Les dispositifs de maintien dans l’emploi comptent parmi les principaux instruments auxquels nombre de pays de l’OCDE ont eu recours pour atténuer les répercussions, sur le marché du travail et sur le plan social, de la crise liée à la COVID-19. En mai 2020, 50 millions d’emplois environ en bénéficiaient à l’échelle de ces pays, soit dix fois plus que lors de la crise financière mondiale de 2008-09. S’ils ont permis d’éviter une flambée du chômage grâce à l’allègement des coûts salariaux, ces dispositifs sont aussi venus alléger les difficultés financières et soutenir la demande globale en préservant le revenu de ceux qui travaillent à horaire réduit. À l’avenir, les pouvoirs publics devront veiller à ce que les dispositifs de maintien dans l’emploi ne soient pas réduits trop rapidement, favorisant ainsi la suppression d’emplois viables, ou trop lentement, devenant alors un obstacle à la reprise économique. Lorsque la situation sanitaire et économique s’améliorera, il conviendra de mieux cibler les dispositifs de maintien dans l’emploi sur les emplois viables mais risquant d’être supprimés, et de privilégier l’accompagnement des travailleurs susceptibles de perdre leur emploi plutôt que la protection de ces emplois.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi pendant la période de confinement de la crise du COVID-19 et au-delà
Abstract
Les dispositifs de maintien dans l’emploi comptent parmi les principaux instruments auxquels nombre de pays de l’OCDE ont eu recours pour atténuer les répercussions, sur le marché du travail et sur le plan social, de la crise liée au COVID-19. En mai 2020, 50 millions d’emplois environ en bénéficiaient à l’échelle de ces pays, soit dix fois plus que lors de la crise financière mondiale. Ces dispositifs ont pour objectif de protéger les emplois dans les entreprises qui rencontrent une baisse temporaire de leur activité en allégeant les coûts salariaux tout en préservant le revenu de ceux qui travaillent à horaires réduits. Ils peuvent prendre la forme de dispositifs de chômage partiel qui indemnisent directement les heures non travaillées, comme le Kurzarbeit en Allemagne ou l’activité partielle en France. Ils peuvent également prendre la forme de subventions salariales qui couvrent les heures travaillées mais peuvent aussi être utilisées pour compléter les revenus des travailleurs en horaires réduits, comme la mesure d’urgence temporaire des Pays-Bas (Noodmatregel Overbrugging Werkgelegenheid, NOW) ou le JobKeeper Payment en Australie. Tous ces dispositifs de préservation de l’emploi ont en commun l’aspect crucial qu’ils maintiennent le contrat de travail entre l’employé et l’employeur, même en cas d’interruption de travail.
Au début de la crise du COVID-19, la principale préoccupation des gouvernements était de venir en aide aux entreprises et aux travailleurs qui faisaient face à une baisse soudaine et imprévisible de leur activité, voire à son arrêt total, suite aux restrictions imposées par les autorités pour endiguer la propagation du virus. Pour soutenir la reprise, de nombreux gouvernements ont modifié les dispositifs de maintien dans l’emploi existants ou en ont introduit de nouveaux. Ces mesures apportent aux entreprises les liquidités dont elles ont besoin pour conserver leurs employés, notamment leur savoir-faire et leur expérience, ce qui leur permettra de redevenir rapidement opérationnelles au moment de la reprise de l’activité économique puisqu’elles n’auront pas besoin d’embaucher et de former de nouveaux travailleurs. Cependant, à l’heure où les pays sortent d’une période de confinement stricte, les dirigeants doivent trouver le bon équilibre entre soutenir suffisamment les emplois temporairement non viables et limiter les subventions aux emplois qui seraient préservés quoi qu’il arrive ou qui ne sont pas viables à long terme.
Cette synthèse a pour objectif d’examiner les principales caractéristiques des dispositifs de maintien dans l’emploi adoptés par les pays pendant la période de confinement liée au COVID-19, et les ajustements qui devraient être opérés à l’heure où les restrictions à l’activité économique sont progressivement levées, afin de continuer de protéger les emplois viables sans freiner la réaffectation des travailleurs vers les entreprises et les secteurs en croissance.
Messages clés
Au début de la crise du COVID-19, les pays ont agi avec détermination pour sauver les emplois en élargissant la portée des aides au maintien dans l’emploi existantes ou en introduisant de nouveaux dispositifs. Dans la zone OCDE, ces mesures concernaient plus de 50 millions d’emplois, dix fois plus que lors de la crise financière mondiale de 2008-09. Dans la plupart de ces pays, ces dispositifs permettent aux entreprises d’adapter le nombre d’heures travaillées pour un coût nul, évitent qu’un nombre important d’emplois ne disparaissent suite à un manque de liquidités et empêchent une flambée du chômage. En outre, les dispositifs de maintien dans l’emploi qui viennent alléger les difficultés financières pour nombre de travailleurs et soutenir la demande globale ont tendance à mieux protéger les travailleurs temporairement sans travail que le régime des allocations de chômage.
Au fur et à mesure de l’évolution de la crise, les dispositifs de maintien dans l’emploi ont besoin d’être ajustés pour cibler les emplois susceptibles d’être viables à court et moyen termes et éventuellement pour s’adapter aux secteurs, selon que leur activité reste légalement restreinte ou qu’elle reprend. Les pouvoirs publics disposent d’un certain nombre de moyens pour adapter leurs aides en fonction de la reprise des secteurs économiques :
Augmenter progressivement la contribution des entreprises aux coûts des heures non travaillées à mesure que la situation sanitaire et économique s’améliore. Ceci incite plus fortement les entreprises à utiliser les subventions pour des emplois qui seront viables après la crise et à augmenter le nombre d’heures travaillées le plus rapidement possible. Dans les systèmes de subventions salariales, les cotisations patronales peuvent être fixées de manière à garantir un niveau de revenu minimum.
L’aide au maintien dans l’emploi devrait être limitée dans le temps mais cette limite devrait rester flexible. Fixer une durée limitée évite le risque de subventionner des emplois qui ne sont plus viables, même à long terme. Toutefois, ces limites temporelles ne devraient pas être figées car il pourrait être nécessaire d’ajuster ces mesures en fonction de la situation sanitaire et économique.
Aligner plus étroitement les allocations de chômage et de chômage partiel en abaissant les allocations de chômage partiel dans les pays où elles sont beaucoup plus généreuses que les allocations de chômage. Cela peut inciter davantage les travailleurs à reprendre des heures de travail normales ou à chercher un autre emploi, en particulier parmi les travailleurs occupant des emplois qui risquent de disparaître.
Apporter une aide à la recherche d’emploi et à l’orientation professionnelle. Le passage d’un emploi subventionné vers un emploi qui ne l’est pas peut être favorisé en encourageant ou obligeant les travailleurs concernés par les dispositifs de maintien dans l’emploi à s’inscrire aux services publics de l’emploi et à bénéficier de leur accompagnement (par exemple, l’aide à la recherche d’emploi, l’orientation et la formation professionnelle).
Encourager la formation pendant les périodes de travail en horaires réduits. En suivant des formations, les travailleurs peuvent améliorer la viabilité de leur emploi actuel, y compris en télétravaillant plus efficacement, ou augmenter leurs chances d’en trouver un nouveau. Il est plus facile d’associer une formation avec un rythme de travail partiel ou irrégulier lorsque les formations s’adressent à des individus plutôt qu’à des groupes, permettent un suivi flexible grâce à des outils d’apprentissage en ligne et durent relativement peu de temps.
Les gouvernements ont investi massivement dans les dispositifs de maintien dans l’emploi pour limiter les pertes d’emploi
Face à la crise du COVID-19, la plupart des pays de l’OCDE ont pris des mesures fortes pour élargir les régimes de chômage partiel existants, introduire de nouveaux dispositifs ou créer des subventions salariales temporaires pour protéger les emplois et soutenir les revenus.
La plupart des pays ont eu recours à des dispositifs de chômage partiel nouvellement instaurés ou existants pour préserver les emplois
Les dispositifs de chômage partiel aident les entreprises au moyen de subventions à supporter l’intégralité ou une partie du coût des heures non travaillées et protègent ainsi le revenu des travailleurs tout en limitant les coûts pour les entreprises. Leur principal objectif est d’aider les entreprises confrontées à une baisse temporaire de la demande à conserver les emplois devenus non rentables à court terme mais qui devraient rester viables à moyen terme. Le fonctionnement des dispositifs de chômage partiel varie fortement selon les pays en fonction des différentes méthodes adoptées pour garantir un rapport coût-efficacité favorable (Hijzen et Venn, 2011[1]). Voir Encadré 1 pour une description de ces dispositifs dans certains pays de l’OCDE.
Encadré 1. Dispositifs de maintien dans l’emploi pendant les premiers mois de la crise du COVID-19 en France, en Allemagne, en Italie, au Japon et aux États-Unis
France
La France autorise les entreprises à considérer la crise sanitaire comme un cas de force majeure, ce qui leur permet de recourir au dispositif d’activité partielle. Les entreprises peuvent demander à bénéficier du dispositif de manière rétroactive jusqu’à 30 jours après le début de la réduction du nombre d’heures travaillées. Les demandes sont considérées comme acceptées si l’entreprise ne reçoit pas de réponse dans les 2 jours (au lieu des 15 jours habituels). La durée maximale du dispositif a été étendue de 6 à 12 mois. Tous les employés sous contrat (à durée indéterminée ou non) sont éligibles et reçoivent 70 % de leur salaire brut de la part de leur employeur. Pendant la crise du COVID-19, la plupart des employeurs n’ont pas besoin de supporter le coût des heures chômées car les pouvoirs publics leur remboursent les sommes versées aux employés, dans la limite de 4,5 fois le salaire horaire minimum.
