Ce chapitre livre un panorama général de l’évolution du secteur des PME et du dynamisme entrepreneurial, et apporte des éclairages, dans la limite des données disponibles, sur les différences observées entre les pays et entre les secteurs. Si, dans les pays de l’OCDE, la structure globale de la population des PME est restée stable au cours de la décennie écoulée, ce chapitre met au jour la dynamique qui s’est enclenchée dans les activités particulièrement concernées par la transformation numérique, ou en mesure d’en tirer parti. Depuis quelques années, la majorité des nouvelles entreprises, et des nouveaux emplois qui en découlent, sont créés dans des secteurs affichant des niveaux de productivité inférieurs à la moyenne. Or, les chiffres montrent que l’augmentation du nombre d’emplois dans des activités peu productives s’est traduite par une augmentation du nombre d’emplois peu rémunérés, au détriment du bien-être matériel. Il ressort par ailleurs de ce chapitre que, sauf dans le secteur des services, on observe des écarts de productivité entre les PME et les grandes entreprises donnant lieu à des rémunérations plus faibles dans les PME, et que ces écarts de productivité et de salaires sont moins marqués dans les PME qui exportent. Il apparaît en outre que si les chaînes de valeur mondiales favorisent la diffusion des technologies et des savoirs, elles intensifient aussi la concurrence. Ce chapitre montre que les statistiques officielles actuelles permettent d’apporter de précieux éclairages, notamment en ce qui concerne l’hétérogénéité structurelle, mais qu’il importe de continuer à repousser la frontière statistique, en particulier pour aborder les problématiques émergentes.
Perspectives de l'OCDE sur les PME et l'entrepreneuriat 2019
Chapitre 1. Structure de la population des PME et dynamisme entrepreneurial : évolutions et performances sur le plan de la productivité et des salaires
Abstract
L’essentiel
Si la structure générale de la population des PME des pays de l’OCDE est stable depuis quelques années, une nouvelle dynamique s’est enclenchée dans les activités fortement exposées à la transformation numérique ou en mesure d’en tirer parti.
Dans le secteur des services, les PME, et en particulier les entreprises moyennes, affichent une productivité plus élevée que les grandes entreprises dans bon nombre de pays. Ce constat s’observe notamment dans le secteur du commerce de gros et de détail dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, mais aussi dans des secteurs à plus forte intensité de savoir, comme les activités professionnelles, scientifiques et techniques, les exemples les plus notables étant l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique ou encore la Pologne. Cela étant, dans les activités de fabrication, caractérisées par des processus de production à forte intensité de capital, les grandes entreprises l’emportent systématiquement sur les PME en termes de productivité.
La transformation numérique offre des possibilités de croissance aux PME, mais le rythme d’adoption des nouvelles technologies varie selon les pays et les secteurs. L’utilisation des outils numériques reste, dans une large mesure, confinée aux services de base, tandis que dans bon nombre de pays, les PME sont en retard par rapport aux grandes entreprises en ce qui concerne l’adoption des services d’infonuagique, qui leur permettraient pourtant de faire l’économie des coûts fixes induits par les investissements dans les TIC.
Entre 2010 et 2016 dans bon nombre de pays, la plupart des créations d’entreprises et des créations d’emplois sont intervenues dans des secteurs affichant des niveaux de productivité inférieurs à la moyenne : par exemple, dans le secteur de l’hébergement et de la restauration en Grèce, en Irlande et au Royaume-Uni ; le secteur de la construction en Italie et en Norvège ; et le secteur du commerce de gros et de détail dans la majorité des pays.
L’augmentation du nombre d’emplois dans des activités peu productives s’est traduite par une augmentation du nombre d’emplois peu rémunérés, au détriment du bien-être matériel. Entre 2010 et 2016, en France, près de 90 % des emplois créés l’ont été dans des activités où les salaires sont inférieurs à la moyenne, près des deux tiers en Allemagne et au Royaume-Uni, et plus des trois quarts aux États-Unis.
La plus faible productivité des PME se traduit aussi par un plus faible niveau de rémunération. De fait, les niveaux de rémunération dans les PME, même les plus grandes d’entre elles, sont inférieurs d’environ 20 % à ceux des grandes entreprises. L’écart est toutefois moins marqué dans les PME qui exportent.
Les chaînes de valeur mondiales ouvrent de nouvelles possibilités d’accéder aux marchés mondiaux, soit directement, par l’exportation de produits intermédiaires vers des entreprises plus grandes situées en aval de la chaîne de valeur, soit indirectement, en se positionnant comme fournisseurs amont de grands exportateurs directs, ce qui favorise la diffusion des technologies et des savoirs.
Les chaînes de valeur mondiales ont également pour effet d’intensifier la concurrence des pays à bas salaires qui s’exerce en particulier dans les activités à forte intensité de main d’œuvre, dans les pays de l’OCDE. Dans le secteur du textile, par exemple, l’exacerbation de la concurrence a profondément touché les PME ce qui a contraint un grand nombre d’entre elles à mettre la clé sous la porte, mais en a incité d’autres à se mettre à niveau et à monter en gamme dans la chaîne de valeur.
Pour pouvoir élaborer des politiques publiques judicieuses, il est essentiel de comprendre l’orientation que prennent ces mégatendances ainsi que leur impact potentiel, d’où l’importance de poursuivre le renforcement des capacités statistiques afin de mesurer, de faire ressortir et de cerner l’hétérogénéité de la population des PME.
Introduction
Type d’entreprise le plus courant et principal pourvoyeur d’emplois de l’économie marchande, les petites et moyennes entreprises (PME) sont des acteurs essentiels de la résilience économique, de la productivité et de l’inclusivité. Les travaux de l’OCDE sur l’articulation entre productivité et inclusivité démontrent, données à l’appui, que la contribution des PME est décisive dans la concrétisation de l’objectif commun d’accroître le potentiel productif, de résorber les inégalités et de renforcer et de partager les bénéfices de la mondialisation et du progrès technologique (OECD, 2017[1] ; Blanchenay, Criscuolo et Calvino, 2016[2]). La Déclaration ministérielle sur le renforcement des PME et de l’entrepreneuriat au service de la productivité et de la croissance inclusive de 20181 reconnaît que le renforcement des politiques en faveur des PME et de l’entrepreneuriat est déterminant dans l’instauration de sociétés et d’une croissance plus inclusives.
Les bouleversements à l’œuvre dans l’économie et dans la société que sont la mondialisation, l’avènement du numérique, la prochaine révolution de la production, la transformation de la nature du travail, les évolutions démographiques, l’économie circulaire et la transition vers une économie bas carbone, sont lourds de conséquences pour la productivité et la répartition des revenus, notamment en raison de leur impact sur les PME et l’entrepreneuriat. Dans ce contexte, alors que les pouvoirs publics cherchent des solutions innovantes permettant de saisir les opportunités tout en gérant les risques qui se profilent, les PME et les entrepreneurs ont un rôle important à jouer.
Cela étant, lorsqu’on examine l’impact de ces mégatendances sur les entreprises et sur le type de politiques publiques nécessaires pour y faire face, il importe de garder à l’esprit qu’une approche globale et sans nuance serait inappropriée. La population des PME se compose d’entreprises très diverses, en termes d’âge, de taille, de structure du capital, de modèle économique, mais aussi de profil, de motivations et d’aspirations des entrepreneurs. Il apparaît de plus en plus clairement que la disparité des entreprises doit être prise en compte dans les débats sur l’innovation, la productivité, la création d’emplois et le revenu, elle doit l’être également dans la réflexion au sujet des réponses à apporter à ces mégatendances et des moyens d’adapter l’économie en conséquence.
Ce chapitre a pour objet de mieux cerner ces questions en exploitant les données actuellement disponibles et en signalant les domaines où il est nécessaire d’améliorer les statistiques (voir Encadré 1.1). Il livre des données empiriques détaillées sur la composition et la contribution économique de la population des PME, et sur les évolutions de sa structure et de ses performances depuis dix ans. Il apporte également, lorsque les données le permettent, un éclairage sur la disparité géographique et sectorielle de la situation et de la dynamique des PME, et aide à mieux comprendre l’impact de la transformation numérique et de la mondialisation sur leurs performances. Ce faisant, il confirme la nécessité d’axer l’analyse, et l’élaboration des politiques, sur le caractère hétérogène des PME, et met en lumière l’importance de disposer de données de meilleure qualité pour mieux prendre la mesure de cette hétérogénéité (Annexe 1.A).
Compte tenu de l’ampleur des questions ayant une incidence sur la structure et les performances de la population des PME, et conformément aux orientations du Groupe de travail sur les PME et l’entrepreneuriat (GTPMEE), cette première édition des Perspectives sur les PME et l’entrepreneuriat est plus particulièrement axée sur l’évolution de la productivité et des salaires. L’analyse présentée dans ce chapitre a pour toile de fond les principaux déterminants des changements structurels, à savoir la transformation numérique et la mondialisation2. L’intention est de continuer à axer les futures éditions des Perspectives sur des thématiques et des questions prioritaires, déterminées en concertation avec le GTPMEE.
Encadré 1.1. Définition des PME
L’une des principales difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de comparer les PME entre les pays tient à la définition même de la PME. En effet, les définitions peuvent varier sensiblement entre les pays, mais aussi, au sein d’un même pays, entre les différents domaines de l’action publique, les petits pays fixant généralement des seuils inférieurs à ceux des grands pays. Cette situation complique l’établissement de statistiques internationales sur les PME. Dans cette publication, sauf indication contraire, est considérée comme une PME toute entreprise de moins de 250 personnes occupées. Si l’on dispose ainsi d’un cadre solide pour établir des comparaisons statistiques entre pays, quelques précautions sont nécessaires dans l’interprétation. Par exemple, il faut être prudent lorsque l’on tire des conclusions de l’analyse des statistiques sur les entreprises de moins de 250 personnes occupées et de l’impact de mesures ciblant des PME telles que définies pour les besoins des politiques publiques, les définitions pouvant ne pas coïncider. En outre, même en adoptant la définition d’une entreprise en tant qu’unité principale dans le pays où les décisions sont prises, les risques sont encourus et les bénéfices réalisés, cela peut ne pas fonctionner pour les entreprises à capitaux étrangers (filiales étrangères). Certains pays s’attachent à distinguer les PME indépendantes des PME filiales de grands groupes, mais ces efforts ne sont pas encore généralisés.
La structure de la population des PME
Les PME représentent une part importante de l’emploi et du PIB
Dans la plupart des pays de l’OCDE, les PME représentent l’écrasante majorité (plus de 99 %) des entreprises et, avec cinq personnes occupées en moyenne, plus de 50 % des emplois du secteur marchand. Elles sont à l’origine de plus de la moitié du PIB du secteur marchand, et créent, en moyenne, environ 270 000 USD de valeur ajoutée par entreprise (Graphique 1.1). En général, plus l’économie est grande – donc permet des économies d’échelles et offre plus de possibilités d’exploiter de grandes entreprises dans de grands pays – plus la proportion de PME est réduite.
