par la sécheresse en Australie et au recul régulier de l’élevage de brebis en Nouvelle-Zélande.
Au niveau mondial, la production et la consommation de viande devraient connaître un creux en 2020 sous l’effet de multiples foyers de peste porcine africaine dans toute l’Asie. Pendant les premières années de la période de projection, la croissance globale de la production mondiale de viande subira les effets négatifs de la baisse de l’offre de viande porcine, compensée en partie seulement par la hausse de la production des autres types de viande.
Il ressort des projections que la consommation de viande s’accroîtra de 12 % d’ici à 2029 par rapport à la période de référence. À moyen terme, ce pourcentage va toutefois diminuer du fait du ralentissement de la hausse des revenus dans plusieurs régions, du vieillissement des populations et d’un tassement de la consommation par habitant dans les pays à revenu élevé s’expliquant par la saturation du marché et les préférences des consommateurs pour des viandes de qualité supérieure. Dans ce contexte, la consommation mondiale par habitant se hissera à seulement 34.9 kg en équivalent poids au détail d’ici à 2029, ce qui représente une augmentation de 0.5 kg – à peine plus de 1 % – par rapport à la période de référence. Cette progression est due presque entièrement à la consommation accrue de viande de volaille.
Selon les projections, l’offre de viande au niveau mondial va s’accroître de 40 Mt en équivalent poids carcasse d’ici à 2029 par rapport à la période de référence. Sur la période de projection, en raison de l’effet conjugué de la hausse des effectifs sur le continent américain et dans l’Union européenne et de l’augmentation de la productivité, l’évolution du marché sera dictée par l’offre. Les pays en développement devraient assurer la plus grande partie de la progression totale de la production, la volaille restant le moteur de celle‑ci. La production de viande porcine ne s’élèvera que légèrement au cours des cinq premières années de la période considérée en raison des foyers de peste porcine africaine, particulièrement en Chine et au Viet Nam.
La part de la production de viande exportée à l’échelle mondiale devrait augmenter au début de la période de projection pour approvisionner le marché chinois. À moyen terme, elle devrait continuer de s’accroître pour répondre à la demande croissante des pays à faible revenu, en particulier les moins avancés d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, où la production nationale restera insuffisante pour couvrir les besoins. L’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine, récemment ratifié par 28 pays (en décembre 2019), devrait aussi entraîner une multiplication des échanges en Afrique lorsqu’il entrera en vigueur en juillet 2020.
À l’échelle mondiale, les épizooties, les restrictions sanitaires et les politiques commerciales resteront les principaux déterminants de l’évolution et de la dynamique du marché de la viande. Les incertitudes liées aux accords commerciaux actuels ou futurs (après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, par exemple) pourraient modifier la physionomie des échanges de viande. Sur le court terme, si l’ampleur et la durée des effets de l’épidémie actuelle de COVID‑19 sont encore incertaines, mais la production de viande (à la fois abattage et transformation) et les modes de consommation – en particulier les services de restauration – devraient en subir les conséquences. D’autres facteurs sont susceptibles d’influer sur les perspectives à moyen terme, notamment la modification des préférences et des attitudes des consommateurs à l’égard de la viande du fait de son impact sur la santé, l’environnement, le bien-être animal et les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), ce qui pourrait conduire à une croissance plus modeste de la demande.
6.3. Prix
Les prix nominaux de la viande resteront élevés au cours de la période considérée (graphique 6.1). En valeur réelle, ils devraient continuer à baisser sous l’effet d’un tassement de croissance de la consommation et d’une hausse de l’offre favorisée par le faible accroissement des prix des céréales fourragères. L’évolution observée au fil du temps variera selon le type de viande. Sur le court terme, les prix constants de la viande bovine baisseront plus rapidement du fait de l’abondance de l’offre dans les principaux pays producteurs comme l’Argentine, le Brésil et les États‑Unis, après un accroissement rapide des troupeaux ces dernières années. Cependant, à mesure que les troupeaux de vaches à viande diminueront et que l’augmentation de la production ralentira, les prix nominaux devraient lentement repartir à la hausse.
