Qu'est-ce que l'innovation et comment s'y prendre pour la mesurer ? Comprendre l'échelle des activités d'innovation, les caractéristiques des entreprises innovantes, ainsi que les facteurs internes et systémiques en jeu est une condition préalable essentielle à la mise en œuvre et l'analyse des politiques destinées à stimuler l'innovation. Paru pour la première fois en 1992, le Manuel d'Oslo s'est imposé comme une référence internationale pour la collecte et l'utilisation des données sur l'innovation. Pour cette quatrième édition, le manuel a été étoffé afin de couvrir un éventail plus large de phénomènes liés à l'innovation et de tenir compte de l'expérience acquise au fil des cycles récents des enquêtes connexes réalisées dans les pays de l'OCDE, dans les économies partenaires et par d'autres organisations.
Manuel d’Oslo 2018
Résumé
Synthèse
Le Manuel d’Oslo, qu’est-ce que c’est ?
Le Manuel d’Oslo propose des lignes directrices à l’appui de la collecte et de l’interprétation des données sur l’innovation. Il a vocation à faciliter la comparabilité internationale et à fournir une plateforme de recherche et d’expérimentation pour la mesure de l’innovation. Les lignes directrices qui y sont énoncées visent essentiellement à aider les offices statistiques nationaux et autres producteurs de données sur l’innovation à concevoir, collecter et publier des mesures de l’innovation en vue de répondre à un éventail de besoins en matière de recherche et d’élaboration des politiques. Elles s’adressent également aux utilisateurs des informations relatives à l’innovation.
Ces lignes directrices devraient être appréhendées comme une combinaison de normes statistiques formelles, de conseils sur les meilleures pratiques et de propositions d’élargissement de la mesure de l’innovation à de nouveaux domaines, grâce à l’utilisation d’outils existants ou nouveaux.
À l’heure actuelle, de nombreux pays et diverses organisations internationales reconnaissent l’importance de mesurer l’innovation et ont développé des capacités en vue de collecter des données à cet effet. Le présent manuel s’inscrit dans la droite lignée de cet effort coordonné en vue de disposer de données, d’indicateurs et d’analyses robustes et comparables à l’échelle internationale.
Pourquoi un manuel sur la mesure de l’innovation ?
Composante essentielle à l’amélioration du niveau de vie, l’innovation peut rejaillir de multiples manières sur les individus, les institutions, des secteurs entiers de l’économie et les pays. Une mesure judicieuse de l’innovation et l’utilisation des données y afférentes dans la recherche peuvent aider les décideurs à mieux comprendre les mutations économiques et sociales, analyser le rôle (bénéfique ou néfaste) de l’innovation dans la réalisation des objectifs socio-économiques, et suivre et évaluer l’efficacité et l’efficience de leurs politiques.
L’objet du présent manuel est de guider les travaux de collecte et de communication des données sur l’innovation à l’aide d’une terminologie uniforme, de principes communément admis et de conventions pratiques. Tout cela peut accroître la comparabilité des produits statistiques et favoriser la mise en place progressive d’une infrastructure mondiale d’information statistique sur l’innovation qui soit adaptée aux réalités et utile aux chercheurs comme aux décideurs.
Le Manuel d’Oslo, publication conjointe de l’OCDE et d’Eurostat, est un volet essentiel de la série de manuels de mesure produits par l’OCDE sous le titre « Mesurer les activités scientifiques, technologiques et d’innovation ». Au sein de cette série, il entend apporter des éclairages sur le fonctionnement des systèmes d’innovation, au-delà de la description des efforts déployés pour investir dans de nouvelles connaissances (objet du Manuel de Frascati de l’OCDE, qui s’intéresse aux ressources consacrées à la R-D), ou des statistiques et des caractéristiques des inventions brevetées (abordées dans le manuel des statistiques des brevets de l’OCDE).
Le Manuel d’Oslo contribue à démontrer et faire connaître la nature multidimensionnelle, souvent cachée, de l’innovation. Plusieurs questions liées à la recherche et à l’action des pouvoirs publics appellent toutefois des données plus vastes et plus solides.
Qu’est-ce que l’innovation ?
Le Manuel d’Oslo se fonde sur un principe clé, selon lequel l’innovation peut et doit être mesurée. L’impératif de mesurabilité a été un critère essentiel dans le choix des concepts, définitions et classifications employés dans le présent manuel. C’est d’ailleurs ce qui le distingue des autres documents visant à conceptualiser et définir l’innovation.
