Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des biocarburants sur la période 2020-29. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour l’éthanol et le biodiesel, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des biocarburants dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2020-2029
9. Biocarburants
Abstract
9.1. Situation du marché
En 2019, la production mondiale de biocarburants a augmenté dans l’ensemble des grandes régions productrices, mais à un rythme plus faible que lors de la décennie précédente et les prix de l’éthanol et du biodiesel ont baissé sous le poids de l’offre. Les marges de production du biodiesel et de l’éthanol ont cependant reculé en raison de la progression des prix des huiles végétales et du sucre respectivement. Les mesures de politique publique ont par ailleurs largement influencé la tarification des biocarburants compte tenu des subventions, des taxes et des prescriptions dont ils font l’objet.
La demande de biocarburants a été soutenue par diverses mesures, dont les obligations d’incorporation, les taxes préférentielles et les subventions, ainsi que par l’augmentation de la demande mondiale de carburants. Dans certains pays, l’augmentation des quantités prescrites ainsi que des systèmes de taxation ou de subvention différentielles ont favorisé la demande de biocarburants et pesé sur l’évolution des prix.
9.2. Principaux éléments des projections
La consommation mondiale de biocarburants devrait continuer de croître, dans les pays en développement essentiellement, en grande partie sous l’effet du rehaussement des objectifs d’incorporation. Dans les pays développés, l’expansion des biocarburants sera limitée compte tenu d’une baisse de la demande totale de combustibles et de la réduction des mesures d’incitation. Les prix mondiaux des biocarburants sont étroitement liés à l’évolution des prix des matières premières (dont la plupart baissent en termes réels), des cours du pétrole brut (constants en termes réels) et des coûts de distribution, ainsi qu’aux mesures relatives aux biocarburants. Au cours de la période de projection, les prix internationaux des biocarburants devraient progresser en valeur nominale mais rester globalement stables en valeur réelle.
Dans l’avenir, l’évolution des marchés des biocarburants restera fortement tributaire des mesures de soutien nationales ainsi que de la demande de carburant. Dans son rapport World Energy Outlook (Perspectives mondiales de l’énergie), sur lequel reposent les projections des présentes Perspectives, l’AIE annonce une diminution de la demande totale de carburant dans l’Union européenne et aux États-Unis, ce qui donne à penser que la croissance de la consommation de biocarburants sera limitée (Graphique 9.1). Dans l’Union européenne, la Directive révisée sur les énergies renouvelables (DER) II classe le biodiesel à base d’huile de palme dans la catégorie des biocarburants à risque élevé de changement indirect d’affectation des sols (CIAS). La consommation de biodiesel devrait donc baisser au sein de l’Union européenne. Aux États-Unis, la demande de biocarburants devrait être entretenue par la Norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard – RFS). Cependant, le taux maximal d’incorporation de 10 % devrait freiner l’augmentation de la consommation intérieure d’éthanol au cours de la période de projection.
Au Brésil, on prévoit une hausse de la consommation totale de carburant. Cette augmentation, à laquelle s’ajoute le programme RenovaBio – dont l’objectif est de réduire les émissions liées aux carburants de 10 % à l’horizon 2028 – devrait déboucher sur une hausse de la consommation d’éthanol et de biodiesel au cours de la période de projection. La consommation de biodiesel devrait s’accroître au même rythme que celle du diesel, tandis que la part de l’éthanol dans la consommation d’essence devrait légèrement augmenter. D’après les projections, 39 milliards de litres d’éthanol seront consommés en 2029.
En 2017, la République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») a annoncé une nouvelle obligation concernant l’E10 applicable dans l’ensemble du pays à l’horizon 2020 pour éliminer ses stocks excédentaires de maïs de fin de campagne. Cette diminution des stocks de maïs a fait disparaître la principale incitation à intensifier l'utilisation de l'éthanol. Les présentes Perspectives estiment donc que le taux d’incorporation plus faible de 2 % sera maintenu jusqu’en 2029. La consommation chinoise d’éthanol progressera parallèlement à la hausse globale de la consommation de carburant ; toutefois le taux de croissance fléchira par rapport à la dernière décennie.
En Indonésie, la consommation totale de diesel devrait augmenter au cours de la période de projection. En Argentine, le taux d’incorporation obligatoire de 15 % de biodiesel devrait être atteint. En Thaïlande, les autorités devraient réduire progressivement les subventions actuellement appliquées à la production de biocarburants ; sur la période considérée, les quantités de matières premières agricoles du pays utilisées pour la production de biocarburants devraient rester limitées. En Inde, il y a tout lieu de penser que la consommation d’éthanol ne progressera pas au même rythme que celle d’essence (qui devrait quasiment doubler au cours des dix prochaines années) ; cependant, le taux d’incorporation d’éthanol devrait atteindre près de 5 %.
