Alors qu’ils doivent gérer de multiples priorités, notamment la nécessité impérieuse d’accélérer la transition écologique à l’échelle mondiale, les fournisseurs de coopération pour le développement risquent de perdre de vue une crise silencieuse, mais dévastatrice, à l'œuvre même avant la pandémie de COVID-19 : l’augmentation alarmante de la pauvreté et des inégalités dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Or, non seulement l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités sont au cœur de la mission des donateurs, mais elles sont également essentielles à la réalisation de leurs ambitions plus larges en matière de développement durable dans le monde. Quelles possibilités la priorité climatique offre-t-elle – et quels risques pose-t-elle – pour la lutte contre la pauvreté et les inégalités ? Des transitions écologiques justes peuvent-elles redynamiser les programmes d’action en faveur du développement ? Quelles contributions les politiques de coopération internationale pour le développement et les financements qui les accompagnent peuvent-ils apporter ? Rassemblant les derniers éléments factuels, données et éclairages des pouvoirs publics, du monde universitaire, des organisations internationales et de la société civile, le rapport Coopération pour le développement 2024 de l’OCDE propose aux décideurs des moyens concrets de tenir leurs engagements visant à améliorer la vie de milliards de personnes tout en favorisant des transitions écologiques justes dans le monde.
Coopération pour le développement 2024
Résumé
Synthèse
Porter remède aux crises de la pauvreté, des inégalités et du climat
Copier le lien de Porter remède aux crises de la pauvreté, des inégalités et du climatDans le sillage de la pandémie de COVID-19, les taux de pauvreté et les niveaux d’inégalités ont augmenté à l’échelle mondiale. Les crises et chocs récents ont mis à mal 30 années de progrès sur la voie de l’élimination de la pauvreté ; les personnes et régions les plus pauvres du monde sont les premières victimes des catastrophes climatiques, qui pèsent sur elles de façon disproportionnée, notamment en leur faisant perdre leurs moyens de subsistance et leurs économies. Les effets du changement climatique installeront encore plus solidement la pauvreté et les inégalités et, selon les estimations, feront basculer 132 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030. Mettre fin à la pauvreté et faire reculer les inégalités à l’échelle mondiale sont des objectifs interdépendants. Il est temps de s’y atteler, avant qu’ils ne deviennent plus difficiles et plus coûteux à atteindre compte tenu des phénomènes météorologiques extrêmes dus au changement climatique, de l’évolution des modèles agricoles, de l’élévation du niveau de la mer et, potentiellement, de migrations de masse entre les pays et en leur sein.
Maintenir l’accent sur la réduction de la pauvreté et des inégalités dans le cadre de la coopération pour le développement
Copier le lien de Maintenir l’accent sur la réduction de la pauvreté et des inégalités dans le cadre de la coopération pour le développementL’aide publique au développement (APD) s’est adaptée aux crises émergentes et à des objectifs mondiaux de plus grande ampleur. Bien que l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités constituent une priorité explicite des politiques de coopération pour le développement et de l’affectation de l’APD, elles sont en concurrence avec d’autres exigences et priorités alors même que les budgets à l’appui du développement international sont sous pression. On pourrait mieux axer l’action et le financement sur ces objectifs si l’on disposait d’un cadre commun permettant de mesurer les dotations mondiales affectées à la coopération pour le développement qui ciblent la pauvreté et les inégalités. Grâce à la mesure moins conventionnelle mais plus nuancée que constituent les montants par personne en situation d’extrême pauvreté, on constate qu’en 2022, les dotations d’APD bilatérale dans le monde ont sous-estimé les niveaux de pauvreté dans les pays les moins avancés, où se concentrent la pauvreté et les inégalités, et les ont surestimés dans les pays à revenu intermédiaire, plus aisés.
Des efforts sont encore nécessaires pour parvenir à mieux associer action climatique et action pour le développement. Il faut entre autres décloisonner les stratégies développement et climat, et mieux documenter les impacts, positifs ou non, de l’action climatique en matière de développement. Le secteur de la coopération pour le développement dispose d’un riche référentiel de bonnes pratiques, d’expériences et d’enseignements concernant l’alignement sur les priorités et politiques publiques des partenaires et la maximisation des synergies. Il peut travailler à partir de ces éléments pour revitaliser les engagements et amplifier l’impact sur la réduction de la pauvreté et des inégalités en s’appuyant sur le couplage d’innovations et de solutions éprouvées.
