La gestion avisée de la pandémie de COVID-19 par les autorités de la Corée a permis de protéger la population et l’économie du pays. Le PIB par habitant a dépassé la moyenne de l’OCDE pour la première fois en 2020 : en effet, après avoir enregistré l’une des moins fortes contractions de tous les pays de l’OCDE, l’activité économique a ensuite affiché un rebond vigoureux tiré, par les exportations, en 2021 en 2021 et au début de 2022 (Graphique 1).
Études économiques de l’OCDE : Corée 2022 (version abrégée)
Résumé
L'économie se redresse
Le marché du travail se redresse. L’emploi a dépassé ses niveaux d’avant la crise, soutenu par l’évolution dans la santé et les services publics et par les programmes de création d’emplois. Dans le secteur manufacturier, l’emploi a retrouvé ses niveaux d’avant la crise, mais les services, qui nécessitent de nombreux contacts, sont à la traîne.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie pèse sur l’activité économique et met au jour les dépendances par rapport aux chaînes d’approvisionnement. Les liens commerciaux et financiers directs avec l’Ukraine et la Russie sont limités, et les stocks de pétrole et de gaz sont considérables. Toutefois, la dépendance à l’égard de ces deux pays en ce qui concerne les matières premières nécessaires à la production de semi-conducteurs montre bien la nécessité de résilience et de diversification des approvisionnements en intrants essentiels pour l’industrie.
La reprise va se poursuivre, bien qu’à un rythme plus lent. Le PIB réel devrait augmenter de 2.8 % en 2022, grâce aux nouvelles mesures de relance budgétaire du gouvernement Yoon, et de 2.2 % en 2023. La vague de contaminations par le variant Omicron et les perturbations des approvisionnements ont pesé sur l’activité économique au début de 2022, mais la levée de la quasi-totalité des restrictions a ouvert la voie à un redémarrage de la consommation dans les services nécessitant de nombreux contacts à partir de la fin du printemps, l’inflation exerçant toutefois un effet de freinage (Tableau 1).
Tableau 1. La reprise se poursuit
(Taux annuels de croissance, %, sauf indication contraire)
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2021 |
2022 |
2023 |
---|---|---|---|
Produit intérieur brut |
4.1 |
2.8 |
2.2 |
Consommation privée |
3.7 |
3.7 |
2.4 |
Consommation publique |
5.6 |
3.8 |
3.0 |
Formation brute de capital fixe |
2.8 |
-1.5 |
2.8 |
Exportations |
10.8 |
4.7 |
3.2 |
Importations |
10.1 |
2.6 |
4.2 |
Taux de chômage (% de la population active) |
3.6 |
2.9 |
2.6 |
Indice des prix à la consommation |
2.5 |
5.2 |
3.9 |
Solde de la balance courante1 |
4.9 |
4.3 |
4.0 |
Solde budgétaire des administrations publiques1 |
-0.8 |
-0.1 |
0.6 |
Dette brute des administrations publiques1 |
46.4 |
46.8 |
46.1 |
1. En pourcentage du PIB.
Source : Perspectives économiques de l’OCDE, n° 111, prévisions révisées à la date du 12 septembre 2022.
La politique monétaire est en voie de normalisation, sur fond de tensions inflationnistes fortes (Graphique 2). Malgré un fléchissement, l'inflation globale mesurée par la hausse des prix à la consommation est restée près de trois fois supérieure à l’objectif de 2 % en août 2022. L’inflation sous-jacente s'est établie à 4 %. Les hausses de salaire restent modérées. La Banque de Corée a réagi rapidement en s’engageant sur la voie de la normalisation en août 2021. À ce jour, elle a relevé à sept reprises son taux directeur pour le porter de 0.5 % à 2.5 %, ce qui a contribué à maintenir l’ancrage des anticipations d'inflation.
La dette publique demeure modeste en comparaison internationale, malgré les importants déficits budgétaires liés à la pandémie. Alors que la consommation s’oriente vers une nouvelle normalité, la poursuite des aides en lien avec la pandémie apportées aux entreprises pourrait freiner l'évolution structurelle nécessaire. Les augmentations futures des dépenses liées au vieillissement appellent également un rééquilibrage des aides à l’avenir.