Allemagne
L’Allemagne a simplifié l’accès au Kurzarbeit. Depuis mars 2020, les entreprises peuvent demander une aide si 10 % de leur main d’œuvre est concernée par des baisses du nombre d’heures travaillées, contre 30 % précédemment. Les employeurs continuent d’abord de payer à leurs employés les heures réellement travaillées, plus 60 % de leurs revenus d’activité nets perdus à cause de la réduction des heures de travail (67 % pour les employés avec enfants). Le service public de l’emploi rembourse ces versements aux employeurs ainsi que 100 % des cotisations de sécurité sociale pour les heures chômées (alors que le remboursement des charges sociales était de 50 % pendant la crise financière mondiale de 2008-09). En principe, la subvention est également disponible pour les travailleurs en contrat temporaire et les apprentis et elle a été étendue aux travailleurs intérimaires au début de la crise. En avril, les pouvoirs publics ont porté à 70 % le taux de remplacement en vigueur pour les revenus d’activité perdus, à partir du quatrième mois, et à 80 % à partir du septième mois et au-delà (respectivement à 77 % et 87 % pour les employés avec enfants). De plus, les restrictions qui empêchaient d’avoir un nouvel emploi en période de chômage partiel ont été levées. Les travailleurs ont le droit de cumuler des revenus d’activité complémentaires et des prestations de chômage partiel tant que l’ensemble de ces revenus ne dépasse pas leurs revenus antérieurs. Dans certains secteurs, les syndicats et les employeurs se sont accordés sur des taux de remplacement plus élevés allant jusqu’à 90 %.
Italie
L’Italie a largement étendu la portée de son dispositif de chômage partiel (Cassa Integrazione Guadagni) en permettant à toutes les entreprises d’en bénéficier indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité. Il suffit aux entreprises de déclarer avoir été touchées par la crise du COVID-19 sans avoir à fournir de justification détaillée. Elles peuvent demander à bénéficier du dispositif dans les quatre mois qui suivent le début de la réduction d’activité et les aides peuvent être versées rétroactivement à compter de la fin février 2020. Néanmoins, certains des nouveaux bénéficiaires attendus ont rencontré des difficultés pour accéder au dispositif et recevoir les aides rapidement. La participation des employeurs aux coûts du chômage partiel a été supprimée alors que le niveau des prestations reste inchangé pour les travailleurs. Les subventions couvrent 80 % des salaires bruts et sont plafonnées à 998 EUR pour les salaires allant jusqu’à 2 159 EUR et à 1 199 EUR pour les salaires supérieurs à ce montant. Pour un travailleur qui perçoit un salaire moyen, ceci correspond à un taux de remplacement effectif d’environ 45 % lorsque les heures de travail tombent à zéro.
Japon
Le Japon a élargi la couverture de sa subvention à l’ajustement de l’emploi et simplifié les conditions requises pour y accéder. Avant la crise, pour prétendre à la subvention à l’ajustement de l’emploi il fallait justifier d’une baisse de 10 % de la production pendant plus de trois mois. Ce critère a été ramené à 5 % pendant un mois. Le Japon a fait passer le taux de subvention des heures chômées à 100 % au maximum pour les PME et à 75 % pour les plus grandes entreprises. En mai 2020, le gouvernement a annoncé une hausse de l’indemnité maximale portée à 80 % pour les grandes entreprises (de 8 330 JPY à 15 000 JPY par jour par employé). Le programme a été élargi de sorte à indemniser les travailleurs non réguliers qui ne sont pas couverts par l’assurance chômage. Les pouvoirs publics ont en outre créé un nouveau dispositif afin de couvrir les travailleurs qui n’ont pas bénéficié de l’aide parce que les PME qui les emploient n’ont pas fait la demande de subvention malgré la réduction du temps de travail. Ces travailleurs seront en mesure de demander à bénéficier du nouveau dispositif et recevront 80 % de leurs revenus habituels d’activité.
États-Unis
Aux États-Unis, 26 États (correspondant environ à 70 % de la population) disposent de programmes de compensation du chômage partiel. En vertu de la loi Coronavirus Aid, Relief and Economic Security (CARES), le gouvernement fédéral finance désormais 100 % des aides au chômage partiel dans les États où le dispositif existe et 50 % dans les États qui adoptent un nouveau dispositif. De plus, les bénéficiaires du chômage partiel peuvent prétendre à la même hausse des allocations de 600 USD octroyée à tous les bénéficiaires de l’allocation chômage pendant une période de quatre mois. Toutefois, le recours au chômage partiel reste très limité pour plusieurs raisons (Graphique 1), notamment à cause de l’engorgement au niveau administratif, du manque d’information des employeurs, des faibles incitations financières pour les employeurs (ils doivent s’acquitter de leur part des charges sociales sur les heures non travaillées) et des limites fixées pour la réduction maximale du temps de travail. Afin de contourner ces difficultés, les États-Unis ont introduit plusieurs programmes limités de subvention salariale comme le Paycheck Protection Programme (PPP) et l’Employee Retention Tax Credit (ERTC). Le PPP permet aux petites entreprises — quel que soit leur chiffre d’affaires – de faire un emprunt pour pouvoir payer leurs employés pendant la crise du COVID-19 dont le remboursement ne sera pas exigé si les niveaux d’emploi et de compensation sont maintenus. L’ERTC est accessible aux employeurs qui accusent une baisse de leur chiffre d’affaires de plus de 50 %. Pour les entreprises de moins de 100 employés, le dispositif propose un crédit d’impôt remboursable de 50 % de l’ensemble des salaires des employés, qu’ils continuent de travailler ou non. Dans les entreprises plus importantes, le crédit n’est proposé que pour les salaires des employés qui ne travaillent pas pendant la crise. Le montant maximal du crédit total est fixé au niveau relativement bas de 10 000 USD.
Lorsque la crise du COVID-19 a pris de l’ampleur, tous les pays ont pris des mesures pour garantir une mise en œuvre rapide et étendue des dispositifs d’aide aux entreprises et aux travailleurs afin de les soutenir face aux répercussions des restrictions à l’activité économique imposées par les pouvoirs publics. Vingt-trois pays de l’OCDE disposaient d’un régime de chômage partiel avant l’apparition de la crise (Tableau 1), et huit pays ont introduit de nouveaux dispositifs en réaction à la crise. Tous les pays qui disposaient déjà d’un dispositif l’ont rapidement adapté pour faire face à la crise du COVID-191. Les mesures adoptées par les pays pour étendre les dispositifs de chômage partiel existants se classent en trois grandes catégories :
Faciliter l’accès et étendre la couverture. Vingt pays ont pris des mesures pour faciliter et accélérer l’accès au chômage partiel et dynamiser la reprise des entreprises touchées. Plusieurs pays qui exigeaient d’apporter une justification économique ont abaissé les seuils requis afin de permettre aux entreprises de demander l’indemnité du chômage partiel (par exemple en Corée, au Japon et en Pologne). Dans d’autres pays, les entreprises peuvent invoquer la crise sanitaire comme cas de force majeure par simple déclaration (notamment en Belgique, en Espagne, en France, en Italie et en République tchèque). L’Allemagne et la Norvège ont abaissé leur niveau minimum de réduction du temps de travail requis pour permettre à un plus grand nombre d’entreprises d’accéder au dispositif de chômage partiel. En Italie, le dispositif de chômage partiel qui était limité aux grandes entreprises et à certains secteurs d’activité a été élargi à tous les secteurs et aux entreprises de toutes les tailles. Certains pays ont également simplifié et allégé les procédures en généralisant l’utilisation des demandes en ligne et la possibilité de faire des demandes rétroactives.
Étendre la couverture du dispositif aux travailleurs non permanents. Neuf pays ont autorisé l’accès aux travailleurs qui occupent des formes d’emploi atypiques afin d’inclure les travailleurs temporaires, intérimaires et même certaines catégories de travailleurs indépendants. En principe, ceci devrait limiter le risque que le chômage partiel accentue la dualité du marché du travail (Hijzen et Venn, 2011[1]). Toutefois, les entreprises peuvent ne pas être suffisamment incitées à garder les travailleurs qui occupent des formes d’emploi atypiques pendant les périodes de chômage partiel, en particulier si le dispositif impose un coût direct pour les employeurs. Ceci est particulièrement préoccupant dans le contexte de la crise du COVID-19 car les secteurs les plus touchés ont tendance à recourir largement à ces formes d’emploi atypiques. Il apparaît donc essentiel que des mesures complémentaires soient prises pour soutenir ces travailleurs dans le cas où ils perdraient leur emploi.
Rendre les dispositifs plus généreux. Plusieurs pays ont rendu les dispositifs de chômage partiel plus généreux en augmentant les taux de remplacement du revenu d’activité pour les travailleurs et en réduisant les coûts pour les entreprises. Quatorze pays ont augmenté le taux effectif de remplacement des revenus d’activité des heures non travaillées. Dans plusieurs pays où les employeurs devaient payer une partie des salaires ou des cotisations sociales des heures chômées, ces coûts ont été supprimés (par exemple en Allemagne, en France, en Italie). Dans près de la moitié de tous les pays, ce coût était déjà nul avant la crise. La hausse des taux de remplacement et la baisse du coût pour l’employeur traduisent une volonté des pays, au début de la crise, d’aider en priorité les travailleurs et les entreprises sans se préoccuper des éventuels effets démobilisateurs des mesures adoptées.
Les nouveaux dispositifs de chômage partiel adoptés pour faire face à la crise du COVID-19 ont également été conçus de sorte à être facilement et rapidement utilisables par les entreprises qui rencontrent des difficultés et couvrent également, pour la plupart, les travailleurs atypiques. Au Danemark et au Royaume-Uni, par exemple, les entreprises peuvent formuler leur demande en ligne et demander une aide rétroactive. Le niveau des indemnités versées aux travailleurs varie selon les pays mais il a tendance à être relativement élevé, et va de 100 % au Danemark à 75 % en Lettonie. En Grèce, l’aide correspond à une somme forfaitaire de 800 EUR alors qu’en Islande, les employés qui travaillent à horaires réduits reçoivent une indemnité dont le taux correspond à l’allocation de chômage habituelle. Tous les nouveaux dispositifs, à l’exception de celui de l’Islande, proposent une aide uniquement lorsque les heures de travail sont entièrement supprimées, en d’autres termes, dans le cas de mises à pied temporaires. Ces dispositifs sont plus faciles à mettre en œuvre rapidement et moins susceptibles de faire l’objet d’abus liés à une mauvaise classification des travailleurs à temps partiel. Toutefois, ils sont nécessairement plus rigides et excluent la possibilité de partager les coûts de la restructuration entre les membres du personnel avec des réductions du temps de travail généralisées (c’est-à-dire avec un partage du travail).
