Évaluer l’exactitude et l’exhaustivité des informations déclarées par le contribuable est l’une des principales fonctions des administrations fiscales et elle est capitale pour favoriser le respect volontaire des obligations fiscales. Ce chapitre examine de plus près les activités des administrations fiscales dans ce domaine, notamment la manière dont elles gèrent le respect des obligations fiscales.
Administration fiscale 2022
6. Gestion des vérifications et de la discipline fiscale
Abstract
Introduction
La fonction de contrôle, de vérification et d’enquête évalue l’exactitude et l’exhaustivité des informations déclarées par le contribuable. Elle mobilise en moyenne trente pour cent des effectifs de l’administration fiscale et vérifie que les obligations fiscales ont été respectées. Bien qu’elle consiste généralement à mener des vérifications fiscales sur place ou sur pièces, le recours aux contrôles, validations et croisements automatisés des informations des contribuables est de plus en plus fréquent. L’exécution et la visibilité de ces mesures et des autres activités liées à la discipline fiscale sont essentielles pour favoriser le respect volontaire des obligations fiscales, notamment grâce à leurs effets sur la perception de l’équité du système fiscal et à leur caractère dissuasif. Ce chapitre examine donc :
Comment les administrations fiscales gèrent les risques d’indiscipline fiscale, notamment l’utilisation d’ensembles de données à la fois vastes et intégrés ;
Les activités liées à la discipline fiscale entreprises par les administrations fiscales, notamment pour basculer leurs vérifications sur place vers un environnement virtuel ; et
Les travaux sur la fiscalité et la délinquance.
La gestion des risques d’indiscipline fiscale
Le rapport de l’OCDE The Changing Tax Compliance Environment and the Role of Audit (OCDE, 2017[1]) analyse les changements successifs intervenus au sein des administrations fiscales qui, pris dans leur ensemble, ont changé la nature de l’environnement de respect des obligations, et ont ainsi permis une gestion plus ciblée de la discipline fiscale.
Ils reposent en grande partie sur l’amélioration de la disponibilité des données. Avec la montée en puissance continue du numérique, les données fiscales des contribuables et de tiers seront encore plus accessibles (données de facturation électronique, des caisses enregistreuses en ligne et informations sur les états financiers), ce qui contribuera à mieux comprendre les déficits fiscaux. La plupart des administrations fiscales appliquent désormais des techniques fondées sur la science des données et utilisent des outils analytiques pour leurs procédures visant à améliorer la discipline fiscale (voir le tableau 6.1) ; cette question est abordée de façon plus approfondie plus loin dans ce chapitre. L’encadré 6.1 contient également des exemples des diverses techniques d’exploration de données employées par les administrations fiscales.
On observe également une tendance croissante à associer l’analyse et l’étude comportementale afin d’avoir une compréhension plus globale des risques, des modèles de comportement et des activités propices à la discipline fiscale. Le graphique 6.1 ci-après indique le pourcentage d’administrations fiscales qui utilisent ces approches comportementales pour leurs travaux.
Encadré 6.1. Exemples nationaux - Exploration de données
Australie - Appariement de données financières
L’administration fiscale australienne (Australian Taxation Office [ATO]) a mis au point un outil qui permet de mettre en correspondance les données liées aux transactions financières, quel que soit leur format ou leur source. Il permet notamment d’apparier :
Les recettes et les dépenses d’un ensemble de relevés de comptes bancaires avec les recettes et dépenses d’un autre ensemble de relevés de comptes bancaires ;
Les recettes et les dépenses d’un relevé de compte bancaire avec les écritures correspondantes dans les livres comptables.
Les écritures au débit des livres comptables avec les écritures au crédit de ces mêmes livres comptables ;
Les relevés de comptes bancaires ou les livres comptables avec les bulletins de paie, les factures ou les états d’inventaire.
Ce modèle permet de traiter jusqu'à 10 000 éléments de données en une seule tranche. Il est environ 30 fois plus rapide qu'un analyste et a une précision supérieure à celle de l’être humain dans la plupart des indicateurs. Son solide moteur de recherche des correspondances « floues » sait gérer les abréviations ou les erreurs typographiques dans les données, et il détecte et rapproche automatiquement les paiements composés (une écriture unique dans une source de données, qui correspond à plusieurs écritures fractionnées dans une autre source de données). Le modèle produit également des indicateurs de confiance de l’appariement et élabore automatiquement un rapport sur les exceptions (éléments de données non appariés).
Les enquêteurs et les vérificateurs ont recours à ce modèle pour vérifier les informations détaillées relatives à des opérations suspectes en les confrontant au sein d’autres ensembles de données ou entre ces derniers et en faisant apparaître des liens que l’œil humain ne voit pas.
Autriche - Innovations numériques dans le domaine des vérifications électroniques de la discipline fiscale et des vérifications en temps réel
En 2020, l’administration fiscale autrichienne a déployé une activité d’évaluation des risques en temps réel portant sur les déclarations d'impôt sur le revenu des personnes physiques salariées. Sur la base de cette méthode d’évaluation, des dossiers ont été sélectionnés pour effectuer des vérifications sur pièces. L’évaluation de l’année 2020 a montré que le taux de succès des vérifications a plus que doublé (dossiers dont il a été établi qu’ils ont une créance fiscale supplémentaire) tandis que le nombre de dossiers sélectionnés a reculé de plus de 40 %. Compte tenu du succès de cette innovation en matière d’évaluation des risques, l’administration fiscale autrichienne a lancé un grand projet en 2021 en vue d’étendre progressivement cette méthode d’évaluation en temps réel à toutes les déclarations d’impôt sur le revenu des personnes physiques ainsi qu’aux déclarations de TVA, de l’impôt sur les sociétés et des autres impôts.
L'objectif principal est de sélectionner les meilleurs dossiers et de trouver ceux qui sont le plus susceptibles d’avoir une créance fiscale supplémentaire. Cette démarche méthodologique fait appel à diverses techniques d’apprentissage automatique, notamment des modèles d’arbres, des modèles de régression, des tableaux de bord prospectifs et des méthodes d’ensemble. Par ailleurs, des règles spécialisées sont également élaborées, car les domaines de risque ne produisent pas tous suffisamment de données historiques pour la modélisation.
Depuis 2016, l’administration fiscale autrichienne utilise également des méthodes d’apprentissage supervisé pour sélectionner de manière centralisée les dossiers soumis à des vérifications d’activités, de salaires et des douanes. Les évaluations des dossiers sélectionnés selon des méthodes d’analyse avancée par rapport aux sélections manuelles montrent que le taux de succès a plus que doublé, les vérifications des dossiers sélectionnés par des algorithmes d'apprentissage automatique ayant deux fois plus de chances de se solder par une imposition supplémentaire après vérification excédant 10 000 EUR.
Canada - Outils numériques pour les enquêtes de police scientifique
L’Agence du revenu du Canada (ARC) prend part à des enquêtes complexes au cours desquelles d’importants volumes de données sont collectés à la suite de mandats de perquisition ou par d’autres moyens. Elle utilise divers outils numériques d’enquête scientifique qui aident l’utilisateur à délimiter les éléments pouvant être utiles à une enquête, ce qui permet un gain de temps et d’argent important dans le cadre de l’enquête, parmi lesquels :
Des outils de pointe qui ont une capacité d’apprentissage à mesure que les enquêteurs examinent et recensent les données et éléments de preuve pertinents, et qui permettent ainsi aux enquêteurs de gagner du temps lorsqu’ils recherchent des documents intéressant une enquête.
Des outils qui permettent aux utilisateurs d’afficher des liens visuels, des groupes et des modèles qui aident les enquêteurs à cibler les domaines clés présentant un intérêt potentiel.
Des outils qui recensent et extraient les modèles clés parmi les éléments probants susceptibles d’être utiles à l’enquête comme les numéros de téléphone, de cartes de crédit, de sécurité sociale, etc.
Des outils de recherche du contenu des données et des métadonnées associées à un fichier, mais aussi des correspondances « floues » qui permettent de rechercher un texte proche de celui que l’enquêteur recherche.
Des outils qui créent des dictionnaires à partir des données interceptées qui sont utilisées pour former des mots de passe destinés aux attaques par force brute visant des documents cryptés ou protégés par un mot de passe.
Pour les analystes des renseignements sur les entreprises, l'utilisation d'un logiciel d’enquête électronique permet de structurer un grand volume de données qui ne l’étaient pas. Cela permet également de concentrer les efforts sur les informations les plus pertinentes afin que les enquêtes criminelles puissent être menées rapidement. Le logiciel permet également une collaboration à partir de plusieurs lieux de travail, ce qui est primordial dans l’environnement actuel.