Une diversité de conditions-cadres peut influer sur la structure, la contribution et la dynamique de la population des PME dans les différents pays. Parmi les conditions-cadres on peut citer la réglementation, le cadre institutionnel, le niveau de revenu, l’ampleur de la commande publique et les pratiques en la matière, la culture, l’accès aux ressources stratégiques comme le financement, les compétences et les actifs intellectuels, la géographie, les conditions fiscales et les dépenses publiques (voir les chapitres 2 à 7 sur le contexte économique et les politiques publiques relatifs aux PME et à l’entrepreneuriat).
Cela étant, en dépit de ces différences au niveau du cadre général, la structure de la population des PME est globalement comparable d’un pays à l’autre, en terme de ventilation sectorielle et de poids économique dans les grandes branches d’activité.
L’emploi dans les PME est concentré dans certains secteurs de services, notamment le commerce de gros et de détail, et la construction ; dans ces secteurs où les ressources nécessaires, en terme de compétences, de capital et de financement, sont relativement faibles, les PME sont de gros pourvoyeurs d’emploi. Ainsi, en 2016, le commerce de gros et de détail et le secteur de la construction représentaient, respectivement, entre 19 % et 30 %3 et entre 7 % et 18 % de la totalité de l’emploi dans les PME des pays de l’OCDE (Graphique 1.2) ; soit entre 50 % et 100 % de la totalité des emplois dans ces secteurs (voir Graphique d’annexe 1.B.2).
À l’inverse, dans les pays de l’OCDE, les PME exerçant dans le secteur des activités de fabrication – généralement plus gourmandes en capital que les services – représentent une moindre part de l’emploi et, surtout, de la valeur ajoutée. En 2016, ce secteur représentait entre 12 % et 29 % de l’emploi total dans les PME.
…mais avec des différences entre pays au niveau de certaines activités
En dépit de similitudes globales entre les pays, d’importantes différences se font jour en termes de participation des PME à certains secteurs, y compris à l’échelle d’une branche d’activité. Au Royaume-Uni par exemple, la proportion de PME dans les activités professionnelles et scientifiques était trois fois plus importante qu’en Corée en 2016, tandis qu’en Pologne les PME sont très peu nombreuses dans le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement.
On l’a vu, cela peut résulter d’un certain nombre de caractéristiques du cadre général déterminant la spécialisation, ou encore de la taille de l’économie et, partant, des stratégies d’externalisation déployées par les (généralement grandes) entreprises chefs de file des chaînes de valeur, qui peuvent être soit tournées vers l’extérieur (des investissements à l’étranger permettent de maintenir en place ou de créer dans d’autres pays des PME qui évincent les PME locales) soit axées sur le développement de pôles d’activité locaux.
En Allemagne par exemple, le secteur de l’automobile et du matériel de transport a créé d’importantes chaînes d’approvisionnement en amont en investissant dans les pays voisins, généralement à bas salaires, comme la Pologne et la République tchèque, où la part des PME dans l’emploi de ce secteur est environ deux fois plus élevée – 20 % – qu’en Allemagne. On observe toutefois qu’en Corée, où des actions ciblées visant à renforcer les liens entre les PME locales et les « chaebols » ont été mises en place, la part des PME dans l’emploi du secteur automobile et du transport est nettement plus élevée (57.8 %) qu’en Allemagne, alors même que la part de contenu étranger dans les exportations de ce secteur se situe autour d’un tiers dans les deux pays (source : Base de données de l’OCDE sur les échanges en valeur ajoutée).
Peu d’évolutions structurelles dans le temps…
Si la crise a eu d’importantes répercussions sur l’emploi, certains secteurs ayant été davantage touchés que d’autres, elle ne semble pas avoir entraîné d’importants changements structurels dans la contribution des PME aux grandes branches d’activités.
À titre d’exemple, dans les pays de l’OCDE, les cinq premiers secteurs, qui représentent environ 60 % de l’emploi des PME, sont restés les mêmes entre 2010 et 2016 (Graphique 1.2) : i) le commerce de gros et de détail, où travaille une personne occupée dans une PME sur quatre ; ii) les activités de fabrication ; iii) la construction ; iv) l’hébergement et la restauration ; et v) les activités professionnelles, scientifiques et techniques.
En outre, sur la même période, les cinq premiers secteurs dans lesquels les PME représentaient plus de 80 % de l’emploi n’ont pas changé non plus : i) publicité, études de marchés, autres activités professionnelles, scientifiques et techniques ; ii) immobilier ; iii) construction ; iv) hébergement et restauration ; et v) services juridiques, de comptabilité et de gestion (voir Graphique d’annexe 1.B.2).
… mais des changements sont à l’œuvre dans les sous-secteurs
Si la structure globale de la population des PME a peu évolué au cours des années écoulées, des données plus détaillées, au niveau des sous-secteurs, laissent entrevoir une évolution plus dynamique, en particulier dans les sous-secteurs, comme les TIC, fortement exposés à la transformation numérique en cours, ou en mesure d’en tirer parti, notamment en accédant à des produits TIC moins chers et en ayant la possibilité de monter en puissance avec peu de moyens.
Dans les pays de l’OCDE, la part moyenne des PME dans l’emploi dans le secteur des TIC est passée de 3.8 % à 4.7 % sur la période allant de 2010 à 2016, en partie grâce aux créations d’entreprises, et la valeur ajoutée imputable aux PME s’est accrue dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE (Graphique 1.3).
Une ventilation plus fine du secteur des TIC apporte d’autres éclairages. Dans bon nombre de pays, par exemple, les PME ont connu une forte hausse de leur contribution à la valeur ajoutée globale des activités d’édition (58), et, dans la plupart des pays, de télécommunications (61) (Graphique 1.4).
Dans le secteur de l’édition, qui englobe la publication de journaux, cette progression est intervenue sur fond de contraction générale du secteur. Cette contraction, qui résulte en partie de l’apparition de nouvelles formes de contenus et de nouveaux fournisseurs de services médiatiques dans d’autres secteurs, semble avoir eu des effets contrastés sur les PME selon les pays, probablement en fonction de leur capacité à occuper des créneaux très spécifiques dans ce secteur – même s’il faut reconnaître que le potentiel de croissance est limité. En Italie par exemple, alors que la valeur ajoutée des activités d’édition a reculé de 10 % entre 2010 et 2016, les PME, qui représentent 57 % de la valeur ajoutée totale, ont vu leur part augmenter de 10 points.
Dans les télécommunications en revanche, même si les PME n’ont établi de liens étroits qu’avec une poignée seulement de (grandes) entreprises phares du secteur, la part de valeur ajoutée qui leur est imputable a augmenté dans bon nombre de pays, dans un secteur en expansion, ce qui semble refléter la prestation de services spécialisés en amont aux grandes entreprises, mais aussi d’autres activités, comme l’achat d’accès et de capacité de réseaux aux profit de grandes entreprises (d’où l’arrivée de nouveaux fournisseurs de moindre envergure sur des créneaux très spécialisés).
Dans les services d’information (63), activité en plein essor, les résultats des PME sont toutefois inférieurs à ceux des grandes entreprises, sauf en France, au Danemark et au Royaume-Uni, où la contribution des PME à la valeur ajoutée du secteur a augmenté.
Par ailleurs, en dépit de la baisse du coût des biens d’équipement informatiques, de nombreux pays ont observé un recul du poids économique des PME dans les activités de programmation informatique (62), un secteur qui connaît pourtant une expansion généralisée. C’est en Hongrie, en Pologne, et en République slovaque que ce recul est le plus manifeste.
La dynamique entrepreneuriale et les PME
Les créations de PME ont été un important vecteur de croissance de l’emploi dans le secteur des services dans la plupart des pays, mais la taille de l’entreprise demeure un élément important dans les activités de fabrication
Même si la structure de la population des PME a relativement peu évolué dans la plupart des pays, les PME ont largement contribué à la croissance globale de l’emploi dans le secteur des services marchands entre 2010 et 2016, principalement grâce aux entrées dans la population des PME (Graphique 1.5 et Tableau d’annexe 1.C.1) et, éventuellement, d’un effet rebond à la faveur de l’atténuation progressive des effets de la crise.
Cette situation reflète en partie la part relative des PME dans l’emploi global du secteur des services ; d’une manière générale, plus le pays est grand plus la contribution des PME est réduite – même si dans certains grands pays comme l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, les PME ont largement alimenté la croissance de l’emploi.
Aux États-Unis, en revanche, la croissance de l’emploi dans le secteur des services est presqu’exclusivement imputable à l’augmentation du nombre de grandes entreprises (y compris des PME devenues de grandes entreprises) ; en outre la taille moyenne des PME américaines augmente, contrairement à celle de leurs homologues françaises et britanniques. En Italie, la baisse du nombre de PME et leur faible taille moyenne pénalisent la création d’emplois dans le secteur.
Les performances des PME ont été plus faibles dans le secteur des activités de fabrication. De fait, les grandes entreprises ont soutenu la croissance de l’emploi dans la quasi-totalité des pays où l’emploi manufacturier a progressé entre 2010 et 2016. Dans les pays où il a diminué, comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce, cette contraction est presque intégralement imputable à des fermetures de PME.
Les créations d’entreprises ont renoué avec les niveaux d’avant la crise dans bon nombre de pays
L’augmentation du nombre d’emplois créés par les PME va de pair avec l’augmentation des créations d’entreprises. Après une période de déclin dans le sillage de la crise mondiale, le nombre de créations d’entreprises est reparti à la hausse dans la plupart des pays depuis 2013-14. Dans plusieurs pays, comme la France, le Japon et le Royaume-Uni, les créations d’entreprises en 2016-17 ont été plus nombreuses qu’avant la crise et qu’au début des années 2000 (Graphique 1.6).
Même si le nombre d’entrées dans la population des entreprises affiche une tendance globalement positive, il convient de faire preuve de prudence dans l’interprétation des données. En effet, les taux de naissances (à savoir le nombre de créations d’entreprises rapporté au stock total d’entreprises) restent inférieurs à leurs niveaux d’avant la crise dans de nombreux pays, même si l’évolution récente est orientée à la hausse (au Royaume-Uni par exemple) ou montre des signes de stabilisation (comme aux États-Unis) (Graphique 1.7) (voir aussi l’Annexe 1.C).
Au moment de tirer des conclusions sur le dynamisme entrepreneurial de fond, il est particulièrement intéressant de noter que, dans les nombreux pays où les taux de naissances d’entreprises ont augmenté, cette évolution a été associée à une diminution de la taille moyenne des nouvelles entreprises (OECD, 2017[4]), ce qui signifie que la part des créations d’emplois imputables aux créations d’entreprises, en pourcentage de l’emploi total, a progressé plus lentement que les taux de naissances.
La diminution de la taille moyenne peut être le signe de gains de productivité et d’une aptitude à tirer parti de nouvelles technologies (numériques) génératrices d’économies de main d’œuvre, mais peut aussi refléter d’autres facteurs qui ne sont pas nécessairement propices à une croissance de la productivité sur le long terme ; c’est le cas, par exemple, si l’augmentation du nombre de créations d’entreprises résulte de facteurs d’incitation negatifs (resserrement budgétaire et effet de seuil pour les cotisations sociales) et non de facteurs d’attraction (débouchés commerciaux). On note à cet égard de fortes disparités entre les pays. Si les nouveaux emplois imputables aux créations d’entreprises représentaient en moyenne 4 % de l’emploi total en 2014 et 2015, les taux de créations d’emploi s’échelonnaient entre 7 % à 10 % en Turquie et 1 % en Irlande (Graphique 1.7).
