L’Allemagne s’est fixé pour objectif de réduire, par rapport aux niveaux de 1990, les émissions imputables à l’ensemble de son activité économique d'au moins 65 % à l’horizon 2030 et d'au moins 88 % d’ici à 2040. Le pays compte avoir atteint la neutralité climatique en 2045 (soit cinq ans plus tôt que l’échéance arrêtée par l’Union européenne) et un niveau négatif d'émissions de gaz à effet de serre après 2050. Pour réaliser ces ambitieux objectifs, il lui faut réduire les émissions dans tous les secteurs. À cet effet, des « budgets » annuels d'émission de CO₂ ont été définis pour six secteurs jusqu’à 2030 ; ils s'accompagnent d’un mécanisme de suivi et d'ajustement des politiques.
Allemagne : cibles annuelles d'émissions sectorielles
Abstract
Défis
Pour réaliser ces ambitieux objectifs, l’Allemagne doit réduire les émissions dans tous les secteurs. Si la lutte contre le changement climatique est systématiquement prise en compte dans la quasi-totalité des domaines d’action publique, il est plus difficile de s'aligner sur les objectifs climatiques dans certains secteurs. D'où l’intérêt de suivre et de mesurer les résultats obtenus secteur par secteur pour atteindre les cibles annuelles de réduction des émissions.
La politique climatique allemande cadre avec les dispositions du droit de l’UE en matière de climat, à savoir le Système d'échange de quotas d'émission (SEQE-UE), le règlement sur la répartition de l'effort et les dispositions relatives aux transports et à l’occupation des sols. Les objectifs de réduction des émissions définis en vertu des dispositions régissant la répartition des efforts (qui s’appliquent aux secteurs non concernés par le SEQE-UE) sont juridiquement contraignants. Les objectifs nationaux de réduction des émissions dans les secteurs hors SEQE-UE ont été fixés comme suit : -14 % en 2020 et -38 % à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Entre 2013 et 2020, l’Allemagne n’a pas atteint ses objectifs climatiques globaux dans les secteurs clés, en particulier les transports et la construction. Pour y remédier, le pays a dû acheter des droits d'émission au titre du règlement de l’UE sur la répartition des efforts (communiqué de presse gouvernemental).
L’UE ayant revu à la hausse ses objectifs pour 2030, l’Allemagne devra tout particulièrement intensifier son action climatique dans les secteurs retardataires. Sinon, il lui faudra acheter des titres compensatoires pour pallier l’absence de progrès, ce qui sera lourd de conséquences financières.
Approche
Les objectifs climatiques de l’Allemagne sont inscrits dans la Loi fédérale relative au changement climatique (Bundes-Klimaschutzgesetz), qui a été approuvée en 2019 et modifiée en 2021. Y sont définis pour la période 2022-30 les objectifs annuels chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à atteindre dans six secteurs distincts : énergie, (petite) industrie, construction, transport, agriculture, et déchets et autres. Ils suivent une trajectoire linéaire, conformément aux plans européens de réduction des GES. Le rythme de réduction varie d’un secteur à l’autre. Par exemple, le secteur de l’énergie devra faire chuter ses émissions de 37.5 % d'ici à 2030, et l’agriculture de 17 % entre 2020 et 2030. Cela dit, contrairement à beaucoup d'autres pays, l’Allemagne ne se focalise pas sur le CO₂ mais cherche à réduire ses émissions de tous les autres GES.
Les objectifs annuels de réduction des émissions ont été revus à la hausse jusqu'à 2030 dans la loi modifiée en 2021. Si un objectif a été raté ou dépassé, les budgets annuels d'émissions du secteur sont respectivement majorés ou diminués d'autant jusqu’à 2030 et au-delà. En 2024, de nouveaux budgets d'émissions seront définis pour les années qui suivront 2030. Il est possible de revoir à la hausse, mais pas à la baisse, les objectifs climatiques nationaux. C’est au ministère fédéral dont relève le secteur concerné qu’il incombe de veiller au respect des budgets annuels d'émissions.