D’autres pays ont adopté des mesures temporaires de subvention salariale afin de protéger l’emploi
Plusieurs pays, principalement des pays anglophones, ont adopté des mesures ponctuelles de subventions salariales qui peuvent être utilisées par les entreprises pour les heures travaillées (comme des subventions salariales classiques) mais aussi pour les heures chômées (comme les dispositifs de chômage partiel). La subvention est réservée aux entreprises qui enregistrent une baisse significative de leurs recettes. Contrairement aux dispositifs de chômage partiel, le montant de la subvention ne dépend généralement pas de la baisse d’activité des entreprises (qu’il s’agisse d’une baisse des ventes ou du temps de travail). Cela accroît le risque que l’aide n’aille à un emploi qui n’en a pas besoin (effet d’aubaine), mais réduit le risque qu’elle n’aille à des emplois qui ne sont pas viables à long terme. Les entreprises peuvent généralement utiliser ces subventions pour protéger l’emploi des travailleurs atypiques ou pour réembaucher des travailleurs récemment mis à pied.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont introduit une subvention forfaitaire qui, en pratique, fait office de salaire minimum pour tous les employés. Les employeurs qui remplissent les conditions requises doivent continuer de payer, comme d’habitude, les heures travaillées ou verser l’équivalent de la subvention, si celle-ci est plus élevée. Au Canada et en Estonie, la subvention correspond à un pourcentage fixe du salaire habituel (75 % et 70 %, respectivement), quelle que soit la baisse du temps de travail. En Irlande, le niveau de la subvention varie en fonction des revenus de l’employé, atteignant au maximum 85 % des revenus d’activité nets habituels pour les revenus les plus bas. En Pologne, les employeurs doivent verser au moins 50 % des salaires habituels aux travailleurs dont le travail a temporairement été interrompu (plus pour les baisses de travail moins importantes) et sont partiellement remboursés par l’État. Les Pays-Bas ont remplacé leur dispositif de chômage partiel par une subvention salariale temporaire qui prévoit que les employeurs continuent de payer 100 % du salaire habituel de leurs employés et qu’ils reçoivent une subvention proportionnelle à la baisse de leur chiffre d’affaires (90 %) et non à la réduction du temps de travail comme dans les dispositifs traditionnels de chômage partiel.
Ces pays ont choisi d’adopter des subventions salariales temporaires pour diverses raisons. Tout d’abord, à l’exception des Pays-Bas, ces pays n’avaient aucune expérience, ou une expérience limitée, des dispositifs de chômage partiel : l’Australie et l’Estonie n’ont jamais eu recours au chômage partiel ; le Canada, l’Irlande, la Pologne et la Nouvelle-Zélande ont adopté des dispositifs de chômage partiel pendant la crise financière mondiale mais ils n’ont été que peu utilisés. Ensuite, dans la plupart de ces pays, les indemnités de licenciement représentent généralement un coût relativement faible pour les entreprises ce qui les incite peu à recourir à des dispositifs de chômage partiel qui impliquent généralement des coûts opérationnels et, dans certains cas, une participation financière formelle de la part des entreprises. Enfin, les subventions salariales sont possiblement des mesures d’aide plus flexibles pour les entreprises qui peuvent gérer librement leurs horaires sans avoir besoin de le signaler. Elles incitent également plus fortement les entreprises à maintenir un nombre d’heures travaillées élevé et à l’augmenter rapidement lorsque la situation s’améliore. Toutefois, ces dispositifs incitent également les entreprises qui enregistrent le seuil minimum requis de réduction des ventes à appliquer la subvention à tous leurs salariés, ce qui risque de gaspiller des ressources précieuses.
Tableau 1. Les pays ont adapté les dispositifs de maintien dans l’emploi existants ou en ont adopté de nouveaux
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Dispositif de chômage partiel préexistant |
Accès facilité et couverture élargie |
Plus grande générosité du dispositif |
Élargissement de l’accès aux travailleurs atypiques |
Nouveau dispositif de chômage partiel |
Nouveau dispositif de subvention salariale |
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Australie |
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Autriche |
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Belgique |
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Canada |
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Chili* |
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République tchèque |
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Danemark |
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Estonie |
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Finlande |
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France |
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Allemagne |
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Grèce |
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Hongrie |
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Islande |
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Irlande* |
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Italie |
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Japon |
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Corée |
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Lettonie |
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Lituanie |
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Luxembourg |
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Pays-Bas* |
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Nouvelle-Zélande |
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Norvège |
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Pologne |
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Portugal |
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République slovaque |
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Slovénie |
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Espagne |
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Suède |
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Suisse |
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Turquie |
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Royaume-Uni |
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États-Unis |
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Note : Irlande et Pays-Bas : le dispositif de chômage partiel existant a été remplacé par une subvention salariale temporaire. Chili : l’aide aux revenus est financée à partir des comptes épargne individuels pour l’assurance chômage des travailleurs, à moins qu’il ne reste pas de fonds disponibles.
Le recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi a été sans précédent et largement répandu
Les sociétés ont largement eu recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi pour diminuer les heures de travail ou mettre leurs travailleurs « en congé ». Dans les pays de l’OCDE, les premières demandes des entreprises pour bénéficier des dispositifs de maintien dans l’emploi concernaient près de 60 millions de travailleurs. En mai 2020, les demandes des entreprises qui souhaitaient bénéficier des dispositifs de maintien dans l’emploi concernaient 66 % des salariés en Nouvelle-Zélande, plus de 50 % en France, plus de 40 % en Italie et en Suisse, près de 30 % en Allemagne, Autriche, Belgique et au Portugal (Graphique 1). Actuellement, le recours à ces dispositifs est nettement plus faible que lors des premières demandes dans certains pays et concerne près de 50 millions de travailleurs dans la zone OCDE. Ce niveau reste dix fois supérieur à celui de la crise financière mondiale de 2008-09 (Hijzen et Venn, 2011[1]). En Allemagne, par exemple, 19 % des salariés bénéficiaient du chômage partiel en mai 2020 contre 4 % au plus fort de la crise financière mondiale et, en France, il concernait 33 % des salariés contre 1 % au cours de la crise financière mondiale (Graphique 2).
Dans les pays de l’OCDE, les dispositifs de maintien dans l’emploi concernaient plus de 50 millions d’emplois, dix fois plus que lors de la crise financière mondiale.
Le recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi était largement répandu, tous secteurs et tous types d’entreprises confondus, alors que les restrictions à l’activité économique imposées par les pouvoirs publics touchaient de nombreuses entreprises dans presque tous les secteurs. (Graphique 2). Comparativement, pendant la crise financière mondiale, 80 % des bénéficiaires des dispositifs de maintien dans l’emploi en Allemagne et en France se concentraient dans le secteur de la manufacture, alors même que ce secteur ne rassemblait pas plus de 20 % des emplois à l’époque. Ceci montre que la crise financière mondiale a eu des répercussions disproportionnées sur ce secteur et que les secteurs où la main d’œuvre est hautement qualifiée ont fort intérêt à retenir leurs travailleurs.
Le recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi a été sans précédent pendant la crise du COVID-19. En Allemagne, le chômage partiel était de 19 % en mai 2020 alors qu’il n’était que de 4 % au plus fort de la crise financière mondiale, et il était de 33 % en France alors qu’il n’a pas dépassé 1 % pendant la crise.
Le recours sans précédent à des dispositifs de préservation de l’emploi a permis de limiter les répercussions de la crise du COVID-19 sur le marché du travail et sur le plan social et d’empêcher des licenciements massifs (OCDE, 2020[2]). Les inquiétudes quant aux effets négatifs des dispositifs de maintien dans l’emploi, qui se posent en temps normal, ont dans un premier temps été considérées comme secondaires. Le risque de consacrer des ressources publiques au maintien d’emplois que les employeurs auraient conservés quoi qu’il arrive était notamment limité étant donné que les restrictions à l’activité économique imposées pendant le confinement ont entraîné une forte baisse du chiffre d’affaires et des ressources financières de nombreuses entreprises dans presque tous les secteurs. En temps normal, les dispositifs de maintien dans l’emploi peuvent également empêcher le redéploiement des travailleurs vers des entreprises plus productives. Mais ce risque était lui aussi limité pendant la période de confinement puisque les embauches étaient gelées et que les restrictions imposées par les pouvoirs publics et les mesures de distanciation physique ont eu des répercussions à tous les niveaux dans l’ensemble des entreprises, indépendamment de leurs résultats avant la crise.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi pendant la phase de confinement de la crise du COVID-19
Cette partie présente de façon plus détaillée le fonctionnement des dispositifs de maintien dans l’emploi pendant la première phase de la crise du COVID-19 et apporte un éclairage particulier sur la générosité des dispositifs à l’égard des entreprises et des travailleurs et sur la manière dont ils ciblent les entreprises confrontées à des difficultés financières et les travailleurs faiblement rémunérés. Les dispositifs de maintien dans l’emploi ont joué un rôle important dans la réduction des coûts de main-d’œuvre et, partant, du nombre d’emplois susceptibles d’être supprimés en raison de graves problèmes de liquidité dans les entreprises. En préservant les emplois, ils ont contribué à protéger un aspect précieux du capital humain propre à chaque entreprise : l’adéquation entre les postes et les salariés qui les occupent. En soutenant les revenus des travailleurs dont le nombre d’heures travaillées a été temporairement réduit, ils ont également évité les difficultés financières et soutenu la demande globale.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi ont permis de faire baisser les coûts salariaux et de protéger les emplois
Le chômage partiel permet généralement aux entreprises de réduire le temps de travail sans que cela ne leur coûte rien, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur le nombre d’emplois qui risquent de disparaître. Les subventions salariales, quant à elles, permettent généralement une réduction des coûts salariaux plus importante qu’avec le chômage partiel mais cela s’accompagne d’un coût fiscal plus élevé ou d’une moins bonne protection du revenu des travailleurs. Les dispositifs de chômage partiel visent plus spécifiquement les entreprises qui risquent de rencontrer des difficultés financières et sont donc potentiellement plus efficaces pour préserver les emplois que les subventions salariales.