Canada - Perfectionner les services en ayant recours à l’analyse
Confrontée à des difficultés particulières en matière d’analyse de données, l’ARC a élaboré et soumis à des essais empiriques de nouvelles méthodes destinées à combler ces lacunes. Les matrices de nuages de points sont utiles pour explorer des ensembles de données de petite dimension (qui ne comprennent que quelques colonnes). En revanche, il n’existe pas à l’heure actuelle de solutions alternatives idéales pour traiter les données de grande dimension (qui comprennent plusieurs colonnes). Les travaux en question présentent une méthode d’exploration des données qui peut être facilement appliquée à des contextes de grande dimension et qui est conçue pour produire des informations analytiques similaires à celles des matrices de nuages de points. Elle consiste à combiner des informations complémentaires issues (a) d’un modèle global multivarié et (b) d’une série de modèles bivariés.
Il est possible de l’appliquer, par exemple, à l’exploration des bases de données de centres d’appels, dans lesquelles les demandes des appelants sont enregistrées et suivies à mesure de leur traitement. Une base de données de ce type peut avoir des milliers de variables à examiner. Ces modèles développés par l’ARC permettent aux analystes de passer au crible ces bases de données avec efficacité pour en extraire des informations qui permettent d’améliorer les pratiques des entreprises ou d’éclairer le processus décisionnel. Pour avoir la garantie que cette méthode fournit des informations exactes, elle a fait l’objet d’essais rigoureux via une série d’études de simulation. Dans ce contexte, l’administration fiscale utilise généralement ces méthodes pour examiner les facteurs déterminant la durée nécessaire pour traiter des demandes externes. Ces informations sont ensuite utilisées pour repérer les goulets d’étranglement, les bizarreries ou les inefficiences.
Italie – Utiliser les données pour évaluer l’écart de TVA
L’initiative pour une évaluation de l’écart de TVA selon une méthode ascendante est une nouvelle démarche fondée sur l’utilisation des informations contenues dans la base de données des redressements fiscaux. Les estimations sont obtenues en combinant les méthodes traditionnelles, les techniques modernes d’apprentissage automatique et la méthode du voisin le plus proche.
Cette méthodologie basée sur l'apprentissage automatique produit un résultat final composé de plusieurs valeurs individuelles qui peuvent être utilisées pour obtenir des estimations plus ou moins précises de l'écart de TVA. Ces travaux seront utiles à l'administration fiscale dans la mesure où ils lui donneront une vision claire de la discipline fiscale et lui procureront des données pour l’élaboration des politiques. Ils permettent également d’examiner cet écart en fonction des différents comportements des contribuables.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Source : Australie (2022), Autriche (2022), Canada (2022) et Italie (2022).
Améliorer la disponibilité des données
Face au nombre croissant de données stocké par voie électronique et au recours à de nouveaux processus et techniques pour faciliter le transfert, le stockage et l'intégration des données, la quantité de données dont disposent les administrations fiscales pour faire respecter les obligations a considérablement augmenté. Les sources de données comprennent :
Les données provenant de dispositifs : Les données peuvent être recueillies auprès de dispositifs qui enregistrent les transactions comme les caisses enregistreuses en ligne et les ordinateurs de bord des taxis et poids lourds ainsi que les enregistrements des barrières et ponts-bascules.
Les données des banques, commerçants ou services de paiement intermédiaires et prestataires de services : Elles permettent de vérifier directement les revenus ou actifs déclarés par le contribuable. Certains pays reçoivent déjà régulièrement les détails ou les totaux des transactions des contribuables.
Les données des fournisseurs : La collecte de données auprès des fournisseurs, directement ou par l’intermédiaire du contribuable, permet de dresser un tableau plus complet des activités et revenus du contribuable. Cela est rendu possible grâce à l’utilisation accrue de systèmes de facturation électronique qui, ainsi que le souligne le chapitre 4, permettent à certaines administrations fiscales de préremplir les déclarations.
Les données des clients : Cette démarche est plus facile dans les circonstances où le nombre de clients est limité et connu, mais des mécanismes pour stimuler la discipline fiscale des clients sont de plus en plus souvent utilisés, notamment pour la vérification des recettes en espèces.
Les données non structurées relatives au contribuable : On observe sur Internet et sur les réseaux sociaux un nombre croissant de traces électroniques relatives à des activités et transactions d’entreprises. L’analyse des données non structurées dans les courriers électroniques permet également d’améliorer les temps de réponse et l’exactitude comme indiqué dans l’exemple de Singapour à l’encadré 6.1.
Les données d’autres organismes publics : Les données détenues par d’autres organismes publics, notamment pour l’octroi de permis, à des fins réglementaires ou de sécurité sociale peuvent être utiles pour vérifier les déclarations fiscales ou évaluer les risques. C’est ainsi que l’administration fiscale française utilise les informations des plans cadastraux locaux, le registre des propriétés immobilières et les photographies aériennes disponibles sur Internet pour repérer les biens immobiliers qui, en raison de leur usage et de leur valeur, sont assujettis à un impôt spécial (voir l’encadré 6.2).
Les données des partenaires internationaux : Les nouveaux échanges internationaux de données, entamés dans le cadre de la Norme commune de déclaration (NCD) et des déclarations pays par pays, augmentent considérablement la quantité de données disponibles sur les activités internationales, procurent des informations utiles pour les processus de sélection des dossiers et de vérification et, dans certains cas, pour pré-remplir les déclarations.
Encadré 6.2. Exemples nationaux - Améliorer la disponibilité des données
Argentine - Déclaration de TVA simple et pro forma
Un registre de TVA numérique est obligatoire pour tous les contribuables assujettis à la TVA en Argentine (un million de contribuables environ), ainsi que pour un groupe précis de contribuables exonérés de TVA (même s'ils ne sont pas tenus de déposer une déclaration de TVA). Au cours de la première phase de mise en œuvre, quelque 20 000 contribuables - qui émettaient un petit nombre de factures électroniques et exerçaient une seule activité de services professionnels - ont été sélectionnés pour tester une nouvelle procédure simplifiée comportant deux volets :
Un registre de TVA numérique simplifié : Il indique au contribuable toutes les factures électroniques émises et reçues et c’est à lui de confirmer ou de corriger l'écriture pour la période concernée. Lorsqu’il manque des factures, il est possible de les ajouter manuellement dans l’application et les factures sans rapport avec l’activité commerciale doivent être supprimées (dépenses personnelles, par exemple).
Une déclaration de TVA simplifiée : Sur la base des données du registre de TVA numérique, une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée est générée automatiquement et le montant dû est évalué. Les montants ne peuvent pas être modifiés. S’il y a lieu, le registre de TVA numérique doit être modifié.
L’étape suivante consistera à mettre en place progressivement une nouvelle déclaration de TVA numérique. Elle sera préremplie et contiendra tous les montants saisis dans le registre de TVA numérique (ventes, achats, exportations, débits et crédits d'impôt, etc.). À l'avenir, cette déclaration pro forma sera obligatoire pour tous les contribuables assujettis à la TVA. Cette initiative devrait améliorer la discipline fiscale et la fiabilité des données, et réduire la charge pesant sur entreprises ainsi que les possibilités de fraude.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Canada - Initiative de recherche « Suivre la trace de chaque dollar »
L'ARC a développé sa capacité à intégrer les données issues de diverses activités d'évaluation et liées à la discipline fiscale dans le cadre des programmes de l’IRPP, de l’IS et de la TVA (TPS/TVH), ce qui lui permet d’avoir une vision globale de l’efficacité des différentes interventions et de quantifier les résultats.
Le projet « Suivre la trace de chaque dollar » donne une vue d’ensemble du cycle de vie des déclarations fiscales, depuis leur estimation initiale jusqu’à leur règlement en passant par les analyses afférentes. Grâce à cette initiative, l'ARC est notamment en mesure de définir les tendances, de surveiller l'impact des activités entreprises, des changements de politique, etc. L’administration fiscale canadienne peut ainsi suivre la trace de chaque dollar d’un bout à l’autre de la chaîne. Dès le dépôt initial d’une déclaration de revenu par le contribuable/le déclarant ou l’entité, elle peut suivre chaque dollar tout au long des activités destinées à améliorer la discipline fiscale, puis lors des recours (s’il y a lieu) et enfin dans le cadre des paiements, remboursements, recouvrements et annulations de la dette, en mesurant les résultats tout au long du processus. L’ARC est ainsi en mesure de calculer certains indicateurs comme le rendement des vérifications. En outre, cette initiative permet d’effectuer des recherches plus approfondies, comme l’étude du taux de prévisibilité des annulations de la dette fiscale pour l’ARC et de définir des groupes, des tendances ainsi que les lacunes en matière de discipline fiscale.
France - Foncier innovant
Afin d’optimiser le processus de détection des constructions ou aménagements non déclarés, l’administration fiscale française (DGFiP) recourt, dans le cadre du projet « Foncier innovant », à l’intelligence artificielle et à la valorisation des données à partir des prises de vue aériennes de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN).
