Les petites et moyennes entreprises (PME) et l’entrepreneuriat sont des éléments déterminants du bien-être économique et social dans nos pays. Sachant que 99 % des entreprises sont des PME, que celles-ci représentent environ 60 % des emplois et entre 50 % et 60 % de la valeur ajoutée créée dans la zone OCDE, les PME apparaissent comme des acteurs essentiels sur la voie d’une croissance économique durable et inclusive. Leur rôle est essentiel pour permettre à nos économies et à nos sociétés de s’adapter aux bouleversements à l’œuvre que sont la transformation numérique, la mondialisation, le vieillissement de la population et les pressions environnementales.
Dans ce contexte, il est plus que jamais indispensable de mieux cerner les conditions qui permettent aux pays, aux régions et aux villes de tirer parti de leurs nombreuses petites entreprises. Or, si les PME et l’entrepreneuriat sont au cœur des préoccupations des autorités de nombreux pays, le manque de données d’observation robustes et comparables a bien souvent limité les gains d’efficacité dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en la matière.
Parce qu’elle rassemble des données inédites, cette première édition des Perspectives sur les PME et l’entrepreneuriat et offre aux décideurs de nouveaux outils de comparaison et de nouveaux éclairages sur les bonnes pratiques de l’action publique qui les aideront à définir des politiques nationales en faveur des PME et de l’entrepreneuriat. Cette nouvelle publication phare, qui s’inscrit en complément de la publication statistique « Panorama de l’entrepreneuriat 2019 » et fait fond sur le rapport « Small, Medium, and Strong » de 2017, présente les évolutions récentes et les tendances qui se dessinent s’agissant des performances des PME et de l’entrepreneuriat, et propose un panorama complet des conditions économiques et des politiques qui ont une incidence sur les PME et les entrepreneurs.
Il ressort des Perspectives que le moteur des PME s’est remis en marche : les créations d’entreprises, qui tirent la croissance de la productivité et l’innovation, ont renoué avec leurs niveaux d’avant la crise dans bon nombre de pays, et les PME stimulent la création d’emploi depuis une décennie. Certains signes laissent toutefois penser que la route reste semée d’embûches : d’importants écarts de productivité et de rémunération subsistent, qui compromettent l’inclusivité. Même dans les PME relativement grandes, les niveaux de rémunération sont inférieurs de 20 % environ à ceux des grandes entreprises, et reflètent des niveaux de productivité plus faibles. Et si les créations d’emplois ont été relativement importantes, elles sont le plus souvent intervenues dans des activités affichant des niveaux de productivité et de rémunération relativement faibles. Entre 2010 et 2016, par exemple, près de 90 % des emplois nets créés en France, 75 % aux États-Unis et 66 % en Allemagne et au Royaume-Uni, l’ont été dans des secteurs à bas salaires, ce qui a contribué à la stagnation des salaires moyens et au creusement des inégalités qui ont été observés.
Cela étant, toutes les PME ne se ressemblent pas, et ces Perspectives apportent de nouveaux éclairages sur l’hétérogénéité des performances des PME. Parmi les millions de PME de par le monde, on compte de nombreuses championnes de l’innovation et de la productivité, notamment dans des activités et des services spécialisés comme les activités professionnelles, scientifiques et techniques, où la taille de l’entreprise ne joue pas un rôle déterminant. De fait, dans ces activités, des PME, y compris des micro-entreprises, peuvent se révéler tout aussi productives, si ce n’est plus, que de grandes entreprises. Entre 2010 et 2016, la contribution à l’emploi et à la création de valeur ajoutée des PME exerçant dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) a augmenté dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, même si la concentration du marché et la dynamique favorisant un gagnant unique suscitent quelques inquiétudes.
Les technologies numériques offrent aux jeunes entreprises et aux PME de nouvelles possibilités d’innover et de prospérer, notamment en tirant parti des plateformes numériques, de l’exploitation des données massives et des services financiers numériques (fintech). Entre 2016 et 2017, par exemple, le financement alternatif en ligne a connu une progression à deux voire trois chiffres dans bon nombre de pays, ce qui a marqué un tournant dans la diversification des sources et instruments de financement des PME.