Comme les mesures prises dans de nombreux pays pour soutenir les biocarburants tendent à soutenir le marché national, le volume des échanges internationaux est relativement faible. Au cours de la prochaine décennie, les échanges mondiaux de biodiesel et d’éthanol en pourcentage de la production totale devraient décroître. Les échanges de biodiesel devraient s’effondrer compte tenu du recul de la demande de biodiesel à base d’huile de palme dans l’Union européenne ; les échanges d’éthanol devraient quant à eux baisser modérément. Les exportations de biodiesel augmenteront sans doute légèrement en Argentine, tandis qu’elles devraient chuter en Indonésie sous l’effet d’une forte demande intérieure.
Les principaux risques et incertitudes qui pèsent sur l’avenir du secteur des biocarburants sont liés au contexte dans lequel s’inscrit l’action des pouvoirs publics. Les présentes Perspectives partent du principe que les autorités indonésiennes mettront en œuvre le taux d’incorporation de 30 % (B30) dans l’ensemble du pays comme prévu, mais la réalisation de l’objectif sous-jacent, qui est de faire augmenter la demande de biocarburants, reposera en grande partie sur la relation entre les prix intérieurs et internationaux de l’huile de palme. La hausse des coûts de production, induite par le coût supérieur de l’huile de palme et la durabilité des moteurs, pourrait mettre à mal cet objectif.
D’après les présentes Perspectives, la plupart des biocarburants seront produits à partir de matières premières agricoles. Aucun essor des biocarburants avancés n’est attendu avant le milieu de la période de projection. Le pétrole brut, dont on estime que les cours augmenteront modérément au cours de la période de projection, présente une trajectoire de prix incertaine. Bien que les pays devraient progresser dans la mise en œuvre de nouvelles technologies afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, des incertitudes entourent les subventions et crédits d’impôt étant donné qu’ils s’appliquent aux marchés de l’énergie et des produits agricoles. Les nouvelles technologies auront aussi des conséquences pour un autre facteur de la demande future de biocarburants, à savoir le développement des véhicules électriques. En fonction de l’adoption de cette technologie et des mesures qui la soutiendront, les véhicules électriques pourraient également contribuer à faire baisser la consommation de biocarburants au cours de la période de projection.
9.3. Prix
Compte tenu de l’évolution des marchés des huiles végétales, les prix nominaux du biodiesel devraient grimper plus lentement (1.5 % par an) que ceux de l’éthanol (2.5 %). En valeur réelle, les prix du biodiesel devraient diminuer après 2023 et ceux de l’éthanol repartir à la baisse après 2026. Cette évolution des prix nominaux tient surtout au fait que les prix de l’éthanol n’ont jamais été aussi bas qu’à l’heure actuelle et que la remontée attendue pour les premières années de la période de projection partira de ce niveau très faible. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les mesures reposant sur des avantages fiscaux ou le soutien des prix créent souvent un décalage entre les prix internationaux et domestiques des biocarburants.
À l’échelle mondiale, les Perspectives anticipent un fort ralentissement de la production de biocarburants durant la période de projection par rapport aux décennies passées. La raison principale en est qu’aux États-Unis et dans l’Union européenne, les pouvoirs publics ont diminué le soutien à ce secteur. Cependant, la demande de biocarburants devrait croître dans les principaux pays en développement du fait de l’élargissement attendu du parc de véhicules et des mesures nationales qui favorisent les mélanges à forte teneur et stimulent la demande des consommateurs.
Encadré 9.1. Les biocarburants en bref
Les biocarburants (bioéthanol and biodiesel1) sont des carburants produits à partir de la biomasse. À l’heure actuelle, environ 64 % de l’éthanol produit est issu du maïs, 26 % de la canne à sucre, 3 % de la mélasse, 3 % du blé, les autres céréales, le manioc et les betteraves sucrières se partageant le reste. Le biodiesel est obtenu à partir d’huiles végétales dans 77 % des cas (à raison de 37 % pour l’huile de colza, 27 % pour l’huile de soja et 9 % pour l’huile de palme) et d’huiles de cuisson usagées dans 23 %. Les biocarburants avancés issus de produits cellulosiques (tels résidus de récolte, cultures dédiées à la production énergétique ou bois) occupent une place marginale dans la production totale de biocarburants. Les secteurs internationaux des biocarburants sont extrêmement sensibles aux politiques nationales qui répondent aux trois objectifs suivants : soutenir les agriculteurs, réduire les émissions de gaz à effet de serre et/ou limiter la dépendance énergétique.