Les algorithmes permettent d’extraire des images aériennes publiques de l’IGN, consultables par tous sur le site internet www.geoportail.gouv.fr, les contours des immeubles bâtis ainsi que des piscines. Un traitement informatique vérifie ensuite, à partir des déclarations des propriétaires effectuées auprès de l’administration fiscale, si les éléments ainsi détectés sur les images sont correctement imposés aux impôts directs locaux (taxe foncière notamment). Un agent de l’administration fiscale vérifie ensuite systématiquement chaque anomalie détectée avant toute opération de relance du propriétaire du bien et in fine de taxation.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Lituanie - Accroître la transparence des transactions de véhicules de seconde main
Selon les données de l'administration fiscale lituanienne (Lithuanian State Tax Inspectorate [STI]), les secteurs de la vente de véhicules d’occasion, de la réparation et des pièces détachées font partie de ceux qui présentent les risques de fraude fiscale les plus élevés. Selon les résultats d’une étude réalisée en 2018, l’écart de TVA dans le secteur de la vente de véhicules d’occasion a atteint plus de 38 millions d’euros. La STI concentre donc particulièrement ses activités de suivi et de contrôle dans ce secteur.
Afin de trouver une solution au problème posé par les activités de vendeurs peu scrupuleux qui opèrent dans le secteur de la vente de voitures d'occasion, un nouveau cadre de responsabilisation des propriétaires de véhicules a été mis en place, en modifiant la législation afin d’exiger que tous les véhicules présents dans le pays portent un code unique d’identification du propriétaire du véhicule (SDK). Ce code permet de retrouver le propriétaire d'un véhicule précis en Lituanie.
Avant l'entrée d’un véhicule sur le territoire lituanien, son propriétaire est tenu d'avoir un code SDK valide. L'immatriculation et la vente d'un véhicule ne sont pas autorisées sans le code SDK qui doit être mentionné dans toutes les annonces de véhicules. Le contrôle de plus de 6 000 véhicules sur les routes et dans les parcs de stationnement et de plus de 22 000 annonces de véhicules sur Internet a permis de constater que près de 21 000 véhicules n’avaient pas de SDK et/ou ne l’avaient pas publié dans une annonce. Les contrevenants ont reçu des avertissements et leurs coordonnées ont été enregistrées afin de procéder à de nouvelles enquêtes après la fin de la période de grâce.
Quelques mois après son lancement, le nouveau système adopté avait des effets positifs. Il a permis d'identifier 22 personnes soupçonnées de se livrer à des activités de vente de voitures non immatriculées ; de récupérer 109 000 euros de revenus non déclarés et de permettre l’enregistrement des activités de vente de véhicules de six personnes. Cette initiative contribue à créer un marché équitable, tout en permettant d’identifier les vendeurs de véhicules présentant les risques les plus élevés et, côté acheteurs, de vérifier le caractère loyal de la vente.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Espagne – Analyser les résultats des activités de vérification
Le plan stratégique de l'administration fiscale espagnole pour 2020-2023 comprend des mesures de prévention et de contrôle de la fraude fiscale et douanière ainsi qu’une analyse complète des résultats des activités liées à la discipline fiscale dont l’objectif est de garantir que les régularisations fiscales deviennent un outil supplémentaire pour améliorer la discipline fiscale des contribuables. Il y a lieu de souligner, à ce propos, l'importance des résultats des activités de vérification, qui consiste à recueillir des informations sur les motifs qui ont conduit à la régularisation des contribuables visés par les plans de contrôle.
Ces informations sont intégrées dans les bases de données de l'administration fiscale espagnole et permettent une évaluation qualitative des activités de vérification. Cette démarche est utile pour planifier de futures actions qui seront axées sur les programmes, les profils ou les risques qui contribuent le plus à réduire les manquements graves à la discipline fiscale. Ces informations sont recueillies par le biais de formulaires prédéfinis, dans lesquels les agents sélectionnent un ou plusieurs motifs importants justifiant la régularisation fiscale et les quantifient. On utilise à cet effet un tableau normalisé récapitulant les motifs de régularisation, en pondérant le motif de régularisation par rapport au montant du redressement fiscal.
L'analyse des motifs de la régularisation s’effectue à l'aide d'outils informatiques capables de traiter des données en masse. Cela permet d'obtenir des informations structurées sur les domaines à risques particuliers des principaux impôts du système fiscal espagnol et de connaître les raisons qui ont conduit à la régularisation.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Source : Argentine (2022), Canada (2022), France (2022), Lituanie (2022) et Espagne (2022).
L’accès à de vastes ensembles de données s’accompagne cependant de quelques risques nouveaux. Il est notamment de plus en plus probable que des données intéressant l’administration fiscale d’une juridiction soient détenues sur le territoire d’une autre juridiction. Dans ces circonstances, il est parfois difficile de se procurer automatiquement les données auprès de leur détenteur situé dans une autre juridiction. Cela complique parfois l’évaluation des risques, ainsi que le préremplissage des déclarations ou l’élaboration plus poussée de processus mettant la discipline fiscale au cœur du système.
Prenons, par exemple, la croissance de l’économie du partage et à la demande que facilitent les plateformes en ligne dont le fonctionnement dépasse les frontières. Ce risque peut croître parallèlement au développement de l’économie en ligne, en particulier s’il va de pair avec le remplacement de l’emploi salarié (et de la déclaration des revenus par les employeurs) par le travail indépendant. Le rapport de l’OCDE The Sharing and Gig Economy : Effective Taxation of Platform Sellers (OCDE, 2019[2]) se penche sur cette question. Il examine un certain nombre de stratégies adoptées actuellement par les administrations fiscales ainsi que leurs limites et recommande de définir un cadre normalisé de déclaration pour faciliter à l’avenir les éventuels échanges automatiques de renseignements entre les administrations fiscales. Il s’est également concrétisé par l’élaboration des documents suivants :
Un ensemble de règles types qui, une fois transposées dans le droit, imposent aux plateformes numériques de recueillir des informations sur les revenus perçus par ceux qui utilisent ces plateformes pour proposer des services personnels, d’hébergement et de transport, et de communiquer ces informations aux administrations fiscales (OCDE, 2020[3]).
Un code de conduite pour faciliter l’adoption d’une approche standard de la coopération entre les administrations et les plateformes en vue de fournir des informations aux vendeurs en ligne et de leur procurer un soutien pour les aider à se conformer à leurs obligations fiscales tout en minimisant la charge liée à la discipline fiscale (OCDE, 2020[4]).
Un autre risque relevé a trait aux actifs financiers numériques comme les cryptomonnaies. Il peut être très difficile de retrouver les propriétaires d’actifs numériques même s’ils ont un lien avec la création d’un portefeuille numérique spécifique (sensiblement similaire à un compte en banque). Retrouver les personnes ou les entités qui se cachent derrière certaines adresses de portefeuilles numériques est difficile, voire impossible et mobilise des ressources importantes.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un risque en tant que tel, il convient de noter que les règles de protection des données pourraient limiter les circonstances dans lesquelles il est possible de conserver, traiter ou partager des données. Les administrations doivent tenir compte de cet aspect crucial lorsqu’elles conçoivent des systèmes qui reposent sur de vastes ensembles de données et sur la conservation des données.
Ciblage plus précis des risques
Science des données
Ces dernières années, l’application de l’analyse avancée à la gestion des risques s’est beaucoup développée et le ciblage des risques est de plus en plus utilisé.
Le graphique 6.2 indique que 80 % des administrations fiscales déclarent utiliser les données massives dans le cadre de leurs activités et que celles qui les utilisent le font la plupart du temps pour améliorer leurs activités liées à la discipline fiscale.
Sur les 58 administrations fiscales couvertes par ce rapport, 52 déclarent utiliser la science des données/des outils analytiques, tandis que les administrations restantes se préparent actuellement à les utiliser à l’avenir (voir le tableau A.51).
De même, la plupart des administrations couvertes par cette publication ont déjà adopté l’intelligence artificielle, notamment l’apprentissage automatique pour l’évaluation des risques ou la détection des fraudes, ou sont en train de le faire (voir le tableau 6.1 et le graphique 6.3).
Le recours à des techniques analytiques de plus en plus sophistiquées pour développer les ensembles de données permet une gestion plus ciblée des risques et l’élaboration de mesures d’intervention, y compris par des processus automatisés. L’encadré 6.3 présente quelques exemples. Par ailleurs, le rapport de l’OCDE Advanced Analytics for Tax Administration : Putting data to work (OCDE, 2016[5]) donne des orientations pratiques sur la manière dont les administrations fiscales peuvent utiliser l’analyse pour favoriser la discipline fiscale et la prestation de services publics.