La plupart des dispositifs de maintien dans l’emploi permettent une réduction du temps de travail sans coût pour l’entreprise
Au début de la crise du COVID-19, la plupart des pays ont fixé à zéro le coût des heures contractuelles non travaillées, ce qui a permis aux entreprises d’ajuster les coûts salariaux en fonction de la baisse du temps de travail (Graphique 3). Ceci semble se maintenir dans les pays qui bénéficient de dispositifs de chômage partiel et de subventions salariales. Toutefois, dans certains pays, les employeurs ont continué de supporter une partie du coût des travailleurs inoccupés. Au Danemark et aux Pays-Bas, les employeurs doivent prendre en charge respectivement 35 % et 10 % des coûts salariaux habituels afin de garantir un revenu stable aux travailleurs. Les dispositifs en Estonie, au Japon, au Portugal et en Pologne ne garantissent pas l’intégrité des revenus des travailleurs mais imposent aux employeurs de payer une partie du revenu de ceux « en zéro heure », c’est-à-dire temporairement sans activité. Toutefois, même dans ces pays, les dispositifs de maintien dans l’emploi ont permis aux entreprises d’opérer des ajustements importants des coûts salariaux pendant la crise.
Les dispositifs de subvention salariale semblent plus généreux pour les employeurs que ceux du chômage partiel lorsqu’une activité commerciale est encore possible
Lorsque le temps de travail n’est pas réduit à zéro, les dispositifs de subvention salariale sont plus généreux pour les employeurs que le chômage partiel (partie B du Graphique 3). Si le chômage partiel allège les employeurs du coût des heures chômées, il n’a pas d’effet sur le coût des heures travaillées. En revanche, les subventions salariales autorisent également une baisse du coût des heures travaillées. Par exemple, dans le cas d’un travailleur touchant le salaire moyen et dont les heures de travail ont diminué de 30 %, les coûts de main-d’œuvre diminuent dans la même proportion dans la plupart des pays ayant mis en place des dispositifs de chômage partiel, mais ils diminuent de 70 % en Australie et en Nouvelle-Zélande et de 100 % au Canada. Aux Pays-Bas, les employeurs reçoivent également une subvention qu’ils peuvent utiliser pour financer les heures travaillées mais, contrairement aux autres pays qui ont adopté des dispositifs de subvention salariale, le montant de la subvention est proportionnel à la baisse du chiffre d’affaires de l’entreprise, dans le même esprit que le chômage partiel. En ce sens, le dispositif néerlandais peut être considéré comme hybride2.
Dans la plupart des pays, des dispositifs de maintien dans l’emploi ont permis aux entreprises de réduire le temps de travail sans que cela ne leur coûte rien, protégeant les emplois et évitant une flambée du chômage.
En allégeant les coûts salariaux des entreprises, les dispositifs de maintien dans l’emploi ont fait baisser le nombre d’emplois qui risquaient d’être supprimés
Des simulations réalisées à partir de données à l’échelle des entreprises de 14 pays européens indiquent que les dispositifs de maintien dans l’emploi ont permis de faire baisser drastiquement le nombre d’emplois menacés de suppression dans les entreprises confrontées à des problèmes de liquidités pendant la crise du COVID-19 (voir Encadré 2). En réduisant les coûts salariaux, ces dispositifs ont évité à de nombreuses entreprises de rencontrer de graves problèmes de liquidités alors même que leurs recettes s’effondraient. Ceci a permis aux travailleurs de ne pas être licenciés ou aux entreprises de ne pas faire faillite. De plus, les simulations semblent indiquer que le chômage partiel serait plus rentable que la subvention salariale. Pour un coût fiscal donné, l’aide des pouvoirs publics apportée au moyen de dispositifs de chômage partiel permet une réduction plus importante du nombre d’emplois menacés de suppression qu’avec une aide sous forme de subvention salariale. Ceci s’explique par le fait que les indemnités de chômage partiel sont proportionnelles à la baisse de l’activité rencontrée par l’entreprise, mesurée en heures chômées, et que les entreprises qui rencontrent les plus fortes baisses d’activité sont les plus susceptibles d’avoir des problèmes de liquidités qui les empêchent de payer les salaires de leurs employés alors que le montant des subventions salariales ne dépend pas de la baisse d’activité commerciale (à l’exception des Pays-Bas). Ainsi, ce dernier dispositif est plus susceptible de protéger des emplois qui auraient été conservés même en l’absence d’une aide publique puisque les entreprises dont l’activité a faiblement baissé risquent moins d’avoir des problèmes de liquidités importants3.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi ont permis de préserver le revenu des travailleurs en horaires réduits
Les travailleurs qui bénéficient des dispositifs de maintien dans l’emploi sont généralement mieux lotis que les travailleurs à temps plein qui perçoivent des allocations de chômage, même en cas d’arrêt complet du travail. Les mesures de préservation de l’emploi ont tendance à cibler davantage les travailleurs faiblement rémunérés, en particulier dans les pays où les dépenses au titre de ces dispositifs sont plus restreintes. Ainsi, les dispositifs de maintien dans l’emploi ont non seulement empêché les pertes d’emploi mais ils ont également allégé les difficultés financières des travailleurs et soutenu la consommation globale en garantissant les revenus de ceux qui travaillaient en horaires réduits, notamment de ceux qui ont un faible pouvoir d’achat.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi apportent un soutien plus intéressant que l’allocation de chômage pour les travailleurs temporairement sans travail
Dans la plupart des pays, les dispositifs de maintien dans l’emploi apportent un niveau d’aide supérieur aux travailleurs congédiés (c’est-à-dire temporairement sans travail) que les allocations de chômage (Graphique 4). La différence de revenu entre les travailleurs en chômage partiel et ceux qui perçoivent des allocations de chômage est encore plus importante pour les travailleurs qui continuent de travailler à temps partiel et perçoivent l’intégralité de la rémunération des heures travaillées. Les taux de remplacement relativement élevés proposés par les dispositifs de maintien dans l’emploi semblent avoir rendu ces mesures attractives pour les travailleurs et ont permis de préserver leur niveau de vie et de soutenir la demande globale. Les plus grands écarts avec les allocations de chômage apparaissent dans les pays où les dispositifs temporaires de maintien dans l’emploi offrent une protection totale des revenus aux travailleurs, comme au Danemark et aux Pays-Bas, mais aussi dans les pays où les allocations de chômage sont soumises aux conditions de ressources, comme en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans d’autres pays, qui disposaient souvent déjà de dispositifs de chômage partiel, la différence entre ce dispositif et le régime de l’assurance chômage tend à s’amenuiser. En Italie et en Espagne, par exemple, les deux systèmes proposent des niveaux de protection similaires.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi protègent largement les revenus des travailleurs dont le temps de travail diminue, allègent les difficultés financières de nombre d’entre eux et soutiennent la demande globale. L’aide aux revenus prévue par les dispositifs de maintien dans l’emploi a tendance à être supérieure aux allocations de chômage habituelles.
Les dispositifs de maintien dans l’emploi moins généreux ont tendance à cibler plus spécifiquement les travailleurs faiblement rémunérés
Dans certains pays, les dispositifs de maintien dans l’emploi accompagnent davantage les travailleurs faiblement rémunérés (partie A du Graphique 5). Dans cinq pays, le taux de remplacement pour les travailleurs faiblement rémunérés, à 67 % du salaire moyen, est supérieur d’au moins 10 points de pourcentage à celui des travailleurs qui perçoivent un salaire moyen. Ces écarts sont plus importants dans les pays où le taux de remplacement pour un salaire moyen est inférieur. Ceci indique que, dans les pays où les dispositifs de maintien dans l’emploi sont moins généreux, il est nécessaire de cibler plus précisément les travailleurs dont le salaire est bas afin d’éviter aux familles à faible revenu de rencontrer des difficultés financières. Pour que les dispositifs de maintien dans l’emploi ciblent les travailleurs faiblement rémunérés, les pays qui ont adopté le chômage partiel ont plafonné les indemnités (par exemple en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni). Pour la subvention salariale, en Australie et en Nouvelle-Zélande, les différences des taux de remplacement effectifs selon les niveaux de salaires proviennent du fait que la subvention est versée sous la forme d’une somme forfaitaire indépendante des revenus habituels4.
Des aides au revenu généreuses, en particulier pour les familles à faible revenu, ont limité les difficultés financières et soutenu la consommation globale pendant la période de confinement
Les aides au revenu généreuses versées à ceux qui travaillent en horaires réduits permettent de compenser les pertes de revenu et de prévenir les difficultés financières, en particulier pour les familles à faible revenu. De plus, les dispositifs de préservation de l’emploi contribuent aussi au bien-être des ménages en sécurisant les emplois et les revenus. En préservant les revenus des ménages et en stabilisant les revenus, les dispositifs de maintien dans l’emploi ont fortement contribué à soutenir la consommation globale et à réduire le risque de voir le choc du côté de l’offre se transformer en une crise de la demande ( (Read et al., 2020[3])). Enfin, en favorisant un étalement des demandes de chômage, ils ont soulagé les pressions qui s’exerçaient sur les services publics de l’emploi et les services sociaux (et « aplati la courbe du chômage »).
Encadré 2. L’incidence du chômage partiel et des subventions salariales sur les emplois menacés dans les entreprises en manque de liquidités*
Le présent encadré fait la synthèse des résultats de l’analyse de microsimulations réalisées par l’OCDE afin d’évaluer l’efficacité des dispositifs de chômage partiel et de subvention salariale sur le nombre d’emplois qui risquent d’être supprimés dans les entreprises en manque de liquidités. Les microsimulations sont réalisées à partir de modèles simplifiés des dispositifs de chômage partiel et de subvention salariale dont les paramètres ont été fixés de sorte à garantir une neutralité fiscale. Les simulations s’appuient sur des données d’entreprises détaillées (Orbis) qui concernent environ 1 million d’entreprises dans 14 pays européens et apportent des informations complètes sur leur situation financière au moment de l’apparition de la crise du COVID-19. La baisse du chiffre d’affaires estimée pour les entreprises est identique à celle des chocs économiques prévus par les scénarios de choc unique et de deux chocs successifs utilisés pour réaliser les projections de l’OCDE pour juin 2020 (OCDE, 2020[4]).