Les prix de la viande porcine devraient diminuer en valeur réelle, mais se maintenir à un niveau élevé en valeur nominale par rapport à la période de référence. Les principaux facteurs contribuant à cette tendance mondiale seront l’augmentation de l’offre au Brésil, dans l’Union européenne et aux États‑Unis, ainsi que la vigueur de la demande d’importations en Chine notamment. Partout dans le monde, les effectifs de volailles devraient continuer de s’accroître. La montée des coûts de l’alimentation animale associée à la hausse de la demande d’importations favoriseront l’augmentation des prix nominaux de la viande de volaille au cours de la période de projection.
Les prix réels de la viande ovine vont se maintenir à un niveau élevé, la baisse des effectifs entraînant une réduction de l’offre et des échanges des deux principaux pays exportateurs que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les prix mondiaux devraient donc rester sous pression dans les premières années de la période. La forte croissance de la demande d’importations de la Chine devrait s’atténuer pour n’augmenter que marginalement au cours de la seconde moitié de la période du fait de l’atténuation des effets de la peste porcine africaine.
6.4. Production
À moyen terme, la production bénéficiera de ratios favorables entre le prix de la viande et celui de l’alimentation animale (Graphique 6.2). La hausse de la demande d’importations soutiendra les prix de la viande, ce qui contribuera à une meilleure rentabilité de la production pendant la première moitié de la période de projection. Ce sera particulièrement vrai dans le secteur de la viande porcine, où les abattages d’animaux liés à l’épidémie de peste porcine africaine ont fait chuter la production en Asie de l’Est. En raison des caractéristiques propres à chaque système de production, des ratios favorables entre prix de la viande et prix de l’alimentation animale sont plus bénéfiques à la production de viande de volaille et de porc, l’intensité d’utilisation des différents aliments étant plus modulable dans l’élevage bovin. La production de viande ovine repose avant tout sur le pâturage et tire moins parti de la contraction de ces ratios.
Pendant la période de projection, sous l’effet conjugué de l’augmentation des effectifs sur le continent américain et de l’amélioration de la productivité dans la région, l’évolution du marché sera dictée par l’offre. La volaille reste le principal moteur de la croissance de la production de viande. Avec de faibles coûts de production, un cycle de production court, des taux de conversion alimentaire élevés et des prix de vente bas, la volaille est une viande de choix pour les producteurs comme pour les consommateurs.
La production mondiale de viande devrait croître de presque 40 Mt d’ici à 2029, pour atteindre 366 Mt. L’augmentation de la quantité globale de viande produite est mise au crédit des pays en développement surtout, qui représenteront 80 % de la production supplémentaire (Graphique 6.3). À court terme, l’évolution de l’offre des divers types de viande reste influencée par les foyers de peste porcine africaine en Asie, ainsi que par la réduction des troupeaux de bovins et d’ovins en Australie, induites par les conditions météorologiques. Après 2021, ces facteurs produiront moins d’effets, ce qui devrait donner lieu à une reprise progressive de la production de viande.
Selon les projections, le Brésil, la Chine, les États‑Unis et l’Union européenne représenteront près de 60 % de la production mondiale de viande d’ici à 2029. L’abondance de ressources naturelles, d’aliments du bétail et de pâturages, ainsi que les gains de productivité et, dans une certaine mesure, la dépréciation du réal continueront de favoriser la croissance de la production brésilienne. La production chinoise bénéficiera de l’augmentation des économies d’échelle liée à la transformation des petites unités de production en grandes exploitations commerciales. Aux États‑Unis, la production sera stimulée par une forte demande intérieure et un poids à l’abattage en hausse, dans un contexte de faible coût de l’alimentation animale. Dans l’Union européenne, la production globale de viande restera stable, reflétant une petite baisse de la demande en viande bovine et porcine. En Afrique, la ratification de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine – qui prévoit l’exonération de droits de douane de 90 % des produits échangés sur le continent – devrait favoriser une hausse de la production de viande.