Les PME et la productivité
Bon nombre des emplois créées par les PME l’ont été dans des activités à faible productivité…
En dépit des signes de redressement du nombre de créations d’entreprises qui se font jours depuis quelques années, les nouveaux emplois ne sont pas systématiquement créés dans des secteurs à forte productivité et en forte croissance. Dès lors, un accroissement du nombre de créations d’entreprises dans des activités faiblement productives peut peser négativement sur les niveaux de productivité et même sur la croissance de la productivité observée dans les pays développés au cours des dernières décennies (OECD, 2018[5]).
Dans les grandes économies, en moyenne, entre 2010 et 2016, la hausse de l’emploi dans les activités ayant une productivité du travail inférieure à la moyenne était de deux à quatre fois supérieure à celle des activités dont la productivité du travail est supérieure à la moyenne. Aux États-Unis, par exemple, 9.7 millions d’emplois ont été créés entre 2010 et 2016 dans les activités ayant une productivité du travail inférieure à la moyenne, soit plus de quatre fois plus que dans les activités dont la productivité du travail est supérieure à la moyenne (2.4 millions d’emplois créés). On trouve des chiffres comparables dans d’autres grandes économies, avec respectivement : 0.5 million et 0.2 million au Canada ; 0.4 million et 0.2 million en France ; 1.5 million et 0.6 million en Allemagne ; moins 0.02 million et moins 0.2 million en Italie ; et 1.9 million et 0.6 million au Royaume-Uni.
Dans la quasi-totalité des grands pays de l’OCDE, les trois secteurs ayant dégagé les gains nets d’emplois les plus importants sur la période 2010-16 affichaient une productivité inférieure à la moyenne, la restauration et les activités de soins de santé dispensés en établissement occupant une large place dans la plupart des pays (Tableau 1.1, Partie A).
Seule la France a connu un secteur, à savoir le services juridiques, de comptabilité et de gestion et de conseil en gestion, avec une productivité du travail supérieure à la moyenne dans les trois premiers secteurs. En revanche, dans les secteurs qui avaient perdu le plus d’emplois (nets) au cours de la même période, la plupart des grandes économies ont eu dans les trois premiers au moins un secteur avec une productivité du travail au-dessus de la moyenne ; tous trois dans le cas des États-Unis (Tableau 1.1, Partie B).
Tableau 1.1. Création et destruction nettes d’emplois entre 2010 et 2016 (ou dernière année pour laquelle des données sont disponibles)
|
Code CITI rév.4 |
Désignation de l’activité |
Création nette d’emplois |
Niveau de productivité du travail du secteur |
---|---|---|---|---|
Partie A. Les trois secteurs ayant créé le plus d’emplois nets, pays du G7, en milliers de personnes |
||||
CAN |
G47 |
Commerce de détail, à l’exception des véhicules automobiles et de motocyles |
141 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
I56 |
Activités de services de restauration et de consommation de boissons |
64 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
P85 |
Éducation |
50 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
FRA |
Q_87_88 |
Activités de soin de santé dispensés en établissement ; Activités d’action sociale sans hébergement |
128 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
Q86 |
Activités relatives à la santé |
114 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
M_69_70 |
Activités juridiques et comptables ; Activités de conseils en matière de gestion |
94 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
|
DEU |
Q86 |
Activités relatives à la santé |
357 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
Q_87_88 |
Activités de soin de santé dispensés en établissement ; Activités d’action sociale sans hébergement |
306 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
N_80_82 |
Activités de sécurité et d’enquêtes ; Activités des services concernant les bâtiments, architecture paysagère ; activités d’appui administratif, de secrétariat, et autres activités d’appui aux entreprises |
189 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
ITA |
I_55_56 |
Activités d’hébergement et de restauration |
214 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
T_97_98 |
Activités des ménages privés employant du personnel domestique ; Activités non différenciées de production de biens et de services des ménages privés pour usage propre |
135 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
Q_87_88 |
Activités de soin de santé dispensés en établissement ; Activités d’action sociale sans hébergement |
86 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
GBR |
I_55_56 |
Activités d’hébergement et de restauration |
334 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
N_80_82 |
Activités de sécurité et d’enquêtes ; Activités des services concernant les bâtiments, architecture paysagère ; activités d’appui administratif, de secrétariat, et autres activités d’appui aux entreprises |
292 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
M_69_70 |
Activités juridiques et comptables ; Activités de conseils en matière de gestion |
249 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
USA |
Q86 |
Activités relatives à la santé |
1 457 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
F_41_42_43 |
Construction |
1 251 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
I56 |
Activités de services de restauration et de consommation de boissons |
1 214 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
Partie B. Les trois secteurs ayant détruit le plus d’emplois nets, pays du G7, en milliers de personnes |
||||
CAN |
N80 |
Activités de sécurité et d’enquêtes |
-8 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
O84 |
Administration publique et défense ; sécurité sociale obligatoire |
-12 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
|
N82 |
Activités d’appui administratif, de secrétariat, et autres activités d’appui aux entreprises |
-15 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
FRA |
G45 |
Commerce de gros et de détail, réparations de véhicules automobiles et de motocycles |
-40 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
T_97_98 |
Activités des ménages privés employant du personnel domestique ; Activités non différenciées de production de biens et de services des ménages privés pour usage propre |
-42 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
F_41_42_43 |
Construction |
-76 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
DEU |
J58 |
Activités d’édition |
-43 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
S96 |
Autres activités de services personnels |
-44 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
O84 |
Administration publique et défense ; sécurité sociale obligatoire |
-180 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
ITA |
A01 |
Culture et production animale, chasse et activités de services connexes |
-66 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
O84 |
Administration publique et défense ; sécurité sociale obligatoire |
-120 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
|
F |
Construction |
-403 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
GBR |
C18 |
Imprimerie et reproduction de supports enregistrés |
-27 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
K64 |
Activités de services financiers, à l’exception des assurances et des caisses de retraite |
-46 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
|
O84 |
Administration publique et défense ; sécurité sociale obligatoire |
-260 |
Productivité du travail inférieure à la moyenne |
|
USA |
G46 |
Commerce de gros, à l’exception des véhicules automobiles et des motocycles |
-164 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
J60 |
Activités de programmation et de diffusion |
-173 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
|
O84 |
Administration publique et défense ; sécurité sociale obligatoire |
-296 |
Productivité du travail supérieure à la moyenne |
Note : La productivité moyenne du travail correspond à la valeur ajoutée brute par personne occupée dans l’économie totale.
Source : (OECD, 2018[5]), OECD Compendium of Productivity Indicators 2018, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/pdtvy-2018-en.
On l’a vu, une grande part de l’ensemble des emplois créés l’ont été par de nouvelles entreprises et, dans bon nombre de pays, dans des secteurs ayant une productivité inférieure à la moyenne (voir Graphique 1.8 et Graphique d’annexe 1.C.3) : par exemple, le secteur de l’hébergement et de la restauration en Grèce, en Irlande et au Royaume-Uni ; le secteur de la construction en Italie et en Norvège ; et le commerce de gros et de détail dans la plupart des pays4.
… ce qui se répercute défavorablement sur les salaires
Il existe une étroite corrélation entre les niveaux de rémunération du travail et les niveaux de productivité du travail ; c’est pourquoi l’augmentation du nombre d’emplois dans des activités à faible productivité du travail s’est traduite par une augmentation du nombre d’emplois assortis de salaires inférieurs à la moyenne, qui ont contribué à faire baisser le salaire moyen dans l’ensemble de l’économie. Entre 2010 et 2016, par exemple, près de 90 % de la totalité des emplois créés en France l’ont été dans des activités où les salaires sont inférieurs à la moyenne ; près des deux tiers en Allemagne et au Royaume-Uni, et plus des trois quarts aux États-Unis (Tableau 1.2).
Tableau 1.2. Évolution de l’emploi entre 2010 et 2016, ou dernière année pour laquelle des données sont disponibles
En milliers de personnes
Pays |
Rémunération du travail inférieure à la moyenne et productivité du travail inférieure à la moyenne en 2010 |
Rémunération du travail inférieure à la moyenne et productivité du travail supérieure à la moyenne en 2010 |
Rémunération du travail supérieure à la moyenne et productivité du travail inférieure à la moyenne en 2010 |
Rémunération du travail supérieure à la moyenne et productivité du travail supérieure à la moyenne en 2010 |
---|---|---|---|---|
CAN |
228 |
-7 |
245 |
197 |
FRA |
479 |
-2 |
-101 |
169 |
DEU |
1 247 |
21 |
157 |
624 |
ITA |
-99 |
1 |
5 |
-175 |
GBR |
1 498 |
72 |
414 |
515 |
USA |
8 752 |
626 |
1 039 |
1 785 |
Note : Les données relatives au Canada portent sur la période 2010-2013 ; celles relatives à la France, l’Allemagne et l’Italie sur la période 2010-2015. Au moment de la rédaction du Compendium de l’OCDE sur les indicateurs de productivité, les données concernant l’Italie relatives à la période 2010-2016 n’étaient disponibles qu’au niveau de l’ensemble de l’économie et faisaient apparaître une création nette d’emplois égale à 56 000 personnes.
Source : (OECD, 2018[5]), OECD Compendium of Productivity Indicators 2018, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/pdtvy-2018-en.
De plus, les salaires réels, corrigés de l’inflation au moyen de l’indice des prix à la consommation, ont progressé moins vite que la productivité du travail dans bon nombre de pays (Graphique 1.9) (OECD, 2018[5] ; Schwellnus, Kappeler et Pionnier, 2017[6]). De fait, la rémunération nette par heure travaillée, corrigée de l’IPC (qui offre un meilleur indicateur du pouvoir d’achat réel du point de vue des ménages que le déflateur du PIB), a baissé entre 2010 et 2016 au Portugal, en Espagne et au Royaume-Uni. Cela étant, dans certains pays comme l’Allemagne et les États-Unis, la rémunération réelle a suivi la hausse (certes modeste) de la productivité du travail ces dernières années, contribuant à enrayer le découplage qui s’était opéré avant la crise.
