La croissance économique du Sud est loin d’avoir résolu tous les problèmes. La pauvreté, absolue comme relative, a poursuivi son avancée dans certains pays ; les inégalités de revenu se sont creusées dans bien des cas ; et l’industrialisation et l’urbanisation ont entraîné la dégradation de l’environnement.
Rien de très surprenant à ce que la croissance du PIB n’ait pas été la solution miracle à tous les problèmes. Kuznets, qui fut le premier à définir le PIB en 1934, avait lui-même mis en garde contre son utilisation comme indicateur du bien-être. À la Conférence de Bretton Woods, dix ans plus tard, il est toutefois devenu le principal outil de mesure de l’économie d’un pays, et durant des décennies, on a considéré la croissance du PIB comme une bonne variable indicative du développement plus général d’un pays.
Une approche plus globale du développement, tenant compte de différentes dimensions du bien-être, de leur distribution dans la population, et de leur pérennité, révèle cependant une situation plus complexe.
Dans l’ensemble, les indicateurs du bien-être sont en corrélation étroite avec le PIB par habitant. La relation entre ces deux variables a toutefois évolué au fil du temps. Deux phases se distinguent ainsi :
De 1820 à 1870, les pays dont le PIB par habitant était plus élevé ne présentaient pas toujours de meilleurs résultats sur le plan du bien-être. Durant les premières années de l’industrialisation, entre les années 1820 et 1870, le PIB des pays industrialisés enregistrait une croissance d’environ 1-1.5 % par an. Bien que relativement lente, la croissance du PIB était en marche, sans quasiment aucun effet positif, toutefois, sur le bien-être. Ce « paradoxe de la croissance » est le prix que les premiers pays qui se sont industrialisés ont dû payer pour la rapidité de leur urbanisation et de leur prolétarisation.
Après 1870, la corrélation entre le PIB par habitant et les indicateurs du bien-être s’est renforcée, sous l’effet d’importations alimentaires américaines meilleur marché en Europe, permettant une hausse des salaires réels, de l’essor des régimes démocratiques, des percées de la connaissance médicale et de l’adoption de mesures de politique sociale. De nombreux progrès ont été accomplis sur le plan du bien-être, sans croissance nécessaire du PIB par habitant.
Depuis les années 1950, les nouveaux pays émergents commençant à connaître une croissance rapide se sont démarqués des premiers qui se sont développés par le phénomène de « rattrapage » ou de convergence du PIB par habitant :
En Amérique latine et en Asie, les progrès enregistrés sur le plan du bien-être sont supérieurs à la hausse du PIB par habitant pour certaines dimensions (espérance de vie, éducation), mais pas toutes.
En Afrique, les progrès réalisés sur le plan du bien-être sont relativement plus importants que la progression du PIB par habitant, mais un écart constant et grandissant subsiste avec le reste du monde.