Tableau 9.1. Classement des producteurs de biocarburants et principales matières premières
|
Rang (période de référence) |
Principales matières premières |
||
---|---|---|---|---|
|
Éthanol |
Biodiesel |
Éthanol |
Biodiesel |
États-Unis |
1 (48.2%) |
2 (19.5%) |
Maïs |
Huile de soja |
Union européenne |
4 (4.9%) |
1 (34.1%) |
Betterave sucrière / blé / maïs |
Huile de colza / Huiles de cuisson usagées |
Brésil |
2 (26.2%) |
4 (12.0%) |
Canne à sucre / maïs |
Huile de soja |
Chine |
3 (8.1%) |
8 (2.2%) |
Maïs / manioc |
Huiles de cuisson usagées |
Inde |
6 (2.1%) |
14 (0.4%) |
Mélasse |
Huiles de cuisson usagées |
Canada |
7 (1.4%) |
10 (0.7%) |
Maïs / blé |
Huile de canola / Huile de soja |
Indonésie |
21 (0.2%) |
3 (12.3%) |
Mélasse |
Huile de palme |
Argentine |
9 (0.9%) |
5 (6.6%) |
Mélasse / maïs |
Huile de soja |
Thaïlande |
8 (1.4%) |
6 (3.6%) |
Mélasse / manioc |
Huile de palme |
Colombie |
13 (0.4%) |
10(1.4%) |
Canne à sucre |
Huile de palme |
Paraguay |
14 (0.4%) |
17 (0.03%) |
Canne à sucre |
Huile de soja |
Note : Les données se réfèrent à la position des pays dans le classement de la production mondiale ; celles exprimées en pourcentage correspondent à la part représentée par les pays dans la production totale au cours de la période de référence.
1. Le biodiesel inclut le diesel renouvelable (appelé aussi huile végétale hydro-traitée HVH) dans les données de ces Perspectives, bien que les deux soient des produits différents.
Source : OCDE/FAO (2020), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
D’après les projections, la production mondiale d’éthanol poursuivra sa croissance pour s’élever à 140 milliards de litres en 2029, quand celle de biodiesel atteindra à peine 46 milliards de litres, principalement du fait de la hausse imposée aux États-Unis au cours des premières années de la période de projection. Les matières premières utilisées pour la fabrication des biocarburants varient selon les pays. Les matières premières traditionnelles domineront toujours, même si de nombreux pays sont de plus en plus sensibles à la viabilité écologique du secteur (Graphique 9.3).
L’éthanol continuera d’être essentiellement produit à partir de maïs et de canne à sucre. Sa fabrication absorbera respectivement 25 % et 14 % de la production mondiale de canne à sucre et de maïs d’ici à 2029. Les huiles végétales devraient rester des matières premières de choix dans la production de biodiesel. Le biodiesel obtenu à partir d’huiles de friture usagées continuera d’occuper une place importante dans l’Union européenne, au Canada et aux États-Unis.
Dans un seul pays, le Brésil, les biocarburants représentent plus de 10 % de la consommation d’énergie dans le secteur des transports. Pourtant, l’action des pouvoirs publics à l’égard des biocarburants vise à réduire la dépendance aux énergies fossiles dans de nombreux pays, particulièrement dans les économies en développement. Cet objectif est loin d’être atteint.
États-Unis
En 2019, l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (Environmental Protection Agency – EPA) a décidé de revoir à la hausse l’obligation d’incorporation des biocarburants avancés pour 2020 (+ 0.6 milliard de litres) et de conserver celle applicable au biodiesel pour 2021. Une grande partie des obligations d’incorporation des biocarburants avancés et des biocarburants cellulosiques inscrites dans la norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standards – RFS2) proposée dans la Loi de 2007 sur l’indépendance et la sécurité énergétiques (Energy Independence and Security Act – EISA) ont été abandonnées au motif que la capacité de production d’éthanol cellulosique était insuffisante ; l’écart à combler par des biocarburants conventionnels1, souvent qualifié d’obligation implicite d’incorporation de maïs, a été maintenu à 56.8 milliards de litres.