Scénarios sur les dispositifs de chômage partiel et de subvention salariale avec et sans compléments par les entreprises
Afin de distinguer l’effet direct de la subvention publique sur le pourcentage d’emplois préservés dans les entreprises confrontées à des problèmes de liquidités, de l’effet indirect lié à l’ajustement des salaires des travailleurs qui peut également être associé à la participation au dispositif, deux simulations ont été réalisées : une qui considère que les entreprises ont intégralement complété les subventions afin de garantir le revenu des travailleurs malgré la diminution du temps de travail (pour isoler l’effet direct de l’aide publique) et une qui considère que les entreprises ne complètent pas les subventions en cas de réduction du temps de travail (les travailleurs ne sont payés que pour les heures travaillées ou perçoivent une indemnisation si leurs revenus sont trop faibles). Dans de nombreux pays ayant adopté des dispositifs de maintien dans l’emploi, les entreprises sont encouragées à verser des compléments, mais ce n’est généralement pas une obligation légale (à l’exception notable du Danemark et des Pays-Bas). La différence entre les deux simulations indique l’ajustement supplémentaire opéré sur les revenus lié à la participation au dispositif.
Dans le cadre du dispositif schématisé de chômage partiel, les travailleurs sont rémunérés par l’État à un taux constant de 80 % du salaire habituel pour toute heure non travaillée. En l’absence de complément versé par les entreprises pour les heures non travaillées, les employeurs sont censés supporter l’intégralité des coûts de toutes les heures travaillées, mais aucun des coûts des heures non travaillées. Par conséquent, les coûts de main-d’œuvre diminuent pour tomber à zéro au même rythme que le nombre d’heures travaillées (partie A du Graphique 6), tandis que le coût de la subvention pour l’État augmente et que le salaire total des travailleurs diminue (parties B et C du Graphique 6). Avec des compléments intégraux, les salaires ne sont pas affectés par la réduction du temps de travail, tandis que les entreprises contribuent à hauteur de 20 % au coût des heures chômées.
Aux fins de l’exemple présenté ici, on suppose que les employeurs reçoivent une subvention égale à 40 % du salaire habituel, indépendamment de la réduction du temps de travail (partie B)1. Il convient de noter que la subvention salariale effective utilisée dans les simulations est quelque peu différente en raison de la nécessité d’assurer la neutralité budgétaire compte tenu de l’impact supposé de la crise sur les ventes des entreprises. En l’absence de complément, les employeurs doivent verser le salaire pour les heures effectivement travaillées ou la subvention, si celle-ci est plus élevée. En conséquence, la réduction des coûts de main-d’œuvre pour les entreprises est égale à la subvention majorée du coût habituel des heures chômées (partie A), tandis que les salariés ne perçoivent pas de rémunération pour les heures chômées, à moins que le salaire pour les heures travaillées ne tombe en dessous du niveau de la subvention. Par conséquent, les revenus des travailleurs diminuent au même rythme que le nombre d’heures travaillées jusqu’à ce qu’ils atteignent le seuil de la subvention fixé à 40 % du salaire habituel (partie C). Avec des compléments intégraux, les salaires ne sont pas affectés par la réduction du temps de travail, tandis que les entreprises couvrent le coût de la diminution des heures travaillées au-delà de 60 %2.
Modélisation des effets des dispositifs de chômage partiel et de subvention salariale sur la position de liquidité des entreprises
Les effets des différents scénarios d’action publique sur les pertes potentielles d’emplois dans les entreprises confrontées à des contraintes de liquidité sont simulés en prenant en compte la situation financière des entreprises au début de la crise du COVID-19 et en utilisant différentes hypothèses sur la nature de la crise économique. Les simulations s’appuient sur des données détaillées au niveau des entreprises (Orbis) qui concernent environ un million d’entreprises dans 14 pays européens et apportent des informations complètes sur leur situation financière au moment de l’apparition de la crise du COVID-19 (plus précisément en 2018, dernière année pour laquelle des données sont disponibles).
L’évolution de la position de liquidité des entreprises est mesurée en se concentrant sur les variations mensuelles de leur trésorerie d’exploitation dues à la baisse supposée des ventes et à la capacité limitée des entreprises à ajuster pleinement leurs dépenses d’exploitation. Les liquidités dont dispose chaque entreprise sont calculées comme la somme du volant de liquidité détenu au début de chaque mois et du flux de trésorerie corrigé des chocs. On considère que les emplois sont menacés dans les entreprises où la liquidité est épuisée. Pour être compatible avec les mesures prises par les pouvoirs publics dans la plupart des pays, on suppose qu’un moratoire sur la dette et la fiscalité est en place. On suppose également que les coûts de main-d’œuvre s’ajustent de 0.2 % en réponse à une baisse de 1 % des recettes, même en l’absence d’aide au maintien dans l’emploi.
Les chocs économiques supposés sont identiques à ceux utilisés pour élaborer les projections de l’OCDE de juin 2020 selon deux scénarios alternatifs concernant la durée du choc. Le scénario du « choc unique », qui prévoit une forte baisse de l’activité durant deux mois, suivie d’une reprise progressive pendant quatre mois et d’un retour à des niveaux d’activité d’avant la crise à compter du septième mois après le début de la pandémie. Le scénario des « deux chocs successifs », qui se superpose avec le scénario du choc unique pendant les sept premiers mois mais prévoit ensuite un deuxième épisode épidémique à partir du huitième mois. La baisse des ventes est supposée osciller entre 15 et 100 % selon les secteurs, mais pas entre les entreprises d’un même secteur.
Effets simulés des dispositifs de chômage partiel et de subvention salariale sur la proportion des emplois menacés
Le dispositif de chômage partiel permet de répondre plus efficacement aux problèmes de liquidité des entreprises que la subvention salariale parce qu’il cible les entreprises les plus en proie à des difficultés financières. D’après les simulations avec le scénario du choc unique, les prestations du chômage partiel font baisser le nombre d’emplois menacés de suppression de 10 points de pourcentage, le taux étant de 22 %, alors qu’il ne baisse que de 7 points de pourcentage avec une subvention salariale (barre bleu foncé dans le Graphique 7). Ces estimations n’indiquent que l’effet direct des prestations et ne tiennent pas compte des ajustements qui pourraient être faits sur les revenus des travailleurs qui pourraient également être associés à la participation au dispositif.
Les dispositifs de subvention salariale entraînent une baisse plus importante des coûts salariaux pour les entreprises mais offrent en échange une protection salariale moindre aux travailleurs dont les heures sont réduites. En effet, la baisse du nombre d’emplois menacés est bien supérieure si l’on considère que les entreprises ne versent aucun complément. Dans ce cas, le nombre d’emplois menacés baisse de 7 points de pourcentage supplémentaires (barre bleu clair dans le Graphique 7). On considère qu’aucun ajustement salarial complémentaire n’est versé aux travailleurs avec le chômage partiel puisque le modèle simplifié considère que ces ajustements sont identiques à ceux proposés en l’absence d’aide publique.
Adapter les dispositifs de maintien dans l’emploi à la période de l’après-confinement de la crise du COVID-19
Pendant la période de confinement, les dispositifs de préservation de l’emploi étaient essentiellement conçus pour apporter une aide immédiate aux entreprises et aux travailleurs et pour empêcher une première flambée du chômage. À mesure que les pays allègent leurs restrictions à l’activité économique, les dispositifs devraient être ajustés de sorte à cibler plus précisément les emplois susceptibles de redevenir viables. En effet, ces dispositifs peuvent aider les entreprises temporairement en difficulté à protéger le capital humain propre à l’entreprise et avoir potentiellement des effets positifs sur la productivité à moyen terme. Toutefois, si les dispositifs finissent par protéger des emplois qui ont peu de chance d’être conservés, ils risquent de ralentir la réaffectation de l’emploi vers des entreprises et des secteurs plus performants, de freiner la productivité globale et la reprise économique. Afin que les dispositifs de maintien dans l’emploi ciblent mieux les bénéficiaires, il est nécessaire de répondre à trois grandes questions.
La première consiste à savoir comment adapter les dispositifs à la situation économique au lendemain de la crise sanitaire. Le principal enjeu consiste à faire en sorte que les dispositifs de maintien dans l’emploi ciblent mieux les postes qui risquent d’être supprimés mais qui sont viables à long terme. En effet, inévitablement, certaines entreprises ne parviendront pas à se relever pleinement ou rapidement du choc qu’elles auront subi et devront se résoudre à opérer des mises à pied permanentes. Les emplois devenus non viables doivent pouvoir être supprimés, les travailleurs concernés doivent pouvoir bénéficier de l’assurance chômage, et des mesures actives relatives au marché du travail doivent être mises en œuvre pour faciliter les transitions vers de nouveaux emplois viables. Cependant, il est foncièrement difficile de différencier les empois viables et non viables compte tenu de l’incertitude qui pèse sur les entreprises et les travailleurs. Comme cela est abordé de façon plus détaillée ci-dessous, les pays disposent de plusieurs moyens pour que les dispositifs ciblent plus précisément les emplois qui ont les meilleures chances de survie et pour qu’ils soutiennent les travailleurs qui occupent des emplois toujours menacés. Certains pays ont déjà annoncé des modifications en ce sens – voir Encadré 2.