Le concept d’innovation repose sur deux composantes phares : le rôle des connaissances en tant que fondement de l’innovation, de la nouveauté et de l’utilité, et la création ou la préservation de la valeur en tant qu’objectif présumé de l’innovation. L’exigence de mise en œuvre distingue l’innovation d’autres concepts comme l’invention : de fait, pour être considérée comme telle, une innovation doit être mise en œuvre, c’est-à-dire utilisée ou mise à la disposition de tiers afin qu’ils l’utilisent.
Le terme « innovation » peut désigner aussi bien une activité que le résultat de cette activité. Le présent manuel donne une définition pour chacun de ces deux aspects. La définition générale de l’innovation est la suivante :
Une innovation désigne un produit ou un processus (ou une combinaison des deux) nouveau ou amélioré qui diffère sensiblement des produits ou processus précédents d’une unité et a été mis à la disposition d’utilisateurs potentiels (produit) ou mis en œuvre par l’unité (processus).
Dans cette définition, le terme générique « unité » est employé pour désigner l’acteur responsable de l’innovation. Il s’agit de toute unité institutionnelle d’un secteur quel qu’il soit, y compris les ménages et chacun de leurs membres.
Cette définition est développée plus avant pour former le fondement des orientations pratiques énoncées dans le manuel pour le secteur des entreprises. Bien que le concept d’innovation soit par essence subjectif, son application devient relativement objective et comparable dès lors que l’on s’appuie sur des critères communs de nouveauté et d’utilité, ce qui exige d’apprécier l’existence d’une différence significative. Cela facilite la collecte et la communication de données comparables sur l’innovation et les activités connexes d’entreprises de différents pays et secteurs, mais aussi de tailles et structures variables, qu’il s’agisse de petites entreprises proposant un produit ou service unique ou, à l’autre extrémité du spectre, de grandes multinationales dont l’offre couvre un large éventail de biens et de services.
Les activités d’innovation désignent l’ensemble des activités de développement, financières et commerciales menées par une entreprise et ayant vocation à déboucher sur une innovation pour ladite entreprise.
Une innovation d’entreprise désigne un produit ou un processus d’affaires nouveau ou amélioré (ou une combinaison de ces deux éléments) qui diffère sensiblement des produits ou processus précédents de l’entreprise et a été commercialisé ou mis en œuvre par celle-ci.
Une évolution majeure par rapport à l’édition précédente du manuel tient à la nouvelle définition de l’innovation d’entreprise. Sur la base de travaux sur les tests cognitifs, il a été décidé de simplifier la définition précédente, qui reposait sur l’énumération de quatre types d’innovation (innovation de produit, de procédé, organisationnelle et de commercialisation), pour la ramener à deux types : les innovations de produit et les innovations de processus d’affaires. Cette nouvelle définition rend également moins ambigu le critère de modification « significative » en comparant les innovations portant sur des produits ou processus d’affaires nouveaux ou améliorés aux produits et processus existants de l’entreprise concernée. Les définitions de base de l’innovation de produit et de l’innovation de processus d’affaires sont les suivantes :
Une innovation de produit désigne l’introduction sur le marché d’un bien ou service nouveau ou amélioré qui diffère sensiblement des biens ou services proposés jusque-là par une entreprise.
Une innovation de processus d’affaires désigne un processus d’affaires nouveau ou amélioré pour une ou plusieurs fonction(s), qui diffère sensiblement des processus d’affaires antérieurs de l’entreprise et qu’elle a mis en œuvre.
Les innovations de processus d’affaires portent sur six fonctions distinctes d’une entreprise, telles qu’elles sont définies dans les ouvrages de gestion d’entreprise. Deux ont trait à l’activité principale de l’entreprise, à savoir produire et mettre en vente des produits, tandis que les quatre autres se rapportent aux activités de soutien. La taxinomie des fonctions d’entreprise proposée dans le présent manuel correspond peu ou prou aux catégories innovations de procédé, de commercialisation et organisationnelle considérées dans l’édition précédente.
Pourquoi et comment le manuel a-t-il été révisé ?
La mesure de l’innovation exige de comprendre ce qu’il faut mesurer et ce qui peut l’être de manière fiable. Face à la forte demande publique de données empiriques sur l’innovation, le Manuel d’Oslo répond à cette double exigence tout en aiguillant la poursuite des expérimentations pour que les données sur l’innovation soient de meilleure qualité et couvrent un champ plus vaste. De plus, à mesure que la société prend conscience des phénomènes liés à l’innovation, l’intérêt grandit pour de nouveaux domaines à mesurer. On continue pourtant de manquer cruellement de données probantes et de s’interroger sur le rôle de l’innovation et la façon dont les politiques peuvent en influencer le cours. Aussi l’un des principaux objectifs de cette quatrième édition du Manuel d’Oslo est-il de remédier à certaines de ces lacunes et de répondre aux questions en suspens.