Cependant, comme le montrent les Perspectives, pour contribuer à la croissance et à la création d’emplois et exploiter la transition numérique de façon à libérer leur potentiel d’innovation, les PME sont bien plus tributaires de l’écosystème économique et du cadre de l’action publique que les grandes entreprises. Pour de nombreuses PME, leur petite taille reste un obstacle pour accéder aux ressources stratégiques comme les compétences, le financement et les connaissances. En 2017, un quart des PME de l’UE ont déclaré que le manque de personnel qualifié ou de cadres expérimentés était leur principal problème. Or, malgré la rapidité de la transformation numérique à l’œuvre dans nos économies, la proportion de petites entreprises proposant des formations TIC à leurs salariés n’a pas progressé de façon sensible ces dernières années, et reste faible dans les pays de l’OCDE puisqu’elle se situait sur une fourchette comprise entre 49 % en Nouvelle-Zélande et 7 % en Lettonie en 2018. Si les PME ont tout à gagner à la protection des données et l’atténuation des cybermenaces, les coûts qui y sont associés sont, en proportion, plus élevés pour les petites entreprises.
Ces obstacles sont symptomatiques des imperfections des marchés des produits, du crédit et du travail. Ils reflètent également les effets disproportionnés de la complexité réglementaire, de la charge administrative et de l’inefficacité des politiques publiques sur les PME. La réglementation intelligente, les réformes fiscales et le renforcement des fonctions de l’administration électronique ont contribué à alléger le fardeau qui pèse sur les PME et à rendre les règles du jeu plus équitables. Cela étant, on constate un ralentissement du rythme des réformes structurelles depuis quelques années et des avancées inégales dans des domaines essentiels au dynamisme des entreprises et à la prospérité de la population des PME, comme les régimes d’insolvabilité, l’application du droit de la concurrence et les systèmes de justice civile.
Outre leur plus faible taux d’adoption des nouvelles technologies, les PME sont généralement moins tournées vers l’internationalisation que les grandes entreprises. Ce levier d’amélioration de la productivité reste difficilement accessible pour les petites entreprises, notamment dans le contexte des récentes tensions commerciales, qui risquent de limiter leurs possibilités de rejoindre des réseaux commerciaux et des chaînes de valeur mondiales.
Face à l’ampleur de ces défis, il faut déployer des solutions innovantes à plusieurs niveaux. La Déclaration de l’OCDE sur le renforcement des PME et de l’entrepreneuriat au service de la productivité et de la croissance inclusive de 2018 prend acte de l’importance de mettre en place des politiques publiques adaptées en faveur des PME, qui permettent de renforcer les avantages de la mondialisation, de l’ouverture des marchés et du progrès technologique et de les diffuser plus largement au sein de nos économies et de nos sociétés.
On le voit dans ce rapport, les pays ont déjà pris des mesures pour donner aux PME les mêmes chances qu’aux autres entreprises et leur permettre d’exploiter les possibilités qui se font jour ; les PME sont ainsi devenues une cible importante de l’attention et du soutien des pouvoirs publics. Les 36 notes par pays figurant dans les Perspectives de l’OCDE sur les PME et l’entrepreneuriat, qui complètent l’analyse de l’évolution des PME et des conditions économiques dans lesquelles elles opèrent, montrent que les stratégies générales adoptées par les différents pays pour accélérer le développement des PME et l’innovation dans ce secteur sont souvent proches, mais que les méthodes de mises en œuvre se révèlent, elles, très diverses.
Nous espérons que cette publication, qui rassemble et compare les expériences de différents pays, fournira aux décideurs un outil qui les aidera à recenser les moyens d’action à utiliser pour libérer le potentiel des PME et parvenir à bâtir des sociétés plus résilientes, plus durables et plus inclusives.