La zone à péage de congestion (Congestion Charge Zone) de Londres est l’une des plus étendues au monde. Elle a été créée il y a bientôt vingt ans pour décourager la circulation routière dans le centre de la ville, pour améliorer la qualité de l’air et pour collecter des fonds supplémentaires en faveur des transports publics. Par ailleurs, en 2019, la municipalité a instauré la toute première zone à très faibles émissions (Ultra Low Emission Zone, ULEZ), qui concerne 4 millions de personnes, soit environ un tiers de la population londonienne. Si les embouteillages continuent de poser problème, on observe une diminution des émissions de carbone et d'autres polluants atmosphériques imputables au transport. La capitale compte désormais davantage de véhicules moins polluants. Cela participe à l’engagement de Londres de devenir une ville zéro carbone à l’horizon 2030.
Londres : péage de congestion et zones à faibles émissions
Abstract
Défis
En 2019, la municipalité de Londres a produit quelque 31.4 millions de tonnes d’équivalent CO₂ (LEGGI, 2019), dont 6.5 millions de tonnes d’équivalent CO₂ à travers les transports routiers, soit 21 % du total. Le principal obstacle à la réduction des émissions routières réside dans la dépendance à la voiture. Selon les statistiques britanniques de la circulation routière relatives à Londres, le nombre de kilomètres parcourus à l'intérieur du réseau routier londonien long de 14 800 kilomètres a augmenté de 4.1 % entre 2011 et 2019. Les confinements liés au COVID-19 ont fait chuter le trafic, qui est toutefois reparti à la hausse en 2021 pour se rapprocher du niveau antérieur à la pandémie (29.7 milliards de kilomètres).
L’usage de la voiture reste important malgré la présence d’un réseau de transport public bien développé. Il existe pourtant des solutions de substitution à bas coût : plus d'un tiers des trajets effectués en voiture peuvent l’être à pied en moins de 25 minutes et les deux tiers à vélo en moins de 20 minutes (Mayor of London, 2022).
À cela s'ajoute le coût économique des embouteillages, dû au temps perdu et aux importants effets nocifs que l’aggravation de la pollution de l'air local provoque sur la santé. Le trafic routier contribue en outre à l’empreinte carbone de la ville. Face à ces problèmes, Londres s’est s’engagée à devenir une ville zéro carbone à l’horizon 2030.
Approche
Depuis 2003, la municipalité de Londres applique une redevance de congestion dans une grande partie du centre. Le périmètre couvert, les heures d’application et le barème ont évolué au fil du temps. En 2022, les automobilistes concernés devaient payer £15 par jour, entre 7 heures et 18 heures du lundi au vendredi, et entre midi et 18 heures le week-end et la plupart des jours fériés. Le dispositif est administré par l’organisme Transport for London. Toute la zone est maillée de caméras, qui enregistrent les numéros de plaque minéralogique, lesquels sont ensuite comparés à un répertoire des propriétaires de véhicules ayant réglé la redevance. Ceux qui ne l’acquittent pas dans les trois jours reçoivent un avis de contravention de £160.
Les recettes servent en partie à financer le fonctionnement du dispositif, le reste étant investi dans les transports publics londoniens. Le but est de décourager les déplacements automobiles, de réduire les distances parcourues en voiture et de rendre les services de transport public plus attractifs. Différents groupes bénéficient de réduction ou d’exonération : les personnes handicapées, les personnes résidant à l’intérieur de la zone de péage, les services d’urgence, les taxis et les véhicules à propulsion électrique ou les véhicules à carburant de substitution. Les motocyclettes, les cyclomoteurs et les bicyclettes ne sont pas non plus soumis à la redevance de congestion.
Pour réduire les émissions de carbone et d'autres polluants atmosphériques, la municipalité de Londres s’est par ailleurs dotée de deux systèmes de péage urbain : en 2008, d’une zone à faibles émissions (LEZ), qui vise les poids lourds, et, en 2019, d’une zone à très faibles émissions (ULEZ), qui s'applique 24 heures sur 24, même aux résidents.
Les normes d'émission à respecter dans la LEZ ont été durcies en 2021 (Euro 6 pour les bus, cars et fourgonnettes de plus de 3.5 tonnes et, s'agissant des particules, Euro 3 pour les fourgonnettes et les minibus uniquement). Les véhicules n’y satisfaisant pas sont soumis à une redevance de £100 par jour. Le tarif est plus élevé pour les poids lourds non conformes à la norme Euro 4 : £300 par jour. Ces mesures ont fait reculer le nombre de poids lourds polluants circulant dans Central London, en conséquence de quoi la qualité de l’air s’est améliorée.
La zone ULEZ concerne les véhicules de transport de personnes, les motocycles, les fourgonnettes, les véhicules spécialisés et les minibus. Pour y pénétrer, ces véhicules doivent soit satisfaire aux normes d'émission retenues (Euro 4 pour les véhicules à essence, Euro 6 pour ceux roulant au gazole et Euro 3 pour les motocyclettes), soit acquitter la somme de £12.5 par jour (£100 dans le cas des bus et des poids lourds). Depuis octobre 2021, le périmètre de l’ULEZ englobe Londres intra-muros (Inner London), qui abrite 4 millions de personnes, ce qui en fait la plus grande zone à faibles émissions au monde.