La deuxième question est de savoir quand commencer à supprimer progressivement ou adapter les dispositifs de maintien dans l’emploi qui proposent des aides généreuses mais peu de mesures de protection contre leurs éventuels effets négatifs. C’est une question ardue compte tenu de l’incertitude qui demeure élevée et de la menace d’une seconde vague de l’épidémie. La réponse à cette question se trouve dans un équilibre adéquat difficile à trouver. D’un côté, restreindre trop tôt l’accès aux dispositifs de maintien dans l’emploi risquerait de contribuer à faire disparaître des emplois qui pourraient rester viables et d’entraîner une flambée de licenciements. D’un autre côté, continuer de faciliter l’accès aux dispositifs de préservation de l’emploi augmente le risque de protéger des emplois non viables, de dépenser inutilement des ressources importantes et de freiner la réaffectation nécessaire des emplois vers des entreprises et des secteurs avec une meilleure croissance. De manière générale, les gouvernements ont clairement annoncé que les aides resteraient disponibles tant que les restrictions seraient en place mais ils ont été moins précis concernant leurs projets de prolongement ou d’abandon progressif des mesures de protection de l’emploi au-delà de la période initiale ou sur les critères qui guideraient ces décisions. Ceci crée de l’incertitude pour les entreprises et les travailleurs quant à la disponibilité de ces aides et augmente le risque que les décisions soient prises pour des raisons d’ordre politique plutôt qu’économique. Suivre un calendrier clairement défini et adopter des critères objectifs pour la prise de décision permettrait de réduire ces incertitudes.
La troisième question est de savoir qui devrait être concerné par d’éventuels ajustements, et notamment si les dispositifs de maintien dans l’emploi devraient être adaptés différemment selon les secteurs d’activité. Alors que l’activité économique pourrait repartir rapidement dans certains secteurs (par exemple dans le secteur manufacturier), d’autres resteront contraints par des mesures de restriction obligatoires ou devront faire face à un nouveau type de demande à long terme pour leurs produits et leurs services (par exemple dans le tourisme). Les secteurs dont l’activité reste ralentie par obligation légale pourraient avoir encore besoin de mesures pour le maintien dans l’emploi pendant la phase de déconfinement. Dans les secteurs où l’activité peut reprendre, ces dispositifs pourraient être ajustés afin d’éviter qu’ils soutiennent des emplois devenus définitivement non viables. La France est actuellement le seul pays à offrir des conditions plus favorables aux secteurs qui restent soumis aux restrictions imposées par le gouvernement. Plus précisément, depuis juin 2020, les employeurs des secteurs dits « ouverts » doivent prendre en charge 10 % du coût habituel des heures chômées ou, de manière équivalente, 15 % de l’indemnisation brute perçue par les travailleurs, avec un durcissement des conditions prévu pour le mois de novembre (voir Encadré 4)
La fin de cette partie porte sur la première question qui consiste à savoir comment adapter les dispositifs de maintien dans l’emploi à la situation économique au lendemain de la crise sanitaire. Elle aborde d’abord plusieurs options permettant à ces dispositifs de cibler plus efficacement les emplois les plus susceptibles de survivre et s’intéresse ensuite à la manière dont il serait possible de passer d’une préservation des emplois à un accompagnement des travailleurs qui occupent des emplois qui risquent d’être supprimés.
Des dispositifs de maintien dans l’emploi qui ciblent les postes qui risquent d’être supprimés dans des entreprises temporairement en difficulté
Les pouvoirs publics peuvent réduire le risque de soutenir des emplois non viables, même à moyen terme, en demandant aux employeurs de prendre en charge une partie du coût des heures chômées et en limitant la durée maximale des mesures d’aide. Demander aux entreprises de prendre en charge une partie des heures non travaillées est un bon moyen de les encourager à reprendre des heures de travail normales et à se retirer des dispositifs de soutien publics. Dans la mesure où une reprise rapide de l’activité économique est souhaitable pour la collectivité, notamment parce qu’elle génère des externalités positives, cela peut inciter à compléter les prestations de chômage partiel avec une aide à la reprise du travail (abordée ci-dessous). Il convient de mettre davantage l’accent sur une utilisation adéquate des dispositifs de chômage partiel pour éviter que les entreprises ne demandent une aide pour des heures travaillées (par exemple en cas de télétravail ou lorsque les demandes se poursuivent après la reprise du travail).
Demander aux entreprises de participer aux coûts de la réduction du temps de travail pour des dispositifs de maintien dans l’emploi plus ciblés
Les pouvoirs publics pourraient demander aux entreprises bénéficiaires des dispositifs de chômage partiel de prendre en charge une partie du coût des heures chômées. Cela rendrait globalement le chômage partiel moins intéressant pour les entreprises mais les inciterait à y recourir pour protéger les emplois susceptibles de repartir après la crise et à reprendre des horaires de travail normaux le plus rapidement possible. Afin de ne pas amplifier les difficultés financières des entreprises, la participation des employeurs pourrait se faire sous la forme d’un paiement différé ou d’un prêt (à taux nul)5. Depuis le 1er juin 2020, en France, les entreprises doivent prendre en charge 15 % des indemnités versées aux travailleurs pour les heures chômées. Depuis juillet 2020, le Royaume-Uni augmente progressivement le coût supporté par les employeurs pour maintenir les travailleurs au chômage technique.
La conception des dispositifs de subvention salariale prévoit une réduction du coût des heures travaillées pour les employeurs et une prise en charge totale du coût des heures non travaillées. Afin de s’assurer que les employeurs prennent en charge une partie du coût des heures chômées — au moins lorsque la réduction du temps de travail est importante — les pays pourraient exiger d’eux qu’ils s’acquittent d’une partie du salaire habituel des employés, quel que soit le nombre d’heures travaillées, en prévoyant que la subvention couvre uniquement une partie de cette somme. Par exemple, la Nouvelle-Zélande encourage, mais n’impose pas légalement, les employeurs à verser 80 % du salaire habituel, tandis que la subvention s’élève environ à 30 % du salaire moyen. Les employeurs qui se conforment à cette recommandation versent plus de 50 % du salaire habituel lorsque le nombre d’heures travaillées est réduit de plus de 50 %, supportant ainsi une partie du coût des heures chômées. Le dispositif de subvention salariale en vigueur aux Pays-Bas s’apparente au dispositif de chômage partiel qui demande aux entreprises de prendre en charge une partie du coût des heures non travaillées. Alors que les travailleurs continuent de recevoir 100 % de leurs revenus d’activité, les employeurs reçoivent une subvention variable, qui atteint au maximum 90 % du salaire. Ceci peut inciter les employeurs à ne demander l’aide que pour les travailleurs dont l’emploi sera viable à long terme.
Limiter dans le temps la durée des dispositifs de maintien dans l’emploi permet d’éviter de soutenir des emplois non viables, mais ces limites devraient rester flexibles
Limiter dans la durée le chômage partiel et les subventions salariales permet de réduire le risque de soutenir des entreprises et des emplois qui ne sont plus viables, même à long terme. En effet, les données de la Suisse pendant la crise financière mondiale de 2008-09 indiquent que les entreprises ont eu tendance à abandonner le chômage partiel dès que cela devenait économiquement possible mais, les entreprises qui ont utilisé le dispositif pendant toute la durée de sa mise en œuvre ont eu tendance à licencier tout de même certains travailleurs (Kopp et Siegenthaler, 2019[5]). Les limites maximales de ces aides soulignent leur caractère temporaire et réduisent le risque que le soutien à des emplois non viables ne devienne permanent.
Si les limites temporelles des aides jouent un rôle important, elles ne doivent pas être gravées dans le marbre et doivent pouvoir être ajustées en fonction de la situation sanitaire et économique. Si la crise économique se prolonge et touche une part des entreprises plus grande qu’initialement prévu, il pourrait être crucial d’étendre les dispositifs afin d’éviter une hausse brutale du chômage et de protéger les emplois qui pourraient devenir viables une fois que la situation économique générale se sera améliorée. Certains pays ont récemment annoncé un allongement de la durée maximale des mesures de soutien (par exemple en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni). Dans d’autres pays, où la durée maximale des mesures de maintien dans l’emploi est relativement longue, il pourrait être bon de raccourcir la durée de versement des indemnités pour les nouveaux demandeurs. Des ajustements semi-automatiques pourraient être adoptés pour les rendre plus opportuns, prévisibles et proches de la réalité économique, comme c’est le cas pour les allocations de chômage dans certains pays (notamment au Canada et aux États-Unis).
Envisager d’inciter davantage les entreprises à reprendre des horaires de travail habituels
Réduire le temps de travail au moyen du chômage partiel ne génère aucun revenu pour les entreprises et peut engendrer des coûts. Les entreprises ont donc tout intérêt à augmenter le volume d’heures travaillées dès que cela devient rentable de le faire. Pourtant, il peut s’avérer plus souhaitable pour la collectivité de subventionner les entreprises pour qu’elles augmentent leur temps de travail, même lorsque cela n’est pas encore rentable, plutôt que de les subventionner sans les inciter à reprendre une activité. La reprise d’une activité qui n’est pas encore rentable peut contribuer à stimuler l’économie avec une hausse de la demande de produits dans les relations interentreprises ou une augmentation de la consommation par les travailleurs. Les subventions salariales incitent déjà largement les entreprises à reprendre la production plus tôt car elles utilisent ces aides pour réduire le coût des heures travaillées. Afin d’inciter les entreprises de la même manière, les dispositifs de chômage partiel pourraient être complétés par une subvention salariale temporaire pour les travailleurs qui retrouvent un temps de travail normal. Le point négatif de ces subventions est qu’elles s’appliqueraient également aux entreprises qui auraient augmenté le nombre d’heures travaillées quelle que soit la situation, représentant potentiellement une dépense inutile. Même si les bénéfices apportés par l’effet dynamisant des subventions dépassent potentiellement les coûts engendrés dans le cas d’un ralentissement de l’activité brutal et prolongé, ces mesures risquent d’engager un volume important de ressources publiques. L’Espagne a récemment réintroduit le paiement des contributions à la sécurité sociale pour les heures non travaillées dans les entreprises qui ont recours au chômage partiel mais, pour tenter de favoriser la reprise du temps de travail, des taux plus bas sont appliqués aux entreprises qui ont des employés en activité qu’à celles dont l’activité est nulle. Le Royaume-Uni a mis en place une prime de maintien dans l’emploi (Job Retention Bonus) de 1 000 GBP, que les employeurs pourront demander à compter de février 2021 pour chaque salarié récupérant son emploi après une période chômage technique dans le cadre du Coronavirus Job Retention Scheme.
