FB : Markku, peut-être pourrais-je commencer par aborder avec vous les origines du télétravail au sein de Vero, qui remontent à 2012, il me semble.
Markku Heikura (MH) : Merci beaucoup pour cette invitation, Fernando. Nous sommes ravis de pouvoir partager notre expérience. Tout d’abord, je rappelle que le télétravail est en adéquation avec nos valeurs : confiance mutuelle, coopération et ouverture aux nouvelles méthodes de travail. Cela fait longtemps que nous aspirons à plus d’agilité organisationnelle dans nos activités. En 2011, certains de nos services ont participé à une « journée nationale du télétravail » qui a suscité un vif intérêt pour cette question. En 2012, nos traducteurs internes ont commencé à mettre le télétravail à l’essai en fonction de leurs besoins, avec la permission de leur supérieur.
FB : Vous étiez-vous fixé des buts à atteindre ou des avantages à acquérir lors de l’élaboration de votre modèle de télétravail ?
MH : Adopter le télétravail était dans l’intérêt du gouvernement finlandais, c’était là notre point de départ. Nous y avons vu des avantages considérables non seulement pour Vero en tant qu’institution, mais aussi pour nos employés. Nous nous sommes rendu compte que nous pouvions améliorer l’efficacité de notre travail tout en respectant les objectifs stratégiques de Vero, concevoir de nouveaux modes de travail qui soient moins dépendants d’horaires et d’un lieu donnés, et bien sûr améliorer le bien-être de nos employés en permettant plus de flexibilité dans l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Nous avons aussi tenu compte de l’aspect environnemental : le télétravail participe à la diminution des émissions de CO2 en réduisant le nombre de déplacements domicile-travail.
FB : Avez-vous mis en place le télétravail tout d’un coup ou bien progressivement ?
MH : Au départ, le modèle a été conçu par notre département des RH, en coopération avec le service informatique et sécurité et en étroite consultation avec le personnel et les syndicats. Nous l’avons mis en place progressivement au sein de notre siège en 2012. Nous avons ensuite étendu cette pratique à tous les centres des impôts du pays. J’aimerais ici revenir sur nos valeurs. Il me semble que les choix que nous faisons en tant qu’institution font prendre corps à nos valeurs ou les laissent dépérir au fond d’un tiroir.
En 2012, nous avons aussi mis à l’essai un nouveau concept d’environnement de travail. Il s’agissait, en deux mots, d’un espace de bureau ouvert divisé en zones, chacune étant réservée à des activités spécifiques. Comme ces deux nouveaux concepts ont été lancés au même moment, nous en avons bien sûr profité pour surveiller de près le temps de travail ; nous nous sommes aperçus qu’il n’avait pas évolué, et que le nombre de congés maladie avait même diminué. En vertu de nos règles, le télétravail n’est pas un droit automatique. Les employés peuvent donc être appelés à retourner au bureau si nécessaire, pour les besoins du travail ou si leur supérieur constate qu’ils ne sont pas en mesure de respecter les règles établies conjointement ou de travailler efficacement.
FB : Il est intéressant que vous mentionniez qu’il n’existe pas de droit automatique au télétravail. Comment procédez-vous, dès lors, pour conclure des accords de télétravail avec vos employés ?
MH : Le droit du travail finlandais prévoit que c’est l’employeur qui décide du lieu de travail de l’employé. Nos employés savent que le télétravail est accordé au cas par cas et que la situation peut évoluer d’une semaine à l’autre. Ils le comprennent très bien et cela ne nous a jamais vraiment posé de problème. Nos employés ont fait usage de leur droit à télétravailler un à trois jours par semaine selon des configurations très différentes : certains régulièrement, d’autres par intervalles. Dans le contexte actuel de pandémie de COVID-19, nous recommandons fortement à nos employés de télétravailler cinq jours par semaine.
FB : Vous avez évoqué une collaboration étroite avec les syndicats. Pourriez-vous décrire les principaux points qui ont dû être tranchés ?