Les objectifs de réduction des émissions nécessitent des efforts supplémentaires de la part des pouvoirs publics
La Corée est l’un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de toute l’OCDE. Elle s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % par rapport à leur niveau de 2018 d’ici 2023 et à atteindre la neutralité en GES pour 2050. Du fait de la forte intensité d’émission, des réductions d’émissions sont possibles, avec des avantages connexes considérables liés à la diminution de la pollution atmosphérique. Le nouvel accent mis sur le nucléaire y contribuera, mais il faut intensifier les investissements dans les énergies renouvelables, les infrastructures de transport et l’efficacité énergétique.
Le système d'échange de quotas d'émission (K-ETS) de la Corée, qui est le premier de l’Asie de l’Est, couvre environ les trois quarts des émissions du pays, mais il n’a pas encore été aligné sur les nouveaux objectifs de réduction des émissions, plus ambitieux. L’amélioration du cadre institutionnel du secteur de l’électricité permettrait de répercuter le coût marginal du carbone, ce qui renforcerait l’efficacité du K-ETS pour la production d’électricité, qui constitue un secteur émetteur majeur et d’importance systémique.
Dans leur grande majorité, les Coréens sont favorables à des politiques climatiques efficaces, à condition qu’une tarification explicite du carbone soit associée à des financements en faveur de technologies et d'infrastructures bas carbone (Graphique 3).
Les écarts de productivité sont source d’inégalités
Les écarts de productivité très importants entre les grandes et les petites entreprises soulèvent des préoccupations quant à l’insuffisance de la concurrence. Les réglementations sont strictes, surtout dans les services. Les grandes entreprises sont très productives et jouissent d'un pouvoir économique considérable. De leur côté, les petites et moyennes entreprises (PME), caractérisées par une faiblesse chronique de la productivité, reçoivent de nombreuses formes d'aide et bénéficient d'un traitement spécial qui leur permettent de se maintenir à flot. Le respect des droits des travailleurs à une assurance sociale et à un salaire minimum peut être amélioré.
Les écarts de productivité aboutissent à d'importantes inégalités de revenu, encore aggravées par le dualisme du marché du travail. L’incidence des travailleurs non réguliers est forte dans les petites entreprises comparée à celle qu’on observe dans les grandes. Les travailleurs réguliers employés dans les grandes entreprises bénéficient de hauts salaires (Graphique 4), d'une couverture sociale et d'une forte protection de l’emploi, tandis que les travailleurs non réguliers sont moins bien rémunérés, sont moins susceptibles de recevoir des prestations sociales au moment où ils en ont besoin et occupent plus souvent des emplois précaires.
Après la naissance d'un enfant, les femmes se retrouvent souvent du mauvais côté de ce marché du travail segmenté, ce qui a des conséquences extrêmement négatives sur leur situation future en termes de revenu et de sécurité sociale. Ce choix difficile entre carrière et famille s’explique en grande partie par les normes sociales et par des pratiques de travail inflexibles, mais la prise en charge par les employeurs d’une partie du coût du congé de maternité y aussi pour quelque chose. Cette situation freine l’emploi des femmes et conduit les jeunes femmes à différer la fondation d'une famille et à avoir moins d’enfants au cours de leur vie.
Du fait des fractures sociales, les jeunes ont du mal à se retrouver du « bon » côté
Confrontés aux écarts de productivité, au dualisme du marché du travail et aux faiblesses du système éducatif, les jeunes se livrent une concurrence acharnée pour entrer dans de bonnes universités et accéder à des carrières sûres et attrayantes dans les grandes entreprises et le secteur public.
Ce syndrome coréen de la « voie royale » explique le faible niveau d’emploi (Graphique 5) et de fondation d'un foyer parmi les jeunes, réduit la satisfaction à l’égard de l’existence et peut avoir des conséquences négatives à long terme.
La concurrence pour entrer dans les meilleures universités est intense, ce qui fait peser de fortes pressions sur les étudiants et entraîne d'importantes dépenses en cours de soutien privés. Pour sécuriser leur admission, de nombreux étudiants postulent dans des facultés qui ne correspondent pas à leurs centres d’intérêt ou à leurs capacités, si bien que les talents ne sont pas utilisés de manière optimale. Il y a peu de concurrence entre les universités, en partie du fait des quotas d’admission, qui ne sont pas suffisamment souples pour répondre aux besoins du marché du travail, en évolution rapide.