Tableau 6.1. Recours à la science des données, 2020
Pourcentage d’administrations
État d'avancement de la mise en œuvre et de l’utilisation |
Science des données/ outils analytiques |
Intelligence artificielle, dont l’apprentissage automatique |
Robotisation des processus automatisés |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2018 |
2020 |
Différence en points de pourcentage |
2018 |
2020 |
Différence en points de pourcentage |
2018 |
2020 |
Différence en points de pourcentage |
|
Technologie mise en œuvre et utilisée |
73.7 |
89.5 |
+15.8 |
31.6 |
47.4 |
+15.8 |
22.8 |
40.3 |
+17.5 |
Technologie dans la phase de mise en œuvre en vue d’un usage ultérieur |
17.5 |
10.5 |
-7.0 |
15.8 |
29.8 |
+14.0 |
14.0 |
12.3 |
-1.7 |
Technologie non utilisée, y compris les circonstances dans lesquelles la mise en œuvre n’a pas commencé |
8.8 |
0.0 |
-8.8 |
52.6 |
22.8 |
-29.8 |
63.2 |
47.4 |
-15.8 |
Source : Tableaux A.51 Technologies innovantes : mise en œuvre et utilisation (Partie 1) et A.52 Technologies innovantes : mise en œuvre et utilisation (Partie 2)
Encadré 6.3. Exemples nationaux : Utilisation de l’analyse pour mieux cibler les risques
Australie - Vérifications électroniques de la discipline fiscale et vérifications en temps réel
Dans le cadre du processus de dépôt des déclarations de revenus, l’administration fiscale australienne expérimente actuellement une nouvelle fonction pour aider les contribuables à respecter leurs obligations fiscales. Elle a pour objectif d’améliorer le respect volontaire et positif des obligations par les petites entreprises en utilisant des analyses en temps réel et des messages incitatifs pour gérer les risques au moment du dépôt des déclarations. S’il détecte une anomalie par rapport aux références dans le secteur, le système affiche un message invitant l’usager à vérifier soigneusement ses chiffres avant de soumettre sa déclaration de revenus. Lorsqu'une entreprise se situe nettement en dehors de la fourchette de référence principale de son secteur, cela ne signifie pas automatiquement qu'elle a commis une erreur, mais qu’il y a une anomalie et cela peut inciter l’administration à la contacter pour obtenir de plus amples renseignements par la suite. Un message incitatif peut être, par exemple, le suivant : « Le montant du coût des ventes qui s’élève à <xx> et le montant total des dépenses qui s’élève à <xx> sont supérieurs aux montants de référence pour les petites entreprises comparables. Veuillez vérifier ces montants et les revenus à déclarer ».
Pour le moment, cette fonctionnalité n'est disponible que pour les particuliers qui gèrent une entreprise, mais cette expérimentation limitée a déjà permis à l’administration fiscale australienne de constater que 25 % des usagers qui ont reçu un message incitatif reprennent leur déclaration de revenus et procèdent à un ajustement avant de la déposer définitivement. Cette initiative a permis aux contribuables et à l’ATO de réaliser des économies en s’épargnant des activités ultérieures liées à la discipline fiscale.
Bulgarie – Utiliser l’apprentissage automatique pour repérer les opérateurs défaillants
Pour lutter contre les opérations frauduleuses en matière de TVA, l’administration fiscale bulgare (Bulgarian National Revenue Agency [BNRA]) utilise depuis plus de dix ans une approche en deux étapes. Elle calcule tout d’abord un score de risque systémique fondé sur des règles pour l’ensemble des contribuables enregistrés aux fins de la TVA dans le pays. Elle procède ensuite à une analyse plus approfondie des contribuables présentant les risques les plus élevés afin de définir si chacun d’entre eux est un maillon d’une chaîne d’opérateurs défaillants. Cette démarche en deux étapes combine donc séparément l’analyse de données avec des informations opérationnelles. En tant que telle, il s’agit d’une activité à forte intensité de main-d'œuvre, car elle exige la contribution des fiscalistes les plus expérimentés de la BNRA. En 2019, un partenariat a été établi entre la BNRA et le Centre de recherche de l’administration fiscale (École de commerce de l’Université d’Exeter) d’une part, et University College de Londres d’autre part. L’objectif principal de cette coopération était d’élaborer un modèle prédictif adaptable qui repère immédiatement les opérateurs défaillants. La démarche méthodologique mise au point se caractérise principalement par le fait que la structure en réseau de toutes les opérations de TVA (par le biais de factures d’achats/de ventes) procure des informations importantes qui peuvent (et doivent) être utilisées pour repérer les opérations anormales en matière de TVA tout au long de la chaîne de production.
Au début de 2021, la BNRA a entrepris de mettre en œuvre ce modèle prédictif, en utilisant en partie la structure d’information issue des précieuses données collectées sur les opérations soumises à la TVA. Les premiers résultats ont montré qu’une telle démarche permet de détecter plus rapidement les opérations frauduleuses en matière de TVA, mais aussi de mettre au jour un nombre nettement plus élevé d’opérateurs défaillants bien réels. Par conséquent, le délai compris entre le début des activités frauduleuses d’un opérateur et le moment où il est repéré par la BNRA a été raccourci de 15 %. Mais surtout, le modèle prédictif permet désormais de repérer les transactions frauduleuses sans se fonder uniquement sur les règles en matière de risque établies pour l’évaluation des risques, ce qui confère plus de flexibilité à cette activité de repérage.
Chili – Détecter le non-respect des obligations en matière de TVA
La législation fiscale chilienne autorise les contribuables à déduire la TVA acquittée sur certaines dépenses des crédits de TVA et des autres impôts (en plus de la TVA en amont). Néanmoins, le Chili ne dispose pas d’informations qui confirment ces dépenses, ce qui crée des possibilités de fraude. L’administration a donc mis au point un modèle mathématique afin d'évaluer la probabilité que ces « crédits spéciaux » soient frauduleux et l’a associé à l’analyse de l’activité, ce qui a permis d’améliorer l’analyse des risques. Certains contribuables déclarent également des crédits de TVA correspondant à des achats qui ne sont pas liés à leur activité commerciale ; il s’agit généralement de dépenses personnelles. Le Chili utilise donc des modèles pour analyser les factures électroniques et évaluer si ces achats ont un lien avec l’activité commerciale.
En outre, six tableaux de bord analytiques de suivi ont été établis pour couvrir : la TVA ; les crédits spéciaux de TVA ; l'émission de factures électroniques ; les recettes et dépenses ; les billets électroniques ; et les ratios financiers des gros contribuables. Chaque tableau de bord contient une série de filtres qui permettent à l'analyste d'explorer les différents segments de contribuables et de repérer les profils, les tendances et les comportements anormaux, etc. Ils servent également à classer par ordre de priorité les segments de contribuables à analyser, et permettent ainsi de faire un usage plus efficient des ressources.
Chine (République populaire de) – Sélectionner les dossiers de vérification électronique
Dans un contexte d’essor rapide de l’informatique en nuage, de l’apprentissage automatique, de l’exploration de données et des autres technologies, le « Système de sélection, d’étude de cas et d’appréciation des dossiers à vérifier à partir de données massives » mis au point par l’administration fiscale chinoise (State Tax Administration [STA]) fait pleinement usage des données massives pour la modélisation afin d'examiner avec précision différents dossiers à haut risque et de définir les principaux objectifs d’une vérification.
Ce système présente deux grands avantages :
Il s'appuie sur diverses sources de données fiscales nationales collectées par la STA ainsi que sur une technologie de visualisation permettant de mettre en évidence les comportements fiscaux des contribuables dans plusieurs dimensions. Les utilisateurs peuvent définir de manière intuitive les caractéristiques des contribuables en matière de risque et signaler leurs comportements illicites ;
La méthode de sélection de la source des dossiers est intégrée dans des algorithmes perfectionnés d'apprentissage automatique et d'exploration de données afin d’améliorer l'efficacité de l'analyse des données, et ainsi d’accroître la précision de l'évaluation des risques.
Depuis le lancement de ce système, ces activités ont joué un rôle particulièrement dans le projet d’une durée de deux ans entrepris pour lutter contre les fausses factures de TVA et la fraude au remboursement de la TVA à l'exportation, pour imposer le respect des obligations dans le secteur de la culture et des loisirs et pour les besoins des enquêtes sur des dossiers importants.
Géorgie - Système de traitement et d’analyse des données
La création d’un système de traitement et d’analyse des données s’inscrit dans le cadre d’un projet plus vaste de développement d’un entrepôt de données qui a été achevé en 2021. L’objectif principal et ultime de ce programme est de collecter et de trier les données disponibles dans la base de données de l’administration fiscale et dans d'autres sources de tierces parties et de les utiliser pour renforcer les capacités d'analyse de l’administration fiscale.