La production mondiale de viande bovine va s’accroître au cours de la période considérée, en particulier dans les principaux pays producteurs du continent américain, comme l’Argentine, le Brésil et les États‑Unis. On estime que les pays en développement représenteront 81 % de la hausse enregistrée d’ici à 2029 par rapport à la période de référence. La majeure partie de cette augmentation devrait émaner de l’Afrique subsaharienne, de l’Argentine (en dépit des taxes sur les exportations), du Brésil, de la Chine, du Pakistan et de la Turquie. Dans les pays développés, la production devrait progresser de 4 % entre la période de référence et 2029, principalement à la faveur d’une forte croissance au Canada et aux États‑Unis. La production de viande bovine en Amérique du Nord sera soutenue à la fois par l’augmentation des poids carcasse due à la baisse du coût des aliments, ainsi que par l’accroissement du nombre d’abattages, la reconstitution des troupeaux se traduisant par une expansion du cheptel.
En Australie, l’offre de viande bovine restera limitée sur le court terme du fait de la sécheresse que connaît le pays depuis plusieurs années. Une reprise progressive de la production devrait suivre, mais la reconstitution des troupeaux prendre probablement quelques années. Dans l’Union européenne et au Royaume-Uni, la production de viande bovine devrait entrer dans une phase descendante car les effectifs de vaches laitières, qui représentent près des deux tiers de l’offre, connaîtront un fléchissement en raison des gains de productivité dans la filière laitière. Les autres facteurs limitant le potentiel de croissance du secteur au sein de l’UE sont la réduction des troupeaux de vaches allaitantes pour cause de faible rentabilité, la concurrence grandissante sur les marchés d’exportation et le recul de la demande intérieure. Une modification de la demande est en outre à prévoir suite à l’évolution des goûts des consommateurs, qui se tournent davantage vers les produits à base de viande et les plats préparés.
L’épizootie de peste porcine africaine en Asie – qui a considérablement modifié l’offre et la demande depuis la fin 2018 – continue de sévir dans un grand nombre de pays, les plus touchés étant la Chine et le Viet Nam. Selon les projections, cette maladie continuera de faire baisser la production mondiale de viande porcine jusqu’en 2021, avant une hausse régulière pendant le reste de la période. Les présentes Perspectives supposent que la production de viande porcine en Chine fléchira de 8 % en 2020. La production et la consommation de porc dans ce pays devraient retrouver les niveaux de 2017 en 2025/2026, puis enregistrer une croissance régulière jusqu’à la fin de la période de projection. L’augmentation de la production mondiale de porc au cours de la prochaine décennie sera due en grande partie à l’éradication de la peste porcine africaine en Asie. La hausse de la production en Chine, destinée à couvrir les besoins intérieurs, devrait représenter les deux tiers de l’augmentation mondiale. Une forte progression de la production est également attendue au Viet Nam. En revanche, la production de viande porcine devrait légèrement diminuer dans l’Union européenne, où les problèmes environnementaux et les préoccupations de la population vont limiter son développement.
La volaille restera le principal moteur de la croissance de la production de viande –quoiqu’un peu moins puissant pendant la période de projection que dans la décennie précédente – puisqu’elle représentera la moitié de la viande supplémentaire produite dans les dix ans qui viennent. Son cycle de production court permet aux producteurs de réagir rapidement aux signaux du marché, et se prête à des améliorations rapides en matière de génétique, de santé des animaux et de pratiques d’alimentation. La production connaîtra une augmentation rapide du fait des gains de productivité enregistrés en Chine, au Brésil et aux États‑Unis et des investissements effectués dans l’Union européenne (en particulier en Hongrie, en Pologne et en Roumanie, qui profiteront de la baisse des coûts de production). Une hausse rapide de la production est également attendue en Asie, où la diminution de la consommation de viande porcine à court terme bénéficiera à la viande de volaille à moyen terme.