Le déclin de l’enseignement secondaire professionnel a alimenté le problème d’inadéquation entre les compétences des jeunes et les besoins du marché du travail. La part des étudiants fréquentant des établissements d’enseignement professionnel est passée de 40 % en 1995 à 18 % en 2021, ce qui s’explique en partie par une hausse de l’enseignement supérieur professionnel. De plus, le rôle de ces établissements a changé, car la proportion de diplômés de l’enseignement professionnel accédant à l’université est passée de 19 % à 44 %
Le filet de protection sociale est incomplet
Les défaillances du filet de sécurité sociale contribuent à la persistance d’un niveau élevé d’inégalités de revenu et de pauvreté, notamment chez les personnes âgées (Graphique 6).
Seule environ la moitié de la population active a accès à des prestations de chômage. De plus, il se peut que le système de prélèvements et de transferts de la Corée n'incite pas les personnes qui bénéficient d'une aide sociale ou d'allocations de chômage à prendre ou à reprendre un emploi faiblement rémunéré.
Le système de retraite coréen dans son ensemble ne permet pas de garantir un revenu de retraite adéquat à de nombreux seniors. La retraite de base est mal ciblée. Le niveau de prestations du régime national de retraite est généralement faible, en partie du fait de la brièveté des périodes de cotisation. Les travailleurs comme les employeurs préfèrent des indemnités de licenciement à des annuités de retraite, et la participation au régime de retraite individuel complémentaire est faible.
Malgré une assurance obligatoire, le coût de la santé et des soins de longue durée est trop élevé pour de nombreuses personnes âgées. Les personnes âgées en situation de pauvreté sont trop peu nombreuses à pouvoir prétendre à des prestations de santé au titre du Programme de garantie du minimum de subsistance. De nombreux bénéficiaires de soins de longue durée sont hospitalisés sans nécessité, du fait de la faiblesse des soins primaires, de l'absence de coordination entre les structures de soins de longue durée et les structures de santé, et du développement insuffisant des soins de longue durée à domicile et de proximité.
Principales conclusions |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
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Promouvoir une reprise résiliente |
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L’inflation est élevée et la vigueur de la reprise a réduit le volant de ressources économiques inutilisées, mais les incertitudes sont fortes. |
Assainir progressivement les finances publiques. |
La Banque de Corée a relevé son taux directeur en plusieurs étapes pour le porter à 2.50 %. |
Continuer de rendre l’orientation de la politique monétaire moins accommodante afin de contenir les anticipations d’inflation. |
Le vieillissement rapide de la population exercera des tensions budgétaires croissantes. Le gouvernement actuel prévoit de proposer une nouvelle règle budgétaire plus stricte que celle proposée par le précédent. |
Adopter la nouvelle règle budgétaire et veiller à ce qu’elle soit respectée. |
Atteindre les objectifs fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre |
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Le système coréen d’échange de quotas d’émission (K-ETS, Korean Emissions Trading Scheme) s’applique aux trois quarts des émissions nationales, mais son plafond d'émission n’a pas encore été aligné sur les objectifs de réduction des émissions, récemment renforcés. |
Aligner le plafonnement des quotas d’émission sur les objectifs nationaux de réduction des émissions et étendre la portée du système d’échange. |
L’amélioration du cadre institutionnel du secteur de l’électricité permettrait de répercuter le coût marginal du carbone, ce qui renforcerait l’efficacité du K-ETS pour la production d’électricité, qui constitue un secteur émetteur majeur et d’importance systémique. |
Réformer en profondeur le cadre institutionnel qui empêche la répercussion du prix du carbone et freine la réduction des émissions dans le secteur de l’électricité. |
Par ailleurs, 90 % des quotas d’émission sont alloués gratuitement aux entreprises. En Corée, 70 % de la population est favorable aux subventions en faveur des technologies bas carbone et des infrastructures environnementales, tandis que 80 % des Coréens souscrivent à la tarification du carbone si les recettes sont utilisées à de telles fins. |
Mettre aux enchères un plus grand volume de quotas d’émission destinés aux entités participant au K-ETS et en rattacher le produit aux subventions en faveur des technologies et infrastructures vertes. |
Réduire les écarts de productivité et le dualisme du marché du travail |
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L'écart de productivité entre les petites et les grandes entreprises est l’un des plus importants de toute la zone OCDE, et reflète la rigueur de la réglementation des marchés de produits. Les entreprises d’au moins 300 salariés proposent aux jeunes des rémunérations supérieures de 50 % à celles offertes dans les entreprises de moins de dix salariés, et l’écart s’accroît avec l’âge. |