La création du système de traitement et d'analyse des données a donné lieu à l’optimisation de l’infrastructure de ce même système. Différents types de rapports normalisés et actualisés quotidiennement ont été créés dans le système de traitement et d'analyse des données. Des modules de risque fiscal ont été mis en place et automatisés, ce qui permet d’évaluer systématiquement le risque fiscal présenté par les contribuables et les déclarations de revenu, à partir d’une logique et d’indicateurs spécifiques.
Le programme a déjà réduit le temps nécessaire au traitement de certaines informations, ainsi que le risque d'erreur humaine lié à la récupération et au traitement des informations. Il a également permis un suivi rapide d'importants projets en cours (comme la procédure de remboursement automatique de la TVA) ainsi que la réception et le traitement en continu des informations provenant de tiers. Par ailleurs, il est utilisé pour l'évaluation opérationnelle ainsi que pour classer des risques fiscaux particuliers (stocks non déclarés, par exemple) et se préparer à y faire face.
Source : Australie (2022), Bulgarie (2022), Chili (2022), Chine (République populaire de) (2022) et Géorgie (2022).
Programmes d’éducation des contribuables
Une autre approche de la gestion ciblée des risques consiste à créer des unités chargées d’examiner les dossiers fiscaux de certains segments de contribuables. Les deux domaines dans lesquels l’administration fiscale a jugé utile de gérer certains groupes de contribuables de manière segmentée sont les grandes entreprises et les contribuables fortunés. La concentration des ressources de l’administration sur la gestion de ces catégories s’explique par les raisons suivantes :
Importance des risques d’indiscipline fiscale : en raison de la nature et du type de transactions, des activités à l’étranger, des possibilités et stratégies visant à réduire les créances fiscales et, dans le cas des grandes entreprises, des différences entre les bénéfices comptables et les bénéfices calculés à des fins fiscales.
Complexité des transactions et de la fiscalité : compte tenu, en particulier, de l’importance des intérêts en jeu et, dans le cas des contribuables fortunés, de la combinaison entre leurs affaires publiques et privées.
Intégrité du système fiscal : importance de pouvoir donner aux parties prenantes des garanties sur les activités entreprises à l’égard de ces groupes de contribuables.
En outre, en ce qui concerne les gros contribuables, un petit nombre d’entre eux sont généralement redevables d’une part disproportionnée des recettes fiscales recouvrées. Selon les données collectées dans le cadre de l’enquête ISORA 2021, entre 30 % et 60 % des recettes totales nettes collectées par la plupart des juridictions, y compris les retenues à la source sur les revenus des employés, proviennent de contribuables concernés par les programmes dédiés aux gros contribuables (voir le graphique 6.4). En moyenne, 2.3 % environ des entreprises concernées par ces programmes représentent 43 % des recettes totales recouvrées (voir le tableau 6.2).
Tableau 6.2. Importance des bureaux/programmes dédiés aux gros contribuables, 2020
ETP consacrés aux dossiers des gros contribuables en pourcentage des ETP totaux |
Entreprises contribuables gérées par des bureaux/programmes dédiés aux gros contribuables en pourcentage des entreprises actives redevables de l’impôt sur les sociétés |
Part des recettes nettes gérées par des bureaux/programmes dédiés aux gros contribuables par rapport aux recettes nettes totales recouvrées par l’administration fiscale |
ETP consacrés aux contrôles, enquêtes et autres fonctions de vérification au sein des bureaux/programmes dédiés aux gros contribuables en pourcentage des ETP totaux de ces bureaux/programmes |
Montant total des redressements établis par les bureaux/programmes dédiés aux gros contribuables en pourcentage du montant total des redressements établis à la suite de vérifications |
---|---|---|---|---|
4.1 |
2.3 |
42.8 |
66.6 |
28.7 |
Note : Le tableau présente les pourcentages moyens dans les juridictions qui ont été en mesure de communiquer les renseignements.
Source : Tableau D.9 Ratios de segmentation : bureaux / programmes dédiés aux gros contribuables
Si la gestion de ces groupes de contribuables est souvent prise en charge dans le cadre d’un programme, bon nombre de juridictions les intègrent dans une structure, qui nécessite un bureau dédié aux gros contribuables ou une unité responsable des contribuables très fortunés. Le périmètre d’activité de ces unités varie considérablement et va des activités traditionnelles de contrôle aux approches multiservices (voir le graphique 6.5). Cependant, en moyenne, les deux tiers des membres du personnel de l’administration fiscale employé dans les bureaux ou par les programmes dédiés aux gros contribuables effectuent des travaux de contrôle, d’enquête et d’autres missions de vérification (voir le Tableau 6.2).
Planification des risques futurs
S’il est essentiel que les administrations fiscales soient conscientes des risques actuels d’indiscipline fiscale et préparent des stratégies de réponse appropriées, il est également important qu’elles comprennent quels peuvent être les risques futurs et qu’elles les préviennent. L’accès accru aux données et les capacités dont disposent les administrations fiscales pour les traiter et les analyser leur permettent d’évaluer les risques future avec plus de fiabilité. Le graphique 6.2 montre qu’un grand nombre d’administrations fiscales se livrent à des prévisions, ce qui leur permet d’évaluer où de nouveaux risques d’indiscipline fiscale peuvent se poser et d'élaborer en temps utile les stratégies requises pour les atténuer.
Cet aspect est particulièrement important alors que les juridictions sortent de la pandémie de COVID-19. Selon les administrations fiscales, la pandémie a influé sur la discipline fiscale des contribuables, car les confinements et autres mesures prises par les pouvoirs publics ont eu des répercussions sur les sources de revenus de nombreux contribuables, entraînant une baisse des bénéfices, voire des pertes. La plupart des administrations ayant réduit ou suspendu les activités liées à la discipline fiscale, cela a également eu des répercussions sur les données disponibles pour évaluer correctement les risques. Les compétences spécialisées dans le domaine de la modélisation et de l’analyse que les administrations fiscales ont acquises avant la pandémie ont permis de réagir à ces défis et de tenir compte des changements de comportement des contribuables.
Il est intéressant de noter une évolution au sein de l’administration fiscale : la reconnaissance que la fonction d’analyse des données doit être décentralisée et répartie plus largement au sein de l’organisation. Les administrations fiscales peuvent ainsi se préparer à repérer plus rapidement les risques émergents et à définir les actions précoces possibles. Elles réfléchissent donc désormais à la manière d’intégrer l’intelligence artificielle dans les procédures visant à améliorer la discipline fiscale et cette démarche devrait être au centre de la transformation numérique dans le domaine de la gestion future de la discipline fiscale et des risques. L’encadré 6.4 présente des exemples de cette démarche.
Encadré 6.4. Exemples nationaux - Intégrer l’IA dans l’ensemble de l’organisation
Canada - Techniques avancées d’analyse des données pour les missions de certification
L’ARC dote ses spécialistes de la certification et du conseil de moyens pour intégrer l’intelligence artificielle et l’analyse de données dans leurs activités. Elle a progressivement renoncé à l’utilisation de logiciels traditionnels, commercialisés spécialement pour les vérificateurs internes et a investi pour apprendre comment utiliser des outils plus polyvalents pour exploiter l’analyse de données. Cela lui a permis d’utiliser les nombreuses solutions fiables offertes par ces outils pour le traitement du langage naturel, l’apprentissage automatique et la visualisation des données afin de contribuer à transformer les méthodes de l’ARC pour accéder aux données, les traiter et les analyser.
C’est ainsi que l'utilisation de nouveaux outils pour développer des modèles thématiques, des résumés automatiques de textes abstraits et des analyses de sentiment a permis à l'ARC d’isoler rapidement des thèmes et concepts au sein de données non structurées, comme des notes d'entretien et de grands volumes d'articles et de documents sur le web, et d’apporter un soutien aux missions de certification et de conseils. Cette initiative a permis aux professionnels de la certification et du conseil de l’ARC d’effectuer des évaluations plus rapides et approfondies.
En outre, des outils de visualisation des données et d’interface utilisant un code de programmation à code source ouvert ont donné à l’ARC la possibilité de créer des produits pour aider les utilisateurs sans connaissances techniques dans l'organisation à intégrer plus facilement des données structurées dans leurs rapports. Citons, par exemple, une technique développée par l’ARC pour mieux faire ressortir les interconnexions entre les risques d’une entreprise, sous une forme visuellement attrayante, afin de favoriser une analyse plus approfondie et une présentation plus claire des rapports.