En parallèle, Transport for London a acquis plus de 500 bus à émission zéro. En effet, tous les bus neufs doivent être de ce type depuis 2021, l’objectif de la municipalité étant qu’il représente la totalité du parc d’ici à 2034.
Résultats
Dans un premier temps, le péage de congestion a permis de réduire la circulation automobile dans l’Inner London. Cependant, l’espace libéré a vite été rempli par les taxis et autres véhicules de service, exonérés du dispositif. Les voitures et les taxes assurent environ les trois quarts du trafic routier londonien. La distance parcourue par ces véhicules a diminué de manière progressive, d’environ 6 % (un milliard de véhicules-miles depuis 2000), alors que, dans le cas des utilitaires légers, elle a augmenté dans une proportion identique en valeur absolue. Globalement, le trafic routier londonien est relativement stable depuis deux décennies, avec environ 20 milliards de véhicules-miles par an. Cela dit, la situation serait probablement bien pire sans le péage de congestion.
La municipalité a davantage réussi à décourager la circulation des véhicules plus vieux et plus polluants dans Londres et, partant, à réduire les émissions de carbone et d'autres polluants atmosphériques toxiques. Selon le bilan à six mois de l’ULEZ élargie, la part des véhicules propres a augmenté à Londres. En moyenne, près de 94 % des véhicules qui circulent au cours d'une journée dans la zone à très faibles émissions satisfont aux normes d'émission, contre 90 % à la périphérie et 85 % dans l’Outer London. De même, le durcissement des normes applicables dans la zone à faibles émissions s’est traduit par une diminution de la présence des poids lourds et véhicules de grandes dimensions plus polluants, dont le taux de conformité était de 96 % en 2022, contre seulement 48 % en 2017.
Par ailleurs, la municipalité de Londres a enregistré un net déclin de la circulation des voitures diesel à l’intérieur de la zone ULEZ, ce qui y a amélioré la qualité de l’air et eu d'importants bienfaits pour la santé des Londoniens. Leur nombre quotidien a baissé de 44 000 en moyenne, ce qui représente une baisse de 20 %. Au total, le nombre de véhicules et la circulation ont légèrement diminué, d’environ 2 %.
Enseignements
La mise en place de restrictions à la circulation des véhicules très polluants dans une grande partie de Londres a permis d’améliorer la qualité de l’air dans l’ensemble de l’agglomération et d'y réduire les émissions de CO₂.
Grâce au péage de congestion instauré il y a vingt ans, le niveau du trafic routier est resté identique ; en revanche, il n’a pas sensiblement baissé dans l’ensemble de Central London. Sa diminution nécessitera donc des mesures supplémentaires.
Les péages urbains sont importants en ce que les recettes qu’ils procurent servent à financer le verdissement des transports londoniens. Selon le rapport annuel et l’état des comptes 2021/22 de Transport for London, le produit net de la redevance de congestion s’est élevé à £307 millions pour l’exercice 2021/22. Les zones à faibles et très faibles émissions ont généré un revenu net de £111 millions et de £34 millions, respectivement, au cours de ce même exercice.
L’existence d’une volonté politique peut faire la différence. Le maire de Londres, Sadiq Khan, est pour beaucoup dans le durcissement des normes d’émission, décidé pour dépolluer l’air à Londres. Soucieux de réduire davantage la pollution de l’air, les émissions de carbone et la congestion, il s’est engagé à étudier la possibilité d'étendre l’ULEZ à l’ensemble de Londres en 2023. Son objectif est de réunir les dispositifs de péage urbain en un seul, simple et équitable. Il souhaite également réfléchir à un système fondé sur la distance parcourue et la durée pour la deuxième moitié de la décennie. Il s'agit de pas importants dans la bonne direction.
Londres fait partie du réseau mondial de villes C40, qui réunit près d'une centaine de maires désireux d’accélérer la lutte contre le changement climatique en milieu urbain. D'autres villes pourraient bénéficier de la vaste expérience que la capitale britannique a acquise en matière de péage de congestion et de zone à faibles émissions.
En savoir plus
Transport for London (2022). Moving London forward safely, inclusively and sustainably Annual Report and Statement of Accounts 2021/22, https://content.tfl.gov.uk/tfl-annual-report-and-statement-of-accounts-2021-22.pdf
Mayor of London (2022). Expanded Ultra Low Emission Zone – six-month report, including Low Emission Zone, one year report. https://www.london.gov.uk/sites/default/files/expanded_ultra_low_emission_zone_six_month_report.pdf
London Energy and Greenhouse Gas Inventory - LEGGI (2019). https://data.london.gov.uk/dataset/leggi, consulted on 28 October 2022.
Publication à mettre en exergue
Lien vers : Vers des transports plus verts : https://www.oecd.org/fr/env/transports-verts
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