Il est temps de recalibrer l’action pour le développement et l’action climatique au profit des populations et de la planète
Copier le lien de Il est temps de recalibrer l’action pour le développement et l’action climatique au profit des populations et de la planèteÉtant donné l’évolution du contexte mondial, les hypothèses actuelles sur les moyens nécessaires pour lutter contre la pauvreté et les inégalités devront être adaptées. Les systèmes de sécurité sociale et de protection sociale, le développement rural, le soutien aux travailleurs informels, les avancées en matière d’égalité de revenus entre les genres et la conception d’un système équitable de génération de recettes sont quelques-unes des pistes et solutions qui permettraient d’accélérer systématiquement les progrès vers l’élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités. Le développement rural est essentiel, notamment du fait qu’il met l’accent sur la productivité agricole et la création d’emplois dans les activités non agricoles en zone rurale. Le soutien aux travailleurs informels peut permettre de faire progresser l’égalité des genres, et l’aide à la formalisation du travail informel peut contribuer à réduire la pauvreté au travail et à améliorer les conditions de travail. Le renforcement de l’administration fiscale génère des recettes durables pour les politiques de lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Les premiers enseignements tirés des transitions climatiques laissent à penser que des politiques de soutien efficaces pour réduire la pauvreté et les inégalités sont nécessaires en complément de la réorientation de l’action publique dans les domaines propices à la transition verte, par exemple, de l’énergie, de l’environnement ou de la croissance économique. À trop se concentrer sur les secteurs visés par la transition, on risque d’augmenter encore les niveaux de pauvreté et d’inégalités existants, tandis que l’on peut faire une réelle différence grâce à des approches plus globales de l’action publique, axées sur les zones de chevauchement et de synergie des trois objectifs. À titre d’exemple, les mesures visant à promouvoir des systèmes agricoles climato-compatibles (diversification des cultures, etc.) peuvent contribuer à améliorer le rendement des cultures, à accroître les revenus et à atténuer les effets du changement climatique dans les régions vulnérables. Les mécanismes de protection sociale peuvent être étendus de façon à dédommager les personnes travaillant dans des secteurs qui pâtissent des transitions écologiques.
Pistes pour mettre la transition écologique au service de la lutte contre la pauvreté et les inégalités
Copier le lien de Pistes pour mettre la transition écologique au service de la lutte contre la pauvreté et les inégalitésUne action et des mesures efficaces exigent de nouvelles approches de l’action publique, des processus et du financement dans le cadre de la coopération pour le développement et du financement climatique. Elles peuvent être scindées en trois grandes thématiques. Le présent rapport propose une liste récapitulative de ce que la communauté internationale du développement peut faire dans chacune :
1. Élever le niveau d’ambition en matière d’élimination de la pauvreté et de réduction des inégalités et mettre davantage l’accent sur cet objectif en orientant mieux l’aide, en adoptant des normes de bonnes pratiques et en actualisant les outils. Définir une vision commune pour mettre fin à la pauvreté et réduire les inégalités grâce à la transition écologique en donnant la priorité aux solutions à apporter à ces défis interdépendants, sur la base de théories du changement, données et éléments factuels robustes, et en relevant le niveau d’ambition des objectifs de lutte contre la pauvreté grâce au ciblage à la fois de la pauvreté absolue et de l’extrême pauvreté.
2. Accroître les budgets, les synergies, l’accessibilité et l’efficacité du financement du développement et du financement climatique. Accélérer les réformes visant à lever les obstacles à l’accès des pays en développement aux financements, s’appuyer sur une action mondiale pour remédier aux déterminants des inégalités liés à la dette et à la fiscalité, et mettre en œuvre les recommandations relatives à la conduite responsable des entreprises afin d’améliorer les normes sociales et de durabilité dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
3. Promouvoir des approches et des normes inclusives, fondées sur les droits aux fins de transitions écologiques justes. Favoriser une participation constructive des communautés, le respect des droits et la justice climatique mondiale dans les partenariats, programmes et projets en faveur de la transition, notamment en intégrant une analyse de la problématique des genres dans les contributions déterminées au niveau national.
Les défis interdépendants que sont l’accroissement de la pauvreté et des inégalités et le changement climatique, qui s’accentuent l’un l’autre, offrent aux acteurs du développement international une occasion de placer l’humain au centre de la transition écologique et de faire progresser simultanément toutes les actions entreprises pour faire reculer la pauvreté, réaliser l’égalité et lutter contre le changement climatique. La communauté internationale se réunira en 2024 et 2025 pour donner un coup d’accélérateur aux progrès en direction de l’Agenda 2030 – du Sommet de l’avenir 2024 au Sommet social mondial de 2025, en passant par la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, également en 2025 – et convenir, lors de la COP 29, d’un nouvel objectif mondial de financement climatique – le « Nouvel Objectif chiffré collectif ». Il est essentiel que les acteurs de la coopération pour le développement affichent de nouveaux engagements audacieux et solides, des idées innovantes pour l’action collective et une volonté de réforme, afin de donner un nouveau souffle aux engagements fondamentaux visant à mettre fin à la pauvreté et à réduire les inégalités, et d’agir en faveur de la transformation sociale et économique pour bâtir un avenir plus juste et plus écologique.
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