L’accroissement de la production de viande ovine sera majoritairement imputable à l’Asie (Chine en tête), mais des progressions importantes auront également lieu en Afrique, et particulièrement dans les pays les moins avancés d’Afrique subsaharienne. Malgré les contraintes exercées par l’urbanisation, la désertification et le manque de disponibilité des aliments pour animaux dans certains pays, les moutons et les chèvres – en particulier – représentent un cheptel courant, bien adapté à la région et à la production extensive qui y est pratiquée. En Océanie, la production devrait augmenter seulement modérément car les bovins à viande et laitiers ont eux aussi besoin d’accéder aux zones de pâturage en Nouvelle-Zélande – le plus gros exportateur –, et la sécheresse extrême et prolongée a ramené le nombre total d’ovins de 72 à 66 millions entre 2017 et 2019 en Australie. Dans l’Union européenne, la production de viande ovine va rester stable grâce à l’appui du dispositif facultatif d’aide couplée dans les principaux États membres producteurs.
Les projections des marchés agricoles contenues dans la présente édition des Perspectives tiennent compte d’hypothèses concernant les effets l’épizootie de peste porcine africaine en Chine. Celles‑ci comprennent le plan d’aide sur trois ans mis en place par le gouvernement en 2019, qui inclut une série de mesures visant à stabiliser, rétablir et stimuler la production porcine. De nouvelles aides financières sont mises en œuvre pour agrandir les installations de production, intensifier la recherche scientifique sur un vaccin, et prévenir et endiguer la maladie au moyen de services techniques et de lignes directrices. Il devrait en résulter la disparition de nombreux petits élevages, qui recevront des subventions pour abattre leurs animaux, ce qui bénéficiera aux élevages intégrés de plus en plus grands, où les mesures de biosûreté sont généralement plus strictes1. En 2019, la production chinoise de viande porcine a reculé de 21 %, et devrait encore baisser de 8 % en 2020. Les présentes Perspectives font l’hypothèse qu’elle repartira à la hausse à partir de 2021 et atteindra les niveaux antérieurs à l’épizootie en 2025, ce qui fait écho aux projections fournies par le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales dans les Perspectives agricoles de la Chine (2019-2028), qui ont été ajustées en fonction de l’évolution du marché en 2019 (Graphique 6.4). Les volumes d’importation ont eux aussi augmenté en 2019 et devraient se hisser à 3 Mt en 2020, soit une hausse de plus de 24 % en un an. La part de la Chine dans les importations mondiales passerait ainsi de 17 % en 2017 à environ 29 % en 2020. La plupart de ses importations de viande porcine proviendront du Brésil, du Canada, des États‑Unis et de l’Union européenne. La Chine devrait en outre accroître sensiblement ses importations de truies vivantes pour reconstituer les effectifs.
L’actuelle épizootie de peste porcine africaine a également de graves effets au Viet Nam, où le secteur est dominé par les petits élevages. Depuis la confirmation du premier foyer en février 2019, la maladie s’est rapidement propagée à l’ensemble des provinces. En mars 2020, on estimait que quelque 6 millions de porcs avaient été abattus. Des signes d’amélioration sont toutefois apparus récemment, 35 des 63 provinces ayant indiqué début mars 2020 qu’elles n’avaient décelé aucun nouveau cas dans les 30 jours précédents.2 Selon les hypothèses retenues dans les présentes Perspectives, la production restera faible en 2020 avant de repartir progressivement à la hausse pour retrouver en 2025 le niveau de 2018 (Graphique 6.4). Plusieurs autres pays d’Asie de l’Est sont eux aussi touchés par la peste porcine africaine, quoique dans une moindre mesure ; l’impact y est analysé dans les présentes Perspectives à partir de début janvier 2020.