Lutter contre les abus des entreprises
Les inquiétudes concernant de possibles recours abusifs de la part des entreprises peuvent naître lorsque des entreprises sont tentées de continuer à demander des indemnités de chômage partiel pour des heures chômées alors que les employés ont repris le travail et un nombre d’heures normal. Ces inquiétudes s’ajoutent à d’autres craintes au sujet d’entreprises qui demandent à leurs employés de continuer de travailler chez eux tout en demandant à bénéficier du chômage partiel pour ces heures de travail. De tels abus font augmenter les coûts fiscaux du chômage partiel. Afin de lutter contre ces pratiques, les pouvoirs publics peuvent faire plus fréquemment appel aux inspecteurs du travail pour qu’ils vérifient si les organisations professionnelles correspondent aux dispositifs de maintien dans l’emploi demandés. Les contrôles, au lieu d’être aléatoires, pourraient devenir plus ciblés. Des outils de profilage statistiques pourraient permettre d’identifier les types d’entreprises plus susceptibles de faire de fausses déclarations. Des systèmes administratifs intégrés pourraient être conçus pour identifier les cas suspects en recoupant l’historique des demandes des entreprises avec les informations sur leur activité commerciale (sur leur chiffre d’affaires ou les heures de travail) contenues dans les registres fiscaux ou de la sécurité sociale. Des lignes téléphoniques spécifiques ou des moyens de déclaration pourraient être instaurés afin de permettre aux travailleurs ou à leurs représentants de faire un signalement anonyme. Ces plaintes sont plus susceptibles d’avoir lieu lorsque les indemnités sont relativement limitées et que les travailleurs ont tout intérêt à reprendre des heures de travail normales.
Comme les dispositifs de subvention salariale sont clairement prévus pour réduire les coûts des heures travaillées pour les entreprises, les abus prennent une autre forme. La principale inquiétude est que les entreprises exagèrent la baisse de leur chiffre d’affaires pour pouvoir bénéficier du dispositif (par exemple avec des factures antidatées ou différées).
Encadré 3. Le versement des dividendes devrait-il être interdit dans les entreprises qui bénéficient d’aides publiques ?
De nombreux pays cherchent à savoir si les entreprises qui bénéficient des aides au maintien dans l’emploi doivent être autorisées à verser des dividendes et procéder à d’autres formes de participation aux résultats dans la même année (Müller et Schulten, 2020[6]). De nombreux pays ont choisi de l’interdire. Par exemple, l’Espagne demande aux entreprises qui bénéficient d’une aide pour la préservation de l’emploi pendant la crise actuelle (ERTE) de rembourser la totalité des indemnités perçues si elles versent des dividendes. Les Pays-Bas ont récemment interdit le versement des dividendes, le rachat d’actions et les primes aux dirigeants dans les entreprises qui ont bénéficié de subventions salariales dans la même année.
Les interdictions de versement des dividendes et d’autres instruments de participation aux résultats répondent à plusieurs inquiétudes éventuelles. Elles envoient le message clair que les subventions pour le maintien dans l’emploi doivent être utilisées pour soutenir les emplois et non d’autres choses. Elles évitent que ces aides finissent par bénéficier aux actionnaires ou aux dirigeants qui n’ont pas besoin des aides de l’État. Elles limitent également l’effet de risque subjectif, c’est-à-dire la prise de risque excessive des investisseurs ou des dirigeants qui s’imaginent que l’État couvrira les pertes éventuelles (pour préserver l’emploi ou éviter les effets cumulatifs).
Mais les interdictions sur les dividendes ont également leurs limites. Elles peuvent décourager certaines entreprises qui souhaitaient bénéficier de l’aide au maintien dans l’emploi et conduire ainsi à une hausse des pertes d’emploi. En effet, les entreprises rentables sur l’ensemble de l’année peuvent tout de même rencontrer des difficultés importantes par manque de liquidités suite à une baisse de recettes brutale mais de courte durée qui peut avoir des répercussions significatives sur les licenciements. Ces interdictions n’apportent pas la garantie que les aides publiques serviront exclusivement à la protection des emplois ou d’autres causes qui méritent une aide de l’État. Ceci s’explique par le fait que les interdictions ne tiennent pas compte du fait que les profits peuvent être plus élevés suite aux aides publiques.
Il n’est donc pas évident de savoir si le versement des dividendes ou les autres formes d’intéressement aux bénéfices doivent être autorisés dans les entreprises qui ont bénéficié d’une aide au maintien dans l’emploi. Quoi qu’il en soit, adopter des interdictions n’empêche pas nécessairement les entreprises de verser des dividendes. Elles peuvent toujours le faire mais devront généralement rembourser l’aide perçue.
Passer progressivement d’une protection des emplois à un accompagnement des travailleurs qui occupent des emplois menacés
Bien que l’objectif premier des dispositifs de préservation de l’emploi soit de les protéger, ils ne parviendront pas toujours à le faire puisque certains emplois pourraient devenir définitivement non viables. Certains travailleurs qui occupent des postes subventionnés pourraient ainsi avoir des perspectives professionnelles limitées et risquer à terme de perdre leur emploi. Ceci indique qu’il pourrait être nécessaire de passer d’une protection des emplois à un accompagnement des travailleurs qui occupent des postes menacés de disparition. Pour ce faire, il peut être nécessaire de trouver un nouvel équilibre entre chômage partiel et régime d’assurance chômage, en permettant aux employés qui occupent des postes subventionnés de bénéficier des aides du service public de l’emploi et en encourageant les travailleurs en horaires réduits à se former.
Rapprocher les prestations de chômage partiel et l’allocation de chômage dans les pays où l’écart est important
Dans la plupart des pays, les prestations de chômage partiel pour les heures non travaillées ont dépassé les indemnités de chômage habituelles pendant la phase de confinement (Graphique 4). La différence en termes de revenu total peut même être encore plus importante pour les travailleurs qui cumulent une rémunération complète des heures travaillées et des indemnités de chômage partiel pour les heures non travaillées. Ceci rend l’activité partielle encore plus intéressante par rapport au chômage (complet) et incite les travailleurs, y compris ceux qui ne sont pas directement concernés par un risque de mise à pied, à accepter une diminution des heures travaillées dans le cadre d’un dispositif de chômage partiel. Alors que la rentabilité des aides interroge de plus en plus, il pourrait être question de réduire l’écart entre les prestations de chômage partiel et les indemnités de chômage habituelles, notamment dans les pays où le chômage partiel est particulièrement généreux. Une autre solution consisterait à prévoir une diminution de l’indemnité du chômage partiel au fil du temps. Comme dans la plupart des pays le niveau des allocations de chômage diminue déjà progressivement avec le temps, ceci permettrait au moins d’éviter que l’écart ne se creuse entre les deux.
Ces modifications aideraient à contenir le coût global des dispositifs de chômage partiel et à cibler plus efficacement les emplois menacés de disparition. Une baisse des indemnités pourrait également pousser les travailleurs à reprendre des heures de travail normales ou à rechercher activement un autre emploi. Même si l’écart par rapport aux allocations de chômage se réduit, le chômage partiel restera probablement attractif parce qu’il préserve le contrat de travail et les avantages non salariaux qui lui sont liés (avantages annexes, sécurité sociale, y compris l’accès à l’assurance maladie dans certains pays). La France a déjà annoncé qu’à compter de novembre 2020, le taux de remplacement brut pour les travailleurs passera de 70 % à 60 % - voir Encadré 4.
Favoriser la réaffectation des travailleurs qui occupent des emplois subventionnés vers d’autres non subventionnés.
Le passage des travailleurs d’emplois subventionnés vers d’autres non subventionnés peut être favorisé en obligeant ou encourageant les travailleurs en chômage partiel à s’inscrire auprès du service public de l’emploi pour bénéficier de leur accompagnement (par exemple l’aide à la recherche d’emploi, l’orientation et la formation professionnelle) (OECD, forthcoming[7]). L’analyse de l’OCDE indique que des mesures précoces – y compris celles prises avant la réaffectation professionnelle – peuvent favoriser très efficacement les transitions professionnelles dans de bonnes conditions (OCDE, 2019[8]). Pourtant, seuls quelques pays demandent aux travailleurs en chômage partiel de s’inscrire auprès du service public de l’emploi et de se lancer dans une recherche professionnelle active. Pour les pays, ceci n’est pas une priorité puisqu’un grand nombre de travailleurs en horaires réduits devraient rester dans leur entreprise même après la fin du programme. Imposer une recherche d’emploi aux travailleurs risque même de pousser certains de ceux qui occupent des emplois menacés uniquement de manière temporaire à accepter des emplois de moindre qualité. Le fait d’imposer une recherche d’emploi est traditionnellement plus courant dans les pays où les indemnités de chômage partiel sont versées directement aux travailleurs car cela crée un point de contact entre les travailleurs et les prestataires de services pour l’emploi (Hijzen et Venn, 2011[1]). Indépendamment du fait que les indemnités soient versées aux travailleurs ou à l’entreprise, les pays pourraient encourager les travailleurs à s’inscrire auprès du service public de l’emploi sur la base du volontariat afin qu’ils puissent profiter de leurs services et d’un accompagnement dans leur évolution professionnelle (au sein de leur entreprise actuelle ou dans une autre).
Promouvoir la formation pendant la période de travail en horaires réduits
Suivre une formation pendant la période d’activité réduite permet aux travailleurs d’améliorer la viabilité de leur emploi actuel ou augmente leurs chances d’en trouver un autre. Plusieurs pays encouragent la formation pendant le chômage partiel avec des mesures d’incitation financières à l’attention des entreprises ou des travailleurs (notamment en Allemagne et en France). Dans quelques pays, la participation à la formation professionnelle est requise pour pouvoir prétendre au dispositif de chômage partiel (notamment en Hongrie et aux Pays-Bas). Aux Pays-Bas, depuis juin 2020, les employeurs qui demandent à bénéficier d’une aide au maintien dans l’emploi doivent déclarer qu’ils encouragent activement à la formation tandis que les pouvoirs publics ont pris des mesures complémentaires afin de donner libre accès à des formations en ligne et des cours de développement personnel. Le plus difficile est d’organiser une formation qui soit compatible avec un travail à temps partiel et des horaires irréguliers. Les formations destinées aux individus sont plus simples à suivre que celles faites pour les groupes, tout comme lorsqu’elles peuvent être suivies de manière plus souple, grâce à un outil d’enseignement en ligne, et qu’elles sont d’une durée relativement courte (OECD, forthcoming[9]). Dans le cas présent, les formations qui favorisent la reprise du travail peuvent être particulièrement intéressantes, y compris en permettant aux travailleurs d’acquérir les compétences numériques nécessaires au télétravail, tout comme les formations qui arment les travailleurs pour les aider à se diriger vers des emplois dans les entreprises et les secteurs en croissance (par exemple les services en ligne).