Le découplage des salaires et de la productivité peut accentuer les inégalités…
Même dans les pays où le découplage des salaires et de la croissance de la productivité du travail au niveau de l’ensemble de l’économie est limité, cette situation peut masquer d’importantes disparités entre secteurs (OECD, 2018[5]). En France, par exemple, où le découplage au niveau de l’ensemble de l’économie a été limité, 41 secteurs sur 63 (selon la classification de la CITI rév. 4) ont connu un découplage dans la période qui a suivi la crise, le plus marqué intervenant dans les secteurs des services de transport par voies navigables et des services de télécommunications. De même, au Royaume-Uni et en Italie, plus de la moitié des secteurs ont vu la rémunération du travail progresser moins vite que la productivité du travail, les écarts les plus béants étant observés dans la pêche et l’aquaculture et dans l’éducation au Royaume-Uni et dans les produits métallurgiques de base et les produits minéraux non métalliques en Italie. Aux États-Unis et en Allemagne, en revanche, les salaires réels ont augmenté plus vite que la productivité dans la plupart des secteurs (40 secteurs sur 58 aux États-Unis et 37 sur 63 en Allemagne), reflétant l’amélioration de la conjoncture économique. Dans toutes les grandes économies, les secteurs ayant affiché les plus fortes hausses des créations nettes d’emplois sont aussi ceux où les salaires ont augmenté plus vite, ou au même rythme, que la productivité du travail.
Bon nombre des secteurs où la croissance des salaires n’a pas suivi celle de la productivité se caractérisent par une proportion relativement forte de PME. Sachant que les salaires moyens dans les PME sont de manière générale nettement inférieurs à ceux des grandes entreprises (Graphique 1.10), et que cet écart est très marqué dans certains pays, comme le Mexique, ce découplage est susceptible d’accentuer les inégalités de revenu entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises.
Le Graphique 1.11 présente une analyse plus détaillée de l’écart entre les PME et les grandes entreprises sur le plan de la productivité et de la rémunération par salarié, et montre que dans certains pays et certains secteurs, les PME peuvent, en fait, afficher une productivité du travail plus élevée que les grandes entreprises. Cela étant, même dans les secteurs où ce cas de figure se présente, les PME versent presque toujours des salaires moyens inférieurs. Dans le secteur de la chimie en Autriche, par exemple, les PME ont une productivité du travail supérieure d’un tiers à celle des grandes entreprises mais versent des salaires inférieurs de 20 %.
Il est à noter qu’au sein des secteurs, les écarts entre les PME et les grandes entreprises varient considérablement d’un pays à l’autre, ce qui laisse à penser qu’il existe un réel potentiel d’amélioration de la productivité dans les pays les moins performants en la matière.
… et les écarts de productivité entre les PME et les grandes entreprises se creusent…
Depuis 2008, les écarts de productivité se sont creusés entre les PME et les grandes entreprises (Graphique 1.12) dans la plupart des pays, ce qui pourrait en partie refléter une concentration accrue du marché. Ce phénomène est particulièrement sensible en Suisse, aux Pays-Bas, en Italie et en Turquie.
Dans les activités de fabrication, caractérisées par des processus de production à forte intensité capitalistique, la productivité des grandes entreprises est systématiquement supérieure à celle des PME. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les écarts se sont légèrement creusés au cours de la décennie écoulée, alors qu’ils se sont resserrés dans d’autres grandes économies européennes, comme l’Espagne et la Pologne, notamment entre les moyennes et les grandes entreprises (Graphique 1.12, Partie A). Paradoxalement, aux États-Unis entre 2007 et 2012 (période pour laquelle des données sont disponibles), la productivité du travail relative des PME de ce secteur a progressé de façon marginale, ce qui laisse penser que si les retombées positives de la productivité ont marqué le pas, l’impact sur ce secteur (moins touché par les problèmes de concentration) a été tout au plus limité.
… mais des PME très compétentes sur un créneau spécifique peuvent surpasser les grandes entreprises
Dans les activités professionnelles, scientifiques et techniques, toutefois, où les créations de PME ont été relativement nombreuses dans beaucoup de pays (qui englobent les activités des agences de publicité et des sociétés de conseil, y compris les services juridiques etc.), les micro-entreprises peuvent s’avérer aussi productives que les grandes ; c’est le cas notamment en France, au Royaume-Uni et en Suède (Graphique 1.12, Partie B).
Même si dans la plupart des pays, tous secteurs confondus, les micro-entreprises accusent un important retard de productivité par rapport aux grandes entreprises, l’exemple de la France, du Royaume-Uni et de la Suède dans les activités professionnelles donne à penser que d’importants gains de productivité sont envisageables.
Présence des PME sur les marchés mondiaux
La participation des PME aux échanges internationaux peut contribuer à réduire l’écart salarial avec les grandes entreprises…
Depuis quelques années, on déplore que la répartition des bénéfices de la mondialisation n’a pas été équitable au sein de chaque économie, ce qui a pu accentuer des écarts salariaux existant de longue date entre les petites et les grandes entreprises (OECD, 2017[7]). Dans les pays de l’OCDE, plus l’entreprise est petite, plus la rémunération moyenne par salarié décroche sensiblement par rapport à celle des grandes entreprises, sachant que même dans les grandes PME, le niveau de rémunération est inférieur d’environ 20 % à celui des entreprises plus grandes. Ce décrochage correspond pour une large part à l’écart de productivité, mais il semble que le volume des exportations directes des PME y soit aussi pour quelque chose. Dans les pays où les PME réalisent une part relativement importante des exportations, par exemple, la différence entre le salaire moyen des PME et des grandes entreprises est moins marquée (Graphique 1.13).
Au regard de leur contribution à l’activité économique globale et à l’emploi, les PME ne réalisent qu’une faible proportion des exportations. On l’a vu, dans la plupart des économies de l’OCDE, les PME représentent 99 % des entreprises, environ deux tiers de l’emploi total et plus de la moitié de la valeur ajoutée du secteur marchand. Dans la plupart des pays, leur contribution aux exportations totales est comparable à leur contribution à la valeur ajoutée (Graphique 1.14)
La contribution relativement modeste des PME à l’ensemble des exportations est en partie le reflet de leur faible présence notamment dans les activités extractives et les activités de fabrication (secteur industriel), où interviennent des économies d’échelle. De fait, la proportion de PME industrielles actives à l’exportation est nettement inférieure à la proportion correspondante de grandes entreprises. Dans la plupart des pays, par exemple, une forte majorité (voire la totalité) des grandes entreprises industrielles sont exportatrices, contre 5 % à 40 % seulement des PME (Graphique 1.15).
… et la participation des PME aux chaînes de valeur mondiales leur ouvre l’accès aux marchés étrangers et à de nouvelles sources de croissance…
L’expérience montre que, dans les pays de l’OCDE, la prise en compte des seules exportations directes réalisées par les PME donne une représentation tronquée de la réalité de la place des petites entreprises dans les exportations brutes d’un pays. Lorsque leur rôle de fournisseurs d’intrants aux gros exportateurs directs est pris en compte, le poids des PME dans les exportations s’accroît de manière considérable. En République slovaque, par exemple, les PME représentent 34 % des exportations brutes, mais 56 % de la valeur ajoutée totale contenue dans les exportations du pays (Graphique 1.16).
Les circuits indirects revêtent une importance particulière pour les PME indépendantes (c’est-à-dire celles qui n’appartiennent pas à une entreprise nationale de plus grande taille ni à une entreprise étrangère). Ainsi, en Norvège, par exemple, 4 % seulement de la valeur ajoutée totale générée par les micro-entreprises et les PME indépendantes sont directement exportés, mais 23 % supplémentaires sont intégrés dans les exportations effectuées par d’autres entreprises (Graphique 1.17).
Les exportations indirectes des PME sont particulièrement conséquentes dans les secteurs où les CVM occupent une grande place et où l’échelle joue un rôle important. Dans le secteur des matériels de transport, par exemple, les PME comptent pour plus de 40 % de la valeur ajoutée totale exportée des États-Unis, sachant que la quasi-totalité de cette contribution est le fait de fournisseurs de pièces et de services en amont (OECD, 2017[7]). Cette forme indirecte d’internationalisation permet aux PME d’accéder aux marchés étrangers et à de nouvelles sources de croissance, sans avoir à supporter les coûts liés aux échanges commerciaux.
Les PME peuvent aussi bénéficier des intrants provenant des CVM (Lopez Gonzalez, 2016[8] ; López González et Jouanjean, 2017[9]). Des études récentes ont montré que les entreprises qui utilisent le plus de biens et de services importés sont plus productives et davantage en mesure de faire face aux coûts induits par les activités d’exportation (Bas et Strauss-Kahn, 2014[10] ; Bas et Strauss-Kahn, 2015[11]). Les PME, y compris celles qui n’exportent pas, peuvent améliorer leur productivité en s’appuyant sur des importations moins chères et plus sophistiquées ; en exploitant de nouvelles technologies intégrées à de nouveaux biens d’équipement moins onéreux ; et en profitant d’un meilleur accès aux nouvelles technologies par l’interaction avec des entreprises tournées vers l’international, notamment à travers les liens issus de l’investissement étranger. L’ensemble de ces circuits peut aussi conduire les PME à vouloir se spécialiser sur certains segments de la chaîne de valeur où elles possèdent un avantage comparatif et dont elles favoriseront la montée en gamme.
Les avantages à tirer de la participation aux CVM, y compris en termes de gains de productivité, dépendent de la position occupée au sein des réseaux de production mondiale et de la nature des liens interentreprises. Les entreprises et les secteurs situés au centre de réseaux de production complexes ont accès à une plus grande diversité d’intrants étrangers, et potentiellement à une offre technologique plus étendue, par rapport à ceux qui se trouvent à la périphérie. Les petites entreprises affichent des gains de productivité plus rapides dans les secteurs devenus centraux pour la production mondiale que dans les secteurs périphériques, mais aussi dans les secteurs caractérisés par des liens plus solides avec des acheteurs et/ou des fournisseurs étrangers plus productifs (Criscuolo et Timmis, 2018[12]).
Parallèlement, une intégration mondiale plus étroite n’est pas sans conséquences pour les entreprises exerçant sur les marchés locaux car elle se traduit par une intensification de la concurrence s’accompagnant parfois d’effets délétères sur les économies locales, ce qui impose aux petites entreprises d’approfondir leurs connaissances des marchés et de gagner en productivité.
Les CVM amplifient l’importance des politiques relatives aux échanges de biens et de services. L’ouverture aux échanges et à l’investissement, la facilitation des échanges, la protection de la propriété intellectuelle et la qualité des infrastructures et des institutions sont des conditions essentielles à la participation des PME aux marchés mondiaux. Toutefois, bien que certains coût commerciaux aient considérablement baissé ces dernières années, notamment grâce à l’expansion des plateformes numériques, d’autres coûts subsistent. Réformer des procédures fastidieuses ou contraignantes aux frontières peut réduire le coût des échanges de 12 % à 18 %, en fonction du niveau de développement du pays (Blanchenay, Criscuolo et Calvino, 2016[2]). Une étude de l’OCDE montre que l’ouverture des marchés de services avantagerait en premier lieu les PME. S’agissant par exemple des prestations de services transfrontières, un niveau moyen de restrictivité des échanges de services impose aux PME l’équivalent d’un supplément de 14 % en droits de douane par rapport aux grandes entreprises (OECD, 2017[1]).
Il existe actuellement très peu de statistiques permettant de procéder à des analyses sur ce sujet, mais là où elles existent, elles apportent des éclairages particulièrement intéressants. On dispose par exemple de données relatives aux pays nordiques – celles-ci indiquent que les PME ont systématiquement moins recours que les grandes entreprises à des biens et services étrangers pour produire des exportations (Graphique 1.18). En outre, les chiffres montrent que les PME dépendantes sont plus intégrées que les indépendantes du point de vue des importations, ce qui indique qu’elles tirent parti de ces liens pour surmonter les obstacles à l’importation.