D’après les projections, les autorités américaines maintiendront toutes les prescriptions de l’EPA aux niveaux annoncés récemment – en volume – et ce malgré le recul attendu des carburants de transport. La consommation d’éthanol devrait augmenter de 55.4 milliards de litres à 59.8 milliards de litres d’ici à 2029 (Graphique 9.6). Le taux maximal d’incorporation d’éthanol2, de 10 %, devrait limiter la consommation intérieure d’éthanol au cours de la prochaine décennie, et devrait ne progresser que lentement pour s’élever à 11.2 % en 2029, car le débat en cours sur le déploiement des pompes à E15 ne s’est pas tenu dans l’ensemble du pays.
La croissance de la production d’éthanol devrait se limiter à 0.5 % par an (Graphique 9.6). On estime que le maïs constitue la principale matière première utilisée pour produire de l’éthanol, et qu’il sera à l’origine de 98 % de la production en 2029. La capacité de production d’éthanol cellulosique devrait rester constante au cours de la période de projection. Il n’y a pas lieu de tabler sur un vaste potentiel d’exportation pour les États-Unis. Le pays restera le premier producteur mondial d’éthanol mais sa part dans la production mondiale passera de 48 % à 45 %. La production américaine de biodiesel devrait décroître de 0.1 % par an (Graphique 9.6). La part du pays dans la production mondiale passera de 20 % à 18 %.
Union européenne
Depuis 2010, le soutien aux biocarburants au sein de l’Union européenne est régi par la Directive de 2009 sur les énergies renouvelables (DER), qui fixe à 10 % la proportion minimale que les énergies renouvelables devront représenter dans la consommation finale d’énergie dans les transports à l’horizon 2020. En juin 2018, il a été convenu de porter cet objectif à 14 % ; les plafonds nationaux applicables aux biocarburants issus des cultures vivrières et fourragères sont fixés à un 1 point de pourcentage au-dessus des niveaux de 2020 et ne peuvent excéder 7 %. Le nouveau cadre, adopté en vertu de la Directive 2018/2001 (DER II) du 11 décembre 2018, sera mis en place à l’horizon 20303. En vertu de la DER II, le biodiesel produit à partir d’huile de palme fait partie des biocarburants à risque élevé de changement indirect d’affectation des sols (CIAS), ce qui devrait faire baisser sa consommation.
Le scénario de référence de l’AIE utilisé pour les besoins des présentes Perspectives prévoit une diminution des parts du diesel et de l’essence dans la consommation totale d’énergie du secteur des transports. Les carburants diesel reculent fortement ; la consommation d’éthanol devrait quant à elle augmenter (+0.1 milliard de litres), tandis que celle de biodiesel devrait fléchir en valeur absolue (‑1.7 milliard de litres). Cette baisse touchera essentiellement le biodiesel à base d’huile de palme, compte tenu des préoccupations de durabilité que la production de l’huile de palme suscite dans l’UE. Le biodiesel issu d’autres huiles végétales en pâtira également, mais dans une moindre mesure, tandis que la production de biodiesel à base d’huiles usagées ne devrait guère évoluer. Il y a donc tout lieu de penser qu’en 2029, même si l’Union européenne occupe toujours le premier rang dans le classement mondial des régions productrices de biodiesel, celle-ci ne représentera plus que 28 % de la production mondiale, contre 34 % actuellement.
D’après les projections, la consommation totale de biocarburants de l’UE aura baissé de 0.7 % par an d’ici à 2029, mais la part des biocarburants avancés devrait s’élever à 24 %, contre 17 % à l’heure actuelle (graphique 9.3).
Brésil
Le Brésil dispose d’un vaste parc de véhicules polycarburants fonctionnant indifféremment au bioéthanol (mélange d’essence et d’éthanol anhydre) ou à l’E100 (éthanol hydraté). Les pouvoirs publics peuvent faire varier le taux d’incorporation d’éthanol entre 18 % et 27 % en fonction du cours du sucre et de l’éthanol brésiliens. Le pourcentage actuel requis pour l'éthanol est fixé par la loi à 27 %. À cela s’ajoute un régime fiscal différencié, qui est plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol dans les principaux États du pays. S’agissant du biodiesel, les autorités devraient relever le taux d’incorporation de 11 % à 12 % durant la période de projection.