Cette nouvelle édition met à profit l’expérience tirée de la collecte de statistiques sur l’innovation dans les pays membres et non membres de l’OCDE depuis le début des années 90. Elle est le fruit d’un travail collectif mené par le Groupe de travail des experts nationaux sur les indicateurs de science et de technologie (GENIST) et le Groupe de travail CIS d’Eurostat, qui a mobilisé plus de 120 experts de près de 45 pays et d’organisations internationales. Le processus de révision s’est échelonné sur trois ans et a fait fond dans un premier temps sur une consultation d’experts, puis sur des ateliers réguliers auxquels ont pris part des acteurs clés. L’OCDE a travaillé en liaison avec le comité technique de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) sur la gestion de l’innovation afin d’assurer la cohérence des définitions.
Cette révision, tout comme les précédentes, reflète l’évolution constante de l’avis des experts sur ce qui peut et devrait être mesuré. Cette évolution tient à des facteurs socio-économiques, à la nature de l’innovation et aux conditions de son apparition, ainsi qu’à l’accumulation des exercices de mesure et des échanges de vues entre les experts.
Quelles sont les grandes nouveautés de cette édition ?
Cette nouvelle édition intègre un certain nombre de nouveautés par rapport à la précédente parue en 2005, destinées à asseoir plus solidement encore le Manuel d’Oslo dans son rôle d’instrument d’orientation conceptuel et pratique à l’appui de la fourniture de données, d’indicateurs et d’analyses quantitatives sur l’innovation. Le présent manuel :
Fournit un cadre conceptuel et une définition générale de l’innovation applicables à l’ensemble des secteurs de l’économie (entreprises, administrations publiques, institutions sans but lucratif au service des ménages et ménages). Ces deux éléments sont nécessaires au développement de futures lignes directrices pour la mesure de l’innovation dans des secteurs autres que celui des entreprises, et la définition à terme d’une vision statistique de l’innovation à l’échelle de l’économie et de la société, conformément aux préconisations de la conférence Blue Sky de 2016 de l’OCDE.
Actualise et rationalise les principales définitions et taxinomies afin de faciliter la communication et l’interprétation à l’échelle de l’ensemble du secteur des entreprises, y compris dans les entreprises du secteur des services spécialisées dans la prestation de services fondés sur les connaissances.
Aide à la mesure des investissements dans des actifs incorporels en établissant un lien entre ce type d’actifs (également dénommé capital intellectuel) et la production de différents types de connaissances utiles à l’innovation, en formulant des recommandations en termes de mesure.
Fournit des orientations sur la mesure des facteurs internes et externes influant sur l’innovation des entreprises, en intégrant les précédentes recommandations ad hoc sur la mesure de l’innovation dans les pays en développement, et en répondant aux besoins de mesure de l’incidence et des effets de diverses politiques publiques sur l’innovation.
Promeut la collecte d’un ensemble plus large de données applicables à la fois aux entreprises non innovantes et à celles menant des activités d’innovation afin d’aider à l’analyse des moteurs et des déterminants de l’innovation.
Formule des recommandations pour la mesure d’attributs des résultats, même si la définition de base de l’innovation proposée dans le présent manuel n’implique pas une obligation de réussite. Le but est de faciliter la compréhension des différents types d’innovations et de leurs incidences sur l’entreprise et le marché, ainsi que du contexte social plus large dans lequel s’inscrit l’innovation.
Propose des principes méthodologiques étendus pour l’ensemble du cycle de vie des données sur l’innovation, des phases de conception et de test des enquêtes à la diffusion et la curation des données. En comparaison des éditions précédentes du manuel, on fournit ici de plus amples conseils sur les méthodes d’évaluation des questions et les implications de l’utilisation de différentes méthodes d’enquête. On aborde le rôle de la durée de la période d’observation, en mettant en évidence l’importance de favoriser une plus grande convergence des pratiques d’enquête.
Développe plus avant les conseils sur l’établissement de liens entre les enquêtes et d’autres sources, telles que les enregistrements administratifs, et propose des méthodes complémentaires pour l’obtention de données probantes sur l’innovation focale (c’est-à-dire principale). L’adoption d’une approche objet peut contribuer à une amélioration sensible de la qualité des données d’enquête.