Singapour – Élaborer une stratégie en faveur de l’IA
L’administration fiscale de Singapour (Inland Revenue Authority of Singapore [IRAS]) intensifie l’utilisation des données et de l’IA dans toutes ses fonctions, en développant notamment de nouvelles solutions d’IA et des produits minimaux viables afin de mieux gérer l’indiscipline fiscale et d’améliorer les services fournis. Les initiatives de l’IRAS dans le domaine de l’IA comprennent :
Détection des anomalies - Par tradition, les modèles de sélection des dossiers dans le cadre de l'impôt sur les sociétés étaient conçus à partir d’une méthode d’apprentissage supervisé et ne pouvaient donc détecter que des modèles connus sur la base de l’apprentissage antérieur. Pour détecter des risques inconnus et compléter les modèles existants, l'IRAS a adopté des techniques de détection des anomalies et a élaboré un produit minimum viable permettant de repérer les anomalies dans les déclarations d’impôt sur le revenu des sociétés afin que les agents puissent les examiner. Le produit minimum viable est parvenu à isoler plusieurs dossiers présentant des anomalies et susceptibles de donner lieu à des recouvrements d’impôt importants.
Outil d’analyse de réseau intelligent - L'IRAS a utilisé une solution de base de données orientée graphes pour relever les défis auxquels sont confrontés les vérificateurs lorsqu'ils analysent des couches complexes de relations et de réseaux. Plutôt que de recourir à des outils commerciaux, l'IRAS a mis en place un visualiseur du réseau en interne, qui s’appuie sur une technologie de base de données orientée graphe pour répondre aux besoins des vérificateurs. Ce nouvel outil offre aux vérificateurs des fonctionnalités personnalisées pour analyser les relations complexes et multiniveaux entre les entités lors des vérifications/enquêtes. Il permet également de mettre au jour en temps réel des relations situées à une profondeur supérieure à 10 relations.
Suivi de la qualité du service - L’IRAS a mis au point des modèles pour le traitement du langage naturel afin d’évaluer 100 % des conversations en ligne en direct à des fins de suivi de la qualité du service. Cette nouvelle solution d'IA permet à l’administration d’améliorer l’objectivité et la productivité du suivi, de repérer les conversations qui méritent une attention particulière et de prendre des mesures proactives pour améliorer l'expérience du service.
Source : Canada (2022) et Singapour (2022).
Activités liées à la discipline fiscale entreprises
La nature des « activités liées à la discipline fiscale » entreprises par les administrations fiscales pour déterminer si les contribuables ont correctement déclaré l’impôt dû évolue. Comme on l’a vu plus haut, l’accès accru aux données et l’adoption de modèles analytiques sophistiqués permettent aux administrations fiscales de mieux repérer les déclarations, demandes ou transactions qui peuvent nécessiter un examen plus approfondi ou être frauduleuses. En outre, ces modèles, dont bon nombre peuvent fonctionner en temps réel, permettent aux administrations d’effectuer des vérifications électroniques automatisées de toutes les déclarations ou de certaines transactions.
Vérifications électroniques de la discipline fiscale
Si les vérifications traditionnelles (notamment les vérifications complètes, d’un point précis ou sur pièces) représentent toujours les principales activités de vérification, le recours aux vérifications électroniques automatisées à partir d’approches fondées sur des règles pour traiter certains risques définis (comme le rejet automatique d’une demande, l’émission d’une lettre ou l’appariement d’une transaction) dote les administrations de moyens plus efficaces et efficients pour effectuer certaines activités de vérification. L’encadré 6.5 présente des exemples de travaux réalisés dans ce domaine.
Néanmoins, dans le cadre de ces approches, il y a lieu de se demander comment tenir compte de ces vérifications électroniques automatisées dans les informations sur les performances communiquées par les administrations dans l’enquête ISORA. La prise en compte de l’ensemble des vérifications est susceptible d’entraîner une distorsion des taux de couverture, de redressement et de rendement. Toutefois, lorsqu’elles remplacent les vérifications manuelles effectuées autrefois, il semblerait approprié de tenir compte de ce que font les administrations dans ce domaine.
À cet égard, dans sa version de 2021, l'Enquête ISORA invite les administrations fiscales participantes à ventiler le montant total des redressements supplémentaires résultant des activités liées au contrôle et à la vérification en (i) vérifications et (ii) vérifications électroniques du respect des obligations (au sens des vérifications électroniques, de la validation et de l’appariement des informations sur le contribuable).
Seules quelques administrations ont été en mesure de communiquer des informations sur les vérifications électroniques du respect des obligations. Toutefois, pour certaines d’entre elles, les vérifications électroniques du respect des obligations représentent une part importante des redressements supplémentaires effectués dans le cadre de l’ensemble des activités de contrôle et de vérification. (Voir le tableau A.34)
Encadré 6.5. Brésil - Vérifications électroniques de la discipline fiscale
Brésil - Processus de travail pour des systèmes d’inspection à haute performance
L’administration fiscale brésilienne (Internal Revenue Service of Brazil [RFB]) utilise une plateforme de développement interne, qui regroupe un ensemble d'outils permettant le croisement et l’exploration des données, l'analyse de graphes et l'application de certaines techniques d'IA. Cette plateforme utilise également un environnement de données massives pour effectuer des requêtes sur des tables de grande dimension, dont les volumes sont de l'ordre du pétaoctet. Ainsi, la table des factures électroniques totalise des milliards d'enregistrements et des centaines d'informations sur chacun d'eux. Outre ces outils prêts à l’emploi, la plateforme de développement permet aux membres de l'administration fiscale de créer leurs propres outils ou d'améliorer ceux qui existent déjà. Ils peuvent notamment écrire de nouveaux scripts qu’ils partagent dans un espace collaboratif et qui sont classés en vue de servir d’actifs pour l'automatisation. Les personnes qui ne maîtrisent pas les langages de programmation peuvent utiliser un style de programmation « sans code » créé sur la plateforme sous le nom de « Visual Script ». Cette plateforme a facilité une stratégie baptisée « Inspection à haute performance » où les renseignements fiscaux sont combinés avec un environnement de données massives. Elle a permis à plusieurs équipes régionales de collaborer et de mettre en correspondance différentes bases de données, portant notamment sur la comptabilité fiscale numérique, la comptabilité numérique, les factures électroniques, les données sur les mouvements financiers, les données d’enregistrement, etc. L’inspection à haute performance comprenait également la génération automatique de lettres pour les contribuables soumis à l'auto-évaluation lorsque des écarts étaient constatés entre les montants déclarés et les données enregistrées. Ce degré élevé d’automatisation permet d’utiliser au mieux le personnel et ainsi aux petites équipes régionales de se consacrer davantage à leurs activités.
Ces dernières années, ces notifications automatiques ont permis de convoquer un nombre croissant de contribuables. En 2021, plus de 40 000 contribuables ont été convoqués, soit un montant total de 7.4 milliards BRL soumis à l'auto-évaluation, ce qui n'aurait pas été possible sans l'automatisation apportée par le système d’inspection à haute performance.
Source : Brésil (2022).
Vérifications
Alors que les enquêtes ISORA précédentes établissaient une distinction entre les taux d’ajustement des vérifications par type de vérification, un changement est intervenu lors de l’enquête ISORA de 2020. Les administrations fiscales sont désormais invitées à communiquer des informations relatives à l’ensemble des vérifications réunies. Seule une comparaison avec les données des enquêtes de 2018 à 2020 est donc possible.
Tableau 6.3. Taux d’ajustement des vérifications et redressements établis
2018 |
2019 |
2020 |
|
---|---|---|---|
Taux d’ajustement des vérifications – en pourcentage (41 juridictions) |
55.6 |
56.5 |
55.9 |
Redressements établis dans le cadre d’une vérification en pourcentage de l’impôt collecté (48 juridictions) |
4.2 |
4.2 |
4.5 |
Note : Le tableau présente les taux moyens d’ajustement et les redressements établis dans le cadre d’une vérification (à l’exception des vérifications électroniques de la discipline fiscale) pour les juridictions qui ont été en mesure de fournir ces informations pour les années 2018, 2019 et 2020. Les données relatives à l’Inde ont été exclues du calcul des redressements, car elles fausseraient les ratios moyens. Le nombre de juridictions pour lesquelles des données étaient disponibles est indiqué entre parenthèses.
Source : Tableau D.22 Vérifications : taux de succès et redressements établis.
L’examen des données permet de formuler quelques observations générales :
En moyenne, les taux d’ajustement des vérifications sont restés stables sur la période de 2018 à 2020 (voir le tableau 6.3). Cependant, les taux varient sensiblement selon les administrations prises en compte dans ce rapport, et vont du taux minime de 10 % en Slovénie et en Norvège à des taux atteignant 95 % et plus au Brésil, en Bulgarie et au Maroc (voir le graphique 6.7). (Les taux d’ajustement élevés peuvent bien sûr résulter de vérifications très ciblées).