Le Brésil est le pays qui devrait contribuer le plus à la hausse mondiale de la consommation et de la production d’éthanol annoncée dans les présentes Perspectives (Graphique 9.4), principalement en raison de son programme RenovaBio4. Officiellement signé en janvier 2018, ce programme a pour objectif de réduire l’intensité des émissions dans le secteur des transports, conformément à l’engagement pris par le pays dans le cadre de la COP 21. Pour créer les incitations structurelles nécessaires à cet effet, RenovaBio mettra en place un système d’échange de crédits fondé sur les émissions de carbone évitées semblable à celui instauré en Californie dans le cadre de son programme en faveur des carburants à faible intensité carbone. Il faudra probablement compter quelques années avant de voir la production changer, mais une fois le changement amorcé, elle devrait monter en flèche. D’après les projections, la contribution du Brésil à la croissance de la production et de la consommation mondiales se chiffrera à 39 milliards de litres (+6 milliards de litres). On estime qu’en 2029, plus de la moitié de la production nationale d’éthanol servira à faire rouler les véhicules polycarburants avec un carburant à forte teneur en éthanol, les véhicules de ce type qui circuleront dans le pays devraient donc se multiplier.
Contrairement aux États-Unis et à l’Union européenne, le Brésil devrait voir sa consommation totale de diesel et d’essence croître au cours de la prochaine décennie (Graphique 9.4), ce qui soutiendrait le potentiel de croissance des mélanges avec les deux types de carburants renouvelables. C’est pourquoi les présentes Perspectives prévoient une progression du marché de l’éthanol en volume, mais aussi une hausse de la consommation de biodiesel.
Chine
En 2017, la Chine a présenté de nouvelles prescriptions nationales concernant l’E10, avec pour objectif d’éliminer ses stocks excédentaires de maïs. En 2018, les autorités ont déclaré vouloir élargir ce programme de 11 à 26 provinces5 d’ici 2020. Étant donné la baisse des stocks, qui est observée depuis 2017, la principale incitation à consommer davantage d’éthanol disparaît peu à peu. Les présentes Perspectives estiment que le taux d’incorporation de 2 % sera maintenu jusqu’en 2029. La consommation d’éthanol chinoise progressera parallèlement à l’augmentation de la consommation totale de carburant, à un rythme toutefois inférieur à ce qui a été observé au cours de la décennie précédente. Si l’on considère que la demande d’éthanol correspondante sera essentiellement satisfaite par la production intérieure, cela signifie que le pays produira 2 milliards de litres supplémentaires. Le biodiesel chinois restera davantage produit à partir d’huiles de cuisson, dont le potentiel de croissance est limité.
Encadré 9.2. Programme chinois en faveur des biocarburants
Pour traiter les problématiques des excédents de stocks de céréales, de la sécurité énergétique et de pollution atmosphérique, le gouvernement chinois impose d’utiliser de l’E10 (incorporation d’éthanol dans l’essence à hauteur de 10 %) depuis 2002. L’éthanol est produit en grande partie grâce au maïs. Entre 2007 et 2015, un système temporaire de prix d’achat et de stockage a stimulé la production intérieure de maïs ; cependant, une large part de cette production n’a pas trouvé d’acheteurs, entraînant une accumulation des stocks en fin de campagne. On estime ainsi que les stocks sont passés de 82 Mt en 2008 à 209 Mt en 2016 (Graphique 9.5).
Il est devenu essentiel pour le gouvernement de supprimer ces excédents de stocks, ce qui l’a conduit à mettre en œuvre le programme d’utilisation de l’E10 en 2017. En août 2018, les autorités ont annoncé son élargissement de 11 à 26 provinces à l’horizon 2020, en partant du postulat que la consommation d’éthanol augmenterait pour s’établir à 13.6 milliards de litres la même année. En 2018, la production d’éthanol dépendait à 65.1 % du maïs, à 26.6 % du manioc et à 9.3 % du blé1.
En Chine, la consommation de pétrole dans le secteur des transports a cependant enregistré une croissance régulière, causant de graves problèmes de pollution atmosphérique. Par exemple, les rejets de particules PM2.52 sont très importants à Pékin et dans les autres zones urbaines. Le programme E10 vise à atténuer cette pollution, mais son application impliquerait de produire des quantités considérables de maïs, de manioc, de blé et/ou de canne à sucre supplémentaires. Il convient par ailleurs de souligner que le gouvernement chinois a soutenu activement la mise en œuvre des prescriptions relatives aux véhicules à énergie nouvelle (VEN)3, qui imposent à l’industrie automobile de produire au moins 10 % de VEN en 2019. Cette obligation sera portée à 12 % en 2020. Plusieurs autres mesures incitatives visent à encourager l’utilisation de batteries rechargeables et les pouvoirs publics délivrent des plaques minéralogiques spéciales aux propriétaires de VEN. Ces progrès ont fait de la Chine la première utilisatrice de véhicules électriques au monde. En 2018, la part de marché des véhicules électriques a progressé de 4.5 % dans le pays, dépassant les résultats observés aux États-Unis et au Japon ; la Chine détenait 45 % des stocks mondiaux. Le gouvernement s’est donné pour objectif qu’en 2030, le parc automobile chinois serait constitué de 40 à 50 % de VEN.