La Loi fédérale relative au changement climatique prévoyait aussi la création d'un mécanisme obligatoire de suivi des émissions qui dresse le bilan annuel des émissions de chaque secteur et le compare à ses objectifs. Tous les ans, le 15 mars, l’Office fédéral de l’environnement (Umweltbundesamt, UBA) publie une estimation des émissions annuelles secteur par secteur. Si l’un d’eux ne remplit pas l’objectif annuel, son ministère de tutelle dispose de trois mois pour établir un programme immédiat (Sofortprogramm). Le but est de corriger la trajectoire du secteur et d’obtenir la bonne exécution des budgets annuels d’émissions sectorielles au cours des exercices suivants. Le programme immédiat est ensuite examiné par le conseil d’experts sur les questions climatiques (Expertenrat für Klimafragen). Cet organe indépendant créé en 2019 conseille le gouvernement sur la marche à suivre pour mettre en application les dispositions de la Loi fédérale relative au changement climatique. Enfin, le programme immédiat et l'analyse des experts sont présentés pour décision au parlement allemand (Bundestag).
Résultats
La quasi-totalité des secteurs avaient atteint leurs objectifs annuels de réduction d'émission en 2021, à l’exception des transports et de la construction. Comme prévu par la loi, des programmes immédiats ont donc été établis pour corriger les trajectoires de ces deux secteurs. Le secteur de la construction en était à sa deuxième année d’échec en 2021 et celui des transports ne devait la réalisation de son objectif en 2020 qu’aux restrictions de déplacement liées au COVID-19.
Pour pallier les faiblesses structurelles du secteur de la construction et garantir le bon financement de la performance énergétique des bâtiments au niveau fédéral, les dotations vont être considérablement revues à la hausse. La première source de financement est le Fonds pour le climat et la transformation de l’Allemagne. Pour la période 2023-26, un total de 56.3 milliards EUR ont été pré-affectés à la réforme du financement de la performance énergétique des bâtiments afin d'accélérer la rénovation du bâti existant par d'importantes baisses des émissions de carbone.
Le secteur des transports a lui aussi fait l’objet d'un programme immédiat, principalement axé sur la promotion de la mobilité électrique, les transports en commun, l’infrastructure cyclable et l'accélération de la transformation numérique au service du télétravail. Toutefois, le conseil d’experts a jugé « insuffisante » l’ampleur des nouvelles mesures proposées. Il faudra s'appuyer sur d’autres instruments pour rattraper le retard. En 2021, les transports ont représenté 19 % des émissions de GES imputables à l’Allemagne et ce secteur est celui qui est le plus lent à réduire ses émissions.
Enseignements
Il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité des programmes immédiats et des objectifs annuels des émissions sectorielles mis en place en Allemagne. Cela dit, le mécanisme de suivi a permis d'obtenir que les secteurs rendent compte de leurs actes et que chacun participe aux efforts nationaux en faveur du climat. À cela s'ajoute la pression exercée par l’opinion publique pour que certains secteurs atteignent bien leurs objectifs d'émission.
Le fait que deux ministères aient entrepris de prendre des mesures supplémentaires en faveur du climat témoigne de l’efficacité du mécanisme annuel de suivi et d'ajustement. De nouvelles mesures figurent dans le programme d'action gouvernemental arrêté au titre de la Loi fédérale relative au changement climatique et bénéficient de crédits publics supplémentaires. Le système de suivi a permis d'apporter des corrections importantes aux trajectoires sectorielles d’émission. Il garantit aussi que des mesures soient prises en temps utile pour que tous les secteurs participent dûment à l'action nationale pour le climat.
En savoir plus
Loi fédérale relative au changement climatique (Bundes-Klimaschutzgesetz) (2021). https://www.bmuv.de/fileadmin/Daten_BMU/Download_PDF/Gesetze/ksg_final_en_bf.pdf
OCDE (2023), Examens environnementaux de l'OCDE : Allemagne 2023, Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris. Publication à paraître - https://issuu.com/oecd.publishing/docs/oecd-epr-germany-2023-introduction
Publication à mettre en exergue
OCDE (2023), Examens environnementaux de l'OCDE : Allemagne 2023, Examens environnementaux de l'OCDE, Éditions OCDE, Paris. Publication à paraître - https://issuu.com/oecd.publishing/docs/oecd-epr-germany-2023-introduction
Lien vers : https://www.oecd.org/fr/environnement/examens-pays
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