… et accentue les pressions concurrentielles sur les marchés locaux
Si les chaînes de valeur mondiales ouvrent des possibilités d’accès à de nouveaux marchés (voir aussi le chapitre 3), et, partant, de croissance, de façon directe ou indirecte pour les PME, elles ouvrent aussi la voie à une intensification de la concurrence sur les marchés locaux, en particulier dans les secteurs et activités à faible productivité (donc à forte intensité de main d’œuvre), puisque les grandes entreprises, notamment les multinationales, exploitent l’internationalisation de l’approvisionnement en biens intermédiaires en se tournant vers des pays où les coûts salariaux – et bien souvent la réglementation – sont moindres. Les éléments tirés de base de données telles que celle de l’OCDE-OMC sur les échanges en valeur ajoutée confirment que l’on observe une part croissante de contenu étranger – il s’agit en général d’activités peu qualifiées (comme l’assemblage) réalisées dans des pays à faible revenu où la main d’œuvre bon marché est abondante – dans les modes d’approvisionnement des pays à haut revenu.
Cette concurrence étrangère peut être particulièrement lourde de conséquences pour les PME situées en amont de la chaîne de valeur (qui produisent des pièces pour des entreprises plus grandes, par exemple), surtout si la concurrence est le fait de grandes entreprises étrangères en mesure d’exploiter des économies d’échelle. La forte disparité des salaires moyens, y compris entre les pays de l’OCDE, laisse supposer que la marge de manœuvre dont disposent les grandes entreprises pour tirer parti des CVM est loin d’être insignifiante (Graphique 1.19). Il en résulte par exemple que les salariés des micro-entreprises du secteur des activités de fabrication en France gagnaient environ deux fois plus que les salariés des grandes entreprises au Portugal en 2015. S’agissant de la fabrication d’ordinateurs et de matériel électronique, les différences entre les pays sont encore plus criantes, puisque les salaires versés par les micro-entreprises finlandaises sont plus de deux fois supérieurs à ceux versés aux États-Unis.
Dans une certaine mesure, cette situation accentue la difficulté potentielle pour les PME où les salaires sont élevés, puisque les décisions d’externalisation ne sont pas fondées uniquement sur les écarts salariaux relatifs, mais sur de nombreux autres facteurs qui déterminent le modèle d'approvisionnement d’une entreprise (livraisons en flux tendus, coûts liés aux échanges – obstacles internes aux échanges, droits de douane et transport –, coûts de la réglementation, fiablité, etc.), dont l’un des plus importants est la productivité relative. Généralement, dans les pays où les coûts de main d’œuvre sont relativement faibles, la productivité du travail l’est également (Graphique 1.20).
Cela étant, les différences relatives dans la productivité du travail sont moins marquées que les différences de coût du travail. À titre d’exemple, les grands producteurs portugais affichent globalement la même productivité du travail que les micro-entreprises françaises. S’agissant du coût unitaire de main-d’œuvre (rémunération par salarié rapportée à la productivité), l’Autriche, l’Estonie et l’Allemagne présentent des nivaux comparables quelle que soit la taille de l’entreprise (Graphique 1.21).
L’industrie textile compte parmi les secteurs ayant subi le plus de transformation sous l’effet des CVM au cours des deux décennies écoulées, principalement parce que la confection, en bout de chaîne, demeure une activité à forte intensité de main-d’œuvre, exécutée par des travailleurs peu qualifiés, qui, dans de nombreux pays, a été délocalisée vers des pays à bas salaires. Pour l’heure, en tout cas, la confection reste relativement épargnée par l’automatisation, et, dans les pays développés, les entreprises du secteur se spécialisent dans la conception, souvent dans le tissu et la confection haut de gamme ; alors que dans les pays à faible revenu, les entreprises sont spécialisées dans la confection basique. Dans ce secteur, on observe un net recul du nombre de PME dans bon nombre de pays de l’OCDE au cours des 16 dernières années, notamment en Italie, en Espagne, au Danemark et au Chili (Graphique 1.22) et une contraction de l’emploi encore plus marquée.
Pourtant, en dépit de la rapidité de ce repli, les PME ont vu leur part de marché locale augmenter dans tous les pays, à la suite, bien souvent, d’un recentrage sur des activités très spécialisées à plus forte valeur ajoutée. La France, par exemple, où la part des PME dans la production de ce secteur est passée de 75 % en 2000 à 89 % en 2016, s’est spécialisée sur les tissus techniques à forte valeur ajoutée (qui représente un quart de la production européenne) ; de ce fait, même si le nombre de salariés du secteur a nettement chuté (passant de près de 92 000 personnes en 2000 à 35 000 à peine en 2016), le nombre d’entreprises a quant à lui augmenté (de 5.5 à 6.6 mille), le chiffre d’affaires par salarié a progressé de plus de 40 %, les exportations par salarié ont quasiment doublé, et les salaires (qui comptent parmi les plus élevés de l’OCDE) sont passés d’un niveau inférieur de 10 % au salaire moyen tous secteurs confondus à un niveau supérieur de 10 %.
D’autres pays de l’OCDE ont adopté des stratégies différentes pour faire face à la concurrence des importations à faible prix. En Espagne par exemple, où les chiffres et l’emploi dans les PME ont connu un chute vertigineuse, les exportations ont augmenté de plus de 50 % sur la période, les entreprises tirant parti des importations intermédiaires de produits textiles à petits prix (la part de contenu étranger dans les exportations espagnoles est passée de 27.5 % en 2000 à plus de 35 % en 2014) mais, vraisemblalement, uniquement grâce à de fortes réductions de coût, puisque les salaires relatifs, qui étaient de 97 % du salaire moyen de l’économie en 2000, se situaient à 85 % du salaire moyen en 2016.
La transformation numérique offre aux PME de nouvelles possibilités de renforcer leurs performances, en termes de croissance, d’innovation et d’internationalisation…
Les technologies numériques évoluent rapidement, se combinent souvent de façon imprévue, et influent à grande échelle sur les structures de marché et les conditions de concurrence des PME (voir le chapitre 3 sur les conditions de marché). L’évolution des attentes des clients et des processus de la chaîne d’approvisionnement pousse à transformer les modèles économiques de façon à les adapter à une ère numérique caractérisée par une connexion permanente et une portée mondiale instantanée. Les technologies numériques avancées ont non seulement transformé mais déstabilisé bon nombre de secteurs traditionnellement dominés par des PME, notamment le transport (avec Uber, par exemple), la restauration (Deliveroo), l’immobilier (un large éventail de plateformes en ligne), les voyages et l’hébergement (Expedia, Booking.com, AirBnb) (voir aussi le chapitre 7 sur l’accès aux actifs d’innovation).
La transformation numérique influe donc largement sur les conditions de marché et les performances des PME, par l’intermédiaire d’outils numériques peu onéreux (matériel TIC) permettant aux entreprises innovantes de prendre pied sur le marché ; par la fourniture de services numériques qui rapprochent les consommateurs et les producteurs ; ou par la possibilité d’accéder à de nouvelles places de marché (notamment internationales) via des plateformes numériques d’intermédiation, comme Amazon ou le site collaboratif Task Rabbit, et d’autres sites web d’entreprises dédiés.
De fait, la révolution numérique donne aux PME la possibilité d’avoir d’emblée une vocation mondiale et ouvre de nouveaux horizons de compétitivité grâce à l’innovation de produits ou de service et l’amélioration des processus de production. Par ailleurs, les données massives et l’analytique de données permettent de mieux cerner les processus internes de l’entreprise, les besoins de ses clients et de ses partenaires, et l’environnement économique global dans lequel elles exercent.
L’avènement du numérique a également modifié les possibilités d’expansion ; différents modèles de croissance voient le jour, et certaines entreprises parviennent à atteindre une envergure et une part de marché importantes et un niveau élevé de productivité sans investir massivement dans des actifs corporels. On assiste à l’émergence de jeunes entreprises dotées de structures allégées, qui mettent à profit l’internet pour faire baisser leurs coûts fixes et externalisent de nombreux aspects de leur fonctionnement afin de rester agiles et réactives face au marché (OECD, 2017[13]).
L’utilisation des technologies numériques peut aussi faciliter l’accès des PME aux compétences et aux talents en mettant à leur disposition des sites de recrutement plus efficaces, en leur donnant la possibilité d’externaliser et de recruter en ligne pour des missions spécifiques, et en les mettant en relation avec des partenaires issus de l’économie du savoir (OECD, 2017[13]). Elle peut en outre leur permettre d’accéder plus facilement à toute une gamme d’instruments de financement. La banque mobile et les paiements en ligne ont eu des effets importants sur le financement traditionnel des PME et l’avènement du numérique a donné naissance à de nouveaux services financiers, apportant des solutions innovantes au problème de l’asymétrie de l’information et de l’absence de garanties.
De fait, la croissance de la valeur ajoutée et de l’emploi des PME dans les activités à forte intensité de numérique5 est supérieure à celle des activités à faible intensité de numérique (Graphique 1.23).
… mais bon nombre de PME peinent à saisir les opportunités qui se font jour
À ce jour, un grand nombre de PME n’ont toujours pas tiré parti de ces nouvelles possibilités, bien souvent faute de vison et de ressources suffisantes pour saisir les opportunités offertes par la transformation numérique.
Dans la plupart de pays, l’écart avec les grandes entreprises est minime pour ce qui est de la connectivité simple et de la présence sur le web ; il se creuse en revanche s’agissant de la participation au commerce électronique, et en particulier, de l’adoption d’applications plus sophistiquées. Ainsi, dans les pays de l’OCDE, les progiciels de gestion intégrés (ERP) nécessaires pour gérer les flux d’information des entreprises sont très répandus dans les grandes entreprises (taux d’adoption de 78 % en 2016) mais nettement moins dans les PME (moins de 28 %). L’externalisation des activités de programmation informatique est plus courante de la part des PME, en raison d’un accès plus facile aux logiciels prêts à l’emploi, à la puissance de calcul et aux capacités de stockage inclus dans les services d’infonuagiques offerts par les grandes entreprises (voir le chapitre 7 sur l’accès aux actifs d’innovation). Pourtant, on observe également un écart important s’agissant de l’adoption des service d’infonuagique, ce qui laisse des possibilités de réaliser des économies par rapport aux coûts fixes que représente l’investissement dans les TIC (Graphique 1.24).
Le retard affiché par les PME en la matière résulte essentiellement d’investissement insuffisants dans des actifs intellectuels complémentaires, comme la R-D, les ressources humaines, les changements organisationnels et l’innovation de processus, et a des implications sur la capacité de ces entreprises de faire de l’évolution technologique un vecteur d’innovation et de gain de productivité. En outre, les PME rencontrent des difficultés particulières en matière de gestion de la sécurité numérique et des risques d’atteinte à la confidentialité, principalement par manque de connaissance, de moyens et de compétences techniques pour évaluer et gérer efficacement ces risques (voir le chapitre 6 sur l’accès aux compétences).