En attendant, l’État continue à promouvoir l’utilisation de l’éthanol en tant que carburant. Au début des années 2000, ce positionnement était principalement motivé par les questions de la sécurité énergétique et de la pollution atmosphérique. La production d’éthanol destiné à être mélangé aux carburants et les stocks de maïs en fin de campagne présentaient un coefficient de corrélation positif (0.8209 entre 2006 et 2015), ce qui a conduit à rendre le programme de biocarburants du pays dépendant de ces stocks. D’après des données issues du Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS), le niveau des stocks de maïs en fin de campagne tend à baisser depuis 2018 (Graphique 9.5), faisant ainsi disparaître peu à peu l’incitation à consommer davantage d’éthanol dans l’ensemble du pays. On peut donc supposer que le taux d’incorporation ne variera pas par rapport à son niveau actuel (2.1 % en 2018), et que les stocks de maïs en fin de campagne vont s’amenuiser à court terme. Rien ne permet non plus d’affirmer avec certitude que le gouvernement sera en mesure d’atteindre son objectif relatif aux VEN d’ici à 2030, qui dépendra de la R-D et des mesures prises pour promouvoir leur utilisation.
Notes : 1. US Department of Agriculture, Foreign Agricultural Service (USDA-FAS) (2019) China – People’s Republic of Biofuels Annual. https://apps.fas.usda.gov/newgainapi/api/report/downloadreportbyfilename?filename=Biofuels%20Annual_Beijing_China%20-%20Peoples%20Republic%20of_8-9-2019.pdf.
1. Les particules PM2.5 sont des polluants atmosphériques présentant un diamètre inférieur ou égal à 2.5 micromètres, qui sont capables de s’infiltrer même dans les voies aériennes les plus petites. Ces particules proviennent généralement d’activités nécessitant la combustion d’énergies fossiles, telles que le trafic routier, la fonderie et le traitement des métaux.
2. Les VEN comprennent les véhicules électriques, les véhicules hybrides rechargeables (VHR) et les véhicules à pile à combustible (PAC).
Indonésie
En misant sur le B30, (biodiesel présentant un taux d’incorporation de 30 %), l’Indonésie espère s’affranchir de ses importations de combustibles fossiles. Ces dernières années, la production de biodiesel gagne du terrain sous l’effet du programme national de soutien au biodiesel, financé par un fonds pour l’huile de palme brute. La production indonésienne de biodiesel devrait rester stable, autour de 7 milliards de litres à l’horizon 2029. La mesure de soutien aux producteurs de biodiesel repose sur les prix internationaux et plus particulièrement sur l’écart entre les prix intérieurs et les prix internationaux de l’huile de palme, qui définit le montant des taxes à collecter. Le taux d’incorporation devrait demeurer autour de 30 % durant la période de projection et la consommation intérieure de biodiesel pourrait grimper pour atteindre 7 milliards de litres. Les exportations devraient quant à elle baisser considérablement du fait de la réglementation européenne, qui favorise les importations de biodiesel produit à partir d’huile de soja.
Argentine
En Argentine, les taux d’incorporation obligatoire sont de 10 % pour le biodiesel et de 12 % pour l’éthanol. Il est actuellement envisagé de relever l’obligation d’incorporation de biodiesel, notamment en raison de la mise en place, sur les deux plus grands marchés d’exportation, à savoir les États-Unis et l’Union européenne, de droits antidumping sur les importations en provenance d’Argentine. Les exonérations fiscales devraient continuer à accélérer le développement du secteur argentin du biodiesel, qui exporte plus de la moitié de sa production. Cela dit, les barrières commerciales érigées par les États-Unis à l’encontre du biodiesel argentin vont probablement limiter la demande extérieure. La production et les exportations devraient progresser de 2 % et 2.9 %, respectivement.