L’ampleur des vérifications ressort également de l’examen des redressements établis. En moyenne, les redressements établis à la suite de vérifications représentent plus de 5 % des recettes totales collectées. Ils sont demeurés relativement stables au cours des années 2018, 2019 et 2020 (voir le tableau 6.3). Si l’on examine les données au niveau de chaque juridiction, on constate des écarts significatifs entre les 51 administrations qui ont été en mesure de fournir des données pour 2020 (voir le graphique 6.8).
La ventilation par type d’impôt montre que le ratio entre les redressements établis et les impôts collectés est plus élevé dans le cas de l’impôt sur les sociétés (IS). En moyenne, les redressements de l’IS en pourcentage de l’IS collecté s’élèvent à 11.7 %, soit un pourcentage plus de deux fois supérieur au pourcentage de la taxe sur la valeur ajoutée (4.6 %) et plus de quatre fois supérieur à celui de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (2.5 %) (voir le graphique 6.9).
Dans un grand nombre de juridictions, les redressements établis par les bureaux/programmes dédiés aux plus gros contribuables représentent une part importante des redressements liés aux vérifications (voir le graphique 6.10). En moyenne, les bureaux / programmes dédiés aux gros contribuables représentent environ 30 % du total des recettes supplémentaires liées aux vérifications (voir le tableau 6.2).
Basculement des activités de vérification vers un environnement virtuel
Par tradition, les administrations emploient différents types de vérifications, notamment des vérifications complètes ou d’un point précis, l’examen de la comptabilité et des enquêtes approfondies en cas de suspicion de fraude fiscale. Ces vérifications obligent généralement l’administration fiscale à se rendre dans les locaux du contribuable (vérifications sur place).
Les progrès technologiques ont amené les administrations à envisager de nouvelles méthodes pour dialoguer avec le contribuable lors d’un processus de contrôle, notamment la communication par voie électronique des documents relatifs à la vérification. Cette tendance s’est accentuée depuis la crise du Covid-19, car la fermeture des centres des impôts et le passage au télétravail d’un grand nombre de fonctionnaires des services fiscaux ont modifié la façon dont les vérifications sont menées.
Dans son rapport de 2021 intitulé Administration fiscale : la résilience numérique dans le contexte du COVID-19 (OCDE, 2021[6]), l’OCDE indique que sur les 32 administrations fiscales prises en compte dans le rapport, près de quatre-vingt-dix pour cent ont opéré un basculement de certaines composantes de l’activité de vérification sur place vers un mode virtuel/numérique. En outre, 76 % de ces administrations envisagent de continuer de mener leurs activités de vérification sur place sur un mode virtuel/numérique à l’avenir. Cette évolution est favorisée par l’utilisation accrue de la technologie dans les vérifications, ce qui contribue à améliorer l’efficacité. L’encadré 6.6 met en lumière certaines bonnes pratiques, dont l’exemple de l’Estonie qui doit être souligné, car il permet de favoriser la discipline fiscale en amont.
Encadré 6.6. Exemples nationaux - Utilisation de la technologie dans les vérifications
Chili – Radar fiscal
L’administration fiscale du Chili (Servicio de Impuestos Internos [SII]) utilise un processus décisionnel fondé sur des données qui consiste à procurer aux membres du personnel de vastes quantités de données présentées sous la forme la plus intuitive possible afin qu’ils les utilisent pour leurs activités. Le tableau de bord du radar fiscal vise à générer un aperçu qui permet aux membres du personnel de repérer les groupes de contribuables qui n’ont pas fait l’objet d’activités de contrôle. L'utilisateur peut consulter l’ensemble des contribuables et les déplacer à travers les différentes catégories institutionnelles, telles que la classification générale des risques, l'impact monétaire pour le système fiscal, le type et la taille de l'entreprise, la situation actuelle et la juridiction. Le tableau de bord présente également les différents types de comportements d’indiscipline fiscale et permet ainsi aux utilisateurs de retrouver les informations et de définir les différentes mesures à prendre pour un groupe ou en fonction d’une situation. Il peut également servir de point de départ à une analyse plus détaillée ou bien d’outil de gestion des connaissances. Ce tableau de bord et les analyses sur lesquelles il repose permettent à l’administration fiscale chilienne d'économiser environ 1 000 heures de travail par mois consacrées à l’analyse de données.
Voir à l’annexe 6.A les documents de référence.
Estonie - Service électronique pour l’évaluation du comportement fiscal
L’administration fiscale estonienne (Estonian Tax and Customs Board [ETCB]) a mis au point un nouveau service électronique pour l’évaluation de la discipline fiscale des entreprises qui est disponible depuis l’été 2020. Ce service utilise diverses données entrées pour évaluer les risques de l'entreprise. En font notamment partie les données sur le chiffre d'affaires, le nombre d'employés, le salaire moyen, les dettes fiscales, la discipline fiscale et les dirigeants de l'entreprise. Il calcule ensuite une note correspondant au comportement en matière de discipline fiscale, qui inclut le risque de vérification fiscale de chaque personne morale enregistrée en Estonie.
Les contribuables peuvent alors consulter leur propre situation et celle de leurs partenaires commerciaux en adoptant le point de vue de l’administration fiscale et se comparer à leurs pairs. Ils peuvent également partager leurs notes avec les autres utilisateurs du service, ou les rendre publiques, afin de montrer que leur entreprise respecte ses obligations fiscales. Ce service permet d'établir des relations fondées sur la confiance et de favoriser la discipline fiscale.
(Voir à l’annexe 6.A les liens vers les documents de référence).
Géorgie – Système de gestion des dossiers de vérification
En 2018, le service des recettes publiques du ministère des Finances de la Géorgie a entrepris de développer un nouveau système de vérification électronique en vue d’automatiser et de mettre en œuvre des processus de vérification fiscale efficaces. L’objet de ce système est le suivant :
Gestion et suivi efficaces des processus - Le système rassemble toutes les vérifications du service des vérifications (achevées et en cours) et le responsable a la possibilité de recevoir des informations complètes sur la vérification, en fonction du processus employé, y compris sur les activités menées dans le cadre d’un contrôle fiscal ainsi que les documents communiqués et créés.
Analyse et communication des résultats des vérifications - Le système permet une analyse complète des vérifications fiscales achevées, y compris des impôts exigibles par domaine d'activité. Il donne également la possibilité d'analyser les informations par rapport aux risques définis et permet ainsi une planification ultérieure.
Affectation des ressources - Les responsables peuvent connaître le nombre de questions traitées par un vérificateur ainsi que leur complexité. Cela peut faciliter la répartition des dossiers, car le système tient compte du temps passé par un vérificateur sur les tâches accomplies.
Source : Chili (2022), Estonie (2022) et Géorgie (2022).
Enquêtes sur les délits fiscaux
L’expression « délinquance fiscale » désigne tout comportement constitutif d’une infraction au droit fiscal et susceptible de faire l’objet d’une enquête, de poursuites et de sanctions en vertu des procédures pénales prévues par le système de justice pénale. Il existe diverses démarches organisationnelles de la réalisation d’enquêtes sur les délits fiscaux et l’enquête ISORA 2021 s’est penchée sur la responsabilité de diriger et de mener ces enquêtes.
Les informations rassemblées dans le cadre de l’enquête ISORA 2021 montrent que 55 % des administrations fiscales prises en compte dans cette publication prennent part à la réalisation d’enquêtes sur des délits fiscaux (tableau A 36). La plupart de ces administrations fiscales ont la double responsabilité de mener et de diriger des enquêtes sur les délits fiscaux tandis que les autres ont la responsabilité exclusive de mener les enquêtes, mais sous la direction ou l’autorité d’une autre instance comme la police ou le ministère public (voir le graphique 6.11).
Encadré 6.7. Rapports sur la délinquance fiscale publiés récemment par l’OCDE
Lutte contre la délinquance fiscale : les dix principes mondiaux (deuxième édition)
Publié pour la première fois en 2017, le rapport intitulé Lutte contre la délinquance fiscale : les dix principes mondiaux (OCDE, 2021[7]) constitue le premier guide d’envergure sur la lutte contre la délinquance fiscale. Il définit dix grands principes juridiques, institutionnels, administratifs et opérationnels à mettre en œuvre pour établir un système efficient et efficace permettant de repérer, d’enquêter et de poursuivre les délits fiscaux, tout en respectant les droits des suspects. Cette deuxième édition traite de nouvelles questions, comme la lutte contre les professionnels qui facilitent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc, ainsi que le renforcement de la coopération internationale pour le recouvrement des avoirs. S'appuyant sur l’expérience de juridictions du monde entier, le rapport met également en lumière des réussites dans la lutte contre l’utilisation abusive d'actifs virtuels, les enquêtes complexes associant des équipes conjointes et le recours aux nouvelles technologies pour réprimer les délits fiscaux et les autres délits financiers. Cette deuxième édition est complétée par une série de chapitres par pays, qui décrivent en détail le cadre de lutte contre les délits fiscaux dans chaque juridiction ainsi que les progrès accomplis dans la mise en œuvre des Dix principes mondiaux.
