Ce rapport est le 31e de la série de rapports qui suivent et évaluent l’évolution des politiques agricoles à travers différents pays, et le 6e qui inclut à la fois tous les 35 pays de l’OCDE, les six états de l’Union européenne qui ne sont pas membres de l’OCDE, et un certain nombre d’économies émergentes : Afrique du Sud, Brésil, République populaire de Chine, Colombie, Costa Rica, Kazakhstan, les Philippines, Fédération de Russie, Ukraine et Viet Nam. Ce rapport annuel est une source unique d’information sur le soutien actuel à l’agriculture et utilise un système cohérent de mesure et de classification du soutien agricole – les estimations du soutien aux producteurs et aux consommateurs (ESP et ESC), l’estimation au soutien aux services d’intérêt général (ESSG), et les indicateurs connexes. Ceux-ci offrent une bonne compréhension des politiques agricoles dont la complexité va croissant et servent de base à leur suivi et à leur évaluation. Des données plus détaillées et la documentation des calculs du soutien sont aussi disponible en ligne sur www.oecd.org/agriculture/PSE.
La version complète des chapitres par pays ainsi que l’annexe statistique, qui contient des tableaux détaillés des indicateurs de soutien à l’agriculture ne sont disponibles que sous leur forme électronique sur https://doi.org/10.1787/agr_pol-2018-fr.
Politiques agricoles : Suivi et évaluation 2018
Résumé
Synthèse
Sur la période 2015‑17, la politique agricole des 51 pays étudiés dans le présent rapport s’est traduite par le versement à leur secteur agricole d’un total de 620 milliards USD en moyenne par an (556 milliards EUR). Environ 78 % de ce total, soit 484 milliards USD (434 milliards EUR) par an, ont été transférés aux producteurs à titre individuel, assurant à peu près 15 % de leurs recettes agricoles brutes. Le présent rapport est consacré aux évolutions récentes de l’action publique dans ces 51 pays développés, émergents ou en développement.
La croissance future de la demande de produits alimentaires variés et de qualité offre de grandes opportunités à l’agriculture. Néanmoins, le secteur doit relever un grand nombre de défis pour satisfaire cette demande de manière durable. Il lui faut ainsi accélérer la croissance de sa productivité, qui est très inférieure au potentiel dans beaucoup d’économies, améliorer sa performance environnementale, compte tenu notamment du changement climatique, et améliorer la résilience des ménages agricoles face aux « chocs » liés, entre autres, aux conditions météorologiques et aux marchés, et qui ne peuvent pas être anticipés.
La plupart des politiques agricoles en vigueur aujourd’hui ne sont pas correctement alignées avec ces objectifs, même si quelques pays dispensent leur soutien de manière ciblée en tenant compte de ces derniers et si d’autres commencent à s’engager dans cette voie. L’abaissement du niveau du soutien et le passage à des mesures qui créent moins de distorsions et, dans certains cas, mieux ciblées, réduisent les effets de distorsion des échanges des dispositifs existants. Dans bien des cas, il en résulte une diminution globale des répercussions négatives de la politique agricole sur les échanges qui est même plus sensible que la baisse du niveau du soutien. Toutefois, les progrès restent partiels dans de nombreux pays, ils ne sont pas partagés entre l’ensemble d’entre eux et, dans certains, les mesures qui faussent la production et les échanges prennent même de plus en plus de place. Ainsi, sur la période 2015‑17, près des deux tiers du soutien aux producteurs des 51 pays étudiés étaient encore dispensés au moyen de dispositions qui faussent de manière particulièrement prononcée les décisions des exploitants.
Il est impératif de considérer qu’il est désormais bien plus urgent encore de réorienter les efforts des pouvoirs publics vers la prise en compte de ces défis. Pour y parvenir, il faut séparer nettement les mesures de soutien aux revenus des ménages agricoles dans le besoin, des mesures à même de favoriser un accroissement de la productivité, de la durabilité, de la résilience et de la rentabilité globale des exploitations. Cibler le soutien transitoire aux revenus sur les ménages agricoles qui en ont besoin peut renforcer son efficacité et dégager des ressources pour les investissements publics dans l’innovation agricole, la protection de l’environnement et la résilience.