Propose aux utilisateurs des données sur l’innovation un nouveau chapitre consacré à l’utilisation des données statistiques sur l’innovation à l’appui de l’établissement d’indicateurs et d’analyses. Il présente, sur la base des recommandations formulées dans les chapitres précédents, un schéma directeur à suivre pour produire des indicateurs statistiques de l’innovation par domaine thématique. Il décrit en outre les méthodes d’analyse des données sur l’innovation, en accordant une large place à l’analyse des incidences de l’innovation et à l’évaluation empirique des politiques d’innovation.
Propose un glossaire des principaux termes, destiné à servir de référence et à faciliter les efforts de traduction multilingue.
De plus, le manuel aide à mieux appréhender la transformation numérique et ses liens avec l’innovation en formulant des orientations quant au rôle des informations numériques dans l’innovation de produit comme de processus d’affaires. Pour ce faire, il reconnaît les activités de production de données comme pouvant constituer des activités d’innovation au même titre que le développement de logiciels ; attire l’attention sur le fait que les compétences en matière de gestion des données peuvent représenter une composante essentielle des capacités de l’entreprise en matière d’innovation à prendre en compte dans la mesure, et recommande de tenir compte des facteurs externes, comme le rôle des plateformes électroniques sur les marchés sur lesquels l’entreprise opère.
Pour ce qui est de l’analyse de la mondialisation et de la manière dont elle façonne l’innovation, des conseils sont formulés sur la mesure des flux de connaissances avec le reste du monde et le rôle des entreprises multinationales (EMN), ainsi que sur la détermination du positionnement des processus d’affaires des entreprises au sein des chaînes de valeur. L’interprétation des données sur le rôle des EMN nécessitera une coordination internationale.
Les recommandations du Manuel d’Oslo pour la collecte de données se limitent au secteur des entreprises (y compris aux entreprises publiques, c’est-à-dire contrôlées par l’État) et sont principalement axées sur les méthodes d’enquêtes statistiques pour les échantillons représentatifs d’unités au sein de la population d’entreprises. Toutefois, elles couvrent également des sources de données et des méthodes de collecte complémentaires, notamment les sources administratives et les données massives ; on s’oriente donc vers un usage intégré des sources et des méthodes pour répondre aux besoins des utilisateurs.
Quel usage peut être fait des présentes lignes directrices ?
Ce manuel est une ressource statistique qui indique comment appliquer les concepts, définitions, classifications, taxinomies et méthodes pour recueillir des statistiques sur l’innovation concernant le secteur des entreprises. Des recommandations et des pistes possibles d’expérimentation y sont également énoncées. Bien que les recommandations formulées par l’OCDE ne soient pas d’application obligatoire, ses membres n’en sont pas moins censés les adopter au mieux de leur capacité. Cela s’avère indispensable pour produire des données qui se prêtent à des comparaisons internationales et peuvent constituer un bien collectif mondial sur l’innovation.
Le manuel laisse aux pays ou groupes de pays une grande liberté dans le choix des modalités de leurs activités de collecte de données. Étant donné que les résultats des travaux de mesure sont sensibles à la méthode d’enquête employée, on pourra difficilement obtenir une comparabilité internationale en l’absence d’uniformité des pratiques de collecte et de communication des données. Bien qu’une telle uniformité ne soit pas réalisable dans le cadre de l’OCDE ou au niveau mondial, la convergence des méthodes devrait être possible et recherchée. À cette fin, l’OCDE travaille de concert avec d’autres organisations et réseaux d’envergure internationale qui soutiennent le renforcement des capacités statistiques et la mise en commun des expériences en matière de collecte des données sur l’innovation.
Même s’il n’a pas été conçu dans cette optique, le manuel peut également servir de référence pour les politiques et les réglementations, par exemple pour relier les politiques à des activités et des résultats d’innovation spécifiques décrits ici. Par ailleurs, l’adoption, par les responsables et praticiens de l’innovation, des concepts et définitions qui y sont énoncés est appelée à faciliter la collecte des données.
Où trouver des ressources complémentaires utiles ?
En tant que norme statistique, le Manuel d’Oslo est librement accessible en ligne, dans différents formats. Des documents annexes devraient être mis en ligne et enrichis au fil du temps afin de compléter les lignes directrices figurant dans la version imprimée du manuel, à l’exemple de ce qui a été fait pour l’édition de 2015 du Manuel de Frascati. Des ressources utiles, notamment des liens vers la version actualisée des classifications et des statistiques sur l’innovation publiées par l’OCDE, Eurostat et d’autres organismes internationaux et nationaux, sont disponibles à l’adresse http://oe.cd/oslomanual.