En finir avec le jeu de cache-cache : Réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et des délits d’affaires
Les délits en col blanc, comme la fraude fiscale, les pots-de-vin et la corruption, sont souvent occultés par des structures juridiques et des opérations financières complexes spécifiquement conçues par des juristes, des comptables, des établissements financiers et d’autres « intermédiaires fiscaux ». Cette criminalité a des répercussions substantielles sur les recettes publiques, la confiance des citoyens et la croissance économique, y compris sur la reprise post-COVID-19. Le rapport intitulé En finir avec les montages financiers abusifs : Réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc (OCDE, 2021[8]) met en lumière le rôle dommageable de ces intermédiaires et l’importance d’une action nationale ou internationale concertée pour les combattre. En s’appuyant sur les expériences de plusieurs juridictions, il décrit également les contre-stratégies recommandées pour dissuader ces professionnels d’apporter leur concours aux infractions fiscales et aux crimes d’affaires, mettre un terme à leurs activités, mener des enquêtes et engager des poursuites à leur encontre.
Dans les circonstances où les administrations fiscales n’ont pas la responsabilité de mener les enquêtes, elles sont confiées à une autre autorité, comme la police ou le ministère public. Il peut s’agir également d'un organisme fiscal spécialisé, établi en dehors de l’administration fiscale.
Le tableau 6.4. indique le nombre total de dossiers déférés pour poursuites durant l’année fiscale dans les 32 administrations qui ont la responsabilité de mener des enquêtes sur les délits fiscaux. Alors que le nombre de dossiers déférés pour poursuites était le même en 2018 et 2019, un recul significatif a été enregistré en 2020.
Cela ressort également des données par juridiction qui montrent que près des trois quarts des administrations qui ont la responsabilité de mener des enquêtes sur les délits fiscaux ont déféré moins de dossiers pour poursuites en 2020 (voir le tableau A 36).
Tableau 6.4. Dossiers d’enquête sur des délits fiscaux déférés pour poursuites
Année |
Nbre de dossiers déférés pour poursuites au cours de l’année fiscale |
Évolution en pourcentage (par rapport à l’année précédente) |
---|---|---|
2018 |
41 631 |
|
2019 |
40 426 |
-2.9 |
2020 |
33 874 |
-16.2 |
Note : Ne comprend que les administrations qui en ont la responsabilité.
Source : Tableau A.36 Enquêtes sur les délits fiscaux : rôle de l’administration et nombre de dossiers.
Cette baisse peut s’expliquer par plusieurs raisons. Il peut s’agir notamment d’un recul véritable des dossiers, les administrations réduisant les effectifs dans ce domaine dans le cadre d’une réaffectation plus générale des ressources en raison de la pandémie ou bien la pandémie peut avoir imposé des restrictions à la capacité de déférer des dossiers pour poursuites. Les futures éditions de cette série permettront de déterminer si la baisse de cette année était un phénomène passager lié à la pandémie ou bien l’amorce d’une tendance de longue durée.
La recherche de meilleures solutions pour combattre la délinquance fiscale est une priorité absolue, car le blanchiment de capitaux, la corruption, le financement du terrorisme et d’autres délits à caractère financier menacent les intérêts stratégiques, politiques et économiques de tous les pays. Les administrations fiscales, en tant que « gardiennes » d’un système financier solide, jouent un rôle crucial dans la lutte contre ces activités et sont en possession d’informations qui peuvent être décisives pour mener à bien une enquête pénale en matière fiscale. Combattre la délinquance fiscale exige d’améliorer la transparence et de déployer des efforts supplémentaires pour mobiliser les capacités des différents organismes publics, y compris au-delà des frontières, afin de prévenir et de détecter collectivement ces crimes et de poursuivre leurs auteurs, par une approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration et par la coopération internationale. L’encadré 6.8 en donne des exemples.
Encadré 6.8. Norvège – Risques émergents
Une évaluation des menaces communiquée par l’administration fiscale norvégienne (NTA) à la fin de 2021 a révélé des risques accrus de délinquance fiscale et liée au travail après la crise du COVID-19. La transition vers le numérique a également contribué à créer de nouvelles plateformes numériques utilisées par les criminels et les intermédiaires fiscaux. Il existe cinq menaces principales : les réseaux criminels, l’utilisation abusive de programmes d’aide financière, la criminalité liée au travail, les intermédiaires fiscaux et les possibilités d’activités illicites dans le cadre de la transition vers le numérique. La démarche de la NTA suppose une préparation, une collaboration interdisciplinaire et, si possible, la réalisation de changements et d’évolutions en temps réel.
En ce qui concerne les réseaux criminels, la NTA prévoit que ces réseaux se serviront à l’avenir plus largement de ces plateformes numériques pour mener et coordonner leurs activités criminelles. La grande criminalité revêt souvent un caractère systématique. Il peut s’agir d’activités transfrontières associées à d’autres types de crimes et de l’utilisation des « identités numériques vérifiées » d’autres personnes.
La NTA a également constaté que les registres publics sont exposés aux risques et qu’ils peuvent être manipulés par des criminels, notamment par le biais de déclarations et d’enregistrements incorrects. Certains acteurs criminels ont exploité délibérément les dispositions leur accordant des reports de paiement avant de demander l’application de l’insolvabilité, d’autres devraient suivre. On estime que les différents intermédiaires fiscaux, comme les avocats, les comptables et les autres professions financières contribuent à la dissimulation d’actifs ou de la propriété réelle dans le cadre d’une faillite.
Source : Norvège (2022).
Bibliographie
[6] OCDE (2021), « Administration fiscale : la résilience numérique dans le contexte du COVID-19 », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/addaac0c-fr.
[8] OCDE (2021), En finir avec les montages financiers abusifs : Réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/tax/crime/ending-the-shell-game-cracking-down-on-the-professionals-who-enable-tax-and-white-collar-crimes.htm (consulté le 13 May 2022).
[7] OCDE (2021), Lutte contre la délinquance fiscale ‒ les dix principes mondiaux, deuxième édition, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b64062dd-fr.
[4] OCDE (2020), Code of Conduct: Co-operation between tax administrations and sharing and gig economy platforms, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/code-of-conduct-co-operation-between-tax-administrations-and-sharing-and-gig-economy-platforms.pdf (consulté le 13 May 2022).
[3] OCDE (2020), Règles types de déclaration à l’intention des vendeurs relevant de l’économie du partage et de l’économie à la demande, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/echange-de-renseignements-fiscaux/regles-types-de-declaration-a-l-intention-des-vendeurs-relevant-de-l-economie-du-partage-et-de-l-economie-a-la-demande.htm (consulté le 13 May 2022).
[2] OCDE (2019), The Sharing and Gig Economy: Effective Taxation of Platform Sellers: Forum on Tax Administration, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/574b61f8-en.
[1] OCDE (2017), The Changing Tax Compliance Environment and the Role of Audit, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264282186-en.
[5] OCDE (2016), Advanced Analytics for Better Tax Administration: Putting Data to Work, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264256453-en.
Annexe 6.A. Liens vers des documents de référence (consultés le vendredi 13 mai 2022)
Encadré 6.1. – Italie : Lien vers un document plus détaillé sur la nouvelle méthode d’estimation de l’écart de TVA : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.6.1-italy-vat-gap-estimation.pdf
Encadré 6.2. – Argentine : Lien vers une présentation qui donne des informations supplémentaires sur la déclaration de TVA simple et pro forma : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.6.2-argentina-simple-and-pro-forma-vat-tax-return.pdf
Encadré 6.2. – France : Lien vers une présentation qui explique plus précisément le processus de détection des constructions non déclarées : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.6.2-france-foncier-innovant.pdf
Encadré 6.2. – Lituanie : Lien vers un document qui décrit plus en détail le projet visant à accroître la transparence des transactions de véhicules de seconde main : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.6.2-lithuania-car-dealerships.pdf
Encadré 6.2. – Espagne : Lien vers une présentation plus détaillée sur le projet d’analyse des résultats des actions de vérification : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.6.2-spain-tax-audit-feedback.pdf
Encadré 6.6. – Chili : Lien vers une vidéo qui donne des précisions supplémentaires sur le tableau de bord du radar fiscal : https://www.youtube.com/watch?v=Aic6RTav5AM
Encadré 6.6. – Estonie : Lien vers le site web de l’administration fiscale consacré au service électronique d’évaluation des comportements des contribuables, qui comprend des vidéos explicatives : https://www.emta.ee/en/business-client/e-services-training-courses/advice/what-tax-behaviour-ratings-tell-you