En ce qui concerne les PME et les jeunes entreprises qui relèvent les défis de la transformation numérique, les données disponibles indiquent un effet positif sur la confiance et les performances des entreprises. Les résultats de l’enquête sur l’avenir des entreprises (Future of Business Survey) montrent que parmi les PME présentes sur le web (c’est-à-dire ayant une page Facebook), celles qui utilisent une variété d’outils numériques pour promouvoir et commercialiser leurs produits sont davantage susceptibles :
d’avoir une vision positive de l’évolution de leurs effectifs (Graphique 1.25) ; et
de participer aux échanges internationaux (Graphique 1.26).
Encadré 1.2. Future of Business Survey
Lancée en février 2016, l’enquête sur l’avenir des entreprises (Future of Business Survey) est le fruit d’un partenariat entre la Banque mondiale, Facebook et l’OCDE, qui ont conjointement œuvré à son élaboration et son évolution permanente. L’enquête couvre la population des entreprises ayant une présence numérique, notamment une page Facebook, et été menée (chiffre de septembre 2018) dans 42 pays développés et économies émergentes.
L’enquête fournit des informations actualisées sur la perception qu’ont les entreprises de l’environnement économique actuel et futur, de leurs perspectives en matière de création d’emploi et des principaux défis qu’elles rencontrent. Le questionnaire standard permet d’établir un profil des entreprises en fonction de leur taille, de leur âge, du sexe du chef d’entreprise ou du gérant, de la participation aux échanges et de l’usage des outils en ligne. L’enquête comprend aussi des modules spécifiques, portant sur des sujets précis comme les motivations des créateurs d’entreprises ou les sources de financement.
Cette expérience innovante d’un partenariat public-privé dans le domaine de l’élaboration et de la collecte de données contribue à apporter un nouvel éclairage sur les PME dans l’économie numérique.
Conclusions et perspectives
Les PME sont des acteurs clés de l’économie et de l’écosystème global des entreprises. Elles représentent la première source d’emploi et, souvent, de valeur ajoutée, dans les pays. Leurs contributions varient toutefois largement selon les pays et les secteurs. À cet égard, il est essentiel de mieux cerner cette hétérogénéité, dans une optique d’analyse et d’élaboration de politiques fondées sur des données concrètes, a fortiori compte tenu de la révolution numérique à l’œuvre. Cette révolution s’inscrit dans un contexte marqué par un processus de mondialisation couvrant deux décennies, qui pourrait toutefois ralentir à mesure que les tensions commerciales s’exacerbent et que les effets de la transformation numérique et de l’automatisation atteignent les chaînes de valeur mondiales – c’est-à-dire la fragmentation de la production mondiale – qui ont été le fer de lance de la mondialisation.
Les données d’observation montrent qu’un panorama général du secteur des PME ne permet pas de rendre compte de l’impact de ces mégatendances, dans la mesure où elles touchent certaines PME et certains secteurs plus que d’autres. La structure de la population des PME dans son ensemble est globalement stable depuis plusieurs années, la majeure partie des PME exerçant, dans la plupart des pays, des activités où les coûts d’entrée sont relativement faibles, comme dans la distribution ou la construction. La dynamique se modifie profondément dans les sous-secteurs fortement exposés à la transformation numérique, ou en mesure d’en tirer parti, comme le secteur de l’information et de la communication.
Ce constat vaut aussi pour l’exposition à la mondialisation. Si les chaînes de valeur mondiales ont permis aux PME d’être présentes et de se spécialiser au sein des chaînes de valeur sur des tâches qui leur ont ouvert les portes des marchés étrangers (en qualité d’exportateurs directs ou indirects), elles ont aussi perturbé les marchés intérieurs, en raison de la concurrence exercée par des fabricants à bas coûts situés dans d’autres parties du monde, en particulier dans des pays émergents. Dans des secteurs comme celui du textile, par exemple, cette concurrence a eu des conséquences majeures sur les PME du secteur dans les pays développés où les coûts salariaux sont élevés, contraignant un grand nombre d’entre elles à mettre la clé sous la porte, mais incitant d’autres à se mettre à niveau et à monter en gamme dans la chaîne de valeur, en réalisant des tâches à plus forte valeur ajoutée et plus productives. Il est très probable que des effets analogues se soient produits dans d’autres secteurs exposés à la concurrence des pays à bas salaires. Toujours est-il que les chaînes de valeur mondiales ont ouvert des horizons aux PME disposant d’une main d’œuvre qualifiée et exerçant des activités à forte intensité de savoir ; l’analyse des données les concernant, à mesure que des statistiques seront élaborées, constituera une part importante du programme de travail général.
Ces deux mégatendances ont des effets évidents sur les salaires et la productivité, mais elles ne sont pas les seules. Le ralentissement de la productivité observé après la crise a concerné les grandes comme les petites entreprises, dont les performances ont évolué de manière globalement synchrone dans tous les secteurs et les pays. Or, une croissance plus poussive de la productivité limite les possibilités d’augmentation des salaires, et ce n’est pas un hasard si les salaires ont peu progressé au cours des années qui ont suivi la crise, les salaires réels atteignant à peine leur niveau d’avant la crise dans bon nombre de pays.
Les causes possibles du ralentissement de la productivité font l’objet d’un vif débat et de multiples analyses ; on évoque une diffusion moins rapide des technologies, une dynamique favorisant un gagnant unique, les effets à retardement des dernières innovations numériques, et le ralentissement du dynamisme entrepreneurial. Les données factuelles présentées dans ce chapitre permettent de penser qu’un autre facteur est peut-être aussi en cause. Dans la plupart des pays de l’OCDE, le nombre de créations d’entreprise (« entrées ») est en hausse, mais ces nouvelles entrées se produisent-elles dans des activités en forte croissance et à productivité élevée ? Il semble que la réponse soit négative. Dans tous les pays de l’OCDE, la plupart des nouvelles entrées ont lieu dans des activités affichant une productivité et des salaires inférieurs à la moyenne, ce qui peut tirer globalement la productivité de la main d’œuvre et les salaires vers le bas.
Ce phénomène n’est pas nouveau et reflète l’attrait gravitationnel des secteurs à faible coût d’entrée auprès des entrepreneurs en herbe, qu’ils entrent dans leur orbite par choix ou par défaut. La transformation numérique, et en particulier l’économie du travail à la demande et l’économie du partage, a pu ajouter une autre dimension, qui fait que bon nombre de ces nouvelles entreprises ont un potentiel de croissance très limité et que ces « entrepreneurs » soient peu enclins à monter en puissance.
Sachant que dans les PME, le niveau de rémunération par salarié est inférieur de 20 % en moyenne à celui des grandes entreprises (et beaucoup plus dans certains pays), ce constat est important, notamment sur le plan des inégalités. Les politiques publiques visant à favoriser la croissance et la productivité des nouvelles entreprises devront nécessairement cibler les secteurs en mesure de tirer parti des mégatendances que sont la transformation numérique et la mondialisation, d’autant que ces secteurs peuvent être vecteurs de hausses de salaires et de réduction des inégalités. Les PME exportatrices se distinguent des autres PME par une productivité et des salaires plus élevés, et, même si la relation de causalité entre les gains de productivité et les activités d’exportation est complexe, il ne fait pas de doute qu’il s’agit là de deux cibles importantes pour réduire les inégalités.
Parallèlement, on peut obtenir d’importantes retombées sur la croissance économique et l’inclusion en donnant aux petites entreprises établies dans les secteurs traditionnels de l’économie, c’est-à-dire la grande majorité des PME, les moyens et les possibilités d’augmenter leur niveau de productivité, notamment par l’adoption des technologies numériques. De fait, les PME, tous secteurs confondus, sont susceptibles de tirer parti de la plus grande personnalisation de masse et de la réduction des distances et des délais rendues possibles par les technologies numériques. Or, bon nombre de PME tardent à adopter les technologies numériques et à investir dans les actifs intellectuels complémentaires, comme les compétences et les pratiques nécessaires pour gérer les risques numériques, ce qui pourrait compromettre leur transition vers la prochaine révolution de la production et leur participation aux marchés mondiaux, mais aussi limiter les avantages qu’elles pourraient retirer de l’essor de l’innovation ouverte.
Il ressort de ces Perspectives qu’une partie de l’arsenal des politiques publiques permettant d’accroître la productivité des PME traditionnelles et de soutenir la dynamique des entreprises dans les activités en forte croissance est déjà en place, par exemple en ce qui concerne la prise en compte de considérations liées aux PME dans l’action réglementaire et la réduction du fardeau administratif, l’utilisation des données massives et des outils numériques pour offrir aux entreprises des services publics de meilleure qualité et plus personnalisés, le renforcement et le développement d’infrastructures de TIC apportant aux PME une meilleure connectivité, et l’amélioration de l’accès des PME à des ressources stratégiques comme des sources de financement diversifiées, des actifs d’innovation, un plus vaste réservoir de talents et de plus grandes possibilités de développement des compétences pour les travailleurs et les cadres. Cela étant, le rythme des réformes structurelles favorables à la croissance a ralenti ces dernières années et de grandes disparités demeurent entre les PME s’agissant de leur capacité à profiter des avantages de la transformation numérique, y compris dans les services publics. Qui plus est, l’évolution du contexte dans lequel s’inscrit l’action publique, en ce qui concerne notamment les échanges et le développement de nouvelles technologies comme le chaînage par bloc et l’automatisation, impose aux entreprises de faire preuve de souplesse et de capacité d’adaptation.
Nombre de ces évolutions vont dans le sens d’une relocalisation, ce qui offrirait des possibilités de croissance aux PME dans des secteurs marqués par un ralentissement de la croissance, voire une contraction depuis quelques années ; mais elles peuvent aussi constituer un danger si elles se traduisent par une augmentation des coûts d’entrée, sous la forme de l’acquisition directe de biens d’équipement, ou de la nécessité de recourir à des travailleurs plus qualifiés.
Sur un plan plus général, il se peut que les effets de la transformation numérique commencent tout juste à se faire sentir et que les secteurs dans lesquels les PME sont très présentes, comme le commerce de détail et l’immobilier, soient largement affectés à l’avenir. À cet égard, il est essentiel de comprendre dans quel sens vont ces évolutions, et quel peut être leur impact, afin d’élaborer des politiques publiques judicieuses, sachant notamment que ces menaces ouvrent aussi des possibilités aux PME en mesure de s’approprier les nouvelles technologies ou d’en tirer parti – et les données d’observation montrent qu’elles sont à la traîne.
Ces nouvelles évolutions appellent de nouvelles statistiques qui aideraient à apporter des réponses aux questions intéressant les pouvoirs publics. Quelles sont les motivations des créateurs de PME – est-ce un choix assumé ou par défaut ? Les entreprises exposées à la concurrence internationale ont-elles monté en gamme, en misant sur l’innovation, ou mis en place des stratégies de survie en réduisant les salaires ? Comment les PME tirent-elles parti de la transformation numérique – combien s’appuient sur les technologies numériques pour prendre pied sur de nouveaux marchés et/ou réaliser des gains d’efficience ? Les PME qui réussissent sont-elles de vraies PME, sont-elles affiliées à des entreprises plus grandes, ou dans une relation de contrôle ? Les PME peuvent-elles renforcer leur participation aux chaînes de valeur mondiales en nouant des liens avec des entreprises locales plus grandes qui exportent ? Les PME peuvent-elles s’implanter sur les marchés émergents en forte croissance ?