L’épizootie de peste porcine africaine conduit les consommateurs chinois à se tourner vers d’autres types de viande, en particulier la volaille. Malgré la récente résurgence de la peste aviaire, la production de viande de volaille et d’œufs devrait s’accroître en Chine et répondre ainsi en partie à la demande intérieure supplémentaire de produits de remplacement. La chute brutale des effectifs de porcins conforte tout de même les prévisions annonçant une modification de la demande globale d’aliments pour animaux pendant les premières années de la période de projection. S’agissant du maïs, la demande devrait décliner au cours des deux premières années, soit au moment où la production de viande porcine en Chine sera probablement à son plus bas niveau. Ces tendances s’expliquent avant tout par le fait qu’il faut une plus grande quantité d’aliments pour produire un volume donné de viande porcine (pour plus d’informations sur l’interaction entre la production chinoise de viande en présence de la peste porcine africaine et la demande de produits d’alimentation animale, voir FAO, 20193).
La récente épidémie de COVID‑19 a également des effets sur le marché de la viande en Chine. Depuis début 2020, l’absentéisme dans l’industrie de transformation de la viande (abattoirs), à forte intensité de main-d’œuvre, et les goulots d’étranglement qui se sont créés dans les transports entraînent une pénurie de viande et une forte augmentation des prix4.
6.5. Consommation
L’augmentation de la consommation de viande devrait s’accélérer dans les régions en développement parce qu’elles sont très peuplées et connaissent une forte croissance démographique. Il devrait en résulter une hausse globale de la quantité de viande consommée environ cinq fois plus importante dans les pays en développement que dans les pays développés. Ce sera particulièrement vrai en Afrique et en Asie, où les taux de croissance pendant la période de projection dépasseront ceux de la précédente décennie. D’après les projections, la ratification de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine aura un impact positif sur les flux commerciaux en Afrique, la baisse des prix favorisant une hausse de la consommation. Ramenée au nombre d’habitants, cette augmentation devrait toutefois demeurer faible car, bien qu’en progression, les revenus partent d’un niveau peu élevé. Néanmoins, du fait de la forte croissance démographique, l’augmentation globale de la consommation sera plus rapide sur le continent que dans n’importe quelle autre région, malgré des gains par habitant limités, voire un recul dans certains cas. En Asie, la consommation de viande sera en hausse du fait de plusieurs facteurs : la disponibilité accrue de viande suite au recul de l’épizootie de peste porcine africaine ; l’augmentation de la consommation par habitant due à la hausse des revenus ; la baisse des prix de la viande en valeur réelle ; et, enfin, la libéralisation des échanges.
Au cours de la période de projection, l'évolution de la consommation de viande par habitant varie considérablement selon les pays et les types de viande au (Graphique 6.5). Au niveau mondial, elle devrait augmenter légèrement de 0,4 kg e.p.d par rapport à la période de référence. Les niveaux de consommation dans les régions à revenu élevé sont, dans certains cas, proches de la saturation. Ces Perspectives prévoient que la croissance annuelle de la consommation de viande par habitant dans les pays développés sera de 0,24 % par an, soit un quart du taux de croissance annuel de la décennie précédente, mais de 0,8 % par an dans les pays en développement, soit le double de la décennie précédente.
Les dépenses alimentaires des consommateurs sont elles aussi en train de changer. Dans les pays à revenu élevé, leur augmentation par habitant n’est plus consacrée à l’achat de produits frais pour les cuisiner chez soi mais à des aliments prêts à l’emploi et à la prise de repas à l’extérieur5 6. C’est le cas par exemple au Japon – en particulier chez les personnes âgées et les personnes seules –, une tendance qui, selon le gouvernement japonais, devrait s’intensifier au cours de la prochaine décennie. De plus, dans la mesure où la population japonaise devrait diminuer de 4 % par rapport à la période de référence, les projections indiquent que la consommation globale de viande va légèrement décroître. Dans les pays à revenu élevé, d’autres critères comme la qualité vont devenir de plus en plus importants pour les consommateurs et influencer leurs choix.