Inde
La politique nationale sur les biocarburants (National Policy on Biofuels) est entrée en vigueur en mai 2018. L’objectif principal est d’atteindre un taux d’incorporation de 20 % pour l’éthanol et de 5 % pour le biodiesel, bien supérieur aux taux actuels de respectivement 1.4 % et 0.1 %. Au cours de la période de projection, le principal obstacle à la croissance de la production de biocarburants devrait venir de la disponibilité des matières premières. On estime que l’Inde ne produira pas suffisamment de mélasse pour faire face à la hausse de la demande du secteur des biocarburants. Il est certes autorisé, désormais, d’utiliser les céréales non comestibles pour produire de l’éthanol, mais la diminution attendue du rapport stocks/consommation de céréales fourragères (maïs et autres céréales secondaires) laisse augurer un resserrement des marchés, de sorte qu’aucune augmentation de la production d’éthanol fabriqué à base de céréales n’est attendue. Un accès limité aux matières premières, une capacité de production restreinte et l’absence d’infrastructures de distribution adéquates sont autant d’obstacles à la production de biocarburants en Inde.
Thaïlande
La production thaïlandaise de manioc est principalement destinée aux marchés extérieurs qui offrent des prix plus élevés que les producteurs locaux de biocarburants. Les problèmes de disponibilité des produits de base (mélasse, manioc et huile de palme) font obstacle à la production d’éthanol. L’État va peu à peu réduire les subventions accordées à l’éthanol et au biodiesel jusqu’en 2022, et entrevoit une réduction des objectifs à l’horizon 2036. En conséquence, l’offre intérieure disponible dans le secteur des biocarburants restera limitée tout au long de la période de projection. La canne à sucre pourrait constituer une solution de rechange, mais peu de moyens sont investis pour développer les distilleries et aucune mesure n’est envisagée pour y remédier. L’offre intérieure de matières premières à destination des producteurs de biocarburants demeurera limitée au cours de la période de projection.
Canada
Au Canada, la consommation de biocarburants est encouragée par la Norme sur les combustibles propres (NCP) et les obligations d’incorporation décrétées à l’échelle provinciale. L’objectif de la norme, actuellement à l’examen, est de réduire les émissions de gaz à effet de serre imputables à la consommation de carburants et combustibles avec la mise en place d’un système d’échange de crédits d’émissions de carbone évitées. D’après les projections, le ratio d’éthanol dans l’essence devrait croître de 7 % d’ici à 2029, tandis que la consommation de biodiesel devrait rester stable.
Colombie
La demande d’éthanol devrait augmenter au cours de la période de projection. Étant donné que le taux de croissance prévu de la demande d’éthanol est inférieur à celui de la demande de combustibles fossiles, le taux d’incorporation devrait reculer légèrement. Selon les présentes Perspectives, les quantités prescrites d’E10 sont d’ores et déjà atteintes. La canne à sucre est la principale matière première utilisée et, en principe, le restera tout au long de la période de projection. Compte tenu de l’évolution passée, l’éthanol est appelé à devenir une source de revenu de plus en plus importante pour le secteur de la canne à sucre. On estime qu’en 2029, environ 22 % de la canne à sucre produite en Colombie servira à fabriquer de l’éthanol. La demande de biodiesel devrait croître à la marge de 1.8 % par an au cours de la période de projection pour atteindre 0.7 % milliard de litres en 2029.
9.4. Échanges
D’après les projections, la part de la production totale d’éthanol échangée à l’international restera faible et devrait même tomber à 7 % en 2029, contre 9 % pour la période de référence. Les États-Unis devraient conserver leur statut d’exportateur net d’éthanol à base de maïs. Cela dit, les exportations d’éthanol par les États-Unis devraient reculer au cours de la période de projection sous l’effet conjugué de l’essor de la demande intérieure et du faible niveau de production. Les exportations brésiliennes d’éthanol ne devraient pas augmenter durant la période considérée car le secteur national de l’éthanol s’attachera surtout à répondre à une demande intérieure soutenue.
Les exportations de biodiesel argentin devraient progresser tandis que celles en provenance d’Indonésie devraient reculer sous l’effet d’une forte demande intérieure. L’Argentine devrait conserver sa position de premier pays exportateur de biodiesel, suivie par l’Union européenne (qui exporte principalement au Royaume-Uni) et les États-Unis. Les exportations de l’Argentine ne devraient pas s’amplifier au cours de la période de projection en raison de la faible demande internationale.