On l’a vu dans ce chapitre, les statistiques officielles apportent de précieux éclairages, notamment sur l’hétérogénéité structurelle de la population des PME, mais il importe de repousser la frontière statistique, ne serait-ce que pour aborder les problématiques qui se font jour.
Références
[14] Ahmad, N. et J. Ribarsky (2018), Towards a Framework for Measuring the Digital Economy, Working Paper for the 16th conference of the International Association of Official Statisticians (IAOS), http://oecd.org/iaos2018/programme/IAOS-OECD2018_Ahmad-Ribarsky.pdf.
[11] Bas, M. et V. Strauss-Kahn (2015), Input-trade Liberalisation, export prices and quality upgrading, Journal of International Economics, https://doi.org/10.1016/j.jinteco.2014.12.005.
[10] Bas, M. et V. Strauss-Kahn (2014), Does importing more inputs raise exports? Firm-level evidence from France, https://doi.org/10.1007/s10290-013-0175-0.
[2] Blanchenay, P., C. Criscuolo et F. Calvino (2016), « Cross-country evidence on business dynamics over the last decade: from boom to gloom? », OECD Science, Technology and Industry Working Papers, OECD Publishing, Paris.
[19] Calvino, F. et al. (2018), « A taxonomy of digital intensive sectors », OECD Science, Technology and Industry Working Papers, n° 2018/14, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f404736a-en.
[12] Criscuolo, C. et J. Timmis (2018), « GVC centrality and productivity: Are hubs key to firm performance? », OECD Productivity Working Papers, n° 14, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/56453da1-en.
[15] Decker, R. et al. (2016), Declining Business Dynamism: Implications for Productivity?, Brookings Institution, Washington, DC.
[16] Haltiwanger, J. (2016), Top ten signs of declining business dynamism and entrepreneurship in the United States, Kauffman Foundation, http://www.kauffman.org/neg/section-3.
[8] Lopez Gonzalez, J. (2016), « Using Foreign Factors to Enhance Domestic Export Performance: A Focus on Southeast Asia », OECD Trade Policy Papers, n° 191, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jlpq82v1jxw-en.
[9] López González, J. et M. Jouanjean (2017), « Digital Trade: Developing a Framework for Analysis », OECD Trade Policy Papers, n° 205, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/524c8c83-en.
[3] OECD (2018), Highlights of entrepreneurship at a Glance 2018, OECD, http://www.oecd.org/sdd/business-stats/EAG-2018-Highlights.pdf.
[5] OECD (2018), OECD Compendium of Productivity Indicators 2018, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/pdtvy-2018-en.
[17] OECD (2018), Opportunities for All: A Framework for Policy Action on Inclusive Growth, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264301665-en.
[18] OECD (2018), The Productivity-Inclusiveness Nexus, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264292932-en.
[4] OECD (2017), Entrepreneurship at a Glance 2017, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/entrepreneur_aag-2017-en.
[7] OECD (2017), « Making trade work for all », OECD Trade Policy Papers, n° 202, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6e27effd-en.
[13] OECD (2017), OECD Digital Economy Outlook 2017, OECD Publishing, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264276284-en.
[1] OECD (2017), Services Trade Policies and the Global Economy, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264275232-en.
[6] Schwellnus, C., A. Kappeler et P. Pionnier (2017), « Decoupling of wages from productivity: Macro-level facts », OECD Economics Department Working Papers, n° 1373, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/d4764493-en.
Annexe 1.A. Élaboration de nouvelles statistiques
Même si la définition de la PME varie selon les pays, en partie en fonction de la taille de l’économie, les statistiques relatives à la taille des entreprises confèrent une base de comparaison. Pour les besoins du chapitre 1, sont considérées comme des PME les entreprises de moins de 250 personnes occupées.
Le paysage des PME présente une très forte hétérogénéité, non pas uniquement en ce qui concerne leur activité industrielle de base – ce qu’elles produisent –, aspect bien couvert dans le système d’information statistique, mais aussi en ce qui concerne les motivations et les modalités de leur activité, aspects sur lesquels les statistiques sont actuellement lacunaires. En l’occurrence, l’hétérogénéité renvoie à un certain nombre de caractéristiques d’entreprises et de modèles économiques comme : activités fondées sur un hobby ; activités de subsistance ; entreprises sociales ; entreprises informelles ; licornes ; gazelles ; entreprise appartenant à un groupe multinational ; entreprises comptant de nombreux clients ; entreprises captives d’un seul client ; entreprises qui exportent, entreprises qui ne s’adressent qu’aux marchés locaux, etc.
Afin de cerner les performances des PME, de les aider à croître et de leur donner les moyens d’améliorer le bien-être, il faut mieux connaître les différentes catégories de PME. Ce chapitre expose ce qu’il est possible d’obtenir avec les données actuelles, en utilisant des informations détaillées sur la composition de la population des entreprises et ses caractéristiques, notamment celles fournies par les bases de données de l’OCDE concernant les statistiques officielles sur les entreprises établies en coopération avec les offices statistiques nationaux des pays membres et partenaires.
Mais ce chapitre a aussi vocation à monter qu’il importe de continuer à repousser la frontière statistique, ne serait-ce que pour pouvoir aborder les problématiques qui se font jour. Les deux défis actuellement les plus pressants sont la transformation numérique et la mondialisation. Si ce chapitre apporte des éclairages utiles sur l’impact potentiel de ces deux défis sur la population des PME à l’aide de la panoplie de statistiques actuellement disponibles, force est de constater que d’importantes lacunes demeurent, qui tiennent en partie à la manière dont les statistiques nationales sur les données structurelles et démographiques des entreprises ont été élaborées à l’origine, et les raisons pour lesquelles elles l’ont été.
Généralement, l’accent était mis sur la production finale de l’entreprise et sur le types d’intrant utilisés dans la production, principalement aux fins de l’établissement des comptes nationaux ; les entreprises étaient classées par secteurs définis essentiellement en fonction de la production finale. Sous l’effet de la mondialisation, et, désormais, de la transformation numérique, cette approche est remise en cause et on s’interroge sur l’opportunité de collecter de nouvelles données dans les systèmes d’information. Ces deux phénomènes ont entrainé une hétérogénéité considérable de l’activité des entreprises, y compris entre celles classées au sein d’un même secteur d’activité. Ainsi, une entreprise fabriquant des ordinateurs, intégrée verticalement, se trouvera classée dans le même secteur qu’un assembleur de composants informatiques, alors même que l’utilisation des capitaux, de la main d’œuvre, des intrants, du capital humain et organisationnel sera sensiblement différente, de même que son exposition aux échanges internationaux et l’adoption des outils numériques.
Certes, il y a eu, et il y a toujours, d’importantes innovations et évolutions dans les systèmes nationaux d’information statistique au fil des années pour remédier à ces lacunes, notamment la création des bases de données sur le Commerce international par caractéristiques économiques des entreprises, sans oublier que les Statistiques démographiques des entreprises sont elles-mêmes une innovation relativement récente destinée à répondre à la demande croissante pour des données et des informations de meilleure qualité sur l’entrepreneuriat et le dynamisme entrepreneurial. Plus récemment, d’importants progrès ont été réalisés sur le plan de la compréhension du rôle des PME dans les chaînes de valeur mondiales, sous l’égide du Groupe d’experts de l’OCDE sur les tableaux élargis des ressources et des emplois, et d’une meilleure connaissance des effets de la transformation numérique (Ahmad et Ribarsky, 2018[14]) ; ces éléments fournissent des éclairages plus pointus sur les intermédiaires numériques ainsi que sur l’économie du travail à la demande. On peut toutefois aller plus loin dans certains domaines, notamment en ce qui concerne les PME et la dynamique des entreprises.
Afin de progresser dans de nouveaux domaines et d’entretenir la dynamique enclenchée dans les domaines déjà couverts, sont formulées dans la présente Annexe les recommandations ci-après :
Envisager la possibilité d’adjoindre des modules aux enquêtes existantes, comme l’enquête sur la population active, afin de déterminer si les travailleurs indépendants ont fait le choix de ce statut de façon assumée ou par défaut, et/ou si ce type d’emploi (en tant qu’activité secondaire ou autre) relève ou non de l’économie du travail à la demande.
Tenir des registres statistiques des entreprises permettant d’établir une distinction entre les PME indépendantes et dépendantes (sociétés affiliées détenues et gérées par des entreprises plus grandes).
Étudier la capacité des registres statistiques des entreprises à recenser (et regrouper) les entreprises en fonction de leur âge (en plus des caractéristiques – secteur d’activité et taille – classiques et complémentaires) et présenter périodiquement dans un tableau des statistiques intégrant cette dimension.
Mettre au point, et diffuser, des indicateurs synthétiques à partir de statistiques existantes qu’il est possible de publier sans enfreindre les règles de confidentialité – par exemple la distribution de la productivité des PME dans chaque secteur d’activité (ou même d’autres agrégats, dont l’ensemble de l’économie), ou des indices de concentration.
Faire en sorte que les statistiques structurelles des entreprises couvrent la totalité des activités économiques (y compris les services financiers) et toutes les variables (ex. : salaires dans le secteur des services).
Étudier la possibilité de développer plus avant les statistiques structurelles et démographiques des entreprises ventilées par région (ex. : production courante, couverture étendue des variables, meilleure comparabilité internationale).
Étudier la possibilité de relier divers ensembles de données et registres, en particulier les registres relatifs à l’emploi et à la population active et les registres au niveau des entreprises.
Examiner, ou renforcer, l’accès aux types de données qui ne sont pas encore suffisamment exploités, notamment les données ouvertes de sources publiques et privées, et continuer à étudier des approches innovantes pour élaborer des statistiques, comme des partenariats public-privé, l’extraction de données à partir de pages web ou des contributions participatives.
Annexe 1.B. Spécialisation par secteur
Annexe 1.C. Taux de création d’entreprises
On assiste depuis quelques années à un vif débat, sur fond de baisse tendancielle de la productivité, autour de l’éventualité d’une « baisse séculaire » des taux de création d’entreprises. L’attention est essentiellement portée sur les États-Unis, pour lesquels on dispose de séries chronologiques relativement longues, remontant jusqu’aux années 1980 (Decker et al., 2016[15] ; Haltiwanger, 2016[16]), mais des études comparables, quoique fondées sur des séries chronologiques plus courtes (Blanchenay, Criscuolo et Calvino, 2016[2]), aboutissent à des conclusions similaires pour d’autres pays.
Il est utile de revenir sur le caractère statistique de la construction des taux de création d’entreprises, et sur la manière dont ils doivent être interprétés. En général dans les analyses, les statistiques relatives aux taux de création d’entreprises sont considérées de la même manière que les taux de naissances calculés pour la population humaine. Toutefois, on oublie souvent que, contrairement à la population humaine, les entreprises existantes ne donnent pas naissance à de nouvelles entrées, et lorsqu’elles créent de nouvelles entreprises, on considère souvent qu’il y a « croissance » de l’entreprise existante et non création d’entreprise.