Dans les pays en développement, la demande de viande continue de s’accroître à mesure que les revenus augmentent ; la consommation par habitant devrait y poursuivre sa progression et son taux de croissance équivaloir à celui des pays développés si l’on compare à la période de référence. Dans les pays développés, les modifications de la consommation de viande reflètent la perte d’influence de facteurs comme les revenus et les prix ; de plus, comme indiqué plus haut, un grand nombre d’entre eux atteignent le niveau de saturation (Graphique 6.6). D’autres facteurs entrent également en jeu, tels que les croyances religieuses, les normes culturelles, l’urbanisation ainsi que les préoccupations environnementales, éthiques et de santé.
Jusqu’à maintenant, les prix peu élevés de la volaille ont contribué à en faire la viande de prédilection des consommateurs des pays en développement. Les revenus ne progressant que lentement pendant la période de projection, cette tendance va se poursuivre et la viande de volaille constituera la majeure partie de la consommation supplémentaire par habitant à l’échelle mondiale.
La consommation de viande bovine devrait passer à 76 Mt au cours des dix prochaines années et représenter 16 % de l'augmentation totale de la consommation de viande par rapport à la période de référence. Par habitant, la consommation de viande bovine dans le monde en développement devrait continuer à être inférieure, d'environ un tiers en volume, à celle des pays développés. L'Asie est la seule région où l'on prévoit une augmentation de la consommation de viande bovine par habitant au cours de la période de projection, bien qu'à partir d'une base faible. Plusieurs pays où la consommation par habitant est élevée verront leur niveau de consommation diminuer au profit de viandes moins chères, tels porc et volaille.
La consommation mondiale de viande porcine devrait s’accroître au cours des dix prochaines années pour s’établir à 127 Mt et représenter 28 % de l’augmentation totale de la consommation de viande. Ramenée au nombre d’habitants, elle devrait légèrement faiblir car elle sera en baisse dans la plupart des pays développés. Dans l’Union européenne, par exemple, une diminution est à prévoir car la modification de la composition de la population se traduira par un changement des habitudes alimentaires : la volaille sera préférée à la viande porcine, parce qu’elle est moins chère et, aussi, passe pour plus saine. Dans les pays en développement, la consommation par habitant de viande porcine – qui est moitié moins importante que dans les pays développés – ne devrait que peu progresser sur la période de projection. L’augmentation sera sensible dans la plupart des pays d’Amérique latine, où les prix relatifs avantageux de la viande porcine favoriseront une progression rapide de la consommation par habitant et en feront l’une des viandes préférées des consommateurs, aux côtés de la volaille, pour satisfaire la demande croissante de la classe moyenne. En Asie, plusieurs pays où la viande porcine est prisée devraient voir leur consommation par habitant s’accroître une fois que les effets de la peste porcine africaine s’affaibliront.
La consommation mondiale de viande de volaille devrait être portée à 145 Mt au cours de la période de projection, et représenter 50 % de la viande supplémentaire consommée. La forte hausse attendue par habitant fera écho à la place importante de la volaille dans l’alimentation dans plusieurs pays en développement très peuplés comme l’Inde et la Chine. Un écart important – dû principalement aux niveaux de revenus – subsistera cependant avec les pays développés, qui consomment presque trois fois plus de viande de volaille que les pays en développement.
S’agissant de la viande ovine – peu présente dans certains pays et aliment de luxe dans de nombreux autres –, la consommation mondiale devrait augmenter de 2 Mt sur la période de projection et représenter 6 % de la viande supplémentaire consommée. Ramenée au nombre d’habitants, elle sera d’un niveau comparable dans les pays développés et en développement et ne devrait que peu progresser car les prix resteront probablement élevés. Dans de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (région MENA), où ce produit est courant, la consommation par habitant devrait continuer à diminuer durablement au profit de la volaille. La hausse de la demande dans cette région est étroitement liée au marché du pétrole, qui a une influence notable sur le revenu disponible de la classe moyenne et sur la structure des dépenses publiques.