Encadré 4. Évolutions récentes dans certains pays de l’OCDE (d’après les informations disponibles fin septembre 2020)
France
Depuis le 1er juin 2020, la France laisse les employeurs prendre en charge une partie de l’indemnité d’activité partielle dans les secteurs où l’activité reprend progressivement. Alors que les salariés continuent de percevoir 70 % de leur rémunération brute annuelle pour les heures non travaillées, les entreprises doivent désormais s’acquitter de 15 % de cette somme. Ainsi, le coût pour une entreprise d’un salarié en zéro heure est passé d’un montant nul à 10 % du coût salarial habituel pour un poste à temps plein. À compter de novembre 2020, le dispositif d’activité partielle deviendra moins généreux pour les entreprises et les salariés. Les salariés verront le taux de remplacement de leur salaire brut diminuer pour les heures non travaillées et passer de 70 % à 60 %, et les entreprises devront prendre en charge 40 % des indemnités (le coût pour une entreprise d’un salarié en zéro heure passera alors à 24 % du coût salarial habituel pour un poste à temps plein). Les secteurs qui restent soumis aux restrictions (comme le tourisme, la restauration ou la culture) ne sont pas concernés jusqu’à la fin décembre 2020.
Depuis le 1er juillet 2020, les entreprises confrontées à des difficultés durables peuvent également demander à bénéficier de l’activité partielle de longue durée (APLD), effective jusqu’en 2022. Le dispositif autorise une diminution du temps de travail de 40 % au maximum et garantit aux travailleurs 70 % de leur salaire brut habituel pour les heures non travaillées. Les employeurs doivent verser 15 % de la prestation aux travailleurs. Les demandes ne peuvent se faire que sous réserve d’un accord collectif entre travailleurs et employeurs qui peut clairement interdire les licenciements.
Grèce
La Grèce a adopté un nouveau dispositif temporaire de chômage partiel (Syn-ergasia), entré en vigueur le 15 juin 2020 et valable jusqu’au 15 octobre 2020. Le dispositif s’adresse aux employeurs qui ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires d’au moins 20 % pendant le ou les mois qui précèdent la demande. Dans le cadre de ce dispositif, les employeurs peuvent réduire jusqu’à 50 % du temps de travail d’un ou plusieurs de leurs employés. Le gouvernement indemnise les travailleurs pour les heures chômées à hauteur de 60 % de leur salaire net. Les contributions sociales des employeurs sont également couvertes par l’aide publique pendant les six premières semaines du dispositif. Seuls les salariés à temps plein peuvent en bénéficier.
Pays-Bas
Les Pays-Bas ont prolongé leur mesure temporaire d’urgence de compensation du 6 juillet 2020 au 1er octobre 2020 puis au 1er juillet 2021, en y apportant plusieurs ajustements. Depuis juillet 2020, les entreprises ayant bénéficié d’une aide au titre du dispositif ne sont plus autorisées à verser de dividendes ou de primes dans la même année. Les règles encadrant les licenciements pendant la durée du dispositif ont été légèrement assouplies (les licenciements économiques entraînent une diminution de la subvention de 100 % du revenu des travailleurs au lieu de 150 % précédemment ; les licenciements collectifs de 20 travailleurs ou plus doivent se faire après consultation syndicale). Les entreprises sont obligées d’encourager leurs travailleurs à suivre une formation. Le taux de remboursement aux employeurs sera progressivement abaissé de 90 % à 60 % entre octobre 2020 et juillet 2021. À compter de janvier 2021, le seuil d’éligibilité sera porté d’une réduction des ventes de 20 % à 30 %. À compter d’avril 2021, la subvention maximale par travailleur sera divisée par deux et sera similaire au niveau des allocations de chômage.
Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a prolongé son dispositif Coronavirus Job Retention Scheme du 30 juin 2020 au 31 octobre 2020 pour les demandes en cours (aucune nouvelle demande ne sera acceptée) et a présenté un calendrier pour son abandon progressif. À compter du 1er juillet, les travailleurs en congé peuvent reprendre le travail à temps partiel. À compter du 1er août, les employeurs devront prendre en charge une partie des heures non travaillées, et cette participation des entreprises augmentera progressivement jusqu’à l’abandon du dispositif (les charges sociales des employeurs pour les heures non travaillées en août, plus 10 % des revenus habituels en septembre et à nouveau en octobre). Les travailleurs continueront de percevoir au moins 80 % de leur salaire. Le Royaume-Uni a en outre mis en place une prime de maintien dans l’emploi (Job Retention Bonus) de 1 000 GBP, que les employeurs pourront demander à compter de février 2021 pour chaque salarié récupérant son emploi après une période chômage technique dans le cadre du Coronavirus Job Retention Scheme.
Le gouvernement a récemment annoncé un nouveau dispositif, Job Support Scheme, opérationnel entre novembre 2020 et avril 2021. Ce dispositif prévoit une réduction maximale du temps de travail de 70 %. Les travailleurs perçoivent 67 % de leur salaire habituel pour les heures chômées. Les employeurs sont tenus de payer la moitié du coût des heures chômées, l’autre moitié étant payée par l’État.
Références
[1] Hijzen, A. et D. Venn (2011), « The Role of Short-Time Work Schemes during the 2008-09 Recession », OECD Social, Employment and Migration Working Papers, n° 115, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5kgkd0bbwvxp-en.
[10] Hijzen et Salvatori (forthcoming), « Job retention schemes during the COVID-19 lockdown and beyond: An OECD perspective », OECD Social, Employment and Social Affairs Working Papers, OECD Publishing, Paris.
[5] Kopp, D. et M. Siegenthaler (2019), « Short-Time Work and Unemployment in and after the Great Recession », KOF Working Papers, n° 462, ETH, Zurich, http://dx.doi.org/10.3929/ETHZ-B-000359533.
[6] Müller, T. et T. Schulten (2020), Ensuring fair Short-Time Work - a European overview, European Trade Union Institute, Brussels.
[2] OCDE (2020), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2020 : Crise du COVID-19 et protection des travailleurs, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/b1547de3-fr.
[4] OCDE (2020), Perspectives économiques de l’OCDE, Volume 2020 Numéro 1, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/e26dfe32-fr.
[8] OCDE (2019), « Retrouver du travail : enseignements tirés de neuf examens par pays sur les mesures d’aide aux licenciés économiques », dans Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2018, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/1109c38f-fr.
[7] OECD (forthcoming), « Mitigating the rise in (long-term) unemployment: what role for active labour market policies and public employment services? », OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), OECD Publishing, Paris, https://www.oecd.org/coronavirus/en/policy-responses.
[9] OECD (forthcoming), « The potential of online learning: Early lessons from the COVID-19 crisis », OECD Policy Responses to Coronavirus (COVID-19), OECD Publishing, Paris, https://www.oecd.org/coronavirus/en/policy-responses.
[3] Read, B. et al. (2020), The idiosyncratic impact of an aggregate shock: the distributional consequences of COVID-19, The IFS, http://dx.doi.org/10.1920/wp.ifs.2020.1520.
Contact
Stefano SCARPETTA (✉ stefano.scarpetta@oecd.org)
Mark PEARSON (✉ mark.pearson@oecd.org)
Alexander HIJZEN (✉ alexander.hijzen@oecd.org)
Andrea SALVATORI (✉ andrea.salvatori@oecd.org)
Remerciements
Ce document a été préparé comme document de référence pour le chapitre 1 des Perspectives de l’OCDE sur l’emploi 2020, « COVID-19 : d’une crise sanitaire à une crise de l’emploi ». Les auteurs souhaitent remercier Andrea Bassanini, Stephane Carcillo, Orsetta Causa, Emmanuele Ciani, Andrea Garnero, Masato Hayashikawa, Sebastian Königs, Herwig Immervoll, Ulrik Knudsen, Mark Pearson, Stefano Scarpetta et Cyrille Schwellnus pour leurs commentaires et suggestions. Les auteurs sont particulièrement reconnaissants à Lilas Demmou, Guido Franco, Sara Calligaris et Dennis Dlugosch du Département des affaires économiques de l’OCDE pour leur contribution à l’encadré sur l’incidence des dispositifs de maintien dans l’emploi sur les emplois menacés dans les entreprises en manque de liquidités. Les auteurs tiennent à remercier Natalie Corry pour son excellente contribution à la mise en forme. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’OCDE et de ses pays Membres. Les auteurs assument l’entière responsabilité de toutes les erreurs qui pourraient subsister.
Notes
← 1. Dans certains pays, comme au Danemark, ces élargissements reposent sur un accord tripartite entre les pouvoirs publics, les syndicats et les employeurs.
← 2. La République slovaque a également modifié le dispositif de chômage partiel existant en y ajoutant une subvention salariale versée aux entreprises qui rencontrent une baisse d’activité, d’un montant variable selon le niveau de baisse du chiffre d’affaires.
← 3. Cependant, les dispositifs de chômage partiel apportant un soutien plus important aux entreprises qui rencontrent des problèmes de liquidité plus graves, le risque est aussi plus élevé qu’ils soutiennent des emplois moins susceptibles de perdurer.
← 4. En Australie, la subvention JobKeeper garantit un niveau de revenu aux travailleurs les plus faiblement rémunérés qui peut être plus élevé que ce qu’ils reçoivent lorsqu’ils travaillent (40 % des salaires moyens).
← 5. Ceci ressemblerait à des contributions sociales personnalisées versées par l’employeur, c’est-à-dire impliquant des contributions futures dépendantes du niveau d’utilisation des prestations de chômage partiel par l’entreprise pendant la crise, mais avec une mise en œuvre plus simple.