L’utilisation du nombre d’entreprises existantes (stock) au dénominateur dans le calcul des taux de création d’entreprises est un choix pratique (et produit un indicateur cohérent des taux de décès des entreprises utilisant aussi le stock d’entreprises au dénominateur), mais il faut tenir compte de certaines réserves d’ordre statistique qui peuvent avoir une incidence sur la comparabilité des données dans le temps et entre pays.
Deux pays, par exemple, qui, pour une année donnée affichent exactement le même nombre de créations d’entreprises peuvent avoir des taux de création très différents si leur population d’entreprises diffère, d’où la nécessité de prendre aussi en compte les niveaux de création, pas uniquement les taux.
La partie A du Graphique d’annexe 1.C.1 ci-après présente l’évolution du nombre d’établissements employant des salariés aux États-Unis au cours du dernier quart de siècle, et révèle une tendance nettement à la hausse, malgré le creux dû à la crise, ce qui vient légèrement nuancer la thèse de la « baisse séculaire » (données provenant de la US Small Business Administration). La forte croissance de la population des grands établissements (plus de 500 salariés) immatriculés aux États-Unis a accru la concentration du marché et a pu évincer de nouveaux entrants potentiels (Graphique d’annexe 1.C.2). Cela étant, le nombre d’établissements sans salarié a augmenté d’environ 60 % au cours des 15 dernières années (Graphique d’annexe 1.C.1, Partie B).
Le Graphique d’annexe 1.C.3 fournit une comparaison des taux de naissances d’entreprises en France, en Suède et au Royaume-Uni, qui illustre une nouvelle fois le caractère statistique des taux en montrant qu’une évolution stable ou à la baisse des taux de naissances (graphique de droite) peut aller de pair avec une augmentation du nombre de naissances (graphique de gauche).
Enfin, l’accroissement de la population des entreprises peut aussi aller de pair avec un recul du nombre de créations et une réduction du nombre de faillites et donc avec des niveaux plus faibles de destruction créatrice et, par extension, d’entrepreneuriat. Un gros plan sur le nombre d’entreprises actives, qui a sensiblement progressé dans de nombreux pays malgré une diminution du nombre de nouvelles entreprises permet d’apporter un éclairage supplémentaire et pourrait suggérer que la situation de l’entrepreneuriat au sens le plus large est moins morose que ne le laissent penser les seuls taux de créations d’entreprises (Tableau d’annexe 1.C.1).
Tableau d’annexe 1.C.1. Nombre d’entreprises, emploi et naissances
Économie marchande
|
Nombre d’entreprises |
Personnes occupées |
Naissances d’enterprises |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
|
2005 |
2010 |
2015 |
2005 |
2010 |
2015 |
2005 |
2010 |
2015 |
AUS |
1 614 586 |
1 649 734 |
1 678 411 |
7 480 000 |
7 934 000 |
7 912 000 |
242 861 |
231 024 |
248 898 |
AUT |
313 885 |
426 815 |
413 929 |
2 581 345 |
2 871 123 |
3 004 647 |
24 568 |
34 198 |
28 311 |
BEL |
483 809 |
597 850 |
642 130 |
2 551 169 |
2 771 320 |
2 824 001 |
32 218 |
41 162 |
41 102 |
BRA* |
1 936 862 |
2 244 939 |
31 431 860 |
35 797 020 |
330 419 |
297 494 |
|||
CAN* |
789 290 |
738 880 |
808 330 |
9 502 575 |
9 817 862 |
10 571 770 |
92 560 |
48 810 |
64 720 |
CHE |
293 746 |
384 559 |
395 608 |
2 647 914 |
3 416 639 |
3 451 971 |
10 684 |
11 071 |
27 677 |
CZE |
889 726 |
969 801 |
1 026 355 |
4 081 346 |
3 986 570 |
3 701 741 |
77 672 |
110 880 |
85 645 |
DEU |
2 810 118 |
2 958 720 |
2 795 899 |
22 650 420 |
23 334 510 |
28 071 530 |
283 105 |
258 076 |
198 135 |
DNK |
205 145 |
212 593 |
217 960 |
1 413 589 |
1 331 449 |
1 754 365 |
26 939 |
23 266 |
24 283 |
ESP |
3 047 021 |
3 102 016 |
2 970 947 |
13 780 000 |
12 508 930 |
11 711 550 |
317 273 |
242 228 |
274 172 |
EST |
62 149 |
70 302 |
82 769 |
432 706 |
408 069 |
455 287 |
6 440 |
7 794 |
8 512 |
FIN |
239 381 |
286 432 |
291 722 |
1 374 143 |
1 418 660 |
1 593 226 |
21 253 |
28 424 |
19 623 |
FRA |
2 220 897 |
2 947 623 |
3 492 052 |
14 840 630 |
16 999 170 |
16 056 040 |
224 819 |
376 631 |
328 884 |
GBR |
1 966 355 |
2 013 225 |
2 326 020 |
18 583 780 |
18 731 650 |
20 466 460 |
265 545 |
210 950 |
343 550 |
GRC |
799 040 |
847 055 |
777 268 |
2 575 832 |
2 768 305 |
2 552 875 |
69 716 |
72 186 |
39 896 |
HUN |
580 885 |
563 368 |
531 121 |
2 672 856 |
2 533 662 |
2 695 977 |
52 646 |
56 370 |
56 799 |
IRL |
203 083 |
195 431 |
248 843 |
1 483 966 |
1 237 385 |
1 402 981 |
11 954 |
11 237 |
18 100 |
ISL |
23 107 |
23 774 |
26 039 |
109 067 |
95 934 |
112 913 |
3 289 |
3 221 |
|
ISR* |
162 793 |
188 695 |
217 737 |
1 615 088 |
1 922 201 |
2 256 815 |
14 800 |
16 664 |
28 253 |
ITA |
3 966 758 |
3 985 434 |
3 819 956 |
15 637 520 |
16 010 810 |
14 806 370 |
308 307 |
265 060 |
279 132 |
JPN* |
2 001 152 |
2 033 692 |
2 139 380 |
87 966 |
91 300 |
109 202 |
|||
KOR |
4 717 796 |
4 946 304 |
11 490 520 |
13 348 190 |
11 888 300 |
701 123 |
714 902 |
||
LTU |
113 201 |
120 830 |
185 954 |
932 629 |
904 828 |
1 007 609 |
30 807 |
25 463 |
34 490 |
LUX |
23 194 |
27 611 |
31 906 |
250 896 |
290 425 |
315 848 |
2 225 |
2 629 |
2 989 |
LVA |
63 529 |
82 650 |
110 310 |
644 569 |
565 660 |
651 593 |
7 278 |
13 803 |
19 003 |
NLD |
638 118 |
970 457 |
1 112 691 |
4 972 465 |
5 570 939 |
5 683 695 |
62 040 |
101 002 |
107 946 |
NOR |
243 776 |
268 949 |
295 204 |
1 320 552 |
1 502 994 |
1 678 695 |
24 811 |
20 758 |
26 753 |
NZL* |
102 984 |
101 733 |
107 586 |
1 268 693 |
1 222 571 |
1 366 556 |
12 765 |
9 390 |
13 467 |
POL |
1 667 934 |
1 957 113 |
2 059 967 |
8 156 535 |
9 532 762 |
9 644 727 |
195 970 |
270 271 |
249 815 |
PRT |
889 084 |
875 083 |
818 120 |
3 356 756 |
3 344 375 |
3 093 225 |
116 920 |
103 859 |
130 156 |
SVK |
323 836 |
374 114 |
446 471 |
1 640 182 |
1 318 844 |
1 562 409 |
43 278 |
49 354 |
53 899 |
SVN |
95 554 |
123 467 |
141 118 |
610 824 |
633 904 |
613 502 |
8 579 |
12 757 |
15 154 |
SWE |
581 622 |
667 421 |
740 182 |
2 712 453 |
2 944 008 |
3 113 746 |
41 212 |
50 214 |
53 185 |
TUR |
3 088 887 |
3 210 972 |
12 652 270 |
15 972 460 |
717 573 |
387 385 |
|||
USA |
6 523 644 |
6 460 877 |
6 596 243 |
114 186 342 |
109 805 388 |
118 016 100 |
785 419 |
596 872 |
654 444 |
Note : Les données relatives aux pays marqués d’une astérisque (*) ne tiennent pas compte des entreprises sans salarié ni des naissances d’entreprises de ce type. Ruptures de séries : AUS : 2009 ; AUT : 2007, 2103 ; BEL : 2009 ; EST, FIN, FRA : 2013 ; IRL : 2014 ; PRT : 2008.
Source : Base de données de l’OCDE sur les Statistiques structurelles et démographiques des entreprises, 2018, http://dx.doi.org/10.1787/sdbs-data-fr.
Annexe 1.D. Productivité de la main d’œuvre des PME par secteur
Notes
← 3. Le chiffre de 30 % renvoie à la valeur maximale observée dans les pays de l’OCDE, en l’occurrence en Grèce, qui n’est pas visible sur le graphique.
← 4. Pour connaître la liste des secteurs ayant le plus fort taux de créations d’emplois, (OECD, 2018[3]).
← 5. (Calvino et al., 2018[19]) proposent une taxonomie des secteurs numériques, dans laquelle les secteurs à forte intensité de numérique englobent non seulement les TIC, mais aussi : le matériel de transport ; les activités juridiques et comptables ; la recherche scientifique et le développement ; la publicité et les études de marché ; les activités de services administratifs et d’appui ; et les autres activités de services (codes 94 à 96 de la CITI rév. 4). Les activités financières et d’assurance sont aussi considérées comme un secteur à forte intensité de numérique, mais les données s’y rapportant ne sont pas prises en compte dans le Graphique 1.23.
Le chapitre 1 s’appuie essentiellement sur 1) les bases de données des statistiques officielles sur les entreprises de l’OCDE, notamment les Statistiques structurelles et démographiques des entreprises (SDBS), et Commerce international par caractéristiques économiques des entreprises (CCE), élaborées par l’OCDE en coopération avec les offices statistiques nationaux et Eurostat ; 2) les indicateurs élaborés à partir de macro-liens entre les données de ces deux bases de données et d’autres statistiques officielles ; et 3) la base de données des Statistiques de l’OCDE sur la productivité, qui contient des mesures de la productivité calculées à l’aide de la base de données sur les Statistiques de l’OCDE sur les comptes nationaux et celle sur les Statistiques de l’OCDE sur l’emploi et le marché du travail. Sont également utilisées la base de données de l’OCDE concernant les Indicateurs actualisés de l’entrepreneuriat qui rassemble des statistiques officielles et des données administratives, ainsi que des statistiques sur les entreprises provenant de nouvelles sources de données, comme l’enquête sur l’avenir des entreprises (Future of Business Survey) de la Banque mondiale, Facebook et l’OCDE, en fonction des besoins de l’étude.