6.6. Échanges
Les échanges mondiaux de viande (hors animaux vivants et produits transformés) devraient avoir augmenté de presque 12 % en 2029 par rapport à la période de référence. Cela représente un ralentissement de la croissance des échanges de viande, dont le taux annuel moyen tombera à presque 0.6 %, contre 3 % au cours de la décennie précédente. On s’attend toutefois à ce que la proportion de la production qui est exportée progresse légèrement au fil du temps, en particulier au début de la période de projection.
Les exportations de viande sont concentrées et les trois plus gros exportateurs – le Brésil, les États‑Unis et l’Union européenne – devraient se partager près de 60 % du total mondial d’ici à 2029. En Amérique latine, les exportateurs habituels devraient conserver une part importante du marché mondial, bénéficiant de la dépréciation de leur monnaie et d’un excédent de production de céréales fourragères.
La viande de volaille surtout, mais aussi la viande bovine, représenteront la majeure partie de la hausse des importations pendant les dix prochaines années. Ensemble, ces deux types de viande devraient constituer la plus grande part du surcroît d’importations de l’Asie et de l’Afrique, où la consommation progressera plus vite que la production intérieure.
C’est en Afrique subsaharienne que la demande d’importations devrait s’accroître le plus rapidement, et en Asie que la hausse sera la plus forte en volume. Ce continent représentera 53 % des échanges mondiaux à l’horizon 2029. Les augmentations les plus marquées seront le fait des Philippines et du Viet Nam pour la viande de volaille. En Chine, les importations augmenteront sensiblement pendant la première moitié de la période de projection, puis devraient diminuer progressivement sur la seconde moitié à mesure que les élevages se remettront de la peste porcine africaine (Graphique 6.4). La hausse des importations chinoises de viande porcine devrait bénéficier au Brésil, au Canada, aux États‑Unis et à l’Union européenne. Dans la Fédération de Russie, l’interdiction des importations de viande décrétée en 2014 – dont on prévoit qu’elle restera en vigueur jusqu’à la fin 2020 – a durablement stimulé la production intérieure, et les importations de viande devraient continuer à baisser sur la période de projection.
En ce qui concerne les exportations de viande ovine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont été avantagées par la faiblesse de leurs monnaies face au dollar des États‑Unis, ainsi que par la forte demande mondiale. Les exportations vers la Chine devraient se maintenir à un niveau élevé car on s’attend à ce que la croissance notable de la demande chinoise de viande ovine se poursuive pendant toute la durée de l’épizootie de peste porcine africaine. En revanche, les projections font état d’une baisse de la demande du Royaume-Uni et de l’Europe continentale au cours de la première moitié de la décennie à venir. L’Australie devrait donc continuer d’augmenter sa production de viande d’agneau au détriment de celle de mouton. En Nouvelle-Zélande, la croissance des exportations devrait être minime, l’élevage ovin étant progressivement remplacé par l’élevage laitier.
6.7. Principales questions et incertitudes
Les politiques commerciales restent un facteur important de la dynamique des marchés mondiaux de la viande. La mise en œuvre de divers accords commerciaux au cours de la période de projection pourrait entraîner une diversification ou une concentration notable des échanges. Par ailleurs, les mesures commerciales unilatérales et/ou non programmées représentent un facteur de risque dans les projections. Les politiques nationales ont également une influence sur la compétitivité des producteurs de viande. En 2018, l’Argentine a instauré une taxe temporaire sur les exportations de viande qui devrait affaiblir la compétitivité du pays sur le marché mondial de ce produit. Quant aux négociations commerciales en cours entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, elles auront des répercussions sur les différents marchés de la viande.
