Au cours de la dernière décennie, les températures mondiales ont été en moyenne supérieures de 1.1 °C aux niveaux préindustriels et continuent d’augmenter. Les effets de ces changements ont des répercussions notables sur le rendement et la qualité des produits agricoles. Les risques d’événements extrêmes préjudiciables à la production ont également augmenté : la fréquence des sécheresses a doublé et celle des tempêtes a triplé, et la prévalence des inondations a été six fois plus élevée au cours de la dernière décennie qu’il y a cinquante ans. Le secteur reste toutefois l’un des moteurs de ces changements, puisqu’il est responsable de 11 % des émissions anthropiques à l’échelle mondiale du fait des émissions directes des exploitations, et que les systèmes alimentaires dans leur ensemble représentent environ un tiers du total des émissions, parallèlement au changement d’affectation des terres et aux chaînes alimentaires en aval.
Changement climatique, agriculture et systèmes alimentaires
Les systèmes agricoles et alimentaires sont particulièrement vulnérables au changement climatique, avec les effets directs de l’évolution des températures et des précipitations, et doivent s’adapter de toute urgence à ces nouvelles conditions. Dans le même temps, l’agriculture et les systèmes alimentaires sont une source importante d’émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Les pouvoirs publics peuvent aider le secteur à faire partie de la solution en réduisant les émissions des exploitations et des chaînes d’approvisionnement, en limitant la déforestation et en renforçant la séquestration du carbone dans la biomasse et les sols.
Messages clés
Les interventions des pouvoirs publics ont un impact significatif sur le secteur agricole, en influant sur la façon dont les producteurs prennent leurs décisions et sur l’avenir de l’alimentation et de l’agriculture. Cependant, les mesures actuelles de soutien à l’agriculture créent des incitations négatives qui peuvent entraver l’action climatique. Les producteurs reçoivent chaque année 630 milliards USD de soutien individuel, dont les deux tiers proviennent des formes de soutien qui faussent le plus le marché. Ces mesures peuvent nuire à la capacité d’adaptation des agriculteurs, par exemple en décourageant les productions alternatives lorsque le soutien est lié à des produits spécifiques. Elles peuvent aussi saper les efforts d’atténuation du changement climatique en encourageant la production de produits à forte intensité d’émission. Seule une petite fraction du soutien total (12.5 %) est consacrée aux investissements dans les services d’intérêt général destinés au secteur, dont moins d’un quart soutient directement la connaissance et l’innovation.
Au cours des 30 dernières années, les pays de l’OCDE ont mis de plus en plus l’accent sur l’adaptation de l’agriculture au changement climatique et sur l’importance des synergies entre adaptation et atténuation dans leurs stratégies climatiques. Ils ont recensé de nombreuses mesures nécessaires, mais la plupart en sont encore au stade de la planification. Il est devenu impératif que les pouvoirs publics mettent ces mesures en pratique, suivent leurs progrès et évaluent leurs résultats. Il est tout aussi important que les programmes, qui sont souvent axés sur le soutien à la résilience à court et moyen terme, fonctionnent sur la base de la résilience à long terme, c’est-à-dire de la capacité du secteur à soutenir l’adaptation transformationnelle lorsque les systèmes existants deviennent intenables.
Le secteur agricole pourrait largement contribuer aux efforts d’atténuation du changement climatique. Les agriculteurs peuvent réduire leurs émissions en utilisant les intrants de manière plus efficiente, en déployant de nouvelles technologies et en améliorant la gestion de leur exploitation. Elles peuvent également réduire les émissions indirectes liées au changement d’affectation des terres en protégeant les forêts et les terres naturelles par des stocks à forte intensité de carbone, et en restaurant les écosystèmes et en reboisant les terres pour piéger le carbone. Pourtant, l’agriculture reste largement exclue des engagements et des actions de réduction des émissions. Le secteur est généralement exempté des dispositifs d’atténuation tels que la tarification du carbone ou des mesures réglementaires équivalentes, et seuls quelques pays utilisent des subventions ciblées pour encourager l’atténuation.
Contexte
Les émissions de GES d’origine agricole restent stables dans les pays de l’OCDE, mais ont été partiellement découplées de la production au cours des dernières décennies.
Entre 1990 et 2019, les émissions directes de GES d’origine agricole ont légèrement augmenté dans les pays de l’OCDE, passant d’environ 1.46 à 1.53 GtCO2-éq., soit une hausse de 0.2 % par an. Au cours de la même période, la production agricole a augmenté cinq fois plus vite, à 1 % par an, ce qui témoigne d’un découplage important entre la production et les émissions de GES. Les deux tiers de la hausse des émissions sont imputables à la culture et à l’augmentation des émissions imputables aux sols, et un tiers aux émissions directes liées à l’élevage – la légère réduction des émissions de méthane liées à la fermentation entérique des bovins ayant été compensée par l’augmentation des émissions liées à la gestion des effluents d’élevage due à l’expansion de l’élevage porcin et avicole. Ces émissions représentent un quart des émissions directes de l’agriculture mondiale pour une part similaire de la valeur mondiale de la production.
Les engagements en matière d’atténuation du changement climatique font souvent défaut dans le secteur agricole
À la mi-2023, seuls 19 des 54 pays examinés dans le rapport de l’OCDE Politiques agricoles : suivi et évaluation avaient fixé des objectifs de réduction des émissions spécifiques au secteur agricole, et ils ne sont pas toujours juridiquement contraignants. Bien que des objectifs sectoriels puissent être utiles pour cibler les efforts d’atténuation et mesurer les progrès, ils ne seraient pas nécessaires si les systèmes de réduction des émissions à l’échelle de l’économie couvraient l’agriculture. Ce secteur est toutefois généralement exempté des politiques d’atténuation telles que la tarification du carbone ou des mesures réglementaires équivalentes, et seuls quelques pays utilisent des subventions ciblées pour encourager l’atténuation.
Les mesures actuelles liées à l’adaptation de l’agriculture mettent l’accent sur la planification et la capacité d’absorption, et pas assez sur les transformations
L’édition 2023 du rapport Politiques agricoles : suivi et évaluation a recensé près de 600 mesures d’adaptation adoptées dans 54 pays, dont 446 dans les pays de l’OCDE. La majorité des efforts déployés pour soutenir l’adaptation comprennent des mesures sociales, économiques et institutionnelles ; il s’agit notamment d’élaborer des documents de planification stratégique, de modifier la gouvernance, de fournir des informations sur le climat et de créer ou d’étendre des mécanismes d’assurance pour couvrir les risques climatiques catastrophiques (61 %). Dix-neuf pour cent (19 %) de ces mesures sont des approches écosystémiques qui visent à améliorer, protéger ou promouvoir les services écosystémiques, par exemple en faisant progresser les agroécosystèmes ou en ciblant l’amélioration de la qualité de l’eau. Les mesures techniques et d’infrastructure sont également ciblées, par exemple via des investissements dans l’irrigation ou le drainage, de même que les changements de comportement des agriculteurs, par exemple via des programmes de sélection végétale et animale.
Bien qu’un large éventail de mesures d’adaptation aient été élaborées, il conviendrait d’accorder une plus grande attention à leur mise en œuvre, à leur suivi et à leur évaluation. Une proportion importante des activités liées à l’adaptation se concentrent actuellement sur l’élaboration de documents de planification stratégique (21 %), et pas assez sur leur mise en œuvre.