9.5. Principales questions et incertitudes
Les risques et incertitudes qui pèsent sur le secteur des biocarburants dépendent principalement du contexte dans lequel s’inscrit l’action des pouvoirs publics ainsi que des prix du pétrole. Les incertitudes concernent la variation des quantités prescrites, les mécanismes d’application correspondants, l’investissement dans les produits non traditionnellement destinés à la production de biocarburants, les exonérations fiscales appliquées aux biocarburants ainsi que la technologie des véhicules électriques et les mesures prises pour leur promotion. Les présentes Perspectives formulent de nombreuses projections quant au pourcentage des quantités prescrites qui seront véritablement atteintes et le chiffre retenu est généralement très loin de 100 %.
Les Perspectives partent du principe que le gouvernement indonésien aura réussi à introduire le biodiesel B30. Cependant, la réalisation de cet objectif dépendra en grande partie de la relation entre les prix intérieurs et les prix internationaux. Au moment où les pouvoirs publics ont commencé à encourager la production de biodiesel, le prix de l’huile de palme a enregistré une croissance rapide, de 2006 à 2008, et les coûts des matières premières représentaient alors 86 % des coûts totaux de production. Ces coûts ont entraîné une baisse de la production de biodiesel et l’objectif national initial n’a pas été atteint comme prévu en 20106. La durabilité des moteurs pourrait aussi compromettre la réalisation de l’objectif d’incorporation B30.
Le cours international du pétrole brut a radicalement baissé depuis mars 2020 en raison de l’affaiblissement de la demande consécutif à la crise du COVID-19 et du déséquilibre mondial de l’offre et de la demande. Ces facteurs pourront être transitoires mais aussi faire baisser les cours sur une période plus longue et conduire à un déclin durable des prix de l’essence et du diesel, ce qui affaiblira la demande de biocarburants, notamment celle d’éthanol hydraté destiné aux véhicules polycarburants. La demande brésilienne d’éthanol pourrait être touchée par ce choc pétrolier étant donné que l’éthanol hydraté représente 68 % de la demande totale d’éthanol7. Au Brésil, la majeure partie des biocarburants sont mélangés à des combustibles fossiles. Le secteur des biocarburants doit satisfaire à des objectifs d’incorporation définis à moyen ou long terme. Cependant, cet effondrement des prix pourrait se répercuter sur les coûts de production et les chaînes d’approvisionnement, ce qui pourrait retarder la mise en application des objectifs et des initiatives. De plus, la récession économique causée par la crise du COVID-19 pourrait entamer la demande mondiale de carburants et biocarburants pour les transports.
D’après les présentes Perspectives, la plupart des biocarburants continueront d’être produits à partir de matières premières agricoles. L’essor des biocarburants avancés ne saurait intervenir avant le milieu de la période de projection. La trajectoire de prix du pétrole brut, dont on estime que les cours augmenteront modérément, pourrait être source d’incertitude dans ce secteur. L’évolution des parcs nationaux de véhicules constitue l’un des facteurs de la demande future de biocarburants. En Chine, aux États-Unis, au Japon et dans l’Union européenne, l’industrie automobile investit dans les véhicules électriques qui, selon l’adoption de cette technologie et les mesures de soutien qui l’accompagnent, pourraient faire reculer la consommation de biocarburants d’ici à 2029.
Notes
← 1. L’écart à combler par des biocarburants conventionnels correspond à la différence entre le total prescrit et le minimum à respecter pour les biocarburants avancés, aux termes de la Norme sur les carburants renouvelables (RFS2).
← 2. Ici, le taux maximal d’incorporation correspond à la moyenne nationale réalisable, étant entendu que la plupart des pompes du pays ne proposent que de l’E10. Cela suppose donc la mise en service de plusieurs pompes à E15 dans les années à venir.
← 3. https://ec.europa.eu/jrc/en/jec/renewable-energy-recast-2030-red-ii (en anglais uniquement).
← 4. http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_ato2015-2018/2017/lei/L13576.htm (en brésilien uniquement).
← 5. Les onze provinces couvertes représentaient 46.1 % de la population chinoise totale (2017).
← 6. Tatsuji Koizumi (2014), Biofuels and Food Security: Biofuel impact on Food Security in Brazil, Asia and Major Producing Countries, Springer, pp. 50-51.
← 7. Ministère de l’Agriculture des États-Unis, Foreign Agricultural Service (USDA-FAS) (2019) Brazil, Biofuels Annual,2019.https://apps.fas.usda.gov/newgainapi/api/report/downloadreportbyfilename?filename=Biofuels%20Annual_Sao%20Paulo%20ATO_Brazil_8-9-2019.pdf (en anglais uniquement).