Recommandations
Copier le lien de RecommandationsIl faut commencer par supprimer les dispositions existantes qui dissuadent d’accroître la productivité, la durabilité et la résilience. Les mesures subsistantes directement liées à la production et à l’utilisation d’intrants, et qui faussent la production et les échanges, devraient être réduites peu à peu et, finalement, supprimées. Cela permettrait aux marchés intérieurs et internationaux de mieux fonctionner, découragerait la surconsommation d’intrants pouvant porter atteinte à l’environnement, et permettrait de consacrer les fonds publics, limités, à des investissements différents plus efficients et plus efficaces.
Dans beaucoup de pays, le soutien agricole devrait ensuite être réorienté de manière à assurer des services publics bénéficiant aux producteurs, aux consommateurs et à la société dans son ensemble. Citons, entre autres exemples, des systèmes de santé humaine, animale et végétale efficaces, des activités appropriées de biosécurité fondées sur la science, des systèmes d’innovation agricoles qui fonctionnent correctement et des infrastructures physiques et « de services » suffisantes.
Les investissements publics dans la recherche, sans omettre les efforts à consentir pour que les agriculteurs aient connaissance de ses résultats, peuvent être très utiles pour que le secteur ait la capacité de répondre aux évolutions des besoins et des enjeux. La collaboration entre acteurs publics et privés sur la production et le transfert de connaissances (à l’échelle nationale, régionale et internationale) devrait être encouragée. De plus, les nouvelles technologies de l’information et des communications (TIC) recèlent visiblement un potentiel inexploité qui permettrait d’améliorer la performance de l’action publique et celle des exploitations (productivité, durabilité et résilience).
Lorsque les connaissances sur les performances agroenvironnementales le permettent, il conviendrait d’envisager de mobiliser toute la gamme des instruments d’action (information, éducation, régulation, paiements et impôts, entre autres) pour atteindre les objectifs en matière d’environnement et de changement climatique. Lorsque ces connaissances sont insuffisantes, des données et des indicateurs doivent être réunis. Pour améliorer la performance de l’action publique, il faudra disposer d’informations solides sur les résultats environnementaux des différentes pratiques de production agricole et sur leurs liens avec les incitations publiques.
Les pouvoirs publics devraient rationaliser leur politique de gestion des risques en traçant nettement les limites entre les risques commerciaux normaux, les risques pour lesquels il est possible de concevoir des solutions marchandes, et les risques catastrophiques nécessitant un engagement de leur part. Cette action permet une intervention publique prédéfinie, si nécessaire, et indique clairement aux agriculteurs et aux autres agents privés s’il faut ou non mettre en place sur les exploitations des outils de gestion des risques marchands et organisés par le secteur privé. Les pouvoirs publics peuvent aussi jouer un rôle proactif en fournissant aux agriculteurs et au secteur privé des informations sur les risques de marché et des stratégies visant à faire face aux crises, afin de faciliter le développement d’outils et de stratégies de gestion des risques.
Dans beaucoup de pays, il est depuis longtemps nécessaire de mieux analyser la situation financière et le bien‑être des ménages agricoles, dans l’optique de concevoir des mesures efficaces de soutien aux revenus agricoles. Outre des agrégats et des moyennes, on manque souvent de données intrinsèquement homogènes sur la situation de ces ménages du point de vue du revenu et du patrimoine, lesquelles permettraient d’embrasser la distribution des situations financières de l’ensemble d’entre eux, comparativement à celle des ménages non agricoles d’un pays donné.
Enfin, il est important de rappeler que les ménages agricoles réagissent à l’ensemble des facteurs en jeu qui touchent à l’action publique, aux marchés et à l’économie. Il en découle, fondamentalement, que les responsables de l’action publique doivent concevoir des panoplies de mesures cohérentes pouvant appréhender les nombreuses opportunités et défis qui se présentent au secteur, et aux ménages agricoles, à tout moment. Cela exige une approche bien intégrée et globale de l’élaboration des politiques, au sein des administrations et entre elles à l’intérieur des pays comme à l’échelle internationale.