MH : Tout a été fait progressivement : les essais, les évaluations et les ajustements sur la base des résultats et des conclusions obtenus. Nous avons consulté les syndicats tout au long du processus. Nous avons discuté des règles et examiné les données relatives aux heures de travail et aux congés maladie. Comme les chiffres n’ont soulevé aucune inquiétude du côté de Vero ou des syndicats, nous avons élargi la pratique du télétravail.
Les thématiques abordées ont été, entre autres, le paiement des heures supplémentaires, les questions liées à la sécurité au travail, les ordinateurs portables, les écrans, l’ergonomie des bureaux et des chaises, les connexions internet et, enfin, la meilleure façon d’assurer le suivi des heures de travail en pratique. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous cherchons à dégager une solution au moyen de discussions ouvertes. La mise en place d’un environnement de confiance ne signifie pas qu’il faille renoncer à certaines dispositions techniques nécessaires pour la planification des ressources ou le suivi des heures de travail.
FB : Le télétravail est-il régi par un cadre réglementaire de l’État ?
MH : Au début, le cadre réglementaire fixé pour le télétravail se fondait sur l’accord-cadre signé par les partenaires sociaux européens le 16 juillet 2002, puis sur les règles du ministère des Finances adoptées en 2015. Désormais, le télétravail est régi par la loi finlandaise sur les horaires de travail (en vigueur depuis le 1er janvier 2020).
FB : Avez-vous procédé à d’autres ajustements du modèle au fil du temps ?
MH : Nous avons fait une série d’essais pour déterminer la meilleure façon de recourir au télétravail. Dans le cadre de l’un de ces projets pilotes, un groupe de salariés a travaillé selon le rythme de trois jours à domicile et deux jours au bureau, tandis que pour un autre, les horaires autorisés pour le télétravail ont été élargis de 6 h à 19 h. En 2016, dans le prolongement de notre concept d’espace de bureau ouvert, nous avons mis en place une politique de partage des postes de travail. Par conséquent, nos locaux ne peuvent plus accueillir tous les employés en même temps. Une partie des salariés doit donc, de fait, être en télétravail, en déplacement ou en congé.
FB : Y a-t-il certaines fonctions ou tâches qui ne se prêtent pas au télétravail ?
MH : Toutes les tâches qui peuvent être effectuées à l’aide d’un ordinateur portable connecté au poste de travail peuvent être effectuées en télétravail. Évidemment, certaines tâches ne s’y prêtent pas : le service aux clients dans les bureaux physiques, la numérisation du courrier postal, les vérifications fiscales qui s’appuient sur des documents papier, ainsi que certaines tâches informatiques, par exemple la mise à jour des bases de données ou la maintenance des systèmes, et bien sûr les entretiens entre superviseur et employé, notamment l’évaluation des performances.
Nous avons conseillé aux superviseurs de se rendre au bureau régulièrement pour rencontrer leurs équipes et d’autres responsables. Soulignons que les vérifications fiscales sur la base de documents papier se font rares et que le service aux clients assuré par téléphone et par messagerie peut s’effectuer à distance.
FB : On vous pose sûrement la question souvent, mais avez-vous obtenu un budget supplémentaire pour la mise en œuvre du télétravail ?
MH : C’est en effet une question fréquente, et la réponse est assez simple : aucun investissement supplémentaire n’a été nécessaire. Nous avons commencé à remplacer les ordinateurs de bureau par des ordinateurs portables il y a plus de dix ans et tous les agents de notre administration sont équipés d’un ordinateur portable depuis 2015. Les employés en télétravail ont besoin d’un téléphone portable. Pour les réunions en ligne, nous avons utilisé Skype Entreprise, désormais remplacé par Microsoft Teams. Il s’agit là d’évolutions qui auraient été nécessaires dans tous les cas.
Ce sont les employés qui prennent en charge l’installation et le coût de la connexion internet de leur domicile ou de tout autre lieu consacré au télétravail. Ils ont aussi la responsabilité d’organiser leur espace de travail et prennent en charge le coût de tout matériel nécessaire pour travailler à domicile. En ce qui concerne l’accès à distance sécurisé, nous utilisons les services mis à disposition par le Centre des TIC de l’État, qui nous sont facturés en fonction du volume utilisé.