Des maladies animales perturbent les marchés de la viande porcine, bovine et de volaille, et cela risque d’être encore le cas pendant la période de projection. Les effets à moyen terme de la peste porcine africaine sur la production mondiale de viande de porc sont incertains, mais d’après les hypothèses retenues dans les présentes Perspectives, les mesures prises pour contenir la maladie devraient entraîner une baisse au cours des cinq prochaines années. À moyen terme, les effets de l’épizootie pourraient cependant être soit plus graves que prévu actuellement, soit moins.
S’agissant de l’épidémie de COVID‑19, il est difficile de prévoir sa durée et l’ampleur de ses effets à court terme. Les problèmes qu’elle entraîne sur le plan de l’offre de main-d’œuvre et des transports pourraient se répercuter sur la chaîne de commercialisation et avoir des effets négatifs sur la production de viande (que ce soit à l’abattage ou transformée). La maladie aura aussi un impact à court terme sur les modes de consommation, en particulier sur la consommation hors du domicile et, par voie de conséquence, sur la demande de morceaux de qualité supérieure qui sont généralement consommés dans les restaurants. De plus, le risque de ne pas pouvoir vendre ou transformer les animaux prêts pour le marché à cause du manque actuel de main-d’œuvre pourrait entraîner de sérieuses difficultés économiques dans les collectivités rurales et de gros problèmes en termes de bien-être animal. Enfin, la durée de la crise économique et son impact sur la croissance des revenus auront probablement des répercussions sur la demande de viande pendant une partie de la période de projection, car cette demande présente une forte élasticité par rapport aux revenus.
Globalement, la consommation de viande ne cesse de s’accroître sous l’influence de la croissance démographique et de la hausse des revenus. En revanche, son évolution n’est pas la même pour les types de viande. Les variations des prix relatifs, combinées à des préoccupations sanitaires et environnementales croissantes, conduisent les consommateurs à diminuer progressivement dans leur consommation de viande la part de viande rouge au profit de celle de volaille. Les données montrent que le rythme de progression de la consommation de viande diminue en réaction au ralentissement de la croissance des revenus. Dans un grand nombre de pays à revenu élevé, la consommation par habitant est en train d’atteindre le niveau de saturation (Graphique 6.6). L’évolution des préférences des consommateurs jouera aussi, comme le développement du végétarisme et du véganisme, les préoccupations sociales que suscitent notamment des dommages causés par la production de viande à l’environnement et divers autres aspects socio-culturels liés par exemple à la religion ou aux normes culturelles.
Le changement climatique, l’obésité, les avancées technologiques et l’évolution du style de vie des consommateurs sont également des facteurs importants, notamment parce qu’ils influent sur les initiatives des pouvoirs publics et l’adoption de modes de consommation plus respectueux de l’environnement. L’attention croissante portée par les consommateurs au traitement des animaux et aux modes de production de la viande (la préférence allant de plus en plus vers les viandes et produits carné biologiques) est une tendance relativement nouvelle et difficile à évaluer à ce stade. Si elle ralliait une plus grande partie de la population, elle pourrait avoir une incidence sur les marchés mondiaux, mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure les consommateurs sont disposés à payer ces produits plus cher et à même de le faire. Dans de nombreuses régions en développement, l’accessibilité financière reste une préoccupation essentielle.
Notes
← 1. OCDE (2020), Politiques agricoles: suivi et évaluation 2020, Éditions OCDE, Paris.
← 3. FAO (2019), « African Swine Fever: Challenges for some, opportunities for others? », Food Outlook, FAO Publications, Rome.
← 4. FAO (2020), COVID‑19: Channels of transmission to food and agriculture, FAO Publications, Rome. http://www.fao.org/documents/card/en/c/ca8430en.
← 5. Voir Chapitre 2 Consumer Trends of EC (2019), EU agricultural outlook for markets and income, 2019-2030, Commission européenne, DG Agriculture et développement rural, Bruxelles.
← 6. Yagi, K. (2019), « Regarding future estimates of food consumption in Japan, Continuing decreases in total food expenditure and externalization of our diet », PRIMAFF Review, n° 92, pp. 2‑3.