Réduire le degré de rigueur de la réglementation des marchés de produits en passant à un système réglementaire complet reposant sur le principe des « listes négatives », en développant le recours à des bacs à sable réglementaires et en généralisant les réformes testées avec succès. |
Plus de 40 % des 15-29 ans en emploi sont des travailleurs non réguliers. Du fait du faible niveau des salaires et de la couverture sociale légale effective associé à ces emplois, les jeunes préfèrent attendre de trouver un emploi régulier plutôt que d’accepter un emploi non régulier. |
En finir avec le dualisme du marché du travail en assouplissant la législation de protection de l’emploi des travailleurs réguliers et en la rendant plus transparente, tout en augmentant le nombre d'affiliés à la sécurité sociale et en développant la formation des travailleurs non réguliers. |
Le montant des aides publiques accordées aux PME est supérieur à la moyenne de l’OCDE. Afin d’améliorer l’efficacité des mesures de soutien, les autorités ont créé deux dispositifs progressifs, pour les garanties de crédit aux entreprises technologiques en 2018 et pour les prêts administrés en 2019. En 2019, elles ont mis en place un dispositif d’évaluation, étayé par le système de gestion intégrée des PME. |
Élargir la couverture des dispositifs progressifs pour les PME pour faire en sorte que les aides publiques aux PME encouragent la croissance des entreprises innovantes plutôt que la survie de celles qui ne sont pas viables, tout en prévoyant des mesures de soutien pour les travailleurs touchés et en fournissant des services de formation et de placement. |
Les 60 premiers jours du congé de maternité sont normalement couverts par l’employeur (exception faite des PME), ce qui incite les entreprises à dissuader les employés de prendre un tel congé. |
S’orienter vers un accroissement du financement public du congé de maternité et de paternité, ainsi que du congé parental. |
Renforcer le filet de protection sociale |
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Environ la moitié de la main-d’œuvre peut avoir accès à des prestations d’assurance chômage, cette proportion s’expliquant par le faible niveau d'affiliation des travailleurs indépendants. Les prestations liées à la naissance d’un enfant sont également liées à l’assurance chômage. |
Inclure les travailleurs indépendants dans l’assurance chômage obligatoire, et prendre parallèlement des mesures plus efficaces pour faire appliquer les dispositions en vigueur. |
La pauvreté chez les personnes âgées est élevée. En Corée, les ressources limitées du régime de retraite de base sont saupoudrées sur une large fraction de la population âgée. Le gouvernement va créer un comité chargé d’examiner le système de retraite. |
Engager une vaste réforme des retraites pour garantir un revenu adéquat aux personnes âgées. Dans ce contexte, sous réserve de la réforme du système national de retraite, envisager d’abaisser le seuil des revenus de retraite de base et de relever le niveau des prestations pour mieux cibler les personnes ayant les besoins les plus importants. |
La plupart des pensions de retraite sont inférieures au seuil de pauvreté, principalement en raison de la brièveté des antécédents de cotisation et du niveau relativement faible des taux de remplacement. L’âge maximum de cotisation est de 60 ans, alors que l’âge d’ouverture des droits à pension est de 62 ans. |
Repousser l’âge d’ouverture des droits à pension au-delà de ce qui est actuellement prévu d’ici 2035 et le lier ensuite à l’espérance de vie, et faire coïncider l’âge maximum de cotisation et l’âge d’ouverture des droits à la retraite. |
La plupart des salariés optent pour le versement d'une somme forfaire plutôt que pour le régime de retraite d’entreprise, ce qui contribue à la faiblesse des revenus de retraite. |
Faire passer les indemnités de départ sur des comptes d'épargne-retraite individuels en plafonnant et en réduisant progressivement les montants pouvant faire l’objet de retraits forfaitaires anticipés, et en limitant les cas dans lesquels de tels retraits sont autorisés. |
De nombreux bénéficiaires de soins de longue durée (SLD) sont hospitalisés sans nécessité, en raison de l’existence d’incitations financières pour les usagers comme pour les prestataires, de la faible qualité des établissements de SLD et de l’absence de coordination entre les prestataires. |
Harmoniser les mécanismes de remboursement de l’assurance maladie et de l’assurance dépendance. |
Promouvoir l’emploi des jeunes |
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La priorité donnée à l’admission dans les meilleures universités fait peser d’intenses pressions sur les étudiants, entraîne d'importantes dépenses en cours de soutien privés et aboutit à un faible taux d’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur tout en réduisant l’attrait de l’enseignement professionnel. |
Donner aux étudiants plus de latitude pour développer leurs intérêts et leurs talents individuels, notamment en réduisant l’accent mis sur l’examen standard d'admission à l’université. |